Tribunal administratif N° 46958 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:46958 5e chambre Inscrit le 31 janvier 2022 Audience publique du 31 janvier 2024 Recours introduit par Monsieur … et consort, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes, en matière d’impôt sur le revenu
___________________________________________________________________________
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 46958 du rôle et déposée le 31 janvier 2022 au greffe du tribunal administratif par la société en commandite simple Dentons Luxembourg SCS, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, représentée par Maître Jean-Luc Fisch, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … et de Madame …, demeurant ensemble à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 3 novembre 2021, répertoriée sous le numéro C 29681 du rôle, portant partiellement rejet de leur réclamation introduite le 15 juillet 2021 à l’encontre du bulletin rectificatif de l’impôt sur le revenu de l’année 2019, émis le 9 juin 2021 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 avril 2022 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 25 mai 2022 par la société en commandite simple Dentons Luxembourg SCS, préqualifiée, pour compte de Monsieur … et de Madame …, préqualifiés ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Eric Pralong en sa plaidoirie à l’audience publique du 25 octobre 2023, Maître Jean-Luc Fisch ne s’étant pas présenté.
En date du 28 octobre 2020, Monsieur … et Madame …, ci-après désignés par « les consorts …-… », déposèrent leur déclaration fiscale relative à l’impôt sur le revenu pour l’année 2019.
Le 9 décembre 2020, le bureau d’imposition …, Section des personnes physiques, de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », émit à l’encontre des consorts …-… le bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2019, ainsi que le calcul de la contribution dépendance. A la même date, le bureau d’imposition émit encore à l’égard des consorts …-… le bulletin déterminant le taux d’impôt global sur le 1 fondement de l’article 134 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après désignée par « LIR ».
Par courrier du 13 avril 2021, le bureau d’imposition informa les consorts …-… en exécution du § 205, alinéa (3) de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », que suite à une vérification de leur déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2019, il entendait s’écarter de celle-ci dans les termes suivants : « […] Lors de la dissolution de la société anonyme A. en date du 13 août 2019, un boni de liquidation vous a été mis à disposition. Ce produit est imposable comme revenu divers d’après l’article 101 LIR. Cet élément ne figure pas dans votre déclaration de l’année 2019 dont le bulletin a été émis en date du 9 décembre 2020. Le bureau d’imposition va procéder à une rectification de l’année en cause. […] ». Dans le même courrier, le bureau d’imposition invita encore les consorts …-… à lui soumettre leur prise de position pour le 30 avril 2021 au plus tard Les consorts …-… prirent position y relativement par un courrier introduit auprès du bureau d’imposition le 22 avril 2021.
Par courrier du 26 avril 2021, le bureau d’imposition informa les consorts …-… en réponse à leur courrier précité du 22 avril 2021, toujours en exécution du § 205, alinéa (3) AO, qu’il entendait s’écarter de la déclaration d’impôt de l’exercice 2019 lui soumise dans les termes suivants : « […] La société A. (anc. AA.) a été constituée en date du 6 juillet 2016 avec un apport de … EUR. La dissolution est survenue en date du 13 août 2019 et un boni de liquidation d’un montant de … EUR vous a été mis à disposition. Le bureau d’imposition va procéder à l’imposition de ce revenu non déclaré comme suit :
Boni de liquidation :
… - Prix d’acquisition réévalué :
- … - Abattement svt. l’Art.130(4) LIR :
- … Revenu divers imposable :
… Ce revenu est imposable par application du demi taux global. », tout en les invitant à formuler leurs objections pour le 10 mai 2021 au plus tard.
Par courrier du 10 mai 2021, les consorts …-… firent parvenir, par l’intermédiaire de leur litismandataire, leurs observations écrites.
En date du 9 juin 2021, le bureau d’imposition émit à l’égard des consorts …-… un bulletin rectificatif de l’impôt sur le revenu sur le fondement du § 222, alinéa (1), numéro 1 AO, accompagné d’une fiche établie sur base de l’article 134 LIR, relative à la détermination du taux d’impôt global. Il émit également le même jour à l’égard des consorts …-… un redressement du calcul de la contribution dépendance pour la même année.
Par un courrier recommandé du 13 juillet 2021, réceptionné le 15 juillet 2021, les consorts …-… introduisirent, par l’intermédiaire de leur litismandataire, une réclamation à l’encontre du « bulletin d’imposition concernant l’année 2019 » auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « directeur ».
2 Par décision directoriale du 3 novembre 2021, référencée sous le numéro C 29681, le directeur déclara la réclamation introduite par les consorts …-… partiellement fondée, ladite décision étant libellée comme suit :
« […] Vu la requête introduite le 14 juillet 2021 par Me Jean-Luc Fisch de la société Dentons Luxembourg GP s.à r.l., au nom des époux, le sieur … et la dame …, demeurant à L-
…, pour réclamer contre le bulletin rectificatif de l’impôt sur le revenu de l’année 2019, émis en date du 9 juin 2021;
Vu le dossier fiscal ;
Vu les §§ 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;
Considérant que les réclamants font grief au bureau d’imposition d’avoir soumis à l’impôt sur le revenu un bénéfice en rapport avec l’attribution d’un boni de liquidation au titre duquel ils auraient en vérité subi une perte ;
Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu’elle est partant recevable ;
Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens des réclamants, la loi d’impôt étant d’ordre public ;
qu’à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-fondé ;
qu’en l’espèce la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;
Considérant que le bulletin d’origine de l’impôt sur le revenu, émis en date du 9 décembre 2020, a été redressé sur base du § 222, alinéa 1er, n° 1 AO par un bulletin rectificatif du 9 juin 2021 ; qu’au moment de l’émission du bulletin rectificatif, le bulletin d’origine avait déjà acquis force de la chose décidée de sorte que la réclamation introduite le 14 juillet 2021 ne peut remettre en cause les bases imposables fixées par le bulletin d’origine ; qu’il s’ensuit que la réclamation en cause n’a été valablement introduite dans le délai de trois mois qu’à l’égard du bulletin rectificatif de l’impôt sur le revenu de l’année 2019, attaquable dans la mesure où la cote d’impôt rectifiée dépasse la cote d’origine (§ 234 AO) ;
Considérant que, ayant obtenu de la part du bureau chargé de l’imposition de la société anonyme A des renseignements au sujet de l’attribution au réclamant, actionnaire unique de cette société, d’un boni de liquidation à la dissolution de celle-ci, en date du 13 août 2019, le bureau d’imposition adressa le 13 avril 2021 un courrier répondant aux conditions du § 205, alinéa 3 AO aux requérants, les avisant de la rectification du bulletin de l’impôt sur le revenu qu’il entendait faire aux fins de tenir compte du revenu réalisé ; qu’en réponse à cette lettre, les requérants envoyèrent un certain nombre de documents au bureau d’imposition, et expliquèrent que la dissolution de la société A avait en fait donné lieu à une perte et que le boni de liquidation obtenu, diminué de la valeur de la société à sa constitution, supérieure à celle du boni, ne saurait être soumis à l’impôt sur le revenu ; qu’ils prièrent donc le bureau d’imposition de revenir sur sa position en tenant compte des données et explications fournies ; que celui-ci pourtant ne voulut retenir comme prix d’acquisition de la participation qu’avait 3 détenue le réclamant la valeur de la société dissoute telle que chiffrée par les requérants, et par courrier du 26 avril, confirma la rectification du bulletin de l’impôt sur le revenu qu’il s’apprêtait à entreprendre et chiffra le revenu qu’il entendait mettre en compte à … euros tout en invitant néanmoins les requérants à faire valoir d’éventuelles observations complémentaires dans un délai allant jusqu’au 10 mai ; qu’en absence d’autres moyens apportés par les réclamants, il émit le bulletin rectificatif de l’impôt sur le revenu en date du 9 juin, ajoutant au revenu imposable établi à l’origine des revenus divers d’un montant de … euros, obtenus par compensation du bénéfice de cession nouvellement fixé avec une perte de spéculation réalisée sur des opérations sur titres ;
