Tribunal administratif N° 47160 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47160 1re chambre Inscrit le 9 mars 2022 Audience publique du 19 février 2024 Recours formé par Monsieur A et consorts, …, contre une décision du bourgmestre de la commune de Kehlen, en présence de la société anonyme X, Luxembourg, et de la société à responsabilité limitée Y, Luxembourg, en matière de permis de construire
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 47160 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 9 mars 2022 par Maître Alain Rukavina, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de :
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Monsieur A et son épouse, Madame A, demeurant ensemble à L-…, -
Monsieur B et son épouse, Madame B, demeurant ensemble à L-…, -
Monsieur C et son épouse, Madame C, demeurant ensemble à L-…, -
Madame D, demeurant à L-…, -
Monsieur E et son épouse, Madame E, demeurant ensemble à L-…, -
Madame F, demeurant à L-…, -
Monsieur G et son épouse, Madame G, demeurant ensemble à L-…, -
Monsieur H et son épouse, Madame H, demeurant ensemble à L-…, -
Monsieur I et Madame I, demeurant ensemble à L-…, -
Monsieur J et son épouse, Madame J, demeurant ensemble à L-… et -
Monsieur K et Madame K, demeurant ensemble, à L-…, tendant à l’annulation de la décision du bourgmestre de la commune de Kehlen du 10 décembre 2021, référencée sous le n° …, émise au profit de la société anonyme X, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, portant autorisation de construire une résidence à 4 unités, sur un terrain situé à L-…, inscrit au cadastre de la commune de Kehlen, section … de Nospelt, sous le numéro cadastral … ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Christine Kovelter, en remplacement de l’huissier de justice Frank Schaal, demeurant à Luxembourg, du 15 mars 2022 portant signification de ce recours 1) à l’administration communale de Kehlen, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, établie en sa maison communale à L-8280 Kehlen, 15, rue de Mamer, et 2) à la société anonyme X, préqualifiée ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Kelly Ferreira Simoes, en remplacement de l’huissier de justice Frank Schaal, demeurant à Luxembourg, du 4 avril 2022 portant signification de ce recours à la société à responsabilité limitée Y, établie et ayant son siège 1social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son gérant actuellement en fonctions ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 18 mars 2022 par Maître Steve Helminger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Kehlen, préqualifiée ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 4 avril 2022 par Maître Pierre Brasseur, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée Y, préqualifiée ;
Vu l’ordonnance du premier vice-président du tribunal administratif, siégeant en remplacement du président du tribunal administratif, du 4 mai 2022, inscrite sous le numéro 47161 du rôle ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 8 juin 2022 par Maître Georges Wirtz, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme X, préqualifiée ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 10 juin 2022 par Maître Steve Helminger, au nom de l’administration communale de Kehlen, préqualifiée ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 13 juin 2022 par Maître Georges Wirtz, au nom de la société anonyme X, préqualifiée ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 1er juillet 2022 par Maître Pierre Brasseur, au nom de la société à responsabilité limitée Y, préqualifiée ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 30 septembre 2022 par Maître Alain Rukavina, au nom de ses mandants, préqualifiés ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 28 octobre 2022 par Maître Georges Wirtz, au nom de la société anonyme X, préqualifiée ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 28 octobre 2022 par Maître Steve Helminger, au nom de l’administration communale de Kehlen, préqualifiée ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 31 octobre 2022 par Maître Pierre Brasseur, au nom de la société à responsabilité limitée Y, préqualifiée ;
Vu l’avis du tribunal administratif du 15 novembre 2022 autorisant les parties à déposer des mémoires supplémentaires ;
Vu l’ordonnance du vice-président du tribunal administratif, en remplacement des président et magistrats plus anciens en rang, du 21 décembre 2022 prorogeant les délais impartis pour déposer les mémoires supplémentaires ;
Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 16 janvier 22023 par Maître Alain Rukavina, au nom de ses mandants, préqualifiés ;
Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 9 février 2023 par Maître Steve Helminger, au nom de l’administration communale de Kehlen, préqualifiée ;
Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 15 février 2023 par Maître Pierre Brasseur, au nom de la société à responsabilité limitée Y, préqualifiée ;
Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 16 février 2023 par Maître Georges Wirtz, au nom de la société anonyme X, préqualifiée ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Sophie Barbara Traxer, en remplacement de Maître Alain Rukavina, Maître Adrien Kariger, en remplacement de Maître Steve Helminger, Maître Pierre Brasseur et Maître Georges Wirtz en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 22 novembre 2023.
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Le 10 décembre 2021, le bourgmestre de la commune de Kehlen, ci-après désigné par « le bourgmestre », délivra à la société anonyme X, ci-après désignée par « la société X », en sa qualité de propriétaire de la parcelle sise à L-…, inscrite à la section cadastrale … de Nospelt sous le numéro …, ci-après désignée par « la Parcelle », l’autorisation pour la « construction d’une résidence à 4 unités ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 9 mars 2022 et inscrite sous le numéro 47160 du rôle, (i) Monsieur A et son épouse, Madame A, (ii) Monsieur B et son épouse, Madame B, (iii) Monsieur C et son épouse, Madame C, (iv) Madame D, (v) Monsieur E et son épouse, Madame E, (vi) Madame F, (vii) Monsieur G et son épouse, Madame G, (viii) Monsieur H et son épouse, Madame H, (ix) Monsieur I et Madame I, (x) Monsieur J et son épouse, Madame J et (xi) Monsieur K et Madame K, ci-après désignés par « les consorts A », ont fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision, précitée, du bourgmestre du 10 décembre 2021.
Par requête séparée déposée au greffe du tribunal administratif le même jour, inscrite sous le numéro 47161 du rôle, les consorts A ont encore introduit une demande tendant à voir prononcer un sursis à exécution de la susdite décision du bourgmestre, en attendant la solution du recours au fond, demande dont ils ont été déboutés par ordonnance du premier vice-président du tribunal administratif, siégeant en remplacement du président du tribunal administratif, du 4 mai 2022.
I) Quant à l’éventuelle mise hors cause de la société X En soutenant que dans la mesure où elle ne serait plus propriétaire de la Parcelle depuis le 29 décembre 2021, les demandeurs n’auraient plus aucun intérêt à agir contre elle, voire de déclarer le jugement à intervenir commun à elle et il n’y aurait eu aucune raison de la mettre en intervention, de sorte que le recours devrait être déclaré irrecevable à l’égard d’elle, la société X demande, aux termes du dispositif de son mémoire en réponse, de voir 3« […] déclarer le recours en annulation pour le voir déclaré commun à [elle] comme irrecevable […] ».
Pour autant qu’à travers cette demande, la société X ait entendu solliciter sa mise hors cause, le tribunal est amené à trancher cette question en premier lieu, alors que la question de la demande de mise hors cause d’une partie tierce revêt un caractère absolument premier, en ce que la réponse y relative est de nature à tracer le périmètre des parties au litige, et, par là-
même, des moyens soulevés à prendre en considération pour sa solution à dégager.1 A cet égard, le tribunal relève que la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », se limite à imposer dans son article 4 que le requérant est obligé de signifier sa requête à la partie défenderesse et aux tiers intéressés. Toutefois, la mise en intervention d’une partie tierce intéressée s’impose chaque fois qu’elle est raisonnablement réalisable, en ce qu’elle tend par essence à éviter une procédure de tierce opposition. C’est le caractère préventif de la mise en intervention qui en justifie sa mise en place à l’encontre des parties tierces intéressées.2 La mise en intervention tendant, ainsi, à éviter une tierce opposition, le tribunal mesurera l’intérêt de la société X à faire partie de la présente instance aux qualité et intérêt pour former tierce opposition, lesquels sont conditionnés par le préjudice pouvant résulter pour le tiers concerné du dispositif de la décision au principal, lequel peut seul faire l’objet d’une tierce opposition. Si une simple atteinte à des intérêts lésés, susceptible de trouver une satisfaction par d’autres voies ne suffit pas pour fournir un intérêt à agir au biais d’une tierce opposition, il n’en reste pas moins qu’au-delà d’un intérêt direct et immédiat, un intérêt indirect, sinon une crainte raisonnable d’un préjudice pouvant résulter du jugement rendu sur la demande principale, peuvent constituer des motifs suffisants pour justifier la tierce opposition et par conséquent une mise en intervention du tiers concerné.3 Il est constant en cause que l’autorisation de construire déférée a été sollicitée et obtenu par la société X, qui est, dès lors, le destinataire direct et le bénéficiaire initial de l’acte attaqué.
Il est certes exact qu’il est également constant en cause que le 29 décembre 2021, soit avant le dépôt de la requête introductive d’instance au greffe du tribunal administratif en date du 9 mars 2022, elle a cédé la Parcelle à la société à responsabilité limitée Y, ci-après désignée par « la société Y ».
Il n’en reste pas moins que dans la mesure où cette dernière a acquis la Parcelle en considération de l’autorisation de construire déférée, expressément mentionnée dans l’acte notarié de vente versé en cause, l’éventuelle annulation de l’autorisation en question est une source potentielle d’un litige entre les sociétés X et Y.
1 Cour adm., 14 novembre 2019, n° 43098C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 556.
2 Cour adm., 1er février 2007, n° 21572C et 21712C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 554 et les autres références y citées.
3 Par analogie : trib. adm., 10 mai 2000, n° 11539 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 540 et les autres références y citées.
4Le tribunal en déduit que la société X a, du moins, un intérêt indirect à la solution du présent litige et peut éprouver une crainte raisonnable d’un préjudice pouvant résulter du jugement rendu en l’espèce.
Ainsi, les demandeurs l’ont valablement mise en intervention en tant que tiers intéressé, au sens de l’article 4 de la loi du 21 juin 1999, et elle n’est pas à mettre hors cause, étant encore souligné, dans ce contexte, que le fait, pour la société X, de prendre la défense de la décision déférée en prenant position de manière détaillée sur l’ensemble des moyens invoqués par les demandeurs, et ce à travers trois mémoires d’un total de 32 pages, fût-ce à titre subsidiaire, n’est guère conciliable avec son argumentation consistant à nier sa qualité de partie intéressée.
II) Quant à la compétence du tribunal Aucun recours au fond n’étant prévu en matière d’autorisation de construire, le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation introduit en l’espèce.
III) Quant à l’admissibilité du mémoire supplémentaire des demandeurs Dans leurs mémoires supplémentaires respectifs, l’administration communale de Kehlen, ci-après désignée par « l’administration communale », et la société Y se rapportent à prudence de justice quant à l’admissibilité du mémoire supplémentaire des demandeurs, ce qui vaut contestation.
