N° 10137 du rôle Inscrit le 11 juillet 1997 Audience publique du 11 mars 1998
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Recours formé par la société à responsabilité limitée de droit allemand J. WOLFFERTS SANITÄRE INSTALLATIONS- UND HEIZUNGS-
GESELLSCHAFT contre l’administration des Contributions directes, en matière d’impôt sur le revenu des collectivités
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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 10137 et déposée le 11 juillet 1997 au greffe du tribunal administratif par Maître Roger NOTHAR, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, assisté de Maître Jean SCHAFFNER, avocat inscrit à la même liste dudit tableau, au nom de la société à responsabilité limitée de droit allemand J. WOLFFERTS SANITÄRE INSTALLATIONS- UND HEIZUNGS-
GESELLSCHAFT, établie et ayant son siège social à …, représentée par ses gérants Messieurs …, par laquelle est introduit un recours, principalement en réformation, et subsidiairement en annulation contre le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités pour l’année 1991, émis par l’administration des Contributions directes le 22 février 1996, et contre le bulletin de l’impôt commercial communal pour l’année 1991, également émis le 22 février 1996, respectivement contre la décision implicite de rejet du directeur de l’administration des Contributions directes portant sur la réclamation lui adressée le 20 mai 1996, réitérée le 25 novembre 1996;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 décembre 1997;
Vu le mémoire en réplique déposé au nom de la demanderesse le 8 janvier 1998;
Vu les pièces versées en cause et notamment les bulletins entrepris;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Jean SCHAFFNER, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives.
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Au cours des années d’imposition 1990 et 1991, la société de droit allemand J.
WOLFFERTS SANITÄRE INSTALLATIONS- UND HEIZUNGSGESELLSCHAFT GmbH, ci-après dénommée la société « Wolfferts », spécialisée dans l’installation d’équipements sanitaires pour l’industrie et pour les bâtiments publics, est intervenue au Luxembourg dans le cadre d’un chantier … à Bascharage.
1 Le bureau d’imposition compétent émit le 22 février 1996 un bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités pour l’année 1991, ainsi qu’un bulletin de l’impôt commercial communal pour ladite année, basés sur un bénéfice commercial de …- LUF, en ne reconnaissant ni la déductibilité d’un forfait de 6 % sur le chiffre d’affaires réalisé au Luxembourg, soit …- DEM, à titre de « Mehrkosten für ausländische Baustellen », ni le report déficitaire d’une perte de l’année 1990 de …- DEM.
Contre ces bulletins, la société Wolfferts introduisit le 20 mai 1996 une réclamation devant le bureau d’imposition. Cette réclamation fut réitérée le 25 novembre 1996 devant le directeur de l’administration des Contributions directes.
Par requête déposée le 11 juillet 1997, la société Wolfferts a introduit, principalement, un recours en réformation et, subsidiairement, un recours en annulation contre le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités pour l’année 1991 et contre le bulletin de l’impôt commercial communal pour l’année 1991, les deux ayant été émis par l’administration des Contributions directes le 22 février 1996, respectivement contre la décision implicite de rejet du directeur de l’administration des Contributions directes portant sur la réclamation lui adressée le 20 mai 1996, réitérée le 25 novembre 1996, pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés.
La demanderesse reproche en premier lieu à l’administration des Contributions directes, ci-après dénommée « l’administration », de ne pas avoir pris en compte des frais généraux, plus exactement des coûts d’ingénierie, exposés au titre de l’exercice fiscal 1991 et imputables au chantier …, d’un montant total de …- DEM.
Selon la demanderesse, le refus de déduction des coûts d’ingénierie, exposés dans l’intérêt d’un établissement stable luxembourgeois, constitue une violation de l’article 5 de la Convention entre le Grand-Duché de Luxembourg et la République Fédérale d’Allemagne tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative réciproque en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune et en matière d’impôt commercial et d’impôt foncier, signée à Luxembourg, le 23 août 1958, approuvée par une loi du 17 août 1959, ci-après appelée « la Convention fiscale », au motif que l’imposition de son établissement stable situé au Luxembourg doit être effectuée comme s’il s’agissait d’une entreprise indépendante; que les frais imputables à l’établissement stable sont fiscalement déductibles au Luxembourg et que cette prise en compte doit englober les dépenses de direction et les frais généraux d’administration exposés aux fins poursuivies par l’établissement stable, même s’ils ont été exposés en dehors du Luxembourg. Dans ce contexte, elle fait encore soutenir que, concernant les frais au sujet desquels, en raison de leur nature, une imputation directe est difficile, voire impossible, tel étant le cas en l’espèce des coûts d’ingénierie litigieux, il y aurait lieu de procéder moyennant une affectation indirecte et par application d’une clé de répartition appropriée.
