Tribunal administratif Nos 47074 + 48679 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47074/48679 1re chambre Inscrits les 25 février 2022 et 10 mars 2023 Audience publique du 21 février 2024 Recours formés par Monsieur A et consort, …, contre des actes du bourgmestre de la commune de Sanem et contre des actes du conseil communal de Sanem en matière d’urbanisme
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JUGEMENT
I.
Vu la requête inscrite sous le numéro 47074 du rôle et déposée le 25 février 2022 au greffe du tribunal administratif par la société à responsabilité limitée Binet Legal SARL, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-1528 Luxembourg, 22, boulevard de la Foire, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B238341, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Marjorie Binet, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur A et de Madame A, née …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation 1) « […] d’une décision de la bourgmestre de la Commune de Sanem en date du 5 août 2021 […] », 2) « […] d’une décision de la bourgmestre de la Commune de Sanem en date du 23 novembre 2021 […] » et 3) « […] d’une décision de la bourgmestre de la Commune de Sanem en date du 5 janvier 2022 […] » ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Nadine Tapella, demeurant à Esch-sur-Alzette, du 22 mars 2022 portant signification de ce recours à l’administration communale de Sanem, établie à L-4477 Belvaux, 60, rue de la Poste, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 mars 2022 par Maître Steve Helminger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Sanem, préqualifiée ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 21 juin 2022 par Maître Steve Helminger, au nom de l’administration communale de Sanem, préqualifiée ;
Vu le mémoire en réplique, erronément intitulé « mémoire en réponse », déposé au 1 greffe du tribunal administratif le 14 septembre 2022 par la société à responsabilité limitée Binet Legal SARL, au nom de Monsieur A et de Madame A, préqualifiés ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 14 octobre 2022 par Maître Steve Helminger, au nom de l’administration communale de Sanem, préqualifiée ;
Vu la constitution de nouvel avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif en date du 26 octobre 2022 par Maître Vanessa Fober, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur A et de Madame A, préqualifiés ;
II.
Vu la requête inscrite sous le numéro 48679 du rôle et déposée le 10 mars 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Vanessa Fober, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur A et de Madame A, née …, demeurant à L-…, tendant, aux termes de son dispositif, d’une part, à l’annulation d’une « […] décision de retrait de la bourgmestre de la Commune de Sanem du 17 juin 2022 […] » et, d’autre part, à la réformation, sinon à l’annulation 1) « […] d’une décision de la bourgmestre de la Commune de Sanem en date du 5 août 2021 […] », 2) « […] d’une décision de la bourgmestre de la Commune de Sanem en date du 23 novembre 2021 […] », 3) « […] d’une décision de la bourgmestre de la Commune de Sanem en date du 5 janvier 2022 […] », 4) « […] d’une décision du Conseil communal de Sanem du 8 juillet 2022 […] » et 5) « […] d’une décision du Conseil communal de Sanem du 28 novembre 2022 […] » ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Marine Haagen, en remplacement de l’huissier de justice Nadine Tapella, demeurant à Esch-sur-Alzette, du 17 mars 2023 portant signification de ce recours l’administration communale de Sanem, établie à L-4477 Belvaux, 60, rue de la Poste, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 mars 2023 par Maître Steve Helminger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Sanem, préqualifiée ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 14 juin 2023 par Maître Steve Helminger, au nom de l’administration communale de Sanem, préqualifiée ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 14 juillet 2023 2 par Maître Vanessa Fober, au nom de Monsieur A et de Madame A, préqualifiés ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 4 octobre 2023 par Maître Steve Helminger, au nom de l’administration communale de Sanem, préqualifiée ;
I. + II.
Vu les pièces versées en cause et notamment les actes attaqués ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Vanessa Fober et Maître Adrien Kariger, en remplacement de Maître Steve Helminger, en leurs plaidoiries à l’audience publique du 6 décembre 2023.
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Par courrier du 17 mai 2021, Monsieur A et Madame A, ci-après désignés par « les consorts A », introduisirent auprès de l’administration communale de Sanem, ci-après désignée par « l’administration communale », une demande de morcellement de leurs parcelles portant les numéros cadastraux … et ….
Cette demande fut rejetée par décision du bourgmestre de la commune de Sanem, ci-après désigné par « le bourgmestre », du 5 août 2021, libellée comme suit :
« […] Suite à votre demande d’autorisation de bâtir pour le lotissement des parcelles N°… et …, section … de Sanem, nous vous informons que nous ne pouvons pas donner une suite favorable au dossier.
Selon le plan d’aménagement général (PAG) actuellement en vigueur, les terrains se trouvent dans une zone Hab-1, couverte par un plan d’aménagement particulier « quartier existant » (PAP QE) dénommé Hab-1 c-2. Les parties arrières se situent dans une « zone de jardins ». Vous pouvez trouver les règlements y relatifs sur notre site internet :
www.suessem.lu/service/service-de-l-urbanisme-et-des-batisses.
Après analyse du dossier par rapport au PAG, aux PAP QE et du règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites, nous vous informons qu’en créant une nouvelle limite cadastrale contre le pignon de la maison n° …, rue …, le projet ne respecte pas les articles suivants :
• PAP QE:
• Article 1.2.3: D’après les nouvelles dispositions en vigueur depuis l’approbation du nouveau PAG, un recul latéral de 3m est à respecter en cas de transformation ou de modification. Le recul latéral de la maison isolée n’est plus garanti. Néanmoins, sur présentation d’une convention entre propriétaires voisins soumise aux formalités de l’enregistrement pour être opposable aux tiers, la limite peut être déplacée.
• Règlements sur les bâtisses, les voies publiques et les sites :
3 • Article 32 : Des ouvertures garantissant l’éclairage naturel correspondant à au moins 1/8 de la surface nette de plancher sont à garantir. En créant la limite contre la façade latérale, et pour rester conforme par rapport au Code Civil, la fenêtre située dans le pignon gauche serait à supprimer. Veuillez donc nous fournir des plans avec les surfaces et ouvertures pour nous permettre de contrôler la conformité du nouveau projet par rapport à l’éclairage.
• En déplaçant la limite cadastrale immédiatement contre la façade, la corniche de la maison dépasserait sur le nouveau lot 2323/Lot 1. Or, toute construction doit se situer entièrement sur sa propre parcelle.
En conséquence, le lotissement ne peut pas être autorisé à ce stade. Au préalable, des travaux de transformation et d’adaptation, soumis à une autorisation de bâtir, devront être réalisés sur la maison N°…. Avant tout progrès en cause, veuillez donc introduire une demande en bonne et due forme pour la transformation de la maison N°….
Conformément à l’article 29 de la loi modifiée du 19 juillet 2004, la demande de lotissement, dûment signée par les propriétaires des parcelles, ainsi que par le géomètre officiel sera ensuite soumise au vote du Conseil communal. En cas où vous projetez la réalisation d’une nouvelle construction entre la maison N°… et …, veuillez cependant encore nous envoyer un avant-projet au préalable, démontrant la faisabilité du projet.
Vu ce qui précède, nous ne sommes à ce stade pas en mesure de délivrer l’autorisation sollicitée. […] ».
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 5 novembre 2021, les consorts A introduisirent un recours gracieux à l’encontre de la décision, précitée, du bourgmestre du 5 août 2021, lequel fut rejeté par décision du bourgmestre du 23 novembre 2021, rédigée comme suit :
« […] Nous accusons réception de votre recours gracieux du 5 novembre 2021 relatif à votre demande d’autorisation de bâtir pour le lotissement des parcelles N°… et N°…, section … de Sanem.