La société Y, rejointe sur ce point par l’administration communale, ajoute qu’à travers leur mémoire supplémentaire, les demandeurs développeraient pour une troisième fois leur moyen tiré d’une violation de l’article 3.4.3., alinéa 1er de la partie écrite du plan d’aménagement particulier « quartier existant », ci-après désigné par « le PAP QE ». Elle soutient, en substance, que ces développements, non autorisés par le tribunal, seraient à écarter des débats.
L’administration communale soutient qu’il en devrait être de même en ce qui concerne les développements des demandeurs ayant trait à l’incohérence de la construction projetée par rapport au bâti existant de la rue ….
La société X fait valoir que l’autorisation de fournir des mémoires supplémentaires, telle qu’accordée par le tribunal à travers son avis du 15 novembre 2022, aurait été limitée à la discussion de la pièce n° 5, intitulée « Extrait Géoportail du 27 octobre 2022 », versée par elle à l’appui de son mémoire en duplique. Il s’ensuivrait que tous les développements des demandeurs dépassant ce cadre seraient à déclarer irrecevables. Dès lors, et dans la mesure où un mémoire supplémentaire serait un seul acte judiciaire, le mémoire supplémentaire des demandeurs serait à déclarer irrecevable dans son intégralité.
Le tribunal précise que la possibilité offerte aux parties de déposer un mémoire supplémentaire en application de l’article 7, alinéa 3 de la loi du 21 juin 1999 constituant une dérogation par rapport aux règles ordinaires de la procédure notamment quant au nombre de mémoires admissibles et quant aux délais endéans lesquels ceux-ci doivent être déposés, les mémoires supplémentaires autorisés sont nécessairement circonscrits, quant à leur objet, à la seule question visée par le tribunal et, quant à leur nombre, à celui expressément autorisé, et 5les délais fixés par le tribunal sont à respecter sous peine de forclusion, à l’instar des délais ordinaires d’instruction inscrits à l’article 5 de la loi du 21 juin 1999.4 En l’espèce, le tribunal relève que par courrier du 8 novembre 2022, le litismandataire des demandeurs a sollicité l’autorisation de déposer un mémoire supplémentaire « […] en réponse aux mémoires en duplique notifiés par Me Georges WIRTZ et Me Steve HELMINGER en date du 28 octobre 2022 et Me Pierre BRASSEUR en date du 31 octobre 2022 […] », afin de « […] prendre position quant aux moyens développés par Me Steve HELMINGER, Me Pierre BRASSEUR et Me Georges WIRTZ dans leurs susdits mémoires en duplique et notamment quant à la pièce annotée supplémentaire ( pièce n°5) versée par Me Georges WIRTZ ce 28 octobre 2022 […] ».
Dans son avis du 15 novembre 2022 autorisant les parties à déposer des mémoires supplémentaires, le tribunal a cependant précisé que ceux-ci devaient être « […] limités à la prise de position par rapport aux moyens nouveaux5 et par rapport à la pièce n° 5 annotée supplémentaire versée par Maître Georges Wirtz en date du 31 octobre 2022 […] ».
Ainsi, contrairement à ce que semblent suggérer les demandeurs, le tribunal ne les a pas autorisés à prendre position, dans leur mémoire supplémentaire, de manière générale par rapport à l’ensemble des développements figurant dans les mémoires en duplique des parties défenderesse et tierces intéressées, mais uniquement quant à des moyens nouveaux y développés et quant à la susdite pièce n° 5 de Maître Georges Wirtz.
Le tribunal constate, d’abord, que dans leur mémoire supplémentaire, les demandeurs prennent position quant à cette pièce n° 56, ce qu’ils étaient autorisés à faire, conformément au susdit avis du 15 novembre 2022.
Le tribunal relève ensuite que ledit mémoire contient encore, d’une part, des développements « […] Concernant l’argument des parties défenderesses sur l’évolution impérative[…] des constructions dans le temps […] », à travers lesquels les demandeurs soulignent l’incohérence du projet par rapport au bâti existant de la rue …, et, d’autre part, des développements relatifs « […] au niveau de référence zéro prétendument situé à 326 mètres […] », à travers lesquels ils insistent sur l’absence, sur le lever topographique joint à l’autorisation déférée, d’un niveau de référence zéro situé à une altitude de 326 mètres.
Or, force est de constater qu’à travers les passages en question de leur mémoire supplémentaire, les demandeurs ne prennent position ni quant à la susdite pièce n° 5 ni quant à d’éventuels moyens qui auraient été soulevés pour la première fois dans les mémoires en duplique respectifs des parties défenderesse et tierces intéressées, étant précisé que la notion de « moyen » vise la raison de fait ou de droit invoquée à l’appui d’une prétention7 et se distingue de celle d’« argument », qui, quant à elle, vise le raisonnement fourni à l’appui d’un moyen8.
4 Trib. adm., 7 octobre 2015, n° 34718 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 910.
5 Souligné par le tribunal.
6 Mémoire supplémentaire de Maître Rukavina, p. 3 à 4, sub 1.
7 Cour adm., 7 mars 2013, n° 31343C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 1132 et l’autre référence y citée.
8 G. Cornu (dir.), Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 2000, V° Argument, p. 68.
6En effet, les développements ayant trait à la nécessité d’une modernisation des constructions, faits par la partie communale et par la société X dans leurs mémoires en duplique respectifs et que les demandeurs semblent viser à travers les passages de leur mémoire supplémentaire « […] Concernant l’argument des parties défenderesses sur l’évolution impérative[…] des constructions dans le temps […] », ne constituent pas un moyen nouveau, mais un simple argument à travers lequel l’administration communale et la société X tentent de convaincre le tribunal que contrairement à ce que font plaider les demandeurs, la construction projetée s’intègre bien dans le bâti environnant existant.
Par ailleurs, la question de l’existence, sur le susdit lever topographique, d’un niveau de référence zéro qui serait situé à 326 mètres a pu être débattue par les parties dès le mémoire en réponse de la partie communale9, de sorte que les développements faits à cet égard par les demandeurs dans leur mémoire supplémentaire ne sauraient en aucun cas être qualifiés de prise de position quant à un moyen nouveau.
En réalité, à travers leurs développements concernant « […] l’argument des parties défenderesses sur l’évolution impérative[…] des constructions dans le temps […] » et le « […] niveau de référence zéro prétendument situé à 326 mètres […] », les demandeurs ne font que préciser l’argumentaire fourni à l’appui de leurs propres moyens d’annulation, en l’occurrence, d’une part, ceux ayant trait à un défaut d’intégration harmonieuse de l’immeuble projeté dans le bâti existant classé en « secteur protégé de type « environnement construit » », en violation des articles 18 et 19.1., respectivement 19 et 20.1. de la partie écrite du PAP QE et, d’autre part, celui tiré d’un dépassement de la hauteur au faîte maximale, telle que prévue par l’article 3.4.3. de ladite partie écrite.
Les développements en question dépassent, ainsi, le cadre tracé par l’avis du tribunal du 15 novembre 2022.
Le mémoire supplémentaire des demandeurs n’est pas pour autant à déclarer inadmissible dans son intégralité, tel que le fait plaider la société X, mais les développements y figurant et qui dépassent le cadre autorisé à travers le susdit avis du 15 novembre 2022, tels qu’identifiés ci-avant, de même que les passages correspondants des mémoires supplémentaires respectifs des parties défenderesse et tierces intéressées sont à écarter des débats.
IV) Quant à la recevabilité A) Quant à la question de l’intérêt à agir des demandeurs Positions respectives des parties L’administration communale, ainsi que les sociétés X et Y concluent à l’irrecevabilité du recours, pour défaut d’intérêt à agir dans le chef des demandeurs.
A cet égard, l’administration communale soutient qu’il ne serait pas établi en quoi la construction projetée aurait des effets négatifs sur la situation de voisin des demandeurs.
9 Mémoire en réponse de Maître Steve Helminger, p. 8 à 9 et p. 14.
7La société X, rejointe sur ce point par la société Y, fait plaider que le risque pour la stabilité des terrains voisins, de même que le risque d’inondations, qui seraient, d’après les demandeurs, causés par les travaux de terrassement et d’excavation à réaliser en exécution de l’autorisation de construire déférée, seraient non autrement prouvés et hypothétiques. La société X ajoute qu’il s’agirait de considérations de nature purement civile ne pouvant établir un intérêt à agir devant le tribunal administratif, alors que le contrôle de la légalité de la décision déférée devrait se faire exclusivement par rapport à la réglementation urbanistique en vigueur.
Par ailleurs, la société X fait plaider qu’en soutenant que la Parcelle serait le dernier espace vert non construit de la rue …, les demandeurs invoqueraient un intérêt qui serait, d’une part, général, et non pas personnel et, d’autre part, illégitime, alors que la réglementation urbanistique en vigueur permettrait la construction sur le terrain concerné d’un immeuble plurifamilial, de sorte que le résultat que les demandeurs voudraient obtenir à travers le présent recours, en l’occurrence ne pas voir construire de résidence sur la Parcelle, serait contraire à la loi.
Dans la mesure où les demandeurs n’auraient, ainsi, pas établi l’existence, dans leur chef, d’un intérêt suffisant à agir, leur recours devrait être déclaré irrecevable.
A titre subsidiaire, la société X fait plaider que même dans l’hypothèse qu’un intérêt suffisant à agir serait reconnu dans le chef de certains des demandeurs, le recours devrait néanmoins être déclaré irrecevable dans son ensemble. En effet, le « […] contrat judiciaire [serait] conclu entre d’une part une unité demanderesse constitué de plusieurs parties requérantes et de l’autre côté plusieurs parties défenderesse[s] […] », de sorte que la recevabilité de l’action introduite par les demandeurs supposerait que « […] les conditions de recevabilité [seraient] remplies dans le chef de toutes les parties requérantes comme elles [auraient] agi au collectif, et partant [agiraient] en une unité contre la décision administrative […] ».
La société Y fait valoir que l’éventuel dommage causé par les travaux de terrassement et d’excavation pourrait être réparé, de sorte que les voisins n’en subiraient aucun préjudice grave et définitif.
