Tribunal administratif N° 45872a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:45872a 2e chambre Inscrit le 8 avril 2021 Audience publique du 22 avril 2024 Recours formé par Monsieur … et consorts, … et …, contre une décision du conseil communal de Schieren, contre une « décision » du ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable et contre deux actes du ministre de l’Intérieur, en matière de plan d’aménagement général
JUGEMENT
Revu la requête inscrite sous le numéro 45872 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 avril 2021 par la société anonyme Krieger Associates SA, établie et ayant son siège social à L-2146 Luxembourg, 63-65, rue de Merl, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B240929, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du Barreau de Luxembourg, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Georges Krieger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1) Monsieur … et de son épouse, Madame …, demeurant ensemble à L-…, 2) Monsieur …, demeurant à L-… et 3) Madame …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation de 1) « […] la décision de Madame la Ministre de l’Environnement du 6 février 2020 […] », 2) « […] la décision de la ministre de l’Intérieur daté du 7 février 2020, et invitant les autorités communales de procéder à un nouveau vote de [leur] projet de plan d’aménagement général […] », 3) « […] la décision du conseil communal du 11 mars 2020 par laquelle ce dernier a décidé de « l’approbation définitive du PAG par le biais d’un vote complémentaire » […] » et 4) « […] la décision de la ministre de l’Intérieur du 3 décembre 2020 approuvant les délibérations des 18 octobre 2019 et 11 mars 2020 du conseil communal de SCHIEREN […] » ;
Vu le jugement du tribunal administratif du 29 décembre 2022, inscrit sous le numéro 45872 du rôle ;
1 Vu l’arrêt de la Cour administrative du 6 juillet 2023, inscrit sous le numéro 48501C du rôle, ayant renvoyé le dossier en prosécution de cause devant le tribunal administratif ;
Vu l’avis de la deuxième chambre du tribunal administratif du 4 octobre 2023 ayant autorisé les parties à produire chacune un mémoire supplémentaire ;
Vu le mémoire supplémentaire de la société anonyme Krieger Associates SA, déposé au greffe du tribunal administratif le 3 novembre 2023 pour compte des parties demanderesses, préqualifiées ;
Vu le mémoire supplémentaire de la société anonyme Arendt & Medernach SA, déposé au greffe du tribunal administratif le 1er décembre 2023 pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Revu les pièces versées en cause ainsi que les actes critiqués ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Sébastien Couvreur, en remplacement de Maître Georges Krieger, Maître Martial Barbian, en remplacement de Maître Christian Point, et Maître Alexandra Nankov Lalev, en remplacement de Maître Steve Helminger en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 29 janvier 2024.
Lors de sa séance publique du 3 octobre 2018, le conseil communal de Schieren, ci-après désigné par le « conseil communal », en application de l’article 10 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après désignée par « la loi du 19 juillet 2004 », décida de « […] marquer son accord quant à la mise en procédure du nouveau projet d’aménagement général (PAG) de la Commune de Schieren […] » et de « […] charger le collège échevinal de procéder aux consultations publiques prévues par la loi […] ».
Il est constant en cause que le projet d’aménagement général prévoyait, dans sa version soumise au susdit vote du conseil communal, le classement du site dénommé « … – ”a” », ci-
après désigné par « la zone “a” », comprenant, notamment, une partie de la parcelle inscrite au cadastre de la commune de Schieren, section … de Schieren, sous le numéro …, ci-après désignée par « la parcelle … », appartenant à Monsieur … et à Madame …, ci-après désignés par « les époux … », ainsi qu’une partie de la parcelle inscrite au cadastre de la commune de Schieren, section … de Schieren, sous le numéro …, appartenant à Monsieur … et à Madame …, en « zone d’habitation 1 [HAB-1] », superposée d’une « zone soumise à un plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » » et partiellement d’une « zone de servitude « urbanisation – corridor espèces protégées » ».
