N° 10111 du rôle Inscrit le 1er juillet 1997 Audience publique du 14 janvier 1998
=============================
Recours formé par les époux…SCHAEFFER-… BECHTER, Luxembourg contre le directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------
---
Vu la requête déposée le 1er juillet 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Maria DENNEWALD, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur…SCHAEFFER, …, et de son épouse, Madame … BECHTER, …, les deux demeurant ensemble à…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation du bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 1992, émis le 9 septembre 1993, rejetant la déduction des dépenses engagées au titre de travaux de rénovation de leur immeuble sis à l’adresse précitée en les qualifiant de travaux de transformation et en statuant que ces dépenses constituent des dépenses d’investissement et non des frais d’entretien, le recours étant introduit en ordre subsidiaire contre la décision implicite de rejet du directeur de l’administration des Contributions directes face à leur réclamation du 26 octobre 1993;
Vu le mémoire en réponse déposé le 19 novembre 1997 au greffe du tribunal administratif par le délégué du Gouvernement;
Vu le mémoire en réplique déposé le 26 novembre 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Maria DENNEWALD, au nom des époux…SCHAEFFER-… BECHTER;
Vu les pièces versées et notamment le bulletin d’impôt critiqué;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Maria DENNEWALD, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives.
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------
---
Considérant que Monsieur…SCHAEFFER, …, et son épouse Madame … BECHTER, …, demeurant ensemble à…, ont acquis en 1973 la maison unifamiliale située à l’adresse précitée, laquelle a constitué leur domicile jusqu’en décembre 1991, date à laquelle ils se sont installés à Luxembourg-…, jusqu’en décembre 1992, période de réalisation de nombreux travaux à leur immeuble premier cité, consistant notamment en la réfection de la toiture et de la charpente, partiellement pourrie, le renforcement de plusieurs murs pour garantir la solidité des 1 dalles en béton appelées à remplacer les dalles en bois, ainsi que l’adjonction d’une construction de coin au niveau de l’ancienne entrée et d’une véranda au rez-de-chaussée de la façade arrière;
Que le coût total des frais ainsi engagés est évalué par les époux SCHAEFFER-
BECHTER à…- francs sur lesquels, d’après eux, ….- francs constituent des dépenses d’investissement, laissant subsister un montant de …- francs représentant, toujours selon eux, des frais d’entretien, auxquels s’ajoutent des intérêts débiteurs à hauteur de …- francs portant la perte de location ainsi déclarée à …- francs;
Que dans leur déclaration fiscale relative à l’impôt sur le revenu pour l’année 1992, ils ont déduit la moitié du montant prédit de …- francs, soit …- francs au titre de dépenses de rénovation, l’autre moitié ayant été mise en compte dans la déclaration fiscale afférente à l’année 1993, pour laquelle ils indiquent qu’aucune décision n’était encore intervenue au moment de l’introduction de leur recours;
Qu’ils déclarent avoir procédé ainsi sur conseil du bureau d’imposition Luxembourg IX dont ils relevaient anciennement;
Que dans le bulletin d’imposition critiqué du 9 septembre 1993, le bureau d’imposition Luxembourg VI, devenu entretemps compétent pour les demandeurs, a rejeté les frais ainsi déduits pour l’année 1992 en ce que « les travaux de transformation de l’immeuble situé à Luxembourg, …, constituent des dépenses d’investissement et non des frais d’entretien»;
Qu’en date du 26 octobre 1993, les demandeurs ont adressé une réclamation au directeur de l’administration des Contributions directes contre le dit bulletin d’imposition;
Qu’aucune décision directoriale n’étant intervenue, ils ont formulé en date du 1er juillet 1997 le recours actuellement sous analyse tendant principalement à la réformation, subsidiairement à l’annulation du bulletin d’imposition précité du 9 septembre 1993 en ce qu’il a rejeté les dépenses engagées au titre de travaux de rénovation de leur immeuble en les qualifiant de travaux de transformation et en statuant que ces dépenses constituent des dépenses d’investissement et non des frais d’entretien, de même qu’en ordre subsidiaire, contre la décision implicite de rejet émanant du silence de plus de six mois dans le chef du directeur de l’administration des Contributions directes, conformément à l’article 97 (2) de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif;
Qu’au fond, les demandeurs insistent pour dire que les frais par eux déduits dans le cadre de la déclaration d’impôt sur le revenu pour l’année 1992, constituent des frais d’entretien (Instandsetzungskosten), parce qu’ils ne répondraient pas aux trois critères majeurs qualifiant les dépenses d’investissement (Herstellungskosten), à savoir: - Vermehrung der Substanz, - Wesensänderung, - erhebliche Verbesserung des bisherigen Zustandes;
Que dans leur requête, les demandeurs de préciser leur définition des trois critères afférents en retenant tout d’abord que, d’après eux, la Vermehrung der Substanz prévoirait une installation nouvelle, des parois supplémentaires ce qui, à part pour la véranda, - comprise parmi les frais d’investissement de ….- francs -, ne serait pas le cas en l’espèce;