Quant à l’argumentation des demandeurs selon laquelle la Parcelle serait le dernier espace vert non construit de la rue …, la société Y soutient que cette considération ne serait pas de nature à établir l’existence, dans le chef des demandeurs, de l’intérêt à agir requis, alors qu’il s’agirait d’un terrain privé, de sorte que les voisins ne pourraient de toute façon pas l’utiliser.
Elle ajoute que la qualité de voisin proche, telle qu’invoquée encore par les demandeurs, serait, à elle seule, insuffisante pour établir l’existence, dans leur chef, d’un intérêt suffisant à agir à l’encontre de l’autorisation de construire litigieuse.
Dans son mémoire en duplique, la société X se prévaut d’une image aérienne issue du site « géoportail » qui montrerait le Centre culturel de Nospelt et la maison sise au numéro … de la rue … et dont il se dégagerait que le style de ces immeubles différerait de celui des autres maisons de ladite rue, ce qui serait de nature à contredire dans son ensemble l’argumentation présentée par les demandeurs dans leur mémoire en réplique pour justifier leur intérêt à agir.
8 Les demandeurs concluent à l’existence, dans leur chef, d’un intérêt suffisant à agir contre la décision déférée et au rejet des contestations afférentes des parties défenderesse et tierces intéressées.
Appréciation du tribunal L’intérêt conditionne la recevabilité d’un recours contentieux. En matière de contentieux administratif, portant, comme en l’espèce, sur des droits objectifs, l’intérêt ne consiste pas dans un droit allégué, mais dans le fait vérifié qu’une décision administrative affecte négativement la situation en fait ou en droit d’un administré qui peut en tirer un avantage corrélatif de la sanction de la décision par le juge administratif.10 Par ailleurs, toute partie demanderesse introduisant un recours contre une décision administrative doit justifier d’un intérêt personnel distinct de l’intérêt général. Si les voisins proches ont un intérêt évident à voir respecter les règles applicables en matière d’urbanisme, cette proximité de situation constitue certes un indice pour établir l’intérêt à agir, mais ne suffit pas à elle seule pour le fonder. Il faut de surcroît que l’inobservation éventuelle de ces règles soit de nature à entraîner une aggravation concrète de leur situation de voisin.11 En d’autres termes, il faut que la construction litigeuse affecte directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien d’un demandeur, lequel doit ainsi voir sa situation s’aggraver effectivement et réellement12, la simple qualité de voisin, même direct, étant dès lors insuffisante pour justifier un intérêt à agir dans le chef du demandeur.
En tout état de cause, l’intérêt à agir s’apprécie non pas de manière abstraite, par rapport à la seule qualité de propriétaire d’un immeuble voisin, mais concrètement au regard de la situation de fait invoquée.13 Le tribunal précise ensuite qu’il a été jugé qu’il est sans intérêt pour le juge saisi d’une requête collective à l’égard de la même décision administrative – hypothèse vérifiée en l’espèce – de rechercher si tous les demandeurs justifient d’une qualité leur donnant intérêt pour agir pour l’hypothèse ou plusieurs voire un demandeur ont intérêt et qualité pour agir.14 Il suffit donc qu’un des demandeurs justifie de l’intérêt requis pour que la requête collective soit déclarée recevable15, contrairement à ce que fait plaider la société X.
En l’espèce, le tribunal constate qu’il n’est pas contesté que Monsieur I et Madame I, ci-après désignés par « les consorts I », et Monsieur J et son épouse, Madame J, ci-après désignés par « les consorts J », sont les propriétaires et habitants respectifs des maisons unifamiliales sises aux numéros … et … de la rue ….
10 Cour adm. 14 juillet 2009, n° 23857C et 23871C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse n° 2 et les autres références y citées.
11 Trib. adm., 22 janvier 1997, n° 9443 du rôle, confirmé par Cour adm., 24 juin 1997, n° 9843C du rôle, Pas.
adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 86 et les autres références y citées.
12 Trib. adm., 21 février 2018, n° 38029 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 86 et les autres références y citées.
13 Trib. adm., 8 décembre 2003, n°16236 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse n° 109 et les autres références y citées.
14 Cour adm., 13 janvier 2009, n° 24501C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 26.
15 R. Ergec et F. Delaporte, Le contentieux administratif en droit luxembourgeois, Pas. adm. 2022, n° 123bis, p.
75.
9 Le tribunal relève ensuite qu’il se dégage des explications exhaustives fournies par les demandeurs dans leur mémoire en réplique, appuyées par des photographies et un extrait du plan cadastral, que les consorts I et les consorts J ont la qualité de voisins directs de la construction projetée et auront une vue directe sur celle-ci.
Dans ces circonstances, et dans la mesure où les demandeurs soulèvent, entre autres, le non-respect des prescriptions de la partie écrite du PAP QE relatives à la hauteur au faîte maximale des constructions, le tribunal retient que les consorts I et les consorts J ont un intérêt suffisant et légitime à voir vérifier la légalité de l’autorisation de construire déférée.
Il s’ensuit que le moyen d’irrecevabilité sous analyse est à rejeter, sans qu’il y ait besoin de vérifier l’existence d’un intérêt à agir suffisant dans le chef des autres demandeurs, le tribunal venant, en effet, de préciser qu’en présence d’une requête collective, telle que celle introduite en l’espèce, il suffit que l’un des demandeurs justifie de l’intérêt requis pour que la requête collective soit déclarée recevable.
B) Quant au moyen ayant trait à l’irrecevabilité du recours à l’égard de la société X Tel que relevé ci-avant, la société X soutient que dans la mesure où elle ne serait plus propriétaire de la Parcelle depuis le 29 décembre 2021, les demandeurs n’auraient plus aucun intérêt à agir contre elle, voire de déclarer le jugement à intervenir commun à elle et il n’y aurait eu aucune raison de la mettre en intervention, de sorte que le recours devrait être déclaré irrecevable à l’égard d’elle.
Or, en matière de contentieux administratif, qui a un caractère objectif, le recours est dirigé à l’encontre d’un acte, en l’occurrence l’autorisation de construire litigieuse, et non pas à l’encontre d’une personne16, tel que les demandeurs le soutiennent à juste titre.
Par ailleurs, la mise en intervention d’un tiers n’ayant pas la qualité de tiers intéressé, au sens de l’article 4 de la loi du 21 juin 1999, est sans incidence sur la recevabilité du recours, mais le tiers concerné est, dans pareille hypothèse, fondé à solliciter sa mise hors cause.
Il s’ensuit que le moyen d’irrecevabilité sous analyse est à rejeter, étant rappelé que le tribunal vient ci-avant de retenir que la société X a valablement été mise en intervention et n’est pas à mettre hors cause.
C) Quant à la recevabilité du recours quant à la forme et quant au délai L’administration communale, ainsi que les sociétés tierces intéressées se rapportent à prudence de justice quant à la recevabilité du recours quant à la forme et quant au délai.
S’il est exact que le fait, pour une partie, de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation17, il n’en reste pas moins qu’une contestation non autrement étayée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer à la 16 En ce sens : Cour adm., 18 novembre 2021, 45678C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Actes administratifs, n° 4.
17 Trib. adm., 27 octobre 2004, n° 17634 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 883 et les autres références y citées.
10carence des parties et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions18. Dès lors et dans la mesure où l’administration communale et les sociétés tierces intéressées sont restées en défaut d’expliquer en quoi le recours serait irrecevable quant au délai et à la forme, leurs contestations afférentes encourent le rejet.
A défaut d’autres moyens d’irrecevabilité, le recours en annulation est à déclarer recevable.
V) Quant au fond A titre de remarque préliminaire, le tribunal relève qu’aux termes de l’article 37, alinéas 1er et 2 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, « Sur l’ensemble du territoire communal, toute réalisation, transformation, changement du mode d’affectation, ou démolition d’une construction, ainsi que les travaux de remblais et de déblais sont soumis à l’autorisation du bourgmestre. […] L’autorisation n’est accordée que si les travaux sont conformes au plan ou au projet d’aménagement général et, le cas échéant, au plan d’aménagement particulier « nouveau quartier », respectivement au plan ou projet d’aménagement particulier « quartier existant » et au règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites. ».
Une autorisation de construire consiste en substance en la constatation officielle par l’autorité compétente – en l’occurrence le bourgmestre – de la conformité d’un projet de construction aux dispositions réglementaires (plan d’aménagement et règlement sur les bâtisses) applicables. La finalité première d’une autorisation de construire consiste à certifier qu’un projet est conforme aux règles d’urbanisme applicables et, par principe, le propriétaire peut faire tout ce qui lui n’est pas formellement interdit par une disposition légale ou réglementaire. Ainsi, la conformité de la demande d’autorisation par rapport aux dispositions légales ou réglementaires existantes entraîne en principe dans le chef de l’administration l’obligation de délivrer le permis sollicité, sous peine de commettre un abus, voire un excès de pouvoir.19 Il convient encore de rappeler que le contrôle, par le tribunal, de l’exercice de ses compétences par le bourgmestre s’inscrit dans le cadre d’un recours en annulation. Saisi d’un recours en annulation, le tribunal vérifie si les motifs sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et contrôle si celle-ci n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger des intérêts privés.
Dans ce contexte, le juge administratif est appelé à vérifier, d’un côté, si, au niveau de la décision administrative querellée, les éléments de droit pertinents ont été appliqués et, d’un autre côté, si la matérialité des faits sur lesquels l’autorité de décision s’est basée est établie.
Au niveau de l’application du droit aux éléments de fait, le juge de l’annulation vérifie encore s’il n’en est résulté aucune erreur d’appréciation se résolvant en dépassement de la marge d’appréciation de l’auteur de la décision querellée. Le contrôle de légalité à exercer par le 18 Trib. adm., 23 janvier 2013, n° 30455 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 883 et les autres références y citées.
19 Trib. adm., 28 août 2019, n° 41151 du rôle, confirmé par Cour adm., 13 février 2020, n° 43627C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Urbanisme, n° 792.
11juge de l’annulation n’est pas incompatible avec le pouvoir d’appréciation de l’auteur de la décision qui dispose d’une marge d’appréciation. Ce n’est que si cette marge a été dépassée que la décision prise encourt l’annulation pour erreur d’appréciation. Ce dépassement peut notamment consister dans une disproportion dans l’application de la règle de droit aux éléments de fait. Le contrôle de légalité du juge de l’annulation s’analyse alors en contrôle de proportionnalité.20 Ce contrôle de proportionnalité n’est toutefois à exercer en la présente matière que pour autant que les dispositions urbanistiques applicables laissent une marge d’appréciation au bourgmestre.