Le 11 janvier 2019, la commission d’aménagement émit son avis quant à ce projet d’aménagement général. Dans cet avis, elle s’opposa au classement en zone aedificandi, notamment, de la zone “a”, et ce pour les motifs suivants : « […] De prime abord, la commission estime que toute extension du périmètre d’agglomération concernant des terrains situés à l’est de l’autoroute est impérativement à éviter alors qu’une telle mesure serait contraire aux objectifs a), b), d) et e), tels que fixés à l’article 2 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 précitée. En l’occurrence, la zone d’habitation-1 « “a” » au lieu-dit « … » ainsi que 2l’extension projetée de la zone d’habitation-1 « “c” » au lieu-dit « … » sont à maintenir en zone verte. […]. En effet, l’urbanisation des fonds concernés contribuerait sensiblement au développement tentaculaire de la localité et aurait des répercussions néfastes sur la cohérence éco-paysagère à cet endroit exposé, comprenant des structures écologiques de qualité. […] ».
Le 5 févier 2019, le ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, ci-après désigné par « le ministre de l’Environnement », émit son avis quant au projet d’aménagement général sur base de l’article 5 de la loi modifiée du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, ci-après désignée par « la loi du 18 juillet 2018 ». Dans son avis, ledit ministre indiqua que ne pourrait être approuvée, notamment, la modification de la délimitation de la zone verte telle que projetée pour la zone “a”, « […] en raison de sa situation déconnectée du tissu urbain en bordure d’un tentacule défigurant le paysage, de sa situation paysagère exposée, de la topographie en pente dont l’urbanisation modifierait le caractère paysager le long de la vallée du Kiselbach […] ».
Le même jour, le ministre de l’Environnement rendit son avis sur base de l’article 7 (2) de la loi modifiée du 22 mai 2008 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement.
Le 12 juin 2019, la commission d’aménagement émit un avis rectificatif quant au susdit projet d’aménagement général.
Lors de sa séance publique du 18 octobre 2019, le conseil communal adopta ledit projet d’aménagement général, sauf en ce qui concerne la zone “a”, par rapport à laquelle le vote fut reporté à la séance suivante, en raison d’un partage des voix.
Lors de sa séance publique du 21 novembre 2019, le conseil communal procéda à un vote spécifique au sujet de la zone “a” et décida « […] de donner son accord relatif au maintien de la zone “a” au lieu-dit « … » dans le périmètre urbanisable du nouveau plan d’aménagement (PAG) de la commune de Schieren […] », cette décision reposant, notamment, sur les considérations suivantes : « […] Contrairement à l’avis de la commission d’aménagement, la commune est d’avis qu’une urbanisation de la zone “a” ne contribuerait pas sensiblement au développement tentaculaire, bien au contraire, l’urbanisation représenterait un arrondissement du périmètre et donnerait la possibilité de construire des maisons unifamiliales en deuxième ligne et contribuerait ainsi à atteindre les objectifs points a, b et c de l’article 2 de la loi modifiée du 19 juillet 2004. Lors de la décision d’intégrer les fonds en zone HAB-1 le conseil communal s’est laissé exclusivement guider par les résultats de la SUP […] ».
Il se dégage de l’extrait de la partie graphique du projet d’aménagement général, reproduit dans la requête introductive d’instance, qu’à travers ce vote, le classement de la zone “a”, tel qu’initialement prévu, fut maintenu, sauf qu’un classement superposé en « zone de servitude « urbanisation – intégration paysagère [P]» » y fut ajouté.
Par courrier du 4 décembre 2019, Monsieur …, déclarant agir « […] [p]our les [c]onsorts … […] », introduisit auprès du ministre de l’Intérieur une réclamation à l’encontre du projet d’aménagement général.
Par courrier du 9 décembre 2019, les époux … firent de même.
3Par courrier du 5 février 2020, ces derniers prièrent le ministre de l’Intérieur de « […] bien vouloir considérer comme nulle et non avenue [leur] réclamation datée du [9] décembre 2019 […] ».
