Tribunal administratif N° 50045 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50045 3e chambre Inscrit le 13 février 2024 Audience publique du 21 février 2024 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 50045 du rôle et déposée le 13 février 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Philippe STROESSER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Maroc), de nationalité marocaine, actuellement retenu au Centre de rétention au …, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 31 janvier 2024 ayant ordonné son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 février 2024 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Sophie SCHNEIDER, en remplacement de Maître Philippe STROESSER, et Madame le délégué du gouvernement Sarah ERNST en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 20 février 2024.
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En date du 10 novembre 2020, l'Association de Soutien aux Travailleurs immigrés, ci-après désignée par l'« ASTI », introduisit, auprès du ministre de l’Immigration et de l’Asile, une demande en obtention d’une autorisation de séjour en qualité de travailleur salarié pour le compte de Monsieur ….
Il ressortit d’une consultation du Système d’information Schengen (SIS) que le concerné fit l’objet d’un signalement par les autorités françaises en date 31 juillet 2020, pour « interdiction de l’accès ou du séjour dans l’espace Schengen d’un ressortissant d’un pays tiers ».
Par décision du 3 mars 2021, le ministre de l’Immigration et de l’Asile déclara la demande en obtention d’une autorisation de séjour de Monsieur … irrecevable et lui ordonna de quitter le territoire dans un délai de trente jours.
Le 22 mars 2021, l’employeur de Monsieur … s’adressa au ministre des Affaires étrangères afin que celui-ci aide le concerné à obtenir une autorisation de séjour.
Par transmis du 6 avril 2021, le ministre de l’Immigration et de l’Asile pria la Police grand-ducale de bien vouloir vérifier si Monsieur … avait quitté le territoire et de lui tenir rapport.
Il ressort d'un « BRM » établi par la Police grand-ducale en date du 8 avril 2021, référencé sous le numéro …, que Monsieur … ne réside plus à l’adresse indiquée par ses soins depuis 2020 et qu’il ne dispose pas d'une autre adresse connue. Il en résulte par ailleurs qu’en date du 17 février 2021, la Ville de Luxembourg avait d’ores et déjà adressé une demande d'enquête auprès de la Police grand-ducale afin de vérifier la situation de Monsieur ….
Par courrier du 14 avril 2021, le ministre de l’Immigration et de l’Asile confirma sa décision de refus du 3 mars 2021.
Il ressort du relevé journalier du Centre pénitentiaire d'Uerschterhaff (« CPU ») du 26 janvier 2024 que Monsieur … y fut placé pour des faits de vol qualifié.
Le 31 janvier 2024, le ministre des Affaires intérieures, entretemps en charge du dossier, ci-après désigné par « le ministre », prit une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de 3 ans à l’encontre de Monsieur ….
Par arrêté du même jour, notifié à l’intéressé à cette même date, le ministre décida de placer Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de l’arrêté en question, lequel est basé sur les motifs et les considérations suivants:
« […] Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu la détention préventive de l'intéressé ;
Vu la décision de refus du 3 mars 2021 concernant la demande de l'intéressé en vue d'une autorisation de séjour temporaire en qualité de travailleur salarié ;
Vu la décision de retour du 3 mars 2021 ;
Vu mon interdiction de territoire du 31 janvier 2024 ;
Considérant que l'intéressé n'est pas en possession d'un document de voyage valable ;
Considérant que l'intéressé n'est pas en possession d'un visa en cours de validité ;
Considérant qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu'il ne dispose pas d'une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;
Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;
Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;
Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 13 février 2024, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 31 janvier 2024.
Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 » institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est encore recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours, le demandeur reprend, en substance, les faits et rétroactes tels qu’exposés ci-dessus.
Il cite ensuite l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 pour expliquer que le placement d’une personne au Centre de rétention ne serait ni une obligation systématique, ni un automatisme pour le ministre, mais constituerait une simple faculté qui devrait être considérée comme l’ultime remède. Cette faculté accordée au ministre devrait se baser sur des motifs sérieux et être proportionnée par rapport à la situation donnée, alors que le placement en rétention d’une personne constituerait une atteinte à la liberté de mouvement qui devrait être motivée à suffisance, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.