Considérant que, toujours en désaccord avec le bureau d’imposition, les requérants contestent au moyen de la réclamation introduite la rectification telle qu’établie, expliquant que le capital de A, société constituée le 6 juillet 2016, aurait été libéré, à l’époque, par apport d’une participation d’un tiers dans la société anonyme C avec siège social à Luxembourg ; que suivant un rapport d’évaluation établi par les réviseurs d’entreprises L, cette participation aurait été apportée à sa valeur nominale alors que, suivant les propos d’un second rapport d’évaluation rédigé par les réviseurs d’entreprises, la valeur de marché de la participation dans la société C se serait élevée, à l’époque, à … euros ; que les réclamants font valoir que l’apport de cette participation et l’obtention subséquente d’une participation dans la société nouvellement constituée correspondrait à un échange de titres qui, d’après les articles 102, alinéa 1a et 22, alinéa 5 de la loi concernant l’impôt sur le revenu (L.I.R.), serait à considérer comme cession à titre onéreux du bien donné en échange suivie de l’acquisition à titre onéreux du bien reçu en échange et qui ne pourrait par conséquent se faire autrement qu’à la valeur estimée de réalisation des parts données en échange ; que cette valeur correspondant pour la participation apportée à la société A à un montant de … euros, le boni de liquidation finalement obtenu serait constitutif d’une perte, perte que le réclamant aurait indiqué dans sa déclaration pour l’impôt sur le revenu ; qu’ils précisent encore que la conclusion du premier rapport d’évaluation, selon lequel « la valeur globale des apports correspond (…) au moins au nombre et au pair comptable des actions à émettre en contrepartie, augmenté de l’apport en capitaux propres non rémunérés par des titres » n’aurait pas eu comme objet l’établissement d’une valeur exacte de l’apport pour des besoins fiscaux, mais la garantie seulement que la valeur de l’apport en nature correspondait au moins au montant du capital souscrit comme l’exige la loi sur les sociétés commerciales et que « d’un point de vue fiscal, seule la valeur estimée de réalisation au moment de l’apport [serait] à considérer (EUR …), sans égard à la valorisation comptable des titres »; qu’il en résulterait indéniablement que la valeur estimée de réalisation de la participation au jour de son apport à la société nouvellement constituée serait à porter en déduction du boni de liquidation attribué au requérant au moment de la dissolution, indépendamment de toute autre valeur quelconque établie à des fins étrangères à la détermination exacte du bénéfice réalisé ;
Considérant qu’il résulte des explications des requérants qu’en tant qu’actionnaire unique de la société anonyme A, dissoute le 13 août 2019, le réclamant obtint l’intégralité du boni de liquidation réalisé qui se chiffrait, d’après les comptes sociaux présentés, à un montant de … euros ; qu’il possédait l’intégralité des parts de cette société grâce à une donation que lui en avait fait sa fille - donation qui fit l’objet d’un acte notarié fait le 21 décembre 2016 à … dans le cadre, selon les explications du réclamant, d’une restructuration du patrimoine familial ; que suivant l’acte de constitution, sa fille avait constitué la société A, dénommée AA à l’époque, le 6 juillet 2016, en tant que société de participation financière, et avait libéré le 4 capital social, de … euros représentés par trente-et-une actions - sans valeur nominale contrairement au rapport d’expertise cité -, par apport en espèces de … euros et apport d’une participation d’un tiers qu’elle possédait dans la société C, société anonyme avec siège social à … ; que l’acte de constitution de la société A précise notamment que les … actions apportées furent évalués à … euros, évaluation basée sur un rapport de la société D réviseurs d’entreprises comme précisé dans l’acte notarié, ce qui porta l’apport de la fille du requérant à (… + … i.e.) … euros ; qu’aussi, les capitaux propres suivant bilan de la société A se chiffraient à … euros de capital souscrit, augmenté de … euros de prime d’émission, montants dont le bureau d’imposition tint compte pour déduction du boni de liquidation réalisé, tandis que les requérants demandent à présent, puisqu’ils omirent d’inscrire dans leur déclaration pour l’impôt sur le revenu la perte qu’ils expliquent avoir subie, que soit prise en compte, à ce titre, la valeur estimée de réalisation de la participation constitutive de l’apport en nature, fixée à … euros par le rapport d’expertise des réviseurs d’entreprises L, établi le 13 juin 2019, annexé à la requête introduite ;
Considérant qu’en vertu de l’article 101, alinéa 1er L.I.R., lors du partage total ou partiel de l’actif social d’un organisme à caractère collectif, le produit alloué aux associés possesseurs de participations importantes est considéré comme le produit d’une aliénation de la participation au sens de l’article 100 L.I.R. ; que suivant l’article 100, alinéa 1er L.I.R., est imposable le revenu provenant de l’aliénation, à titre onéreux, plus de six mois après leur acquisition, d’actions, parts de capital, parts bénéficiaires et autres participations de toute nature dans les organismes à caractère collectif, lorsque le cédant a eu une participation importante ; que suivant l’alinéa 4, le revenu net est égal au prix de réalisation diminué des frais de réalisation ainsi que du prix d’acquisition, et suivant l’alinéa 2, une participation obtenue en échange d’une autre participation dans les conditions de l’article 102, alinéa 10 L.I.R., est réputée représenter la participation donnée en échange ;
Considérant que les requérants ne font pas valoir de frais de réalisation, contestant le prix d’acquisition, i.e. la valeur attribuée à la participation de la société C à la date de la constitution de la société A seulement ; que d’après l’article 102, alinéa 2 L.I.R., le prix d’acquisition d’un bien s’entend du prix tel qu’il est défini par l’article 25, alinéa 1er L.I.R. ;
que suivant l’article 25, alinéa 1er L.I.R., le prix d’acquisition d’un bien est l’ensemble des dépenses assumées par l’exploitant (ou en l’espèce le propriétaire) pour le mettre dans son état au moment de l’évaluation ;
Considérant encore qu’en vertu de l’article 102, alinéas 3 et 4 L.I.R., lorsqu’un bien a été acquis à titre gratuit par le cédant, le prix d’acquisition à mettre en compte est celui payé par le détenteur antérieur ayant acquis le bien en dernier lieu à titre onéreux et le cédant est, de même, réputé avoir acquis le bien en cause à l’époque où il a été acquis par le détenteur ayant acquis le bien en dernier lieu à titre onéreux ;
Considérant que le requérant était propriétaire de la participation dans la société A pour l’avoir obtenue en donation de sa fille, en décembre 2016; que le transfert de propriété par donation étant à considérer comme acte à titre gratuit, le prix d’acquisition, i.e. la valeur de la participation dont il devra être tenu compte est celui réglé à l’origine par la fille du requérant ; qu’aussi, les requérants expliquent-ils que le prix d’acquisition à considérer serait équivalent à la valeur de l’apport fait par la fille du réclamant à la constitution de la société, valeur qu’ils précisent toutefois être différente de celle retenue dans l’acte notarié de 5 constitution et dans les comptes sociaux ; qu’ils font valoir que le capital de la société nouvellement constituée fut libéré pour sa plus grande partie par apport de la participation dans la société C et que, de la sorte, la fille du requérant échangea de fait la participation qu’elle détenait dans la société C contre la participation dans la société A ; qu’en vertu de l’article 102, alinéa 1a L.I.R., l’échange de biens étant à considérer comme cession à titre onéreux du bien donné en échange, suivie de l’acquisition à titre onéreux du bien reçu en échange et le prix de réalisation du bien donné en échange comme correspondant à sa valeur estimée de réalisation, le prix d’acquisition à porter en déduction du boni de liquidation attribué au requérant serait à réduire de la valeur estimée de réalisation de la participation d’un tiers dans le capital de la société C, valeur fixée à … euros suivant le rapport d’expertise de la société L du 13 juin 2019 ;
Considérant néanmoins que suivant l’article 102, alinéa 10 L.I.R., l’échange de titres ne conduit pas à la réalisation des plus-values inhérentes aux biens échangés si les opérations d’échange satisfont aux dispositions de l’article 22bis, alinéa 2, nos 2 à 4 et alinéa 3 L.I.R., à moins que l’associé ne renonce à l’application de cette disposition dans les cas visés aux nos 3 et 4 de l’article 22bis, alinéa 2 L.I.R. ; que suivant l’alinéa 11, en cas d’application des dispositions de l’alinéa 10, le prix et la date d’acquisition des biens reçus en échange correspondent au prix et à la date d’acquisition des biens donnés en échange ; que les alinéas 10 et 11 de l’article 102 L.I.R. élargissent l’application des dispositions de l’article 22bis LI.R.
aux opérations d’échange de titres effectués dans le cadre du patrimoine privé ; que l’article 22bis, alinéa 2, n° 4 L.I.R. dispose notamment que par dérogation à l’article 22, alinéa 5 L.I.R.
selon lequel l’échange de biens est à considérer comme cession à titre onéreux du bien donné en échange suivie de l’acquisition à titre onéreux du bien reçu en échange, ne conduit pas à la réalisation des plus-values inhérentes aux biens échangés, à moins que soit le créancier soit l’associé ne renoncent à l’application de cette disposition, lors de l’acquisition par a) une société résidente d’un Etat membre ou b) par une société de capitaux pleinement imposable à un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités, dans le capital social d’une autre société visée sub a) ou b) d’une participation ayant pour effet soit de lui conférer, soit d’augmenter la majorité des droits de vote dans la société acquise, l’attribution à l’associé de titres représentatifs du capital social de la société acquérante en échange des titres représentatifs du capital social détenu dans la société acquise ;
Considérant qu’en l’espèce, la constitution d’une société nouvelle par le biais d’un apport en nature de titres existants, représentant une participation d’un tiers dans le capital social, aux fins d’obtenir les parts sociales nouvellement créées et émises à travers cette constitution tout en obtenant de même les droits de vote correspondants dans les deux sociétés, l’une étant l’associée directe de l’autre et le détenteur des titres étant l’associé de celle nouvellement créée, répond précisément aux caractéristiques des opérations visées par le numéro 4 de l’alinéa 2 de l’article 22bis L.I.R. ; qu’alors même que les dispositions des articles 22bis et 102, alinéa 10 L.I.R. constituent une exception au principe de l’assimilation des échanges aux ventes, aussi bien l’article 22bis, alinéa 2 que l’article 102, alinéa 10 L.I.R.