C’est sur cette toile de fond que le recours sous analyse sera examiné.
A) Quant au moyen tiré de la violation de l’article 3.4.3., alinéa 1er de la partie écrite du PAP QE Les demandeurs soulèvent une violation de l’article 3.4.3., alinéa 1er de la partie écrite du PAP QE, au motif que la construction autorisée dépasserait de près de 85 centimètres la hauteur au faîte maximale.
Ils précisent leur moyen dans leur mémoire en réplique, en soutenant que la hauteur au faîte de 12,50 mètres aurait été calculée par rapport à un niveau de référence « 0.00 » pris au point le plus haut de la rue possible, et non pas par rapport à l’axe de la rue perpendiculaire à la façade de la construction principale donnant sur la voie desservante, tel que le prescrirait pourtant la partie écrite du PAP QE.
A cet égard, ils font valoir que ledit niveau de référence aurait, à tort, été calculé, non pas par rapport à la façade de la construction principale donnant sur la voie desservante, qui constituerait la façade avant de la construction litigieuse, laquelle serait la seule à donner sur la rue … – les demandeurs soulignant que la façade donnant sur la voie desservante serait celle qui se trouverait en face de celle-ci – et où se trouverait l’entrée principale de la résidence, mais par rapport à la façade latérale droite de l’immeuble, qui, quant à elle, ne donnerait pas sur la rue …, mais sur le terrain voisin sis au numéro … de cette dernière.
Le fait que la Parcelle, qui, avant un morcellement intervenu en 2016, aurait fait partie de la parcelle accueillant l’immeuble sis au numéro … de la rue …, serait située, sur la quasi-
totalité de sa longueur avant, derrière l’allée privée menant vers l’immeuble sis au numéro … de ladite rue serait dépourvu de pertinence. Ce serait bien cette limite avant du terrain qui ferait face à la rue … et qui se prolongerait jusqu’à la limite de la parcelle voisine, sise au numéro … de la rue en question. Le fait que sur une distance de 4 à 5 mètres, il y aurait une légère inclinaison de la limite antérieure de la Parcelle ne serait dû qu’au virage que la rue … formerait à cet endroit et ne permettrait pas de conclure que la façade latérale droite serait celle qui donnerait sur la voie desservante, les demandeurs soulignant, dans ce contexte, qu’une façade latérale ne pourrait en aucun cas être une façade avant, c’est-à-dire une façade donnant sur la voie desservante.
Or, il se dégagerait du lever topographique versé en cause que le milieu de la façade avant de la construction projetée, qui aurait dû servir de référence pour le calcul de la hauteur 20 Cour adm., 9 novembre 2010, n° 26886C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Recours en annulation, n° 39 et les autres références y citées.
12au faîte, se situerait en-dessous d’une altitude de 325,63 mètres, ce qui ferait déjà une différence de 37 centimètres en ce qui concerne la hauteur de la faîtière.
Les demandeurs ajoutent que ce serait de mauvaise foi que le niveau de référence « 0.00 » aurait été fixé à un niveau de 326 mètres, alors que ce dernier ne se retrouverait pas sur les mesurages officiels faits par le géomètre et que dans le tracé perpendiculaire à ce niveau de référence, ce dernier aurait mesuré 325,93 mètres, les demandeurs soulignant, en se prévalant d’extraits du site « géoportail », que la rue … serait descendante à l’endroit litigieux.
En soutenant que mesurée par rapport au milieu de la façade avant de l’immeuble, la hauteur au faîte réelle serait au moins de 12,87 mètres, suivant le susdit lever topographique, sinon de 13,14 mètres, suivant les extraits, précités, du site « géoportail », les demandeurs concluent que la hauteur au faîte maximale de 12,50 mètres serait dépassée en l’espèce, ce qui serait de nature à entacher la légalité de l’autorisation de construire déférée.
Ils ajoutent que la hauteur au faîte maximale serait en tout état de cause dépassée, étant donné qu’il se dégagerait du plan « coupe A » versé par l’administration communale que la hauteur au faîte de 12,50 mètres aurait été mesurée à partir du trottoir, dépassant de plus de 5 centimètres la hauteur de la route.
En conclusion, les demandeurs soutiennent que l’autorisation de construire déférée devrait encourir l’annulation pour violation de l’article 3.4.3., alinéa 1er de la partie écrite du PAP QE.
Les parties défenderesse et tierces intéressées concluent au rejet de ce moyen.
Appréciation du tribunal Il est constant en cause que la Parcelle est classée par le plan d’aménagement général (« PAG ») de la commune de Kehlen en « zone mixte villageoise [Mix-v] », ci-après désignée par « la zone [Mix-v] », superposée d’un « secteur protégé de type « environnement construit » ».
De ce fait, la hauteur au faîte autorisable est régie par les dispositions de l’article 3.4.3. de la partie écrite du PAP QE, applicable au « quartier mixte villageois « QE MIX-v » », ci-après désigné par « le quartier QE Mix-v », lequel correspond à la zone [Mix-v] définie au niveau du PAG, ainsi que cela se dégage des précisions fournies au Chapitre 1er « Dispositions générales » de la partie écrite du PAP QE, sous l’intitulé « Division du territoire », aux termes desquelles « Le présent PAP QE est établi sur le principe d’un quartier par zone urbanisée et destinée à être urbanisée du plan d’aménagement général et définit six PAP QE reprenant les zonages réglementaires issus du PAG :
[…] • Quartier mixte villageois « QE MIX-v », […] ».
Ledit article 3.4.3. prévoit ce qui suit, en son alinéa 1er :
13« La hauteur au faîte est de maximum douze mètres cinquante centimètres (12,50 m). », la notion de « hauteur au faîte » étant défini comme suit, au Chapitre 6 « Définitions communes aux règles du PAP QE » de la partie écrite du PAP QE : « On entend par hauteur au faîte la différence d’altitude entre l’axe de la voie desservante et le point d’intersection entre les plans extérieurs de la toiture (couverture incluse), mesurée au milieu de la façade de la construction principale donnant sur le voie desservante et perpendiculairement à l’axe de la voie desservante, sauf si le PAP en dispose autrement. […] », tandis que la notion de « voie desservante » est définie au susdit Chapitre 6 de la partie écrite du PAP QE comme correspondant à « […] toute voie carrossable, publique ou privée, qui donne accès à une parcelle ou un lot […] ».
En l’espèce, le tribunal constate que la hauteur au faîte renseignée sur les plans joints à l’autorisation de construire litigieuse est de 12,50 mètres, ce qui correspond au maximum autorisable sur base de l’article 3.4.3., alinéa 1er, précité, de la partie écrite du PAP QE.
Les demandeurs soutiennent cependant que la hauteur au faîte ainsi indiquée serait erronée, en ce qu’elle aurait dû être calculée, non par rapport à la façade latérale droite de la construction, mais par rapport à la façade avant, qui serait la seule à donner sur la voie desservante que constituerait la rue ….
Cependant, les demandeurs expliquent eux-mêmes que la Parcelle est « […] enclavé[e] sur la quasi-totalité de son périmètre à l’exception de plus ou moins 4 mètres donnant directement sur la voie desservante […] », ces explications étant corroborées par les extraits de la partie graphique du PAG, l’extrait du plan cadastral et les photographies soumis à l’appréciation du tribunal par les consorts A.
Par ailleurs, il est constant en cause qu’au niveau de la façade avant de la construction projetée, la Parcelle est enclavée, en ce qu’elle est séparée de la voirie de desserte par la bande de terrain formant l’allée privée de la maison sise au numéro … de la rue ….
Or, le tribunal partage l’appréciation de la partie communale selon laquelle la « façade de la construction principale donnant sur la voie desservante » est nécessairement celle où se trouve l’accès effectif à la parcelle concernée, et non pas une autre façade certes visible depuis la voie de desserte, mais séparée de celle-ci par une parcelle voisine.
Le tribunal en déduit que la façade avant de l’immeuble projeté ne saurait être considérée comme donnant sur la voie desservante, contrairement à la façade latérale droite, qui est celle au niveau de laquelle se situe l’accès effectif à la Parcelle.
L’argumentation en sens contraire des demandeurs encourt, dès lors, le rejet.
C’est encore à tort que les demandeurs soutiennent que l’altitude de 326 mètres, retenue de manière non contestée comme niveau de référence « 0.00 », ne se retrouverait pas sur les mesurages officiels faits par le géomètre.
En effet, à l’endroit litigieux, le lever topographique indique bien une courbe de niveau à 326 mètres, tel que souligné à juste titre par les parties défenderesse et tierces intéressées.
14Le tribunal ne s’est, par ailleurs, pas vu soumettre un quelconque élément probant dont il se dégagerait que cette indication ne correspondrait pas à la réalité.
Le fait qu’à proximité de la courbe de niveau en question, ledit lever topographique indique une altitude de 325,93 mètres, est insuffisant à cet égard.
La même conclusion s’impose en ce qui concerne les captures d’écran du site « géoportail », reproduites dans le mémoire en réplique des demandeurs, étant donné que de telles captures d’écran ne permettent pas à elles seules de contredire les indications d’un lever topographique établi par un géomètre, l’altitude indiquée pouvant varier de plusieurs centimètres en fonction de la position exacte du curseur, tel que la partie communale le soutient à juste titre, en illustrant ses propos par d’autres captures d’écran, faisant, quant à elles, état d’une altitude supérieure à 326 mètres.
Quant à l’argumentation des demandeurs selon laquelle la hauteur au faîte maximale serait en tout état de cause dépassée, étant donné qu’il se dégagerait du plan « coupe A » versé par l’administration communale que la hauteur au faîte de 12,50 mètres aurait été mesurée à partir du trottoir, dépassant de plus de 5 centimètres la hauteur de la route, le tribunal partage l’appréciation des parties défenderesse et tierces intéressées selon laquelle le fait que sur le plan en question, la ligne de mesure de la hauteur au faîte soit positionnée sur le trottoir, et non pas à côté de celui-ci, équivaut à une simple erreur matérielle, étant donné qu’il ressort sans équivoque du même plan que le « niveau de référence » par rapport auquel la hauteur au faîte a été calculée est bien le niveau « +0.00 (=NN 326.00) », et non pas le niveau d’altitude du trottoir, qui, quant à lui, n’est pas indiqué.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le moyen tiré d’une violation de l’article 3.4.3., alinéa 1er de la partie écrite du PAP QE est à rejeter pour ne pas être fondé.
