Tribunal administratif N° 47400 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47400 2e chambre Inscrit le 5 mai 2022 Audience publique du 29 janvier 2024 Recours formé par la société à responsabilité limitée A, …, contre une décision du directeur de l’administration de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA en matière de sanction administrative (loi du 12.11.2004)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 47400 du rôle et déposée le 5 mai 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Christian-Charles Lauer, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée A, établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son gérant actuellement en fonctions, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, tendant à la réformation de « la décision « Déclaration publique » de Monsieur le Directeur de l’Administration de l’Enregistrement des Domaines et de la TVA du 13 avril 2022 », prise en application de l’article 8-4 de la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 octobre 2022 ;
Vu le mémoire en réplique de Maître Christian-Charles Lauer déposé au greffe du tribunal administratif en date du 25 octobre 2022 au nom de la société à responsabilité limitée A, préqualifiée ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 novembre 2022 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Christian-Charles Lauer et Monsieur le délégué du gouvernement Gilles Barbabianca en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 18 décembre 2023.
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Il est constant en cause que par courrier du 31 août 2021, l’administration de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA, ci-après désignée par « l’AED », s’adressa à la société à responsabilité limitée A, ci-après désignée par « la société A », dans les termes suivants :
1 « […] Dans sa mission de surveillance et de contrôle en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (ci-après « LBC/FT »), l’administration de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA (ci-après « AED ») a développé des questionnaires à l’attention des professionnels tombant sous son champ de compétence en matière de LBC/FT.
Les secteurs professionnels concernés dans un premier temps sont :
- le secteur immobilier (agents immobiliers et promoteurs immobiliers), - les professionnels de la comptabilité, conseillers fiscaux, - les prestataires de services aux sociétés et fiducies.
Les questionnaires sont à considérer comme un outil de prévention et de sensibilisation à l’égard des professionnels concernant leurs obligations en matière LBC/FT, faisant à ce titre l’objet d’un contrôle préventif en vue d’un contrôle sur place possible.
L’AED vous invite donc en tant que professionnel concerné à remplir et transmettre le document « AED - Questionnaire anti-blanchiment », accompagné des pièces requises via un assistant spécifique (démarche) disponible sur le site Myguichet.lu, à l’aide d’un certificat LuxTrust.
L’AED tient à souligner que cette démarche a été spécifiquement développée dans un souci de dématérialisation, en vue de minimiser la charge administrative incombant aux professionnels.
A noter que ledit questionnaire doit être rempli et transmis au plus tard le 29 septembre 2021 par le responsable LBC/FT ou une personne mandatée pour le dépôt de ce questionnaire.
[…] ».
A travers ce même courrier, la société A fut informée du fait qu’en vertu de l’article 5 de la loi modifiée du 12 novembre 2004 en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, ci-après désignée par « la loi LBC/FT », les professionnels seraient tenus de coopérer avec l’autorité de contrôle, donc l’AED, et qu’à cet effet, « le fait de ne pas remplir le questionnaire en bonne et due forme fera[it] l’objet d’une injonction pouvant être accompagnée d’une astreinte, voire même d’une sanction plus lourde selon les articles 8-2 (1) e) ; 8-2 (2) et 8-4 de la loi LBC/FT ».
Par courrier électronique du 4 octobre 2021, la société A fit parvenir à l’AED un courrier daté au 29 septembre 2021 ayant la teneur suivante :
« […] En mains votre courrier du 31 août 2021, dont copie en annexe, pour vous informer que la société A, (objet de la société: …) n’est pas assujettie à notre avis à l’article de la loi suivant.
”Les sociétés du secteur immobilier au sens de la loi modifiée du 2 septembre 2011 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales, établis ou agissant au Luxembourg, y compris lorsqu’ils sont en leur qualité d’intermédiaire impliqués dans les opérations concernant l’achat ou la vente de biens immeubles;” 2 et ce aux motifs suivants :
• Société A n’exerce plus des opérations immobilières généralement quelconques, telles que l’achat, la vente, la location, la promotion, la gestion ainsi que l’administration d’immeubles.
• La dernière activité d’intermédiaire (activité d’une agence immobilière ”traditionnelle” remonte, d’après nos souvenirs à 2016).
• Les modifications statutaires afférentes sont en cours et l’objet de la société sera la prise de participations financières (…).
Malgré cela nous avons connaissance des règles en matière de ”BLANCHIMENT – ANALYSE DE RISQUE” et nous disposons d’une procédure interne en matière de ”LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT” et notre personnel concerné (en contact avec les acheteurs) a été informé de la procédure qui lui a été remise sous forme papier. […] ».
A la suite de la réception dudit courrier électronique, l’AED s’adressa le lendemain par courrier électronique à la société A dans les termes suivants :
« […] Veuillez noter que la société A est inscrite au bureau d’imposition de TVA 7 avec une activité déclarée « immobilière » code NACE 68.310 Agences immobilières.
