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19/12/2023 | LUXEMBOURG | N°45907

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 décembre 2023, 45907


Tribunal administratif N° 45907 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:45907 3e chambre Inscrit le 19 avril 2021 Audience publique du 19 décembre 2023 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du directeur de l’Agence pour le développement de l’emploi en matière de garantie de salaire

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45907 du rôle et déposée le 19 avril 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Paulo FELIX, avocat à la Cou

r, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à ...

Tribunal administratif N° 45907 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:45907 3e chambre Inscrit le 19 avril 2021 Audience publique du 19 décembre 2023 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du directeur de l’Agence pour le développement de l’emploi en matière de garantie de salaire

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45907 du rôle et déposée le 19 avril 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Paulo FELIX, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du 8 février 2021 du directeur de l’Agence pour le Développement de l’Emploi portant refus de libérer les fonds nécessaires à la liquidation de sa créance salariale déclarée dans le cadre de la faillite de la société à responsabilité limitée … SARL;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement en date du 10 septembre 2021 ;

Vu le mémoire en réplique de Maître Paulo FELIX, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 8 octobre 2021 au nom de Madame …, préqualifiée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Julien VIERTEL, en remplacement de Maître Paulo FELIX et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel RUPPERT en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 juin 2023 ;

Vu l’avis du greffe du tribunal administratif du 3 juillet 2023 informant les parties du prononcé de la rupture du délibéré ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Paulo FELIX et Monsieur le délégué du gouvernement Yannick GENOT en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 décembre 2023.

En date du 1er mai 2012, Madame … signa un contrat de travail à durée indéterminée avec la société à responsabilité limitée … SARL, ci-après désignée par « la société … » en vertu duquel elle fut engagée en qualité de « … » avec effet au même jour, la durée de travail hebdomadaire ayant été fixée à 20 heures par semaine.

La société … fut déclarée en état de faillite par un jugement du … 2020 rendu par le 1tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, siégeant en matière commerciale.

En date du 25 septembre 2020, Madame … déposa au greffe du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, une déclaration de créance dans le cadre de la faillite de la société … à hauteur de … euros, laquelle fut acceptée par le curateur de la faillite ainsi que par le juge commissaire au passif privilégié de la faillite en date du 16 octobre 2020.

Par une décision du 8 février 2021, le directeur de l’Agence pour le Développement de l’Emploi, ci-après désigné par « le directeur », respectivement par « l’ADEM », informa Madame … de l’impossibilité de libérer les fonds nécessaires à la liquidation de la créance salariale demandée, sur le fondement des considérations suivantes :

« […] Selon votre déclaration de créance dans l’affaire émargée, vous occupiez au sein de la société … S.A.R.L. la fonction de … depuis le 1er mai 2012.

Or, suite à un contrôle de votre dossier, il semble que votre emploi soit à considérer comme fictif, alors qu’il résulte de plusieurs attestations testimoniales que vous n’auriez jamais travaillé auprès de ladite société.

Il en ressort que le contrat de travail entre vous et votre époux, lequel est associé et gérant unique de la société, ait été signé dans le seul but de pouvoir profiter des indemnités prévues par les dispositions de l’article L.125-1 du Code du Travail.

Au vu de ce qui précède, j’ai le regret de vous informer que je suis dans l’impossibilité de faire libérer les fonds nécessaires à la liquidation de la créance salariale demandée […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 19 avril 2021, Madame … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision précitée du directeur du 8 février 2021.

Etant donné que dans la présente matière aucune disposition légale n’instaure un recours au fond, seul un recours en annulation a pu être introduit contre la décision précitée du directeur, recours qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, Madame … rappelle de prime abord les faits et rétroactes à la base de la décision directoriale déférée. Elle donne plus particulièrement à considérer qu’en date du 1er mai 2012, elle aurait été engagée en tant que … au sein de la société … et ce à raison de 20 heures par semaine et pour un salaire mensuel de … euros. En se basant sur un certificat d’affiliation établi par le Centre Commun de la Sécurité Sociale, ci-après désigné par « le CCSS », elle fait encore valoir qu’elle aurait été inscrite comme salariée de la société … du 1er mai 2012 au 26 octobre 2018. La demanderesse précise qu’elle aurait bénéficié du congé parental à plein temps à partir du 27 octobre 2018 et qu’elle aurait repris son activité salariale auprès de la société … à partir du 27 avril 2019 et ce jusqu’au 17 mai 2020.

