Tribunal administratif N° 46577 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:46577 5e chambre Inscrit le 15 octobre 2021 Audience publique du 10 janvier 2024 Recours formé par la société anonyme …, …, contre des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités, de l’impôt commercial communal, de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux, d’établissement séparé de la valeur unitaire et de l’impôt sur la fortune en matière d’impôt
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 46577 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 15 octobre 2021 par Maître Marco Schmitz, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme …, établie et ayant son siège social à L-…., immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son administrateur actuellement en fonctions, tendant à la réformation, sinon à l’annulation des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal portant sur les années 2015 et 2016, des bulletins d’établissement séparé de la valeur unitaire et de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2016 et 2017, et des bulletins de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux mobiliers portant sur les années 2015, 2016 et 2018, tous émis en date du 25 mars 2020 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 17 janvier 2022 ;
Vu le mémoire en réplique déposé le 17 février 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Marco Schmitz pour le compte de la société anonyme …, préqualifiée ;
Vu l’écrit, intitulé « mémoire en réplique », notifié par voie postale au greffe du tribunal administratif en date du 18 février 2022 par Maître Marco Schmitz pour le compte de la société anonyme …, préqualifiée ;
Vu les pièces versées et notamment les bulletins déférés ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Marco Schmitz et Monsieur le délégué du gouvernement Steve Collart en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 18 octobre 2023.
La société anonyme …, ci-après désignée par la « société … » déposa ses déclarations pour l’impôt sur le revenu des collectivités et l’impôt commercial communal des années 2015 et 2016 en date des 5 septembre 2016 et 31 août 2017 respectivement.
En date du 25 septembre 2018, le bureau d’imposition Sociétés 5, ci-après désigné par le « bureau d’imposition », sollicita, sur le fondement des §§ 170 et 205 de la loi générale des 1impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, appelée « Abgabenordnung », en abrégée « AO », les renseignements suivants par rapport auxdites déclarations fiscales à lui faire parvenir pour le 18 octobre 2018 au plus tard :
« […] Détail "vêtements professionnels" (pièces à l’appui) Détail "cadeaux clients" (pièces à l’appui) Détail "frais de déplacements" (explication) Détail "frais de réception et de représentation" (pièces à l’appui) Détail "commissions et courtages" (pièces à l’appui) "Honoraires avocats" (pièces à l’appui) Copie du contrat leasing. […] ».
Par courrier du 10 octobre 2018, la société … fit parvenir « les pièces demandées pour les années concernées », tout en adressant « également la réponse à votre question concernant les « frais de déplacements ». Celle-ci est formulée par Monsieur …, Administrateur Unique de la société […] ».
La société … déposa ses déclarations d’impôt pour l’impôt sur le revenu des collectivités et l’impôt commercial communal des années 2017 et 2018 en date des 20 décembre 2018 et 18 septembre 2019 respectivement.
Par courrier du 6 février 2020, le bureau d’imposition informa, sur le fondement du §§205, alinéa (3) AO, la société … qu’il envisageait de s’écarter de ses déclarations d’impôt portant sur les années 2015 et 2016 en effectuant les redressements suivants :
« […] La part privée des frais de voitures est estimée à 40%, une reprise de …€ est effectuée pour 2015 et une de …€ pour 2016. Les frais de voyages direction et les frais de réception et de représentation sont estimés étant de nature privée pour leur majorité, une reprise de …€ est effectuée pour 2015 et une de …€ pour 2016. Les frais pour vêtements professionnels et pour cadeaux clients sont de nature privée, une reprise de …€ est effectuée pour 2015 et une de …€ pour 2016.
Incidence fiscale 2015 et 2016 :
2015: le montant total de 36.400 est ajouté hors bilan au résultat déclaré et est en tant que distribution cachée de bénéfices soumis à une retenue à la source de 15%.
2016: le montant total de 44.200 est ajouté hors bilan au résultat déclaré et est en tant que distribution cachée de bénéfices soumis à une retenue à la source de 15%. […] », tout en l’invitant à formuler ses objections pour le 28 février 2020 au plus tard.
Par courrier du 24 février 2020, ayant pour objet « […] votre courrier du 06/02/2020 -
déclarations pour l’impôt sur le revenu des collectivités et pour l’impôt commercial des année[s] 2015 - 2016 », réceptionné le 27 février 2020, la société … fit parvenir ses observations au bureau d’imposition dans les termes suivants :
« […] 1- Votre estimation de 40% d’utilisation privée sur voiture est surfaite et non justifiée o Pour les années concernées, il a été retenu une participation de l’Administrateur Unique (moi-même) aux frais d’entretien, frais de carburant et frais de leasing et des taxes y relatifs à concurrence de 20% o Le montant de ces participations correspond à € … pour 2015 et € … pour 2016 2o Le calcul à hauteur de 20% est conforme à la réalité et suit, par ailleurs, la décision de la cour Administrative du 1er août 2018 (décision suivant notre recours introduit à l’encontre de votre imposition complémentaire des avantages en nature sur voiture des années 2011-2012 et 2013) 2- Votre estimation, que les frais de voyages de direction, frais de représentation, frais pour vêtement professionnels et cadeaux à la clientèle sont en majorité privés, n’est pas justifiée:
Ma clientèle actuelle est composée de +/- 80 clients. Ceux-ci sont repartis sur autant de département à visiter de manière régulière (53), ce qui justifie en conséquence, les frais de directions, de représentations et voyages, etc. engendrés.
Je vous adresse, en annexe 1 et 2, à titre informatif, un relevé de ma clientèle triées en 2 secteurs : Grand Est et Sud (+ copie des département concernés), et une copie d’une facture … avec le détails des différentes « gares des péages ».
Ces frais correspondent donc aux déplacements, invitations, séminaires et autres évènements nécessaires à la fidélisation, au développement et à la négociation de partenariat Les cadeaux à la clientèle sont justifiés et nécessaires à la fidélisation de celle-ci.
Les vêtements professionnels sont prévus pour les évènements tels que foires et expositions auxquels nous devons être présents. (Annexe 2 : un exemple au travers d’une photo montrant les différents représentants habillés du même costume) […] ».
En date du 25 mars 2020, le bureau d’imposition émit à l’égard de la société …, - au titre de l’année d’imposition 2015 :
o un bulletin de l’impôt commercial communal et un bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités lequel comporta les indications suivantes « […] Distribution cachée de bénéfice, voir explications sur le bulletin de la retenue sur les revenus de capitaux […] L’imposition diffère de la déclaration sur les points suivants […] » et « Reprise privée sur frais de voitures: … eur. Reprise privée sur frais de voyages et de représentation: … eur. Reprise privée sur vêtements professionnels: … eur. Reprise privée sur cadeaux clients: … eur.
Le montant total de … eur est ajouté hors bilan au résultat déclaré et est en tant que distribution cachée de bénéfices soumis à une retenue à la source de 15%. » ;
o un bulletin de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux mobiliers comportant l’indication suivante : « Reprise part privée sur frais pour le montant total de … eur. […]. ».