En outre, le code NACE renseigné auprès du RCS est 41.100 Promotion immobilière.
Suivant l’art. 62.1.3° LTVA, l’assujetti doit en informer l’administration de toute modification par rapport aux renseignements fournis antérieurement.
Pour tout changement auprès du RCS, vous trouvez sous le lien suivant les informations nécessaires ainsi qu’une référence de contact :
[…] Afin de pouvoir trancher si la société est dispensée du dépôt des documents, veuillez nous faire parvenir une copie de votre demande de changement d’activité auprès du bureau d’imposition ou une copie de la déclaration de cessation, une copie de votre demande de changement du code NACE auprès du STATEC et le détail du compte 7 du chiffre d’affaires du Grand Livre des deux dernières années. Dans le contraire, le dépôt des documents demandés est à faire endéans le délai indiqué sur la lettre d’invitation. […] ».
Par courrier électronique du 26 novembre 2021, la société A fit parvenir un courrier daté au 25 novembre 2021 ayant la teneur suivante :
« […] En mains votre courrier du 31 août 2021, dont copie en annexe, pour vous informer que la société A et notamment à mon courrier du 29 septembre 2021 pour vous prier de bien vouloir trouver ci-joint, comme annoncé dans le prédit courrier, l’acte notarié dressé par devant le notaire …, notaire de résidence à Luxembourg, dressé en date du 23 novembre 2021 et documentant la résolution de l’Assemblée Générale tenue par l’associé unique de la société à savoir Société A.
3 Comme vous pouvez le constater à sa lecture l’objet social (article 4 des statuts) de la société a été modifié de sorte que la société n’effectuera plus de transactions immobilières pour le compte des tiers (page 3 de l’acte).
La société étant dorénavant une société purement financière (…) elle ne tombe plus sous le champ d’application des dispositions suivantes :
”Les sociétés du secteur immobilier au sens de la loi modifiée du 2 septembre 2011 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales, établis ou agissant au Luxembourg, y compris lorsqu’ils sont en leur qualité d’intermédiaire impliqués dans les opérations concernant l’achat ou la vente de biens immeubles;” Malgré cela nous avons connaissance des règles en matière de ”BLANCHIMENT – ANALYSE DE RISQUE” et nous disposons d’une procédure interne en matière de ”LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT” et notre personnel concerné a été informé de la procédure qui lui a été remise sous forme papier. […] ».
Suite à la réception de ce courrier, l’AED répondit par courrier électronique du 10 décembre 2021 à la société A en lui rappelant en substance les diverses démarches qui seraient à suivre afin qu’elle puisse éventuellement être dispensée de son obligation de dépôt du questionnaire en cause.
En date du 17 janvier 2022, l’AED prononça à l’encontre de la société A une première injonction « de cesser le comportement en cause sans prononciation d’astreinte » sur le fondement de l’absence de transmission, pour le 29 septembre 2021, du document « AED -
Questionnaire anti-blanchiment » accompagné des pièces requises et ce, en violation de son obligation de coopération prévue à l’article 5 de la loi LBC/FT. L’intéressée fut, dans ce contexte, enjointe, en vertu de l’article 8-2 (1) e) de la loi LBC/FT, de se conformer dans un délai de 15 jours à compter de la date de la notification aux dispositions de l’article 5 de la loi LBC/FT, sous peine de la prononciation d’une astreinte en vertu de l’article 8-2 (2) de la même loi, à hauteur de 250 euros par jour de retard. La société A fut encore informée du fait qu’en cas de refus de se conformer endéans le délai prescrit aux dispositions de l’article 5 de la loi LBC/FT, une amende pourrait être prononcée en application de l’article 8-4 (4) de la loi LBC/FT.
Faute d’avoir donné suite à la première injonction, l’AED prononça en date du 7 mars 2022 à l’encontre de la société A, en vertu de l’article 8-2 (1) e) de la loi LBC/FT, une deuxième injonction de se conformer aux dispositions de l’article 5 de la loi LBC/FT dans un délai de 7 jours à compter de la date de notification, sous peine de la prononciation d’une déclaration publique en vertu de l’article 8-4 (2) c) de la loi LBC/FT.
Par décision du 13 avril 2022, notifiée le 28 avril 2022, le directeur de l’AED, ci-après désigné par « le directeur », prononça à l’encontre la société A une déclaration publique. Cette décision a la teneur suivante :
« 1. Applicabilité de la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme (loi LBC/FT) 4 Vu le titre 1, chapitre 1, article 2, (10) visant les agents immobiliers, au sens de la loi modifiée du 2 septembre 2011 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales, établis ou agissant au Luxembourg.
ET/OU Vu le titre 1, chapitre 1, article 2, (10bis) visant les promoteurs immobiliers, au sens de la loi modifiée du 2 septembre 2011 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales, établis ou agissant au Luxembourg.
