Numéro 10402 du rôle Inscrit le 10 novembre 1997 Audience publique du 9 mars 1998 Recours formé par Monsieur…GUILIANELLI contre le directeur de l’administration des Contributions directes en matière de classes d’impôt
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Vu la requête, inscrite sous le numéro du rôle 10402, déposée le 10 novembre 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc KERGER, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur…GUILIANELLI, demeurant à…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision implicite de rejet concernant sa demande de reclassement de la classe d’impôt 1a vers la classe 2 pour les années 1991, 1992 et 1993;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 janvier 1998;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 19 janvier 1998 par Maître Marc KERGER au nom de Monsieur GUILIANELLI;
Vu les pièces versées en cause;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Marc KERGER, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives.
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Monsieur…GUILIANELLI travaille depuis l’année 1980 en tant que salarié au Grand-
Duché de Luxembourg, tout en résidant en France.
Suite au décès de son épouse en août 1990, Monsieur GUILIANELLI a constaté, lors de la réception de sa fiche de retenue d’impôt pour l’année 1991, qu’il avait été reclassé dans la classe d’impôt 1a au titre de cette même année pour les besoins de la retenue sur traitements et salaires.
Par courrier du 25 mars 1991, il s’est adressé au bureau RTS non-résidents pour solliciter son maintien dans « l’équivalent de (son) ancienne classe d’impôt », demande qui s’est soldée par une décision dudit bureau du 2 avril 1991 l’informant de ce qui suit: « vous ne conservez plus la classe d’impôt 2. Vous êtes reclassé dans la classe 1A (nouvelle loi à partir 1.1.91) ».
Le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 1991 émis le 10 décembre 1992, tout comme ceux relatifs aux années 1992 et 1993 et datant du 7 juillet 1994, renseignent pareillement que Monsieur GUILIANELLI a été classé dans la classe d’impôt 1a2.
Par courrier du 12 mars 1997 envoyé au directeur de l’administration des Contributions directes et adressé au bureau RTS susvisé, Monsieur GUILIANELLI a fait valoir: « En date du 25 mars 1991 …, j’avais demandé à vos services de me conserver la classe 2 suite à mon changement de statut de marié à veuf. La réponse jointe de vos services en date du 2 avril 1991 me précisait que la réponse était négative. A cette même date, la situation était différente pour un résident: maintien du statut fiscal antérieur au changement d’état civil pendant 3 ans. A la lumière de certains arrêts rendus récemment par la Cour de Justice européenne, il apparaît que cette décision n’est pas conforme, notamment à l’article 48, ceci dans la mesure où, pour les années considérées, la quasi totalité de mon revenu me revenait du Grand-Duché. Je vous souhaite bonne réception de ces informations et reste à votre entière disposition pour tout renseignement complémentaire que vous pourriez souhaiter ».
Le bureau RTS non-résidents a répondu le 18 mars 1997 en précisant que la classe d’impôt des salariés et pensionnés non-résidents serait fixée d’après l’article 157bis de la loi du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après désignée « LIR », qui ne prévoit pas de dispositions transitoires à l’égard des personnes séparées, divorcées ou veuves, à l’instar de l’article 119 LIR applicable aux seuls contribuables résidents. La classe d’impôt 2 ne pourrait être reconnue à des non-résidents que sous deux conditions, énumérées à l’article 157bis LIR, que Monsieur GUILIANELLI ne remplirait pas, de sorte que l’octroi de la classe 1a pour les années 1991 à 1993 serait justifié.
N’ayant reçu aucune prise de position de la part du directeur de l’administration des Contributions directes quant à son courrier précité du 12 mars 1997, Monsieur GUILIANELLI a fait déposer le 10 novembre 1997 un recours en réformation, sinon en annulation contre une décision implicite de rejet de l’administration des Contributions directes relative à sa demande de reclassement, ainsi qualifiée.
Quant à la recevabilité Le délégué du Gouvernement note d’emblée que le recours en annulation serait irrecevable « parce que le contrôle juridictionnel de la légalité de l’impôt relève depuis les débuts du Grand-Duché d’un recours en réformation ». Il conteste ensuite la nature de réclamation du courrier précité du 12 mars 1997 de Monsieur GUILIANELLI et considère que le bureau RTS l’aurait qualifié à juste titre comme demande d’explications.
Il soutient ensuite que, même en admettant dans le chef de Monsieur GUILIANELLI une intention de réclamer, pareille réclamation serait tardive à la fois contre la décision du bureau RTS non-résidents du 2 avril 1991 et contre le bulletin de l’impôt sur le revenu pour les années 1991 à 1993. Le recours en réformation serait ainsi irrecevable, étant donné que la 2 recevabilité du recours supposerait celle de la réclamation, les deux étant dirigés contre les mêmes décisions.
