Numéro 10070 du rôle Inscrit le 17 juin 1997 Audience publique du 4 février 1998 Recours formé par Monsieur … WEIS contre la ministre des Transports en matière de permis de conduire
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Vu la requête, inscrite sous le numéro du rôle 10070, déposée le 17 juin 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Luc GONNER, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur … WEIS, demeurant à …, tendant à l’annulation de l’arrêté de la ministre des Transports du 17 mars 1997 portant retrait de son permis de conduire un véhicule automoteur et un cycle à moteur auxiliaire;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 novembre 1997;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Jean-Luc GONNER, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives.
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Faisant suite à une interdiction de conduire prononcée le 9 janvier 1995 par la Cour d’appel de Luxembourg, la ministre des Transports, par courrier du 29 octobre 1996, a saisi le Procureur général d’Etat d’une demande d’avis au sujet d’un éventuel retrait administratif du permis de conduire de Monsieur … WEIS, demeurant à ….
Un rapport de la brigade de Colmar-Berg de la gendarmerie grand-ducale du 16 novembre 1996, versé au dossier, retient notamment qu’il ressort d’une communication du Parquet de Trèves (D) que Monsieur WEIS « nach wie vor dem Genuss von alkoholischen Getränken zuspricht », vu qu’il a été condamné le 1er juillet 1996 à une interdiction de conduire en Allemagne pour « fahrlässige Trunkenheit im Verkehr »; que, dans un passé récent, Monsieur WEIS n’a pas fait l’objet d’un constat d’infraction au Luxembourg; qu’il prétend ne pas avoir causé d’accidents de la circulation; qu’il déclare avoir besoin de son permis de conduire dans le cadre de son entreprise pour visiter ses clients et pour surveiller les travaux;
que cependant le besoin réel ainsi invoqué se limiterait à la période entre 8:00 et 18:00 heures et qu’il habiterait dans une localité disposant de bonnes connexions au réseau des transports publics.
Sur base de ce rapport et du casier judiciaire de Monsieur WEIS, le Procureur général d’Etat a soumis à la ministre des Transports le 27 novembre 1996 son avis concluant « qu’il y a lieu à retrait administratif du permis de conduire ».
Par courrier du 23 janvier 1997, Monsieur WEIS a été convoqué devant la commission spéciale des permis de conduire afin d’être entendu sur un retrait administratif éventuel de son permis de conduire. Lors de son audition en date du 26 février 1997, il a notamment déclaré qu’il ne boit normalement pas d’alcool, que sa consommation dans le passé était souvent liée à des réunions d’ordre professionnel avec des architectes, mais qu’il serait conscient de ce que la consommation d’alcool et la conduite d’une voiture ne vont pas ensemble et qu’il aurait absolument besoin de son permis de conduire pour faire fonctionner son entreprise. La commission a émis le 26 février 1997 la proposition « de procéder au retrait administratif du permis de conduire de l’intéressé ».
La ministre des Transports, se basant sur l’enquête judiciaire et l’avis de la commission spéciale prévisés, a retiré, par arrêté du 17 mars 1997, le permis de conduire un véhicule automoteur et un cycle à moteur auxiliaire, ainsi que les permis de conduire internationaux éventuels, à Monsieur WEIS au motif qu’il serait « dépourvu du sens des responsabilités requis, dans l’intérêt de la sécurité routière, pour la conduite d’un véhicule ».
Par requête déposée le 17 juin 1997, Monsieur WEIS a fait introduire un recours en annulation contre ledit arrêté ministériel du 17 mars 1997.
A l’appui de son recours, il soutient que la ministre ne saurait invoquer l’absence du sens des responsabilités dans son chef pour lui retirer son permis de conduire, étant donné que ce motif serait contredit par le fait qu’il est le gérant de la société « S.à r.l. Weis … - Entreprise de Couverture, Ferblanterie » employant 13 salariés et qu’il assure la direction de celle-ci avec toute la compétence et la responsabilité requises. Tout en reconnaissant avoir fait l’objet de plusieurs condamnations pour infractions au code de la route, notamment pour avoir conduit en présentant des signes manifestes d’ivresse, il relève qu’il n’aurait pas fait l’objet d’un constat d’infraction au Grand-Duché pendant toute la durée de validité d’un arrêté de grâce du 21 mars 1995 ayant levé partiellement pour huit mois l’interdiction de conduire générale prononcée par voie judiciaire, élément qui établirait qu’il n’est pas dépourvu du sens des responsabilités requis.
Monsieur WEIS conclut que, si ses égarements passés doivent être sanctionnés, le retrait de son permis de conduire serait néanmoins injustifié et il demande l’annulation de l’arrêté déféré en ce que sa motivation serait entachée de violation de la loi, d’excès de pouvoir, sinon d’abus de pouvoir.
Le délégué du Gouvernement répond que le moyen tiré d’une violation de la loi serait à écarter, l’article 2 de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques prévoyant la possibilité du retrait administratif du permis de conduire dès lors que son titulaire ne dispose pas du sens des responsabilités requis, dans l’intérêt de la sécurité routière, pour la conduite d’un véhicule.