Après la faillite de son employeur, elle aurait déposé une déclaration de créance au greffe du tribunal d’arrondissement pour la somme de … euros, laquelle se composerait comme suit :

- salaire du mois de survenance de la faillite :

… euros 2- salaire du mois suivant celui de la faillite :

… euros - indemnité correspondant à 50% du délai de préavis :

… euros.

Or, et malgré l’admission, par le curateur, de ladite déclaration de créance au passif privilégié de la faillite en date du 16 octobre 2020, elle se serait vue opposer la décision directoriale sous analyse refusant de libérer les fonds nécessaires à la liquidation de cette même créance salariale.

En droit, et après avoir rappelé la définition d’un contrat de travail et précisé que l’existence d’un tel contrat ne dépendrait ni de la volonté des parties, ni de la qualification qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles s’exerce l’activité de la personne concernée, la demanderesse affirme que la preuve d’un tel contrat de travail pourrait résulter d’un ensemble d’éléments constituant des présomptions précises et concordantes faisant conclure à l’existence d’un lien de subordination.

Elle est d’avis qu’en l’espèce, il résulterait à suffisance des pièces versées en cause qu’elle a effectivement exercé une activité salariale auprès de la société …, la demanderesse ajoutant que l’existence de cette activité salariale réelle serait encore confirmée par l’admission, par le curateur, de sa déclaration de créance au passif privilégié de la faillite.

Quant aux attestations testimoniales auxquelles le directeur aurait fait référence dans la décision litigieuse, Madame … fait valoir que ni l’identité des auteurs de celles-ci, ni leur contenu exact ne seraient précisés dans ladite décision.

Elle conteste ensuite la conclusion du directeur selon laquelle le contrat de travail la liant à la société … aurait été conclu dans le seul but de la faire profiter des indemnités de faillite en donnant à considérer que celui-ci aurait été conclu 8 ans avant le jugement déclaratif de faillite, la demanderesse mettant encore en exergue que la charge de la preuve du bien-fondé des motifs de refus de libérer les fonds nécessaires à la liquidation de sa créance salariale appartiendrait au directeur. Elle ajoute que si elle avait certes été engagée en tant que … lors de son entrée en fonctions, les dernières années, elle se serait occupée de tâches administratives, ainsi que du nettoyage des locaux et ce en dehors des heures d’ouverture de commerce.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours en arguant en substance que la demanderesse, laquelle serait l’épouse de l’associé et gérant unique de la société …, n’aurait jamais travaillé de manière effective au sein de cette même société. A l’appui de ses conclusions, la partie étatique se prévaut de trois attestations testimoniales de salariées de ladite société desquelles il résulterait que leurs auteurs respectifs n’auraient jamais croisé la demanderesse et ceci en dépit du fait qu’elle affirme avoir presté 20 heures de travail hebdomadaire entre 2012 et 2020. Le délégué du gouvernement réfute encore les affirmations de la demanderesse selon lesquelles elle aurait travaillé en dehors des horaires d’ouverture, alors que celles-ci seraient en contradiction avec les dispositions de son contrat de travail. Il donne par ailleurs à considérer que le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Economie sociale et solidaire, ci-après désigné par « le ministre », aurait, dans le cadre d’une plainte pour escroquerie à subventions de chômage partiel déposé contre l’époux de la demanderesse, informé le Parquet que les salariés de la société … attesteraient que la concernée n’aurait jamais travaillé dans cette même société et il conclut que la décision directoriale litigieuse serait justifiée.

3Dans son mémoire en réplique, la demanderesse réitère en substance ses développements figurant dans la requête introductive d’instance, tout en faisant encore valoir que contrairement aux affirmations de la partie étatique, le fait qu’elle n’ait jamais croisé de collègues de travail ne signifierait pas qu’elle n’aurait pas travaillé. A cet égard, elle précise que son contrat de travail aurait expressément prévu qu’elle pourrait occuper d’autres fonctions suivant les besoins de son employeur et que son horaire de travail pourrait varier.

Elle est ainsi d’avis que les attestations testimoniales dont se prévaut la partie étatique, outre de ne pas respecter les dispositions des articles 400 à 403 du Nouveau Code de Procédure civile, ne remettraient pas en cause la réalité de son contrat de travail, alors qu’il serait tout à fait normal que les anciens employées de la société … ne l’auraient pas vue dans le … dans la mesure où elle aurait exercé l’ensemble de ses tâches en dehors des heures d’ouverture de commerce et qu’elle aurait rempli ses tâches administratives depuis son domicile.