- au titre de l’année d’imposition 2016 :
o un bulletin de l’impôt commercial communal et un bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités lequel comporta les indications suivantes « […] Distribution cachée de bénéfice, voir explications sur le bulletin de la retenue sur les revenus de capitaux […] L’imposition diffère de la déclaration sur les points suivants […] » et « Reprise sur frais de voitures: … eur. Reprise sur frais de voyages et de représentation: … eur. Reprise sur vêtements professionnels: … eur. Le montant total de … eur est ajouté hors bilan au résultat déclaré et est en tant que distibution cachée de bénéfices soumis à une retenue à la source de 15%. Intérêts sur compte courant associé: … eur.;
o un bulletin de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux mobiliers avec 3l’indication suivante : « Reprisé part privée sur frais pour le montant total de … eur. […]. ».
- au titre de l’année d’imposition 2018 : un bulletin de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux mobiliers avec l’indication suivante : « Part privée sur frais de voitures déclarée. […]. ».
Le même jour, le bureau d’imposition émis encore à l’égard de la société … des bulletins d’établissement de la valeur unitaire et de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2016 et 2017.
Par un courrier électronique du 19 mai 2020, dont l’administration accusa la bonne réception le lendemain, la société … introduisit une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « directeur », dans les termes suivants :
« […] Concerne : […] • Bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités 2015 et 2016 • Bulletins de l’impôt commercial 2015 et 2016 Monsieur Le Directeur, Par la présente j’introduis réclamation sur les bulletins susmentionnés.
Préambule :
Malgré mes explications et justificatifs adressés à vos services, la quasi-entièreté de mes frais de représentation, de direction, de voyage, cadeaux à la clientèle et vêtements professionnels a été estimée de nature privée.
Mes motivations sont les suivantes :
J’exerce mon activité depuis plusieurs années via ma société de droit luxembourgeoise et ce de manière constante. Tant au niveau du chiffre d’affaire qu’au niveau des dépenses y relatif.
L’Administration des Contributions, sur les exercices imposés précédemment, n’a jamais soulevé d’interrogation quant à la manière d’exposer les frais liés à l’exploitation.
Ces frais se justifient, notamment, par de nombreux déplacements, afin de visiter, étendre et fidéliser la clientèle au Luxembourg et dans un[e] grande partie de la France carte ci-jointe.
Ceci implique à fortiori des dépenses de frais de voyages et de représentations, invitations etc.
Vous pourrez constater que les frais exposés, rejetés par votre administration, ne représentent en moyenne, que +/- 15 à 20% du chiffres d’affaires réalisés. Je suis tout à fait disposé à vous rencontrer afin de vous exposer mon métier et de vous démontrer la réalité des frais engendrés afin de mener au mieux celui-ci. […]. ».
Par courrier du 5 mai 2021, la société … s’enquit, par l’intermédiaire de son litismandataire, de l’état d’avancement de sa réclamation, tout en réitérant, en substance, son argumentation.
Par courrier du 10 mai 2021, l’administration informa le litismandataire de la société … que l’instruction de sa réclamation n’avait pas encore débouté et qu’eu égard à la charge de travail actuelle de la division Contentieux, il ne lui était pas possible d’indiquer un délai de traitement définitif.
A défaut de réponse de la part du directeur, la société … a fait introduire, par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 15 octobre 2021, inscrite sous le numéro 46577 du rôle, un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des bulletins de l’impôt 4sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal portant sur les années 2015 et 2016, bulletins d’établissement de la valeur unitaire et de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2016 et 2017, et des bulletins de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux mobiliers portant sur les années 2015, 2016 et 2018, tous émis en date du 25 mars 2020.
I) Quant à l’admissibilité de l’écrit, intitulé « Mémoire en réplique », déposé en date du 18 février 2022 Il convient de prime abord de trancher la question de l’admissibilité de l’écrit, intitulé « Mémoire en réplique », notifié par voie postale au greffe du tribunal administratif en date du 18 février 2022, cette question soulevée d’office à l’audience publique des plaidoiries par le tribunal revêtant un caractère préalable, étant donné qu’elle détermine le cadre des moyens à prendre en considération par la juridiction saisie dans sa démarche de solution du litige lui soumis1.
Le litismandataire ainsi que le délégué du gouvernement n’ont pas particulièrement pris position par rapport à la question soulevée par le tribunal à l’audience publique des plaidoiries.
L’article 5, paragraphe (5) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par la « loi du 21 juin 1999 », dispose que « le demandeur peut fournir une réplique dans le mois de la communication de la réponse ; la partie défenderesse et le tiers intéressé sont admis à leur tour à dupliquer dans le mois », tandis que l’article 7, alinéa 1 de la même loi dispose que « Il ne pourra y avoir plus de deux mémoires de la part de chaque partie, y compris la requête introductive ».
En l’espèce, dans la mesure où suite au dépôt du mémoire en réponse par la partie étatique en date du 17 janvier 2022, la société … a déposé un mémoire en réplique au greffe du tribunal administratif le 17 février 2022, partant endéans le délai d’un mois légalement prévu, l’écrit supplémentaire notifié par voie postale le lendemain au greffe du tribunal administratif est à écarter des débats, la société demanderesse ayant déjà atteint la limite de deux mémoires, en ce compris sa requête introductive d’instance.
II) Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours Conformément aux dispositions combinées du § 228 AO et de l’article 8, paragraphe (3), point 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par la « loi du 7 novembre 1996 », le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre un bulletin de l’impôt.
Il ressort, ensuite, des dispositions de l’article 8, paragraphe (3), point 3. de la loi du 7 novembre 19962, qu’un bulletin d’impôt peut être directement déféré au tribunal administratif 1 Cour adm., 14 novembre 2019, n° 42722C, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 911 et les autres références y citées.
2 « Lorsqu‘une réclamation au sens du § 228 de la loi générale des impôts ou une demande en application du §§131 de cette loi a été introduite et qu’aucune décision définitive n’est intervenue dans le délai de six mois à partir de la demande, le réclamant ou le requérant peuvent considérer la réclamation ou la demande comme rejetées et interjeter recours devant le tribunal administratif contre la décision qui fait l’objet de la réclamation ou, lorsqu’il s’agit d’une demande de remise ou en modération, contre la décision implicite de refus. Dans ce cas le délai prévu au point 4, ci-après ne court pas ».
5notamment lorsqu’une réclamation au sens du § 228 AO a été introduite et qu’aucune décision directoriale définitive n’est intervenue dans le délai de six mois à partir de la demande.
En revanche, un recours dirigé contre un bulletin dressé par un bureau d’imposition est irrecevable omisso medio si ledit bulletin et les contestations formulées n’ont pas été soumis préalablement pour examen et décision au directeur3.
Dans la mesure où, en l’espèce, il ressort des explications de part et d’autre que le directeur n’a pas pris position suite à la réclamation introduite par la société … en date du 20 mai 2020, le tribunal est compétent pour connaître de son recours principal en réformation déposé le 15 octobre 2021 contre des bulletins émis à son égard en date du 25 mars 2020.
Il n’y a, dès lors, pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement soulève, en premier lieu, l’irrecevabilité du volet du recours dirigé contre les bulletins de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux mobiliers portant sur les années d’imposition 2015, 2016 et 2018 au motif que lesdits bulletins n’auraient pas fait l’objet d’une réclamation, respectivement n’auraient pas été visés par la réclamation introduite par la société … en date du 20 mai 2020.
La société … n’a pas répondu dans son mémoire en réplique au moyen d’irrecevabilité ainsi soulevé par le délégué du gouvernement.