Sur le fondement du paragraphe (3) dudit article 120, le demandeur affirme que le maintien de la rétention serait conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement devrait être en cours ou exécuté avec toute la diligence requise, ce qui impliquerait que le ministre serait dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.
Dans ce contexte, il reproche au ministre de le retenir au Centre de rétention, alors qu’il n’existerait, à l’heure actuelle, aucune perspective d’éloignement vers son pays d’origine, de sorte que se poserait la question de savoir comment le ministre pourrait exécuter cette mesure d’éloignement dans un délai raisonnable et endéans la durée maximale de la mesure de rétention.
Le demandeur fait valoir que le maintien au Centre de rétention constituerait une mesure privative de liberté dont la durée devrait être réduite au strict minimum et qu’il ne devrait pas être retenu au Centre de rétention en attendant l’exécution de la mesure d’éloignement.
Enfin, le demandeur estime que son placement au Centre de rétention serait disproportionné au regard de sa situation personnelle et de son comportement.
A cet égard, il donne à considérer qu’il aurait travaillé en tant que … auprès du … du 1er septembre 2020 au 31 mars 2021 et qu’il se serait engagé en tant que bénévole auprès de l’association sans but lucratif « … a.s.b.l. » à partir du mois d’octobre 2021. Il ajoute qu’il aurait la possibilité d’habiter chez sa conjointe, Madame …, laquelle serait propriétaire d’un logement à … et disposerait, compte tenu de son salaire mensuel de 4.600,- euros, de moyens financiers suffisants pour le prendre en charge.
Finalement, il fait valoir que le ministre aurait dû appliquer, conformément à l’article 125 de la loi du 29 août 2008, des mesures moins coercitives en l’assignant à résidence dans un lieu qu’il aurait fixé avec l’obligation de se présenter régulièrement à des intervalles à fixer auprès de ses services ou de toute autre autorité désignée.
Le demandeur conclut que son maintien au Centre de rétention ne serait pas justifié, de sorte que la décision ministérielle du 31 janvier 2024 serait à réformer.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour n’être fondé en aucun de ses moyens.
En présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n’est pas lié par l’ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant, de manière que les moyens tenant à la validité formelle d’une décision doivent être examinés, dans une bonne logique juridique, avant ceux portant sur son caractère justifié au fond.
En ce qui concerne tout d’abord la légalité externe de l’arrêté ministériel litigieux, et plus particulièrement le reproche non autrement circonstancié d’une insuffisance de la motivation fournie par le ministre, il convient de souligner que ces développements sont à rejeter pour ne pas être fondés, étant donné qu’aucun texte légal ou réglementaire n’exige l’indication formelle des motifs se trouvant à la base d’une décision de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé - l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en vertu duquel certaines catégories de décisions doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, n’étant pas applicable à une telle décision -, de sorte que le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision litigieuse.
Le moyen afférent est partant à rejeter pour ne pas être fondé.
Quant à la légalité interne de la décision de placement litigieuse, le tribunal relève qu’aux termes de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.
Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement […] ».
Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire ».
L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à la disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.
En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.
En l’espèce, le tribunal constate que le demandeur se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg, pour avoir fait l’objet, en date du 3 mars 2021, d’une décision de retour, laquelle est entretemps coulée en force de chose décidée, ainsi que d’une interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de trois ans en date du 31 janvier 2024 – décision qui est exécutoire et bénéficie de la présomption de légalité attachée à tout acte administratif –, qu’il ne dispose ni d’un visa, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail.
Il s’ensuit qu’il existe, dans le chef du demandeur, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), numéro 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé […] si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », étant précisé que, parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévu au paragraphe (2), numéro 3. de la disposition légale en question.