Par courrier du lendemain, le ministre de l’Environnement s’adressa à l’administration communale de Schieren, ci-après désignée par « l’administration communale », en les termes suivants : « […] Dans ses séances du 18.10.2019 et du 21.11.2019, le conseil communal de la commune de Schieren a adopté le projet d’aménagement général en vertu de l’article 14 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain.
La délibération ad hoc ainsi que le dossier administratif s’y rapportant m’ont été remis le 29 novembre 2019 pour approbation au titre de l’article 5 de la loi du 18 juillet 2018 cité sous rubrique.
De l’analyse des documents me soumis pour approbation se dégage que le projet d’aménagement général fait droit dans une très large mesure aux recommandations développées dans mon avis du 5 février 2019.
Il s’en dégage toutefois également que le projet de PAG prévoit toujours de classer en zone HAB-1 la surface “a” sise à Schieren, …, de même que d’agrandir la surface “c” au même endroit. Je considère le développement urbain de ces surfaces comme particulièrement préjudiciable d’un point de vue paysager et je vous en avais fait part lors de ma prédite prise de position. Il en est de même des extensions “b” et “d” au lieut-dit « … » situées dans la plaine alluviale de l’Alzette.
Par conséquent, je souhaite réitérer par la présente mon opposition à la modification de la délimitation de la zone verte à l’endroit précité et la nécessité de conserver la délimitation telle qu’elle découle du PAG en vigueur avant sa refonte.
Le maintien de la modification projetée par le PAG soumis pour approbation aurait comme conséquence un refus de toutes les modifications de la délimitation de la zone verte envisagées par la refonte du PAG, alors que mes compétences en la matière se limitent à une approbation pure et simple du projet de PAG soumis au vote du conseil communal, sans pouvoir y apporter des modifications par le biais d’une approbation partielle.
Plutôt que de rentrer dans une telle logique et de ne pas ainsi anéantir les efforts consentis tout au long du processus de la refonte du PAG, je vous inviterais dans l’esprit d’une bonne et pragmatique pratique administrative à procéder, par le biais d’un vote complémentaire au titre de l’article 14 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, à un redressement des limites du PAG au niveau de cette surface afin que le projet de PAG - en ce qui concerne les modifications de la délimitation de la zone verte - puisse trouver mon approbation.
Il convient ici de rappeler que les projets d’aménagement général peuvent être révisés et modifiés jusqu’au moment de leur approbation par le Ministre de tutelle (TA No 15435 du rôle) et qu’une telle mesure prise par le conseil communal devrait être considérée comme juste et proportionnelle par rapport à l’enjeu touchant l’ensemble du plan d’aménagement général et plus particulièrement les modifications de la délimitation de la zone verte se dégageant du projet d’aménagement soumis pour approbation.
4 Les droits des citoyens concernés par le vote complémentaire resteraient bien évidemment intacts en ce qui concerne les droits de réclamation auprès du Ministre de l’Intérieur et de recours en annulation auprès des juridictions administratives.
Je vous prie donc de m’informer sur la décision du conseil communal dans les meilleurs délais et au plus tard jusqu’au 20 mars 2020 de manière à ce que je puisse statuer dans un délai rapproché au délai d’ordre qui m’est imposé par la loi et qui expire le 29 février 2020.
Mes services sont à votre disposition pour clarifier toute question relative au présent courrier. En cas d’incertitudes quant à la délimitation de la zone verte, je vous recommande de vous concerter avec mes services préalablement au vote complémentaire. […] ».
Le 7 février 2020, le ministre de l’Intérieur adressa à l’administration communale un courrier libellé comme suit :
« […] Par la présente, je suis au regret de devoir vous informer que je ne suis pas en mesure d’approuver la délibération du conseil communal du 21 novembre 2019 portant adoption du projet de la refonte du plan d’aménagement général (dénommé ci-après « PAG ») de la commune de Schieren, présenté par les autorités communales, et ce pour les raisons évoquées ci-dessous.