En rappelant que la charge de la preuve appartiendrait en l’espèce au directeur et en se référant à un arrêt de la Cour administrative du 22 mars 2018, inscrit sous le numéro 39182C du rôle, ainsi qu’à un jugement du tribunal de céans du 8 janvier 2020, inscrit sous le numéro 42320 du rôle, dans lesquels certains critères pouvant justifier un refus de libérer les fonds nécessaires à la liquidation d’une créance salariale auraient été précisés, la demanderesse souligne qu’elle n’aurait pas été embauchée en période suspecte avant la faillite de son employeur, que son salaire aurait été justifiable par rapport à la tâche affichée et aurait effectivement été versé, qu’elle aurait eu des fiches de salaires, lesquelles n’auraient d’ailleurs pas contenu de contradictions et qu’elle aurait été affiliée à la sécurité sociale.

Au vu de l’ensemble de ces considérations, la demanderesse conclut à l’annulation de la décision directoriale litigieuse.

L’article L.126-1 du Code du travail dispose qu’:

« (1) En cas de faillite de l’employeur, le Fonds pour l’emploi garantit les créances résultant du contrat de travail et celles résultant de la liquidation du compte épargne-temps sous les conditions et dans les limites fixées au présent article.

Il en est de même lorsque le tribunal compétent a soit décidé l’ouverture de la procédure collective fondée sur l’insolvabilité de l’employeur, soit constaté la fermeture définitive de l’entreprise ou de l’établissement de l’employeur.

(2) Sont garanties jusqu’à concurrence d’un plafond égal au double du salaire social minimum de référence, les créances résultant de la liquidation du compte épargne-temps et jusqu’à concurrence du plafond visé à l’article 2101, paragraphe 3, du Code civil les créances des salaires et indemnités de toute nature dues aux salariés à la date du jugement déclaratif de la faillite pour les six derniers mois de travail et résultant de la rupture du contrat de travail.

(3) En cas de continuation des affaires par le curateur de la faillite, la garantie visée au présent article est applicable, dans les limites visées au paragraphe 2, aux créances résultant de la liquidation du compte épargne-temps et des salaires et indemnités de toute nature dues au salarié le jour de la résiliation du contrat de travail et celles résultant de la résiliation du contrat de travail.

(4) Pour l’application des dispositions des paragraphes 1er à 3, sont considérées les 4créances résultant de la liquidation du compte épargne-temps et de salaire et d’indemnité, déduction faite des retenues fiscales et sociales obligatoires en matière de salaires.

(5) Le droit à la garantie s’ouvre pour le salarié, lorsque les créances visées au présent article ne peuvent être payées, en tout ou en partie, sur les fonds disponibles dans les dix jours qui suivent le prononcé du jugement déclaratif de la faillite.

(6) A la demande du curateur, le Fonds pour l’emploi verse aux salariés, dans les limites visées au présent article et, le cas échéant, en tenant compte des avances versées au titre de l’alinéa qui suit, les sommes impayées figurant sur le relevé des créances présenté par le curateur, visé par le juge commissaire et vérifié par l’Agence pour le développement de l’emploi.

Le relevé prévu au présent paragraphe peut être présenté par le curateur avant la clôture du procès-verbal de vérification des créances.

Pour toute créance salariale visée au paragraphe (2), le salarié créancier peut, si sa créance représente plus de la moitié du salaire mensuel, calculé sur la moyenne des trois derniers mois précédant le mois de la déclaration de la faillite, remettre une copie de sa déclaration de créance déposée au Tribunal de commerce concernant les arriérés de salaire, à l’Agence pour le développement de l’emploi. Après vérification par l’Agence pour le développement de l’emploi des pièces remises, le Fonds pour l’emploi verse à titre d’avance les créances de salaire arriéré sans pouvoir dépasser soixante-quinze pour cent du plafond visé au paragraphe (2). […] ».

Il s’ensuit qu’en cas de faillite de l’employeur, le Fonds pour l’emploi garantit jusqu’au plafond visé à l’article 2101 du Code civil, c’est-à-dire jusqu’au sextuple du salaire social minimum, les créances des salaires et indemnités de toute nature dues au salarié à la date du jugement déclaratif de la faillite pour les six derniers mois de travail et résultant de la rupture du contrat de travail.

Force est encore de souligner qu’indépendamment de l’admission par le curateur d’une créance salariale au passif privilégié d’une société en faillite, l’ADEM a non seulement le droit, mais l’obligation de vérifier l’existence de la qualité de salarié dans le chef du demandeur de la garantie salariale sollicitée1.