La demanderesse fait exposer qu’elle utilise une méthode forfaitaire de répartition pour tous ses chantiers, situés en Allemagne ou à l’étranger, d’une part, pour les frais administratifs (Gemeinkosten:
Materialgemeinkosten, Fertigungsgemeinkosten, Verwaltungs-
und Vertriebsgemeinkosten und Gewährleistungen) et, d’autre part, pour les coûts d’ingénierie, correspondant aux prestations de bureaux d’études externes et des services rendus par le siège.
Elle reconnaît que l’administration a pu conclure à une déduction non justifiée de ces frais, dès lors que, par suite d’une erreur de terminologie, elle aurait malencontreusement 2 désigné, dans la déclaration d’impôt, les coûts d’ingénierie comme « surcoûts liés aux chantiers (Mehrkosten für "ausländische" Baustellen) », erreur qu’elle estime avoir clarifiée et rectifiée par ses explications sus-énoncées.
Elle fait encore expliquer que le montant de …- DEM, déduit au titre des coûts d’ingénierie aurait été obtenu par application d’une clé de répartition de 6% sur le chiffre d’affaires du chantier …, étant donné que cette clé de répartition uniforme de 6% par chantier découlerait de son expérience sur les chantiers effectués dans le passé.
Enfin, elle fait exposer qu’une détermination a posteriori des coûts d’ingénierie pour le chantier … aurait dégagé un pourcentage effectif de 10,62% du chiffre d’affaires réalisé, c’est-
à-dire un montant largement supérieur à la moyenne de l’ensemble de ses chantiers, qui atteint 5,83%, soit approximativement 6%.
La demanderesse reproche en second lieu à l’administration d’avoir violé l’article 157 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après dénommée « LIR », au motif que l’administration a refusé le report déficitaire d’une perte de …- DEM, réalisée au cours de l’exercice fiscal 1990, sur les bénéfices de l’exercice fiscal 1991.
Elle se fonde sur l’arrêt du 15 mai 1997 de la Cour de Justice des Communautés Européennes (affaire C-250/95, FUTURA PARTICIPATIONS S.A. et SINGER contre administration des Contributions) et fait soutenir que le report de cette perte doit être admis, dès lors que ce montant correspond à des pertes effectivement subies au Luxembourg et que ladite perte est en relation économique avec les revenus réalisés au Luxembourg.
Enfin, elle demande l’allocation d’une indemnité de procédure de 250.000.- francs sur base de l’article 131-1 du code de procédure civile.
Le délégué du gouvernement soutient que le recours n’est recevable que dans la mesure où il tend, par réformation des deux bulletins critiqués, à la réduction de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal, étant entendu que le recours contre le second bulletin n’aurait de sens que pour agiter des questions spécifiques à l’impôt commercial.
Le délégué du gouvernement conclut ensuite à l’irrecevabilité du recours en annulation et il soutient que le moyen tiré de la violation des formes manque de substance.
Il se base encore sur le paragraphe 232 alinéa 2 de la loi générale des impôts - ci-après dénommée « LGI » - pour soutenir que le recours contre le bulletin de l’impôt commercial communal ne saurait critiquer la détermination du bénéfice d’exploitation.
Enfin, il reproche à la demanderesse de méconnaître, dans le cadre de son recours contre le bulletin de l’impôt sur le revenu, l’office du juge en demandant « un simple rescrit avec renvoi au lieu d’un jugement vidant le fond ».
Au fond, le représentant étatique estime que l’imputation des coûts d’ingénierie aux différents chantiers aurait un relent d’arbitraire et il en conclut que l’article 5 de la Convention fiscale aurait été violé. Dans ce contexte, il émet des doutes sur ce que les autorités allemandes auraient toléré que plus du tiers desdits coûts imputables au chantier luxembourgeois soit attribué à d’autres chantiers et en diminuant ainsi le résultat soumis à l’impôt.