2. Constatation des faits Vu que l’Administration de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA (AED) a invité la société A en date du 31 août 2021 à remplir et à transmettre dans un délai de 30 jours le document « AED : Questionnaire anti-blanchiment » accompagné des pièces requises via une démarche spécifique sur le site Myguichet.lu, ceci en vertu de l’obligation de coopération conformément à l’article 5 de la loi LBC/FT ;
Vu que la société A n’a pas donné de suites à la requête du 31 août 2021, l’AED a prononcé une injonction en date du 17 janvier 2022, enjoignant la société A en vertu de de l’article 8-2(I) e) de la loi LBC/FT à remplir et à transmettre le document « AED :
Questionnaire anti-blanchiment » accompagné des pièces requises via une démarche spécifique sur le site Myguichet.lu dans un délai de 14 jours à compter de la date de notification ;
Vu que la société A n’a également pas donné de suite à l’injonction du 17 janvier 2022, l’AED a prononcé une seconde injonction en date du 7 mars 2022, enjoignant à la société A en vertu de l’article 8-2(I) e) de la loi LBC/FT à se conformer aux dispositions de l’article 5 de la loi LBC/FT dans un délai de 7 jours à compter de la date de notification, sous peine d’une prononciation d’une déclaration publique en vertu de l’article 8-4 (2) c) de la loi LBC/FT.
3. Prononciation d’une déclaration publique Par conséquent, vu les faits précités et vu qu’en date du 13 avril 2022 la société A n’a pas rempli et transmis le document « AED : Questionnaire anti-blanchiment » accompagné des pièces requises via une démarche spécifique sur le site Myguichet.lu, l’AED en conclut que la société A persiste à ne pas se conformer à ses obligations professionnelles en vertu de la loi LBC/FT ; plus particulièrement à l’obligation de coopération conformément à l’article 5 de la loi LBC/FT.
Qu’il en résulte en vertu de l’article 8-4 (2), c), la prononciation d’une déclaration publique est décidée à l’encontre de la société A. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 5 mai 2022, la société A a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du directeur du 13 avril 2022.
Etant donné que la décision précitée a été prise sur base de l’article 8-4 (2), point c) de la loi LBC/FT et qu’aux termes de l’article 8-7 de cette même loi, « Un recours en pleine 5 juridiction est ouvert devant le Tribunal administratif à l’encontre des décisions des autorités de contrôle prises dans le cadre du présent chapitre. Le recours doit être introduit sous peine de forclusion dans le délai d’un mois à partir de la notification de la décision attaquée. », le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision précitée du 13 avril 2022 qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Moyens et arguments des parties A l’appui de son recours et en fait, la société demanderesse, après avoir rappelé les rétroactes repris ci-avant, affirme que s’il était vrai que l’AED lui avait fait parvenir le 31 août 2021 le questionnaire en cause en lui accordant un délai jusqu’au 29 septembre 2021 pour le renvoyer dûment rempli, il ne faudrait tout de même pas perdre de vue qu’elle aurait bien transmis à l’administration par courrier électronique du 4 octobre 2021, sa prise de position quant à son obligation de remplir ledit questionnaire.
A travers ledit courrier électronique, elle aurait plus particulièrement informé l’AED qu’elle n’aurait plus effectué d’opérations tombant sous le champ d’application de la loi LBC/FT et que si certes initialement, lors de sa constitution en 2006, elle aurait eu pour objet social l’exercice d’une activité d’agence immobilière, elle serait en train de modifier cet objet social dans le but de le faire correspondre à son activité réellement exercée, à savoir une activité de nature purement financière.
Elle insiste sur le fait qu’elle aurait transmis à l’AED, par courrier électronique du 26 novembre 2021, la résolution de l’assemblée générale du 23 novembre 2021 dressée par devant notaire, acte notarié qui aurait, par ailleurs, été enregistré « par les soins de l’officier ministériel prénommé auprès de l’AED ! et publié au RCS ».
Comme il devrait, au vu des considérations qui précèdent, être admis qu’elle aurait rempli les obligations lui imposées par l’article 5 de la loi LBC/FT en ayant pleinement coopéré avec l’AED, ce serait en toute bonne foi qu’elle n’aurait plus donné de suite aux deux injonctions lui adressées.
La société demanderesse est, à cet égard, d’avis que les injonctions en question n’auraient plus eu de raison d’être à partir de l’envoi du courrier électronique du 26 novembre 2021 puisqu’il s’en serait dégagé sans équivoque qu’elle ne tomberait plus dans le champ d’application de la loi LBC/F et ce, au plus tard à partir du 23 novembre 2021.
Elle ajoute que si l’AED lui reprochait « une absence de coopération via MY GUICHET », il ne faudrait pas perdre de vue qu’il n’existerait aucun texte légal prévoyant « la forme de coopération à appliquer » et qu’il n’appartiendrait plus particulièrement pas à l’AED de priver l’administré « d’employer les voies de coopération usuelles telles que par exemple par voie de courrier simple, par voie de courrier recommandé AR, par voie de porteur, par voie de téléfax ou par voie de courriel ». Elle estime que le fait d’admettre le contraire reviendrait à exiger de tout administré de non seulement se doter d’un support matériel informatique mais également de s’abonner à des services informatiques de prestataires privés en matière informatique.