En effet, il résulte de l’article L.126-1 précité du Code du travail que peuvent seules faire l’objet d’une prestation de garantie à charge du Fonds pour l’emploi les créances de nature salariale et que, conformément au paragraphe (6) du même article, les versements sont effectués sur base de relevés « vérifiés par » l’ADEM. Sous peine de vider ledit texte de toute portée, il y a lieu de retenir que l’administration est en droit de procéder à son propre examen des créances qui lui sont soumises.

Cette vérification doit se rapporter à l’examen de la justification de l’intervention du Fonds pour l’emploi qui a vocation, en cas de faillite, à se substituer à l’employeur en carence et qui bénéficie d’une subrogation dans les droits du salarié. Il en découle que l’administration est en droit de vérifier aussi la qualité de salarié de l’intéressé et donc l’existence d’une relation de travail entre celui-ci et le failli, en vertu de l’article L.126-1, 1 Cour adm., 18 mai 2006, n° 21111C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Travail, n° 21 et les autres références y citées.

5paragraphe (1), du Code du travail, disposant que ladite créance s’applique aux « créances résultant du contrat de travail ». Son application est dès lors plus particulièrement conditionnée par l’existence d’un contrat de travail, caractérisé par l’existence d’un lien de subordination.

Le contrat de travail s’analyse notamment en une convention par laquelle une personne s’engage à mettre, moyennant une rémunération, son activité à la disposition d’une autre à l’égard de laquelle elle se trouve dans un rapport de subordination juridique. Dès lors, la subordination juridique constitue l’élément essentiel de tout contrat de travail, de sorte qu’il faut que le contrat place le salarié sous l’autorité de son employeur qui lui donne des ordres concernant l’exécution du travail, en contrôle l’accomplissement et en vérifie les résultats2.

L’existence d’un contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination ou de la qualification qu’elles ont données à leurs conventions, mais des conditions de fait dans lesquelles s’exerce l’activité de la personne concernée. Ainsi, la preuve du contrat de travail peut résulter d’un ensemble d’éléments qui constituent des présomptions précises et concordantes faisant conclure à l’existence d’un lien de subordination3.

En cas de refus par l’ADEM du paiement d’une créance dûment acceptée par le curateur et le juge commissaire, tel que c’est le cas en l’espèce, la charge de la preuve du bien-fondé des motifs justifiant la décision de refus incombe à l’Etat, cette preuve étant à rapporter sur la toile de fond de l’examen, par le juge administratif, de l’existence et de l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision déférée, et de la vérification si les motifs dûment établis sont de nature à la motiver légalement4.

Ainsi, il appartient à l’Etat, ayant refusé la prise en charge de la créance pourtant acceptée, tel que c’est le cas en l’espèce, par le curateur et le juge commissaire, de fournir la preuve du bien-fondé des motifs justifiant sa décision. Il lui appartient plus précisément d’établir, d’une part, la réalité de la situation juridique, respectivement de la situation de fait qu’il allègue, et, d’autre part, de justifier que celle-ci est de nature à conclure, au regard des circonstances de l’espèce, à l’absence d’une relation de travail entre le demandeur et la société en question. Une fois cette preuve rapportée, il appartient, le cas échéant, au demandeur d’établir que, malgré la situation de fait ainsi démontrée et excluant, a priori, l’existence d’un contrat de travail, il se trouve néanmoins en réalité lié à la société par un contrat de travail correspondant à une convention réelle et sérieuse.

En l’espèce, il ressort des éléments du dossier que la demanderesse a signé en date du 1er mai 2012 un contrat de travail à durée indéterminée avec la société …, précisant qu’elle a été engagée en qualité de « … ».

Il convient ensuite de relever qu’il n’est pas contesté en cause, tel qu’il résulte d’ailleurs des pièces déposées de part et d’autre, que la déclaration de créance de la demanderesse a été acceptée par le juge commissaire et par le curateur à hauteur du montant 2 Cour adm., 16 juin 2011, n° 27974C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Travail, n° 9 et les autres références y citées.

3 Trib. adm., 27 octobre 2004, n° 17634 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Travail, n° 10 et les autres références y citées.

4 Trib. adm., 22 mai 2006, n° 20427 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Travail, n° 7 et les autres références y citées.

6déclaré, de sorte que dans ce contexte, l’existence d’un contrat de travail n’a, à ce niveau, pas été remise en cause.