En l’espèce, il ne ressort ni de l’objet, ni du contenu du prédit courrier de réclamation du 20 mai 2020 que la société … ait manifesté son intention de diriger sa réclamation contre les bulletins de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux mobiliers portant sur les années d’imposition 2015, 2016 et 2018, alors que, d’une part, y sont seuls visés les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal portant sur les années 2015 et 2016, et, d’autre part, les contestations y incluses portent sur la seule question des dépenses d’exploitation dont la déduction a été refusée par le bureau d’imposition.
Dans ces conditions et compte tenu du fait que la société … n’a pas pris position par rapport à ce moyen d’irrecevabilité soulevé par le délégué du gouvernement, le volet du recours tendant principalement à la réformation des bulletins de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux mobiliers portant sur les années d’imposition 2015, 2016 et 2018, tous émis en date du 25 mars 2020, est irrecevable omisso medio.
Le délégué du gouvernement soulève, en second lieu, l’irrecevabilité du volet du recours de la société … pour autant qu’il est dirigé contre le bulletin de l’impôt commercial communal portant sur l’année d’imposition 2015 au motif que la cote d’impôt y aurait été fixée à zéro.
Conformément au § 231, alinéa (1) AO, un bulletin ne fixant pas de cote d’impôt positive ne saurait en principe ouvrir le droit à réclamation, faute de charge fiscale imposée au contribuable lui causant grief, étant relevé qu’il n’est pas dérogé à ce principe dans l’hypothèse d’un bulletin fixant une cote d’impôt égale à zéro et qui reconnaît en plus une perte dans le chef du contribuable au titre de l’exercice en question4.
En l’espèce, force est de constater que dans la mesure où le bulletin de l’impôt commercial communal portant sur l’année d’imposition 2015 fixe une cote d’impôt à zéro et à 3 Trib. adm. 6 août 1997, n° 9574, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 1249 et les autres références y citées.
4 Trib. adm., 4 février 1998, n° 9850 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, 1163 et les autres références y citéess.
6défaut d’une quelconque prise de position de la société … à ce sujet, cette dernière doit être considérée comme n’ayant aucun intérêt à agir contre ledit bulletin, de sorte que le recours principal en réformation, pour autant qu’il est dirigé à son encontre, est irrecevable.
A défaut d’autres moyens, le tribunal retient pour le surplus que le recours principal en réformation dirigé contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités portant sur les années 2015 et 2016, le bulletin de l’impôt commercial communal portant sur l’année 2016, ainsi que les bulletins d’établissement séparé de la valeur unitaire et de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2016 et 2017, tous émis en date du 25 mars 2020, est recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai prévu par la loi.
III) Quant au fond Argument des parties Dans sa requête introductive d’instance, la société demanderesse retrace les faits et rétroactes repris ci-avant et fait valoir que les redressements dont elle a fait l’objet lui paraîtraient arbitraires, alors qu’elle aurait apporté des explications et fourni des justificatifs qui démontreraient le bien-fondé des frais litigieux et devraient exclure la position de l’administration qui les aurait qualifiés comme étant de nature privée pour leur quasi-entièreté, ce qui ne serait pas acceptable.
Elle explique qu’elle générerait ses revenus principalement en tant qu’agent commercial pour la marque « … » et que sa zone de représentation couvrirait notamment une multitude de départements en France. Son administrateur, Monsieur …, qui serait constamment à la recherche de partenaires pour des nouveaux établissements surtout en France, percevrait des commissions relatives aux ventes opérées par les succursales développées, conseillerait les représentants de ses succursales, leur présenterait notamment des nouveaux produits, ainsi que des listes de prix, et dispenserait des séminaires à ses clients auxquels il rendrait régulièrement visite. Etant donné qu’il serait évident que Monsieur … serait quasiment constamment en déplacement, il devrait également loger dans des « hôtels etc. ».
La société demanderesse poursuit en faisant valoir que les frais litigieux se justifieraient notamment par les nombreux déplacements, afin de visiter, étendre et fidéliser la clientèle au Luxembourg et dans une grande partie de la France, ce qui impliquerait a fortiori « des dépenses de frais de voyage et de représentation, invitations etc. ». Sa clientèle, qui serait composée de « plus ou moins » 80 clients, serait répartie sur autant de départements à visiter de manière régulière.
Elle estime que le caractère professionnel de ces frais serait « évident », respectivement pourrait « pour le moins, être considéré comme étant établi de manière adéquate sur base d’éléments objectifs suffisants » et que « toutes les preuves » se trouveraient dans sa comptabilité.
La société demanderesse donne à considérer que l’administration aurait, par le passé, toujours accepté la déduction de ses frais et que ce changement de position équivaudrait à une violation du principe de sécurité juridique.
Tout en se prévalant de l’article 164, alinéa (3) de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après désignée par la « LIR », la société demanderesse fait valoir que les conditions y prévues ne seraient pas remplies aux motifs (i) qu’il n’y aurait pas eu 7de réduction indue de son revenu imposable, (ii) qu’il n’y aurait pas eu un emploi de revenus sans contrepartie effective et adéquat au motif qu’une telle contrepartie aurait existé, à savoir « l’acquisition de nouveaux clients et la fidélisation des clients existants par l’intermédiaire desquelles [elle] gén[érerait] ses revenus, (iii) qu’il n’y aurait pas eu d’avantage accordé qui n’aurait pas pu être obtenu en l’absence d’un lien entre elle et son administrateur, (iv) que la situation ne serait pas celle dans laquelle un gestionnaire prudent et avisé, placé dans la même situation, n’aurait pas accordé un « avantage similaire » à un tiers, (v) que les déplacements et autres frais seraient une réalité et une nécessité, afin de soigner la clientèle et de générer des revenus, et (vi) que ces frais auraient été « tout simplement inévitable[s] » et n’auraient pas été engagés au motif que Monsieur … serait son administrateur, alors que toute personne tierce aurait dû engager ces frais.
La société demanderesse se prévaut de la jurisprudence des juridictions administratives pour soutenir que la charge de la preuve de l’existence d’une distribution cachée de bénéfices reposerait, pour le moins en premier lieu, sur l’administration, ce qu’elle serait restée en défaut de faire, alors qu’elle n’aurait ni produit d’argumentation, ni fourni des pièces à ce sujet.
Elle ajoute que l’administration serait tenue à un examen impartial et objectif, mais qu’elle aurait agi de manière arbitraire en l’espèce.
La société demanderesse conclut en affirmant qu’il n’y aurait pas eu de diminution de bénéfices qui ne serait pas économiquement justifiée ou qui serait seulement motivée par des relations particulières entre « deux entités liées » et qu’en engageant et en prenant en charge ces frais, elle aurait agi comme un gestionnaire moyennement diligent et consciencieux, tendant à assurer la rentabilité de son exploitation commerciale. Son administrateur ne se serait pas enrichi lorsqu’il aurait voyagé pour elle.
Dans son mémoire en réplique, la société demanderesse maintient son argumentation et estime que ce serait à tort que l’administration aurait requalifié « les frais de direction, réception et représentation, vêtements professionnels, cadeaux clients », qui seraient les « postes » principaux litigieux, à hauteur de 75% en tant que distributions cachées de bénéfices.