B) Quant au moyen tiré de la violation de l’article 3.4.3., alinéa 2 de la partie écrite du PAP QE Les demandeurs concluent encore à une violation de l’article 3.4.3., alinéa 2 de la partie écrite du PAP QE, au motif que la hauteur au faîte de la construction projetée dépasserait de plus de 3 mètres celle des maisons de rangée voisines.
Dans leur mémoire en réplique, ils précisent que la rue … serait constituée d’un groupe de constructions existant harmonieux, et ce des deux côtés de la rue. Cet ensemble cohérent de constructions répondrait bien à la définition de la notion de « groupe de constructions », telle que figurant à la partie écrite du PAP QE.
Ils font valoir, dans ce contexte, que la notion de « groupe de constructions » viserait plusieurs constructions qui formeraient un ensemble cohérent dans le paysage villageois, ce qui serait bien le cas des constructions existantes dans la rue …, et non pas seulement la transformation d’une construction déjà existante, tel que le soutiendrait la partie communale, ni uniquement des maisons accolées.
Par ailleurs, ils réfutent l’argumentation communale selon laquelle d’autres constructions surplomberaient déjà le paysage, en soutenant que les bâtiments dont l’administration communale se prévaudrait dans ce contexte ne feraient pas partie du 15« secteur protégé de type « environnement construit » » dont relèverait la Parcelle et les autres immeubles de la rue ….
Dans leur mémoire supplémentaire, les demandeurs insistent sur le fait que la maison sise au numéro … de la rue …, erronément présentée par la société X comme correspondant à l’immeuble sis au numéro … de ladite rue, ne ferait pas non plus partie dudit « secteur protégé de type « environnement construit » » et se trouverait en retrait par rapport à la rue en question et aux maisons de rangée s’y trouvant, de sorte à ne pas être « […] visible dans le paysage de cette rue […] », contrairement à la résidence projetée.
Les parties défenderesse et tierces intéressées concluent au rejet de ce moyen.
Appréciation du tribunal L’article 3.4.3., alinéa 2 de la partie écrite du PAP QE prévoit ce qui suit :
« Pour toute nouvelle construction, qui fera partie d’un groupe de constructions déjà existant, la hauteur au faîte ne peut dépasser la hauteur au faîte existante la plus élevée de plus d’un mètre (1,00 m), sans dépasser la hauteur au faîte définie à l’alinéa précédent ».
La notion de « groupe de constructions » est définie comme suit, au Chapitre 6 « Définitions communes aux règles du PAP QE » de la partie écrite du PAP QE : « On entend par groupe de constructions, plusieurs constructions, qui forment un ensemble cohérent dans le paysage villageois ».
Ainsi, la situation visée par l’alinéa 2 de l’article 3.4.3. de la partie écrite du PAP QE est celle d’une nouvelle construction, qui fera partie de plusieurs constructions déjà existantes, qui forment un ensemble cohérent dans le paysage villageois.
Il ne suffit, dès lors, pas que la nouvelle construction sera érigée à proximité d’un tel ensemble de constructions pour que les dispositions dudit alinéa 2 de l’article 3.4.3. de la partie écrite du PAP QE deviennent applicables, mais il faut que, de par ses caractéristiques concrètes, et notamment son implantation, la construction en question puisse être considérée comme un nouvel élément de l’ensemble en question.
Le tribunal constate, au vu des photographies et des extraits de la partie graphique du PAG, tels que produits par les demandeurs, qu’il est certes exact que sur chacun des deux côtés de la rue … se trouvent des maisons unifamiliales en bande pouvant, de par leurs caractéristiques architecturales et leur implantation, a priori être considérées comme formant un, voire plusieurs ensembles cohérents dans le paysage villageois.
Il est encore exact qu’à l’instar des terrains accueillant les susdites maisons unifamiliales, la Parcelle est classée en « secteur protégé de type « environnement construit » », de sorte à devoir respecter les prescriptions spécifiques afférentes.
Il n’en reste pas moins que s’agissant d’une maison plurifamiliale détachée desdites maisons unifamiliales, la construction litigieuse ne saurait être considérée comme faisant partie du ou des ensembles de constructions formés par ces dernières, de sorte à ne pas devoir respecter les prescriptions de l’alinéa 2 de l’article 3.4.3, alinéa 2 de la partie écrite du PAP QE.
16 Le moyen sous analyse encourt, dès lors, le rejet.
C) Quant au moyen tiré de la violation de l’article 16.1. de la partie écrite du PAP QE Les demandeurs soutiennent que l’autorisation de construire litigieuse méconnaîtrait l’article 16.1., d’une part, en ce que le projet prévoirait des déblais conséquents sur plusieurs mètres de terrain et sur une profondeur approximative de 2 mètres et que l’accès piéton au bâtiment serait créé par un déblai de plusieurs m3, alors que ledit article 16.1. prévoirait que le terrain naturel serait à conserver dans la mesure du possible et ne pourrait en tout état de cause être modifié que de 80 centimètres au maximum par des déblais ou des remblais et, d’autre part, en ce que la configuration du terrain sur les limites de propriété ne serait pas conservé, contrairement à ce qu’exigerait la disposition réglementaire susmentionnée. Sur ce dernier point, les demandeurs expliquent que pour créer l’accès principal de la résidence sur la voirie desservante, un mur en pierre de taille d’une hauteur approximative de 2 mètres devrait être démoli et un remblai de plusieurs m3 devrait être réalisé.
Les parties défenderesse et tierces intéressées concluent au rejet de ce moyen.
Appréciation du tribunal L’article 16.1. de la partie écrite du PAP QE est libellé comme suit :
« A l’exception de l’aménagement des niveaux en sous-sol, des rampes d’accès correspondantes, des piscines, le terrain naturel est à conserver, dans la mesure du possible.
Cette autorisation peut être refusée dans le cas de potentiels impacts sur le voisinage ou sur l’aspect du site. La configuration du terrain naturel doit être sauvegardée sur les limites de propriété, à moins qu’un projet commun de modification entre les différents partis intéressés ne permette une dérogation à cette règle.
A l’exception des terrains en pente ou des terrains situés dans le quartier d’activités économiques communal type 1 « QE ECO-c1 », le niveau du terrain naturel peut être modifié de maximum quatre-vingts centimètres (80 cm) par des remblais et déblais. Pour ces exceptions, les déblais et/ou remblais sont autorisés au cas par cas. ».
D’une part, cette disposition réglementaire impose la conservation, dans la mesure du possible, du terrain naturel, en exceptant de cette règle, notamment, l’aménagement des niveaux en sous-sol et des rampes d’accès correspondantes, tout en prévoyant que le niveau du terrain naturel peut être modifié de 80 centimètres au maximum par des remblais et déblais et en précisant que cette limite n’est pas applicable, notamment en présence d’un terrain en pente.
D’autre part, la disposition en question impose la sauvegarde de la configuration du terrain naturel sur les limites des propriétés.
Force est de constater que le moyen sous analyse présente deux branches, visant, l’une, l’obligation de principe de conserver le terrain naturel et, l’autre, l’obligation de 17sauvegarder la configuration du terrain sur les limites des propriétés, ces deux branches étant ci-après analysées successivement.
(i) Quant à la branche du moyen sous analyse visant l’obligation de principe de conserver le terrain naturel Il n’est pas contesté que le projet litigieux comporte la réalisation de déblais dépassant la limite de 80 centimètres, telle que prévue par l’article 16.1., alinéa 3 de la partie écrite du PAP QE.
Or, il se dégage des explications de la partie communale, non utilement remises en cause par les demandeurs, que les déblais en question sont, du moins en partie, réalisés en vue de la construction du niveau en sous-sol de l’immeuble litigieux et de la rampe d’accès correspondante. A ce titre, lesdits déblais échappent à l’obligation de principe de conserver le terrain naturel, ainsi que cela se dégage des développements faits ci-avant.
De même, les demandeurs ne contestent pas les explications de la partie communale selon lesquelles la Parcelle présente une pente supérieure à 10 %, de sorte à constituer un terrain en pente, en application de l’article 8.1. de la partie écrite du PAP QE.
S’agissant d’un terrain en pente, la limite de 80 centimètres, telle que prévue par l’article 16.1., alinéa 3 de la partie écrite du PAP QE n’est pas applicable en l’espèce, ainsi que cela ressort des précisions faites ci-avant, ledit article prévoyant qu’en pareille hypothèse, les déblais ou remblais sont autorisés au cas par cas, de sorte à conférer une certaine marge d’appréciation au bourgmestre.
Or, en l’absence de toute précision sur ce point de la part des demandeurs, il n’est pas établi que cette marge d’appréciation ait été dépassée en l’espèce.
Il suit des considérations qui précèdent que la première branche du moyen tiré de la violation de l’article 16.1. de la partie écrite du PAP QE, visant l’obligation de principe de conserver le terrain naturel, est à rejeter pour ne pas être fondé.
(ii) Quant à la branche du moyen sous analyse visant l’obligation de sauvegarder la configuration du terrain naturel sur les limites des propriétés Le tribunal constate qu’à l’appui de la seconde branche du moyen tiré de la violation de l’article 16.1. de la partie écrite du PAP QE, concernant l’obligation de sauvegarder la configuration du terrain naturel sur les limites des propriétés, les demandeurs invoquent le fait que pour créer l’accès principal de la résidence sur la voirie desservante, un mur en pierre de taille d’une hauteur approximative de 2 mètres devrait être démoli et un remblai de plusieurs m3 devrait être réalisé.
Or, ce mur se trouve sur la limite de la Parcelle avec la voirie publique.
A cet égard, le tribunal partage l’appréciation de la partie communale selon laquelle l’obligation de sauvegarder la configuration du terrain naturel sur les limites de propriété vise nécessairement les limites entre propriétés privées, et non pas la ou les limites entre une propriété privée et la voirie publique.
18C’est, en effet, à juste titre que l’administration communale fait plaider que la finalité de cette obligation est d’éviter qu’une construction sur un terrain porte préjudice au terrain du propriétaire voisin. C’est pour cette raison que l’article 16.1., alinéa 2 de la partie écrite du PAP QE prévoit une possibilité de déroger à la règle en question, lorsqu’un projet commun de modification entre les différentes parties intéressées le permet, en d’autres termes lorsque deux voisins décident d’un commun accord de modifier la configuration du terrain sur la limite de propriété.