2 Qu’en second lieu, la Änderung der Wesensart présupposerait un changement de destination, tandis qu’en l’espèce, l’immeuble en question a été le domicile des demandeurs à partir de son acquisition jusqu’au commencement des travaux pour le redevenir à nouveau après l’accomplissement desdits travaux, entraînant qu’il n’y aurait pas eu en l’occurrence de changement de destination;
Que les demandeurs admettent que le troisième critère, erhebliche Verbesserung, pourrait être sujet a priori à discussion, mais que conformément à la jurisprudence allemande en la matière, les travaux par eux déployés représenteraient des travaux d’entretien (Instandsetzungskosten);
Qu’en citant différents arrêts du Bundesfinanzhof, ils font valoir que cette qualification serait encore de mise, même si tous les travaux afférents ont été concentrés sur une seule année, que le montant fut élevé et que le frais engagés ont engendré l’adaptation de l’habitation au progrès technique moderne;
Que cette même qualification subsisterait encore, dans le cas de l’ajout d’une véranda, dans la mesure où celle-ci ne constituerait pas une partie essentiellement intégrante de l’ensemble des travaux engagés, mais pourrait être aisément détachée du reste des autres travaux effectués;
Que les demandeurs sollicitent en ordre principal la réformation de la décision déférée en ce sens qu’un montant de ….- francs soit reconnu au titre de frais d’entretien pour l’exercice 1992;
Qu’en ordre subsidiaire, ils concluent à l’annulation du bulletin d’imposition de l’année 1992 pour incompétence, sinon excès ou détournement de pouvoir, sinon violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés;
Considérant que dans son mémoire en réponse, le délégué du Gouvernement conclut à la recevabilité du recours régulièrement introduit le 1er juillet 1997, faute de décision directoriale sur la réclamation du 26 octobre 1993;
Qu’il fait préciser que l’imposition serait critiquée en ce que la perte de location déclarée de ….- francs aurait été ramenée à ….- francs, au motif que les dépenses effectuées dans la maison sise rue des Anémones n’étaient pas des dépenses d’entretien immédiatement déductibles au titre de frais d’obtention, mais des dépenses d’investissement venant accroître le coût d’acquisition;
Que d’après le représentant étatique, la jurisprudence dont se prévalent les demandeurs pour appuyer la qualification des dépenses comme frais d’entretien, soulignerait elle-même que les travaux doivent être qualifiés dans leur ensemble et qu’il n’y aurait pas lieu d’isoler ceux qui relèvent de l’entretien par opposition aux autres;
Que de ce point de vue, la réclamation ne serait pas fondée, les demandeurs ayant eux-
même considéré que les travaux, à raison d’environ cinq millions de francs sur l’import total de treize millions de francs, seraient à considérer comme dépenses d’investissement, tout en soulignant que la déduction ne serait demandée que pour la moitié des huit millions de francs restants;
3 Que dès lors le recours ne serait pas fondé;
Considérant que dans leur mémoire en réplique, les demandeurs renvoyent à l’arrêt du Bundesfinanzhof du 3 décembre 1964 par eux antérieurement cité, pour souligner que la jurisprudence allemande aurait précisément retenu que les dépenses d’investissement pouvaient échoir ensemble avec des dépenses d’entretien, et que notamment dans le cas où le coût de la jonction de deux bâtiments était à considérer comme frais d’investissement (Herstellungskosten), les dépenses pour la rénovation de l’ancien bâtiment étaient à traiter comme travaux d’entretien (Instandsetzungskosten);
Qu’ils déduisent de l’absence d’autre argumentation de la part du délégué du Gouvernement sur la jurisprudence par eux citée, que tous les autres éléments par eux soulevés seraient de ce fait reconnus valables par le représentant étatique;
Qu’ils insistent encore pour dire qu’ils auraient fait fruit de la possibilité légale d’amortir les frais d’entretien sur plusieurs années, en les répartissant en l’espèce sur deux exercices, seulement la moitié des frais par eux retenus ayant été déduite dans le cadre de la déclaration de l’impôt sur le revenu pour l’année 1992 actuellement visée;
Considérant qu’introduit après l’écoulement de six mois après l’entrée en vigueur le 1er janvier 1997 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, sans que la réclamation du 26 octobre 1993 n’ait été toisée par le directeur de l’administration des Contributions directes, le recours en réformation est recevable pour avoir été par ailleurs introduit suivant les formes prévues par la loi;
Que le recours en annulation formé en ordre subsidiaire est par conséquent irrecevable;
Considérant au fond qu’il est constant que la déduction des frais d’entretien en tant que frais d’obtention opérée par rapport au revenu provenant de la location de biens, considérée dans le chef de l’habitation occupée par le propriétaire y compris les dépendances, tel que prévu par l’article 98 (1), alinéa 5 de la loi sur l’impôt sur le revenu, n’est envisageable que pour la période précédant l’emménagement du propriétaire dans l’immeuble choisi comme étant son habitation et ne concerne en l’espèce que la période allant de janvier à décembre 1992;