Il appartiendrait à l’administration de prouver non seulement que l’associé unique de la société aurait reçu des avantages, mais également qu’il les aurait reçus uniquement en raison de sa qualité d’associé, preuves qui feraient défaut en l’espèce. L’administration serait plus particulièrement restée en défaut de prouver (i) une diminution de l’actif ou un défaut d’accroissement de l’actif, (ii) l’existence d’une réduction indue de revenu ou une diminution indue de bénéfices, (iii) une absence de contrepartie effective et adéquate, et (iv) qu’un gestionnaire prudent et avisé n’aurait pas accordé un « avantage » similaire à un tiers.
La société demanderesse réitère que la contrepartie effective et adéquate des frais engagés auraient consisté « dans l’acquisition de nouveaux clients et la fidélisation des clients existants par l’intermédiaire desquels [elle] [aurait généré] ses revenus » et ajoute que lesdits frais auraient été une réalité et une nécessité, en l’occurrence pour soigner la clientèle et générer des revenus, de sorte qu’ils auraient été inévitables. En faisant l’investissement de ces frais, elle aurait pu augmenter de manière considérable son chiffre d’affaires, la société demanderesse s’interrogeant quant à la manière dont un agent commercial pourrait acquérir et fidéliser une clientèle autrement qu’en se déplaçant et en engageant des frais à cet égard.
Elle ajoute que le bureau d’imposition n’aurait pas, conformément à l’article 59 de la loi du 21 juin 1999, fait état d’un faisceau de circonstances qui rendrait probable une distribution 8cachée de bénéfices, respectivement qu’il n’aurait jamais relevé le moindre élément concret qui lui aurait paru douteux. L’administration n’aurait, dès lors, pas renversé la charge de la preuve qui serait toujours restée dans son chef.
La société demanderesse affirme « produi[re] encore une multitude d’éléments et de preuves supplémentaires, afin de prouver la réalité des opérations » et se réfère à cet égard à une « pièce n° 10 ».
Elle indique, par ailleurs, que pour qu’il y ait distribution cachée de bénéfices, il ne suffirait pas qu’elle se soit appauvrie, mais il faudrait encore que son actionnaire se soit personnellement enrichi, preuve que l’administration n’aurait pas rapportée. Les activités de son administrateur, respectivement associé correspondraient justement à son objet qui consisterait « notamment dans l’achat, la vente, l’installation et la réparation de matériel électro-ménager, ainsi que l’achat, la vente et la pose de meubles de cuisines et de salles de bains ainsi que tout type de meubles en général ».
La société demanderesse fait valoir que le pourcentage de 75% qu’aurait retenu l’administration serait « arbitraire, disproportionné, abusif et certainement pas impartial et objectif » et qu’elle aurait procédé ainsi sans la « moindre explication » et sans lui donner la possibilité de réagir à des reproches. En procédant de la sorte, l’administration aurait violé le principe général de droit d’une bonne administration.
Outre le principe de sécurité juridique, l’administration aurait encore violé le « principe de prévisibilité » au motif qu’elle aurait accepté la déduction intégrale des frais litigieux par le passé pour désormais les refuser de manière incohérente.
La société demanderesse estime que cette « façon de procéder [de l’administration] […] probablement d[evrait] être vue comme une riposte suite à l’autre affaire concernant les parties, dans le cadre de laquelle [elle] a[ura]ait obtenu gain de cause en vertu de l’arrêt de la Cour administrative du 1er août 2018 ».
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé.
Analyse du tribunal 1) Quant à la violation alléguée du principe de bonne administration Force est de constater que la référence générale faite par la société demanderesse au principe de bonne administration qui aurait été violé au motif que l’administration ne lui aurait pas donné la possibilité de réagir face à ses reproches ou que l’administration aurait procédé aux redressements litigieux sans lui fournir d’explications, est à rejeter, alors qu’un moyen simplement suggéré ne requiert pas de prise de position du tribunal.
Il n’appartient plus particulièrement pas au tribunal de suppléer à la carence de la société demanderesse, respectivement de son litismandataire, et de supposer du sens qu’elle a entendu donner à ses déclarations au risque non seulement de dénaturer les moyens qu’elle a entendu soulever, mais encore au risque d’une violation des droits de la défense. Un simple renvoi à un principe général du droit, sans explication en quoi il aurait été violé, n’est pas suffisant.
En tout état de cause, l’argumentation de la société demanderesse est contredite par les faits et plus particulièrement par les propres courriers de la société demanderesse, non seulement 9celui du 10 octobre 2018, mais surtout celui du 27 février 2020 émis dans le cadre de l’application du 205, alinéa (3) AO, dans lesquels la société demanderesse a pu prendre position par rapport aux reproches du bureau d’imposition avant que les bulletins d’impôt litigieux, déférés, ne lui soient notifiés. De ce point de vue, l’argumentation de la société demanderesse est à rejeter pour défaut de pertinence.
2) Quant à la question de la déductibilité des frais a) Remarques préliminaires Le litige porte sur la question de l’admissibilité de dépenses d’exploitation, alors que l’administration n’a pas accepté la déductibilité de certains frais déclarés par la société demanderesse, mais a au contraire, retenu l’existence de distributions cachées de bénéfices.
A cet égard, le tribunal relève de prime abord que l’article 45, alinéa (1) LIR, invoqué par le directeur, dispose comme suit : « Sont considérées comme dépenses d’exploitation déductibles les dépenses provoquées exclusivement par l’entreprise. ».
Cette disposition admet la qualification de dépense d’exploitation s’il existe un lien de causalité suffisamment étroit entre la dépense et le revenu passé, actuel ou à naître du contribuable et si ce lien présente un caractère d’exclusivité suffisant pour exclure que la dépense a été en réalité engagée pour les besoins personnels d’autres personnes5.
Le contribuable est néanmoins seul juge de l’opportunité d’une dépense d’exploitation et la notion du lien de causalité n’implique aucun contrôle de la question de savoir si la dépense était nécessaire pour l’activité ou si elle était effectivement susceptible de profiter à l’exploitation. Il faut et il suffit que la dépense ait trouvé sa cause exclusive dans l’activité commerciale. En effet, étant donné que le droit fiscal soumet à l’impôt l’activité à but de lucre du contribuable qu’il a effectivement réalisée, mais n’affecte pas sa liberté individuelle de définir lui-même l’envergure de son initiative entrepreneuriale, il incombe au seul contribuable de déterminer l’étendue de son activité commerciale, les moyens y engagés et le niveau de profit qu’il entend en tirer6.
Il s’ensuit que les dépenses d’exploitation ne connaissent pas de limitation quant à leur montant7, dès lors que leur lien exclusif avec l’activité en question est donné.
Toutefois, la circonstance que le contribuable reste juge de l’opportunité et du montant des dépenses à engager par lui ne l’exonère pas de l’obligation de rapporter la preuve du lien causal exclusif8 susvisé.
En effet, la preuve du lien de causalité suffisamment étroit et exclusif incombe en principe au contribuable à la fois au niveau de la procédure d’imposition conformément aux principes posés par les §§ 171, alinéa (1), 204, alinéa (1) et 205, alinéas (1) et (2) AO, et au niveau de la procédure contentieuse eu égard à l’article 59 de la loi du 21 juin 1999 suivant 5 Cour adm. 4 mai 2021, n° 44776C du rôle ; Cour adm., 27 juillet 2016, n° 36855C du rôle, disponibles sur le site www.jurad.etat.lu.