Nous avons pris note que vous contestez le fait que la commune demande, avant tout progrès en cause, l’introduction d’une demande d’autorisation de bâtir pour les travaux à réaliser au préalable à la maison N°… et parallèlement vous indiquez dans votre courrier que l’aval de la commune est nécessaire.
Comme déjà expliqué dans notre courrier du 5 août 2021, en projetant une nouvelle limite cadastrale immédiatement contre le pignon latéral de la maison existante, la construction telle qu’elle a été autorisée à l’époque et qu’elle existe actuellement, ne respecterait plus la réglementation d’aujourd’hui. Or, comme prévu par l’article 37 de la loi modifiée du 19 juillet 2004, toute autorisation de construire ne peut être accordée que si les travaux sont conformes au PAG, au PAP QE et au règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites. La demande de lotissement ne peut donc être accordée que sous condition que l’ensemble des parcelles et constructions concernées demeurent conformes. Nous vous signalons donc que la réalisation de travaux au préalable est indispensable au maintien de la conformité de la maison existante et ces travaux doivent être couverts par une autorisation de construire.
4 Ensuite, vous contestez le fait que la commune a appliqué l’article 1.2.3 du PAP QE qui précise qu’un recul latéral de 3 mètres est à respecter et qu’en cas de construction prévue contre une limite cadastrale, une convention entre propriétaires, à soumettre aux formalités de l’enregistrement, est requise. A ce stade, vous êtes propriétaires des deux lots projetés (2323/lot 1 et 2428/lot 2). Néanmoins, nous vous demandons d’établir une convention dès le départ, afin de garantir, en cas de changement de propriétaire, qu’une future construction puisse toujours être accolée contre le pignon nu de la maison N°….
Concernant votre demande de pouvoir réaliser une future construction contre le pignon de la maison voisine N°…, nous vous informons qu’aucune convention n’est requise, étant donné que l’implantation sur une limite de propriété est obligatoire si une construction existante n’accuse aucun recul sur une limite cadastrale latérale.
Finalement vous demandez des informations relatives à la construction voisine N°…, rue …. Cette construction a été réalisée avant la refonte du PAG actuel et les propriétaires de la parcelle de l’époque, étaient les mêmes propriétaires des parcelles N°… et N° …, section … de Sanem, actuellement en votre possession. Les anciens propriétaires, ainsi que le notaire en charge de l’acte d’acquisition de votre parcelle en 2016, sont les mieux placés pour vous fournir toutes les informations sollicitées.
Vous pouvez trouver le PAG, les PAP QE et le règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites sur notre site internet : www.suessem.lu/fr/service/service-de-l-
urbanisme-et-des-batisses.
Vu ce qui précède, nous vous informons que nous maintenons notre position. […] ».
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 2 décembre 2021, le litismandataire de l’époque des consorts A mit l’administration communale « […] en demeure de [lui] communiquer copie de la convention entre propriétaires autorisant la construction du lotissement n°… à la limite de la propriété de la maison N°…, ainsi que la copie du PAP et du PAP QE en vigueur avant les nouveaux PAG et PAP QE du 19 juillet 2019 avant le 31 décembre 2021. […] ».
Le bourgmestre y répondit par courrier du 5 janvier 2022, libellé comme suit :
« […] Nous accusons réception de votre courrier du 2 décembre 2021 relatif à votre demande d’autorisation de bâtir pour le lotissement des parcelles N°… et N°…, section … de Sanem.
Dans notre réponse du 23 novembre 2021 à votre recours gracieux du 5 novembre 2021, nous vous avions indiqués que l’ancien propriétaire des parcelles en question, dont la vôtre, ainsi que le notaire en charge de la vente peuvent certainement vous fournir plus d’informations sur une éventuelle convention. Or, comme nous l’avons déjà signalé, au moment de la délivrance de l’autorisation de bâtir pour la construction sise au N°…, l’ensemble des parcelles appartenait à un seul propriétaire et il n’est donc pas certain qu’une convention ait été établie à l’époque. Néanmoins, même à supposer qu’un tel document existerait, vous n’êtes pas sans savoir qu’en considérant le règlement (UE) 2016/679 du Parlement Européen et du Conseil du 27 avril 2016 et vu la loi modifiée du 1er août 2018 5 portant organisation de la Commission nationale pour la protection des données, nous ne pouvons pas vous faire parvenir ce document.
Concernant votre demande pour recevoir une copie du Plan d’aménagement général en vigueur avant la refonte du PAG lancée en avril 2018, nous vous demandons de bien vouloir verser la somme 13 €, tel que défini dans le règlement-taxe du 21 octobre 2002 sur le compte de la commune. En annexe vous trouvez la facture y relative. Veuillez cependant noter que durant les années en vigueur de l’ancien PAG, des modifications ponctuelles ont été apportées au document et nous ne sommes pas en possession d’une version coordonnée. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 25 février 2022, inscrite sous le numéro 47074 du rôle, les consorts A firent introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des actes, précités, du bourgmestre des 5 août et 23 novembre 2021, ainsi que du 5 janvier 2022.
Par courrier du 17 juin 2022, le bourgmestre s’adressa aux consorts A en les termes suivants :
« […] Par la présente, je m’empresse de revenir vers vous dans l’affaire sous rubrique et plus particulièrement à votre demande de morcellement.
En vertu de l’article 29 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, la compétence pour autoriser un tel morcellement pour un terrain situé dans une zone soumise à PAP QE, appartient au seul conseil communal.
Je reviens partant sur mes décisions des 5 août et 23 novembre 2021 et votre demande du 17 mai 2021 sera soumise au conseil communal lors de sa prochaine séance pour y statuer.
Votre recours contre mes décisions devient partant sans objet, bien qu’il vous appartiendra bien évidemment d’entreprendre le cas échéant la décision à intervenir du conseil communal si cette décision ne devait pas vous donner satisfaction. […] ».
Lors de sa séance du 8 juillet 2022, le conseil communal de Sanem, ci-après désigné par « le conseil communal », « […] décid[a], à l’unanimité des voix, de ne pas approuver la demande de lotissement des parcelles … et …, section … de Sanem […] », ladite décision, qui fut notifiée aux consorts A par courrier recommandé avec accusé de réception du bourgmestre du 11 juillet 2022, étant basée sur les considérations et les motifs suivants :
« […] Vu la demande de lotissement de terrains adressée à l’administration communale le 17 mai 2021 par Madame et Monsieur A et A concernant le morcellement des parcelles sises à Sanem, section A portant les numéros cadastraux … et … Vu la loi communale modifiée du 13 décembre 1988 ;
Vu la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain ;
Vu le plan d’aménagement général réf. 39C/021/2018 de la commune de Sanem approuvé définitivement par :
- le conseil communal en date du :
11 janvier 2019 ;
- le ministre de l’intérieur en date du :
19 juillet 2019 ;
- le ministre de l’environnement, du climat et du développement durable en date du :
2 avril 2019 ;
6 et les adaptations y relatives ;
Vu le plan d’aménagement particulier quartier existant réf. 39C/021/2018 ; 18297/39C de la commune de Sanem approuvé définitivement par :
- le conseil communal en date du 11 janvier 2019 ;
- le ministre de l’intérieur en date du 19 juillet 2019 ;
et les adaptations y relatives ;
Vu la loi modifiée du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles ;
Vu le règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites approuvé définitivement par le conseil communal en date du 11 janvier 2019 ;
et les adaptations y relatives ;
Vu les prescriptions de l’article 29 (1) de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain ;
Vu le classement des parcelles en zones HAB-1 concerte par un plan d’aménagement particulier quartier existant Hab-1 c-2, respectivement en zone de jardin pour l’arrière des terrains ;
Considérant que le projet de lotissement contient des contraintes majeures, à savoir :
- Le non-respect du recul latéral existant pour la maison existante ;
- Le dépassement de la corniche de la construction existante sur la parcelle voisine sur la parcelle à créer par le morcellement ;
- Création d’une parcelle ne permettant pas d’être construite sous peine de priver l’éclairage des pièces de séjour permanent de la construction voisine […] ».
