Tribunal administratif N° 47036 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47036 3e chambre Inscrit le 18 février 2022 Audience publique du 27 mars 2024 Recours formé par la société civile immobilière … SCI et consort, …, contre une délibération du conseil communal de la Ville de Luxembourg et contre une décision du ministre de l’Intérieur, en matière de plan d’aménagement particulier
___________________________________________________________________________
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 47036 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 février 2022 par Maître Frank WIES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de :
1) la société civile immobilière … SCI, établie et ayant son siège social à L-…, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, et 2) Madame …, demeurant à L-… ;
tendant à l’annulation de :
« 1) la délibération du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 16 juillet 2021 portant adoption du projet d’aménagement particulier « Nei Hollerich », 2) la décision d’approbation rendue par la Ministre de l’Intérieur, en date du 14 octobre 2021 et publiée le 20 novembre 2021, concernant le projet d’aménagement particulier de la Ville de Luxembourg « Nei Hollerich », portant sur des fonds situés à Luxembourg-Gare / Luxembourg-Hollerich » ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Michèle BAUSTERT, huissier de justice suppléant, en remplacement de l’huissier de justice Cathérine NILLES, demeurant à Luxembourg, du 23 février 2022, portant signification de ce recours à l’administration communale de la Ville de Luxembourg, établie à l’Hôtel de Ville sis à L-2090 Luxembourg, 42, Place Guillaume II, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 7 mars 2022 par la société anonyme ARENDT & MEDERNACH SA, inscrite au barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-2082 Luxembourg, 41A, avenue J.F.
Kennedy, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B186371, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Christian POINT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 2 1mai 2022 par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu le mémoire en réponse de Maître Albert RODESCH déposé au greffe du tribunal administratif le 17 mai 2022, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu le mémoire en réponse de la société anonyme ARENDT & MEDERNACH SA déposé au greffe du tribunal administratif le 23 mai 2022, au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg, préqualifiée ;
Vu le mémoire en réplique de Maître Frank WIES déposé au greffe du tribunal administratif le 17 juin 2022, au nom de la société civile immobilière … SCI et de Madame …, préqualifiées ;
Vu le mémoire en duplique de Maître Albert RODESCH déposé au greffe du tribunal administratif le 16 septembre 2022, au nom de l’Etat de Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu le mémoire en duplique de la société anonyme ARENDT & MEDERNACH SA déposé au greffe du tribunal administratif le 20 septembre 2022, au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg, préqualifiée ;
Vu la constitution de nouvel avocat déposée au greffe du tribunal administratif le 18 novembre 2022 par la société à responsabilité limitée RODESCH Avocats à la Cour SARL, inscrite au Barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-1470 Luxembourg, 7-
11, route d’Esch, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B265322, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Albert RODESCH, préqualifié, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu la requête en permission d’intervenir volontairement déposée en date du 24 mai 2023 au greffe du tribunal administratif par la société anonyme ELVINGER HOSS PRUSSEN SA, établie et ayant son siège social à L-1340 Luxembourg, 2, place Winston Churchill, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B209469, inscrite au barreau de Luxembourg, représentée aux fins de la procédure par Maître Nathalie PRÜM-CARRE, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom 1) de la société anonyme … SA, établie et ayant son siège social à L-…, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions et 2) de la société à responsabilité limitée … SARL, établie et ayant son siège social à L-…, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son gérant actuellement en fonctions, déclarant vouloir intervenir dans l’instance introduite par le recours en annulation portant le numéro de rôle 47036, prédécrit, les motifs y déduits, ensemble l’article 20 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Josiane GLODEN, huissier de justice demeurant à Esch-sur-Alzette, du 26 mai 2023, portant signification de cette requête en permission d’intervenir volontairement à la société civile immobilière … SCI, à Madame … et à l’administration communale de la Ville de Luxembourg, préqualifiées ;
2Vu les courriers électroniques de la société anonyme ARENDT & MEDERNACH SA, de la société à responsabilité limitée RODESCH Avocats à la Cour SARL et de Maître Frank WIES envoyés au greffe du tribunal administratif en date des 26 mai 2023 et 7 juin 2023 pour déclarer qu’ils ne contestaient pas la recevabilité de la requête en permission d’intervenir volontairement ;
Vu l’ordonnance du vice-président, présidant la deuxième chambre du tribunal administratif, du 15 juin 2023, (i) permettant à la société anonyme … SA et à la société à responsabilité limitée … SARL, préqualifiées, d’intervenir volontairement dans l’affaire portant le numéro 47036 du rôle et les autorisant à produire un mémoire à déposer au tribunal administratif jusqu’au 27 octobre 2023, (ii) ordonnant aux parties demanderesses au principal de notifier tous les actes de procédure, ainsi que toutes les pièces échangées aux parties intervenantes en leur domicile élu jusqu’au 22 juin 2023 et (iii) fixant le délai pour permettre aux parties demanderesses au principal, à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg et à l’administration communale de la Ville de Luxembourg de répondre à la requête en permission d’intervenir volontairement et au mémoire déposé en cause par les parties intervenantes jusqu’au 24 novembre 2023 ;
Vu le mémoire en intervention de la société anonyme ELVINGER HOSS PRUSSEN SA déposé au greffe du tribunal administratif le 25 octobre 2023, au nom de la société anonyme … SA et de la société à responsabilité limitée … SARL, préqualifiées ;
Vu le mémoire intitulé « MEMOIRE ADDITIONNEL suite au mémoire de mise en intervention de Me Prüm du 25.10.2023 » déposé au greffe du tribunal administratif le 23 novembre 2023 par la société à responsabilité limitée RODESCH Avocats à la Cour SARL, au nom de l’Etat de Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 24 novembre 2023 par la société anonyme ARENDT & MEDERNACH SA, au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;
Vu le courrier du 2 janvier 2024 de Maître Frank WIES, préqualifié, par lequel il a informé le tribunal du dépôt de son mandat ;
Vu la constitution de nouvel avocat à la Cour notifiée au greffe du tribunal administratif le 19 janvier 2024 par Maître Amélie BAGNES, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société civile immobilière … SCI et de Madame …, préqualifiées ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Julie GARDINETTI, en remplacement de Maître Amélie BAGNES, Maître Rachel JAZBINSEK, en remplacement de Maître Albert RODESCH, Maître Christophe DE BATZ, en remplacement de Maître Christian POINT et Maître Georges GRATIA, en remplacement de Maître Nathalie PRÜM-CARRE, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 20 février 2024.
___________________________________________________________________________
Par courrier daté du 7 décembre 2020, réceptionné en date du 11 décembre 2020, la société à responsabilité limitée … SARL soumit au collège des bourgmestre et échevins de 3l’administration communale de la Ville de Luxembourg, ci-après dénommé « le collège des bourgmestre et échevins », un projet d’aménagement particulier dénommé « Nei Hollerich », concernant un ensemble de terrains situé à Luxembourg-Gare et Luxembourg-Hollerich, délimité par la place de la Gare, la rue de Hollerich, la route d’Esch et la ligne ferroviaire vers Arlon, d’une contenance totale d’environ 20,53 hectares, pour le compte du groupement d’intérêt économique ….
Par avis du 27 mars 2021, le collège des bourgmestre et échevins informa le public du fait que la procédure d’adoption de ce projet d’aménagement particulier venait d’être entamée, que ledit projet serait déposé pendant trente jours à la maison communale, où le public pourrait en prendre connaissance, et que durant ce délai, les observations et objections contre le projet en question devraient lui être présentées par écrit sous peine de forclusion.
Par courrier du 29 mars 2021, le collège des bourgmestre et échevins transmit à la cellule d’évaluation instituée auprès de la direction de l’aménagement communal et du développement urbain du ministère de l’Intérieur, ci-après désignée par « la cellule d’évaluation », ledit projet d’aménagement particulier en vue de l’établissement de son avis, conformément aux dispositions de l’article 30 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après désignée « la loi du 19 juillet 2004 ».
Par courrier du même jour, le bourgmestre de l’administration communale de la Ville de Luxembourg transmit le projet d’aménagement particulier à la Division de l’Inspection Sanitaire en vue de recueillir son avis, conformément aux dispositions de l’article 9 de la loi modifiée du 21 novembre 1980 portant organisation de la direction de la santé.
Par avis daté du 1er avril 2021, la direction de la Santé près le Ministère de la Santé avisa favorablement le projet.
Par courrier électronique du 27 avril 2021, la société civile immobilière … SCI soumit au collège des bourgmestre et échevins des objections et observations par rapport audit projet d’aménagement particulier.
Le 29 avril 2021, la cellule d’évaluation émit son avis concernant ce projet d’aménagement particulier.
Par courrier daté du 30 avril 2021, le bourgmestre de l’administration communale de la Ville de Luxembourg accusa réception des prédites objections et observations de la société civile immobilière … SCI.
Lors de sa séance publique du 16 juillet 2021, le conseil communal de l’administration communale de la Ville de Luxembourg, ci-après désigné par « le conseil communal », décida, avec 15 voix pour, 2 voix contre et 8 abstentions, notamment, d’adopter « le projet d’aménagement particulier « nouveau quartier » dénommé « Nei Hollerich » sous sa forme revue et complétée » et de prendre « acte des réclamations introduites qui ne donnent pas lieu à modification du projet ».
Par décision du 14 octobre 2021, le ministre de l’Intérieur, ci-après désigné par « le ministre », approuva ladite délibération du conseil communal du 16 juillet 2021.
4Par avis du 20 novembre 2021, le collège des bourgmestre et échevins porta cette décision à la connaissance du public.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 18 février 2022, la société civile immobilière … SCI et Madame … ont fait introduire un recours tendant à l’annulation, d’une part, de la délibération du conseil communal du 16 juillet 2021 portant adoption du projet d’aménagement particulier « Nei Hollerich » et, d’autre part, de la susdite décision ministérielle du 14 octobre 2021 approuvant la prédite délibération du conseil communal.
I.
Quant à la compétence du tribunal Concernant la compétence d’attribution du tribunal administratif, il convient de relever que, d’une part, les décisions sur les projets d’aménagement, lesquelles ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des terrains qu’ils concernent et le régime des constructions à y ériger, ont un caractère réglementaire1.
Il s’ensuit qu’en application de l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », un recours en annulation a valablement pu être introduit à l’encontre des actes déférés.
II.