En effet, le classement de la zone dite « “a” » au lieu-dit « … » en zone destinée à être urbanisée n’est pas en adéquation avec les exigences des objectifs énoncés à l’article 2 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain ainsi qu’à l’article 1er de la loi du 17 avril 2018 concernant l’aménagement du territoire.
Ainsi, l’article 2 précité dispose que :
« Les communes ont pour mission de garantir le respect de l’intérêt général en assurant à la population de la commune des conditions de vie optimales par une mise en valeur harmonieuse et un développement durable de toutes les parties du territoire communal par:
(a) une utilisation rationnelle du sol et de l’espace tant urbain que rural en garantissant la complémentarité entre les objectifs économiques, écologiques et sociaux;
(b) un développement harmonieux des structures urbaines et rurales, y compris les réseaux de communication et d’approvisionnement compte tenu des spécificités respectives de ces structures, et en exécution des objectifs de l’aménagement général du territoire;
[…] (d) le développement, dans le cadre des structures urbaines et rurales, d’une mixité et d’une densification permettant d’améliorer à la fois la qualité de vie de la population et la qualité urbanistique des localités;
(e) le respect du patrimoine culturel et un niveau élevé de protection de l’environnement naturel et du paysage lors de la poursuite des objectifs définis ci-dessus;
[…] » Or, les fonds litigieux se caractérisent par une situation déconnectée de la localité de Schieren, à un endroit qui a d’ores et déjà connu un développement tentaculaire. Un développement futur en ces lieux renforcerait ce caractère tentaculaire et d’îlot déconnecté.
Or, il y a lieu d’éviter d’aggraver des situations indésirables existantes et ce conformément aux enseignements jurisprudentiels en la matière (Cour administrative, 3 mai 2018, 40403C).
5 Qui plus est, la situation topographique du site impliquera des travaux de viabilisation disproportionnés par rapport au nombre de logements y réalisables. En effet, la voirie projetée nécessitera d’une part des travaux de terrassement ainsi que des infrastructures de soubassement et de rebroussement substantiels pour, d’autre part, ne servir qu’à la viabilisation de constructions d’un seul côté de ladite voirie. Un tel développement, qui impliquera à terme des coûts récurrents excessifs pour la collectivité, ne saura être qualifié de rationnel. De plus il est susceptible de détériorer davantage l’impact paysager de l’urbanisation en ces lieux.
De même, les fonds en question se situent à proximité immédiate de la route « N7 », qui, en cas d’extension de la zone constructible en ces lieux, constitue une source de nuisances sonores susceptibles d’avoir un impact négatif sur la qualité de vie et la santé des futurs habitants. Dans ce contexte, il y a lieu de souligner que les fonds précités se situent à l’Est de cette route et partant sur un site dont non seulement la situation topographique, mais également le vent dominant renforceront les nuisances dues au trafic routier.
Qui plus est, l’article 1er de la loi précitée du 17 avril 2018, qui tombe également en vertu de l’article 18 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain dispose notamment que :
« La politique de l’aménagement du territoire vise à garantir le respect de l’intérêt général en assurant à l’ensemble de la population des conditions de vie optimales par une mise en valeur et un développement durable de toutes les parties du territoire national. » Partant, je vous invite à procéder à un nouveau vote du conseil communal prévu à l’article 14 de la loi précitée du 19 juillet 2004, portant sur les terrains litigieux en vue de leur classement en zone verte.
L’invitation adressée aux autorités communales de procéder à un nouveau vote alors que le projet d’aménagement général est susceptible d’être contraire à l’intérêt général pour les motifs précités constitue en vertu de la jurisprudence administrative en la matière « une façon régulière et efficace, voire même souhaitable dans le cadre d’une bonne administration ».
Cette décision est basée sur l’article 18 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain.
En exécution de l’article 13 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, un recours en annulation devant les juridictions de l’ordre administratif peut être introduit contre la présente dans les trois mois qui suivent sa notification aux parties intéressées ou le jour où ces derniers ont pu en prendre connaissance.