Par courrier du 17 octobre 2022, les consorts A introduisirent un recours gracieux à l’encontre de la décision, précitée, du conseil communal du 8 juillet 2022.
Lors de sa séance du 28 novembre 2022, le conseil communal « […] [d]écid[a] à l’unanimité des voix de rejeter le recours gracieux du 17 octobre 2022 des consorts A pour ne pas être recevable […] », et ce pour les motifs suivants :
« […] Vu le recours gracieux des demandeurs introduit par fax à l’encontre de la décision du Conseil communal du 8 juillet 2022, réceptionné le 17 octobre 2022 ;
Considérant qu’un tel recours gracieux est irrecevable pour viser une décision à caractère réglementaire ;
Considérant qu’en effet la demande des consorts A concerne le lotissement d’un terrain soumis à un PAP – QE.
Considérant qu’il résulte d’un arrêt de la Cour administrative du 27 janvier 2022 qu’il s’agit pour une telle décision d’une décision à essence réglementaire.
Considérant qu’un recours gracieux à l’encontre d’un acte réglementaire est partant irrecevable. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 10 mars 2023, inscrite sous le numéro 48679 du rôle, les consorts A ont fait introduire un recours tendant, aux termes de son dispositif, auquel le tribunal est seul tenu, d’une part, à l’annulation de la susdite décision du bourgmestre du 17 juin 2022 et, d’autre part, à la réformation, sinon à l’annulation des actes, précités, du bourgmestre des 5 août et 23 novembre 2021, ainsi que du 5 janvier 2022 7 – actes déjà attaqués à travers le recours inscrit sous le numéro 47074 du rôle –, de même que des susdites décisions du conseil communal des 8 juillet et 28 novembre 2022.
I) Quant à la jonction des affaires inscrites sous les numéros 47074 et 48679 du rôle Etant donné que les deux recours inscrits sous les numéros 47074 et 48679 du rôle ont trait à la même demande de morcellement introduite par les consorts A auprès de l’administration communale et qu’ils visent, en partie, les mêmes actes, il y a, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, lieu de joindre ces affaires et de statuer à travers un seul jugement.
II) Quant à la compétence du tribunal Aucun recours au fond n’étant prévu dans la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître (i) des recours principaux en réformation introduits dans les deux rôles à l’encontre des actes du bourgmestre des 5 août et 23 novembre 2021, ainsi que du 5 janvier 2022 et (ii) du recours principal en réformation introduit dans le cadre de l’affaire inscrite sous le numéro 48679 du rôle à l’encontre des actes du conseil communal des 8 juillet et 28 novembre 2022.
En revanche, le tribunal est compétent pour connaître des recours subsidiaires en annulation introduits à l’encontre de ces mêmes actes, de même qu’il est compétent pour connaître du recours en annulation introduit dans le cadre de l’affaire inscrite sous le numéro 48679 du rôle à l’encontre de l’acte du bourgmestre du 17 juin 2022.
III) Quant à la demande d’exension de l’objet du recours, formulée dans le cadre de l’affaire inscrite sous le numéro 47074 du rôle Dans leur mémoire en réplique déposé dans le cadre de l’affaire inscrite sous le numéro 47074 du rôle, erronément intitulé « mémoire en réponse », les consorts A demandent au tribunal de leur donner acte de l’extension de l’objet du recours à la décision du bourgmestre du 17 juin 2022 et à la décision du conseil communal du 8 juillet 2022, en se prévalant, à cet égard, de l’article 53 du Nouveau Code de procédure civile (« NCPC »), aux termes duquel « L’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l’acte introductif d’instance et par les conclusions en défense. Toutefois l’objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. ».
Il sollicitent, par conséquent, l’annulation de la décision, précitée, du 17 juin 2022 et la réformation, sinon l’annulation de la décision du conseil communal du 8 juillet 2022.
L’administration communale conclut au rejet de la demande d’extension de l’objet du recours ainsi formulée par les consorts A.
Le tribunal relève, d’abord, que les règles du NCPC ne sont applicables devant les juridictions de l’ordre administratif qu’à titre supplétif.1 1 Cour adm., 19 décembre 2013, n° 32896C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 358 du rôle.
8 Ensuite, le tribunal précise qu’en vertu de l’article 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », l’acte attaqué doit être identifié dans la requête introductive d’instance, qui délimite l’objet du recours, et il est de jurisprudence constante qu’une extension de l’objet du recours dans les écrits ultérieurs n’est pas recevable.2 Il s’ensuit que la demande d’extension de l’objet du recours, telle que formulée par les demandeurs dans leur mémoire en réplique, est irrecevable et qu’il en est de même, par voie de conséquence, de la demande tendant à l’annulation de la décision du bourgmestre du 17 juin 2022 et de la demande tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du conseil communal du 8 juillet 2022, telles que figurant au dispositif de ce même mémoire en réplique.
IV) Quant à la recevabilité des recours A) Quant au moyen tiré de l’irrecevabilité du recours inscrit sous le numéro 48679, en ce qu’il vise des actes déjà visés par le recours antérieur, inscrit sous le numéro 47074 du rôle L’administration communale conclut à l’irrecevabilité du recours inscrit sous le numéro 48679 du rôle, en ce qu’il vise les actes du bourgmestre des 5 août et 23 novembre 2021, ainsi que du 5 janvier 2022, au motif, d’une part, que ces actes aurait déjà fait l’objet du recours inscrit sous le numéro 47074 du rôle et, d’autre part, que « […] recours sur recours ne vaut […] ».
Ce moyen d’irrecevabilité est cependant à rejeter, étant donné que l’introduction successive de deux recours ayant le même objet et concernant les mêmes parties n’entraîne pas ipso facto l’irrecevabilité du recours introduit en second lieu, mais justifie une jonction des deux recours, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice3, jonction à laquelle le tribunal vient, en l’espèce, de procéder.
B) Quant à la recevabilité ratione temporis du recours inscrit sous le numéro 48679 du rôle, en ce qu’il vise la décision du bourgmestre du 17 juin 2022 A l’audience publique des plaidoiries, le tribunal a invité les parties à prendre oralement position quant à la question de la recevabilité ratione temporis du recours inscrit sous le numéro 48679 du rôle, en ce qu’il vise la décision du bourgmestre du 17 juin 2022.
Le litismandataire des demandeurs s’est rapporté à prudence de justice quant à la question ainsi soulevée par le tribunal, tandis que le litismandataire de l’administration communale a conclu à la tardiveté de ce volet du recours.
A titre liminaire, le tribunal précise que dans un arrêt du 27 janvier 2022, portant le numéro 46460C du rôle, la Cour administrative a conclu à l’essence dorénavant réglementaire des décisions de lotissement de terrains visées à l’article 29 (1), alinéas 4 et 5 de la loi modifiée 2 Trib. adm., 22 octobre 2008, n° 22230 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 377 et les autres références y citées ; voir aussi : trib. adm., 30 janvier 2023, nos 45931 et 45985 du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.