précisent que les opérations d’échange satisfaisant aux conditions requises sont d’office soumises à ces dispositions, à moins que l’associé n’y renonce ; qu’un contribuable souhaitant qu’un échange de l’espèce soit soumis aux dispositions de l’article 22, alinéa 5 ou 102, alinéa 1a L.I.R. doit ainsi renoncer expressément à l’application des dispositions en cause, la continuation de la valeur des participations transmises dans le cadre bien défini des restructurations de sociétés, sans découverte des plus-values inhérentes, étant de principe ;
6 Considérant que résidente de la Suisse à l’époque de la constitution de la société A, la fille du requérant, bien que non soumise à l’obligation fiscale au Luxembourg, fit apport à la société A d’un montant en espèces de … euros et d’une participation d’un tiers dans le capital de la société C, participation qui fut portée au bilan de la société avec un montant de (… - … i.e.) … euros ; que cette participation se composait de … parts, i.e. un tiers du capital de la société anonyme C, société résidente pleinement imposable, au capital de … euros constitué de … actions à valeur nominale d’un euro ; que cette société fut elle-même constituée le 27 décembre 2010 par la société E, société avec siège social à …, … (îles normandes), qui libéra le capital social par apport d’une participation de … actions dans la société F, ayant elle aussi son siège social à … ; que cette participation fut évaluée à l’époque à … euros par la société G réviseurs d’entreprises et inscrite au bilan de la société anonyme luxembourgeoise C pour ce montant ; que les divers transferts moyennant apports et constitution de nouvelles sociétés aboutirent finalement à l’opération en cause, la fille du réclamant ayant apporté à la société A, à sa constitution, une participation représentative d’un tiers, soit … parts, de la société F, dont la valeur, continuée à travers la société C, se chiffrait à (…/3 i.e.) … euros ;
que l’apport, en date du 27 décembre 2010, de la participation dans la société F à la société C ayant constitué un échange de titres entre sociétés dont l’une n’avait pas son siège dans un État membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen, la directive 90/434/CEE, à l’origine de l’article 22bis L.I.R. ne pouvait s’appliquer de sorte que la participation dans la société F dut être portée au bilan de la société C avec sa valeur estimée de réalisation au jour de l’apport, correspondant pour la société C à son prix d’acquisition et estimée à … euros, tandis que l’apport d’un tiers des parts de la société C à la société A, répondant aux conditions de l’article 22bis, alinéa 2, n° 4 L.I.R. et, en conséquence, à celles de l’article 102, alinéa 10 L.I.R., fut opérée d’office à la valeur comptable, c’est-à-dire à un tiers de la valeur qu’avait à l’époque de son apport à la société C la participation dans la société F ;
Considérant que cette valeur fut reprise dans le bilan d’ouverture de la société A sans modification ni indication quelconque quant à une évaluation différente de celle inscrite au bilan commercial ou quant à une renonciation à l’application des dispositions de l’article 102, alinéa 10 L.I.R. ; qu’aussi, la plus-value inhérente à cette participation, représentant l’augmentation de valeur de l’actif net investi de la société F sur la période s’étendant du jour de son apport à la société C - apport effectué à la valeur estimée de réalisation - au jour de l’apport de la participation dans la société C à la société A - apport fait à la valeur comptable -, fut continuée, tel que prévu par l’article 102, alinéa 10 L.I.R., dans le chef de la société A, nouvelle détentrice ;
Considérant que le bilan d’une société sert de base à l’imposition ; que l’article 40, alinéa 1er L.I.R. dispose que, lorsque les prescriptions régissant l’évaluation au point de vue fiscal n’exigent pas une évaluation à un montant déterminé, les valeurs à retenir au bilan fiscal doivent être celles du bilan commercial ou s’en rapprocher le plus possible dans le cadre des prescriptions prévisées, suivant que les valeurs du bilan commercial répondent ou ne répondent pas aux mêmes prescriptions ; que ni le bilan d’ouverture de la société A ni sa déclaration fiscale de l’année de sa constitution ne permettent de conclure à une demande qui aurait permis de soumettre à l’impôt la plus-value accumulée par la participation en cause ;
que l’article 102, alinéa 1a L.I.R. ne s’appliquant pas en matière d’échange de participations ayant lieu dans les conditions définies à l’article 22bis, alinéa 2 L.I.R., est à retenir en tant que 7 prix d’acquisition de la participation dans la société C, c’est-à-dire en tant que valeur au moment de son apport à la société A, la valeur reprise au bilan de la société A, valeur établie aussi bien par les bilans des sociétés C et F, que par l’acte notarié de constitution de la société A qui fait référence à une expertise établie par les réviseurs d’entreprises D ;
Considérant qu’une évaluation différente de celle retenue à l’apport, à la date de constitution de la société A, ne saurait être admise à défaut de toute déclaration dans ce sens faite à l’époque qui permettrait de conclure à une évaluation manifestement contraire aux dispositions des articles 22bis, alinéa 2, n° 4 et 102, alinéa 10 L.I.R., tel qu’allégué par les réclamants ; qu’en outre, il reste à remarquer que la déclaration tout comme le bilan de l’époque ayant été conformes aux dispositions des articles 22bis, alinéa 2, n° 4 et 102, alinéa 10 L.I.R., l’évaluation en question ne saurait être modifiée rétroactivement sur demande, puisque pareille modification, outre les répercussions sur l’imposition de l’année concernée, impliquerait une modification des bases imposables d’une année antérieure qui, compte tenu des dispositions des §§ 91 et 228 AO, sont coulées en force de chose décidée ; que pareille modification conduirait d’ailleurs à soustraire à l’imposition la plus-value accumulée de la participation C et à travers elle, celle de la participation dans F sur toute la durée de sa détention par des sociétés luxembourgeoises, ce qui équivaudrait de fait à une exemption de la plus-value non prévue par la loi ;
Considérant que le bénéfice de cession réalisé par le requérant à l’occasion de la dissolution de la société A est imposable en vertu de l’article 101 L.I.R. et le prix d’acquisition à déduire du boni de liquidation attribué au requérant est constitué d’une part par le montant de l’apport en espèces que fit, à l’époque de la constitution de la société A, la fille du réclamant, et d’autre part par la valeur comptable de la participation dans la société C qu’elle apporta en nature, valeur que la société A continua dans ses bilans des années subséquentes ;
qu’étant donné les dispositions de l’article 102, alinéa 4 L.I.R. qui prévoient qu’en cas d’acquisition à titre gratuit, le cédant est réputé avoir acquis le bien en cause à l’époque où il a été acquis par le détenteur l’ayant en dernier lieu acquis à titre onéreux, la date à retenir au titre de l’apport en espèces fait par la fille du requérant est celle du 6 juillet 2016, date de la constitution de la société A, tandis que celle à retenir au titre de l’apport de la participation dans la société C est, compte tenu des continuations des valeurs lors de l’échange de titres prévu par les articles 22bis, alinéa 2 et 102, alinéa 10 L.I.R., celle à laquelle fut apportée, à la constitution de la société C le 27 décembre 2010, la participation dans la société F, participation évaluée à l’époque à sa valeur estimée de réalisation, étant donné l’apport à une société avec siège dans un État membre d’une participation dans une société n’ayant pas son siège dans un État membre ;
Considérant que le bureau d’imposition détermina d’abord le montant du bénéfice de cession au sens de l’article 101 L.I.R. en déduisant du boni de liquidation un prix d’acquisition de … euros et un abattement de cession de … euros, et ensuite le montant des revenus nets divers en déduisant du bénéfice de cession une perte de spéculation subie sur des opérations sur titres de … euros ; que le montant du boni de liquidation, déclaré dans ses comptes sociaux par la société A, n’a pas été mis en cause ni d’ailleurs le montant de l’abattement de cession auquel les requérants pouvaient en effet prétendre en intégrité ; que le montant du prix d’acquisition cependant, réglé pour partie à la constitution de la société A, en juillet 2016 et, conformément aux dispositions de l’article 102, alinéa 11 L.I.R., pour partie à la constitution de la société C en décembre 2010, est à réévaluer compte tenu des prescriptions de l’article 8 102, alinéa 6 L.I.R. ; qu’en effet, l’article 102, alinéa 11 L.I.R. prévoit que, dans les hypothèses visées aux alinéas 9 et 10 de l’article 102, le prix et la date d’acquisition des biens reçus en échange correspondent au prix et à la date d’acquisition des biens donnés en échange, ce qui implique que la partie du prix d’acquisition constituée par la valeur estimée de réalisation de la participation dans la société F est à considérer comme ayant été acquise à la date de constitution de la société C, c’est-à-dire en décembre 2010, dernier transfert de propriété à titre onéreux puisque l’apport en question fut opérée à la valeur estimée de réalisation de la participation apportée ; que suivant l’article 102, alinéa 6 L.I.R., le prix d’acquisition à prendre en considération en vue de la détermination du revenu visé aux articles 99ter à 101 est réévalué par multiplication avec un coefficient défini par rapport à l’année où la dépense constitutive du prix d’acquisition a été engagée (ou, tel qu’en l’espèce, dans les cas d’apports et de transferts entre sociétés, à l’année où la dernière évaluation à la valeur estimée de réalisation a eu lieu) ; que les coefficients de réévaluation applicables par rapport à des acquisitions faites respectivement pendant les années 2010 et 2016 sont fixés, pour les cessions ayant eu lieu au cours de l’année 2019, à respectivement … et 1 ; que le prix d’acquisition dont il y a lieu de tenir compte s’élève donc à (… + … x … i.e.) … euros ; que le bénéfice de cession au sens de l’article 101 L.I.R., à mettre en compte aux fins de l’établissement des revenus nets divers, se chiffre par conséquent à un montant de (… - … - … i.e.) … euros ;