Pour les autorités communales, un recours en annulation contre la présente décision est ouvert devant la Cour administrative en vertu de l’article 107 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988.
Finalement, je tiens à vous informer que la famille … a, par une lettre du 5 février 2020 adressée au Ministère de l’Intérieur (copie en annexe), retiré sa réclamation du 6 décembre 62019 à l’encontre du PAG de la commune de Schieren et que dès lors il n’est pas nécessaire pour l’administration communale de prendre position sur ladite réclamation. […] ».
Lors de sa séance publique du 11 mars 2020, le conseil communal émit son avis en application de l’article 17 de la loi du 19 juillet 2004.
Au cours de cette même séance publique, le conseil communal décida « […] d’approuver définitivement le projet d’aménagement général par le biais d’un vote complémentaire au titre de l’article 14 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain tout en se ralliant intégralement à l’avis no 81392 du Ministère de l’Environnement, du Climat et du Développement durable du 6 février 2020 ainsi qu’au refus n°33/C/011/2018 du Ministère de l’Intérieur du 7 février 2020 et d’adopter par conséquent l’ensemble des redressements portant sur les zones portant sur les zones et terrains litigieux (“b”, “a”, “c” et “d”) en vue de leur classement en zone verte du PAG […] ».
Ainsi, à travers ce vote, le conseil communal décida de classer la zone “a” en zone non aedificandi.
Par décision du 12 mai 2020, le ministre de l’Environnement approuva le projet d’aménagement général « […] tel qu’il a été adopté par le conseil communal de la commune de Schieren dans ses séances publiques du 18 octobre 2019 et du 21 novembre 2019 et tel qu’il a été amendé par le vote complémentaire du 11 mars 2020 visant le reclassement des zones “b” et “d” au lieu-dit « … » et de la zone “a” dans la … en zone verte ainsi qu’une adaptation de la délimitation de la zone “c” également dans la … […] ».
Par courrier du 3 juillet 2020, les époux … soumirent au ministre de l’Intérieur une réclamation à l’encontre de la délibération, précitée, du conseil communal du 11 mars 2020 portant adoption du projet d’aménagement général par le biais d’un vote complémentaire.
Monsieur …, déclarant agir « [p]our les [c]onsorts … », fit de même par courrier du 6 juillet 2020.
Par décision du 3 décembre 2020, le ministre de l’Intérieur approuva les délibérations, précitées, du conseil communal des 18 octobre 2019 et 11 mars 2020 portant adoption du projet d’aménagement général, tout en statuant sur les réclamations lui soumises. Celles des époux … et de Monsieur …, déclarant agir « [p]our les [c]onsorts … », furent déclarées non fondées. Les passages de la décision ministérielle en question ayant trait aux susdites réclamations, sont libellés comme suit :
« […] Ad réclamations … et …(rec 9/rec 7 vote complémentaire) Les réclamants s’opposent au classement de la parcelle cadastrale n°…, respectivement de la zone précédemment dénommée [“a”], sises au lieu-dit « … », à Schieren, en « zone agricole [AGR] » et sollicitent leur reclassement en « zone d’habitation 1 [HAB-1] ».
Ces parcelles se caractérisent tout d’abord par leur situation excentrique et déconnectée, ainsi que par le fait qu’elles renforcent une situation tentaculaire contraire aux objectifs d’urbanisation harmonieuse et de préservation du paysage retenus de l’article 2 de 7la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain.
Or, conformément à la jurisprudence constante de la Cour administrative, il y a lieu d’éviter l’amplification de situations existantes indésirables (Cour administrative, 3 mai 2018, 40403C et 27 février 2020, 43709C).
De surcroît, les parcelles se situent à proximité d’une grande voirie et sont partant exposées à des nuisances susceptibles d’avoir un impact négatif sur la qualité de vie des futurs habitants, de manière à ce que leur urbanisation s’avère également inopportune sous cet angle.