La société demanderesse est, en tout état de cause, d’avis que si certes l’administré devait collaborer pleinement avec l’AED, il en serait de même pour cette dernière en sa qualité 6 d’administration publique au service des administrés, qualité qui l’obligerait à « s’abstenir de faire obstacle à cette collaboration en faisant subir à ses administrés des démarches pour le moins kafkaïennes ». Ce constat s’imposerait d’autant plus qu’en la présente matière le recours devant le tribunal administratif pourrait être exceptionnellement exercé sans recourir au ministère d’avocat et sur papier simple, le tout justement dans le but de simplifier le plus possible à l’administré « l’exercice de son droit à l’encontre de l’Administration ».
La société demanderesse conclut de ce qui précède que compte tenu du fait qu’elle n’aurait pas refusé de collaborer pleinement avec l’AED, de sorte à ne pas avoir violé l’article 5 de la loi LBC/FT, la décision directoriale serait dépourvue de base légale.
Pour ces raisons, elle demande principalement que la décision litigieuse soit réformée et que le jugement à intervenir soit publié par les soins de l’AED, sinon subsidiairement et au cas où la lecture de l’article 5 de la loi LBC/FT ferait ressortir que « toute coopération avec l’AED ne pourrait se faire que via MY GUICHET », qu’il y aurait lieu de constater qu’en l’espèce, il n’y aurait pas eu une absence de communication dans son chef, mais uniquement une utilisation de la mauvaise voie de communication, ce qui ne pourrait toutefois pas entraîner la prononciation d’une quelconque sanction, sinon tout au plus un blâme.
Dans son mémoire en réplique, la société demanderesse insiste sur le fait que, même s’il était vrai que la déclaration publique aurait été limitée dans le temps, à savoir du 13 avril au 19 mai 2022, il n’en resterait pas moins qu’elle n’aurait pas eu de raison d’être du fait que depuis le 23 novembre 2021, soit 5 mois avant la prononciation de ladite déclaration, elle aurait converti son objet social de sorte à ne plus être tombée sous le « régime AML ». A cela s’ajouterait qu’à la même époque, l’extrait du registre de commerce et des sociétés de Luxembourg (« RCS ») et le code lui attribuée selon la Nomenclature Statistique des Activités économiques dans la Communauté européenne (« NACE ») auraient été modifiés par le fait de la publication de la modification statutaire intervenue en date du 23 novembre 2021.
La partie étatique conclut, quant à elle, au rejet du recours sous analyse pour ne pas être fondé.
Remarque préliminaire A titre liminaire, force est d’abord de rappeler, en ce qui concerne la loi applicable à l’examen du bien-fondé du présent recours, que si, dans le cadre d’un recours en réformation, le tribunal est amené à considérer les éléments de fait et de droit de la cause au moment où il statue, en tenant compte des changements intervenus depuis la décision litigieuse1, il n’en reste pas moins qu’en vertu du principe de non-rétroactivité des lois, consacré à l’article 2 du Code civil, le tribunal doit apprécier tant la question du champ d’application de la loi LBC/FT que celle de la qualification des faits au regard des obligations y inscrites et susceptibles de conduire à une sanction administrative, ainsi que la question de la compétence du pouvoir sanctionnateur au regard de la loi LBC/FT telle qu’elle était en vigueur au moment des faits2, respectivement au jour de la décision déférée, soit, en l’occurrence, la version avant les modifications du 29 1 Trib. adm., 15 juillet 2004, n° 18353 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Recours en reformation, n° 19 et les autres références y citées.
2 Trib. adm., 30 mai 2018, n° 39088 du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.
7 juillet 2022, le principe et le quantum de la sanction étant, par contre, à analyser sur base de la version de la loi LBC/FT applicable au jour du jugement.
Appréciation du tribunal Quant au fond, il y a lieu de relever qu’il est constant en cause que la société demanderesse s’est vu infliger, sur le fondement de l’article 8-4 (2) c) de la loi LBC/FT, une sanction administrative ayant pris la forme d’une « déclaration publique qui précise l’identité de la personne physique ou morale et la nature de la violation », au motif qu’elle ne se serait pas conformée à ses obligations professionnelles en vertu de la loi LBC/FT et plus particulièrement à l’obligation de coopération prévue à l’article 5 de ladite loi, intitulé « Obligations de coopération avec la CRF, les autorités et les organismes d’autorégulation », aux termes duquel : « (1) Les professionnels, leurs dirigeants et employés sont tenus de coopérer pleinement avec les autorités luxembourgeoises responsables de la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme et les organismes d’autorégulation, en particulier dans le cadre de l’exercice de leurs pouvoirs de surveillance respectifs conférés par les articles 8-2 et 8-2bis. […] ». Il n’est, dans ce contexte, pas non plus contesté, que le délai de publication de la déclaration publique du 13 avril 2022 en cause a pris fin le 19 mai 2022.