Considérant qu’au niveau de l’imposition établie, le bureau d’imposition avait encore réduit le bénéfice de cession en cause en en déduisant une perte de spéculation d’un montant de … euros, perte constituée de deux bénéfices réalisés sur des aliénations de titres qui se chiffraient respectivement à … euros et … euros et de trois pertes qui se chiffraient respectivement à … euros, … euros et … euros ; qu’en vertu de l’article 102, alinéa 14 L.I.R., les pertes se dégageant de l’application de l’article 99bis L.I.R. sont compensables avec des revenus positifs se dégageant du même article, et l’excédent de perte en résultant n’est compensable qu’avec un revenu positif résultant de l’ensemble des revenus dégagés des articles 99ter à 101 L.I.R. ;
Considérant que les requérants réalisèrent, outre des bénéfices à l’aliénation, respectivement les 23 septembre et 12 novembre 2019, d’obligations émises par les sociétés H qu’ils détenaient depuis le 23 août 2019, bénéfices qui se chiffraient à … euros et … euros, des pertes à l’occasion premièrement de la réalisation, les 18 février, 6 mars et 26 mars 2019, de parts qu’ils détenaient de la sicav I, acquises dans leur intégralité le 23 avril 2018, qui s’élevaient au total à … euros, et deuxièmement à l’occasion de la réalisation, en date du 14 août 2019, de respectivement … et … actions des sociétés J, acquises toutes deux le 19 juin 2019, pertes qui se chiffraient respectivement à … euros et … euros ; que les montants de … euros et … euros quant à eux représentent, pour le premier des intérêts débiteurs et pour le second des commissions, dus sur le compte de dépôt des requérants à la banque K en Suisse ;
Considérant qu’en vertu de l’article 99bis, alinéa 1er, n° 1, lettre b) L.I.R., sont imposables les bénéfices résultant des opérations de spéculation et notamment les réalisations de biens récemment acquis à titre onéreux lorsque l’intervalle entre l’acquisition ou la constitution et la réalisation ne dépasse pas six mois pour les biens autres que les immeubles ;
que l’article 102, alinéa 14 L.I.R. prévoit que les pertes se dégageant de l’application de l’article 99bis L.I.R. sont compensables avec des revenus positifs se dégageant du même article ; qu’étant donné la durée de détention des parts de la sicav I, la perte de … euros est à écarter car ne constituant pas une perte au sens de l’article 99bis L.I.R. ; qu’étant donné 9 encore l’absence d’une relation directe et exclusive des intérêts débiteurs et commissions facturés par la banque K où les requérants avaient encore en dépôt des avoirs, actions, obligations et titres autres d’une certaine importance, les intérêts débiteurs et commissions ne sauraient être portés en déduction du seul revenu imposable dégagé par les opérations de cession sur des titres qui ne constituaient qu’une partie non chiffrée de l’ensemble des valeurs en dépôt qui, à côté des gains, pertes et rendements imposables générèrent des revenus exempts d’impôts non déclarés ; que la perte de spéculation compensable avec le bénéfice de cession réalisé à l’occasion de la dissolution de la société A s’élève ainsi à un montant de (… - … i.e.) - … euros - montant correspondant à celui déclaré à l’origine par les requérants - et réduit en conséquence le bénéfice de cession imposable à (… - … i.e.) … euros ;
Considérant que le redressement de l’impôt sur le revenu de l’année 2019 fait l’objet des annexes 1 et 2 qui constituent des parties intégrantes de la présente décision ;
Considérant que pour le surplus, l’imposition est conforme à la loi et aux faits de la cause et n’a d’ailleurs pas autrement été contestée ;
PAR CES MOTIFS reçoit la réclamation en la forme, la dit partiellement fondée, ramène l’impôt sur le revenu dû pour l’année 2019 à … euros, y compris la contribution au fonds pour l’emploi, renvoie au bureau d’imposition pour exécution, notamment pour imputation des retenues. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 31 janvier 2022, inscrite sous le numéro 46958 du rôle, les consorts …-… ont fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision précitée du directeur du 3 novembre 2021.
1) Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours Conformément aux dispositions combinées du § 228 AO et de l’article 8, paragraphe (3), point 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre un bulletin de l’impôt.
Le tribunal est dès lors compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit à l’encontre de la décision directoriale susmentionnée du 3 novembre 2021, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
10 2) Quant au fond Moyens des parties A l’appui de leur recours, les consorts …-… reprochent à l’administration des Contributions directes d’avoir retenu dans leur chef la réalisation d’une plus-value imposable d’un montant de … euros qui se serait dégagée lors de la dissolution de la société anonyme A, ci-après désignée par « la société A », alors qu’en réalité ils auraient réalisé une moins-
value de … euros.
Ils expliquent dans ce contexte que la société A aurait été constituée en date du 6 juillet 2016 par leur fille, Madame …, par apport en espèces de … euros, et par apport en nature de … actions de catégorie C de la société anonyme C, ci-après désignée par « la société C ». Suite à sa constitution, la société A aurait ainsi détenu une participation de 33,33% dans le capital social de la société C ainsi que les droits de vote attachés aux actions détenues.
En se référant à un rapport d’évaluation établi par la société anonyme L, réviseur d’entreprises, ci-après désignée par « la société L », du 6 juillet 2016, les demandeurs font tout d’abord relever que l’apport des titres de la société C à la société A aurait été évalué à la valeur nominale desdits titres, soit un montant de … euros qui, avec l’apport en espèce, aurait représenté un apport total d’un montant de … euros. Or, selon les consorts …-…, la valeur de marché des titres de la société C apportés à la société A se serait élevé à … euros au moment de l’apport, ce qui serait confirmé par un deuxième rapport d’évaluation établi par la société L daté du 13 juin 2019. La valeur totale estimée de réalisation des titres de la société A au moment de la constitution par Madame … se serait dès lors élevé à … euros.
Ils donnent encore à considérer que la société C aurait elle-même été constituée le 27 décembre 2010 par la société anonyme E, une société ayant son siège social à …, …, ci-après désignée par « la société E ». Son capital social aurait été d’un montant de … euros (divisé en … actions ordinaires de catégorie A, … actions ordinaires de catégorie B et … actions ordinaires de catégorie C - chacune d’une valeur nominale d’1 euro) et aurait été libéré par apport en nature de … actions de la société F, société dont le siège social aurait été transféré au Luxembourg en 2011, ci-après désignée par « la société F ». Ledit apport en nature aurait fait l’objet d’un rapport d’évaluation daté du 27 décembre 2010 établi par la société anonyme G, ci-après désignée par « la société G », au terme duquel les actions de la société F auraient été évaluées à un montant de … euros compte tenu de ses fonds propres au 25 novembre 2010.
La valeur retenue lors de l’acte de constitution de la société C aurait cependant été de … euros.
Suite à la liquidation de la société E, les … actions de catégorie C détenues par cette dernière dans la société C auraient été transférées, en date du 1er avril 2014, à Madame … qui aurait, dès lors, détenu une participation de 33,33% du capital social de la société C laquelle aurait par la suite été apportée à la société A.
Les demandeurs poursuivent en expliquant que par acte de donation notarié du 21 décembre 2016, Madame … aurait fait don de l’intégralité des actions de la société A à Monsieur …, en vue de la restructuration du patrimoine familial.
11 Suite à la dissolution de la société A en date du 13 août 2019, le produit de la dissolution correspondant à un montant de … euros aurait été mis à la disposition de Monsieur …, de sorte que celui-ci aurait, selon les demandeurs, réalisé une moins-value de … euros (i.e. … - …).
En droit, les demandeurs s’emparent tout d’abord de l’article 100, alinéas 1 et 2 LIR pour soutenir que dans la mesure où Monsieur … aurait détenu 100% du capital social de la société A, le produit lui alloué lors de la dissolution de cette dernière serait à considérer comme produit d’une aliénation de sa participation conformément à l’article 101 LIR.
Tout en soulignant que l’objet du litige concernerait la question de valeur à retenir comme prix d’acquisition de la participation dans la société A dans le chef de Monsieur …, les demandeurs renvoient à l’article 102, alinéa 3 LIR, dont il ressortirait que lorsqu’un bien a été acquis à titre gratuit par le cédant, le prix d’acquisition à mettre en compte serait celui payé par le détenteur antérieur ayant acquis le bien en dernier lieu à titre onéreux.
A cet égard, ils font valoir qu’en l’espèce, les actions de la société A auraient été acquises par Madame … au moment de la constitution de celle-ci par échange de ses actions dans la société C contre l’émission de nouvelles actions par la société A.
Ils estiment, dans ce contexte, que l’article 102, alinéa 1a LIR, qui serait le pendant de l’article 22, alinéa 5 LIR dans le domaine du patrimoine privé, prévoirait, d’une part, qu’un échange de biens serait à considérer comme cession à titre onéreux du bien donné en échange, suivie de l’acquisition à titre onéreux du bien reçu en échange et, d’autre part, que le prix de réalisation du bien donné en échange correspondrait à sa valeur estimée de réalisation.
Ainsi, la valeur d’acquisition des titres de la société A s’élèverait à … euros et correspondrait à la valeur estimée de réalisation des titres de la société C au moment de leur échange contre des titres de la société A.
Ils critiquent ensuite le directeur pour avoir retenu un prix d’acquisition de … euros sur base de l’article 22bis LIR qui ne s’appliquerait pas en l’espèce.