Quant à la loi applicable Le tribunal précise ensuite que la procédure d’adoption d’un plan d’aménagement particulier, ci-après désigné « PAP », est prévue par la loi du 19 juillet 2004. Or, celle-ci a été modifiée à plusieurs reprises et dernièrement (i) par une loi du 28 juillet 2011 entrée en vigueur, en application de son article 45, en date du 1er août 2011, (ii) par la loi du 30 juillet 2013 concernant l’aménagement du territoire, publiée au Mémorial A, n° 160 du 6 septembre 2013, (iii) par la loi du 14 juin 2015 portant modification de l’article 108 de la loi modifiée du 19 juillet 2004, publiée au Mémorial A, n° 113 du 17 juin 2015, (iv) par la loi du 3 mars 2017 dite « Omnibus », entrée en vigueur, en application de son article 76, le 1er avril 2017, (v) par la loi du 17 avril 2018 concernant l’aménagement du territoire, (vi) par la loi du 18 juillet 2018 portant modification de l’article 108 de la loi modifiée du 19 juillet 2004, (vii) par la loi du 30 juillet 2021 relative au Pacte logement avec les communes en vue d’augmenter l’offre de logements abordables et durables et (viii) par la loi du 7 août 2023 relative au logement abordable.
Etant donné, d’une part, que le tribunal vient de retenir que seul un recours en annulation a pu être introduit à l’encontre des actes déférés et, d’autre part, que dans le cadre d’un tel recours, le juge administratif est amené à apprécier la légalité des actes déférés en considération de la situation de droit et de fait ayant prévalu au jour où ils ont été pris et qu’en l’espèce, le projet d’aménagement particulier « Nei Hollerich » a été approuvé par le conseil communal le 16 juillet 2021, la version de la loi du 19 juillet 2004 applicable au présent litige est celle résultant des modifications opérées par les lois des 28 juillet 2011, 30 juillet 2013, 14 juin 2015, 3 mars 2017, 17 avril 2018, 18 juillet 2018 et 30 juillet 2021.
1 Cour adm. 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Actes réglementaires, n° 59 et les autres références y citées.
5III.
Quant à la recevabilité du recours A.
Quant à la recevabilité du recours introduit par Madame … Dans son mémoire en réponse, l’administration communale de la Ville de Luxembourg, ci-après désignée par « l’administration communale » ou « la Ville de Luxembourg », soutient que Madame … ne serait pas propriétaire de la parcelle sise à L-… et conclut à l’irrecevabilité du recours dans son chef pour défaut de qualité pour agir, sinon pour défaut d’intérêt à agir, en se prévalant en particulier d’un arrêt rendu le 15 février 2022 par la Cour administrative et inscrit sous le numéro de rôle 46375C.
Dans son mémoire en réplique, Madame … conteste l’argumentation développée à ce titre par l’administration communale en faisant valoir qu’elle aurait non seulement établi son domicile privé dans l’immeuble sis à L-…, mais aussi et surtout qu’elle détiendrait, à travers une combinaison de participations directes et indirectes, l’intégralité des parts sociales de la société civile immobilière … SCI, ci-après désignée par « la société … », et en serait ainsi le bénéficiaire effectif, ce qui suffirait à établir sa qualité pour agir et son intérêt à agir.
Dans son mémoire en duplique, l’administration communale réfute ces arguments en faisant valoir que le montage juridique et financier par lequel Madame … serait indirectement propriétaire de l’immeuble sis à L-…, par l’entremise de ses sociétés, ne saurait fonder sa qualité pour agir, respectivement un intérêt à agir dans son chef. L’administration communale ajoute qu’un droit de propriété serait un droit attaché à la personnalité juridique, qu’elle soit physique ou morale, et qu’une personne morale disposerait dès lors d’un patrimoine qui lui serait propre et qui serait distinct du patrimoine de la ou des personnes composant son actionnariat et ce, indifféremment du fait que le capital de cette personne morale soit ultimement détenu par une personne physique. Dans la mesure où l’immeuble concerné relèverait du patrimoine de la société … et non de celui de Madame …, l’administration communale estime ainsi que cette dernière ne disposerait d’aucune qualité pour agir, respectivement d’aucun intérêt à agir, de sorte que son recours devrait être déclaré irrecevable.
Dans ce contexte, le tribunal a encore soulevé d’office la question de la recevabilité omisso medio du recours introduit par Madame … lors de l’audience des plaidoiries du 20 février 2024.
A titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante des juridictions administratives que le recours introduit devant le juge administratif contre un projet d’aménagement général communal n’est recevable qu’à condition de l’épuisement de la procédure non contentieuse de réclamation, entraînant qu’en particulier l’omission d’emprunter la voie de la réclamation à adresser au gouvernement à l’encontre de la délibération portant adoption d’un projet entraîne l’irrecevabilité omisso medio du recours devant le juge administratif. Il ressort de cette même jurisprudence qu’en contrepartie, peu importe que cette réclamation ait été déclarée irrecevable ou non fondée par le ministre, le réclamant en question dispose d’un intérêt à voir vérifier la légalité de la décision ministérielle prise à son encontre et, plus loin, de la délibération communale ainsi approuvée, de sorte que son recours en annulation est recevable sous l’aspect de l’intérêt à agir au-delà de toutes autres considérations fussent-elles du domaine politique. Dès lors, le fait même pour le ministre d’avoir statué sur une réclamation en la déclarant recevable mais en l’écartant au fond, suffit pour fonder l’intérêt à agir dudit réclamant. Celui-ci doit pouvoir faire contrôler la légalité de la décision ministérielle prise à son égard, à l’aboutissement de la procédure non contentieuse 6d’adoption sinon de modification du PAG dont s’agit sous peine de ne pas disposer d’un recours effectif en la matière. Dès lors, la simple qualité de réclamant débouté suffit en la matière pour le demandeur, pour fonder son intérêt à agir au contentieux2.
Cette même jurisprudence constante en matière de PAG a été retenue en matière de PAP3.
En effet, dans un arrêt du 20 juin 20194, la Cour administrative a retenu qu’ « En matière de PAP, la procédure d’aplanissement des difficultés a été simplifiée par la loi du 28 juillet 2011, essentiellement pour des raisons de rapidité et de simplification administrative, de sorte à ne plus comporter qu’une objection devant le conseil communal sans passage par une réclamation devant le ministre de l’Intérieur. Même en présence de cette procédure d’aplanissement des difficultés simplifiée, il y a lieu de maintenir le lien systémique entre celle-
ci et l’appréciation de l’intérêt à agir au niveau contentieux. Ainsi, il faut et il suffit que l’administré ait parcouru toute la procédure d’aplanissement des difficultés devant le conseil communal pour qu’au niveau contentieux un intérêt à agir suffisant lui soit reconnu de ce seul fait, ses doléances n’ayant, par hypothèse, pas été entièrement accueillies au niveau précontentieux. ».
Le tribunal précise dans ce contexte qu’à travers l’article 30 de la loi du 19 juillet 2004, le législateur a organisé une procédure précontentieuse de réclamation comprenant, à la différence de celle applicable en matière de PAG, une seule étape. Ainsi, l’article 30, alinéas 5 et 6 de ladite loi du 19 juillet 2004 prévoit que le projet d’aménagement particulier fait l’objet d’une publication, comprenant, notamment, le dépôt du projet pendant trente jours à la maison communale où le public peut en prendre connaissance, ainsi que des mesures de publicité de ce dépôt. L’alinéa 8 de l’article 30, précité, de la loi du 19 juillet 2004 prévoit que « Dans le délai de trente jours de la publication du dépôt du projet dans les quatre quotidiens publiés et imprimés au Grand-Duché de Luxembourg, les observations et objections contre le projet doivent, sous peine de forclusion, être présentées par écrit au collège des bourgmestre et échevins par les personnes intéressées. », tandis que l’alinéa suivant de la même disposition légale précise que le projet est ensuite soumis par le collège des bourgmestre et échevins, avec, notamment, les observations et les objections, au vote du conseil communal, régi par les alinéas 10 et 11 dudit article 305. La décision du conseil communal portant adoption du projet d’aménagement particulier est, par la suite, soumise au ministre pour approbation, en vertu de l’alinéa 12 de l’article 30, précité, de la loi du 19 juillet 2004. Le recours introduit devant le juge administratif contre un PAP n’est donc recevable qu’à condition de l’épuisement de la procédure non contentieuse de réclamation ainsi mise en place par l’article 30 de cette même loi, impliquant en particulier que l’omission d’emprunter la voie de la réclamation à adresser 2 En ce sens : Cour adm., 19 janvier 2012, n° 28915C du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu; voir aussi : Trib.
adm., 24 mars 2004, n° 16556 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Urbanisme, n° 342 et les autres références y citées.
3 Trib. adm., 1er août 2018, n° 37781 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 124 et les autres références y citées.
4 Cour adm., 20 juin 2019, n° 42280C du rôle, Pas. adm., 2022, V° Urbanisme, n° 725.
5 Art. 30, al. 10 et 11 de la loi du 19 juillet 2004 : « Le conseil communal décide de la recevabilité en la forme et quant au fond des observations et objections présentées au collège des bourgmestre et échevins et peut, soit adopter le projet d’aménagement particulier dans sa présentation originale, soit y apporter des modifications répondant à l’avis de la cellule d’évaluation et aux observations et objections, soit rejeter le projet. Dans ce dernier cas, le dossier est clôturé. Si le conseil communal souhaite apporter au projet des modifications nouvelles autres que celles visées à l’alinéa précédent, il doit recommencer la procédure prévue aux alinéas 1 et suivants. ».
7au collège des bourgmestre et échevins à l’encontre du projet d’aménagement particulier entraîne l’irrecevabilité omisso medio du recours devant le juge administratif6.
En l’espèce, il est constant en cause, pour ressortir des pièces soumises au tribunal, que la société … est propriétaire de la parcelle sise à L-…, inscrite au cadastre de la commune de Luxembourg, section HoA de Hollerich, sous le numéro ….
Force est ensuite de constater qu’il ne ressort ni des documents soumis au tribunal ni des explications fournies par les parties demanderesses lors des plaidoiries que Madame … aurait, en son nom propre, présenté des observations ou objections au sens de l’article 30 de la loi du 19 juillet 2004 au collège des bourgmestre et échevins à l’encontre du projet d’aménagement particulier litigieux.
En effet, il ressort du courrier électronique émis le 27 avril 2021 par Madame … que les objections y contenues ont été formulées au nom et pour compte de la société …, ladite société étant en effet expressément décrite dans ledit courrier comme agissant en qualité de propriétaire de la parcelle sise à L-…. Il échet en outre de constater qu’aucun autre courrier contenant des observations ou objections soumises au collège échevinal dans le cadre de la procédure précontentieuse relative à l’adoption du projet d’aménagement particulier « Nei Hollerich » n’a été versé en cause par les parties demanderesses.