Aux termes de l’article 8-4 de la loi LBC/FT, intitulé « Sanctions administratives et autres mesures administratives », tel qu’il était en vigueur au jour de la décision déférée, « (1) Les autorités de contrôle ont le pouvoir d’infliger les sanctions administratives et de prendre les autres mesures administratives prévues au paragraphe (2) à l’égard des professionnels soumis à leur pouvoir de surveillance respectif conformément à l’article 2-1 qui ne respectent pas les obligations professionnelles prévues par les articles 2-2, 3, 3-1, 3-2, 3-3, 4, 4-1 et 5, 7-
1, paragraphes (2) et (6) et 7-2, paragraphe (1) et 8-3, paragraphe (3) ou les mesures prises pour leur exécution, ainsi qu’à l’égard des membres de leurs organes de direction, de leurs dirigeants effectifs ou des autres personnes responsables du non-respect par le professionnel de ses obligations. […] ».
Il se dégage de la décision directoriale déférée au tribunal qu’il est concrètement reproché à la société demanderesse de ne pas s’être conformée à son obligation de coopération prévue à l’article 5 de la loi LBC/FT et ce, d’une part, en n’ayant pas donné suite à l’invitation lui adressée par l’AED le 31 août 2021 de remplir et transmettre pour le 29 septembre 2021 au plus tard le document « AED : Questionnaire anti-blanchiment », accompagné des pièces requises, par le biais d’une démarche spécifique à effectuer sur le site Myguichet.lu, et, d’autre part, en n’ayant pas non plus donné suite aux deux injonctions successives prononcées à son encontre sur le fondement de l’article 8-2 (1) e) de la loi LBC/FT, les 17 janvier et 7 mars 2022, afin qu’elle remplisse et transmette le questionnaire en cause dans un délai de 15, respectivement de 7 jours à compter à chaque fois de la date de la notification de l’injonction en question, le tout sous peine de la prononciation d’une astreinte en vertu de l’article 8-2 (2) de la loi LBC/FT à hauteur de 250 euros par jour de retard, respectivement sous peine de la prononciation d’une déclaration publique en vertu de l’article 8-4 (2) c) de la même loi.
Le tribunal relève que la société demanderesse ne nie pas ne pas avoir rempli ni transmis à l’AED le questionnaire en cause pour le 29 septembre 2021, de même qu’elle ne conteste pas non plus le fait de ne pas avoir donné de suite aux injonctions lui adressées par l’AED.
Malgré cet état de fait, elle estime qu’aucun défaut de coopération ne saurait lui être valablement reproché et ce, au motif qu’au moment où elle a été invitée à remplir et à 8 transmettre le questionnaire litigieux à l’AED, elle ne serait déjà plus tombée dans le champ d’application des obligations professionnelles en matière de lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme (« LBC/FT »), telles que prévues par la loi LBC/FT. En effet, tout en admettant que, lors de sa constitution en 2006, elle aurait eu pour objet social l’exercice d’une « activité d’agence immobilière », expressément visée par la loi LBC/FT, elle insiste sur le fait que depuis 2016, elle n’aurait plus effectué d’opérations tombant dans le champ d’application de la loi LBC/FT, de sorte qu’elle aurait été d’avis qu’elle n’avait à donner de suite ni aux invitations ni aux injonctions lui adressées. Elle justifie encore son absence de réaction face aux invitations et injonctions prévisées par le fait qu’elle aurait informé l’AED par courrier électronique du 4 octobre 2021 de sa situation et plus particulièrement de la circonstance qu’elle serait en train de modifier son objet social afin de le faire correspondre à son activité de nature purement financière telle que réellement exercée. Comme elle aurait, par ailleurs, transmis à l’AED la résolution de son assemblée générale du 23 novembre 2021 dressée par devant notaire, résolution qui aurait également été publiée au RCS, elle aurait pleinement rempli les obligations lui imposées par l’article 5 de la loi LBC/FT en ayant coopéré avec l’AED, raison pour laquelle elle n’aurait pas jugé utile de donner suite aux injonctions lui adressées.
Le tribunal se doit de relever qu’il se dégage des éléments soumis à son appréciation, de même qu’il n’est d’ailleurs pas contesté, que lorsque la société demanderesse s’est vue adresser le courrier du 31 août 2021, précité, - par le biais duquel l’AED l’a informée que dans le cadre de sa mission de surveillance et de contrôle en matière de LBC/FT, elle avait développé des questionnaires à l’attention des professionnels tombant sous son champ de compétence en matière de LBC/FT et que, dans un premier temps, les secteurs professionnels concernés seraient notamment « le secteur immobilier (agents immobiliers et promoteurs immobiliers) », tout en l’invitant à remplir et à transmettre pour le 29 septembre 2021 au plus tard le document « AED - Questionnaire anti-blanchiment » accompagné des pièces requises via un assistant spécifique disponible sur le site Myguichet.lu -, ladite société avait toujours pour objet social statutaire l’exercice d’opérations immobilières généralement quelconques, donc une activité tombant de manière non contestée dans le champ d’application des obligations professionnelles en matière de LBC/FT.
