Tribunal administratif Numéro 50244 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50244 5e chambre Inscrit le 27 mars 2024 Audience publique du 3 avril 2024 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 50244 du rôle et déposée le 27 mars 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Philippe STROESSER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Algérie) et être de nationalité algérienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 13 mars 2024 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois avec effet au 17 mars 2024 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 mars 2024 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Sophie SCHNEIDER, en remplacement de Maître Philippe STROESSER, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 avril 2024.
En date du 2 mai 2023, Monsieur … introduisit auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, demande dont il fut débouté par une décision du ministre des Affaires intérieures, entretemps en charge du dossier, ci-après désigné par « le ministre », du 18 décembre 2023, qui lui ordonna également de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours.
Il ressort du Système d’information Schengen (SIS) que le concerné fit l’objet d’un signalement par les autorités luxembourgeoises en date du 19 décembre 2023 « en vue d’une décision de retour ».
Il ressort ensuite d’une note au dossier du 25 janvier 2024, que Monsieur … affirma, lors d’un entretien de retour volontaire au ministère en date du même jour, ne pas vouloir retourner volontairement dans son pays d’origine.
Suivant un rapport de la police grand-ducale Région Capitale, commissariat …, du 17 février 2024, portant le numéro de référence …, Monsieur … fut interpellé par les forces de l’ordre à cette même date au centre de la Ville de Luxembourg.
Par arrêté ministériel du même jour, notifié à l’intéressé également le même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et les considérations suivants :
« […] Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu le rapport no … du 17 février 2024 établi par la Police grand-ducale, Région Capitale - … ;
Vu la décision de retour du 18 décembre 2023, notifiée à l'intéressé par courrier recommandé le 19 décembre 2023 ;
Vu la décision du 18 décembre 2024, lui refusant l'obtention d'une protection internationale ;
Considérant que l'intéressé est démuni de tout document d'identité et de voyage valable ;
Considérant que l'intéressé s'est présenté en vue de l'organisation de son retour volontaire dans son pays d'origine en date du 25 janvier 2024 ;
Considérant que l'intéressé n'est pas disposé à retourner volontairement dans son pays d'origine ;
Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;
Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'identification et de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs défais ;
Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».
Par jugement du tribunal administratif du 6 mars 2024, portant le numéro 50098 du rôle, Monsieur … fut débouté de son recours contentieux introduit le 26 février 2024 à l’encontre de l’arrêté ministériel, précité, du 17 février 2024.
Par arrêté du 13 mars 2024, notifié à l’intéressé le surlendemain, le ministre prorogea la mesure de placement initiale au Centre de rétention de Monsieur … pour une durée d’un mois avec effet au 17 mars 2024, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et les considérations suivants :
« […] Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu mon arrêté du 17 février 2024, notifié le même jour, décidant de soumettre l'intéressé à une mesure de placement ;
Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 17 février 2024 subsistent dans le chef de l'intéressé ;
Considérant que toutes les diligences en vue de l'identification de l'intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;
Considérant que ces démarches n'ont pas encore abouti ;
Considérant qu'il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l'exécution de la mesure d'éloignement ; […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 27 mars 2024, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 13 mars 2024.
Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours, le demandeur expose les faits et rétroactes relevés ci-avant.
Il cite ensuite l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 pour expliquer que le placement d’une personne au Centre de rétention ne serait ni une obligation systématique, ni un automatisme pour le ministre, mais constituerait une simple faculté qui devrait être considérée comme l’ultime remède. Cette faculté accordée au ministre devrait se baser sur des motifs sérieux et être proportionnée par rapport à la situation donnée, alors que le placement en rétention d’une personne constituerait une atteinte à la liberté de mouvement qui devrait être motivée à suffisance, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.
Sur le fondement du paragraphe (3) dudit article 120, le demandeur affirme que le maintien de la rétention serait conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement devrait être en cours ou exécuté avec toute la diligence requise, ce qui impliquerait que le ministre serait dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.