Si Madame … est certes l’administrateur unique de la société anonyme … SA, société qui est elle-même gérant unique de la société … et que cette dernière a effectivement introduit des objections auprès du collège des bourgmestre et échevins, il n’en demeure pas moins que Madame … et la société … constituent deux personnalités juridiques distinctes, de sorte qu’une objection introduite par la société …, même rédigée sous la plume de Madame …, n’est pas à considérer comme objection introduite par cette dernière en son nom personnel.
L’argumentation développée par le litismandataire de Madame … sur ce point à l’audience du 20 février 2024 et les pièces versées par ses soins ne sont pas de nature à contredire cette conclusion.
Le tribunal est donc amené à retenir que Madame … n’a pas introduit une observation ou objection au collège des bourgmestre et échevins au sens de l’article 30 de la loi du 19 juillet 2004, de sorte que - et indépendamment de la question de sa qualité pour agir ou de son intérêt à agir -, son recours est à déclarer irrecevable omisso medio.
B.
Quant à la recevabilité du recours introduit par la société … L’administration communale se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité du recours quant à la forme et au délai. La partie étatique se rapporte de son côté à prudence de justice quant à la recevabilité du recours, sans autre précision.
S’il est exact que le fait, pour une partie, de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation7, il n’en reste pas moins qu’une contestation non autrement étayée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer la carence des parties et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de 6 P. ex. : trib. adm. 10 juillet 2014, n° 32627 du rôle, confirmé par Cour adm. 4 juin 2015, n° 35035C du rôle, Pas.
adm. 2021, V° Urbanisme, n° 716 et les autres références y citées.
7 Trib. adm., 27 octobre 2004, n° 17634 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Procédure contentieuse, n° 842 et les autres références y citées.
8leurs conclusions8. Dès lors et dans la mesure où l’administration communale, respectivement la partie étatique, sont restées en défaut d’expliquer en quoi le recours introduit par la société demanderesse serait irrecevable quant au délai et à la forme, respectivement pour une autre raison non étayée, leurs contestations afférentes encourent le rejet.
Le recours de la société … est partant à déclarer recevable, pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, étant encore précisé à cet égard, en ce qui concerne les développements de l’administration communale relatifs au caractère circonscrit du recours, que c’est à bon droit que celle-ci fait valoir que l’ensemble des moyens invoqués par la société demanderesse ne concernent que les seuls lots 2.1, 2.2, 2.3 et 4.1 du PAP « Nei Hollerich », de sorte qu’en cas d’annulation prononcée par le tribunal, celle-ci se limiterait tout au plus à ces quatre lots, sans affecter pour le surplus le restant dudit PAP.
IV.
Quant au défaut de signification du recours aux parties tierces intéressées Dans son mémoire en réponse, l’administration communale s’est rapportée à prudence de justice s’agissant de la nécessité de mettre en intervention dans le cadre du présent litige le groupement d’intérêt économique « Nei Hollerich », respectivement les entités le composant.
Suite à l’intervention volontaire dans la présente procédure des sociétés membres du groupement d’intérêt économique « Nei Hollerich », à savoir des sociétés … SA et … SARL, ce moyen est devenu sans objet.
V.
Quant au fond A l’appui de son recours, la société … invoque en premier lieu une violation de l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004, en argumentant que le PAP « Nei Hollerich » s’opposerait à un développement harmonieux des structures urbaines et rurales et au développement, dans ce cadre, d’une mixité et d’une densification permettant d’améliorer à la fois la qualité de vie de la population et la qualité urbanistique des localités et ne garantirait pas le respect du patrimoine culturel. A ce titre, la société demanderesse fait valoir que son immeuble sis à L-…, se situerait dans un secteur protégé d’intérêt communal « environnement construit - « C » », lequel serait défini à l’article 29 de la partie écrite du plan d’aménagement général de la Ville de Luxembourg comme étant constitué des « parties du territoire communal qui comprennent des immeubles ou parties d’immeubles dignes de protection et qui répondent à un ou plusieurs des critères suivants : authenticité de la substance bâtie, de son aménagement, rareté, exemplarité du type de bâtiment, importance architecturale, témoignage de l’immeuble pour l’histoire nationale, locale, sociale, politique, religieuse, militaire, technique ou industrielle ». La société demanderesse expose à cet égard que le PAP « Nei Hollerich » rendrait caduque la protection dont bénéficierait son immeuble à travers son classement dans le secteur protégé d’intérêt communal « environnement construit - C ».
La société demanderesse expose plus précisément que les hauteurs admises par le PAP « Nei Hollerich » pour les futurs immeubles à implanter sur les lots 2.1, 2.2, 2.3 et 4.1, soit le long de la rue de l’Aciérie, seraient excessives par rapport à la hauteur des bâtiments existants le long de la rue de l’Aciérie et de la rue Baudouin et en particulier par rapport à son propre immeuble, ce qui aurait pour effet de rompre « complètement avec la coutume architecturale 8 Trib. adm., 23 janvier 2013, n° 30455 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Procédure contentieuse, n° 842 et les autres références y citées.
9actuellement présente au sein du quartier » et conduirait à une absence d’intégration harmonieuse dans le tissu urbain environnant des nouvelles constructions à ériger dans le cadre du PAP « Nei Hollerich ». Dans ce contexte, elle argumente plus particulièrement que le lot 2.3 du PAP litigieux, qui se trouverait directement en face de son immeuble, se composerait de quatre sections, à savoir des sections 2.3.a, 2.3.b, 2.3.c et 2.3.d et que la hauteur des bâtiments dont la construction serait projetée dans ces sections pourrait atteindre jusqu’à 26 mètres. Elle en conclut que la hauteur des immeubles composant le lot 2.3 du PAP serait disproportionnée face aux « maisons ouvrières » de la rue Baudouin, dont la hauteur du toit au faitage ne dépasserait pas 10 mètres, respectivement que cette « écrasante différence de hauteur entre les futurs bâtiments et ceux existants, du simple au double » détruirait la qualité urbanistique des localités, l’historique du quartier, ainsi que le patrimoine culturel de la Ville de Luxembourg.
La société demanderesse conteste encore les arguments du service urbanisme de la Ville de Luxembourg formulés suite à ses objections et suivant lesquels (i) la hauteur des halls industriels ayant été érigés pendant des décennies le long de la rue de l’Aciérie - et bien qu’ils aient été démolis entretemps - aurait été prise comme référence et (ii) les hauteurs indiquées dans la partie graphique du PAP « Nei Hollerich » constitueraient des valeurs maximales comprenant une certaine marge.
Dans son mémoire en réponse, la partie étatique, après avoir rappelé que son rôle en sa qualité d’autorité de tutelle serait limité au vu du principe de l’autonomie communale et consisterait à vérifier que la décision de la commune en matière d’approbation d’un projet d’aménagement particulier ne violerait pas les dispositions de la loi et ses règlements et qu’elle ne serait pas contraire à l’intérêt général, conteste toute violation par la Ville de Luxembourg de l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004. A cet égard, la partie étatique fait valoir que la proximité d’un nouveau quartier avec un quartier protégé existant, de même que la hauteur des constructions projetées dans le cadre du PAP « Nei Hollerich » en comparaison avec la hauteur de la maison de la société demanderesse ne seraient pas de nature à caractériser une violation de l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004 et dès lors de l’intérêt général. La partie étatique reproche en outre à la société demanderesse de citer l’intégralité du prédit article sans identifier précisément quel objectif ne serait pas atteint, respectivement dans quelle mesure il ne serait pas atteint. La partie étatique ajoute que les décisions portant adoption d’un projet d’aménagement particulier seraient, dans leur essence même, prises dans l’intérêt général, cette caractéristique étant présumée jusqu’à preuve du contraire. La partie étatique conteste de surcroît le fait que la réalisation du nouveau quartier « Nei Hollerich » entraînerait une rupture avec l’urbanisme existant et cite dans ce contexte l’article 7 de la partie écrite du PAP « Nei Hollerich », aux termes duquel « Tous les travaux entrepris aux parties extérieures des immeubles doivent se faire dans le respect du style de l’immeuble, afin de garantir le maintien du patrimoine et une intégration harmonieuse et esthétiquement valable des édifices dans l’ensemble des immeubles voisins respectivement des constructions de la rue. » […] « Pour les nouvelles constructions admises, une architecture qui s’intègre harmonieusement dans l’environnement bâti est de mise. », pour en déduire que l’exigence d’une intégration harmonieuse serait inscrite dans le texte règlementaire. La partie étatique expose par ailleurs que le PAP « Nei Hollerich » répondrait à des objectifs de mixité de l’urbanisation et d’utilisation rationnelle du sol, tels que consacrés par l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004.
Après avoir fourni des explications sur la configuration des lieux et relevé en particulier que l’immeuble de la société demanderesse ne donnerait pas directement sur le site du PAP « Nei Hollerich », mais sur un parking, la partie étatique expose encore que le classement de l’immeuble de la société demanderesse dans le secteur protégé d’intérêt communal « environnement construit - « C » » ne serait pas de nature à remettre en cause l’intérêt général 10à voir développer le nouveau quartier « Nei Hollerich » et que rien n’empêcherait à des quartiers différents de se côtoyer sur base de la diversité urbanistique qui serait inévitable lorsqu’un site aussi important que le site du PAP « Nei Hollerich » n’aurait pas encore été urbanisé. La partie étatique fait finalement valoir que le bourgmestre de l’administration communale pourra, le cas échéant et au stade de la délivrance des autorisations de construire, moduler la hauteur réelle des bâtiments à construire dans le cadre de la réalisation du PAP.