En effet, si certes, la société demanderesse a donné suite à l’invitation lui adressée par l’AED pour l’informer que son objet social serait à l’avenir la prise de participations financières et que, par conséquent, elle estimait qu’en sa qualité de société de participations financières (« … »), elle n’était plus assujettie aux obligations professionnelles en matière de LBC/FT, il y a lieu de constater qu’outre le fait que ladite réponse n’est parvenue à l’AED que le 4 octobre 2021, donc en dehors du délai lui accordé pour remplir et transmettre le questionnaire litigieux, il se dégage clairement dudit courrier qu’au moment de sa rédaction, l’objet social de la société demanderesse, tel qu’il existait depuis sa constitution, n’avait pas encore changé, la société demanderesse ayant elle-même expliqué dans cette même réponse, que les « modifications statutaires afférentes sont en cours3 et l’objet de la société sera4 la prise de participations financières (…) ».
Le tribunal relève ensuite qu’après avoir réceptionné le 4 octobre 2021 la réponse de la société demanderesse, l’AED s’est empressée de s’adresser à celle-ci le lendemain par courrier 3 Souligné par le tribunal.
4 Idem.
9 électronique afin de la rendre attentive au fait que suivant ses informations (i) elle était toujours « inscrite au bureau d’imposition de TVA 7 avec une activité déclarée « immobilière » code NACE 68.310 Agences immobilières », (ii) que « le code NACE renseigné auprès du RCS est 41.100 Promotion immobilière » et (iii) que « suivant l’art. 62.1.3° LTVA, l’assujetti doit en informer l’administration de toute modification par rapport aux renseignements fournis antérieurement », tout en lui communiquant un lien sous lequel elle pourrait trouver toutes les informations nécessaires ainsi qu’une référence de contact « [p]our tout changement auprès du RCS ». L’AED a encore informé la société demanderesse que pour pouvoir être en mesure de trancher la question de savoir si elle était dispensée du dépôt des documents en cause, elle devait lui faire « parvenir une copie de [sa] demande de changement d’activité auprès du bureau d’imposition ou une copie de la déclaration de cessation, une copie de [sa] demande de changement du code NACE auprès du STATEC et le détail du compte 7 du chiffre d’affaires du Grand Livre des deux dernières années » et qu’à défaut, le dépôt du questionnaire litigieux était à faire endéans le délai indiqué sur la lettre d’invitation.
Or, il y a lieu de constater que malgré ces explications claires et non équivoques, la société demanderesse s’est contentée de transmettre à l’AED par courrier daté au 25 novembre 2021, transmis par courrier électronique le lendemain, donc presque deux mois après l’émission du courriel explicatif de l’AED, « l’acte notarié dressé par devant le notaire […] en date du 23 novembre 2021 et documentant la résolution de l’Assemblée Générale tenue par l’associé unique de la société […] », en précisant qu’il en découlerait que « l’objet social (article 4 des statuts) de la société a été modifié de sorte que la société n’effectuera plus de transactions immobilières pour le compte de tiers […] », et qu’elle serait « dorénavant une société purement financière (…) », de sorte qu’elle ne tomberait, selon elle, plus dans le champ d’application des obligations professionnelles en matière de LBC/FT.
Suite à la réception dudit courrier, l’AED s’est une nouvelle fois adressée par courrier électronique du 10 décembre 2021 à la société demanderesse en réitérant les développements contenus dans son précédent courrier électronique et en insistant sur le fait qu’elle ne serait pas en mesure de trancher si l’intéressée était dispensée ou non du dépôt du questionnaire litigieux avant de s’être vue transmettre la demande de changement d’activité de la société demanderesse auprès du bureau d’imposition compétent ou une copie de la déclaration de cessation d’activité remise auprès dudit bureau et que sans ces mesures, le dépôt du questionnaire resterait obligatoire.
Or, il apparaît qu’au moment de la prise de la décision directoriale litigieuse, et malgré deux injonctions de se conformer à ses obligations professionnelles en matière de LBC/FT, la société demanderesse n’avait toujours pas rempli ni communiqué le questionnaire litigieux, sans toutefois avoir été expressément dispensée de ce dépôt, faute d’avoir entrepris les démarches qu’elle avait été invitée à effectuer à travers les courriers électroniques des 5 octobre et 10 décembre 2021 en vue de régulariser sa situation administrative auprès de l’AED.