Que plus particulièrement, l’import total des travaux effectués par les époux SCHAEFFER-BECHTER à leur maison, sise à Luxembourg, …, durant l’année 1992 s’élève à ….- francs, ventilés comme suit d’après les indications par eux jointes à leur déclaration concernant l’impôt sur le revenu pour l’année 1992:
Frais engagés Enlèvement et réfection de la charpente …,-
Couverture en ardoises et zinguerie …,-
Menuiserie extérieure …,-
Travaux de replâtrage …,-
4 Travaux de peinture …,-
Travaux de façade …,-
Tablettes de fenêtres …,-
Travaux de carrelage …,-
Réfection escalier et sols …,-
Démolition des planchers, escaliers …,-
Confection de dalles en béton armé …,-
---------------------------
…,-
Tva à supporter après remboursement de la différence par l’Enregistrement …,-
---------------------------
Erhaltungskosten …,-
Herstellungskosten …,-
Coût total …,-
Que compte tenu des intérêts débiteurs mis en compte à raison de….- francs pour l’exercice 1992, la perte totale de location est émargée par eux à … + … = …- francs;
Que la question soulevée est celle de savoir dans quelle mesure le montant de ….-
francs, représentant d’après les demandeurs 50% des dépenses de rénovation, est à considérer comme représentant des frais d’entretien effectivement déductibles au titre de frais d’obtention pour l’année 1992;
Qu’il échet de préciser que dans la mesure où la perte totale de location déclarée de ….-
francs a été ramenée à ….- francs par le bureau d’imposition, y maintenant notamment les intérêts débiteurs, seul le montant différentiel afférent étant représentatif des frais d’entretien ainsi qualifiés par les demandeurs et non retenus comme tels par l’administration;
Qu’il est encore constant que la distinction entre dépenses d’entretien (Erhaltungsaufwand) et dépenses d’investissement (Herstellungsaufwand) est usuellement opérée à partir de trois critères, dont l’établissement d’un seul suffit pour qualifier la dépense concernée de frais d’investissement, étant entendu que dans le doute sur la nature exacte d’une dépense considérée, celle-ci est à qualifier de dépense d’entretien;
Que plus particulièrement, les trois critères en question s’articulent en soit une augmentation essentielle de la substance du bâtiment par la création d’éléments nouveaux (Vermehrung der Substanz), soit un changement de la nature du bâtiment dans le sens d’une modification d’affectation ou d’utilisation (Änderung der Wesensart), soit une amélioration considérable de l’état antérieur du bâtiment de façon qu’il y a naissance d’un bien économique nouveau (erhebliche Verbesserung);
Considérant qu’il résulte des explications fournies par les demandeurs à l’audience, sur base des plans déposés à la demande du tribunal, que les travaux par eux engagés n’ont pas seulement comporté la réfection entière de la charpente et de la toiture, ainsi que l’intégration de dalles en béton, de même que l’adjonction d’une véranda sur la façade arrière, mais qu’ils ont également englobé l’agrandissement de l’immeuble existant sur les façades devant et latérale gauche, du côté du passage libre, par la construction d’une structure de coin nouvelle à 5 hauteur de l’ancienne entrée principale s’ajoutant à tous les niveaux de la construction ainsi considérée, y compris le sous-sol et la toiture;
Que cette dernière adjonction constitue un élément indissociable intégré à la construction existante et portant extension de la surface habitable disponible, engendrant ainsi une augmentation essentielle de la substance du bâtiment existant;
Que les frais de construction afférents considérés sous le reflet de l’envergure du coût total des travaux engagés au courant d’un seul exercice fiscal, se trouvent être en relation fonctionnelle avec les travaux de réfection entière de la charpente et de la toiture, ainsi que de l’intégration de dalles en béton, exécutés sur les parties non séparées de la construction existante, sans préjudice par ailleurs du caractère éventuellement détachable de la véranda considérée en tant que telle;
Que par ce seul critère de l’augmentation essentielle de la substance du bâtiment existant par la création d’éléments nouveaux vérifié et réalisé en l’espèce, l’ensemble des dépenses engagées en 1992 par les époux SCHAEFFER-BECHTER relativement à leur maison d’habitation, sise 40, rue des Anémones à Luxembourg, est à qualifier de frais d’investissement, à l’exclusion des intérêts débiteurs, reconnus comme tels par le bulletin d’imposition, et sans qu’il n’y ait lieu d’analyser plus loin l’application pertinente éventuelle des deux autres critères par rapport à l’immeuble considéré;
Que partant le recours laisse d’être fondé;
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;
reçoit le recours en réformation en la forme;
au fond le dit non justifié;
partant en déboute;
dit le recours en annulation irrecevable;
laisse les frais à charge des demandeurs.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 janvier 1998, à laquelle assistaient:
M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge M. Schmit, greffier assumé 6 Schmit Delaporte 7