LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° E 24-82.463 F-B
N° 00889
GM
25 JUIN 2025
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 25 JUIN 2025
M. [C] [J] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-14, en date du 26 mars 2024, qui, pour détournement d¿objet saisi, l'a condamné à quatre mois d'emprisonnement avec sursis et 100 000 euros d'amende.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Piazza, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [C] [J], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Piazza, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par ordonnance du 3 février 2022, le juge des libertés et de la détention a ordonné la saisie, pour un montant de 698 186,75 euros, du compte bancaire ouvert dans les livres du [2] dont est titulaire la société [3].
3. L'ordonnance a été notifiée le 9 février 2022, notamment, à la société [3] et à M. [C] [J], son gérant.
4. Six virements extérieurs d'un montant total de 310 400 euros ont été enregistrés avant le blocage le 22 février suivant par la banque de la somme résiduelle de 191 378,95 euros.
5. Par jugement en date du 7 septembre 2022, le tribunal correctionnel a déclaré M. [J] coupable du délit susvisé et l'a condamné aux peines susdites.
6. M. [J] et le procureur de la République ont relevé appel du jugement.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [J] coupable des faits de détournement ou destruction par le saisi d'objet saisi et confié à sa garde, faits commis entre le 9 février 2022 et le 22 février 2022 à [Localité 1], [Localité 4], [Localité 6], [Localité 5], alors : « que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que le délit de détournement d'objet saisi prévu par l'article 314-6 du code pénal ne vise que le fait, par le saisi, de détruire ou de détourner un objet saisi entre ses mains « en garantie des droits d'un créancier » et confié à sa garde ou à celle d'un tiers ; que par suite, il ne vise pas les saisies pénales spéciales prévues au titre XXIX du livre IV du code pénal et réalisées « afin de garantir l'exécution de la peine complémentaire de confiscation » ; qu'en retenant, pour déclarer le prévenu coupable du délit de détournement d'objet saisi, que l'article 314-6 du code pénal régit également le cas où la saisie constitue une mesure préalable pour l'application d'une peine, la cour d'appel a violé les articles 111-4 et 314-6 du code pénal et 706-141 à 706-158 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 111-4 et 314-6 du code pénal :
8. Aux termes du premier de ces textes, la loi pénale est d'interprétation stricte.
9. Le second incrimine le fait, par le saisi, de détourner ou de détruire un objet saisi entre ses mains en garantie des droits d'un créancier, confié à sa garde ou à celle d'un tiers.
10. Pour déclarer le prévenu coupable de ce délit, l'arrêt attaqué énonce que, depuis 1895, la jurisprudence considère que les dispositions de l'ancien article 400 du code pénal devenu l'article 314-6 susvisé régissent aussi le cas où la saisie constitue une mesure préalable à l'application d'une peine.
11. Les juges ajoutent que l'ordonnance de saisie du juge des libertés et de la détention est motivée par la possibilité de prononcer une peine de confiscation pour des faits de pratique commerciale trompeuse et de violation des règles de démarchage.
12. Ils en déduisent que le délit de détournement de la saisie ainsi ordonnée en vue de prononcer une peine à l'égard de M. [J] entre dans le champ d'application de ce texte.
13. En statuant ainsi, alors que le texte d'incrimination susvisé exclut de son champ d'application les saisies pénales, la cour d'appel, qui a retenu la culpabilité de M. [J] du chef de détournement d'un objet pénalement saisi relevant de l'incrimination prévue par l'article 434-22 du code pénal, a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
14. La cassation est par conséquent encourue, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 26 mars 2024, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq juin deux mille vingt-cinq.