Ils expliquent, dans un premier temps, qu’une des conditions d’application de l’article 22bis, alinéa 2, point 4. LIR serait que l’associé en question soit soumis à la loi fiscale luxembourgeoise. Or, au moment de l’échange des titres de la société C contre des titres de la société A, Madame … aurait été résidente suisse. L’article 13 de la convention entre la Confédération Suisse et le Grand-Duché de Luxembourg en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune du 21 janvier 1993, ci-après désignée par « la Convention Luxembourg-Suisse », prévoirait par ailleurs que tout gain en capital serait exclusivement taxable en Suisse. Ainsi, les demandeurs sont d’avis qu’au moment de l’échange, Madame … n’aurait été soumise ni à la loi fiscale luxembourgeoise ni à une quelconque obligation fiscale au Luxembourg, de sorte que l’article 22bis LIR ne lui aurait pas été applicable lors de l’opération d’échange des titres de la société C contre ceux de la société A.
Dans un deuxième temps, les demandeurs concluent à l’inapplicabilité de l’article 22bis LIR au cas d’espèce au motif qu’au moment de l’échange des titres de la société C contre des titres de la société A, cette dernière n’aurait pas obtenu dans la société C une participation lui 12 conférant ou augmentant la majorité des droits de vote, alors que suite à l’échange, la société A n’aurait détenu que 33,33% du capital social de la société C (… actions sur les … actions émises) et … voix sur les … voix aux assemblées générales des actionnaires.
A cela s’ajouterait que les articles 102, alinéa 10 et 22bis LIR prévoiraient que l’associé concerné pourrait renoncer au régime de neutralité fiscale. Cependant, ni les articles 102, alinéa 10 et 22bis LIR, ni la circulaire du directeur L.I.R. n° 22/1, 22bis/1, 102/1 du 27 juillet 2021, ci-après désignée par « la circulaire 22bis », ne poseraient des conditions formelles ou un délai pour effectuer cette renonciation. Ainsi, une renonciation, même implicite, devrait être admise.
Les demandeurs réfutent, dans ce contexte, tout d’abord la critique du directeur suivant laquelle aucune renonciation à l’application de l’article 22bis LIR n’aurait été faite dans le cas d’espèce, en soulignant que Madame … n’aurait pas pu renoncer à l’application desdites dispositions, étant donné qu’elle n’aurait été ni résidente fiscale luxembourgeoise, ni soumise à une imposition limitée à Luxembourg et que, de ce fait, elle n’aurait pas non plus été soumise à une obligation déclarative au Luxembourg.
Ils ajoutent que dans la mesure où il incomberait à l’associé réalisant l’échange de renoncer à l’application de l’article 22bis LIR, cette obligation ne saurait, par ailleurs, être transférée à Monsieur ….
Ce serait, par ailleurs, à tort que l’administration des Contributions directes estimerait que la renonciation devrait être expresse, alors que cette condition ne ressortirait ni des articles 102, alinéa 10 et 22bis LIR, ni de la circulaire 22bis.
Les consorts …-… sont encore d’avis que la circonstance que Monsieur … n’aurait pas déclaré la perte réalisée lors de la liquidation de la société A dans sa déclaration fiscale pour l’année 2019, ne pourrait pas être considérée comme une absence de renonciation, faute d’une telle obligation existant à sa charge. A cet égard, ils font plus particulièrement valoir que s’il devait être considéré qu’une obligation de renonciation à l’application de l’article 22bis LIR s’était imposée à Monsieur …, il conviendrait alors de considérer que la transmission du détail de calcul de la moins-value devrait être considérée comme une telle renonciation et ceci en l’absence de forme et de délai posé par les articles 102, alinéa 10 et 22bis LIR et la circulaire 22bis.
Ils font ensuite plaider que la valeur de comptabilisation des actions de la société C dans les comptes de la société A ne serait pas pertinente pour plusieurs motifs. Premièrement, lors de la constitution de la société A, les actions de la société C apportées n’auraient pas été évaluées à leur valeur de marché. Le but du rapport aurait au contraire été de garantir que l’apport corresponde au moins au capital nouvellement émis, ceci notamment dans le but de protéger d’éventuels créanciers qui pourraient être « floués » par une surévaluation de l’apport réalisé. Ils insistent, à cet égard, sur le fait que loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales, ci-après désignée par « la loi du 10 août 1915 », n’imposerait aucune obligation de valorisation à valeur de marché lors d’un apport en nature, mais une simple obligation d’évaluation de minimis à la seule discrétion des actionnaires et de la société bénéficiaire de l’apport. Emettre du capital supplémentaire en rémunération de cet apport aurait, par ailleurs, été sans utilité eu égard au fait que la société A aurait été une société unipersonnelle.
13 Deuxièmement, ils estiment que contrairement à ce que prétendrait l’administration des Contributions directes, il n’y aurait aucune corrélation entre la valorisation des actifs de la société et la valeur d’acquisition des titres chez l’associé pour les besoins de l’article 22bis LIR. Selon les demandeurs, même dans l’hypothèse où l’associé reprendrait les valeurs historiques suivant l’article 22bis LIR, il n’y aurait pas de valeur prescrite pour enregistrer les titres dans la société acquise au niveau de la société acquérante. Par conséquent, les titres pourraient être enregistrés au niveau de la société acquérante pour leur valeur de marché, tant au niveau comptable que fiscal, sans remettre en cause la neutralité fiscale au niveau de l’associé. Ils en déduisent qu’a contrario, lorsque l’associé enregistre les titres de la société acquérante à leur valeur estimée de réalisation - sans appliquer l’article 22bis LIR- rien n’empêcherait la société acquérante de valoriser les titres de la société acquise à leur valeur comptable. Les demandeurs en concluent que d’un point de vue fiscal, seule la valeur estimée de réalisation au moment de l’apport des titres de la société C à la société A serait à considérer au niveau de l’associé, à savoir … euros, sans égard à la valorisation comptable des titres au niveau de la société A.
Par rapport au reproche du directeur suivant lequel une évaluation différente de celle retenue pour l’apport, à la date de constitution de la société A, ne saurait être admise ex post au motif qu’elle risquerait de soustraire, à l’imposition luxembourgeoise, la plus-value accumulée de la participation la société C et à travers elle, celle de la participation dans F sur la durée de sa détention par des sociétés luxembourgeoises, les demandeurs soutiennent qu’aucun droit d’imposition n’existerait au Luxembourg. Ils donnent ainsi à considérer qu’après la migration de la société F au Luxembourg en 2011, toute potentielle plus-value accumulée par (i) la société C dans la société F et (ii) la société A dans la société C aurait été exonérée sur la base du régime des sociétés mères et filiales contenu à l’article 166 LIR et dans le règlement grand-ducal du 21 décembre 2001 portant exécution de l’article 166, alinéa 9 LIR.
Une cession des actions de la société A par Madame … avant la donation aurait également été seulement imposable en Suisse sur la base de la Convention Luxembourg-Suisse. Ainsi, contrairement aux allégations de l’administration des Contributions directes, l’absence d’imposition ne résulterait, selon les demandeurs, pas d’une volonté supposément abusive de se soustraire à une imposition au Luxembourg, mais découlerait du cadre légal et conventionnel.
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement cite les articles 101, alinéa 1er, 100 alinéas 1er et 2, 102, alinéas 2, 3 et 4 et 25 LIR pour faire valoir que comme Monsieur … aurait obtenu l’intégralité des actions dans la société A par une donation de la part de sa fille, il y aurait lieu de déterminer la dernière acquisition à titre onéreux. Il s’agirait de l'apport par cette dernière des actions de la société C lors de la constitution de la société A en 2016 rémunéré par l’attribution des actions de cette dernière. Lors de cette transaction, la valeur « de la participation » aurait été évaluée à un montant de … euros lequel aurait été comptabilisée comme tel.
Le représentant étatique explique que si l’article 22 LIR posait le principe que l’échange de biens est à considérer comme cession à titre onéreux du bien donné en échange, suivie de l’acquisition à titre onéreux du bien reçu en échange, l’article 22bis LIR y dérogerait toutefois pour retenir la neutralité fiscale de certaines opérations d’échanges. Ainsi, sous réserve d’une renonciation de la part de l’associé et du respect des conditions y inscrites, l’article 22bis LIR 14 serait applicable de plein droit et les plus-values inhérentes aux biens échangés ne seraient pas découvertes lors de la restructuration. Il en déduit que la valeur comptable historique serait ainsi continuée d’office nonobstant la restructuration, de sorte que ce serait à juste titre que le bureau d’imposition aurait retenu un prix d’acquisition de … euros (… + …).
Il soutient ensuite que les arguments des consorts …-… concernant l’inapplicabilité de l’article 22bis LIR seraient à rejeter.
Dans ce contexte, le délégué du gouvernement donne tout d’abord à considérer que l’article 22bis LIR resterait muet quant à la qualité de l’associé pour l’application de la neutralité fiscale. Il relève, à cet égard, que les demandeurs prétendraient à tort, en ajoutant de cette manière une condition supplémentaire au texte de loi, que « les non-résidents pourraient seulement bénéficier de l’article 22bis LIR sous réserve qu’une convention fiscale, si applicable, attribuerait le droit d’imposer au Luxembourg ». Une telle réserve serait d’ailleurs peu utile dans le cadre d’une restructuration où le choix des associés de renoncer ou non à l’application de l’article 22bis LIR s’exprimerait « in concreto par la société qu’ils contrôlent qui procédera soit à la découverte de la plus-value inhérente ou à la comptabilisation continue de la valeur historique ». Or, en l’espèce, les associés de la société A n’auraient pas renoncé à l’application de l’article 22bis LIR au motif qu’ils auraient continué la valeur historique de la participation dans les comptes annuels des années 2016 à 2019. La qualité de non-résident de Madame …, respectivement la question du droit d’imposition attribué par une convention fiscale ne serait donc pas pertinente en l’espèce.