6 Cour adm., 1er décembre 2016, n° 37844C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 209 et les autres références y citées.
7 Trib. adm., 24 février 2000, n° 11061 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 208 et les autres références y citées.
8 Voir en ce sens : Trib. adm., 28 juin 2000, n° 11553 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 209 et les autres références y citées.
10lequel « La preuve des faits déclenchant l’obligation fiscale appartient à l’administration, la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la cote d’impôt appartient au contribuable. […]. La preuve peut être rapportée par tous les moyens, hormis le serment. »9.
Il appartient dès lors au contribuable de rapporter la preuve non seulement de l’existence matérielle de ces dépenses, c’est-à-dire que les dépenses alléguées ont causé une diminution effective de son patrimoine, mais encore de la relation économique de la dépense alléguée avec la catégorie de revenu choisie10.
Dans ces conditions, il incombe à la société demanderesse de rapporter la preuve que les conditions de l’article 45, alinéa (1) LIR sont remplies pour porter en déduction les frais litigieux en l’espèce, analyse qui sera fait ci-après.
Cette conclusion ne se trouve pas remise en cause par l’argumentation de la société demanderesse fondée sur une violation alléguée du principe de sécurité juridique et de « prévisibilité » tirée du fait que l’administration aurait, par le passé, accepté la déduction intégrale de certains frais, de sorte qu’elle ne serait désormais plus en droit de refuser leur déduction pour les années d’imposition postérieures.
A cet égard, le tribunal rappelle qu’en application du principe de l’annualité de l’impôt, consacré notamment à l’article 1er LIR qui dispose que « L’année d’imposition cadre avec l’année civile. », et à l’article 6, alinéa (1) LIR, aux termes duquel « L’impôt frappe le revenu imposable réalisé par le contribuable pendant l’année d’imposition », la situation du contribuable doit être considérée pour chaque année d’imposition suivant des données et caractéristiques propres, établies du moment. Ainsi, l’administration fiscale et par la suite aussi le juge administratif, dans la limite de ses pouvoirs et des moyens soulevés par le contribuable, doit apprécier l’admissibilité de certaines dépenses dans la catégorie des dépenses d’exploitation au regard des dispositions légales applicables en la matière et au regard des éléments de fait à sa disposition, et il ne saurait être dispensé de cette analyse par le simple fait que certaines dépenses auraient, dans le passé, été admises par le bureau d’imposition à titre de dépenses d’exploitation, sauf l’hypothèse d’une décision expresse en faveur du contribuable11, ce qui n’est en l’espèce ni allégué, ni a fortiori démontré.
Les contestations afférentes de la société demanderesse encourent, dès lors, le rejet.
D’un autre côté, le tribunal relève que se pose, en l’espèce, la question de l’existence de distributions cachées de bénéfices au sens de l’article 164, alinéa (1) LIR, retenue par le bureau d’imposition, dans la mesure où c’est justement le défaut de lien de causalité exclusif entre les dépenses engagées et l’activité de la société demanderesse qui serait susceptible, le cas échéant, de permettre de conclure que les dépenses litigieuses ont, en réalité, été engagées pour les besoins personnels d’autres personnes, tel que relevé ci-avant, dont notamment les associés de la société demanderesse, respectivement des personnes intéressées au sens de l’article 164, alinéa (3) LIR.
De manière plus générale, il convient encore de préciser que si le tribunal est certes investi en la présente matière du pouvoir de statuer en tant que juge du fond et qu’il est ainsi 9 Cour adm., 10 novembre 2015, n° 35818C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 212 et l’autre référence y citée.
10 Cour adm., 11 mars 2021, n° 44078C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 213 (2e volet) et les autres références y citées.
11 Cour adm. 3 août 2016, n° 37117C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n°21 et les autres références y citées.
11investi du pouvoir de substituer à une décision administrative jugée illégale sa propre décision, il n’en demeure pas moins que s’il est saisi d’un recours contentieux contre un acte déterminé, en l’occurrence les bulletins d’impôt déférés, l’examen auquel il doit se livrer s’effectue en principe dans le cadre des moyens invoqués par la partie demanderesse pour contrer les points spécifiques de l’acte déféré faisant grief, sans que son contrôle ne consiste à procéder à un réexamen général et global de la situation fiscale du contribuable. Il s’ensuit qu’il incombe au demandeur en réformation de fournir à l’appui de sa requête des éléments suffisamment précis pour permettre, le cas échéant, l’exercice utile de ce pouvoir de réformation12.
Enfin, le tribunal est encore amené à préciser qu’il ne lui appartient pas d’analyser de son propre chef des documents versés par la société demanderesse pour y déceler d’éventuels éléments susceptibles de plaider en faveur de sa thèse13, à savoir la liasse de feuille composant sa « pièce n° 10 » déposées en vrac, sans distinction et sans précisions quant aux éléments que la société demanderesse entend corroborer, voire démontrer sur cette base. En effet, il incombe au demandeur de participer activement à l’établissement de la preuve des faits et circonstances qu'il invoque pour justifier une modération d'impôt, et il ne suffit pas qu'un demandeur dépose à l'appui de son recours une pile de pièces en vrac, sans y joindre un inventaire ordonné et sans un état détaillé précisant la décomposition exacte des montants totaux de frais déclarés, avec référence aux pièces justificatives et avec la précision des qualifications fiscales afférentes, étant donné que pareil défaut met tant la partie défenderesse dans l'impossibilité de faire valoir ses observations, que le tribunal dans l'impossibilité d'examiner le bien-fondé des prétentions, spécialement en ce qui concerne l'examen de la réalité et de la motivation de prétendues dépenses d'exploitation14.
Pour les mêmes motifs, il n’appartient pas non plus au tribunal de vérifier « toutes les preuves » qui se trouveraient dans la comptabilité de la société demanderesse et qui seraient de nature à défendre la thèse défendue par la société demanderesse dans le cadre du présent recours, alors que, conformément à l’article 59 de la loi du 21 juin 1999, il lui appartient de désigner clairement les pièces, ainsi que les données y reproduites, dont elle entend, le cas échéant, se prévaloir.
C’est sur cette toile de fond et sur base de ces considérations que le tribunal examinera, les contestations de la société demanderesse quant aux différentes dépenses que celle-ci entend déduire.
b) Quant à la déductibilité des frais de voiture En l’espèce, le bureau d’imposition a, dans un premier temps, indiqué vouloir retenir, par voie de taxation, une quote-part d’utilisation privée de deux véhicules – qui appartiennent, de façon non contestée, à la société demanderesse – ayant abouti à l’admission des frais afférents en déduction dans le chef de cette dernière à hauteur de 40% pour les années d’imposition 2015 et 2016 litigieuses, de sorte que le principe même de l’existence desdits frais n’est pas litigieux en l’espèce. Il s’agit, d’après les explications non contestées du délégué du gouvernement, d’un véhicule « … » ayant fait l’objet d’un « leasing » jusqu’au 11 septembre 2015, ainsi que d’un véhicule « … » ayant également fait l’objet d’un « leasing » à compter du 17 juillet 2015.
12 Trib. adm. 17 novembre 2004, n° 18360a du rôle, Pas. adm. 2022, V° Recours en réformation, n° 31 et les autres références y citées.