Dans son mémoire en réponse, l’administration communale conteste à son tour toute violation de l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004 en exposant que la société demanderesse se bornerait à lancer des allégations vagues, abstraites, générales et non démontrées, respectivement sans apporter le moindre élément concret et pertinent permettant de retenir que les hauteurs admises pour les lots 2.1, 2.2, 2.3 et 4.1 du PAP « Nei Hollerich » auraient violé une quelconque disposition légale ou règlementaire. Elle reproche en outre à la société demanderesse de rester en défaut de prouver concrètement en quoi (i) les hauteurs critiquées seraient disproportionnées, (ii) le conseil communal, en adoptant le PAP litigieux, aurait dépassé sa marge d’appréciation, (iii) les quatre lots en cause du PAP ne s’intègreraient pas de manière harmonieuse dans le tissu urbain environnant et (iv) lesdits lots auraient pour effet de détruire « la qualité urbanistique des localités », « l’historique du quartier », voire une « coutume architecturale ». A titre subsidiaire, l’administration communale soutient que le PAP « Nei Hollerich » aurait précisément poursuivi un objectif d’intégration harmonieuse dans le tissu environnant et relève à cet égard que l’une des lignes directrices du PAP « Nei Hollerich » aurait consisté, suivant son rapport justificatif, à garantir « l’intégration dans l’espace urbain et le renforcement en tant que lien urbain des éléments constitutifs de l’environnement urbain voisin ». L’administration communale argumente ensuite que le PAP en cause s’inscrirait pleinement dans les orientations du schéma directeur SD n°GA-04 « Wurth - Van Landewyck à Gare », dans la mesure où ce schéma directeur aurait précisément mis l’accent sur l’objectif de favoriser une « intégration du nouveau quartier dans le tissu existant » en prévoyant à cette fin que « Pour garantir une bonne interface avec les constructions existantes sur la rue de l’Aciérie, qui ont 2 niveaux en moyenne avec un comble, la hauteur des nouvelles constructions sera moins importante dans cette partie du projet. […] » (cf. page 11 du schéma directeur). Cette volonté d’assurer une intégration harmonieuse du projet « Nei Hollerich » dans le tissu urbain environnant et notamment avec les constructions existantes implantées au nord, respectivement dans la rue de l’Aciérie et la rue Baudouin, se serait traduite concrètement par le fait que le PAP « Nei Hollerich » prévoirait que les futurs bâtiments des lots 2.1, 2.2, 2.3 et 4.1 à ériger le long de la rue de l’Aciérie auraient une hauteur bien moins importante par rapport aux autres lots du PAP en cause situés plus au sud. A titre d’illustration, l’administration communale souligne que le PAP « Nei Hollerich » prévoirait pour les lots 2.3.d et 2.3.a des hauteurs à l’acrotère du dernier étage plein réduites à raison de 19,5 mètres, respectivement de 22,5 mètres, alors qu’il admettrait des hauteurs bien plus importantes pour les lots 7 et 8, à savoir parfois plus du double. L’administration communale en déduit que le PAP aurait été spécifiquement élaboré de manière à réduire sensiblement la densité des futures constructions à ériger à proximité des constructions existantes en prévoyant pour les lots 2.1, 2.2, 2.3 et 4.1 des hauteurs admissibles réduites par rapport aux autres lots du PAP. Elle donne de surcroît à considérer que les hauteurs des bâtiments à construire sur les lots 2.1, 2.2, 2.3 et 4.1 auraient été déterminées par référence à la hauteur des anciens halls industriels ayant été implantés le long de la rue de l’Aciérie, de sorte que les hauteurs admises dans le PAP « Nei Hollerich » ne seraient en aucune manière disproportionnées ou excessives par rapport à la situation qui aurait prévalu auparavant et qui aurait été acceptée. L’administration communale ajoute que le fait de faire droit à la thèse de la société demanderesse, consistant en substance à exiger un alignement de la hauteur des bâtiments à construire sur le site « Nei Hollerich » sur 11celle d’anciens bâtiments existants situés dans un secteur protégé, comme son propre immeuble, reviendrait en substance à figer toute évolution du tissu urbain, ce qui aurait pour effet de placer le territoire communal dans un immobilisme inadmissible et à priver d’effet le choix opéré par les autorités communales de classer le site litigieux dans une zone soumise à l’établissement d’un plan d’aménagement particulier - nouveau quartier.
En termes de réplique, la société demanderesse fait valoir qu’elle aurait invoqué deux violations concrètes de l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004, à savoir une violation de la mission communale de garantir le développement harmonieux des structures urbaines et rurales en ce que les nouvelles constructions, situées de manière adjacente à un secteur protégé, rompraient brutalement avec l’urbanisme actuellement présent, d’une part, et l’impact démesuré, par leur hauteur, des futures constructions sur le caractère particulier des immeubles situés dans le secteur protégé, hauteurs qui auraient pour effet d’enlever « tout intérêt à cette protection qui trouve sa source dans la coutume architecturale de type industriel qui caractérise ce quartier », d’autre part. La société demanderesse donne en outre à considérer que les halls industriels anciennement implantés le long de la rue de l’Aciérie auraient eu une hauteur de 15 à 16 mètres, tandis que les hauteurs admises pour les immeubles à construire sur les lots situés en face de son immeuble seraient comprises entre 16 et 26 mètres, ce qui serait excessif. Elle ajoute que ces halls (i) auraient été construits à une époque rapprochée de celle de la construction du bloc de maisons ouvrières situées dans la rue Baudouin - et dont ferait partie son immeuble - et dans un style architectural comparable, de sorte que de tels halls ne sauraient être comparés aux nouvelles constructions à réaliser dans le cadre du PAP « Nei Hollerich » et (ii) auraient de toute façon été démolis au moment de l’adoption du PAP, de sorte qu’ils ne pourraient servir de référence pour la détermination de la hauteur des immeubles projetés sur le site litigieux. La société demanderesse demande à titre subsidiaire qu’il soit procédé à une visite des lieux.
Dans son mémoire en duplique, la partie étatique maintient intégralement les développements contenus dans son mémoire en réponse.
De son côté, l’administration communale fait valoir que l’objectif poursuivi lors du classement d’un immeuble au sein du secteur protégé d’intérêt communal « environnement construit - C » serait d’instaurer sur cet immeuble un régime de protection, au motif qu’il serait digne de protection et se caractériserait notamment par l’authenticité de la substance bâtie et/ou de son aménagement, et/ou par sa rareté, et/ou son importance architecturale. Ce régime de protection aurait donc été mis en place en raison des seules caractéristiques et qualités propres de l’immeuble de la société … et ne serait ainsi pas susceptible d’être impacté négativement, voire privé d’effet, par de futurs projets d’urbanisation concernant des terrains situés dans le voisinage et non classés eux-mêmes dans le secteur protégé d’intérêt communal « environnement construit - C ». L’administration communale ajoute que le PAP « Nei Hollerich » aurait été conçu dans un souci d’intégration des futures constructions dans leur environnement urbain et que ledit PAP ne saurait à l’évidence priver d’effet le classement de la parcelle de la société demanderesse au sein du secteur protégé d’intérêt communal « environnement construit - C » dans la mesure où les prescriptions propres audit secteur demeureraient pleinement applicables à cette parcelle, de même qu’aux autres immeubles existants érigés dans les environs et faisant également l’objet d’un classement dans le « secteur protégé d’intérêt communal environnement construit - C ». Elle insiste sur le fait que l’argumentation adverse selon laquelle le PAP en cause n’aurait pas dû être approuvé au motif qu’il serait incompatible avec le « secteur protégé d’intérêt communal environnement construit - C » voisin, en raison de la hauteur maximale admissible des immeubles prévue qui 12contrasterait avec celle des immeubles classés au sein dudit secteur, reviendrait si elle était admise par le tribunal, à figer l’évolution du tissu urbain au détriment des projets de redéveloppement et de redynamisation urbains et surtout, à empêcher toute mixité des zonages au sein de la Ville de Luxembourg, ce qui constituerait pourtant l’objectif poursuivi par la loi du 19 juillet 2004.
Dans leur mémoire en intervention, les sociétés … SA et … SARL font plaider que la société demanderesse resterait vague quant à la disposition que les autorités publiques auraient violée en approuvant le PAP « Nei Hollerich » et confondrait l’intérêt général avec son intérêt privé en tant que propriétaire. Les parties intervenantes soutiennent en outre que (i) les bâtiments projetés dans le cadre du PAP litigieux s’intègreraient dans le tissu urbain existant, tout en soulignant que ce tissu serait majoritairement composé de zones mixtes urbaines et (ii) le PAP « Nei Hollerich » tiendrait compte du « secteur protégé d’intérêt communal environnement construit - C », en ce sens que la hauteur des bâtiments projetés le long de la rue de l’Aciérie aurait été adaptée à un maximum de 4 étages, non inclus l’étage en retrait, afin que les bâtiments projetés s’intègrent dans le tissu urbain existant, conformément au schéma directeur.
Il convient en premier lieu de rappeler que la mission du juge de la légalité conférée au tribunal à travers l’article 7 de la loi du 7 novembre 1996 exclut le contrôle des considérations d’opportunité et notamment d’ordre politique, à la base de l’acte administratif attaqué et inclut la vérification, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, de ce que les faits et considérations sur lesquels s’est fondée l’administration sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute. Dans cette démarche de vérification des faits et des motifs à la base de l’acte déféré, le tribunal est encore amené à analyser si la mesure prise est proportionnelle par rapport aux faits dont l’existence est vérifiée, le tribunal étant ainsi appelé à opérer une balance valable et équilibrée des éléments en cause et à vérifier plus particulièrement si l’acte posé est proportionné à son but9.
Il échet en outre de relever que les autorités communales, lorsqu’elles projettent d’adopter des plans d’aménagement doivent être mues par des considérations légales d’ordre urbanistique ayant trait à l’aménagement des agglomérations et d’ordre politique tirées de l’organisation de la vie en commun sur le territoire donné, tendant les unes et les autres à une finalité d’intérêt général et dans ce contexte, lesdites autorités doivent veiller tant à la conservation de l’esthétique urbaine qu’au développement rationnel des agglomérations. A cet égard, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004 : « Les communes ont pour mission de garantir le respect de l’intérêt général en assurant à la population de la commune des conditions de vie optimales par une mise en valeur harmonieuse et un développement durable de toutes les parties du territoire communal par:
(a) une utilisation rationnelle du sol et de l’espace tant urbain que rural en garantissant la complémentarité entre les objectifs économiques, écologiques et sociaux;
(b) un développement harmonieux des structures urbaines et rurales, y compris les réseaux de communication et d’approvisionnement compte tenu des spécificités respectives de ces structures, et en exécution des objectifs de l’aménagement général du territoire;
(c) une utilisation rationnelle de l’énergie, des économies d’énergie et une utilisation des énergies renouvelables;
9 Cour adm., 12 janvier 2021, n°44684C du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.
13(d) le développement, dans le cadre des structures urbaines et rurales, d’une mixité et d’une densification permettant d’améliorer à la fois la qualité de vie de la population et la qualité urbanistique des localités;
(e) le respect du patrimoine culturel et un niveau élevé de protection de l’environnement naturel et du paysage lors de la poursuite des objectifs définis ci-dessus;
(f) la garantie de la sécurité, la salubrité et l’hygiène publiques ».
Force est de constater que la société demanderesse critique en l’espèce exclusivement les hauteurs maximales admissibles des futurs bâtiments à ériger le long de la rue de l’Aciérie, constituant les lots 2.1, 2.2, 2.3 et 4.1 du PAP « Nei Hollerich », en affirmant que ces futurs bâtiments provoqueraient une « rupture d’échelle » par rapport aux immeubles existants situés dans la rue Baudouin et en particulier par rapport à la maison d’habitation dont elle est propriétaire.