Il convient ensuite de relever que s’il est vrai que l’objet social d’une société, rendu public selon les dispositions légales applicables, renseigne tant les associés que les tiers sur les activités projetées et autorisées d’une société, il n’en reste pas moins que c’est à bon droit que la partie étatique fait plaider que pour qu’une société, qui est soumise aux obligations professionnelles en matière de LBC/FT au moment où elle est invitée à remplir et transmettre le questionnaire litigieux - tel que c’était le cas en l’espèce -, puisse être dispensée par l’AED de les respecter parce qu’elle affirme ne plus exercer une activité économique tombant dans le champ d’application de la loi LBC/FT, elle ne saurait se contenter de modifier l’objet social 10 prévu dans ses statuts et de publier cette modification statutaire au RCS, le simple fait de modifier, qui plus est a posteriori, l’objet social d’une société n’étant, en effet, pas à lui seul suffisant pour refléter l’activité économique réellement exercée par une entreprise.
Aucun reproche ne saurait dès lors être adressé à l’AED pour avoir considéré, sur base du constat que, d’après ses informations, la société A était inscrite au bureau d’imposition de TVA 7 avec une activité déclarée « Promotion immobilière » et que le code NACE renseigné auprès du RCS était toujours le numéro 41.100 « Promotion immobilière », que la modification statutaire de son objet social n’était pas suffisante pour la dispenser de ses obligations professionnelles en matière de LBC/FT et pour l’avoir, en conséquence, invitée à deux reprises à lui faire parvenir une copie de la demande de changement d’activité auprès du bureau d’imposition TVA 7 ou une copie de la déclaration de cessation d’activité, de même que pour avoir sollicité la communication d’une copie de la demande de changement du code NACE auprès du STATEC et de lui faire parvenir le détail du compte 7 du chiffre d’affaires du Grand Livre des deux dernières années, sans quoi elle continuerait à être considérée comme tombant sous le champ d’application de la loi LBC/FT.
Le tribunal se doit de relever qu’encore qu’il aurait été aisé à la société demanderesse d’entreprendre les démarches en question afin de régulariser sa situation administrative auprès de l’AED, elle n’a pas jugé utile de faire parvenir à celle-ci les documents demandés, mais elle a estimé unilatéralement que la modification de son objet social était suffisante pour être dispensée de ses obligations professionnelles en matière de LBC/FT et que, de ce fait, elle n’avait pas non plus à donner suite aux deux injonctions lui adressées afin qu’elle se conforme aux dispositions de l’article 5 LBC/FT sous peine de voir prononcer une sanction administrative à son encontre. Or, il n’appartenait certainement pas à la société demanderesse de décider à sa guise que la transmission de la résolution de l’assemblée générale du 23 novembre 2021 portant modification de son objet social était suffisante pour être dispensée des obligations professionnelles lui incombant en matière de LBC/FT, ni de se muer par la suite dans le silence le plus total, surtout après avoir réceptionné les deux injonctions prévisées. En effet, au plus tard suite à la réception desdites injonctions, il lui aurait appartenu de prendre contact avec l’administration pour chercher à clarifier la situation. La société demanderesse est, dans ce contexte, en tout état de cause, malvenue de reprocher un défaut de collaboration à l’AED qui, alors même que le délai accordé initialement pour la transmission du questionnaire litigieux avait largement expiré, s’est encore adressée à deux reprises à elle pour l’informer des démarches qu’elle devait entreprendre pour pouvoir être valablement dispensée de remplir les obligations professionnelles en matière de LBC/FT. Le tribunal relève, dans ce contexte, que c’est encore à tort que la société demanderesse entend faire porter le débat sur « la forme de la coopération » qui aurait été exigée d’elle et dont elle estime qu’elle ne serait prévue par aucun texte légal. Il s’agit, en effet, d’un faux débat dans la mesure où la seule raison pour laquelle la société demanderesse n’a pas transmis le questionnaire en cause résidait dans le fait qu’elle a jugé unilatéralement ne plus être assujettie aux obligations professionnelles en matière de LBC/FT.
Au vu de l’attitude ainsi adoptée par la société demanderesse, et dans la mesure où il n’est pas contesté qu’à la date du 13 avril 2022, celle-ci n’avait toujours pas rempli et transmis le questionnaire litigieux à l’AED, sans avoir été expressément dispensée du respect des obligations en matière de LBC/FT et plus particulièrement du dépôt du document en cause, aucun reproche ne saurait être adressé au directeur de l’AED pour avoir retenu dans le chef de la société demanderesse une infraction à l’obligation de coopération édictée par l’article 5 de la loi LBC/FT.
11 La réalité des faits litigieux reprochés devant être considérée comme étant acquise, il convient encore d’analyser le reproche tenant à une prétendue disproportion de la sanction prononcée.
Il est, à cet égard, d’abord rappelé qu’aux termes actuels de l’article 8-4 de la loi LBC/FT, « (1) Les autorités de contrôle ont le pouvoir d’infliger les sanctions administratives et de prendre les autres mesures administratives prévues au paragraphe (2) à l’égard des professionnels soumis à leur pouvoir de surveillance respectif conformément à l’article 2-1 qui ne respectent pas les obligations professionnelles prévues par les articles 2-2, 3, 3-1, 3-2, 3-3, 4, 4-1 et 5, 7-1, paragraphes (2) et (6) et 7-2, paragraphe (1) et 8-3, paragraphe (3) ou les mesures prises pour leur exécution, ainsi qu’à l’égard des membres de leurs organes de direction, de leurs dirigeants effectifs ou des autres personnes responsables du non-respect par le professionnel de ses obligations.