13 Trib. adm. 30 mars 2018, n° 40756 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Recours en annulation, n° 866.
14 Trib. adm., 2 juin 2003, n° 15606 du rôle, confirmé par Cour adm., 2 décembre 2003, n° 16708C du rôle, Pas.
adm. 2022, V° Impôts, n° 1285 (1er volet).
12Lors de l’émission des bulletins d’impôt déférés, le bureau d’imposition a réduit la quote-
part d’utilisation privée à hauteur de 20% et fixé la « Reprise privée sur frais de voitures » litigieuse à … euros pour l’année d’imposition 2015 et à … euros pour l’année d’imposition 2016.
C’est à juste titre que le délégué du gouvernement relève que ce faisant, le bureau d’imposition n’a fait que tenir compte, d’une part, des observations fournies par la société demanderesse elle-même, alors qu’il résulte expressément de son courrier de réponse du 27 février 2020, précité, que « Le calcul à hauteur de 20% est conforme à la réalité » et que « Votre estimation de 40% d’utilisation privée sur voiture est surfaite et non justifiée », et, d’autre part, des informations envoyées par la société à responsabilité A, ci-après désignée par la « société A », qui est, toujours d’après les explications non contestées du délégué du gouvernement, le « bureau comptable » de la société demanderesse, alors que la société A a confirmé dans son courrier électronique du 16 mars 2020 envoyé au bureau d’imposition ledit pourcentage de 20%.
Surtout, les montants de … euros pour l’année d’imposition 2015 et à … euros pour l’année d’imposition 2016 retenus dans les bulletins d’impôt déférés correspondent exactement à ceux fournis par le « bureau comptable » de la société demanderesse dans ledit courrier électronique.
Si dans le cadre du présent recours, la société demanderesse conteste désormais ce pourcentage d’utilisation privée, ainsi que les montants retenus par le bureau d’imposition, force est de constater qu’elle n’a, tel que relevé par le délégué du gouvernement, soumis au bureau d’imposition aucun élément de nature à établir un quelconque pourcentage d’utilisation professionnelle et privée, tel qu’un carnet de route. Or, il appartient, en tout état de cause, au contribuable de rapporter la preuve de la cause professionnelle («»die berufliche Veranlassung»») relativement à l’utilisation du véhicule dont il réclame la déduction des frais afférents, ainsi que le pourcentage de l’utilisation professionnelle effective dudit véhicule15.
La société demanderesse ne saurait se limiter à affirmer péremptoirement que tous les déplacements effectués par son administrateur auraient eu une cause professionnelle. Le seul fait que les frais en question aient été comptabilisés en tant que charges dans sa comptabilité n’est pas non plus suffisant pour démontrer que les véhicules en question auraient été exclusivement utilisés pour des besoins professionnels, de sorte que l’intégralité des frais litigieux devrait être portée en déduction de son résultat sur le plan fiscal, alors que l’article 45, alinéa (1) LIR pose une exigence supplémentaire en vue de leur admission, à savoir que les frais aient été « provoqués exclusivement par l’entreprise ». Il est tout autant insuffisant de se prévaloir de son activité économique qui nécessiterait que son administrateur effectue des déplacements partout en France, alors que, d’une part, cette circonstance ne signifie pas ipso facto que l’intégralité des déplacements effectués avec les véhicules litigieux aurait été effectuée pour ses besoins professionnels, et, d’autre part, la réalité et la nécessité de ces déplacements n’est pas contestée.
Dans ces conditions et à défaut d’un quelconque élément probant référencé par la société demanderesse qui serait de nature à invalider les constats faits ci-avant, le tribunal est amené à retenir qu’aucune critique ne saurait être faite au bureau d’imposition d’avoir procédé par voie de taxation suivant le § 217 AO16 pour déterminer la quote-part d’utilisation professionnelle et 15 Trib. adm., 21 février 2001, n° 12028 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 219 et les autres références y citées.
16 « (1) Soweit das Finanzamt die Besteuerungsgrundlagen (einschließlich solcher Besteuerungsgrundlagen, für die eine gesonderte Festlegung nicht vorgeschrieben ist) nicht ermitteln oder berechnen kann, hat es sie zu schätzen.
Dabei sin alle Umstände zu berücksichtigen, die für die Schätzung von Bedeutung sind.
(2) Zu schätzen ist insbesondere dann, wenn der Steuerpflichtige über seine Angaben keine ausreichenden Aufklärungen zu geben vermag oder weitere Auskunft oder eine Versicherung an Eidesstatt verweigert. Das Gleiche gilt, wenn der Steuerpflichtige Bücher oder Aufzeichnungen, die er nach den Steuergesetzen zu führen hat, nicht 13la fixer à 40%, puis d’avoir réduit ce pourcentage à 20% et fixé les montants de … euros et … euros en se référant aux propres explications et données fournies par la société demanderesse.
Les contestations afférentes de la société demanderesse sont, dès lors, à rejeter pour être non fondées.
c) Quant à la déductibilité des frais de réception et de représentation En l’espèce le bureau d’imposition a retenu, par voie de taxation, une quote-part d’utilisation privée des frais de réception et de représentation à hauteur de … euros pour l’année d’imposition 2015 et de … euros pour l’année d’imposition 2016.
S’agissant de la preuve des dépenses d’exploitation à fournir, il convient de se référer, outre aux principes dégagés ci-avant sur le fondement des articles 45 LIR et 59 de la loi du 21 juin 1999, précités, au § 205a, alinéa (2) AO qui dispose comme suit : « (1) Wenn der Steuerpflichtige beantragt, dass Betriebsausgaben oder Werbungskosten bei der Feststellung des Einkommens abgesetzt werden, so kann die Steuerkontrollstelle verlangen, dass der Steuerpflichtige die Empfänger genau bezeichnet. ». En effet, les frais de restaurant causés par une invitation de l’exploitant au bénéfice de fournisseurs ou clients constituent des dépenses d’exploitation s’analysant en des avantages alloués à des personnes déterminées dont le bureau d’imposition peut exiger, sur le fondement du § 205a, alinéa (2) AO, la désignation exacte des bénéficiaires par le contribuable, de sorte que le contribuable se trouve soumis à une obligation renforcée de preuve d’une relation économique avec son entreprise, entraînant qu’il devrait être en mesure de justifier concrètement le montant de frais de représentation par lui ainsi mis en avant17.
En l’espèce, si une liste comportant l’identité et l’adresse de clients semble figurer dans la liasse de feuilles composant la « pièce n° 10 » fournie par la société demanderesse, force est de constater que le tribunal ne s’est vu soumettre aucune précision à l’égard de ces documents et plus particulièrement aucune explication circonstanciée de la société demanderesse qui serait de nature à établir que la fixation du pourcentage d’utilisation privée de 50% par le bureau d’imposition serait critiquable, voire qu’un pourcentage d’utilisation inférieure devrait s’imposer au regard de cette liste ou de tout autre document versé par la société demanderesse à l’appui de son recours.
La société demanderesse est, par ailleurs, restée en défaut de contredire le délégué du gouvernement dans son affirmation selon laquelle elle aurait certes versé « les historiques des comptes généraux » des années d’imposition 2015 et 2016 litigieuses, ainsi que des relevés de carte de crédit à son nom, mais qu’elle n’aurait pas versé les factures afférentes aux dépenses à un quelconque moment, que ce soit au cours de la procédure précontentieuse ou dans le cadre du présent recours, étant relevé que les photocopies, partiellement illisibles, de quelques reçus bancaires figurant dans la « pièce n° 10 » ne sont manifestement pas de nature à démontrer la cause exclusivement professionnelle des frais sous analyse.