Le tribunal relève dans ce contexte que la société demanderesse opère une certaine confusion entre son propre intérêt et l’intérêt général de la population de la commune dans son ensemble, tel que visé par l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004. En effet, ledit article 2 ne vise pas à garantir la qualité de vie d’un riverain en particulier, mais celle de l’ensemble de la communauté des habitants d’une commune, en l’occurrence de la Ville de Luxembourg, étant entendu que dans la mesure du possible, les autorités communales doivent veiller à rechercher une conciliation entre l’intérêt particulier et l’intérêt général. En l’espèce, la société demanderesse se limite à avancer des considérations personnelles en argumentant essentiellement que les constructions projetées sur les lots 2.1, 2.2, 2.3 et 4.1 du PAP litigieux conduiraient, par leur hauteur, à une perte d’ensoleillement de son immeuble entre les mois de septembre et de mars.
Abstraction faite de cette observation, le tribunal relève que le site du PAP « Nei Hollerich » et le projet urbain à y développer sont décrits comme suit dans le schéma directeur « SD n°GA-04 « Wurth – Van Landewyck » à Gare » : « Le site « Wurth – Van Landewyck – Sécurité Sociale » est un site de grande envergure à proximité de la Gare de Luxembourg. Cet ancien site à caractère industriel est partiellement à l’abandon depuis plusieurs années. Le terrain, respectivement le bâtiment de la sécurité social fait aussi parti du périmètre du projet.
Une partie du site est toujours en activité, mais le projet d’urbanisation en cours d’élaboration prévoit la création d’un tout nouveau quartier à vocation mixte. Un concept d’aménagement est en cours d’élaboration et prévoit, outre de l’habitation qui sera majoritaire, des surfaces de bureaux, des commerces et des services. L’aménagement des espaces libres à l’intérieur de ce futur quartier doit favoriser son animation et conférer un caractère piétonnier au projet. Le parc existant sera maintenu et ouvert au public. Plusieurs liaisons de mobilité douce sont à prévoir vers l’extérieur du site. Le tracé du futur tram circule à l’intérieur de ce nouveau quartier, un atout important pour ce projet. Le tram permettra de relier la gare de Luxembourg au futur quartier de la Porte de Hollerich. Il est également prévu d’aménager une nouvelle rue de grand gabarit le long des voies ferrées qui sera permettra de réduire la charge de trafic sur la rue de Hollerich. Ce projet de rénovation urbaine présente un très grand potentiel de développement pour l’habitation et l’emploi et permettra de revitaliser ce quartier de la ville à proximité de la Gare. Une partie des anciens bâtiments industriels Van Landewyck et Paul Wurth seront maintenus et reconvertis en surface de bureaux, de commerce, (…). La réaffectation de la partie du site aujourd’hui utilisée par la sécurité sociale va permettre une utilisation plus rationnelle du sol, une urbanisation plus contemporaine et l’aménagement de la nouvelle rue de grand gabarit et du couloir de tram. En résumé, le projet doit prévoir : » La réaffectation d’un site doté d’un fort potentiel actuellement sous utilisé et proche de la gare. » 14Une mixité des fonctions, habiter, travailler, consommer, se détendre, dans des proportions qui varient en fonction de leur localisation sur le site. » Un quartier majoritairement dédié à l’habitation. » L’intégration du tracé du tramway et l’aménagement d’une nouvelle voie de substitution. » L’aménagement d’un réseau d’espaces libres et de mobilité douce desservant l’ensemble de ce nouveau quartier et garantissant des liaisons avec les quartiers limitrophes.
» Ce nouveau quartier doit garantir du logement à coût modéré. […] » (cf. page 9 du schéma directeur).
En outre, les défis et objectifs de ce projet sont résumés comme suit dans le prédit schéma directeur : « […] » Redévelopper des terrains de très grande envergure, à l’intérieur du tissu bâti existant, ayant une position centrale pour la Ville de Luxembourg, déjà desservis par les réseaux techniques et à proximité des transports collectifs. […] » Réaffecter un site de grande envergure qui est sous utilisé, mais ayant une position centrale pour la Ville de Luxembourg, à proximité directe de la gare centrale, proche des commodités (transports, commerces, services et équipements) et sur le tracé du futur tram. » Développer un quartier contemporain qui propose de nouveaux types d’habitation, une implantation optimale et une grande qualité des espaces libres. Consolider cette partie du quartier gare en développant un quartier mixte (travailler, habiter, divertir, consommer), dont au moins la moitié des surfaces développées seront en habitation. » Renforcer l’offre en habitat dans la Ville. » Augmenter l’offre d’emplois dans la Ville à proximité des transports en commun performant. » Proposer une densité d’habitation et d’emplois en phase avec la localisation du site (desserte routière, transport en commun, capacité des infrastructures techniques,…). » Développer des habitations à coût modérés sur une partie du projet. » Garantir les interfaces avec le tissu bâti existant. » Développer un quartier à échelle humaine. » Aménager des espaces libres de qualité et qui favorisent une vie de quartier; parc, aire de jeux, espace-rue, placette (…). » Créer des nouveaux espaces de rencontre conviviaux accessibles à tous. » Favoriser l’utilisation active et passive des énergies renouvelables. […] » (cf. pages 2-3 du schéma directeur).
Le tribunal constate, au vu des pièces soumises à son appréciation, qu’il existe effectivement une différence entre la hauteur des immeubles projetés sur les lots 2.1, 2.2, 2.3 et 4.1, d’une part, et celle des maisons d’habitation sises dans la rue Baudouin, dont celle de la société demanderesse, d’autre part.
Les hauteurs maximales admissibles des immeubles projetés sur ces lots conformément à la partie graphique du PAP « Nei Hollerich » sont détaillées dans le tableau reproduit ci-
dessous :
Numéro Nombre d’étages Hauteur maximale à Hauteur maximale à de lot l’acrotère de l’étage l’acrotère de l’étage en plein (ha-p) retrait (ha-r) 2.1.a 4 étages pleins + 1 étage 23 mètres 26 mètres en retrait 2.2.a 2 étages pleins + 1 étage 16 mètres 19 mètres en retrait 2.2.b 3 étages pleins + 1 étage 19,50 mètres 22,50 mètres en retrait 2.2.c 4 étages pleins + 1 étage 21 mètres 24 mètres en retrait 152.2.d 2 étages pleins + 1 étage 15,50 mètres 18,50 mètres en retrait 2.3.a 2 étages pleins + 1 étage 16 mètres 19 mètres en retrait 2.3.b 4 étages pleins + 1 étage 22,50 mètres 25,50 mètres en retrait 2.3.c 4 étages pleins + 1 étage 23 mètres 26 mètres en retrait 2.3.d 3 étages + 1 étage en 19,50 mètres 22,50 mètres retrait 4.1.a Rez-de-chaussée 4,50 mètres 4.1.b 3 étages pleins + 1 étage 19,50 mètres 22,50 mètres en retrait 4.1.c 4 étages pleins + 1 étage 23 mètres 26 mètres en retrait 4.1.d 7 étages pleins + 1 étage 33,50 mètres 36,50 mètres en retrait 4.1.e 1 étage 6,50 mètres Il importe de préciser que dans le cadre de sa prise de position sur les objections et observations de la société demanderesse, le Service de l’Urbanisme de la Ville de Luxembourg avait été amené à fournir les explications suivantes au sujet des hauteurs critiquées des lots 2.1, 2.2, 2.3 et 4.1 : « […] Pour la définition de la hauteur des constructions des lots 2.1 et 2.2, la hauteur des anciens halls (hachurés en bleu dans l’extrait de la page 20 du rapport justificatif ci-dessous) a été prise comme référence, même si ces immeubles ont été démolis entre temps.
[…] Pour le lot 2.3, les hauteurs ont été toutefois augmentées par rapport aux halls historiques, notamment grâce à la plus grande distance par rapport aux bâtiments existants (24,00 m au plus le plus défavorable au lieu de 10,00 m pour la rue de l’Aciérie, donc presque 2,5 fois plus).
Sur le lot 2.3 à la hauteur du croisement de la rue de l’Aciérie et du futur prolongement de la rue Jean-Baptiste Merkels l’idée urbanistique du PAP était de créer un « Landmark » qui marquera l’entrée au nouveau quartier. Afin de réduire l’impact sur les bâtiments adjacents, ce repère a été limité au bâtiment nord-sud (2.3.c), tandis que la partie ouest-est (2.3.d) était déjà réduite d’un étage. […] En général, la hauteur maximale des constructions est à mesurer par rapport aux points de référence indiqués dans la partie graphique pour chaque bâtiment.
Pour le bâtiment 2.3.d, il est à préciser que la hauteur d’acrotère de la façade donnant sur rue de l’Aciérie est au maximum égale à 19,5 m, mesurés par rapport au point de référence se situant dans l’axe de la rue de l’Aciérie perpendiculairement au milieu de la façade. L’étage en retrait aura effectivement une hauteur maximale de 22,5 m. Néanmoins, comme l’étage en retrait devra présenter un recul d’au moins 3,00 m par rapport à la façade donnant sur la rue de l’Aciérie, il n’est pas pertinent pour la perception visuelle de la hauteur du bâtiment depuis la rue de l’Aciérie. […] Pour le lot 4.1, les bâtiments protégés en dehors du périmètre du PAP garantissent une intégration harmonieuse avec les maisons existantes de la rue Baudouin. Les bâtiments protégés en question seront intégrés dans le développement du lot 4.1 dont la conception devra être coordonnée en détail avec le Service des Sites et Monuments Nationaux ainsi que le département des secteurs protégés du Service Urbanisme de la Ville. D’ailleurs, les volumes du lot 4.1 dessinés dans la partie graphique du PAP présentent une réserve d’environ 120% (!) pour la flexibilité architecturale, de manière que les bâtiments construits lors de la mise en œuvre du PAP seront largement moins volumineux. […]. […] le concept du PAP prévoit que la hauteur des constructions diminue graduellement de la nouvelle axe tram au sud vers les constructions existantes au nord de la rue de l’Aciérie respectivement de la rue 16Baudouin. […] Pour les lots 2.1 et 2.3, le PAP constitue même une amélioration par rapport aux anciennes halls, alors que des cours interrompent la construction le long de la rue de l’Aciérie. Concernant le lot 2.3, il est à constater que la règle urbanistique générale que la distance (dans ce cas 24,00 m) d’un bâtiment par rapport à un autre bâtiment doit être au moins égale à sa hauteur (22,50 m) est bien respectée. […] » (cf. pages 2 à 5).