3 Concernant le report des pertes, il soutient que la demanderesse ne peut bénéficier d’un report des pertes que si les pertes ont véritablement été subies. A défaut d’avoir tenu une comptabilité séparée de son établissement stable, la présomption de vérité découlant de l’effet combiné des paragraphes 208 et 162 LGI et de l’article 40 LIR ne saurait jouer, de sorte que la charge de la preuve de l’effectivité des pertes subies incomberait à la demanderesse. Or, la demanderesse resterait en défaut de rapporter une telle preuve.
Dans sa réplique, concernant l’effectivité des pertes subies en 1990 et son report, la demanderesse précise qu’en 1990 elle n’aurait supporté que des dépenses; que celles-ci auraient été constatées par application des mêmes principes que les charges de l’année fiscale 1991, à l’exception près qu’en 1990 elle n’aurait pas mis en compte des « Mehrkosten für ausländische Baustellen » et que l’administration n’aurait pas contesté ces charges en 1991;
que, dans la mesure où l’administration aurait admis la déduction de toutes les charges de 1991 (à l’exclusion des « Mehrkosten »), elle aurait pu comptabiliser les charges de 1990 en 1991, afin de réduire directement son bénéfice imposable de 1991, mais que la pratique comptable voudrait que les charges soient comptabilisées au titre de l’exercice de leur engagement;
qu’elle avait joint le détail de ses frais à sa déclaration fiscale de 1990, de sorte que l’administration était en mesure de retracer l’importance de ceux-ci. Sur base de ces éléments, la demanderesse estime avoir réuni tous les éléments de preuve requis et que le report déficitaire ne saurait lui être refusé.
Les paragraphes 228 et 211 LGI, ensemble l’article 8 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions administratives ouvrant un recours au fond contre les bulletins d’impôt critiqués, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal.
Le recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.
Il s’agit en premier lieu d’analyser le recours en ce qu’il tend à la réformation du bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités pour l’année civile 1991 moyennant la déduction d’un forfait de 6% du chiffre d’affaires réalisé par l’établissement stable luxembourgeois de la société Wolfferts sur le chantier … à Bascharage pour « Mehrkosten für ausländische Baustellen » et en ce qu’il tend à la réformation du bulletin de l’impôt commercial communal pour l’année 1991 moyennant réduction corrélative de la base d’assiette de l’impôt commercial communal.
En droit fiscal luxembourgeois, les non-résidents ne sont imposables que sur les catégories de revenus indigènes déterminées par l’article 156 LIR. Cet article vise notamment le bénéfice commercial au sens des articles 14 et 15 LIR lorsqu’il est réalisé directement ou indirectement par un établissement stable au Grand-Duché.
Or, il est constant en cause que le chantier exécuté par la demanderesse au Luxembourg pendant les années 1990 et 1991, est constitutif d’un établissement stable.
Par conséquent, conformément à l’article 156 LIR, ensemble l’article 5 (1) de la Convention fiscale, les bénéfices réalisés par la société Wolfferts sont imposables au Luxembourg, dans la mesure où ils sont imputables à son établissement stable luxembourgeois.
4 Par ailleurs, conformément à l’article 157 LIR, corollaire de l’article 156 LIR, le contribuable non résident qui entretient un établissement stable au Luxembourg ne peut défalquer ses dépenses d’exploitation, au sens de l’article 45 LIR, en tant que dépenses provoquées exclusivement par l’entreprise, que pour autant que ces dépenses sont en rapport économique direct avec les revenus indigènes.
Concernant l’imputation des frais et charges de l’établissement stable, il convient de distinguer les dépenses spécifiques à l’établissement qui lui sont directement imputables et les dépenses relatives aux rapports entre l’établissement stable et son siège central.
Concernant ces derniers, la Convention fiscale dispose qu’une partie des frais d’administration centrale encourus dans le pays du siège peuvent être défalqués, s’ils ont été exposés aux fins poursuivies par l’établissement stable.
Dans ce contexte, le protocole final de la Convention fiscale, concernant l’article 5, précise: « Bei der Ermittlung der aus der Tätigkeit einer Betriebstätte erzielten Einkünfte, nach Artikel 5 Abs. 2 ist grundsätzlich vom Bilanzergebnis der Betriebstätte auszugehen.