Dans ce contexte, il reproche au ministre de le retenir au Centre de rétention, alors qu’il n’existerait, à l’heure actuelle, aucune perspective d’éloignement vers son pays d’origine, de sorte que se poserait la question de savoir comment le ministre pourrait exécuter cette mesure d’éloignement dans un délai raisonnable et endéans la durée maximale de la mesure de rétention.
Le demandeur fait encore valoir que le maintien au Centre de rétention constituerait une mesure privative de liberté dont la durée devrait être réduite au strict minimum et qu’il ne devrait pas être retenu au Centre de rétention en attendant l’exécution de la mesure d’éloignement.
Il donne encore à considérer qu’il disposerait d’attaches suffisamment stables au Luxembourg, alors que, dès son arrivé au Luxembourg en tant que mineur non accompagné, il aurait été pris en charge par le foyer luxembourgeois « … » et aurait été scolarisé au « … ». Il ajoute que depuis la rentrée scolaire en 2020, il serait scolarisé au « … » et qu’il aurait, par ailleurs, déjà habité dans un foyer en Tunisie tout en soulignant qu’il n’aurait plus de contact avec ses parents ou d’autres membres de sa famille depuis plusieurs années, de sorte à démontrer qu’il aurait l’intention de rester au Luxembourg pour y « continuer l’école ».
Au vu des circonstances de l’espèce et de son comportement, le demandeur estime que son placement au Centre de rétention serait disproportionné et que le ministre aurait dû appliquer, conformément à l’article 125 de la loi du 29 août 2008, des mesures moins coercitives en l’assignant à résidence dans un lieu qu’il aurait fixé avec l’obligation de se présenter régulièrement à des intervalles à fixer auprès de ses services ou de toute autre autorité désignée.
Le demandeur conclut que son maintien au Centre de rétention ne serait pas justifié, de sorte que la décision ministérielle du 13 mars 2024 serait à réformer.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour n’être fondé en aucun de ses moyens.
S’agissant d’abord de la légalité externe de la décision déférée et, plus particulièrement, du moyen tiré d’une insuffisance de motivation de ladite décision, le tribunal relève que dans la mesure où aucun texte légal ou réglementaire n’exige l’indication formelle des motifs se trouvant à la base d’une décision de placement en rétention – l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en vertu duquel certaines catégories de décisions doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, n’étant pas applicable à une telle décision –, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision litigieuse, de sorte que le moyen sous analyse est à rejeter.
Quant à la légalité interne de la décision déférée, le tribunal relève qu’aux termes de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118, […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».
Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».
L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.
En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.
Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».
En l’espèce, il est constant que le demandeur est en séjour irrégulier au Luxembourg, étant relevé qu’il a fait l’objet d’une décision de retour en date du 18 décembre 2023 et qu’il ne dispose ni d’un visa, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail.
Il s’ensuit qu’il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), point 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé […] s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] ».
Il aurait, par conséquent, appartenu à Monsieur … de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser cette présomption, en fournissant des éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite, ce qu’il est toutefois resté en défaut de faire, étant précisé que le risque de fuite se définit comme le risque de se soustraire à sa mesure d’éloignement. Il ressort, tel que relevé par le jugement précité du 6 mars 2024, au contraire d’une note au dossier du 25 janvier 2024 que l’intéressé a affirmé lors d’un entretien sur un retour volontaire ne pas vouloir volontairement rentrer dans son pays d’origine, de sorte à confirmer un risque de fuite dans son chef. Or, le tribunal constate que l’intéressé reste toujours en défaut de soumettre au tribunal de tels éléments, alors que les développements du demandeur relatifs à sa résidence au Luxembourg dans un foyer de demandeurs de protection internationale, ainsi que le fait d’être inscrit dans un établissement scolaire ne sont pas de nature à établir une absence de volonté de sa part de se soustraire à une mesure d’éloignement dans son pays d’origine.
Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement.
S’agissant ensuite de l’affirmation du demandeur selon laquelle il aurait dû bénéficier de mesures moins coercitives, telles que visées à l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, et notamment d’une assignation à résidence, le tribunal relève que cette disposition légale prévoit ce qui suit : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).