Le tribunal tient d’ores et déjà à relever que le tissu urbain environnant à prendre en considération en l’espèce ne se limite pas, contrairement à ce que semble laisser entendre la société demanderesse, aux seuls immeubles de type « maisons ouvrières » implantés le long de la rue Baudouin entre les numéros 2 et 14, voire aux immeubles de la rue de l’Aciérie, une telle définition étant trop restrictive vu la situation des fonds litigieux et l’envergure du PAP sous analyse, lequel est composé de nombreux fonds longeant notamment la rue de l’Aciérie, la rue de la Fonderie, la rue de Hollerich, la rue Joseph Heintz et la rue d’Alsace, étant encore précisé à cet égard que la superficie du PAP « Nei Hollerich » s’élève à elle-seule à 20,54 hectares.
Le tribunal retient en particulier qu’au nord du site du PAP, se trouve un quartier à forte densité de construction accueillant, notamment, des immeubles d’habitation, ainsi que des bâtiments de type industriel et artisanal, entrepôts, etc. Au sud de ce site, se trouvent des zones de gares ferroviaires, de tram et routières, tandis qu’à l’ouest est implanté le bâtiment « Office des assurances sociales » le long de la route d’Esch. Le site du PAP « Nei Hollerich » est ainsi essentiellement situé entre, d’une part, un quartier mixte urbain, constitué d’habitations et d’immeubles de type industriel et artisanal, et d’autre part, une zone englobant des constructions, équipements, infrastructures et installations en relation avec les zones de gares ferroviaires, de tram et routières, les P+R, ainsi que les espaces libres correspondant à l’ensemble de ces fonctions.
Le tribunal constate, au vu des éléments soumis à son appréciation, dont notamment les plans composant la partie graphique du PAP, ainsi que le rapport justificatif et l’avis de la cellule d’évaluation, que les autorités communales ont tenu compte de cette situation, respectivement de l’existence d’un quartier d’habitation au nord du site du PAP, en prévoyant une transition harmonieuse entre les immeubles projetés le long de la rue de l’Aciérie et les autres immeubles du PAP, à travers une diminution progressive de la hauteur maximale des constructions admises près des zones d’habitation, en ce sens que la partie la plus haute des bâtiments est située dans la partie Est du PAP, tandis que du côté de la rue de l’Aciérie et vis-
à-vis de la rue Baudouin, la hauteur maximale des bâtiments a été portée à une hauteur maximale à l’acrotère de l’étage plein de 16 mètres pour le lot 2.2.a, 15,50 mètres pour le lot 2.2.d, 16 mètres pour le lot 2.3 a, 19,50 mètres pour le lot 2.3.d et 23 mètres pour le lot 2.3c. Il résulte également de la partie graphique du PAP que les bâtiments projetés sur les lots 2.1, 2.2 et 2.3 ne dépassent pas plus de 4 étages, non inclus l’étage en retrait.
Il échet dans ce contexte de relever que le schéma directeur prévoit lui-même en son article 2, point e - « Interfaces entre îlots et quartiers, notamment l’intégration, les gabarits, l’agencement des volumes » que : « La hauteur des constructions est variable. Les bâtiments les plus hauts doivent être ceux alignés dans la partie Est du site et vis vis-à-vis des grands axes de communication près de la gare, qui seront principalement occupés par des affectations non résidentielles. Pour garantir un certain rythme dans le front bâti le long des rues projetées, les bâtiments auront des hauteurs différentes. » Pour garantir une bonne interface avec les constructions existantes sur la rue de l’Aciérie, qui ont 2 niveaux en moyenne avec un comble, la hauteur des nouvelles constructions sera moins importante dans cette partie du projet. » Il 17est important de respecter une distance suffisante entre deux façades pour garantir un éclairage naturel des pièces de vie. » (cf. page 11 du schéma directeur).
Force est de constater que le PAP sous examen répond à ces orientations, pour les raisons exposées ci-dessus en relation avec la diminution progressive de la hauteur maximale des constructions admises près des zones d’habitation.
Le tribunal tient également à relever que la réalisation de plusieurs espaces verts, d’une certaine importance, a été prévue au niveau des lots 2.1 et 2.3 du PAP, respectivement entre ces deux lots, de façon à permettre, tel que relevé par le Service Urbanisme dans sa prise de position, une interruption des constructions le long de la rue de l’Aciérie et partant à limiter tout effet de masse des constructions projetées à cet endroit.
Les hauteurs critiquées des lots 2.1, 2.2, 2.3 et 4.1 ne sauraient partant être considérées comme étant disproportionnées ou excessives.
Les reproches de la société demanderesse ayant trait à une prétendue absence d’intégration harmonieuse des constructions projetées dans le tissu bâti existant ne sont par conséquent pas de nature à dégager une contrariété aux objectifs tels qu’énoncés à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004.
Le tribunal tient pour le surplus à relever qu’en prévoyant à travers le PAP litigieux une densité de construction importante, ainsi que des bâtiments qui sont destinés à recevoir des affectations diverses, tout en réservant au moins la moitié de la surface disponible à la création de logements et en prévoyant la création d’espaces verts et de lieux de rencontre, de sorte à tenir compte d’un réel besoin généré par le développement économique et social du Luxembourg, les autorités communales ont poursuivi des objectifs d’intérêt général, en l’occurrence ceux ayant trait à une utilisation rationnelle du sol urbain - étant rappelé à cet égard que le site litigieux, de grande envergure, se trouve partiellement à l’abandon depuis plusieurs années - ainsi qu’au développement, dans le cadre des structures urbaines, d’une mixité et d’une densification permettant d’améliorer à la fois la qualité de vie de la population et la qualité urbanistique de la localité.
Le moyen tiré de la violation de l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004 est dès lors à rejeter pour ne pas être fondé.
La société demanderesse estime en second lieu que le PAP en cause violerait l’article 29 de la partie écrite du PAG de la Ville de Luxembourg, au motif que les immeubles projetés ne s’intégreraient pas harmonieusement dans l’ensemble des constructions voisines. Elle affirme en particulier que la hauteur des immeubles projetés dans le cadre de la réalisation du PAP « Nei Hollerich » romprait brutalement avec l’identité et l’histoire urbanistique du quartier, ce qui rendrait « caduque » toute protection établie par le plan d’aménagement général et entraînerait par la force des choses une violation dudit plan.
Dans son mémoire en réponse, la partie étatique fait valoir qu’un tel moyen serait inopérant dans la mesure où la zone du PAP attaqué ne serait pas superposée d’un « secteur protégé d’intérêt communal environnement construit - C ». La société demanderesse tenterait ainsi de comparer des zones soumises à des règlementations distinctes, ce qui serait dénué de sens. La partie étatique ajoute que la société demanderesse ne démontrerait pas en quoi le PAP porterait atteinte à l’identité et à l’histoire urbanistique de la rue Baudouin.
18 L’administration communale répond à son tour que la référence faite par la société demanderesse aux dispositions de l’article 29 de la partie écrite du PAG serait dépourvue de tout caractère opérant. Faute pour les quatre lots litigieux d’être classés dans le « secteur protégé d’intérêt communal environnement construit - C », les dispositions de l’article 29 régissant ce secteur ne sauraient en particulier entrer en ligne de compte dans le cadre du contrôle de légalité des décisions déférées. Un tel article ne constituerait en outre pas une base autonome d’annulation d’un acte administratif à caractère règlementaire, étant donné qu’il se limiterait à fixer de manière générale l’objectif poursuivi par le « secteur protégé d’intérêt communal environnement construit - C ». A titre subsidiaire, à supposer que les dispositions de l’article 29 de la partie écrite du PAG puissent être valablement invoquées en l’espèce, l’administration communale fait plaider que la société demanderesse se contenterait ici encore de procéder par le biais d’affirmations vagues et non démontrées. La société demanderesse ne fournirait en particulier aucun élément concret permettant de retenir que les hauteurs admises par le PAP pour les quatre lots litigieux seraient de nature à porter atteinte à l’identité et à l’histoire urbanistique de la Ville de Luxembourg. L’administration communale argumente de surcroît que la société demanderesse n’expliquerait pas en quoi les hauteurs maximales admises par le PAP pour les quatre lots litigieux auraient pour effet de rendre « caduc » le régime de protection instauré au niveau des immeubles classés dans le « secteur protégé d’intérêt communal environnement construit - C », dès lors qu’un tel régime de protection resterait pleinement applicable pour les immeubles concernés par un tel classement. La hauteur des bâtiments projetés dans les prédits lots ne porterait finalement nullement atteinte aux prescriptions urbanistiques participant à la protection et à la préservation dudit secteur protégé.
Dans leur mémoire en intervention, les parties intervenantes soutiennent que le PAP « Nei Hollerich » ne porterait pas atteinte à l’identité et l’histoire urbanistique des bâtiments classés en secteur protégé d’intérêt communal et rejettent intégralement les reproches formulés par la société demanderesse à cet égard.
Le tribunal relève en premier lieu que le moyen tiré d’une prétendue violation du PAG se recoupe en substance avec le premier moyen soulevé par la société demanderesse dans le cadre de son recours. En affirmant, par renvoi aux explications fournies sous le point II. 1. de son recours, que « la hauteur des nouveaux bâtiments prévus par le Projet d’aménagement particulier, rompt brutalement avec l’identité et l’histoire urbanistique du quartier, rendant ainsi caduque toute protection établie par le Plan d’aménagement général et violant ainsi ce dernier », la société demanderesse reproche en effet au PAP « Nei Hollerich » de ne pas être conforme aux objectifs fixés à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004.
Or, le tribunal a d’ores et déjà écarté un tel moyen pour les raisons développées ci-
dessus.
Nonobstant ce constat, il échet de relever que suivant l’article 29 de la partie écrite du PAG : « Les secteurs protégés d’intérêt communal de type «environnement construit» constituent les parties du territoire communal qui comprennent des immeubles ou parties d’immeubles dignes de protection et qui répondent à un ou plusieurs des critères suivants :
authenticité de la substance bâtie, de son aménagement, rareté, exemplarité du type de bâtiment, importance architecturale, témoignage de l’immeuble pour l’histoire nationale, locale, sociale, politique, religieuse, militaire, technique ou industrielle. Ces secteurs couvrent des quartiers ou parties de quartiers qu’il s’agit de préserver pour conserver l’identité et l’histoire urbanistique de la Ville. Ils sont soumis à des servitudes spéciales de sauvegarde et 19de protection définies dans la présente partie écrite et précisées dans les parties écrite et graphique des PAP QE. Y sont interdits les constructions et les établissements qui par leur nature, leur importance, leur étendue, leur volume ou leur aspect seraient incompatibles avec le caractère harmonieux et la typologie des constructions, des secteurs protégés d’intérêt communal de type « environnement construit ». […] ».