Il est encore d’avis que l’argument adverse consistant à affirmer que la société A ne détiendrait pas une majorité des droits de vote en raison du fait qu’elle détiendrait une participation de 33,33% ne pourrait pas non plus être retenu, alors que l’article 22bis LIR ne définirait pas le type de majorité qu’une société acquérante devrait détenir dans la société acquise. Tout en insistant sur le fait que pendant l’année 2016, tout le capital social de la société acquise aurait été directement ou indirectement contrôlé par Madame … ou des autres membres de la famille …, le délégué du gouvernement soutient que Madame … aurait détenu le contrôle intégral de la société A, de sorte à ce que la condition de la majorité inscrite à l’article 22bis serait également remplie.
A titre subsidiaire, le représentant étatique estime que la valeur estimée de réalisation de la participation correspondrait à la valeur comptable. A cet égard, il fait tout d’abord valoir que les demandeurs se fonderaient sur un « rapport d’examen limité » dressé ex-post en date du 13 juin 2019 par la société L pour prétendre à une valeur estimée de réalisation au moment de l’apport à hauteur de … euros. Mis à part le fait qu’il ressortirait du rapport qu’il aurait été confectionné exclusivement pour les besoins fiscaux des demandeurs, l’envergure des vérifications effectuées serait minime et l’examen limité reposerait uniquement sur « des entretiens avec les administrateurs de la société et des procédures analytiques appliqués aux informations financières ». Il y serait encore précisé que le niveau d’« assurances » serait « moins élevé qu’un audit ». Il estime que la valeur probante d’un tel examen limité serait quasi-
inexistante puisqu’il ressortirait du rapport qu’il se fonderait essentiellement sur les explications unilatérales des administrateurs nommés par la famille ….
A cela s’ajouterait que le rapport indiquerait que la société A détiendrait de multiples participations en cascade, tant au Luxembourg qu’en Italie, et que les filiales italiennes 15 détiendraient une série d’immeubles évalués par « des cabinets d’expertises immobilières ». Le rapport d’examen limité serait cependant tout à fait lacunaire en ce qu’il ne comporterait ni une preuve relative aux propriétés immobilières détenues, ni les prétendues évaluations immobilières.
En l’absence d’un quelconque élément probant justifiant la valorisation avancée et eu égard au faible niveau d’« assurances », il conviendrait de rejeter la valorisation avancée ex-
post par les demandeurs et de retenir la valeur comptable comme valeur estimée de réalisation au moment de l’apport.
Le délégué du gouvernement insiste finalement sur le fait que la société A aurait réalisé des bénéfices substantiels au cours des années 2016 à 2019, à savoir … euros en 2016, … euros en 2017, … euros en 2018 et … euros en 2019 et que parmi ces bénéfices, seul un montant de … euros aurait été distribué aux associés. Il en déduit que la surévaluation ex-post de la participation dans la société C à hauteur de … euros à la date de l’apport en 2016 poursuivrait une seule fin fiscale, soit l’« extraction défiscalisée » des bénéfices réalisés au cours des années 2016 à 2019 au profit des consorts …-… dans le but d’éviter une plus-value imposable.
Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs réitèrent leurs développements contenus dans leur requête introductive d’instance, en insistant plus particulièrement sur le principe de territorialité de la loi fiscale pour faire valoir qu’un associé non-résident pourrait bénéficier de la neutralité fiscale d’une opération d’apport de titres au sens de l’article 22bis LIR dans la mesure où l’opération d’échange serait imposable au Luxembourg et sous réserve qu’une convention de double imposition, si applicable, n’attribuerait pas le droit d’imposer à une autre juridiction.
Or, il ressortirait clairement de l’article 13, paragraphe (4) de la Convention Luxembourg-Suisse qu’en présence d’un contribuable résident en Suisse, les plus-values ne seraient imposables qu’en Suisse. Par conséquent, Madame … qui serait résidente Suisse pour des besoins fiscaux, ne pourrait être in fine soumise à l’article 22bis, paragraphe (2), numéro 4 LIR. Ainsi, ce serait à tort que le délégué du gouvernement appliquerait l’article 22bis LIR à un non-résident « protégé » par une convention de double imposition.
Quant à la condition de majorité inscrite à l’article 22bis LIR, ils réitèrent que ni cette disposition, ni la jurisprudence, ni la circulaire 22bis ne donneraient plus de détails quant au type de majorité requise en termes de droits de vote que l’associé devrait avoir dans le chef de la société acquise. Etant donné que le législateur luxembourgeois se serait borné à simplement utiliser la notion de majorité et que la loi fiscale serait à interpréter de manière stricte, une majorité des droits de vote devrait s’entendre comme la moitié des voix plus une, de sorte qu’il faudrait avoir plus de 50% des droits de vote pour que la condition de majorité au sens de l’article 22bis LIR soit remplie. Ils insistent à cet égard sur le fait que contrairement aux développements du délégué du gouvernement, la majorité des droits de vote devrait d’être déterminée dans le chef de Madame … et non pas au niveau de sa famille. Or, Madame … n’aurait détenu que 33,33% du capital social de la société C et … voix sur les … voix aux assemblées générales des actionnaires lors de l’échange des titres.
Par conséquent, au vu de tous ces éléments, la participation échangée ne serait pas éligible à la neutralité fiscale telle que prévu par l’article 22bis LIR.
16 En ce qui concerne les critiques du représentant étatique relatives au rapport dressé par la société L, ils font valoir que celles-ci reviendraient à mettre en cause, sans fondement, la détention des propriétés immobilières, qui ne ferait pas l’objet du présent litige.
Il conviendrait par ailleurs de rejeter l’allégation du délégué du gouvernement selon laquelle le rapport d’examen limité préparé par la société L le 13 juin 2019 aurait « une valeur probante quasi-inexistante ». Ils expliquent dans ce contexte que ledit rapport serait non équivoque et probant à tout point de vue, étant donné qu’il aurait été établi par un réviseur d’entreprises agréé et reconnu, tout en joignant à leur mémoire en réplique une note complémentaire préparée pour les besoins du présent litige par la société L pour détailler la méthodologie utilisée dans le rapport de 2019, ainsi que les principaux documents qui auraient servi à la détermination de la valeur de marché des titres de la société A lors de sa constitution le 6 juillet 2016.
Les demandeurs concluent finalement que le rapport de 2019, ainsi que la note complémentaire démontreraient que la valeur de marché des titres de la société A s’élèverait à … euros et qu’il conviendrait dès lors de retenir cette valeur en tant que prix d’acquisition des titres de la société A dans leur chef.
Appréciation du tribunal Force est de constater qu’il est constant en cause qu’en date du 27 décembre 2020, (i) la société E a constitué la société C par un apport en nature consistant en un apport de … actions détenues par la société E dans la société F, représentant 37,5 % de son capital social, (ii) le capital social de la société C de … euros était divisé en trois catégories de titres (A, B et C) de … euros chacune et (iii) la libération des … actions ordinaires de catégorie A, … actions ordinaires de catégorie B et … actions ordinaires de catégorie C de la société C d’une valeur nominale de … euro chacune a impliqué la libération d’une prime d’émission de … euros. En date du 27 décembre 2020, la société E a, dès lors, détenu 100 % du capital social de la société C qui, à son tour, a détenu 37,5 % du capital social de la société F.
Il est ensuite constant en cause que suite à la liquidation de la société E en date du 1er avril 2014, les … actions de catégorie C détenues par cette dernière dans la société C, représentant 33,33 % de son capital social, ont été transférées à Madame …, résidente fiscale suisse. En date du 1er avril 2014, Madame … a partant détenu 33,33% du capital social de la société C qui détenait toujours 37,5 % du capital social de la société F.
En date du 6 juillet 2016, Madame … a constitué la société A par un apport en espèces de … euros et un apport en nature de … actions de catégorie C de la société C, pour en devenir l’actionnaire unique. En date du même jour, la société L a établi un rapport dans lequel elle a évalué l’apport en nature à la valeur nominale desdites actions, soit un montant de … euros. Il s’ensuit que le 6 juillet 2016, Madame … a toujours détenu 33,33% du capital social de la société C qui détenait, à son tour, toujours 37,5% du capital social de la société F.
Par acte notarié de donation du 21 décembre 2016, Madame … a transmis l’intégralité des actions de la société A à titre gratuit à son père, Monsieur ….
17 Il est encore constant en cause qu’un rapport d’évaluation établi par la société L en date du 13 juin 2019 fixe la valeur des titres de la société C à la date du 6 juillet 2016 à … euros.
Suite à la dissolution de la société A en date du 13 août 2019 par Monsieur …, celui-ci a touché un boni de liquidation à hauteur de … euros.
En l’espèce, les parties sont en désaccord sur la valeur à retenir comme prix d’acquisition de la participation dans la société A dans le chef de Monsieur … et par conséquent sur la question de savoir si Monsieur … a réalisé une plus-value ou une moins-value de cession à l’occasion de l’opération de dissolution litigeuse.
En effet, la partie étatique soutient, en substance, en s’appuyant sur l’article 22bis LIR, que Monsieur … aurait réalisé un bénéfice de cession à l’occasion de ladite dissolution au motif que la valeur à retenir comme prix d’acquisition de la participation dans la société A dans son chef serait celle des titres dans la société C reprise au bilan d‘ouverture de la société A, soit … euros. De leur côté, les demandeurs estiment que Monsieur … aurait réalisé une moins-value de cession au motif que la valeur à retenir comme prix d’acquisition de la participation dans la société A serait, aux termes de l’article 102, alinéa 1a LIR, la valeur estimée de réalisation des parts de la société C au moment de leur échange contre des titres de la société A, qui correspondrait, selon eux, à un montant de … euros. C’est sur cette toile de fond que le litige sous examen sera examiné.