La société demanderesse n’a pas non plus pris position par rapport aux explications du délégué du gouvernement selon lesquelles le caractère professionnel des nombreux retraits vorlegen kann oder wenn die Bücher oder Aufzeichnungen unvollständig oder formell oder sachlich unrichtig sind.“».
17 Trib. adm., 2 février 2003, n° 14855 du rôle, Pas. adm., 2022, V° Impôts, n° 222 et les autres références y citées.
14d’argent en espèces, qu’elle attribuerait à des frais de réception et de représentation, ne serait démontré par aucune pièce justificative.
Dans ces conditions et au regard des contestations tout à fait générales de la société demanderesse, le tribunal retient que les éléments soumis à son appréciation sont, contrairement à l’affirmation de la société demanderesse, en l’état actuel insuffisants pour démontrer que l’ensemble des frais de réception et de représentation dont elle réclame, en substance, la déduction intégrale au titre des années d’imposition litigieuses aurait été engagé dans l’intérêt exclusif de son activité conformément à l’article 45, alinéa (1) LIR.
Aucun reproche ne saurait, dès lors, être fait au bureau d’imposition d’avoir fixé une quote-part d’utilisation privée des frais de réception et de représentation litigieux à hauteur de … euros pour l’année d’imposition 2015 et de … euros pour l’année d’imposition 2016 en application du § 217 AO, la société demanderesse devant s’imputer à elle-même les conséquences éventuellement désavantageuses de la taxation dont elle a fait l’objet18, alors qu’en l’absence non contestée de factures versées par la société demanderesse qui seraient de nature à établir la matérialité des dépenses engagées et eu égard à l’absence de preuve du lien causal exclusif entre ces dépenses et son activité, le pourcentage retenu, loin d’être désavantageux pour la société demanderesse, doit être considéré comme une estimation faite avec mesure et modération .
d) Quant à la déductibilité des frais liés à l’achat de vêtements et à des cadeaux offerts à des clients En l’espèce, le bureau d’imposition a retenu, par voie de taxation, une quote-part d’utilisation privée des frais pour « vêtements professionnels » à hauteur de … euros et de … euros pour les années d’imposition 2015 et 2016 respectivement, et les frais pour « cadeaux » à hauteur de … euros pour l’année d’imposition 2016.
En application des principes dégagés ci-avant sur le fondement des articles 45 LIR et 59 de la loi du 21 juin 1999 et au regard de l’exigence de preuve renforcée imposée par § 205a, alinéa (2) AO, précités, le tribunal est amené à confirmer l’approche retenue par le bureau d’imposition et explicitée par le délégué du gouvernement.
En effet, d’une part, la société demanderesse ne conteste pas le délégué du gouvernement dans son affirmation selon laquelle elle n’aurait versé aucune pièce justificative de nature à corroborer la matérialité des dépenses engagées, à l’exception de factures de champagne, dont par ailleurs, l’une d’elle indique que son administrateur en serait le bénéficiaire. D’autre part, le tribunal rejoint le représentant étatique dans son explication selon laquelle des frais engagés pour l’achat d’un vêtement de travail ne sauraient porter sur des « achats de vêtements de sports, de loisir, de sous-vêtements ou de pijamas, sans spécificité propre » à la profession de la société demanderesse.
L’affirmation péremptoire de la société demanderesse selon laquelle les « cadeaux » à la clientèle seraient justifiés et nécessaires au développement de son activité économique et à la fidélisation de ses clients ne démontre pas que chacune des dépenses de « cadeaux » aurait été effectivement engagée à cette fin, ces allégations n’étant corroborées par aucun élément tangible et retraçable.
18 Cour adm., 30 janvier 2001, n° 12311C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 946 (2e volet) et les autres références y citées.
15 A défaut d’une quelconque prise de position circonstanciée de la société demanderesse, le tribunal retient qu’aucune critique ne saurait être faite au bureau d’imposition dans sa façon de faire et qu’il doit être considéré comme ayant agi avec mesure et modération, alors qu’une portion a tout de même été admise en déduction du résultat de la société demanderesse en dépit de l’absence de pièces justificatives.
3) Quant à la question de l’existence de distributions cachées de bénéfices L’article 164, alinéa (3) LIR dispose comme suit : « Les distributions cachées de bénéfices sont à comprendre dans le revenu imposable. Il y a distribution cachée de bénéfices notamment si un associé, sociétaire ou intéressé reçoit directement ou indirectement des avantages d’une société ou d’une association dont normalement il n’aurait pas bénéficié s’il n’avait pas eu cette qualité ».
Une distribution cachée de bénéfices existe si un associé, sociétaire ou intéressé reçoit directement ou indirectement d’une société des avantages qui s’analysent pour cette dernière en un emploi de revenus sans contrepartie effective et que l’associé, sociétaire ou intéressé n’aurait pas pu obtenir en l’absence de ce lien. La situation concernée est celle où un gestionnaire prudent et avisé n’aurait pas accordé un avantage similaire à un tiers.
Une distribution cachée de bénéfices s’analyse en une opération ayant l’apparence d’être intervenue dans le cadre de la réalisation de revenus, mais dont l’examen de sa substance permet de dégager sa qualification réelle d’une opération de distribution trouvant son fondement dans l’allocation d’un avantage direct ou indirect à un associé, actionnaire ou intéressé et ayant entraîné soit une diminution de l’actif (“Vermögensminderung”) soit un défaut d’accroissement de l’actif (“verhinderte Vermögensmehrung”)19.
La reconnaissance de l’existence d’une distribution cachée de bénéfices suppose, outre que l’avantage, ait entraîné soit une diminution de l’actif, soit un défaut d’accroissement de l’actif dans le chef de la société en question, que ledit avantage soit resté pour cette dernière sans contrepartie effective en sa faveur. La notion de contrepartie effective implique que la société ait bénéficié de l’allocation d’un bien ou avantage appréciable en argent qui présente un lien économique direct avec l’avantage alloué par elle et qui constitue une compensation adéquate de la valeur de l’avantage accordé. La question de la reconnaissance d’un avantage accordé unilatéralement par la société se situe au niveau des effets économiques qui peuvent découler d’une opération unique ou de plusieurs opérations lorsque le lien économique les unissant implique l’analyse de leurs effets dans leur globalité20.
L’avantage accordé par la société doit, par ailleurs, tout comme les distributions de revenus dans les formes prévues par le droit des sociétés, encore avoir la nature d’une recette pouvant être qualifiée de revenu de capitaux mobiliers dans le chef du bénéficiaire21.
En ce qui concerne la charge de la preuve, il résulte d’une lecture combinée des articles 164, alinéa (3) LIR et 59 de la loi du 21 juin 1999, précités, que la charge de la preuve de l’existence d’une distribution cachée de bénéfices repose en premier lieu sur le bureau d’imposition. Celui-ci doit, en effet, procéder à un examen impartial et objectif des déclarations 19 Cour adm. 19 janvier 2012, n° 28781C, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 652 et les autres décisions y visées.
20 Cour adm, 11 mars 2021, n° 44908C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 655.
21 Cour adm., 31 juillet 2019, n° 42326C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 660 et les autres références y citées.