A l’analyse des pièces versées en cause, le tribunal relève que les parcelles couvrant les lots 2.1, 2.2, 2.3 et 4.1 du PAP « Nei Hollerich » sont classées en zone mixte urbaine [MIX-u], superposée d’une zone soumise à un plan d’aménagement particulier « nouveau quartier ». Il s’ensuit que les parcelles en question ne sont pas concernées par un classement superposé en secteur protégé d’intérêt communal « environnement construit - C » » et ne sont dès lors pas soumises aux prescriptions de l’article 29 de la partie écrite du PAG de la Ville de Luxembourg, ce que la société demanderesse reconnaît d’ailleurs elle-même expressément à la page 4 de son recours.
Le tribunal peine par conséquent, à l’instar des parties défenderesses, à saisir en quelle mesure les décisions entreprises seraient de nature à violer ledit article 29 de la partie écrite du PAG.
Il semble à cet égard utile de rappeler que les projets d’aménagement ont pour but et pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des agglomérations qu’ils concernent et les régimes des constructions à y ériger. Ces dispositions s’imposent indistinctement à toutes les propriétés foncières comprises dans le rayon des plans10. Le plan d’aménagement général est lui-même défini à l’article 5 de la loi du 19 juillet 2004 comme « un ensemble de prescriptions graphiques et écrites à caractère réglementaire qui se complètent réciproquement et qui couvrent l’ensemble du territoire communal qu’elles divisent en diverses zones dont elles arrêtent également l’affectation et l’usage ». Un PAG subdivise donc une commune en plusieurs zones qui vont recevoir des principes urbanistiques différents et une affectation spéciale. La définition d’affectations et de degrés de constructibilité différents en fonction de la situation des parties du territoire concernées par la réglementation d’urbanisme communale est dès lors inhérente à la nature de tout instrument d’urbanisme11.
De l’entendement du tribunal, la société demanderesse tend toutefois à imposer le respect des prescriptions applicables aux immeubles classés dans le secteur protégé d’intérêt communal « environnement construit - C » », respectivement à en étendre les effets, aux quatre lots litigieux, soit à des immeubles qui ne relèvent pas d’un tel classement. Un tel raisonnement se heurte manifestement à l’essence même de la règlementation urbanistique, telle que résumée ci-dessus, et ne saurait être accueilli.
Tel que le relève à juste titre l’administration communale, la société demanderesse reste en tout état de cause en défaut d’expliquer dans quelle mesure les hauteurs maximales admises par le PAP « Nei Hollerich » pour les quatre lots litigieux auraient pour effet de rendre « caduc » le régime de protection instauré sur les immeubles classés dans le « secteur protégé d’intérêt communal environnement construit - C », dans la mesure où un tel régime de protection continue pleinement de s’appliquer aux immeubles concernés par un tel classement.
10 Cour adm., 17 juin 1997, n° 9481C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Actes règlementaires, n° 59.
11 Cour adm., 5 juillet 2010, n° 27066C du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.
20Pour être complet, à suivre l’argumentation développée par la société demanderesse, seuls des immeubles d’une hauteur égale ou inférieure à la hauteur des immeubles actuellement implantés dans la rue Baudouin et classés dans le secteur protégé d’intérêt communal « environnement construit - C » pourraient par ailleurs être construits dans les alentours, y compris dans des zones non soumises aux dispositions de l’article 29 de la partie écrite du PAG, ce qui conduirait en pratique à imposer des servitudes urbanistiques qui n’ont pas été instaurées dans le cadre du PAG et à paralyser par la même occasion l’évolution du tissu urbain, au détriment manifeste des objectifs fixés à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004.
Le tribunal tient à cet égard encore à relever que tous les immeubles implantés dans la rue Baudouin sous les numéros 2 à 18 sont classés, suivant la partie graphique du PAG de la Ville de Luxembourg, dans le secteur protégé d’intérêt communal « environnement construit -
C ». Or, les immeubles sis 16 et 18, rue Baudouin accusent eux-mêmes une hauteur plus importante que celle des immeubles sis entre les numéros 2 et 14 de la rue Baudouin.
L’argumentation de la société demanderesse liée à un prétendu souci d’harmonisation de la hauteur des constructions et de respect du patrimoine culturel laisse partant de convaincre le tribunal.
Le moyen afférent encourt dès lors le rejet.
La société demanderesse soutient en troisième lieu que le PAP « Nei Hollerich » violerait le schéma directeur n°GA-04 « Wurth – Van Landewyck » à Gare », en argumentant ici encore que la hauteur des immeubles tels que projetés par ledit PAP romprait de façon brutale avec l’identité et l’histoire urbanistique du quartier et que les immeubles projetés ne s’intègreraient pas dans le tissu urbain existant. La société demanderesse ajoute que le PAP sous examen serait en parfaite contradiction avec les principes élaborés au sein dudit schéma directeur, ce qui serait constitutif d’une violation des dispositions de l’article 29, paragraphe (2) de la loi du 19 juillet 2004. Elle poursuit que les contradictions du PAP « Nei Hollerich » avec le schéma directeur ne se justifieraient ni par leur caractère indispensable, ni par une quelconque amélioration de la qualité urbanistique ou de la qualité d’intégration paysagère et ce, en méconnaissance de l’article 29, paragraphe (2), alinéa 3 de la loi du 19 juillet 2004. La société demanderesse conclut qu’en approuvant le projet d’aménagement particulier « Nei Hollerich », les autorités communales et étatiques auraient rendu caduques les orientations fixées par le schéma directeur et violé de la sorte ce dernier.
Dans son mémoire en réponse, la partie étatique fait tout d’abord valoir que le schéma directeur n°GA-04 « Wurth - Van Landewyck à Gare » définirait un projet ambitieux caractérisé par la création d’un nouveau quartier qui aurait vocation à devenir un nouveau pôle d’attractivité majeur de la Ville de Luxembourg au vu de sa proximité avec la gare et sa connexion avec le tram. Elle indique ensuite que la société demanderesse ne démontrerait pas en quoi les hauteurs des immeubles prévues dans le cadre du PAP « Nei Hollerich » méconnaitraient les objectifs visés par le schéma directeur et plus précisément l’objectif d’intégration avec le bâti existant. Le schéma directeur ne se prononcerait d’ailleurs pas sur ce point alors qu’il préciserait au contraire que « le gabarit et l’implantation des constructions seront précisées dans le concept urbanistique et architectural du PAP NQ ».
L’administration communale répond quant à elle que le PAP sous examen se serait pleinement et valablement inscrit dans les prévisions du schéma directeur, étant donné qu’il aurait été élaboré de manière à garantir une intégration harmonieuse du projet dans le tissu urbain environnant, ce qui se serait traduit concrètement par une réduction sensible de la densité 21et des hauteurs admissibles au niveau des quatre lots longeant la rue de l’Aciérie.
L’administration communale cite à cet égard un passage du schéma directeur aux termes duquel : « […] Pour garantir une bonne interface avec les constructions existantes sur la rue de l’Aciérie, qui ont deux niveaux en moyenne avec un comble, la hauteur des nouvelles constructions sera moins importante dans cette partie du projet […] ».
Dans leur mémoire en intervention, les parties intervenantes contestent intégralement l’argumentation développée par la société demanderesse. Elles soutiennent à cet effet que le PAP « Nei Hollerich » serait conforme au schéma directeur et plus particulièrement à son chapitre 2, e) intitulé « Interfaces entre îlots et quartiers, notamment l’intégration, les gabarits, l’agencement des volumes » dont elles citent les dispositions. Elles donnent plus précisément à considérer que les immeubles projetés le long de la rue de l’Aciérie auraient une hauteur moins importante que celle des autres immeubles du projet : les immeubles situés à proximité de la parcelle de la société demanderesse comprendraient en effet un maximum de 3 étages pour le bâtiment projeté sur le lot 2.3.d et un maximum de 4 étages (y non inclus l’étage en retrait) pour le bâtiment projeté sur le lot 2.3.c.
En vertu de l’article 29, paragraphe (2), alinéa 1er de la loi du 19 juillet 2004 : « Le plan d’aménagement particulier «nouveau quartier» est orienté par le schéma directeur tel que défini à l’article 7 de la présente loi et fixe les règles d’urbanisme et de lotissement de terrains ».
Le paragraphe (2), alinéa 3 du prédit article précise que « Le schéma directeur peut être adapté ou modifié par le plan d’aménagement particulier «nouveau quartier» à condition qu’une telle modification ou adaptation s’avère indispensable pour réaliser le plan d’aménagement particulier «nouveau quartier», respectivement pour en améliorer la qualité urbanistique, ainsi que la qualité d’intégration paysagère. ».
S’agissant de la nature juridique d’un schéma directeur, le tribunal relève qu’aux termes des travaux parlementaires relatifs à la loi du 28 juillet 2011 modifiant celle du 19 juillet 2004, il s’agit d’un « […] instrument de planification d’une hiérarchie supérieure, sans effet juridique direct, qui oriente non seulement l’élaboration des plans d’aménagement particulier „nouveau quartier“ mais qui permet également déjà au niveau de l’élaboration du projet d’aménagement général de définir des zones et leurs délimitations en connaissance de cause. »12.
En application de l’article 7, paragraphe (2) de la loi du 19 juillet 2004, le schéma directeur constitue une composante de l’étude préparatoire sur base de laquelle un projet d’aménagement général est élaboré. L’étude préparatoire, tel que son nom l’indique, doit forcément précéder l’adoption d’un nouveau ou la modification d’un PAG. Le schéma directeur, faisant partie de l’étude préparatoire, constitue donc un élément préalable à l’élaboration ou la modification d’un plan d’aménagement général et est partant à considérer comme instrument d’orientation du développement urbain, dépourvu d’effet juridique direct13.
Ainsi, un schéma directeur n’est pas une fin en soi, en ce qu’il ne s’agit que d’un instrument de planification, ayant pour objet, notamment, de déterminer les orientations servant à définir et à délimiter les zones du projet d’aménagement général et à élaborer les projets d’aménagement particulier « nouveau quartier ».
12 Projet de loi n° 6023, exposé des motifs, p. 4.
13 Projet de loi n° 6023, exposé des motifs p.4 et commentaire des articles, ad article 6, p. 24.
22 Si le schéma directeur est essentiellement un instrument d’orientation servant, notamment, à l’élaboration des PAP « nouveau quartier », il n’en demeure pas moins qu’un tel PAP ne saurait se départir des orientations s’en dégageant que si cela s’avère indispensable soit pour permettre sa réalisation, soit pour en améliorer la qualité urbanistique, soit pour en améliorer la qualité d’intégration paysagère14.