3 Trib. adm., 25 juin 2015, nos 34731 et 34843 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 986.
9 du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après désignée par « la loi du 19 juillet 2004 », et relevant de la compétence du conseil communal.
Le tribunal relève ensuite qu’aux termes de l’article 13 (1) de la loi du 21 juin 1999, « Sauf dans les cas où les lois ou les règlements fixent un délai plus long ou plus court et sans préjudice des dispositions de la loi du 22 décembre 1986 relative au relevé de la déchéance résultant de l’expiration d’un délai imparti pour agir en justice, le recours au tribunal n’est plus recevable après trois mois du jour où la décision a été notifiée au requérant ou du jour où le requérant a pu en prendre connaissance. ».
L’article 16 de la même loi, s’appliquant aux recours contre les actes administratifs à caractère réglementaire, prévoit, quant à lui, ce qui suit : « Le délai d’introduction est de trois mois à partir de la publication de l’acte attaqué ou, à défaut de publication, de la notification ou du jour où le requérant en a eu connaissance. ».
En l’espèce, il ressort des mentions figurant sur la décision du 17 juin 2022 qu’elle a été notifiée aux demandeurs par courrier recommandé avec accusé de réception.
Il est certes exact que la date exacte à laquelle cette notification est intervenue ne se dégage pas des pièces versées en cause.
Il n’en reste pas moins que les demandeurs se réfèrent expressément à la décision en question dans leur mémoire en réplique déposé dans le cadre du recours inscrit sous le numéro 47074 du rôle et versé parmi les pièces produites à l’appui du recours inscrit sous le numéro 48679 du rôle, et qu’elle figure, par ailleurs, parmi les pièces annexées au mémoire en question.
Il doit, dès lors, être admis que les demandeurs – de même que, d’ailleurs, l’avocat ayant, aux termes du susdit courrier du 2 décembre 2021, représenté leurs intérêts au cours de la procédure précontentieuse, à savoir Maître Marjorie Binet, qui a signé ledit mémoire en réplique et qui n’est personne d’autre que la demanderesse elle-même, ainsi que cela se dégage sans équivoque du libellé du courrier susmentionné, aux termes duquel « […] Je représente mon époux Monsieur A et moi-même dans le dossier sous rubrique […] » – ont nécessairement eu connaissance de la décision du 17 juin 2022 au plus tard le 13 septembre 2022, date de la signature dudit mémoire en réplique.
Dans ces circonstances – et indépendamment (i) de la question de savoir si la décision en question relève de la catégorie des décisions à essence dorénavant réglementaire visées par l’arrêt, précité, de la Cour administrative ou si, au contraire, elle doit s’analyser en une décision individuelle, en ce qu’il s’agit d’une décision de retrait de décisions par lesquelles le bourgmestre s’était, à ses yeux, erronément placé dans le régime antérieurement applicable du morcellement de parcelles relevant de sa propre sphère de compétence, de même que, par conséquent (ii) de la question de savoir si le délai pour agir à l’encontre de la décision sous analyse est régi par les dispositions de l’article 13 de la loi du 21 juin 1999 ou par celles de l’article 16 de la même loi –, le tribunal arrive à la conclusion qu’à défaut pour le litismandataire des demandeurs d’avoir fait état d’une quelconque cause de suspension du délai de recours contentieux, ce dernier a commencé à courir au plus tard le 13 septembre 2022, pour expirer trois mois plus tard, soit le mardi 13 décembre 2022.
10 Le recours inscrit sous le numéro 48679, introduit seulement le 10 mars 2023, est, dès lors, irrecevable pour cause de tardiveté, en ce qu’il vise la décision, précitée, du bourgmestre du 17 juin 2022.
C) Quant à la question de l’existence, respectivement de la subsistance d’un objet des recours, en ce qu’ils visent les actes du bourgmestre des 5 août et 23 novembre 2021 L’administration communale soutient que du fait de l’adoption de la décision du bourgmestre du 17 juin 2022, qui de manière non contestée, s’analyse en une décision de retrait des décisions des 5 août et 23 novembre 2021, le recours inscrit sous le numéro 47074 du rôle visant ces décisions serait devenu sans objet et que les volets afférents du recours inscrit sous le numéro 48679 devraient être déclarés irrecevables.
Dans leurs mémoires en réplique, les demandeurs soutiennent que nonobstant le retrait des décisions des 5 août et 23 novembre 2021 par décision du bourgmestre du 17 juin 2022, les décisions en question leur causeraient toujours grief, étant donné que tant les décisions du bourgmestre que celles du conseil communal reposeraient sur la considération selon laquelle leur demande de morcellement nécessiterait deux étapes distinctes, à savoir, d’une part, la réalisation de travaux sur base d’une autorisation de construire et, d’autre part, la soumission de la demande de morcellement au conseil communal. Dès lors, et dans la mesure où le conseil communal aurait pris sa décision sur base, non seulement de leur demande de morcellement, mais de l’ensemble du dossier administratif, il serait dans leur intérêt de voir toiser les décisions du bourgmestre et du conseil communal ensemble.
Pour le surplus, les demandeurs soutiennent (i) que la décision de retrait du 17 juin 2022 ne remplirait pas les conditions énoncées à l’article 8 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », (ii) que le bourgmestre aurait bien été compétent pour prendre les décisions des 5 août et 23 novembre 2021, sur base de l’article 37 de la loi du 19 juillet 2004, (iii) que le bourgmestre aurait soulevé tardivement « […] [l]e moyen tiré de [son] incompétence […] », les demandeurs se prévalant, à cet égard, des articles 1er et 8 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 et (iv) que leur projet consisterait bien en un morcellement au sens urbanistique du terme, qui, aux termes de la jurisprudence du tribunal de céans, consisterait en la division foncière d’une ou de plusieurs parcelles en plusieurs nouvelles parcelles en vue de créer des places à bâtir, de sorte que « […] le moyen d’incompétence soulevé par [le bourgmestre serait] irrecevable […] ».
Il n’est pas contesté que la décision du bourgmestre du 17 juin 2022 s’analyse en une décision de retrait des décisions antérieures des 5 août et 23 novembre 2021.
Or, le retrait d’un acte administratif est l’acte juridique par lequel une autorité administrative décide d’anéantir ab initio une décision dont elle est l’auteur. Le retrait s’opère ex tunc. C’est en cela qu’il se distingue de l’abrogation qui anéantit l’acte administratif ex nunc.
Le retrait a donc pour effet d’effacer complètement toutes les conséquences de l’acte sur lequel il porte, exactement comme si celui-ci était annulé.4 4 Trib. adm., 8 juillet 2009, nos 24522 et 25336 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 216 et les autres références y citées.
11 Ainsi, si, au jour de l’introduction du recours inscrit sous le numéro 47074, celui-ci avait un objet, en ce qu’il vise les décisions du bourgmestre des 5 août et 23 novembre 2021, celles-ci ont disparu de l’ordonnancement juridique avec effet rétroactif du fait de la décision de retrait du 17 juin 2022.