On entend par mesures moins coercitives :
a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;
b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.
La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;
c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.
Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné ».
Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes.1 En l’espèce, tel que relevé ci-avant, le demandeur n’a pas soumis au tribunal d’éléments de nature à renverser la présomption d’un risque de fuite existant dans son chef, le contraire étant même le cas, alors qu’il a affirmé de ne pas vouloir retourner volontairement dans son pays d’origine. Il échet, par ailleurs, de relever qu’il n’est pas allégué ni a fortiori prouvé que Monsieur … aurait une quelconque autre attache au Luxembourg et qu’il n’a présenté aucun autre élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose.
Il suit des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 ne sauraient être efficacement appliquées en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à écarter.
En ce qui concerne ensuite les contestations du demandeur quant aux démarches entreprises par le ministre en vue de procéder à son éloignement, le tribunal a constaté dans son jugement, précité, du 6 mars 2024, (i) qu’en date du 26 février 2024, les autorités luxembourgeoises s’étaient adressées aux autorités consulaires algériennes à Bruxelles en vue de l’identification du demandeur et de la délivrance d’un laissez-passer de l’intéressé, tout en y joignant un jeu d’empreintes digitales et quatre photos d’identité de Monsieur … et (ii) qu’en date du 28 février 2024, les autorités luxembourgeoises avaient contacté les autorités consulaires tunisiennes à Bruxelles en vue de l’identification du demandeur et de la délivrance d’un laissez-passer dans son chef, tout en leur faisant parvenir un jeu d’empreintes digitales et deux photos d’identité de ce dernier.
Dans le même jugement, le tribunal a conclu que les démarches ainsi entreprises à l’époque par l’autorité ministérielle luxembourgeoise devaient être considérées comme étant suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008.
Quant aux démarches accomplies depuis lors, le tribunal constate que les autorités luxembourgeoises se sont enquises de l’état d’avancement du dossier auprès de leurs homologues algériens et tunisiens par deux courriers séparés des 18 et 20 mars 2024. Les autorités algériennes ont répondu par courrier électronique du 19 mars 2024 que la procédure d’identification serait toujours en cours et qu’ils ne manqueraient pas d’informer leurs homologues luxembourgeois « dès réception ».
Force est ainsi de relever, au regard des diligences accomplies à ce jour par le ministre, actuellement tributaire de la collaboration des autorités étrangères - étant relevé qu’il ne saurait être nui aux relations diplomatiques par un nombre exagéré de rappels adressés aux autorités 1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 957 et les autres références y citées.
étrangères compétentes - que c’est à tort que le demandeur estime que le ministre n’aurait pas accompli les démarches appropriées et nécessaires afin de procéder à son éloignement du territoire luxembourgeois. En effet, le tribunal est amené à conclure que les démarches entreprises en l’espèce doivent être considérées comme étant suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter.
Il en est de même en ce qui concerne l’argumentation du demandeur ayant trait à l’absence de perspective d’éloignement, étant donné qu’il ne se dégage d’aucun élément de la cause que les démarches ainsi accomplies par l’autorité ministérielle luxembourgeoise seraient vouées à l’échec, de sorte qu’il n’est pas établi qu’il n’existerait, en l’espèce, pas de chances raisonnables de croire que l’éloignement puisse être mené à bien.
Il suit des considérations qui précèdent que, contrairement à l’argumentation du demandeur, la mesure de placement en rétention litigieuse n’est ni injustifiée, ni disproportionnée.
Eu égard aux développements qui précèdent, en l’état actuel du dossier et à défaut d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée, de sorte que le recours sous analyse est à rejeter.
Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
condamne le demandeur aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 3 avril 2024 par :
Laura Urbany, premier juge, Caroline Weyland, juge, Michel Thai, juge, en présence du greffier Lejila Adrovic.
s.Lejila Adrovic s.Laura Urbany Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 3 avril 2024 Le greffier du tribunal administratif 8