Dabei sollen alle der Betriebstätte zurechenbaren Ausgaben einschliesslich eines Anteils an den Geschäftsführungs- und allgemeinen Verwaltungskosten des Unternehmens berücksichtigt, jedoch künstliche Gewinnverlagerungen ausgeschlossen werden (…) ».
A ce titre, il convient de préciser qu’il n’importe pas que les dépenses ont été exposées au Luxembourg ou à l’étranger, dès lors que la connexion économique existe.
Le tribunal constate à l’examen de l’annexe jointe par la société Wolfferts à sa déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 1991, qu’elle entend déduire de l’assiette imposable luxembourgeoise les postes suivants:
1. Materialeinsatz …- DEM 2. Fertigungslöhne einschliesslich Fremdleistungen …- DEM 3. Zulagen und Fahrgeld …- DEM
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…- DEM Gemeinkosten:
4. Materialgemeinkosten …- DEM 5. Fertigungsgemeinkosten …- DEM 6. Verwaltungs- und Vertriebsgemeinkosten …- DEM 7. betriebsüblicher Zuschlag für Gewährleistungen …- DEM
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…- DEM 8. Mehrkosten für ausländische Baustellen (6% von DEM …) …- DEM.
Suite au refus d’imputation des « Mehrkosten für ausländische Baustellen », la société Wolfferts a fait préciser dans sa réclamation du 20 mai 1996 que « en fait, la société avait déduit sous frais généraux le montant sub-mentionné sans donner de détail ni d’explication satisfaisante.
5 S’il est vrai qu’une partie desdits frais représente des frais indirects répartis sur les différents chantiers selon les critères appropriés, une autre partie s’élevant à DEM …, notamment des frais d’ingénieurs et de techniciens constitue des frais directs, imputables au chantier à Luxembourg. ».
Le tribunal constate que, en l’absence d’une comptabilité propre à l’établissement stable, les frais et charges liés aux opérations entre l’établissement et le siège central de l’entreprise ont été déterminés moyennant divers forfaits de répartition pour les « Materialgemeinkosten, Fertigungsgemeinkosten, Verwaltungs- und Vertriebsgeneralkosten, betriebsüblicher Zuschlag für Gewährleistungen » ainsi qu’un forfait intitulé « Mehrkosten für ausländische Baustellen ».
Le recours à une méthode de répartition proportionnelle forfaitaire des charges supportées par le siège dans l’intérêt de l’ensemble des « exploitations » de l’entreprise, tant nationales qu’étrangères, est, en principe, admis, dès lors qu’une ventilation réelle se révèle trop difficile ou impossible. Ce faisant, il convient d’imputer à chaque exploitation une quote-
part appropriée desdites charges, c’est-à-dire moyennant application d’une clé de répartition basée sur des critères susceptibles de refléter la réalité économique propre à chaque cas.
En l’espèce, l’administration a admis en déduction, tant en leur principe qu’en leur montant, tous les forfaits précités que la société Wolfferts a fait valoir au titre de l’exercice 1991, à l’exception du forfait litigieux des « Mehrkosten für ausländische Baustellen ». Le tribunal relève, d’une part, qu’il ne ressort d’aucun élément à sa disposition que, dans le cadre de la procédure d’instruction préalable à l’émission des bulletins, l’administration aurait soulevé des doutes quant à l’exactitude dudit forfait, demandé des précisions voire sollicité la production de pièces justificatives et, d’autre part, que le refus d’admettre la déductibilité dudit forfait n’a pas été motivé dans le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités pour l’année 1991. L’unique motif exposé, en cours d’instance, par l’administration consiste dans ce que le forfait aurait un « relent d’arbitraire » et que la demanderesse resterait ainsi en défaut de suffire à la charge de la preuve qui lui incombe.
Or, il est de principe en droit fiscal luxembourgeois que l’administration, dans le cas où la déclaration présentée par le contribuable donne lieu à des doutes, ne saurait se limiter à une attitude purement passive, consistant à contester l’exactitude de la déclaration. Au contraire, l’administration doit, en premier lieu, conformément aux paragraphes 204 et 205 LGI, procéder à un examen objectif et impartial des déclarations du contribuable et, par la suite, au voeu des paragraphes 170 et 171 LGI, si des doutes raisonnables existent, demander au contribuable d’éclairer les points paraissant douteux et de produire des éléments de preuve qu’on peut raisonnablement attendre de sa part. Ce n’est qu’à défaut d’éléments mis à sa disposition, que l’administration peut procéder à une appréciation suivant le préjugé défavorable créé par la carence du contribuable (« belastende Unterstellung ») (v. Robert KRIEPS et André ELVINGER, La preuve en droit fiscal, Cahiers IFA, vol. XXXVI, p.440 et s.).