Or, dans l’hypothèse où un acte est retiré avec effet rétroactif, comme c’est ainsi le cas en l’espèce, le recours dirigé à l’encontre de cet acte perd son objet. La sortie de vigueur rétroactive d’un acte administratif résulte de l’annulation de la décision, soit par la juridiction administrative, soit par l’autorité administrative elle-même. Comme en cas d’annulation par le juge, en cas de retrait de la décision par l’administration elle-même, la décision sera réputée n’avoir jamais existé. En effet, il s’agit d’une possibilité offerte à l’autorité administrative de réparer spontanément ses erreurs en réalisant elle-même ce que ferait le juge saisi d’un recours contentieux.5 Il s’ensuit que le recours inscrit sous le numéro 47074 est à rejeter pour défaut d’objet, en ce qu’il vise les décisions, précitées, du bourgmestre des 5 août et 23 novembre 2021.
La même conclusion s’impose en ce qui concerne les volets afférents du recours inscrit sous le numéro 48679 du rôle, qui étaient sans objet ab initio, ledit recours ayant été introduit postérieurement à la prise de la décision de retrait du 17 juin 2022.
Les conclusions dégagées ci-avant ne sont pas énervées par l’argumentaire des demandeurs visant, en substance, à remettre en cause la légalité tant externe qu’interne de ladite décision du 17 juin 2022, étant donné qu’au-delà de toute autre considération, cette décision est coulée en force de chose décidée pour ne pas avoir fait l’objet d’un recours contentieux endéans le délai légal, le tribunal venant de déclarer irrecevable tant la demande d’extension de l’objet du recours à ladite décision du 17 juin 2022, telle que formulée dans le cadre de l’affaire inscrite sous le numéro 47074 du rôle, que le recours introduit directement à l’encontre de cette même décision dans le cadre de l’affaire inscrite sous le numéro 48679 du rôle.
D) Quant à la question du caractère décisionnel du courrier du bourgmestre du 5 janvier 2022 Dans son mémoire en duplique déposé dans le cadre de l’affaire inscrite sous le numéro 47074 du rôle, l’administration communale soutient que le courrier du bourgmestre du 5 janvier 2022 serait dépourvu d’élément décisionnel et n’aurait eu pour but que de répondre aux différents échanges avec les demandeurs en relation avec les décisions des 5 août et 23 novembre 2021.
A l’audience publique des plaidoiries, le tribunal a soulevé d’office la question du caractère décisionnel dudit courrier dans le cadre de l’affaire inscrite sous le numéro 48679 du rôle.
Le litismandataire des demandeurs n’a pas pris position de manière spécifique quant à la question ainsi soulevée par le tribunal, tandis que le litismandataire de l’administration communal a soutenu que le courrier en question du bourgmestre serait dépourvu d’élément décisionnel.
5 Trib. adm. 16 juin 2010 n° 26323 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 378 et les autres références y citées.
12 L’acte administratif susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux doit constituer une véritable décision de nature à faire grief, c’est-à-dire un acte susceptible de produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle et patrimoniale de celui qui réclame. N’ont pas cette qualité de décision faisant grief, comme n’étant pas destinées à produire, par elles-mêmes, des effets juridiques, les informations données par l’administration, tout comme les déclarations d’intention ou les actes préparatoires d’une décision6, qui ne font que préparer la décision finale et qui constituent des étapes dans la procédure d’élaboration de celle-ci.7 Par ailleurs, lorsque l’administration se borne à exprimer ses prétentions, essentiellement lorsque, à propos d’un litige, elle indique les droits qui lui paraissent être les siens ou dénie ceux dont se prévaut son adversaire, un tel acte ne constitue qu’une prise de position qui ne lie ni le juge ni les intéressés et qui ne saurait dès lors donner lieu à un recours.8 Dans le même ordre d’idées, une lettre qui ne porte aucune décision et qui n’est que l’expression d’une opinion destinée à éclairer le requérant sur les droits qu’il peut faire valoir ou plus généralement sur sa situation juridique n’est pas susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux.9 De l’entendement du tribunal, les demandeurs considèrent le courrier du 5 janvier 2022 comme une décision du bourgmestre portant refus de leur communiquer « […] la convention entre propriétaires autorisant la construction du lotissement n°… à la limite de la propriété de la maison N°… […] », telle que visée dans le courrier, précité, de leur litismandataire de l’époque du 2 décembre 2021.
Or, dans son courrier de réponse du 5 janvier 2022, le bourgmestre n’a pas refusé de communiquer aux demandeurs un document réclamé par eux et qui serait en sa possession, mais s’est limité à informer ces derniers du fait (i) que l’ancien propriétaire des parcelles en question, ainsi que le notaire en charge de la vente pourraient leur fournir plus d’informations sur une éventuelle convention, (ii) qu’au moment de la délivrance de l’autorisation de bâtir pour la construction sise au numéro … de la rue …, l’ensemble des parcelles aurait appartenu à un seul propriétaire, de sorte qu’il ne serait pas certain qu’une convention ait été établie à l’époque, et (iii) même à supposer qu’un tel document existerait, les demandeurs ne sauraient en tout état de cause se voir le communiquer, compte tenu des dispositions du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) et de la loi du 1er août 2018 portant organisation de la Commission nationale pour la protection des données et du régime général sur la protection des données.
Dès lors, et dans la mesure où il ressort ainsi des termes du courrier en question que le bourgmestre n’a pas connaissance de l’existence même de la convention revendiquée par les 6 Trib. adm., 23 juillet 1997, n° 9658 du rôle, confirmé sur ce point par Cour adm., 19 février 1998, n° 10263C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Actes administratifs, n° 68 et les autres références y citées.
7 Cour adm., 22 janvier 1998, nos 9647C, 9759C, 10080C et 10276C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Actes administratifs, n° 67 et les autres références y citées.
8 Trib. adm., 6 octobre 2004, n° 16533, Pas. adm. 2022, V° Actes administratifs, n° 84 et les autres références y citées.
9 Trib. adm., 17 mars 2021, n° 43431, Pas. adm. 2022, V° Actes administratifs, n° 48.
13 demandeurs, ledit courrier se limite à un simple courrier d’information, dépourvu d’élément décisionnel, de sorte à ne pas constituer un acte administratif susceptible de recours contentieux.
Les recours sous analyse sont, dès lors, irrecevables, en ce qu’ils visent ledit courrier.
E) Quant à la recevabilité ratione temporis du recours inscrit sous le numéro 48679 du rôle, en ce qu’il vise la décision du conseil communal du 8 juillet 2022 L’administration communale soulève l’irrecevabilité ratione temporis du recours inscrit sous le numéro 48679 du rôle, en ce qu’il vise la décision du conseil communal du 8 juillet 2022, en faisant valoir que cette dernière aurait été notifiée aux demandeurs par courrier du 11 juillet 2022, qui aurait contenu une instruction sur les voies de recours. Etant donné qu’il s’agirait d’un acte à caractère réglementaire, la décision en question aurait uniquement pu faire l’objet d’un recours contentieux et le délai pour agir aurait commencé à courir à compter de la réception du courrier de notification afférent, soit au plus tard le 13 juillet, respectivement le 17 juillet 2022, selon les demandeurs, de sorte à avoir expiré au plus tard le 17 octobre 2022.
Le recours introduit le 10 mars 2023 serait, dès lors, tardif.
Les demandeurs concluent au rejet de ce moyen d’irrecevabilité.
En premier lieu, ils contestent que la décision du conseil communal du 8 juillet 2022 constituerait un acte administratif à caractère réglementaire.