16du contribuable et relever des éléments qui lui paraissent douteux et qui pourraient indiquer l’existence de distributions cachées de bénéfice. Ainsi, c’est essentiellement lorsque le bureau d’imposition peut faire état d’un faisceau de circonstances qui rendent une telle distribution probable et qui n’ont pas été éclairées ou documentées par le contribuable que le bureau peut mettre en cause la réalité économique des opérations et supposer une diminution indue des bénéfices de l’entreprise sans avoir à la justifier exactement. Il y a alors renversement de la charge de la preuve, le contribuable devant prouver qu’il n’y a pas diminution de bénéfice ou que celle-ci est économiquement justifiée, et non seulement motivée par des relations particulières entre deux entités liées22.
En l’espèce, dans la mesure où c’est à bon droit que le bureau d’imposition a pu conclure que les frais de déplacement, les frais de réception et de représentation, ainsi que les frais de vêtements et de « cadeaux » litigieux n’avaient pas été exclusivement engagées dans l’intérêt de l’activité de la société demanderesses conformément à l’article 45, alinéa (1) LIR, mais qu’une quote-part d’utilisation privée devait être retenue, il a valablement pu en déduire que ces frais avaient été, dans cette mesure, engagés par la société demanderesse au bénéfice d’autres personnes, en l’occurrence de Monsieur …, dont il n’est pas contesté qu’il s’agit de son associé, et en tirer l’existence d’un faisceau de circonstances rendant probable l’existence de distributions cachées de bénéfices en sa faveur.
Le tribunal rejoint le délégué du gouvernement dans son affirmation selon laquelle la première condition tenant à l’existence d’une distribution cachée de bénéfices est remplie en l’espèce, alors que la société demanderesse ne conteste pas l’existence d’un lien sociétaire avec Monsieur ….
Il appartient, dès lors, en application des principes dégagés ci-avant sur base des articles 164, alinéa (3) LIR et 59 de la loi du 21 juin 1999, à la société demanderesse de démontrer qu’il n’y a pas eu de diminution de bénéfice ou que celle-ci est économiquement justifiée, et non seulement motivée par des relations particulières entre elle et Monsieur ….
Force est de constater que la société demanderesse n’est pas fondée à soutenir que l’acquisition de nouveaux clients et la fidélisation de clients existant constitueraient une contrepartie effective et adéquate des frais litigieux, alors que cette argumentation revient à justifier les distributions cachées litigieuses par la nécessité de réaliser des revenus. Or, le tribunal a retenu ci-avant qu’une quote-part d’utilisation de ces frais n’avait pas été provoquée exclusivement par l’entreprise, mais engagée au bénéfice de l’associé de la société demanderesse. Ces frais sont donc intervenus, non pas dans la sphère de réalisation, mais dans le cadre d’une opération de distribution des revenus de la société demanderesse. L’objectif poursuivi par l’article 164, alinéa (3) LIR vise justement à requalifier l’opération ayant l’apparence d’être intervenue dans le cadre de la réalisation de revenus pour lui conférer sa qualification réelle d’une opération de distribution trouvant son fondement dans l’allocation d’un avantage direct ou indirect à un associé ou actionnaire et ayant entraîné soit une diminution de l’actif, soit un défaut d’accroissement de l’actif, tel que retenu ci-avant, et, ensuite, à annihiler la réduction indue du revenu imposable causée par cette opération de distribution23. Dès lors, l’acquisition et la fidélisation de clients est a priori certes rattachable à l’activité de la société demanderesse, partant à la sphère de réalisation de ses revenus, il n’en reste pas moins que ces 22 Cour adm. 12 février 2009, n° 24642C, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 656 (2e volet) et les autres décisions y visées.
23 Cour adm. 19 janvier 2012, n° 28781C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 652 (1er volet) et les autres références y citées.
17considérations sont sans rapport avec la question de l’existence alléguée d’une contrepartie effective dans l’utilisation, respectivement la distribution desdits revenus intervenue par la suite.
Il y a, par ailleurs, lieu de rejeter les explications de la société demanderesse selon lesquelles Monsieur … aurait agi en conformité avec son objet social, alors que c’est précisément l’absence de preuve que l’intégralité des dépenses engagées par lui l’ont été dans son intérêt exclusif qui est remise en question en l’espèce.
Si la société demanderesse soutient que Monsieur … ne se serait pas « enrichi » personnellement, force est de constater qu’au regard de l’absence de lien de causalité exclusif entre les frais litigieux et son activité, la quote-part d’utilisation privée desdits frais doit, tel que retenu ci-avant, être considérée comme ayant été faite dans l’intérêt personnel de Monsieur … dans cette mesure. Les contestations afférentes encourent, dès lors, le rejet, étant relevé que le seul fait de critiquer le pourcentage de 75% en le considérant « arbitraire, disproportionné, abusif et certainement pas impartial et objectif » n’est pas, à défaut d’explications circonstanciées, de nature à remettre en cause son bien-fondé.
A défaut d’autres éléments de nature à remettre en cause le faisceau d’indices mis en avant par la partie étatique rendant probable l’existence de distributions cachées de bénéfices en faveur de son associé, le tribunal se doit de retenir que le pourcentage de 75% retenu par le bureau d’imposition est à confirmer en ce sens que les avantages octroyés par la société demanderesse à son associé ont entraîné une diminution de son actif et que ces avantages sont restés pour la société demanderesse sans contrepartie effective en sa faveur, mais s’expliquent par les relations particulières existant entre elle et Monsieur … en application de l’article 164, alinéa (3) LIR.
La société demanderesse n’a, par ailleurs, remis en question ni que les avantages ainsi constatés revêtent la nature d’une recette pouvant être qualifiée de revenu de capitaux mobiliers dans le chef de Monsieur …, de sorte que cet élément n’est pas litigieux en l’espèce, étant rappelé que le tribunal n’est pas saisi du bien-fondé et de la légalité des bulletins de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux mobiliers portant sur les années litigieuses et a fortiori pas non plus de la question de l’application des dispositions des articles 146 et 148 LIR aux distributions cachées de bénéfices litigieuses.
Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est non fondé.
Eu égard à l’issue du litige, la demande en indemnité de procédure d’un montant de 1.250 euros fondée, de l’entendement du tribunal, sur l’article 33 de la loi du 21 juin 1999, est à rejeter.
Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;
écarte des débats l’écrit, intitulé « Mémoire en réplique », déposé en date du 18 février 2022 par la société anonyme … ;
déclare irrecevable le recours principal en réformation pour autant qu’il est dirigé contre les bulletins de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux mobiliers portant sur les années d’imposition 2015, 2016 et 2018, ainsi que le bulletin de l’impôt commercial communal portant sur l’année d’imposition 2015, tous émis en date du 25 mars 2020 ;
18reçoit le recours principal en réformation pour le surplus ;
au fond, le déclare non fondé, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
rejette la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure de 1.250 euros formulée par la société demanderesse ;
condamne la société demanderesse aux frais et dépens ;
Ainsi jugé et lu à l’audience publique du 10 janvier 2024 par :
Françoise Eberhard, premier vice-président, Carine Reinesch, premier juge, Benoît Hupperich, juge, en présence du greffier Lejila Adrovic.
s. Lejila Adrovic s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 10 janvier 2024 Le greffier du tribunal administratif 19