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25/06/2025 | FRANCE | N°C2501074

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 juin 2025, C2501074


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° V 25-83.079 F-B


N° 01074




SL2
25 JUIN 2025




CASSATION SANS RENVOI




M. BONNAL président,












R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 25 JUIN 2025




M. [M] [I] [Y] a formé d

es pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 1er avril 2025, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de tentative d'assassinat en bande organisée, ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° V 25-83.079 F-B

N° 01074

SL2
25 JUIN 2025

CASSATION SANS RENVOI

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 25 JUIN 2025

M. [M] [I] [Y] a formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 1er avril 2025, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de tentative d'assassinat en bande organisée, association de malfaiteurs et infractions à la législation sur les armes, en récidive, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme Jaillon, conseiller, les observations de la SCP Boullez, avocat de M. [M] [I] [Y], et les conclusions de M. Micolet, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 juin 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Jaillon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 14 mars 2024, M. [M] [I] [Y] a été mis en examen des chefs susvisés et placé en détention provisoire.

3. Par ordonnance du 10 mars 2025, le juge des libertés et de la détention a prolongé sa détention provisoire.

4. Le 14 mars 2025, M. [I] [Y] en a relevé appel.

Examen de la recevabilité du pourvoi formé le 10 avril 2025

5. Le demandeur, ayant épuisé, par l'exercice qu'il en a fait, le 8 avril 2025, le droit de se pourvoir contre l'arrêt attaqué, était irrecevable à se pourvoir à nouveau contre la même décision.

6. Seul est recevable le pourvoi formé le 8 avril 2025.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance prolongeant la détention provisoire de M. [I] [Y] à titre exceptionnel pour une durée de six mois, alors :

« 1°/ que l'avocat de la personne mise en examen doit être convoqué au plus tard cinq jours ouvrables avant la tenue du débat contradictoire ayant pour objet la prolongation de la détention provisoire de cette personne ; que, si le mis en examen refuse l'utilisation d'un moyen de télécommunication audiovisuelle et le débat est reporté pour ce motif à une nouvelle date, l'avocat doit être informé des date et heure auxquelles le débat a été renvoyé ; qu'en se bornant à énoncer qu'il n'était plus nécessaire de reconvoquer l'avocat de M. [I] [Y] après son refus d'utilisation d'un moyen de télécommunication audiovisuelle, sans vérifier que le premier avocat désigné de M. [I] [Y] a été informé des date et heure auxquelles le débat a été renvoyé, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 114, 145-2, 803-1, 706-71, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ qu'il résulte de l'article 115, alinéa 1er, du code de procédure pénale, que les parties, si elles désignent plusieurs avocats, doivent faire connaître celui d'entre eux auquel seront adressées les convocations et notifications, et qu'à défaut de ce choix, les convocations sont adressées à l'avocat premier choisi ; qu'en se satisfaisant de la convocation de Me [H] que M. [I] [Y] avait choisi en second, après la désignation de Me [L], sans vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, si le mis en examen avait souhaité que Me [H] reçoive les convocations et notifications, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard de la disposition précitée, ensemble les articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 114, 145-2, 803-1, 706-71, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 6, § 3, b, de la Convention européenne des droits de l'homme, 114, 115 et 145-1 du code de procédure pénale :

8. Il se déduit de ces textes qu'en cas de renvoi du débat contradictoire décidé par le juge des libertés et de la détention à la demande de l'avocat qui doit, en application du troisième de ces textes, recevoir les convocations, et qui a été régulièrement convoqué conformément au deuxième, cet avocat, s'il n'a pas à être à nouveau convoqué dans le délai de l'article précité, doit être avisé de la date et de l'heure auxquels se tiendra le débat ainsi renvoyé.
9. Pour rejeter le moyen de nullité soulevé et confirmer l'ordonnance ayant prolongé la détention provisoire de M. [I] [Y], l'arrêt attaqué énonce que, lors de son interrogatoire de première comparution, M. [I] [Y] a désigné M. [L], avocat, pour l'assister dans la suite de la procédure et que ce dernier a été convoqué régulièrement pour l'audience du débat contradictoire aux fins de prolongation de la détention provisoire devant se tenir le 28 février 2025.

10. Les juges retiennent que Mme [O], associée de M. [L] et le substituant, n'était pas présente au débat le 28 février 2025 mais a sollicité téléphoniquement un renvoi qui lui a été accordé.

11. Ils relèvent que le juge des libertés et de la détention a décidé de reporter le débat contradictoire au 10 mars 2025 à 11 heures 45 et que ni M. [L] ni Mme [O], qui n'avaient pas à l'être, n'ont été convoqués pour cette date.

12. Ils ajoutent que M. [H], avocat désigné en second par la personne mise en examen a été régulièrement convoqué pour le débat contradictoire du 10 mars 2025, et qu'il était présent à l'audience.

