N° 10647 du rôle Inscrit le 27 mars 1998 Audience publique du 2 avril 1998
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Recours formé par Monsieur … OULMI contre le ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement
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Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 27 mars 1998, par Maître Albert RODESCH, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, assisté de Maître Alain SCHREURS, avocat inscrit à la liste II du même tableau, au nom de Monsieur … OULMI, sans état connu, de nationalité algérienne, actuellement placé au Centre Pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 25 février 1998 ordonnant une mesure de placement à son égard;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 mars 1998;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Alain SCHREURS et Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.
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Par décision du ministre de la Justice du 25 février 1998, notifiée à Monsieur … OULMI en date du 26 février 1998, celui-ci a été placé au Centre Pénitentiaire de Luxembourg, pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois.
La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants:
« Considérant que l’intéressé a été contrôlé en dates des 5 et 24 février 1998 par le commissariat de police de Luxembourg Ville;
- qu’il est démuni de toutes pièces d’identité et de voyage;
- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence légitimes;
- qu’il déclare être domicilié à F-Paris XIVe 55, rue de la Gaieté [sic];
- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays;
- que son éloignement immédiat n’est pas possible;
Considérant que des raisons tenant au risque de fuite nécessitent que l’intéressé soit placé au Centre Pénitentiaire de Luxembourg en attendant son éloignement.» Par requête déposée le 27 mars 1998, Monsieur … OULMI a introduit un recours en annulation contre la décision ministérielle de placement.
1 Il fait valoir qu’il est domicilié à Paris, où il exercerait un petit commerce ensemble avec son frère; qu’il ne serait pas démuni de toutes pièces d’identité, étant donné qu’il disposerait d’un passeport valable; qu’il désire régulariser sa situation au Luxembourg, notamment en faisant les démarches nécessaires auprès de l’administration communale de Esch-sur-Alzette « puisqu’il demeure à 45, rue Zenon Bernard, L-4031 Esch/Alzette »; qu’il pourrait dès la fin de la mesure de placement, contracter un emploi en tant qu’aide dans un restaurant; qu’enfin il n’y aurait aucun risque de fuite nécessitant le maintien de la mesure de placement.
Le délégué du gouvernement oppose en premier lieu l’irrecevabilité du recours en annulation au motif, d’une part, que le recours aurait été introduit tardivement, d’autre part, que le demandeur manquerait d’intérêt pour attaquer un arrêté ministériel qui a cessé de produire ses effets au moment de l’introduction du recours et, de troisième part, que la loi prévoit un recours en réformation en la matière.
A titre subsidiaire, le délégué expose que la décision attaquée serait justifiée, étant donné que l’absence de document de voyage valable ne permettrait pas un rapatriement vers l’Algérie.
Le représentant étatique ajoute que le dossier renseignerait que le demandeur refuse d’indiquer l’endroit où se trouve son passeport afin de se soustraire à son éloignement et qu’il serait en aveu de se trouver en séjour irrégulier dans l’espace Schengen depuis 1994, de sorte que le danger de fuite serait valablement établi.
En vertu de l’article 2 (1) de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements.
Aux termes de l’article 15 point (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1.
l’entrée et le séjour des étrangers, 2. le contrôle médical des étrangers, 3. l’emploi de la main-
d’oeuvre étrangère, un recours en réformation est prévu à l’encontre des décisions de mise à la disposition du gouvernement.
S’il est exact que le demandeur a expressément qualifié son recours dans la requête introductive d’instance de recours en annulation et qu’il conclut à la seule annulation de la décision attaquée, le recours est néanmoins recevable dans la mesure où, comme en l’espèce, un recours en réformation est ouvert et que le demandeur peut se borner, dans le cadre d’un tel recours, à conclure à l’annulation, en n’invoquant que les seuls moyens de légalité, à condition d’observer les règles de procédure spéciales pouvant être prévues et les délais dans lesquels le recours doit être introduit.
Conformément à l’article 15 point (9) de la loi précitée du 28 mars 1972, le recours « doit être introduit dans le délai d’un mois à partir de la notification ».
Selon l’article 3 paragraphe 1er de la Convention européenne sur la computation des délais signée à Bâle, le 16 mai 1972, approuvée par loi du 30 mai 1984, les délais exprimés en jours, semaines, mois, années, courent à partir du dies a quo, minuit, jusqu’au dies ad quem, minuit.
2 L’article 1033-2 du code de procédure civile dispose en outre que « lorsqu’un délai est exprimé en mois ou en années, il expire le jour du dernier mois ou de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la signification qui fait courir le délai ».
En l’espèce, il ressort des éléments du dossier que l’arrêté ministériel litigieux du 25 février 1998, qui par ailleurs indique les voie de recours et délai pour agir, a été notifié au demandeur le lendemain, soit le 26 février 1998, de sorte que le 26 mars 1998, à minuit, était le dernier jour à prendre en considération dans le décompte du délai légal pour agir.
Le recours introduit le 27 mars 1998 est partant irrecevable pour cause de tardiveté.
Le demandeur ayant informé le tribunal qu’il bénéficie de l’assistance judiciaire sur base d’une décision du délégué du bâtonnier à l’assistance judiciaire du 12 mars 1998, il échet de lui en donner acte.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;
donne acte au demandeur qu’il bénéficie de l’assistance judiciaire;
déclare le recours irrecevable;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par:
M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 2 avril 1998, par le vice-président, en présence du greffier.
s. Legille s. Schockweiler greffier vice-président 3