C’est encore à juste titre que l’administration communale soutient qu’une lecture différente de la disposition réglementaire en question aurait pour effet de rendre inconstructibles les terrains non construits se trouvant en pente, étant donné que l’urbanisation de pareils terrains suppose nécessairement des remblais et des déblais pour permettre un accès viable depuis la voirie publique, ce qui équivaut à un résultat absurde ne correspondant certainement pas à l’intention du pouvoir réglementaire communal.
Il est exact que la réalisation de l’accès vers la construction projetée nécessitera encore l’enlèvement de terre au niveau de la limite avec la parcelle accueillant l’immeuble sis au numéro … de la rue ….
Il se dégage cependant des plans versés en cause que la terre ainsi enlevée sera remplacée par un mur de soutènement.
De ce fait, le terrain naturel sur la parcelle voisine et à l’endroit précis de la limite parcellaire, seule visée par la disposition réglementaire en question, est sauvegardé dans sa configuration, c’est-à-dire sa forme ou son relief actuels21, de sorte que la finalité de l’obligation de sauvegarder la configuration du terrain naturel sur les limites des propriétés, qui est, tel que relevé ci-avant, d’éviter qu’une construction sur un terrain porte préjudice au terrain voisin, est atteinte.
Ainsi, la deuxième branche du moyen tiré de la violation de l’article 16.1. de la partie écrite du PAP QE, visant l’obligation de sauvegarder la configuration du terrain naturel sur les limites des propriétés encourt, elle aussi, le rejet.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le moyen tiré de la violation de l’article 16.1., précité, de la partie écrite du PAP QE est à rejeter pour n’être fondé dans aucune de ses deux branches.
D) Quant au moyen tiré de la violation de l’article 16.2. de la partie écrite du PAP QE Les demandeurs soulèvent encore une violation de l’article 16.2. de la partie écrite du PAP QE, au motif que le mur de soutènement prévu au niveau de la limite parcellaire avec la parcelle accueillant l’immeuble sis au numéro … de la rue … aurait une hauteur supérieure à 1 mètre.
Dans leur mémoire en réplique, ils soulignent que ledit mur de soutènement ne ferait pas partie de la rampe d’accès du sous-sol de la future construction.
21 Cf. dictionnaire Larousse, V° configuration, www.larousse.fr.
19Les parties défenderesse et tierces intéressées concluent au rejet de ce moyen.
Aux termes de l’article 16.2. de la partie écrite du PAP QE, « Les murs de soutènement sont autorisés sur les terrains en pente dans les marges de recul latérales et arrière. A l’exception des cas suivants :
• terrains en pente, • limites de terrain longeant le domaine public, • terrains situés dans le quartier d’activités économiques communal type 1 « QE ECO-c1 », les murs de soutènement ont une hauteur de maximum un mètre (1,00 m). Pour ces exceptions, la hauteur des murs de soutènement est autorisée au cas par cas. […] ».
Le tribunal constate qu’il ressort sans équivoque du libellé de cette disposition réglementaire que la limite d’un mètre pour la hauteur des murs de soutènement n’est pas applicable, notamment, aux terrains en pente et que dans pareille hypothèse, la hauteur des murs de soutènement est autorisée au cas par cas, de sorte qu’à cet égard, le bourgmestre dispose d’une certaine marge d’appréciation.
Or, le tribunal a ci-avant constaté que les demandeurs ne contestent pas les explications de la partie communale selon lesquelles la Parcelle présente une pente supérieure à 10 %, de sorte à constituer un terrain en pente, en application de l’article 8.1. de la partie écrite du PAP QE.
Dès lors, et dans la mesure où les demandeurs n’expliquent pas en quoi le bourgmestre, en autorisant la hauteur du mur de soutènement litigieux, telle que projetée, aurait dépassé la marge d’appréciation lui conférée par l’article 16.2. de la partie écrite du PAP QE en présence d’un terrain en pente, le moyen sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.
E) Quant au moyen tiré de la violation de l’article 19 de la partie écrite du PAP QE Les demandeurs soutiennent que l’autorisation de construire déférée méconnaîtrait l’article 19 de la partie écrite du PAP QE, au motif que la construction projetée ne s’intégrerait pas dans le bâti existant de la rue …, étant précisé qu’il n’est pas contesté que l’article 18 de ladite partie écrite, auquel les consorts A se réfèrent dans leur requête introductive d’instance, est devenu l’article 19, suite à une modification ponctuelle du PAP QE intervenue avant l’adoption de la décision déférée.
Dans leur mémoire en réplique, ils précisent que la construction litigieuse ne respecterait pas les critères ayant trait au parcellaire, au rythme des façades et aux matériaux et teintes traditionnels de la région, tels qu’énumérés à l’article 19, précité, de la partie écrite du PAP QE.
A cet égard, ils donnent à considérer que le parcellaire de la rue … serait caractérisé par des maisons unifamiliales en bande et/ou isolées, tandis que le rythme des façades serait caractérisé par des maisons historiques avec des encadrements de fenêtre en pierre et des façades présentant des ouvertures traditionnelles. Ils soulignent que même des bâtiments 20construits dans les années 1990 auraient été réalisés dans un aspect traditionnel afin de sauvegarder le caractère unique de la rue …, que cette dernière constituerait une « […] zone protégée villageois[e] […] » et que la maison sise au numéro … de la rue en question serait classée en tant que « gabarit d’une construction existante à préserver » par le PAG.
Les parties défenderesse et tierces intéressées concluent au rejet de ce moyen.
Appréciation du tribunal L’article 19 de la partie écrite du PAP QE est libellé comme suit :
« Les règles du présent chapitre s’ajoutent aux règles définies aux chapitres 2 pour le PAP QE applicable et 3 pour les règles communes à l’ensemble des quartiers existants. En cas de contradiction, les règles du présent chapitre priment.
Tous travaux de réparation, de restauration, de rénovation, d’amélioration énergétique, d’agrandissement, d’extension ou de transformation quelconque de ces immeubles sont en principe autorisés, dans le respect des règles et procédures définies ci-après.
Les travaux à réaliser sur les constructions existantes ainsi que la construction de nouveaux immeubles dans le quartier spécifique « environnement construit » doivent s’intégrer dans la structure caractéristique du bâti traditionnel existant. Les éléments à considérer dans la planification et dans la réalisation des travaux et des constructions sont les éléments caractéristiques en place :
• le parcellaire, • le rythme des façades, • les matériaux et teintes traditionnels de la région.
Une architecture contemporaine de qualité est permise pour tous travaux à réaliser sur les constructions existantes et pour toute nouvelle construction.
L’implantation de nouvelles constructions doit être respectueuse du contexte urbanistique existant et notamment des constructions en place qui constituent le tissu existant du quartier spécifique « environnement construit ». Pour des raisons de sécurité, des reculs pourront être imposés. ».
Il suit de cette disposition réglementaire que la construction de nouveaux immeubles dans le quartier spécifique « environnement construit » – correspondant à la zone superposée du « secteur protégé de type « environnement construit » », telle que prévue par le PAG et dans laquelle la Parcelles et les maisons voisines, à l’exception de l’immeuble sis au numéro … de la rue …, sont classées – doit être respectueuse du contexte urbanistique existant et notamment des constructions en place formant le tissu existant dudit quartier spécifique, les nouvelles constructions devant s’intégrer dans la structure caractéristique du bâti traditionnel existant. Les critères à prendre en considération à cet égard sont (i) le parcellaire, (ii) le rythme des façades et (iii) les matériaux et teintes traditionnels de la région.
A titre liminaire, le tribunal rappelle que la Parcelle est classée en zone [Mix-v].
21Or, il ressort des articles 3.2.1. et 3.5. de la partie écrite du PAP QE que dans le quartier QE Mix-v, qui, tel que relevé ci-avant, correspond à la zone [Mix-v] définie au PAG, des maisons plurifamiliales isolées présentant au maximum 6 unités de logement peuvent être construites, de sorte qu’en son principe, la construction de la résidence projetée, qui est une maison plurifamiliale isolée comprenant 4 unités de logement, est autorisable.
Il est certes exact que l’article 19 de la partie écrite du PAP QE prévoit que les dispositions spécifiques relatives au quartier spécifique « environnement construit » priment, en cas de contradiction, les règles définies au chapitre 2, définissant les « règles applicables par quartier ».
Il n’en reste pas moins qu’une telle contradiction n’est pas vérifiée en l’espèce, ledit article 19 de la partie écrite du PAP QE n’interdisant pas, par principe, la construction d’une maison plurifamiliale isolée, et ceci ni de manière générale, ni de manière plus spécifique en présence d’un tissu urbain existant se caractérisant par la présence de maisons unifamiliales, tel que c’est le cas en l’espèce.
En effet, contrairement à ce que semblent suggérer les demandeurs, le critère du parcellaire visé par l’article 19, précité, de la partie écrite du PAP QE ne vise que les parcelles en tant que telles, et non pas la typologie des constructions pouvant être érigées sur celles-ci.
Ainsi, la construction d’une maison plurifamiliale isolée à 4 unités de logement est, en principe, autorisable à l’endroit litigieux, nonobstant le classement de la Parcelle en « secteur protégé de type « environnement construit » », à condition, toutefois, que l’immeuble en question puisse être considéré comme s’intégrant dans la structure caractéristique du bâti traditionnel existant, le respect de cette condition devant être apprécié in concreto et par référence aux critères fixés à cette fin par l’article 19, précité, à savoir (i) le parcellaire, (ii) le rythme des façades et (iii) les matériaux et teintes traditionnels de la région.
S’agissant, en premier lieu, du critère du parcellaire, le tribunal ne perçoit pas en quoi ce critère ne serait pas rempli en l’espèce, le parcellaire existant n’ayant pas été modifié par l’autorisation de construire déférée.
Quant au rythme des façades, le tribunal constate, au vu des plans et des photographies soumis à son appréciation, que la disposition des ouvertures dans la façade avant de la construction ne se distingue pas fondamentalement de celle présente sur les autres maisons de la rue. De même, à l’instar de la majorité des maisons de la rue …, la construction projetée présentera des fenêtres de toit de type « Velux » et un rappel architectural des fenêtres caractéristiques de la rue, avec leurs volets en bois, sera réalisé, tel que souligné à juste titre par la partie communale.
Quant au critère ayant trait aux matériaux et aux teintes traditionnels de la région, le tribunal constate qu’il n’est pas établi que les matériaux employés ne respecteraient pas le critère en question, les demandeurs ne fournissant aucune explication circonstanciée à cet égard.