Or, et tel que relevé ci-avant, en cas de refus par l’ADEM du paiement d'une créance, qui a, comme en l’espèce, été dûment acceptée par le curateur et le juge-commissaire, il appartient à l’Etat de fournir la preuve du bien-fondé des motifs justifiant sa décision. En l’occurrence, l’Etat conclut que la demanderesse n’aurait jamais travaillé de manière effective pour la société …, la partie étatique se basant à l’appui de ses conclusions sur une plainte pour escroquerie aux subventions publiques, déposée contre l’époux de la demanderesse, par le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Economie sociale et solidaire ainsi que sur diverses attestations sur l’honneur établies par des anciennes salariées de la société … dans le cadre de cette même plainte et desquelles il résulterait que la demanderesse n’aurait jamais travaillé en tant que … au sein de la société ….

En ce qui concerne lesdites attestations sur l’honneur, force est de constater, indépendamment de la question de savoir si celles-ci ont été rédigées dans le respect des dispositions des articles 400 à 403 du Nouveau Code de Procédure civile, qu’elles manquent en tout état de cause de pertinence dans le cadre du présent litige. En effet, il ressort de la lecture desdites attestions que leurs auteurs respectifs ne font que préciser que « Madame … n’a jamais travaillé comme … auprès du … Sàrl », fait qui n’est pas contesté par la demanderesse, alors qu’il ressort des déclarations de cette dernière que si, lors de son entrée en service, elle avait certes été engagée en tant que « … », elle aurait effectué d’autres tâches ces dernières années, en l’occurrence des tâches administratives et le nettoyage des locaux et ce en dehors des heures d’ouverture du commerce.

Concernant ensuite la plainte pour escroquerie aux subventions publiques, abus de confiance, détournement de fonds et abus de biens sociaux qui a été déposée par le ministre contre l’époux de la demanderesse, en sa qualité d’associé unique et de gérant de la société …, plainte déposée dans le cadre de l’octroi d’avances sur le chômage partiel dans l’ère du Covid-19 et dans laquelle le Procureur d’Etat a expressément été rendu attentif sur le fait que Madame … n’aurait jamais travaillé comme … au sein de la société …, force est de constater que celle-ci a abouti à une ordonnance de non-lieu rendue en date du 2 novembre 2023 par la chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg.

Ces éléments ne permettent dès lors pas au tribunal de conclure à l’absence d’une relation de travail effective entre la demanderesse et la société …, et ce, d’autant plus qu’il n’est pas contesté en cause que la concernée a touché un salaire jusqu’en avril 2020, mois précédant la déclaration en faillite de la société ….

Par ailleurs, il échet de relever que les pièces versées en cause par la demanderesse, et plus particulièrement le certificat d’affiliation du CCSS du 18 février 2021, ainsi que les fiches de salaire émises à son égard par la société …, sont des éléments qui constituent des présomptions précises et concordantes faisant conclure à l’existence d’une relation de travail effective entre la demanderesse et la société ….

S’y ajoute qu’il ne ressort d’aucun élément soumis à l’appréciation du tribunal que la demanderesse ait personnellement détenu des parts sociales dans le capital de la société … ou qu’elle ait exercé un quelconque mandat social, permettant de conclure qu’elle aurait exercé une influence sur la gestion de ladite société et de conclure, en conséquence, à l’absence d’un 7lien de subordination à l’égard de son employeur, élément essentiel dans la preuve du contrat de travail.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de retenir, en l’état actuel du dossier, que la demanderesse a effectivement travaillé pour la société … et que c’est partant à tort que le directeur a refusé de libérer les fonds nécessaires à la liquidation de sa créance salariale déclarée dans le cadre de la faillite cette même société.

Il s’ensuit que la décision directoriale déférée encourt l’annulation.

La demanderesse sollicite encore l’allocation d’une indemnité de procédure de 2.500 euros sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, demande qui est cependant à rejeter, étant donné que la partie étatique conteste tant le principe que le montant de cette demande, et que la demanderesse omet de prouver en quoi il serait inéquitable de laisser à sa charge exclusive les frais exposés par elle dans le cadre de la présente instance.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare justifié ;

partant, annule la décision du directeur de l’Agence pour le Développement de l’Emploi du 8 février 2021 refusant de libérer les fonds nécessaires à la liquidation de la créance salariale déclarée par Madame … dans le cadre de la faillite de la société … SARL et renvoie le dossier devant ledit directeur ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure sollicitée par la demanderesse ;

condamne l’Etat aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 19 décembre 2023 par :

Thessy Kuborn, premier vice-président, Laura Urbany, premier juge, Sibylle Schmitz, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 19 décembre 2023 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 45907
Date de la décision : 19/12/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 23/12/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-12-19;45907 ?

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