Le tribunal tient tout d’abord à relever que le moyen tiré d’une prétendue violation du schéma directeur se recoupe en réalité - tout comme le second moyen d’annulation - avec le premier moyen soulevé par la société demanderesse dans le cadre de son recours. En affirmant, par renvoi aux explications fournies sous le point II. 1. de son recours, que les immeubles projetés ne s’intègreraient pas dans le tissu urbain existant, la société demanderesse se borne en effet à reprocher au PAP « Nei Hollerich » de ne pas être conforme aux objectifs fixés à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004.
Or, le tribunal a d’ores et déjà écarté un tel moyen pour les raisons développées ci-
avant.
A titre superfétatoire, force est au tribunal de constater que la société demanderesse se contente de citer les dispositions de l’article 29, paragraphe (2) de la loi du 19 juillet 2004 sans préciser en quoi de telles dispositions auraient été violées, respectivement sans expliquer concrètement dans quelle mesure le schéma directeur n°GA-04 « Wurth – Van Landewyck » à Gare » aurait été adapté ou modifié par le PAP « Nei Hollerich » en méconnaissance des prédites dispositions légales.
Ce moyen doit partant être écarté pour être dénué de tout fondement.
La société demanderesse argumente finalement que les « maisons ouvrières » implantées dans la rue Baudouin, y compris celle dont elle est propriétaire, seraient orientées au sud et que l’immeuble projeté sur le lot 2.3 du PAP bloquerait leur exposition solaire directe.
Elle fait ensuite valoir que l’initiateur du PAP « Nei Hollerich » aurait mené une étude d’ensoleillement, laquelle serait « fondée sur des erreurs artisanales et ne [reflèterait] pas la situation arrêtée par le PAP « Nei Hollerich » », en argumentant plus précisément que cette étude n’aurait pas tenu compte de la hauteur du lot 2.3 telle qu’arrêtée dans le cadre de la procédure d’adoption du PAP « Nei Hollerich », mais aurait été basée sur une version initiale et non approuvée de la partie graphique dudit projet, de sorte qu’une telle étude aurait reposé sur des « paramètres périmés » et n’aurait pu constituer un fondement adéquat à une prise de décision éclairée. La société demanderesse soutient encore, en se basant sur les projections qui auraient été réalisées par Madame … elle-même, qu’au cours de la période du 21 septembre au 21 mars, les maisons situées le long de la rue de l’Aciérie et de la rue Baudouin et se situant vis-à-vis des lots 2.1, 2.2 et 2.3, risqueraient de perdre jusqu’à 80 % de leur ensoleillement.
Dans son mémoire en réponse, la partie étatique dénie en premier lieu toute valeur probante à la pièce versée par la société demanderesse et intitulée « Projection de l’ensoleillement », en relevant que les paramètres sur base desquels cette projection aurait été réalisée ne seraient pas vérifiables. Elle donne en outre à considérer que cette pièce ne saurait contrebalancer l’étude effectuée par l’initiateur du PAP en cause et qui aurait été « une base 14 Trib. adm., 17 décembre 2018, n°40897 du rôle, confirmé par Cour adm., 20 juin 2019, 42280C, Pas. adm.
2020, V° Urbanisme, n°629.
23solide à la réflexion de la commune ». Pour conclure au caractère non-fondé de ce dernier moyen, la partie étatique se prévaut finalement d’une ordonnance du président du tribunal administratif du 7 décembre 2020, inscrite sous le numéro de rôle 45232 et suivant laquelle « en tout état de cause la vue et l’ensoleillement ne sauraient constituer des droits acquis, sauf à rendre impossible toute évolution du tissu construit, même s’il n’est pas urbain » et ajoute qu’une autorisation, même conforme aux règles d’urbanisme, serait toujours délivrée sous réserve des droits des tiers et notamment du droit du propriété du voisin en application de l’article 544 du Code civil.
L’administration communale conclut de son côté au caractère juridiquement inopérant et factuellement inexact de l’argumentation développée par la société demanderesse. En droit, elle fait en premier lieu plaider que faute pour le rapport justificatif d’un plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » de bénéficier d’une quelconque valeur règlementaire, une éventuelle erreur qui aurait soi-disant affecté une annexe de ce rapport justificatif, à savoir l’étude d’ensoleillement critiquée par la société demanderesse, ne saurait prêter à conséquence.
Elle ajoute que des considérations tirées de l’ensoleillement dont bénéficierait un immeuble existant ne pourraient entrer en ligne de compte dans le contrôle de la légalité d’un PAP à exécuter à proximité, ni même d’ailleurs dans le contrôle du dépassement de la marge d’appréciation des autorités décisionnelles. L’administration communale argumente en outre que la vue et l’ensoleillement ne constitueraient pas des droits acquis, en se prévalant de l’ordonnance présidentielle précitée du 7 décembre 2020. En fait, l’administration communale soutient que l’étude d’ensoleillement querellée ferait partie intégrante du rapport justificatif ayant été adapté en date du 21 juin 2021 et aurait été conduite par le bureau … sur base de la hauteur des bâtiments prévue par le PAP dans sa version telle qu’adoptée par le conseil communal à travers sa délibération entreprise du 16 juillet 2021. Après avoir reproduit les extraits de ladite étude, l’administration communale soutient que la parcelle de la société demanderesse ne subirait en réalité aucune baisse d’ensoleillement du fait des futurs bâtiments à ériger sur les quatre lots litigieux en comparaison avec la situation ayant prévalu lorsque les anciens halls industriels (entretemps démolis) étaient situés le long de la rue de l’Aciérie.
La société demanderesse n’a pas pris position par rapport à ces éléments dans son mémoire en réplique.
Dans leur mémoire en intervention, les parties intervenantes reprochent à la société demanderesse de ne pas étayer les prétendues « erreurs artisanales » qui affecteraient l’étude d’ensoleillement en cause et affirment en outre qu’une telle étude ne constituerait pas un acte préparatoire d’un acte administratif à caractère règlementaire, en l’occurrence le PAP « Nei Hollerich », et ne serait dès lors pas susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation.
Elles font en outre valoir que l’étude en cause ne serait imposée ni par le règlement grand-ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu du plan d’aménagement particulier « quartier existant » et du plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » ni par le règlement grand-ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu du rapport justificatif et du plan directeur du plan d’aménagement particulier « nouveau quartier », de sorte qu’une telle étude ne saurait affecter d’aucune manière la légalité des décisions entreprises. Elles mettent encore en avant le fait que (i) le risque de préjudice lié à une perte d’ensoleillement ne serait pas établi par la société demanderesse, (ii) ce risque ne reposerait que sur les projections effectuées par Madame …, (iii) la parcelle de la société demanderesse serait entourée majoritairement de zones mixtes urbaines, de sorte qu’elle ne pourrait se prévaloir d’aucun préjudice aggravant, (iv) la vue et l’ensoleillement ne sauraient constituer des droits acquis, sauf à rendre impossible toute évolution du tissu construit, (v) le recours serait prématuré quant au risque de préjudice lié à 24une perte d’ensoleillement dans la mesure où il viserait un acte à caractère règlementaire et non une autorisation de construire qui serait toujours délivrée sous réserve des droits des tiers.
Force est au tribunal de constater que la société demanderesse est restée en défaut de citer la moindre disposition légale ou réglementaire à l’appui de son moyen et n’a au demeurant pas pris position par rapport à l’argumentation soulevée par la partie étatique, l’administration communale et les parties intervenantes que ce soit dans son mémoire en réplique ou dans le cadre d’un mémoire supplémentaire.
S’y ajoute que la société demanderesse se borne dans son recours à affirmer que l’étude d’ensoleillement établie par le bureau … serait (i) affectée « d’erreurs artisanales », sans pour autant expliquer de telles erreurs et (ii) basée sur des « paramètres périmés » sans étayer cette argumentation, étant souligné à cet égard que les pièces 4 à 7 versées par la société demanderesse ne contiennent aucune date ni aucune autre précision et n’ont dès lors aucune valeur probante.
La société demanderesse reste dans ces circonstances en défaut d’étayer son moyen de manière suffisamment concrète pour permettre au tribunal d’y prendre position, étant rappelé, dans ce contexte, qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer la carence d’une partie dans la présentation d’un moyen.
A titre purement superfétatoire et au-delà des développements qui précèdent, le tribunal tient à relever que le conseil communal a pris soin de préciser, dans la délibération litigieuse du 16 juillet 2021, que le dossier relatif au projet d’aménagement particulier « Nei Hollerich » était notamment composé d’une partie écrite, d’une partie graphique et d’un « rapport justificatif se composant de 43 pages et d’annexes portant la date de juin 2021 ». Le rapport justificatif de juin 2021 tel qu’adapté suite à l’avis de la cellule d’évaluation et versé en pièce n°16 par le litismandataire de l’administration communale, renferme dans son annexe XII un document intitulé « Verschattungssimulation PAP Nei Hollerich - Rue de l’Aciérie » et daté du 18 juin 2021. Le tribunal ne peut dès lors et en tout état de cause suivre l’argumentation de la société demanderesse suivant laquelle l’étude d’ensoleillement - indépendamment de la question de sa valeur juridique - aurait reposé sur des « paramètres périmés », respectivement sur une partie graphique du projet d’aménagement particulier autre que celle qui a finalement été approuvée.
Il s’ensuit que le moyen de la société demanderesse basé sur une prétendue erreur manifeste de l’étude d’ensoleillement manque tant en fait qu’en droit et doit par conséquent être rejeté.
Au vu de tout ce qui précède, le recours est à rejeter pour n’être fondé en aucun de ses moyens, sans qu’il n’y ait lieu de procéder à une visite des lieux, tel que cela a été demandé par la société demanderesse dans son mémoire en réplique.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;
déclare le recours en annulation irrecevable omisso medio pour autant qu’il a été introduit par la partie demanderesse sub. 2) ;
25reçoit, pour le surplus, le recours en annulation en la forme ;
donne acte à la partie demanderesse sub. 1) que son recours en annulation est limité aux lots 2.1, 2.2, 2.3 et 4.1 du PAP « Nei Hollerich » ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
condamne les parties demanderesses aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 27 mars 2024 par :
Thessy Kuborn, premier vice-président, Laura Urbany, premier juge, Sibylle Schmitz, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 29 mars 2024 Le greffier du tribunal administratif 26