Monsieur GUILIANELLI fait répliquer que son courrier précité du 12 mars 1997, envoyé au directeur de l’administration des Contributions directes et retenant que son imposition des années 1991 à 1993 n’était pas conforme notamment à la jurisprudence européenne, constituerait de manière non équivoque une réclamation au sens de la loi, sans que l’adresse erronée du destinataire ne puisse porter à conséquence, le bureau en question ayant été tenu de transmettre la réclamation au directeur de l’administration des Contributions directes.
Même à admettre que le courrier de Monsieur GUILIANELLI constitue une réclamation, il échet de constater que la décision du bureau RTS du 2 avril 1991 a été prise dans le cadre du régime de la retenue d’impôt sur traitements et salaires, qui constitue un mode particulier et provisionnel de recouvrement de l’impôt annuel sur le revenu moyennant prélèvements à la source sur les rémunérations allouées au cours d’une année. Les décisions fixant le taux et l’assiette de cette retenue deviennent sans objet au titre d’une année d’imposition déterminée au plus tard au moment de la fixation de la cote d’impôt définitive moyennant imposition par voie d’assiette ou décompte annuel des retenues d’impôt.
En l’espèce, la cote de l’impôt sur le revenu dû par Monsieur GUILIANELLI au titre de l’année 1991 a été définitivement fixée, sous réserve de voies de recours éventuelles, par bulletin de l’impôt sur le revenu du 10 décembre 1992. Ce bulletin ayant arrêté notamment la classe d’impôt applicable à Monsieur GUILIANELLI, tout recours contre une décision afférente antérieure du bureau RTS est devenu sans objet.
Il s’ensuit que le présent recours est sans objet pour autant qu’il entend contester le contenu de la décision du bureau RTS du 2 avril 1991.
Monsieur GUILIANELLI fait soutenir ensuite que les bulletins d’impôt des années 1991 à 1993 n’auraient pas fait courir de délai de réclamation dans son chef, alors que la décision litigieuse serait celle de son rangement dans une autre classe d’impôt, non notifiée par les bulletins d’impôt, et non celles de l’établissement et de la fixation de l’impôt contenues dans lesdits bulletins.
A cet égard, il y a lieu de retenir que les dispositions relatives à la répartition des contribuables en classes d’impôt pour les besoins de l’impôt sur le revenu constituent une des bases d’imposition pour le calcul de la cote d’impôt. Etant donné que la classe d’impôt d’un contribuable peut varier annuellement en fonction de sa situation familiale, la décision de classement fait nécessairement partie intégrante du bulletin fixant la cote d’impôt sur le revenu et doit être considérée comme ayant été notifiée avec celui-ci. Ce moyen doit en conséquence être abjugé.
A titre subsidiaire, Monsieur GUILIANELLI allègue que, même en admettant que les bulletins aient été de nature à faire courir le délai de réclamation, l’absence d’indication dans les bulletins des points et causes juridiques pour lesquels l’administration s’est écartée des déclarations du contribuable aurait empêché ce même délai de courir. La seule motivation qui lui serait parvenue quant à la question litigieuse étant la lettre-formulaire du 2 avril 1991, ne comportant non plus aucune indication concernant les voies et délai de recours, aucun délai de réclamation expiré ne pourrait lui être opposé.
3 La fixation de la classe d’impôt applicable ne constitue pas une donnée à déclarer comme telle par le contribuable, mais la conséquence légale, conformément aux dispositions relatives au calcul de l’impôt sur le revenu, à dégager par l’administration à partir de l’exposé objectif de sa situation familiale par le contribuable dans sa déclaration d’impôt. La fixation de la classe d’impôt ne saurait partant constituer un point sur lequel l’administration s’est écartée des déclarations du contribuable, au sens du paragraphe 211 de la loi générale des impôts, de sorte que cette dernière disposition a été respectée en l’espèce, la classe d’impôt appliquée ayant été indiquée dans les bulletins respectifs. Pour chacun des bulletins précités des 10 décembre 1992 et 7 juillet 1994, le délai de recours a ainsi expiré trois mois après la date de notification respective. Il s’ensuit que la réclamation du 12 mars 1997 est à considérer comme tardive pour autant qu’elle tend à contester les bulletins en question, de sorte que le recours sous discussion introduit à sa suite doit être déclaré irrecevable dans cette mesure.
Il résulte des développements qui précèdent que le recours est à déclarer sans objet pour autant que dirigé contre la décision du bureau RTS du 2 avril 1991 et irrecevable pour autant qu’il vise les bulletins d’impôt des années 1991, 1992 et 1993 émis respectivement les 10 décembre 1992 et 7 juillet 1994.
PAR CES MOTIFS, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, déclare le recours sans objet pour autant que dirigé contre la décision du bureau RTS du 2 avril 1991 et irrecevable pour autant que visant les bulletins de l’impôt sur le revenu des années 1991, 1992 et 1993 émis les 10 décembre 1992 respectivement 7 juillet 1994, laisse les frais à charge de la partie demanderesse.
Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 9 mars 1998 à laquelle assistaient:
M. DELAPORTE, premier vice-président, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, M. SCHMIT, greffier en chef, s. SCHMIT s. DELAPORTE 4