Le représentant étatique ajoute que le demandeur a subi entre mai 1993 et octobre 1994 deux condamnations pénales pour avoir conduit en présentant des signes manifestes d’ivresse pour avoir refusé de se prêter à une prise de sang. En outre, il a été condamné le 1er juillet 1996 2 par le Amtsgericht de Bitburg à une interdiction de conduire de sept mois en Allemagne pour « fahrlässige Trunkenheit im Verkehr », et ce malgré un arrêté de grâce du 21 mars 1995 l’ayant fait bénéficier d’une levée partielle de l’interdiction de conduire alors en vigueur. Le demandeur aurait ainsi fait l’objet de trois condamnations pour infractions graves au code de la route en trois ans, de sorte que la ministre, loin de violer la loi, aurait considéré à juste titre qu’un homme âgé de 47 ans et condamné trois fois pour avoir conduit en état d’ivresse, ne disposerait plus du sens des responsabilités requis pour la conduite d’un véhicule automoteur.
Le représentant étatique conclut que la ministre n’aurait pas non plus excédé ses pouvoirs ou abusé de ceux-ci, étant donné que la loi lui confère le droit de procéder, dans l’intérêt de la sécurité routière, au retrait administratif du permis de conduire.
Aucune disposition légale ne prévoyant en matière de retrait du permis de conduire un recours de pleine juridiction, le recours en annulation, par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.
Quant au fond, l’article 2 de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques prévoit que le ministre des transports ou son délégué peuvent retirer le permis de conduire notamment lorsque l’intéressé « 3) .. est dépourvu du sens des responsabilités requis, dans l’intérêt de la sécurité routière, pour la conduite d’un véhicule ».
Le tribunal constate, sur base du casier judiciaire du demandeur, que ce dernier a fait l’objet d’une première condamnation par jugement du tribunal correctionnel de Diekirch du 7 mai 1993 à une amende de 40.000 francs et à une interdiction de conduire de 2 ans pour avoir circulé en présentant des signes manifestes d’ivresse pour avoir refusé de se prêter à la prise de sang, ainsi que d’une seconde condamnation du 6 octobre 1994 prononcée par la même juridiction, confirmée sur appel par arrêt de la Cour d’appel du 9 janvier 1995, le condamnant du chef d’infractions identiques, et pour défaut de se comporter raisonnablement et prudemment, à une amende de 50.000 francs et à une interdiction de conduire partielle de 30 mois excluant les trajets effectués dans l’intérêt de sa profession entre 6:00 et 20:00 heures. Le demandeur a bénéficié d’un arrêté de grâce du 21 mars 1995, concernant le premier jugement précité, ayant opéré la mainlevée à titre d’essai pour une période de 8 mois de l’interdiction de conduire avec limitation aux trajets entre le domicile et le lieu de travail et aux trajets professionnels les jours ouvrables entre 6:00 et 20:00 heures. Il ressort encore du dossier que le demandeur a été condamné par jugement de l’Amtsgericht de Bitburg (D) du 1er juillet 1996 à une interdiction de conduire en Allemagne de 7 mois pour avoir commis l’infraction de « fahrlässige Trunkenheit im Verkehr ».
Avant la prise d’une mesure administrative en matière de permis de conduire, le ministre compétent est appelé à examiner le comportement global de la personne concernée, sa décision devant être assise en principe sur des éléments suffisamment récents pour être susceptibles de renseigner en ce moment sur l’attitude actuelle de l’intéressé. En l’espèce, le demandeur a conduit deux fois au cours d’une période de moins d’un an et demi un véhicule sous l’influence d’alcool et a opposé son refus à la prise de sang destinée à établir son taux d’alcool, ayant ainsi commis dans un laps de temps plus ou moins court deux infractions d’une gravité certaine. Pour le surplus, après avoir bénéficié, dans l’intérêt de l’exercice de sa profession, de la faveur personnelle et exceptionnelle d’une grâce ayant levé partiellement, à titre d’essai temporaire, l’interdiction de conduire générale prononcée par le premier jugement précité, le demandeur a de nouveau été condamné pour avoir conduit un véhicule sous l’influence d’alcool, la 3 circonstance que le fait a eu lieu en Allemagne n’empêchant pas sa prise en compte pour apprécier le comportement du demandeur dans le cadre visé par le présent litige.
Dans ces circonstances, la ministre a pu estimer valablement et par une saine appréciation des circonstances de droit et de fait que le demandeur était dépourvu du sens des responsabilités requis pour la conduite d’un véhicule et ordonner le retrait de son permis de conduire, la circonstance de l’absence d’une autre mesure administrative moins grave, prévue par l’article 2 précité, préalable au retrait pur et simple n’étant pas de nature à énerver la légalité de l’arrêté attaqué en l’espèce, au vu de la circonstance que, malgré le bénéfice d’un arrêté de grâce, Monsieur WEIS a néanmoins réitéré une infraction liée à l’abus d’alcool.
La ministre ayant ainsi légalement retenu que le demandeur est dépourvu du sens de responsabilité requis, dans l’intérêt de la sécurité routière, pour la conduite d’un véhicule, les arguments tirés du besoin de Monsieur WEIS de disposer de sa voiture pour les besoins de son entreprise et les pièces versées tendant à prouver l’absence de consommation d’alcool dans un passé récent ne sont pas de nature à énerver la régularité de l’arrêté ministériel déféré, appréciée à la date de son édiction. Par ailleurs, le sens des responsabilités dont le demandeur se prévaut dans la direction de son entreprise ne saurait constituer une preuve de son sens des responsabilités pour la conduite d’un véhicule.
Il découle des développements qui précèdent que le recours laisse d’être fondé.
PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par:
M. CAMPILL, premier juge, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, et lu à l’audience publique du 4 février 1998 par M. SCHROEDER, délégué à cette fin, en présence du greffier.
s. SCHMIT s. CAMPILL greffier assumé premier juge 4