Dès lors, le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur au Centre de rétention afin d’organiser son éloignement, le demandeur n’ayant soumis aucun élément pertinent de nature à renverser la présomption de risque de fuite qui existe dans son chef. En effet, le seul fait que le demandeur affirme pouvoir habiter chez Madame … n’est pas suffisant pour renverser le risque de fuite présumé dans son chef, alors que s’il affirme certes qu’il serait en couple avec celle-ci, affirmation confirmée par la concernée dans le cadre d’une « attestation sur l’honneur », il reste toutefois en défaut de verser un quelconque élément au tribunal susceptible de laisser conclure à une relation stable et sérieuse, les deux intéressés n’ayant fourni aucun détail sur la relation amoureuse qui les lierait telle que la durée par exemple ou une éventuelle cohabitation antérieure. Bien au contraire, le demandeur n’a jamais même allégué habiter chez Madame …, mais a, après avoir logé dans un premier temps à Luxembourg Ville, …, et avoir quitté ledit logement sans laisser d’adresse, affirmé par la suite, dans le cadre de son bénévolat auprès de l’association sans but lucratif « … a.s.b.l. » habiter à …. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces soumises au tribunal que le logement de Madame … lui permettrait effectivement d’accueillir le demandeur, la surface dudit logement ayant été expressément occultée dans l’extrait de l’acte de vente soumis au tribunal. Il échet encore de relever qu’il ne résulte pas des pièces soumises au tribunal que Madame … disposerait de ressources financières suffisantes pour prendre en charge le demandeur, une simple copie d’une fiche de paie étant, faute d’une énumération du moins succincte des frais mensuels auxquels elle doit faire face, insuffisante à cet égard.
S’agissant ensuite de l’affirmation du demandeur selon laquelle il aurait dû bénéficier de mesures moins coercitives, telles que visées à l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, et notamment d’une assignation à résidence, le tribunal relève que cette disposition légale dispose que : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) [de la loi du 29 août 2008].
On entend par mesures moins coercitives :
a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;
b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.
La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;
c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.
Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné ».
Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes.1 En l’espèce, tel que relevé ci-avant, le demandeur n’a pas soumis au tribunal d’éléments de nature à renverser la présomption d’un risque de fuite existant dans son chef. Il est, par ailleurs, constant qu’il ne dispose d’aucun domicile fixe déclaré au Luxembourg et il n’a présenté aucun élément pertinent permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose. En effet, et tel que retenu ci-avant, l’affirmation de Monsieur … qu’il pourrait habiter chez Madame … n’est, faute de preuve, voire même d’un début de preuve en ce qui concerne la stabilité et le sérieux de la relation amoureuse qui le lierait à celle-ci et à défaut de pièces pouvant amener à conclure que le domicile de Madame … s’apprête à la cohabitation de deux personnes et que celle-ci dispose de ressources financières suffisantes pour l’accueillir, pas de nature à retenir dans le chef de l’intéressé des garanties de représentation suffisantes.
Il suit des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 ne sauraient être efficacement appliquées en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à écarter.
En ce qui concerne, finalement, les diligences concrètement entreprises par le ministre pour procéder à l’éloignement du demandeur et ainsi écourter la durée de son placement en rétention, le tribunal constate que dès le lendemain du placement au Centre de rétention du demandeur, les services du ministre se sont adressés au Consulat Général du Maroc à Liège pour obtenir un laissez-passer en faveur de l’intéressé, tout en y joignant un jeu d’empreintes digitales, ainsi que deux photos d’identité et une copie de son passeport.
Dans ces conditions, le tribunal retient que les démarches engagées par les autorités luxembourgeoises ainsi dépeintes doivent être considérées, à l’heure actuelle, comme étant suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008, de sorte que c’est à tort que le demandeur, d’une part, reproche un manque de diligences aux autorités luxembourgeoises, et, d’autre part, estime qu’il n’y aurait pas de chance raisonnable de croire 1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 947 et les autres références y citées.
que son éloignement puisse être mené à bien, étant précisé que lesdites autorités sont désormais tributaires de la collaboration des autorités marocaines sollicitées.
Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le tribunal conclut que contrairement à l’argumentation du demandeur, la mesure de placement en rétention litigieuse n’est pas disproportionnée et qu’en l’état actuel du dossier et en l’absence de moyens à soulever d’office, il ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité, ni le bien-
fondé de la décision déférée.
Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
condamne le demandeur aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 février 2024 par :
Thessy Kuborn, premier vice-président, Laura Urbany, premier juge, Sibylle Schmitz, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 21 février 2024 Le greffier du tribunal administratif 8