S’agissant de la teinte utilisée, le tribunal constate, au vu des plans autorisés, que la résidence présentera une toiture sombre, à l’instar des autres maisons de la rue …, et il se dégage des explications de la partie communale, non utilement contredites par les 22demandeurs, que la teinte choisie pour la façade figure expressément sur le « nuancier pour les façades et corniches en référence NCS », tel que visé par l’article 20.2. de la partie écrite du PAP QE, aux termes duquel « Les façades sont à réaliser en enduit minéral dont la teinte est à choisir dans le nuancier ci-après […] ». Or, dans une optique de cohérence, il doit être admis qu’une teinte choisie parmi celles figurant sur ledit nuancier correspond à une teinte traditionnelle de la région, au sens de l’article 19 de la partie écrite du PAP QE.
S’il est certes exact que la construction litigieuse présentera une architecture plus moderne que celle qui prédomine au sein de la rue …, ce seul constat ne permet pas de conclure à un défaut d’intégration suffisante de ladite construction dans le bâti existant, étant donné que l’article 19 de la partie écrite du PAP QE précise expressément qu’« […] [u]ne architecture contemporaine de qualité est permise […] pour toute nouvelle construction […] ».
Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, et à défaut d’autres éléments, le tribunal conclut qu’en retenant que la construction projetée s’intègre suffisamment dans la structure caractéristique du bâti traditionnel existant, le bourgmestre n’a pas dépassé la marge d’appréciation lui conférée dans ce contexte par l’article 19, précité, de la partie écrite du PAP QE et les critères y visés.
Le moyen tiré de la violation de cette dernière disposition réglementaire est, dès lors, à rejeter pour ne pas être fondé.
F) Quant au moyen tiré de la violation de l’article 20.1. de la partie écrite du PAP QE Les demandeurs invoquent encore une violation de l’article 20.1. de la partie écrite du PAP QE, étant précisé qu’il n’est pas contesté que suite à la susdite modification ponctuelle du PAP QE intervenue avant l’adoption de la décision déférée, l’article 19.1. de la partie écrite du PAP QE, auquel les consorts A se réfèrent dans leur requête introductive d’instance, est devenu l’article 20.1..
A l’appui de ce moyen, ils font valoir que la composition de la façade de l’immeuble litigieux ne s’intégrerait pas harmonieusement dans le quartier spécifique « environnement construit ».
Dans leur mémoire en réplique, ils précisent que la façade de la construction litigieuse ne ressemblerait à aucune façade des maisons existantes dans la rue … et que la proportionnalité des surfaces pleines, respectivement que les formes des ouvertures ne seraient pas respectées.
Les parties défenderesse et tierces intéressées concluent au rejet de ce moyen.
Appréciation du tribunal L’article 20.1. de la partie écrite du PAP QE prévoit ce qui suit :
« La proportionnalité des surfaces pleines ainsi que la forme des ouvertures dans les façades des constructions principales et annexes sont à respecter. Les transformations 23majeures, voire la (re) composition des façades, doivent s’intégrer harmonieusement dans le quartier spécifique « environnement construit ». […] ».
Le tribunal constate que contrairement à ce que semblent suggérer les demandeurs, il ne ressort pas du libellé de la première phrase de l’article 20.1. de la partie écrite du PAP QE que toute nouvelle construction devrait respecter la proportionnalité des surfaces pleines ainsi que la forme des ouvertures des constructions formant le tissu urbain existant du quartier. En l’absence de toute référence à d’autres constructions, la disposition réglementaire en question est, au contraire, à lire en ce sens que la proportionnalité des surfaces pleines ainsi que la forme des ouvertures dans les façades des constructions principales et annexes existantes ne doivent pas être altérées. Ladite disposition réglementaire n’est, ainsi, pas pertinente en l’espèce, le présent litige ayant trait à une nouvelle construction.
Quant à la deuxième phrase de l’article 20.1. de la partie écrite du PAP QE, le tribunal relève que trois cas de figure y sont visés, à savoir (i) les transformations majeures, (ii) la recomposition de façades et (iii) la composition de façades.
Il n’est pas sérieusement contestable qu’en l’espèce, s’agissant d’une construction nouvelle, seul le dernier de ces trois cas de figure est susceptible d’entrer en ligne de compte.
De l’entendement du tribunal, les développements des demandeurs selon lesquels la composition de la façade – au singulier – de l’immeuble litigieux ne s’intégrerait pas harmonieusement dans le quartier spécifique « environnement construit » visent la façade avant de la construction projetée.
Or, le tribunal vient ci-avant de conclure, au vu des plans et des photographies soumis à son appréciation, que le bourgmestre n’a pas dépassé sa marge d’appréciation en retenant que la construction litigieuse s’intègre suffisamment dans la structure caractéristique du bâti traditionnel existant, et ce eu égard, notamment, à l’aspect de la façade avant, le tribunal ayant notamment constaté, à cet égard, que la disposition des ouvertures dans la façade avant de la construction ne se distingue pas fondamentalement de celle présente sur les autres maisons de la rue et qu’un rappel architectural des fenêtres caractéristiques de la rue, avec leurs volets en bois, sera réalisé En l’absence d’autres éléments, le tribunal ne saurait, à ce niveau-ci de son analyse, se départir de cette conclusion, de sorte que le moyen sous analyse encourt le rejet.
G) Quant au moyen intitulé « […] [v]iolation du CGDIS PRV 1.1 Article 4 et de l’avis du CGDIS du 17 novembre 2021 […] » En dernier lieu, les demandeurs soulèvent un moyen intitulé « […] [v]iolation du CGDIS PRV 1.1 Article 4 et de l’avis du CGDIS du 17 novembre 2021 […] ».
A cet égard, ils soutiennent qu’il ressortirait des plans autorisés que l’article 4.2 du document intitulé « CGDIS PRV 1.1 – Prescriptions de prévention incendie – Dispositions spécifiques – Immeubles à exploitation résidentielle ou mixte », ci-après désigné par « les Prescriptions de prévention incendie », établi en décembre 2018 par le Corps grand-ducal d’incendie et de secours, ci-après désigné par « le CGDIS », ne serait pas respecté en l’espèce.
24Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs réfutent l’argumentation des parties défenderesse et tierces intéressées selon laquelle le bourgmestre, saisi d’une demande d’autorisation de construire, devrait vérifier la conformité du projet lui soumis aux prescriptions urbanistiques communales, et non pas aux Prescriptions de prévention incendie du CGDIS.
A cet égard, ils soulignent que dans le cadre de l’exercice de son pouvoir de délivrer des autorisations de construire, le bourgmestre serait appelé à vérifier la conformité d’un projet de construction avec les prescriptions du PAG et du règlement sur les bâtisses et, d’une manière plus générale, dans le cadre de l’exercice de son pouvoir de police, de s’inspirer de considérations relevant de la solidité et de la salubrité des constructions. Il serait, en effet, de son pouvoir et de son devoir de refuser des constructions qui, risqueraient, au vu des plans soumis à son appréciation, de menacer ruine ou de menacer autrement la sécurité et la santé publiques.
Ils ajoutent que la question du respect de l’article 4 des Prescriptions de prévention incendie et de l’avis du CGDIS du 17 novembre 2021 relèverait bien de la réglementation urbanistique en vigueur, en se prévalant des articles 71.1. et 71.2. du « Règlement-type sur les Bâtisses, les Voies publiques et les Sites » publié par le ministère de l’Intérieur, ci-après désigné par « le Règlement-type », des dispositions de l’article 50, point 2) du règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites de la commune de Kehlen, ci-après désigné par « le RB », et des articles 1.1.1 et 1.2.1 des Prescriptions de prévention incendie.
Or, l’article 4 de ces dernières imposerait qu’à l’arrière de la résidence, un accès soit donné aux véhicules des pompiers.
De même, il se dégagerait de l’avis du CGDIS du 17 novembre 2021 que cet accès serait bien obligatoire, et non pas facultatif.
Après avoir cité les articles 4.1 et 4.2 des Prescriptions de prévention incendie, les demandeurs font valoir que le chemin d’accès pour les pompiers, tel qu’indiqué sur les plans autorisés, ne permettrait, en réalité, pas le passage des véhicules des pompiers. En effet, compte tenu du fait de la présence de l’entrée principale et des escaliers sur la quasi-totalité de la largeur dudit chemin d’accès, qui ne serait que de deux mètres, aucun véhicule de pompiers ne pourrait y passer.
Face à ce non-respect flagrant des dispositions des Prescriptions de prévention incendie, du RB et de l’avis du CGDIS du 17 novembre 2021, les parties défenderesse et tierces intéressées ne sauraient utilement se prévaloir du courriel de Monsieur …, sergent-chef de la Zone de secours Centre du Service prévention et planification du CGDIS, du 7 décembre 2021, aux termes duquel « […] Pour moi c’est bon comme ça […] ».
Les parties défenderesse et tierces intéressées concluent au rejet de ce moyen.
Appréciation du tribunal A l’appui du moyen sous analyse, les demandeurs se prévalent, de l’entendement du tribunal, du pouvoir de police général du bourgmestre, découlant de l’article 50 du décret du 14 décembre 1789 relatif à la constitution des municipalités, ci-après désigné par le « décret du 14 décembre 1789 », aux termes duquel « Les fonctions propres au Pouvoir Municipal, 25sous la surveillance et l’inspection des Assemblées administratives, sont : […] : De faire jouir les Habitants des avantages d’une bonne police, notamment de la propreté, de la salubrité, et de la tranquillité dans les rues, Lieux et Edifices publics […] ».