En l’espèce, faute par l’administration de produire le dossier fiscal, faute par elle de justifier qu’elle a rempli son rôle actif obligatoire dans la détermination de la situation objective, notamment en établissant qu’elle a permis à la société Wolfferts d’éclairer sa situation par l’exposé d’informations complémentaires et la production de pièces justificatives sans que Wolfferts n’ait obtempéré à cette invitation, l’administration ne saurait procéder par la voie d’une appréciation fondée sur des présomptions défavorables.
6 En outre, comme l’administration reste en défaut d’éclairer sa décision de refus par la communication et la production des indications, indices et informations qui sont en sa possession, c’est-à-dire faute par elle de pouvoir - sinon de vouloir - motiver son refus et de préciser concrètement, ne serait-ce qu’en cours d’instance, en quoi les déclarations de la société Wolfferts et les éléments de preuve apportés par cette dernière ne sont pas crédibles voire contredits, elle omet de combattre utilement la présomption d’exactitude et de sincérité découlant des déclarations du contribuable.
Dès lors, même si, en l’espèce, la société Wolfferts reste en défaut de produire des éléments de preuve complètement probants aux yeux du tribunal, ce sont ses déclarations qui doivent rester à la base de l’imposition, car elles introduisent une probabilité appelant de de la part de l’administration une riposte compte tenu des moyens et informations à sa disposition.
La carence de l’administration de renverser cette apparence implique nécessairement que les déclarations du contribuable doivent être considérées comme établies.
Il y a partant lieu à faire droit aux conclusions de la demanderesse et d’admettre la déductibilité du forfait litigieux et de réformer tant le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités pour l’année 1991 que le bulletin de l’impôt commercial communal pour l’année 1991 en ce sens.
Une conclusion identique fondée sur les mêmes motifs s’impose en ce qui concerne la décision de refus du report des pertes de l’année 1990, dès lors que, en l’absence de production du dossier fiscal et à défaut d’effort de précision et de preuve de la part de l’administration, il ne se dégage pas des éléments qui sont à la disposition du tribunal pour quels motifs l’administration a refusé ledit report. L’administration reste partant en défaut de justifier à suffisance de droit sa décision, étant entendu qu’elle n’établit pas avoir rempli son rôle actif obligatoire dans la détermination de la situation objective.
Cette conclusion n’est pas énervée par les conclusions du délégué du gouvernement qui, tout en reconnaissant que suite à l’arrêt FUTURA, précité, de la Cour de Justice des Communautés Européennes, l’administration ne saurait plus invoquer, à l’appui d’un refus du report des pertes antérieures, le fait que le contribuable non-résident n’a pas tenu et conservé au Luxembourg une comptabilité séparée de son établissement stable luxembourgeois, mais qu’il n’en resterait pas moins que le contribuable devrait rapporter la preuve de l’effectivité des pertes subies, dès lors que le rôle actif ne revient au contribuable qu’après avoir été mis en mesure de ce faire par l’administration.
Le report déficitaire de la perte réalisée au cours de l’année d’imposition 1990 doit partant être admis et les bulletins sont à réformer en ce sens.
La demande de Wolfferts en allocation d’une indemnité de procédure est à abjuger, les conditions de l’article 131-1 du code de procédure civile n’étant pas remplies.
Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, 7 reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare justifié, dit que le forfait litigieux de 6% du chiffre d’affaires réalisé par l’établissement stable luxembourgeois de la société Wolfferts sur le chantier … à Bascharage est déductible et que le report déficitaire de la perte réalisée au cours de l’année d’imposition 1990 doit être admis, dit que le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités pour l’année 1991 ainsi que corrélativement le bulletin de l’impôt commercial communal pour l’année 1991 sont à réformer en ce sens, renvoie le dossier au bureau d’imposition compétent à l’effet de redresser l’imposition entreprise dans le sens du dispositif du présent jugement, rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure, met les frais à charge de l’Etat.
Ainsi jugé par:
M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 11 mars 1998, par le vice-président, en présence du greffier.
Legille Schockweiler greffier vice-président 8