Ceci vaut d’autant plus que les parcelles se situent à l’est de cette route, avec pour conséquence que le vent dominant renforcerait encore davantage les nuisances sonores.
Ensuite, il y a encore lieu de considérer que la situation topographique du site impliquerait des travaux de viabilisation disproportionnés par rapport au nombre de logements y réalisables. En effet, la voirie projetée nécessiterait, d’une part, des travaux de terrassement ainsi que des infrastructures de soubassement et de rebroussement substantiels pour, d’autre part, ne servir qu’à la viabilisation de constructions d’un seul côté de ladite voirie. Un tel développement, qui impliquerait à terme des coûts récurrents excessifs pour la collectivité, ne saurait être qualifié de rationnel et conforme aux objectifs de l’article 2 de la loi modifiée précitée du 19 juillet 2004.
Finalement, l’urbanisation des parcelles est encore inopportune au niveau de l’impact paysager considérable qui serait généré, alors que le site se trouve en position exposée et qu’un développement supplémentaire détériorerait encore davantage un espace paysager attractif et cohérent.
Les réclamations sont dès lors non fondées.
Pour le reste il y a lieu de constater que les réclamations contiennent aussi des objections peu précises, au sujet desquelles le ministre ne saurait intervenir ou réagir.
Subsidiairement, il y a lieu de relever que la réclamation à l’encontre de la servitude urbanistique prévue sur les fonds précités par le projet soumis au vote du conseil communal en date du 18 octobre 2019 est devenue sans objet suite au vote du conseil communal en date du 11 mars 2020. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 8 avril 2021, les époux …, ainsi que Monsieur … et Madame … ont fait introduire un recours tendant à l’annulation de (i) « […] la décision de Madame la Ministre de l’Environnement du 6 février 2020 […] », (ii) « […] la décision de la ministre de l’Intérieur daté du 7 février 2020, et invitant les autorités communales de procéder à un nouveau vote de [leur] projet de plan d’aménagement général […] », (iii) « […] la décision du conseil communal du 11 mars 2020 par laquelle ce dernier a décidé de « l’approbation définitive du PAG par le biais d’un vote complémentaire » […] » et (iv) « […] la décision de la ministre de l’Intérieur du 3 décembre 2020 approuvant les délibérations des 18 octobre 2019 et 11 mars 2020 du conseil communal de SCHIEREN […] ».
Par jugement du 29 décembre 2022, le tribunal, après avoir refusé de prononcer la jonction du recours sous analyse avec celui inscrit sous le numéro 44899 du rôle, a déclaré le 8recours en annulation irrecevable en tous ses volets, au motif, d’une part, que les courriers des 6 et 7 février 2020 des ministres de l’Environnement et de l’Intérieur seraient à qualifier d’actes préparatoires et, en tant que tels, non susceptibles d’un recours contentieux, tout en relevant que leur régularité pourrait être contrôlée dans le cadre du recours dirigé contre l’acte final de la procédure d’adoption du plan d’aménagement de la commune (« PAG »), et, d’autre part, que le délai de recours contre la délibération du conseil communal du 11 mars 2020 et contre la décision du ministre de l’Intérieur du 3 décembre 2020 aurait expiré. Le tribunal a, enfin, rejeté la demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure d’un montant de 3.000 euros formulée par les demandeurs tout en les condamnant au paiement des frais et dépens de l’instance.
