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20/03/2024 | LUXEMBOURG | N°50184

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 mars 2024, 50184


Tribunal administratif Numéro 50184 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50184 1re chambre Inscrit le 12 mars 2024 Audience publique du 20 mars 2024 Recours formé par Monsieur …, connu sous différents alias, Findel, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50184 du rôle et déposée le 12 janvier 2024 au greffe du tribunal administratif

par Maître Zohra Belesgaa, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avo...

Tribunal administratif Numéro 50184 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50184 1re chambre Inscrit le 12 mars 2024 Audience publique du 20 mars 2024 Recours formé par Monsieur …, connu sous différents alias, Findel, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50184 du rôle et déposée le 12 janvier 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Zohra Belesgaa, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Tunisie) et être de nationalité tunisienne, connu sous différents alias, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 28 février 2024 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 mars 2024 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Zohra Belesgaa et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 20 mars 2024.

Il ressort de six rapports de la police grand-ducale des 3 et 26 octobre, 28 novembre, 19, 28 et 29 décembre 2023, qu’à ces dates, Monsieur …, connu sous différents alias, ci-après désigné par « Monsieur … », fit l’objet de contrôles policiers lors desquels il ne put présenter de documents d’identité ou de voyage valables.

Par arrêté du 29 décembre 2023, notifié à l’intéressé à la même date, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », déclara irrégulier le séjour de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois et lui ordonna de le quitter sans délai, tout en lui interdisant l’entrée sur ledit territoire pour une durée de trois ans.

Par arrêté séparé du même jour, notifié à l’intéressé à la même date, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et les considérations suivants :

« […] Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le rapport no 11111-3100 du 29 décembre 2023 établi par la Police grand-ducale, unité UGAO-GGT ;

Vu ma décision de retour du 29 décembre 2023, lui notifiée le même jour, assortie d'une interdiction d'entrée de 3 ans ;

Considérant que l'intéressé est démuni de tout document d'identité et de voyage valable ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu'il ne dispose pas d'une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant que l'intéressé évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d'éloignement ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'identification et de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Par arrêté du 25 janvier 2024, notifié à l’intéressé en date du 29 janvier 2024, le ministre prorogea la mesure de placement initiale au Centre de rétention de Monsieur … pour une nouvelle durée d’un mois avec effet à partir de la notification de la décision en question.

Par jugement du tribunal administratif du 7 février 2024, portant le numéro 50018 du rôle, Monsieur … fut débouté de son recours contentieux introduit le 31 janvier 2024 à l’encontre de l’arrêté ministériel, précité, du 25 janvier 2024.

Par arrêté du 28 février 2024, notifié à l’intéressé le lendemain, le ministre prorogea à nouveau le placement au Centre de rétention de Monsieur … pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et les considérations suivants :

« […] Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mes arrêtés des 29 décembre 2023 et 25 janvier 2024, notifiés le 29 décembre 2023 respectivement le 29 janvier 2024, décidant de soumettre l'intéressé à une mesure de placement ;

Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 29 décembre 2023 subsistent dans le chef de l'intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l'identification de l'intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que ces démarches n'ont pas encore abouti ;

Considérant qu'il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l'exécution de la mesure d'éloignement ; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 12 mars 2024, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 28 février 2024.

Etant donné que l’article 123 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, le demandeur expose les faits et rétroactes relevés ci-avant.

Il fait ensuite valoir qu’une mesure de placement en rétention s'analyserait en une mesure administrative privative de liberté de mouvement et que le maintien en rétention serait conditionné par le fait que le dispositif d'éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise.

Dans ce contexte, il précise que le ministre serait obligé, conformément aux articles 120 (1) et 120 (3) de la loi du 29 août 2008, d'entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l'éloignement dans les meilleurs délais.

