LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° R 23-85.712 FS-B
N° 00780
SB4
24 JUIN 2025
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 24 JUIN 2025
La société [3] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, chambre correctionnelle, en date du 7 septembre 2023, qui, pour infractions au code de l'environnement, l'a condamnée à 10 000 euros d'amende, a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires, ampliatif, personnel et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.
Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société [3], les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de [4] du milieu aquatique, de l'association [1], de l'association [2], et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, M. Sottet, Mme Goanvic, M. Coirre, Mme Hairon, M. Busché, Mme Carbonaro, conseillers de la chambre, MM. Joly, Leblanc, Charmoillaux, Rouvière, conseillers référendaires, M. Tarabeux, avocat général, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. La société [3], ayant fait procéder à des travaux sur une centrale électrique qu'elle exploite sur l'Ardèche, a été poursuivie devant le tribunal correctionnel des chefs, d'une part, de mise en place sans autorisation d'une installation ou d'un ouvrage nuisible à l'eau ou au milieu aquatique, d'autre part, d'exploitation d'une installation ou exécution de travaux nuisibles à l'eau ou au milieu aquatique malgré décision d'opposition à travaux soumis à déclaration.
3. Les juges du premier degré l'ont déclarée coupable.
4. La prévenue a relevé appel de cette décision.
Examen de la recevabilité du mémoire personnel contestée en défense
5. Le pourvoi ayant été formé le 11 septembre 2023, le mémoire personnel reçu le 13 octobre 2023 est irrecevable en application de l'article 585-1 du code de procédure pénale.
Examen des moyens du mémoire ampliatif
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement et ainsi, a déclaré la société [3] coupable du délit de mise en place sans autorisation par personne morale d'une installation ou d'un ouvrage nuisible à l'eau ou au milieu aquatique commis du 1er août 2019 au 31 août 2020 à Barnas, a déclaré la société [3] coupable d'exploitation par personne morale d'une installation ou exécution de travaux nuisible à l'eau ou au milieu aquatique malgré opposition, installation ou travaux soumis à déclaration, commis du 1er août au 31 août 2019, a prononcé la remise en état des lieux par destruction de l'installation illicite et a prononcé sur la peine et les intérêts civils, alors :
« 2°/ qu'en toute hypothèse, la juridiction administrative est seule compétente pour se prononcer sur l'existence d'un droit d'usage de l'eau fondé sur titre ; qu'en jugeant, pour retenir la société [3] dans les liens de la prévention, que l'ouvrage n'avait plus aucune existence légale et n'était pas fondé en titre (arrêt, p. 9, § 7), quand seul le juge administratif était compétent pour juger si le droit fondé sur titre était ou non éteint, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les articles L. 173-1 dans sa version applicable, L. 214-1, L. 214-3 dans sa version applicable et L. 214-6, II, du code de l'environnement, ensemble la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III. »
Réponse de la Cour
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III :
7. Il appartient à la juridiction administrative de se prononcer sur l'existence ou la consistance d'un droit d'usage de l'eau fondé en titre ou sur titre et de statuer sur toute contestation sur l'un ou l'autre de ces points. Le juge judiciaire n'est compétent que pour connaître des contestations relatives à la personne titulaire d'un tel droit. Lorsque, dans le cadre d'un litige porté devant lui, l'existence ou la consistance du droit est contestée, le juge judiciaire reste compétent pour connaître du litige, sauf si cette contestation soulève une difficulté sérieuse, notamment parce qu'elle porte sur une décision affectant l'existence ou la consistance du droit que l'administration a prise ou qu'il pourrait lui être demandé de prendre dans l'exercice de ses pouvoirs de police de l'eau. Dans un tel cas, il appartient au juge judiciaire de saisir de cette question, par voie préjudicielle, le juge administratif.
9. Pour déclarer la société prévenue coupable de mise en place sans autorisation d'une installation ou d'un ouvrage nuisible à l'eau ou au milieu aquatique, l'arrêt attaqué énonce que l'ouvrage consistant dans la prise d'eau d'un barrage n'a plus aucune existence légale et n'est pas fondé en titre, le bénéficiaire du droit d'usage de l'eau en ayant été déchu par un arrêté préfectoral du 18 octobre 1900.
10. En se reconnaissant ainsi compétente pour statuer sur l'existence ou la consistance d'un droit d'usage de l'eau fondé en titre ou sur titre, qui faisait l'objet d'une contestation soulevant une difficulté sérieuse, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
11. La cassation est par conséquent encourue de ce chef, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation proposé, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nîmes, en date du 7 septembre 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Grenoble à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nîmes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt-cinq.