A cet égard, ils font valoir qu’« […] [i]l [devrait] être considéré qu’un acte réputé en principe réglementaire, [pourrait] en certaines circonstances être considéré comme un acte individuel au regard de la nature précise de l’acte, ainsi que sa portée […] », tout en soulignant, d’une part, que le renvoi, par l’article 29 (1), alinéa 4 de la loi du 19 juillet 2004, à l’article 82 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988, ci-après désignée par « la loi communale », concernerait uniquement le mode de publication de la décision du conseil communal et, d’autre part, que les actes réglementaires seraient ceux qui seraient au moins susceptibles de s’appliquer à un nombre indéterminé de cas et qui comporteraient une norme générale et impersonnelle, conditions que la décision déférée du 8 juillet 2022 ne remplirait pas.
Ainsi, cette décision devrait être considéré comme un acte individuel « […] ou à tout le moins comme revêtant un caractère à [la] fois réglementaire et individuel permettant l’exercice d’un recours gracieux à son encontre, dans l’intérêt des administrés pour lesquels un acte administratif leur [ferait] spécifiquement, exclusivement et individuellement grief[…] […] ».
En second lieu, les demandeurs soutiennent qu’à travers leur mémoire en réplique déposé dans le cadre de l’affaire inscrite sous le numéro 47074 du rôle, ils auraient introduit un recours en annulation à l’encontre de la décision du conseil communal du 8 juillet 2022.
Etant donné que ledit mémoire aurait été signifié à l’administration communale le 14 septembre 2022, soit endéans le délai de recours contentieux de trois mois, le recours dirigé à l’encontre de ladite décision du 8 juillet 2022 serait recevable.
Dans son mémoire en duplique, l’administration communale insiste sur le fait que dans la mesure où la décision du 8 juillet 2022 constituerait un acte administratif à caractère 14 réglementaire, le recours gracieux des consorts A du 17 octobre 2022 aurait été irrecevable et n’aurait pas eu pour effet de suspendre le délai de recours contentieux.
Le tribunal rappelle que la décision du conseil communal du 8 juillet 2022 a été notifiée aux demandeurs par courrier recommandé avec accusé de réception du 11 juillet 2022.
S’il est certes exact que la date exacte à laquelle cette notification est intervenue ne se dégage pas des éléments soumis à l’appréciation du tribunal, il doit néanmoins être admis que les demandeurs ont nécessairement eu connaissance de la décision en question au plus tard le 13 septembre 2022, date de la signature du susdit mémoire en réplique déposé dans le cadre de l’affaire inscrite sous le numéro 47074, étant donné que dans ce mémoire, ils se réfèrent expressément à la décision en question et qu’ils la versent, par ailleurs, en tant que pièce à l’appui dudit mémoire. De même, le 17 octobre 2022, les demandeurs ont introduit un recours gracieux à l’encontre de la décision du 8 juillet 2022, ce qui confirme leur prise de connaissance de cette décision.
Le tribunal en déduit que c’est au plus tard le 13 septembre 2022, sinon le 17 octobre 2022 que le délai pour agir à l’encontre de la décision du 8 juillet 2022 a commencé à courir, de sorte à avoir a priori expiré trois mois plus tard, soit le mardi 13 décembre 2022, sinon le mardi 17 janvier 2023.
Si les demandeurs soutiennent, en substance, que le délai en question aurait été interrompu par le susdit mémoire en réplique déposé dans le cadre de l’affaire inscrite sous le numéro 47074 du rôle, par lequel ils auraient introduit un recours en annulation à l’encontre de la décision, précitée, du 8 juillet 2022, cette argumentation est cependant à rejeter, étant donné que le tribunal vient de déclarer irrecevable la demande d’extension de l’objet du recours à ladite décision du 8 juillet 2022, telle que formulée dans le cadre de l’affaire inscrite sous le numéro 47074 à travers le susdit mémoire en réplique, de même que, par voie de conséquence, la demande tendant à la réformation, sinon à l’annulation de ladite décision, telle que formulée à travers le même mémoire en réplique.
Il suit des considérations qui précèdent que le volet du recours sous examen, introduit seulement le 10 mars 2023, n’est susceptible d’être déclaré recevable ratione temporis qu’à condition que le recours gracieux du 17 octobre 2022 ait pu avoir pour effet de suspendre le délai de recours et de faire courir un nouveau délai à compter de la notification de la décision de rejet de ce recours gracieux du 28 novembre 2022, en application des dispositions de l’article 13 (2) de la loi du 21 juin 1999, ce qui dépend de la réponse à la question de savoir si l’acte en question constitue un acte administratif individuel ou un acte réglementaire – étant précisé qu’un acte administratif est ou bien un acte individuel ou bien un acte réglementaire, la catégorie hybride des actes « […] revêtant un caractère à [la] fois réglementaire et individuel […] », dont se prévalent les demandeurs, n’existant pas, à défaut de disposition normative en sens.
A cet égard, le tribunal rappelle que l’introduction d’un recours gracieux par la partie intéressée auprès de l’autorité compétente, sur base de l’article 13 (2) à (4) de la loi du 21 juin 1999, avant l’expiration du délai de recours contentieux, a essentiellement pour effet de suspendre ledit délai et de faire courir un nouveau délai contentieux à partir de la notification de la nouvelle décision qui intervient à la suite dudit recours gracieux ou à partir de 15 l’expiration d’un délai de trois mois qui s’est écoulé depuis la présentation du recours gracieux, sans qu’il soit intervenu une nouvelle décision.
S’il est vrai que l’article 15 de la loi du 21 juin 1999 fait un renvoi général aux articles 1er à 14 de celle-ci, et partant aussi à l’article 13, précité, il n’en reste pas moins que ce renvoi aux dispositions applicables aux recours introduits contre les décisions individuelles est limité par les dispositions spéciales prévues aux articles 16 à 18 de la prédite loi, qui ont trait aux spécificités inhérentes à la matière des recours contre des actes réglementaires, dont l’article 16 réglemente plus particulièrement le délai de recours en la matière, sans prévoir la possibilité dérogatoire d’une prorogation par l’effet d’un recours gracieux. Par ailleurs, un recours gracieux ne se conçoit pas à l’égard de textes normatifs de nature réglementaire qui font l’objet d’un processus d’élaboration spécifique et qui sont destinés de par leur caractère d’acte réglementaire à s’adresser à un nombre indéterminé de destinataires.10 Il s’ensuit que les dispositions de l’article 13 (2), précité, de la loi du 21 juin 1999 ne sont pas applicables en présence d’un acte administratif à caractère réglementaire.
Or, tel que relevé ci-avant, la Cour administrative a, dans son arrêt, précité, du 27 janvier 2022, portant le numéro 46460C, conclu à l’essence dorénavant réglementaire des décisions prises en la présente matière, en retenant ce qui suit :
« […] La version pertinente de la loi du 19 juillet 2004 est bien celle issue de la modification du 28 juillet 2011 ayant non seulement introduit dans la législation communale d’urbanisme la distinction entre le PAP QE et le PAP NQ, mais ayant parallèlement conféré compétence pour connaître des décisions de lotissement au conseil communal au lieu de la maintenir au niveau du seul bourgmestre comme auparavant.
Depuis la loi du 28 juillet 2011, le siège de la matière se trouve à l’article 29 de la loi ainsi modifiée du 19 juillet 2004 et, concernant le PAP QE, plus particulièrement son paragraphe 1. Ce paragraphe 1 dispose comme suit au niveau des cinq alinéas le composant, étant entendu que ce sont les alinéas 4 et 5 qui parlent expressément du « lotissement de terrains » qui a pris la relève en tant que notion, du « morcellement de terrains » visé par la législation antérieure.