Il soutient qu’en l’espèce, depuis le jugement du tribunal administratif du 7 février 2024, précité, les autorités luxembourgeoises n’auraient contacté les autorités tunisiennes qu’à une seule reprise, à savoir le 21 février 2024 et qu’à ce jour, ces dernières n’auraient toujours pas confirmé ses identité et nationalité, de sorte que tout porterait à penser que l’éloignement ne pourrait être mené à son terme dans un délai raisonnable.

Le tribunal relève qu’aux termes de l’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118, […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120 (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120 (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

En l’espèce, le tribunal constate qu’il est constant que le demandeur, qui a fait l’objet d’une décision de retour en date du 29 décembre 2023, se trouve en situation de séjour irrégulier au Luxembourg.

Etant donné qu’à cette dernière date, il a encore fait l’objet d’une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée de trois ans, il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111 (3) c), point 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé […] s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », étant précisé, à cet égard, que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévue au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question.

Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120 (1) précité de la loi du 29 août 2008, placer et maintenir l’intéressé en rétention afin d’organiser son éloignement.

En ce qui concerne ensuite les contestations du demandeur quant aux démarches entreprises par le ministre en vue de procéder à son éloignement, le tribunal a constaté dans son jugement, précité, du 7 février 2024, (i) que les autorités luxembourgeoises avaient effectué en date du 6 octobre 2023 une recherche au sujet du demandeur dans la base de données Eurodac, n’ayant abouti à aucun résultat, (ii) qu’elles avaient effectué une recherche dans la base de données SIS en date du 29 décembre 2023 ayant révélé que le demandeur faisait l’objet en Italie d’un refus d’entrée et de séjour sur le territoire, (iii) qu’en réponse à une demande adressée par la police grand-ducale au Centre de coopération policière et douanière en date du 3 janvier 2024, les autorités belges et allemandes avaient répondu que le demandeur était inconnu par leurs fichiers, tandis que les autorités françaises avaient répondu que le demandeur était « connu au fichier des étrangers sous le numéro […] sans plus de précisions », (iv) que les autorités ministérielles luxembourgeoises avaient contacté par courrier électronique le Consulat Général du Tunisie à Bruxelles pour demander aux autorités consulaires de procéder à l’identification du demandeur et pour solliciter un laissez-passer à son nom en vue d’un éloignement vers la Tunisie et (v) que par courrier électronique du 24 janvier 2024, un agent ministériel luxembourgeois de la direction générale de l’Immigration avait recontacté les autorités consulaires tunisiennes pour s’enquérir de l’avancement du dossier du demandeur.

Dans le même jugement, le tribunal a conclu que les démarches ainsi entreprises à l’époque par l’autorité ministérielle luxembourgeoise devaient être considérées comme étant suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008.

Quant aux démarches accomplies depuis lors, le tribunal constate que les 7 et 21 février, ainsi que le 6 mars 2024, les autorités luxembourgeoises ont adressé des rappels à leurs homologues tunisiens en les priant de bien vouloir les renseigner sur l’état d’avancement du dossier.

Dans ces conditions, le tribunal est amené à retenir qu’en l’état actuel du dossier et au vu des éléments soumis à son appréciation, les démarches entreprises en l’espèce doivent être considérées comme suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008 et que les contestations du demandeur y relatives sont à rejeter.

Il en est de même en ce qui concerne l’argumentation du demandeur ayant trait à l’absence de perspective d’éloignement, étant donné qu’il ne se dégage d’aucun élément de la cause que les démarches ainsi accomplies par l’autorité ministérielle luxembourgeoise seraient vouées à l’échec, de sorte qu’il n’est pas établi qu’il n’existerait, en l’espèce, pas de chances raisonnables de croire que l’éloignement puisse être mené à bien.

Eu égard aux développements qui précèdent, en l’état actuel du dossier et à défaut d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée, de sorte que le recours sous analyse est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 20 mars 2024 par :

Daniel Weber, vice-président, Michèle Stoffel, vice-président, Michel Thai, juge, en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana Poiani s. Daniel Weber Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20 mars 2024 Le greffier du tribunal administratif 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 50184
Date de la décision : 20/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-03-20;50184 ?

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