13. Ils en déduisent que la défense de M. [I] [Y] a été ainsi assurée même si ce dernier a refusé d'être assisté de M. [H], souhaitant la présence de M. [L].

14. En statuant ainsi, alors que M. [L], premier avocat désigné, qui avait été régulièrement convoqué pour le débat contradictoire du 28 février 2025, ou son associée Mme [O], n'ont pas été avisés de la date de son report, et que M. [H] n'avait pas été désigné pour recevoir les convocations, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.

15. La cassation est par conséquent encourue.

Portée et conséquences de la cassation

16. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.

17. M. [I] [Y] doit être remis en liberté, sauf s'il est détenu pour autre cause.

18. Cependant, les dispositions de l'article 803-7, alinéa 1, du code de procédure pénale permettent à la Cour de cassation de placer sous contrôle judiciaire la personne dont la détention provisoire est irrégulière en raison de la méconnaissances des formalités prévues par ce même code, dès lors qu'elle trouve dans les pièces de la procédure des éléments d'information pertinents et que la mesure apparaît indispensable pour assurer l'un des objectifs énumérés à l'article 144 du même code.

19. En l'espèce, il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable que M. [I] [Y] ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont le juge d'instruction est saisi.

20. La mesure de contrôle judiciaire est indispensable afin de :

- empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices, en ce que des interrogatoires et des confrontations doivent avoir lieu ;

- mettre fin à l'infraction ou prévenir son renouvellement, en ce que M. [I] [Y] a déjà été condamné à douze reprises, notamment pour des violences, et se trouve en récidive légale ;

- empêcher les pressions sur les témoins et les victimes, en ce que les faits s'inscrivent dans un contexte d'implantation d'un trafic de stupéfiants qui rend plausible la commission d'actes d'intimidation sur la victime et les témoins ;

- assurer la représentation en justice de l'intéressé, en ce que ce dernier, qui a quitté le territoire juste après la commission des faits et dont plusieurs condamnations ont été prononcées en son absence, ne dispose ni d'hébergement fiable ni de projet social.

21. Afin d'assurer ces objectifs, M. [I] [Y] sera astreint à se soumettre aux obligations précisées au dispositif.

22. Le magistrat chargé de l'information est compétent pour l'application des articles 139 et suivants et 141-2 et suivants du code de procédure pénale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Sur le pourvoi formé le 10 avril 2025 :

Le DÉCLARE IRRECEVABLE ;

Sur le pourvoi formé le 8 avril 2025 :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 1er avril 2025 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

CONSTATE que M. [I] [Y] est détenu sans titre depuis le 14 mars 2025 dans la présente procédure ;

ORDONNE la mise en liberté de M. [I] [Y] s'il n'est détenu pour autre cause ;

ORDONNE le placement le placement sous contrôle judiciaire de M. [I] [Y] ;

DIT qu'il est soumis aux obligations suivantes :

- Ne pas sortir des limites territoriales suivantes : la commune de [Localité 4], sauf pour répondre aux convocations de l'autorité judiciaire ou des enquêteurs, ou en cas d'urgence médicale dûment justifiée ;

- Ne s'absenter de son domicile ou de sa résidence, qu'il convient de fixer [Adresse 2], qu'aux conditions et pour les motifs suivants : entre 10 heures et 13 heures, sauf pour répondre aux convocations de l'autorité judiciaire ou des enquêteurs, ou en cas d'urgence médicale dûment justifiée ;

- Se présenter avant le 26 juin 2025 à 18 heures et ensuite chaque jour avant 12 heures au commissariat de police de [Localité 3], [Adresse 1] ;

- Remettre, avant le 26 juin 2025 à 18 heures, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité, au commissariat de police désigné ci-dessus, les documents justificatifs de l'identité suivants : passeport, carte nationale d'identité ;

- S'abstenir de recevoir ou de rencontrer, ainsi que d'entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit, les personnes suivantes : MM. [C] et [U] [A], [T] [B] et [K] [X], personnes mises en examen, ainsi que MM. [S] et [Z] [R], parties civiles ;

- Ne pas détenir ou porter une arme ;

DÉSIGNE le magistrat chargé de l'information aux fins d'assurer le contrôle de la présente mesure de sûreté ;

RAPPELLE qu'en application de l'article 141-2 du code de procédure pénale, toute violation de l'une quelconque des obligations ci-dessus expose la personne sous contrôle judiciaire à un placement en détention provisoire ;

DIT que le parquet général de cette Cour fera procéder aux diligences prévues par l'article 138-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq juin deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2501074
Date de la décision : 25/06/2025
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi

Analyses

DETENTION PROVISOIRE


Références :

Publié au bulletin

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, 01 avril 2025


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 25 jui. 2025, pourvoi n°C2501074


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal (président)
Avocat(s) : SCP Boullez

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:C2501074
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