« (1) Le plan d’aménagement particulier « quartier existant » fixe les prescriptions urbanistiques servant à garantir l’intégration des constructions et aménagements dans les zones urbanisées.
Le contenu de la partie écrite et de la partie graphique est arrêté par règlement grand-ducal. Ce règlement détermine également les conditions dans lesquelles un plan d’aménagement particulier « quartier existant » doit être complété par une partie graphique.
Si le plan d’aménagement particulier « quartier existant » est modifié ou complété conformément à l’article 27 (2), il doit être accompagné d’un argumentaire justifiant l’initiative.
10 Trib. adm., 21 février 2002, n° 13780 du rôle, confirmé par Cour adm., 9 juillet 2002, n° 14716C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 267 et les autres références y citées.
16 Tout lotissement de terrains réalisé dans une zone soumise à un plan d’aménagement particulier « quartier existant » est décidé par le conseil communal et publié conformément à l’article 82 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988.
On entend par lotissement de terrains, la répartition d’une ou de plusieurs parcelles en un ou plusieurs lots, en vue de leur affectation à la construction. ».
L’alinéa 4 du paragraphe 1 de l’article 29 de la loi du 19 juillet 2004 précise d’abord que le lotissement de terrains y visé doit être réalisé dans une zone soumise à un PAP QE. Il confère ensuite compétence au conseil communal pour statuer sur les demandes afférentes et renvoie y relativement à l’article 82 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988.
L’alinéa 5 du même paragraphe 1 de l’article 29 sous analyse définit ainsi le « lotissement de terrains » comme étant « la répartition d’une ou de plusieurs parcelles en un ou plusieurs lots, en vue de leur affectation à la construction » et indique ainsi le lien nécessaire entre l’opération de lotissement, d’un côté, et l’objectif de créer des lots constructibles sous la réglementation communale d’urbanisme applicable, c’est-à-dire in concreto en application des dispositions du PAG et du PAP QE, dans le cadre duquel précisément le lotissement est effectué.
L’alinéa 4 du paragraphe 1 de l’article 29 sous revue fournit une information complémentaire en ce qu’il dispose que tout lotissement de terrains est décidé par le conseil communal conformément à l’article 82 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988, puis publiée également en son application.
L’article 82 en question est le seul article faisant partie du chapitre 6 intitulé « de la publication des règlements » et traite essentiellement des modalités de publication des règlements y visés. Il ne contient pas de règle relative au contenu, voire à la substance des règlements, mais se limite à en fixer les conditions et modalités de publicité, y compris leur prise d’effet.
Le renvoi à l’article 82 de la loi communale souligne cependant la volonté du législateur de rester en principe dans les limites de l’autonomie communale et de faire participer dorénavant les décisions en matière de lotissement de terrains visées par l’article 29 de la loi du 19 juillet 2004 du dispositif réglementaire communal à l’instar des PAG et PAP QE, tandis que dans le régime antérieur la décision de morcellement prise par le bourgmestre était regardée comme ayant été un préalable direct à l’autorisation de construire relevant elle également de la compétence exclusive du premier magistrat de la commune.
L’essence dorénavant réglementaire des décisions de lotissement de terrains en question, en tant que faisant partie du dispositif réglementaire de l’urbanisme communal, implique que les conditions et modalités afférentes se situent nécessairement au niveau du dispositif légal et réglementaire d’urbanisme communal en question et non point à celui de la mise en exécution qui est l’apanage du bourgmestre appelé à délivrer l’autorisation de construire en vue de laquelle précisément le lotissement doit être effectué. […] ».
Il ressort sans équivoque de cet arrêt, d’une part, que la notion de « lotissement de terrains » a pris la relève de la notion de « morcellement de terrains », telle que visée par la version de la loi du 19 juillet 2004 antérieure à la loi du 28 juillet 2011 et, d’autre part, que les décisions de lotissement de terrains, et logiquement aussi les décisions de refus de lotissement 17 de terrains – l’arrêt en question ayant, d’ailleurs, précisément été rendu à propos d’une telle décision de refus – sont de nature réglementaire en tant que faisant partie du dispositif réglementaire communal.
Or, en l’espèce, le tribunal ne s’est pas vu soumettre d’éléments qui justifieraient qu’il se départisse de la solution ainsi dégagée par la Cour administrative.
A cet égard, le tribunal relève, d’abord, que c’est à tort que les demandeurs soutiennent que le renvoi, par l’article 29 (1), alinéa 4 de la loi du 19 juillet 2004, à l’article 82 de la loi communale concernerait uniquement le mode de publication des décisions de lotissement de terrain. En effet, le tribunal partage l’appréciation de la Cour administrative selon laquelle le renvoi ainsi fait à cette dernière disposition légale – qui relève du chapitre 6 de la loi communale, intitulé « De la publication des règlements11 », et aux termes de laquelle « Les règlements12 du conseil ou du collège des bourgmestre et échevins sont publiés par voie d’affiches. […] » – traduit la volonté du législateur de faire participer dorénavant les décisions en matière de lotissement de terrains visées par l’article 29 de la loi du 19 juillet 2004 du dispositif réglementaire communal.
Ensuite, si la décision déférée se rapporte certes exclusivement aux parcelles des demandeurs, il n’en reste pas moins qu’un acte réglementaire ne perd pas ce caractère par cela seul qu’il vise une situation donnée ou qu’il s’applique à une situation individuelle. Il suffit que l’acte soit susceptible d’atteindre un nombre indéterminé de personnes.13 Tel est bien le cas en l’espèce, étant donné que du fait de la décision de refus du conseil communal, les parcelles litigieuses sont maintenues dans leur configuration actuelle, et ce erga omnes, ce qui est de nature à impacter la constructibilité concrète des parcelles en question, notamment à travers les reculs devant être observés.
Il se dégage des considérations qui précèdent que la décision déférée du 8 juillet 2022 constitue un acte réglementaire, de sorte que le recours gracieux des demandeurs du 17 octobre 2022 n’a pu avoir un effet suspensif du délai de recours contentieux et que la décision du 28 novembre 2022 déclarant irrecevable ledit recours gracieux n’a pu faire commencer à courir un nouveau délai pour agir à l’encontre de la décision initiale du 8 juillet 2022.
Dès lors, et dans la mesure où le tribunal vient ci-avant de retenir que le délai pour agir à l’encontre de la décision en question a commencé à courir au plus tard le 13 septembre 2022, sinon le 17 octobre 2022, il a expiré au plus tard trois mois plus tard, soit le mardi 13 décembre 2022, sinon le mardi 17 janvier 2023.
Il s’ensuit que le recours inscrit sous le numéro 48679 du rôle, introduit le 10 mars 2023, est tardif et, dès lors irrecevable, en ce qu’il vise la décision, précitée, du 8 juillet 2022.
11 Souligné par le tribunal.
12 Ibid..
13 R. Ergec et F. Delaporte, Le contentieux administratif en droit luxembourgeois, Pas. adm. 2022, pt. 35, p. 30.
18 F) Quant à la recevabilité ratione temporis du recours inscrit sous le numéro 48679 du rôle, en ce qu’il vise la décision du conseil communal du 28 novembre 2022 A l’audience publique des plaidoiries du 6 décembre 2023, le tribunal a invité les parties à prendre oralement position quant à la question de la recevabilité ratione temporis du recours inscrit sous le numéro 48679 du rôle, en ce qu’il vise la décision du conseil communal du 28 novembre 2022, eu égard au fait qu’il ressort du relevé « Track and Trace » de l’Entreprise des postes et télécommunications versé par les demandeurs qu’ils ont été avisés le 9 décembre 2022 de retirer le courrier du 6 décembre 2022 portant notification de la décision en question.