(2) En cas de violation des dispositions visées au paragraphe (1), les autorités de contrôle ont le pouvoir d’infliger les sanctions administratives suivantes et de prendre les mesures administratives suivantes :
a) un avertissement ;
b) un blâme ;
c) une déclaration publique qui précise l'identité de la personne physique ou morale et la nature de la violation ;
d) lorsqu’un professionnel est soumis à l’enregistrement ou à un agrément, lancer la procédure en vue du retrait ou de la suspension de cet enregistrement ou agrément ;
e) pour la CSSF et le CAA, de prononcer l’interdiction temporaire, pour un terme ne dépassant pas 5 ans :
i) d’exercer une activité professionnelle dans le secteur financier ou d’effectuer une ou plusieurs opérations, à l’encontre des personnes soumises à leur pouvoir de surveillance respectif conformément à l’article 2-1 ; ou ii) d’exercer des fonctions de direction au sein de professionnels soumis à leur pouvoir de surveillance respectif conformément à l’article 2-1, à l’encontre de toute personne exerçant des responsabilités dirigeantes au sein d’un tel professionnel ou de toute autre personne physique tenue pour responsable de la violation ;
f) des amendes administratives d'un montant maximal de deux fois le montant de l'avantage tiré de la violation, lorsqu'il est possible de déterminer celui-ci, ou d'un montant maximal de 1.000.000 d’euros. […] ».
Aux termes actuels de l’article 8-5 de la loi LBC/FT, intitulé « Exercice des pouvoirs de sanction », il est prévu qu’« (1) Au moment de déterminer le type et le niveau des sanctions, les autorités de contrôle tiennent compte de toutes les circonstances pertinentes, y compris, le cas échéant :
a) de la gravité et de la durée de la violation ;
b) du degré de responsabilité de la personne physique ou morale tenue pour responsable de la violation ;
c) de la situation financière de la personne physique ou morale tenue pour responsable de la violation, par exemple telle qu’elle ressort du chiffre d’affaires total de la personne morale tenue pour responsable ou des revenus annuels de la personne physique tenue pour responsable ;
12 d) de l’avantage tiré de la violation par la personne physique ou morale tenue pour responsable, dans la mesure où il est possible de le déterminer ;
e) des préjudices subis par des tiers du fait de la violation, dans la mesure où il est possible de les déterminer ;
f) du degré de coopération de la personne physique ou morale tenue pour responsable de la violation avec les autorités de contrôle, les organismes d’autorégulation et avec la cellule de renseignement financier ;
g) des violations antérieures commises par la personne physique ou morale tenue pour responsable ;
h) des conséquences systémiques potentielles de l’infraction. […] ».
Il suit de la combinaison de ces articles que le choix entre différentes sanctions allant du simple avertissement à une amende pouvant, le cas échéant, s’élever jusqu’à 1.000.000.-
euros, ainsi que du niveau de la sanction à prononcer doit être fait en fonction des circonstances de l’espèce, les circonstances énumérées à titre indicatif à l’article 8-5 de la loi LBC/FT ne devant être prises en compte que si elles sont avérées dans le cas d’espèce.
Au vu des rétroactes, tels que repris ci-avant, c’est en vain que la société demanderesse tente de relativiser les faits lui reprochés en les qualifiant comme n’étant que le simple résultat d’une « utilisation de la mauvaise voie de communication ». Elle a, au contraire, tel que relevé ci-avant, choisi délibérément de simplement faire fi, d’abord des invitations lui adressées pour régulariser sa situation et ensuite des injonctions prononcées à son encontre, tout en décidant unilatéralement qu’elle n’était plus à considérer comme étant assujettie aux obligations professionnelles en matière de LBC/FT.
Le tribunal considère qu’au vu de l’attitude adoptée par la société demanderesse, la sanction du blâme ou de l’avertissement n’est pas suffisante en l’espèce, mais que celle de la déclaration publique, qui a été notifiée le 28 avril 2022, doit être considérée comme étant proportionnée, ce d’autant plus qu’il n’est pas contesté qu’elle est arrivée à échéance le 19 mai 2022.
Au vu de toutes les considérations qui précèdent, le recours est à rejeter pour n’être fondé en aucun de ses moyens.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
met les frais et dépens à charge de la société demanderesse.
Ainsi jugé par :
Alexandra Castegnaro, vice-président, Annemarie Theis, premier juge, Caroline Weyland, juge, 13 et lu à l’audience publique du 29 janvier 2024 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.
s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 29 janvier 2024 Le greffier du tribunal administratif 14