Il échet tout d’abord de constater que l’article 101 LIR vise, d’après son alinéa 1er, les opérations de « partage total ou partiel de l’actif social de l’un des organismes mentionnés à l’alinéa premier de l’article 100 » et que le même article définit dans son alinéa 2 comme opération censée constituer un partage total d’actif social, entre autre, celle de la « dissolution ». Les revenus dégagés par ces opérations sont qualifiés par l’article 101, précité, comme « le produit d’une aliénation de la participation au sens de [l’]article [100] ».
Il s’ensuit que le « produit alloué aux associés de participations importantes », à l’occasion d’une dissolution, suit le régime de l’aliénation de telles participations.
L’article 100 LIR dispose que « (1) Est imposable aux termes du présent article le revenu provenant de l’aliénation, à titre onéreux, plus de six mois après leur acquisition, d’actions, parts de capital, parts bénéficiaires et autres participations de toute nature dans les organismes à caractère collectif, lorsque le cédant a eu une participation importante. […] (2) Une participation est à considérer comme importante lorsque le cédant […] a participé de façon directe ou indirecte, à un moment quelconque au cours des 5 années antérieures au jour de l’aliénation, pour plus de 10% au capital […] de l’organisme. […] Une participation obtenue en échange d’une autre participation dans les conditions de l’article 102, alinéa 10, est réputée représenter la participation donnée en échange.
[…] (4) Le revenu net est égal au prix de réalisation, diminué des frais de réalisation, ainsi que du prix d’acquisition. ».
18 Aux termes de l’article 102 LIR, « (1) Les dispositions suivantes sont à observer en vue de l’application des articles 99bis à 101 [LIR].
[…] (2) Le prix d’acquisition d’un bien s’entend du prix tel qu’il est défini par l’article 25, alinéa 1er [LIR.] […] (3) Lorsqu’un bien a été acquis à titre gratuit par le cédant, le prix d’acquisition à mettre en compte est celui payé par le détenteur antérieur ayant acquis le bien en dernier lieu à titre onéreux. […] (4) Dans l’hypothèse visée à l’alinéa qui précède, le cédant est réputé avoir acquis le bien en cause à l’époque où il a été acquis par le détenteur ayant acquis le bien en dernier lieu à titre onéreux. […] ».
Il en résulte que dans le cadre de la détermination du prix d'acquisition d'un bien acquis à titre gratuit par le cédant, comme en l’espèce, par donation, le prix d'acquisition à mettre en compte pour le calcul du bénéfice de cession est celui payé par le détenteur antérieur ayant acquis le bien en dernier lieu à titre onéreux et que le cédant est réputé avoir acquis le bien en cause à l’époque où il a été acquis par le détenteur ayant acquis le bien en dernier lieu à titre onéreux.
En l’espèce, s’il est constant que Monsieur … a acquis, tel que relevé ci-avant, les titres litigieux de la société A à titre gratuit, par voie de donation faite par sa fille Madame …, il est également constant que cette dernière est considérée comme le détenteur ayant acquis le bien en dernier lieu à titre onéreux, tel que cela ressort de la décision directoriale déférée, non contestée sur ce point.
Par rapport à la question litigieuse du prix d’acquisition payé par Madame …, le tribunal ne partage pas l’argumentation de la partie étatique selon laquelle il y aurait lieu de se référer aux dispositions des articles 102, alinéa (10) et 22bis, alinéa (2), numéro 4 LIR pour in fine retenir le montant de … euros comme prix d’acquisition.
En effet, conformément à l’alinéa 1a de l’article 102 LIR, « L’échange de biens est à considérer comme cession à titre onéreux du bien donné en échange, suivie de l’acquisition à titre onéreux du bien reçu en échange. Le prix de cession du bien donné en échange correspond à sa valeur estimée de réalisation. », ladite disposition légale posant le principe que l’échange d’un bien est à assimiler à une vente suivie d’une acquisition conduisant, le cas échéant, à la réalisation de la plus-value ou de la moins-value inhérente au bien donné en échange1.
Cependant l’article 102, alinéa 10 LIR, aux termes duquel « [l]’échange de titres ne conduit pas à la réalisation des plus-values inhérentes aux biens échangés, si les opérations d’échange satisfont aux dispositions de l’article 22bis, alinéa 2, numéros 2 à 4 et alinéa 3, à moins que l’associé ne renonce à l’application de la présente disposition dans les cas visés aux numéros 3 et 4 de l’article 22bis, alinéa 2. », prévoit certes la neutralité fiscale de telles opérations, sauf renonciation de la part de l’associé de la société concernée, dans des cas limitativement énumérés à l’article 22bis LIR qui dispose comme suit :
« (1) Au sens de la présente loi, on entend par:
1 Doc. parl. n° 4855, ad article 1er, 15°, page 105.
19 - société d’un État membre: toute société visée à l’article 3 de la directive 2009/133/CE du Conseil du 19 octobre 2009 concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, scissions partielles, apports d’actifs et échanges d’actions intéressant des sociétés d’États membres différents, ainsi qu’au transfert du siège statutaire d’une SE ou d’une SCE d’un État membre à un autre, et toute société de capitaux ou société coopérative qui est un résident d’un État partie à l’Accord sur l’Espace économique européen (EEE) autre qu’un État membre de l’Union européenne, pleinement imposable à un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités;
- société acquise: la société dans laquelle une autre société acquiert une participation, moyennant un échange de titres;
- société acquérante: la société qui acquiert une participation, moyennant un échange de titres.
(2) Par dérogation à l’article 22, alinéa 5, les opérations d’échange visées aux numéros 2 à 4 ci-dessous ne conduisent pas à la réalisation des plus-values inhérentes aux biens échangés, à moins que, dans les cas visés aux numéros 3 et 4, l’associé ne renonce à l’application de la présente disposition:
[…] 4. lors de l’acquisition a) par une société résidente d’un État membre ou b) par une société de capitaux pleinement imposable à un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités, dans le capital social d’une autre société visée sub a) ou b) d’une participation ayant pour effet soit de lui conférer, soit d’augmenter la majorité des droits de vote dans la société acquise: l’attribution à l’associé de titres représentatifs du capital social de la société acquérante en échange des titres représentatifs du capital social détenus dans la société acquise. […] ».
Le tribunal tient tout d’abord à rappeler que dans la mesure où l’article 22bis LIR a transposé en droit luxembourgeois la directive 90/434/CEE du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d’actifs et échange d’actions intéressant des sociétés d’Etats membres différents, ci-après désignée par « la directive 90/434 », il y a lieu d’interpréter le droit national, dans toute la mesure du possible, à la lumière du texte et de la finalité de la directive transposée pour atteindre le résultat visé par celle-ci2.
Par rapport à la condition tenant à l’octroi à une société acquérante, d’une participation ayant pour effet de soit lui conférer, soit d’augmenter la majorité des droits de vote dans la société acquise, telle que requise par l’article 22bis, alinéa (2), numéro 4 LIR, précité, force est au tribunal de constater que la directive 2005/19/CE du Conseil du 17 février 2005 modifiant la directive 90/434 prévoit en son considérant 15 que « La définition actuelle de « l’échange d’actions », à l’article 2, point d), de la directive 90/434/CEE[3], ne précise pas si ce terme 2 CJUE, 10 avril 1984, C-14/83, Sabine von Colson et Elisabeth Kamann contre Land Nordrhein-Westfalen, ECLI:EU:C:1984:153.
3 Article 2 de la directive 90/434 : « Aux fins de l’application de la présente directive, on entend par : […] d) échange d’actions : l'opérations par laquelle une société acquiert, dans le capital social d'une autre société, une participation ayant pour effet de lui conférer la majorité des droits de vote de cette société, moyennant l'attribution aux associés de l'autre société, en échange de leurs titres, de titres représentatifs du capital social de la première 20 couvre les nouvelles acquisitions au-delà de celle conférant une majorité simple des droits de vote. Il n’est pas rare que les statuts et les règles de vote d’une société soient établis de telle manière que de nouvelles acquisitions sont requises avant que l’acquéreur puisse obtenir le contrôle total de la société visée. La définition « d’échange d’actions » devrait dès lors être modifiée afin de préciser que ce terme couvre toutes les nouvelles acquisitions de ce type. ».
Il s’ensuit que le terme de « majorité » au sens de l’article 22bis LIR est à interpréter en ce sens que la société acquérante doit acquérir, au moins, la majorité simple des droits de vote dans la société acquise afin de remplir la condition de majorité inscrite à l’alinéa 2, numéro 4. dudit article.
Or, en l’espèce, il se dégage, tel que relevé ci-avant, des explications non contestées des demandeurs que la société A a acquis en date du 6 juillet 2016 33,33 % du capital social de la société C correspondant à … voix sur les … en termes de droits de vote aux assemblées générales des actionnaires, de sorte qu’il convient de retenir qu’elle n’a pas acquis la majorité simple des droits de vote dans la société C.