Le litismandataire des demandeurs a conclu à la recevabilité du volet du recours sous examen, en soutenant que le délai de recours contentieux n’aurait commencé à courir que le 10 décembre 2022, date de la remise effective dudit courrier, de sorte que le recours introduit le 10 mars 2023 l’aurait été endéans le délai légal.
Le litismandataire de l’administration communale a conclu à l’irrecevabilité ratione temporis dudit volet du recours, en soutenant que le délai de recours aurait commencé à courir le 9 décembre 2022, date du dépôt de l’avis par l’agent des postes, de sorte à avoir expiré le 9 mars 2023, soit avant le dépôt de la requête introductive d’instance.
Il ressort du susdit relevé « Track and Trace », ainsi que de l’enveloppe versée par les demandeurs que le courrier du 6 décembre 2022 portant notification de la décision du 28 novembre 2022 aux demandeurs – et de ce fait aussi à leur litismandataire de l’époque, qui, tel que relevé ci-avant, n’est personne d’autre que la demanderesse elle-même – a été expédié le 8 décembre 2022 et que le lendemain, les demandeurs ont été avisés de retirer l’envoi en question, qui leur a été remis le 10 décembre 2022.
Dès lors, et dans la mesure où il est de jurisprudence constante que sous peine de vider le mécanisme des notifications postales régulièrement faites de toute sa substance, la notification d’une décision administrative est réputée faite le jour du dépôt de l’avis par l’agent des postes14, la notification de la décision du 28 novembre 2022 a été valablement accomplie le 9 décembre 2022.
Il s’ensuit que le délai pour agir à l’encontre de ladite décision a commencé à courir à cette dernière date pour expirer trois mois plus tard, soit le jeudi 9 mars 2023, et cela indépendamment (i) de la question de savoir si la décision du conseil communal du 28 novembre 2022 ayant déclaré irrecevable le recours gracieux introduit par les demandeurs à l’encontre de la décision du conseil communal du 8 juillet 2022 doit être considérée comme participant au caractère réglementaire de l’acte à l’encontre duquel ledit recours gracieux était dirigé ou si elle doit s’analyser en un acte administratif individuel, de même que, par conséquent (ii) de la question de savoir si le délai pour agir à l’encontre de la décision sous analyse est régi par les dispositions de l’article 13 de la loi du 21 juin 1999 ou par celles de l’article 16 de la même loi.
Dès lors, et dans la mesure où le recours inscrit sous le numéro 48679 du rôle n’a été introduit que le 10 mars 2023, le volet de ce recours visant ladite décision du conseil communal du 28 novembre 2022 doit être déclaré irrecevable ratione temporis.
14 Trib. adm., 20 octobre 2003, n° 16463 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 248 et les autres références y citées.
19 Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que les recours sous examen sont à déclarer sans objet, et partant, à rejeter, en ce qu’ils visent les décisions du bourgmestre des 5 août et 23 novembre 2021, et qu’ils sont à déclarer irrecevables pour le surplus.
V) Quant aux demandes d’injonction de produire des pièces Dans les deux rôles, les demandeurs demandent au tribunal d’enjoindre à l’administration communale de produire certaines pièces, à savoir « […] la copie de la convention entre propriétaires autorisant la construction n°… à la limite de propriété de la maison N°…, ainsi que la copie du PAP QE en vigueur avant les nouveaux PAG et PA[P] QE du 19 juillet 2019 […] », de même que « […] le dossier d’autorisation de bâtir de la construction du n°… […] », le tout sous peine d’astreinte de 10 euros par jour de retard.
Au vu de l’issue du litige, ces demandes sont cependant devenues sans objet, de sorte à encourir le rejet.
VI) Quant aux demandes d’octroi d’une indemnité de procédure Dans les deux rôles, les demandeurs sollicitent, dans le dernier état de leurs conclusions, l’octroi d’une indemnité de procédure de 5.000 euros, sur le fondement de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999, aux termes duquel « Lorsqu’il paraît inéquitable de laisser à la charge d’une partie les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, le juge peut condamner l’autre partie à lui payer le montant qu’il détermine. ».
Ces demandes sont cependant à rejeter, au vu de l’issue du litige.
VII) Quant aux demandes tendant à voir ordonner l’exécution provisoire des jugements à intervenir Dans chacun des deux rôles, les consorts A demandent au tribunal d’ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.
Ces demandes sont également à rejeter, étant donné que le législateur n’a pas conféré au tribunal administratif le pouvoir d’ordonner l’exécution provisoire de ses jugements.15 Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
joint les affaires inscrites sous les numéros 47074 et 48679 du rôle ;
se déclare incompétent pour connaître (i) des recours principaux en réformation introduits dans les deux instances à l’encontre des actes du bourgmestre de la commune de Sanem des 5 août et 23 novembre 2021, ainsi que du 5 janvier 2022 et (ii) du recours principal en réformation introduit dans le cadre de l’affaire inscrite sous le numéro 48679 du rôle à l’encontre des actes du conseil communal de Sanem des 8 juillet et 28 novembre 2022 ;
15 Trib. adm., 12 mai 1998, n° 10266 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.
20 déclare sans objet les recours subsidiaires en annulation introduits dans les deux instances à l’encontre des actes du bourgmestre de la commune de Sanem des 5 août et 23 novembre 2021, partant les rejette ;
déclare irrecevables (i) les recours subsidiaires en annulation introduits dans les deux instances à l’encontre de l’acte du bourgmestre de la commune de Sanem du 5 janvier 2022, (ii) le recours subsidiaire en annulation introduit dans le cadre de l’affaire inscrite sous le numéro 48679 du rôle à l’encontre des actes du conseil communal de Sanem des 8 juillet et 28 novembre 2022 et (iii) le recours en annulation introduit dans le cadre de l’affaire inscrite sous le numéro 48679 du rôle à l’encontre de l’acte du bourgmestre de la commune de Sanem du 17 juin 2022 ;
déclare irrecevables (i) la demande d’extension de l’objet du recours inscrit sous le numéro 47074 du rôle, telle que formulée dans le mémoire en réplique, erronément intitulé « mémoire en réponse », déposé au greffe du tribunal administratif le 14 septembre 2022 par la société à responsabilité limitée Binet Legal SARL, de même que (ii) les demandes tendant à l’annulation de l’acte du bourgmestre de la commune de Sanem du 17 juin 2022, respectivement à la réformation, sinon à l’annulation de l’acte du conseil communal de Sanem du 8 juillet 2022, telles que formulées dans ce même mémoire en réplique ;
rejette les demandes d’injonction de communication de pièces, telles que formulées par les demandeurs dans les deux instances ;
déboute les demandeurs de leurs demandes en paiement d’une indemnité de procédure, telles que formulées dans les deux instances ;
rejette les demandes tendant à voir ordonner l’exécution provisoire du jugement, telles que formulées par les demandeurs dans les deux instances ;
condamne les demandeurs aux frais et dépens des deux instances.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 février 2024 par :
Daniel Weber, vice-président, Michèle Stoffel, vice-président, Michel Thai, juge, en présence du greffier Luana Poiani.
s. Luana Poiani s. Daniel Weber Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 21 février 2024 Le greffier du tribunal administratif 21