A cet égard, le tribunal précise que dans le cadre de l’exercice de son pouvoir de délivrer des autorisations de construire, le bourgmestre est appelé à vérifier la conformité d’un projet de construction avec les prescriptions du PAG et du règlement sur les bâtisses communaux et, d’une manière plus générale, dans le cadre de l’exercice de son pouvoir de police, de s’inspirer de considérations relevant de la solidité et de la salubrité des constructions. Il est en effet de son pouvoir et de son devoir de refuser des constructions qui, bien que répondant aux exigences d’implantation dans une zone, telle que définie par le plan d’aménagement communal, ainsi qu’aux prescriptions dimensionnelles, risquent, au vu des plans soumis à son appréciation, de menacer ruine ou de menacer autrement la sécurité et la santé publiques. Ce pouvoir, bien qu’en principe général et illimité, trouve cependant plusieurs limites. L’exercice, par le bourgmestre, de son pouvoir de police général ne saurait, en effet, tenir directement en échec les dispositions urbanistiques en ce sens qu’il pourrait se prévaloir d’un problème général de sécurité, de tranquillité ou autre, notamment de la sûreté et de la commodité de passage sur les voies publiques, pour tenir en échec le principe même de l’implantation d’une construction conforme aux règles urbanistiques.22 Ainsi, si le bourgmestre est certes chargé de l’exécution des lois et règlements de police lorsqu’il est saisi d’une demande d’autorisation de construire, il ne peut toutefois contrôler le projet que par rapport à la réglementation urbanistique en vigueur et doit dès lors accorder une autorisation de bâtir du moment que le projet est conforme à cette règlementation. Il ne peut ainsi refuser un permis de construire pour une construction sur la seule considération de son pouvoir général de police découlant du décret du 14 décembre 1789, indépendamment de dispositions afférentes contenues dans la réglementation urbanistique applicable.23 En d’autres termes, le bourgmestre doit accorder l’autorisation de construire lorsque le projet de construction est entièrement conforme au plan d’aménagement communal et au règlement sur les bâtisses.24 Par ailleurs, il a été jugé que le contrôle de la conformité des prescriptions de l’Inspection du Travail et des Mines en matière de prévention-incendie échappe à la compétence du bourgmestre qui n’est compétent que pour vérifier la conformité d’un projet de construction aux règles urbanistiques en vigueur, à savoir le PAG, le plan d’aménagement particulier ou encore le règlement sur les bâtisses. Ainsi, en présence d’une règlementation communale urbanistique applicable exempte de prescriptions ayant trait aux mesures de prévention-incendie, une éventuelle insuffisance y relative n’est pas de nature à permettre au bourgmestre de refuser un permis de bâtir par ailleurs en tous points conforme au dispositif urbanistique règlementaire applicable.25 22 Cour adm., 20 mars 2014, n° 33658C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Urbanisme, n° 904 et les autres références y citées.
23 Cour adm., 9 juillet 2019, n° 42463C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Urbanisme, n° 872 et l’autre référence y citée.
24 Trib. adm., 7 mars 2016, n° 35544 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Urbanisme, n° 904.
25 Trib. adm., 28 novembre 2018, n° 39898 du rôle, confirmé par Cour adm., 23 mai 2019, n° 42172C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Urbanisme, n° 904.
26Il s’ensuit que ni une méconnaissance des Prescriptions de prévention incendie, ni un non-respect de l’avis du CGDIS du 17 novembre 2021 ne sont susceptibles d’entacher la légalité de l’autorisation de construire déférée, en l’absence d’une violation des règles urbanistiques en vigueur, telles qu’elles découlent du PAG, du PAP QE et du RB.
La même conclusion s’impose en ce qui concerne une éventuelle méconnaissance du Règlement-type, qui précise lui-même dans sa partie introductive qu’il ne constitue qu’un modèle mis à disposition des communes et qu’il appartient à chaque commune de déterminer le contenu de son règlement sur les bâtisses.
Le tribunal constate ensuite que le Chapitre 5 du RB, comprenant les articles 50 et 51, contient des prescriptions de prévention incendie.
Or, l’article 50, dont les demandeurs se prévalent, s’applique, conformément à son intitulé (« Mesures de prévention incendie pour maisons uni- et bi-familiales »), aux maisons uni- et bi-familiales, et non pas aux maisons plurifamiliales, telles que celle litigieuse.
Pour ce type de construction, il y a, au contraire, lieu de se référer aux dispositions de l’article 51, intitulé « Mesures de prévention incendie pour toute autre construction principale », rédigé comme suit :
« 1) Objectifs et domaine d’application pour les constructions existantes et les nouvelles constructions Les présentes dispositions fixent les conditions minimales de sécurité incendie d’un immeuble à exploitation résidentielle ou mixte, c’est-à-dire des établissements ne tombant pas sous le régime de la loi sur les établissements classés pour la conception, la construction et l’aménagement dans le cadre d’une demande d’autorisation de construire pour les constructions existantes.
Le CGDIS doit être sollicité afin d’établir un avis relatif aux projets d’agrandissements, de transformations ou de changements d’affectation ayant une influence sur le concept de sécurité incendie pour les affectations suivantes :
• bâtiments administratifs, • salles de restauration, • parkings ouverts et couverts à partir de 5 véhicules, • salles recevant du public, • établissements de vente / centres commerciaux • établissements d’hébergement, • crèches, • établissements de soins / établissements pour personnes âgées, • logements encadrés, • immeubles à exploitation résidentielle ou mixtes plurifamiliaux, • chambres d’étudiants, • établissements artisanaux et industriels, • aménagements temporaires pour manifestations et concerts, • structures pour demandeurs de protection internationale (DPI) et bénéficiaires de protection internationale (BPI).
27Le cas échéant, les prescriptions de l’inspection du travail et des mines (ITM) sont à prendre en considération.
Le cas échéant, d’autres prescriptions légales et réglementaires en vigueur sont à prendre en considération.
2) Contrôles L’administration communale se réserve le droit d’exiger que les bâtiments, ouvrages et installations soient, avant leur mise en service, réceptionnés soit par un bureau de contrôle agréé, préalablement accepté, soit par l’administration communale elle-même.
3) Installations de sécurité Les installations de sécurité sont à contrôler au minimum tous les 12 mois par le propriétaire ou son mandataire.
4) Mise en sécurité des constructions existantes Le bourgmestre doit exiger que les bâtiments, ouvrages et installations existants sont à rendre conformes aux dispositions de prévention incendie lorsque le CGDIS considère le risque d’incendie comme étant inacceptable pour les personnes.
Des dérogations ne peuvent être accordées que sur base d’une analyse des risques concernant la sécurité d’incendie, faite par le CGDIS. En tout état de cause, des mesures compensatoires équivalentes doivent être garanties. ».
Force est au tribunal de constater qu’il ne ressort aucunement de l’article 51, précité, du RB que l’octroi d’une autorisation de construire pour une maison plurifamiliale serait subordonné au respect des Prescriptions de prévention incendie.
Il est certes exact que ledit article 51 du RB prévoit que le CGDIS doit être sollicité afin d’établir un avis relatif aux projets d’agrandissements, de transformations ou de changements d’affectation ayant une influence sur le concept de sécurité incendie pour diverses affectations, dont notamment les immeubles à exploitation résidentielle ou mixtes plurifamiliaux.
Or, outre le fait que l’hypothèse de l’espèce, à savoir celle de la construction d’une nouvelle maison plurifamiliale, ne figure pas parmi celles ainsi énumérées par la disposition réglementaire en question, à savoir les projets d’agrandissements, de transformations ou de changements d’affectation, cette même disposition se limite à prévoir que le CGDIS doit être demandé en son avis, ce qui, précisément, a été fait en l’espèce, sans pour autant conférer une quelconque valeur contraignante à l’avis en question, en ce sens que le bourgmestre pourrait refuser la délivrance d’une autorisation de construire en présence d’un projet non conforme audit avis.
Il suit des considérations qui précèdent qu’en l’absence de violation vérifiée de la réglementation urbanistique communale, le moyen sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.
28Au vu de l’ensemble des développements faits ci-avant, le recours en annulation sous examen est à rejeter pour n’être fondé en aucun de ses moyens.
VI) Quant à la demande d’effet suspensif du recours pendant le délai et l’instance d’appel Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs sollicitent l’effet suspensif du recours pendant le délai et l’instance d’appel en application de l’article 35 de la loi du 21 juin 1999, au motif que l’exécution en cours du permis de construire litigieux leur causerait un préjudice grave et définitif.
Les parties défenderesse et tierces intéressées concluent au rejet de cette demande.
Aux termes de l’article 35 de la loi du 21 juin 1999, « Par dérogation à l’article 45, si l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif, le tribunal peut, dans un jugement tranchant le principal ou une partie du principal, ordonner l’effet suspensif du recours pendant le délai et l’instance d’appel. […] ».
Ainsi, le tribunal peut ordonner l’effet suspensif du recours pendant le délai et l’instance d’appel, sans y être obligé, s’il fait droit au recours et s’il estime que l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif. En revanche, s’il rejette le recours, aucun effet suspensif n’est plus susceptible d’être conféré au recours.26 Dès lors, et dans la mesure où leur recours vient d’être rejeté, les demandeurs sont à débouter de leur demande d’effet suspensif dudit recours pendant le délai et l’instance d’appel.
VII) Quant aux demandes d’octroi d’une indemnité de procédure Les demandeurs sollicitent encore l’octroi, à chacun d’entre eux, d’une indemnité de procédure de 500 euros, sur le fondement de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999, aux termes duquel « Lorsqu’il paraît inéquitable de laisser à la charge d’une partie les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, le juge peut condamner l’autre partie à lui payer le montant qu’il détermine. ».
Cette demande est cependant à rejeter, au vu de l’issue du litige.
La société Y sollicite, à son tour, l’octroi d’une indemnité de procédure de 5.000 euros.
Cette demande est, elle aussi, à rejeter, étant donné qu’il n’est pas établi qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Y les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens.
Par ces motifs, 26 Trib. adm. prés., 29 octobre 1999, n° 11587 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 582 et les autres références y citées.
29le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
écarte des débats (i) les développements contenus dans le mémoire supplémentaire de Maître Alain Rukavina du 16 janvier 2023 et dépassant le cadre de l’autorisation de fournir des mémoires supplémentaires accordée par le tribunal administratif à travers son avis du 15 novembre 2022, à savoir l’ensemble des passages figurant sous les intitulés « 2. Concernant l’argument des parties défenderesses sur l’évolution impérative[…] des constructions dans le temps » et « 4. Quant au niveau de référence zéro prétendument situé à 326 mètres », ainsi que (ii) les passages des mémoires supplémentaires respectifs de Maître Steve Helminger du 9 février 2023 et de Maître Pierre Brasseur du 15 février 2023 qui correspondent à ces développements ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu d’ordonner l’effet suspensif du présent recours pendant le délai et l’instance d’appel ;
déboute les demandeurs et la société à responsabilité limitée Y de leurs demandes respectives en allocation d’une indemnité de procédure ;
condamne les demandeurs aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 19 février 2024 par :
Daniel Weber, vice-président, Michèle Stoffel, vice-président, Michel Thai, juge, en présence du greffier Luana Poiani.
s. Luana Poiani s. Daniel Weber Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 19 février 2024 Le greffier du tribunal administratif 30