Cette conclusion n’est pas ébranlée par la simple affirmation non autrement étayée du délégué du gouvernement selon laquelle la condition de « majorité » au sens de l’article 22bis LIR serait remplie alors que « tout le capital social de la société C [aurait] ét[é] directement ou indirectement contrôlé par Madame … ou des autres membres de la famille … », de sorte que « [c]ette dernière [aurait] déten[u] le contrôle intégral de la société A » , étant donné que la condition de la majorité simple des droits de vote est à déterminer au niveau de la société acquérante, soit la société A.
Il s’ensuit que l’administration des Contributions directes s’est, à tort, appuyée sur l’article 22bis LIR afin de déterminer le prix d’acquisition payé par Madame … et, par ricochet celui de la participation dans la société A dans le chef de Monsieur …, cette conclusion s’imposant indépendamment (i) de la question de savoir si l’application de l’article 22bis LIR est conditionnée par la nécessité que l’associé concerné soit soumis à la loi fiscale luxembourgeoise et (ii) des conditions dans lesquelles il peut être renoncé à l’application de cette disposition, tel que débattu, par ailleurs, par les parties, cet examen devenant surabondant.
Pour autant, le tribunal ne saurait suivre l’argumentation des demandeurs fondée sur les articles 102, alinéa 1a et 22, alinéa 5 LIR pour soutenir que le prix d’acquisition s’élèverait à … euros.
En effet, il convient de rappeler que l’objet du litige consiste à déterminer le prix d’acquisition des titres dans la société A détenus par Monsieur …, ce qui nécessite, compte tenu de la donation faite en sa faveur par sa fille, Madame …, de se référer au prix que cette dernière a payé pour lesdits titres.
La situation est particulière en l’espèce, dans la mesure où Madame … a acquis les titres dans la société A dans le cadre d’un échange au sens de l’article 102, alinéa 1a LIR. Etant donné qu’un échange s’analyse en une double vente4, il y a, dès lors, d’abord, eu une cession société et, éventuellement, d'une soulte en espèces ne dépassant pas 10 % de la valeur nominale ou, à défaut de valeur nominale, du pair comptable des titres qui sont remis en échange ; […] ».
4 A. Steichen, Précis de droit fiscal de l’entreprise, 5e édition, Legitech, p.588, n° 637.
21 par Madame … de ses titres détenus dans la société C au bénéfice de la société A, et, ensuite, une acquisition par Madame … de titres dans la société A nouvellement constituée.
L’article 102, alinéa 1a LIR dispose que le prix de réalisation du bien donné en échange - en l’espèce les titres dans la société C - correspond à sa valeur estimée de réalisation, tandis qu’aux termes de l’article 25, alinéa (1) LIR, le prix d’acquisition du bien reçu dans le cadre de l’échange - en l’espèce les titres dans la société A - correspond à la valeur estimée de réalisation du bien donné en échange.
Il s’ensuit que le prix payé par Madame … pour l’acquisition des titres dans la société A correspond au prix de réalisation des titres dans la société C au moment de l’échange.
Le tribunal rejoint, d’abord, les demandeurs dans leur argumentation suivant laquelle le rapport d’évaluation de la société L daté du 6 juillet 2016 précise qu’il est fondé sur les dispositions de l’article 26-1 de la loi du 10 août 1915, correspondant actuellement à l’article 420-10 de la même loi5, dont l’objectif ne consistait, à première vue, pas à déterminer la valeur estimée de réalisation des titres de la société C au moment de leur apport à la société A. Il ne peut donc pas être déduit de ce seul rapport que le montant de … euros correspond à la valeur estimée de réalisation des titres de la société C Investment à la date du 7 juillet 2016.
Le tribunal retient ensuite que les demandeurs ne sont pas fondés à se prévaloir du rapport de la société L daté du 13 juin 2019 pour soutenir que la valeur estimée de réalisation des titres que Madame … détenait dans la société C, au moment de leur apport à la société A, soit en date du 6 juillet 2016, aurait correspondu au montant de … euros, pour in fine en déduire que Monsieur … aurait réalisé une moins-value lors de la dissolution de la société A en date du 13 août 2019.
La logique inhérente à l’échange de biens ne bénéficiant pas du régime de neutralité fiscale visé à l’article 22bis LIR implique la réalisation d’une plus-value ou d’un moins-value, comme pour toute opération de vente6 précisément au motif que la cession se fait, conformément à l’article 102, alinéa 1a LIR, à sa valeur estimée de réalisation, à savoir au « prix qui s’obtiendrait lors d’une aliénation normale et librement consentie du bien envisagé, compte tenu de toutes les circonstances et conditions se répercutant sur le prix, à l’exception toutefois des circonstances et conditions anormales ou personnelles », tel que cela ressort de la définition prévue par l’article 27, alinéa 2 LIR.
Dès lors, dans la mesure où la cession par Madame … de ses titres détenus dans la société C à la société A s’est faite à sa valeur estimée de réalisation, c’est également à la date de cette cession qu’aurait dû être déterminée la valeur estimée de réalisation des titres litigieux, soit en 2016, et non pas ultérieurement, sur base d’un rapport établi en 2019, soit exactement trois mois avant la dissolution de la société A gisant à la base de l’opération litigieuse.
5 « (2) Les apports en nature font l’objet d’un rapport établi préalablement à la constitution de la société par un réviseur d’entreprise désigné par les fondateurs.
(3) Ce rapport doit porter sur la description de chacun des apports projetés ainsi que sur les modes d’évaluation adoptées et indiquer si les valeurs auxquelles conduisent ces modes correspondent au moins au nombre et à la valeur nominale, ou, à défaut de valeur nominale, au pair comptable et, le cas échéant, à la prime d’émission des actions à émettre en contrepartie. […] ».
6 A. Steichen, Précis de droit fiscal de l’entreprise, 5e édition, Legitech, p.588, n° 637.
22 Or, l’argumentation des demandeurs révèle que la valeur estimée de réalisation n’a pas été documentée dès l’origine et que la seule valeur déterminée à la date de l’échange intervenu le 6 juillet 2016 est celle qui s’élève à … euros et qui figure dans les comptes annuels de la société A concernant l’exercice 2016 et plus particulièrement dans son bilan d’ouverture, étant précisé que cette même valeur figure encore dans les comptes annuels de la société A concernant les exercices 2017, 2018 et 2019, jusqu’à sa dissolution.
Le tribunal ne partage pas la position des demandeurs selon laquelle les valeurs retenues dans les comptes annuels de la société A concernant l’exercice 2016 ne seraient pas pertinentes en l’espèce.
L’article 35 LIR, auquel se sont référés les demandeurs, dispose comme suit :
« (1) En cas de création d’entreprise ou d’une partie autonome d’entreprise les biens constituant l’actif net investi au début du premier exercice d’exploitation ne peuvent être évalués :
a) au-dessus du prix d’acquisition ou de revient, lorsqu’il s’agit de biens d’actif acquis ou fabriqués par l’exploitation en vue de la création ;
b) au-dessus de la valeur d’exploitation au moment de la création, lorsqu’il s’agit de biens d’actif non visés sub a ; […] (3) Les valeurs alignées en conformités des prescriptions des alinéas 1 et 2 sont à considérer comme prix initiaux d’acquisition ou de revient. […] ».
La société A doit être considérée comme ayant acquis les titres dans la société C en vue de sa création, dans la mesure où ils sont à la base des apports effectués pour sa constitution, de sorte que la société A avait, au moment de sa constitution, le choix de retenir une évaluation des titres dans la société C avec pour seule limite, conformément au point a) de l’alinéa (1) de l’article 35 LIR, précité, leur prix d’acquisition, partant tout montant compris entre zéros et le montant effectivement déboursé7.
Or, en retenant le montant de … euros, la société A a nécessairement cristallisé cette valeur en tant que prix initial d’acquisition conformément à l’alinéa (3) de l’article 35 LIR, de sorte que ce prix doit être considéré comme étant celui déterminé par les parties dans le cadre de « l’aliénation normale et librement consentie du bien envisagé », à savoir celui déterminé par Madame … et la société A.
La valeur estimée de réalisation des titres de la société C s’élevant, dès lors, à … euros, le prix d’acquisition des titres de la société A payé par Madame … s’élève, en conséquence, au même prix, compte tenu de l’alignement du prix reçu en échange à celui du bien donné en échange conformément à l’article 25, alinéa (1) LIR, tel que relevé ci-avant.
Dans ces conditions, et à défaut d’une quelconque évaluation différente effectuée au moment de l’échange daté du 6 juillet 2016, tribunal est amené à retenir que dans le cadre de la dissolution de la société A, le prix d’acquisition à retenir dans le chef des demandeurs s’élève à … euros, réévalué par le directeur à … euros en application de l’article 102, alinéa (6) LIR, 7 A. Steichen, Précis de droit fiscal de l’entreprise, 5e édition, Legitech, p.589, n° 638.
23 la question de la réévaluation n’étant pas litigieuse en l’espèce eu égard à l’absence de contestations formulées par les demandeurs à cet égard.
Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours sous analyse est non fondé et que la décision directoriale est à confirmer en ce sens.
La demande en allocation d’une indemnité de procédure des demandeurs fondée sur l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives est à rejeter eu égard à l’issue du litige.
Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
rejette la demande d’indemnité de procédure formulée par les demandeurs ;
condamne les demandeurs aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 31 janvier 2024 par :
Françoise Eberhard, premier vice-président, Carine Reinesch, premier juge, Benoît Hupperich, juge, en présence du greffier Lejila Adrovic.
s.Lejila Adrovic s.Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 31 janvier 2024 Le greffier du tribunal administratif 24