Suite à l’appel interjeté contre ledit jugement par les époux …, ainsi que par Monsieur … et Madame …, la Cour administrative a, dans son arrêt du 6 juillet 2023, inscrit sous le numéro 48501C du rôle, déclaré l’appel partiellement justifié en concluant, d’une part, que le jugement du 29 décembre 2022 était à confirmer en ce qu’il a retenu que le recours en annulation, en ce qu’il vise le courrier du ministre de l’Environnement du 6 février 2020, était irrecevable, tout en retenant, d’autre part, que ledit jugement était à réformer partiellement en ce sens (i) que le recours en annulation dirigé contre le courrier du ministre de l’Intérieur du 7 février 2020 était à écarter non pas pour être irrecevable mais pour être surabondant et ce, au vu du fait qu’un autre recours, inscrit sous le numéro 44899 du rôle, ayant le même objet, à savoir l’annulation de l’acte du 7 février 2020, avait été antérieurement introduit et tranché et (ii) en ce sens que le recours en annulation dirigé contre la délibération du conseil communal du 11 mars 2020 et contre la décision du ministre de l’Intérieur du 3 décembre 2020 était à déclarer recevable ratione temporis. La Cour administrative a, en conséquence, renvoyé le dossier en prosécution de cause devant les premiers juges pour statuer sur les autres moyens d’irrecevabilité invoqués par rapport à la délibération du conseil communal du 11 mars 2020 et la décision du ministre de l’Intérieur du 3 décembre 2020 et pour l’examen au fond du recours en ce qu’il vise ces actes.
Compte tenu de cet arrêt de la Cour administrative ayant réformé le jugement du 29 décembre 2022 uniquement en ce que 1) le recours en annulation dirigé contre le courrier du ministre de l’Intérieur du 7 février 2020 était à écarter non pas pour être irrecevable mais pour être surabondant et que 2) le recours en annulation dirigé contre la délibération du conseil communal du 11 mars 2020 et contre la décision du ministre de l’Intérieur du 3 décembre 2020 était à déclarer recevable ratione temporis, la question de la jonction du recours sous analyse avec celui inscrit sous le numéro 44899a du rôle, de même que celle de l’irrecevabilité dudit recours en ce qu’il est dirigé contre le courrier du ministre de l’Environnement du 6 février 2020 doivent être considérées comme étant définitivement tranchées, de sorte que le tribunal n’y reviendra pas. La même conclusion s’impose en ce qui concerne le recours en annulation en ce qu’il est dirigé contre le courrier du ministre de l’Intérieur du 7 février 2020 dont la Cour a retenu qu’il était à écarter pour être surabondant, étant, à cet égard, relevé que, dans leur mémoire supplémentaire qu’ils ont été autorisés à produire, les demandeurs ont, de toute façon, déclaré renoncer à leurs prétentions à l’égard du courrier du ministre de l’Intérieur du 7 février 2020. L’examen du tribunal portera dès lors sur le recours en annulation dirigé contre la délibération du conseil communal du 11 mars 2020 et contre la décision du ministre de l’Intérieur du 3 décembre 2020.
1. Quant à la compétence 9Le tribunal relève que les décisions sur les projets d’aménagement, lesquels ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des terrains qu’ils concernent et le régime des constructions à ériger, ont un caractère réglementaire. La décision d’approbation du ministre de l’Intérieur participe au caractère réglementaire de l’acte approuvé1, étant précisé qu’en ce qui concerne la procédure d’adoption du PAG, le caractère réglementaire ainsi retenu s’étend également au volet de la décision ministérielle du 3 décembre 2020 ayant statué sur les réclamations introduites par les demandeurs, intervenue dans le processus général de l’élaboration de l’acte approuvé.
Conformément à l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, désignée ci-après par « la loi du 7 novembre 1996 », seul un recours en annulation est susceptible d’être introduit contre un acte administratif à caractère réglementaire.
Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en annulation sous examen.
2. Quant à la loi applicable La procédure d’adoption d’un PAG est prévue par la loi du 19 juillet 2004. Or, celle-ci a été modifiée à plusieurs reprises et dernièrement (i) par une loi du 28 juillet 2011 entrée en vigueur, en application de son article 45, en date du 1er août 2011, (ii) par la loi du 30 juillet 2013 concernant l’aménagement du territoire, publiée au Mémorial A, n° 160 du 6 septembre 2013, (iii) par la loi du 14 juin 2015 portant modification de l’article 108 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, publiée au Mémorial A, n° 113 du 17 juin 2015, (iv) par la loi du 3 mars 2017 dite « Omnibus », entrée en vigueur, en application de son article 76, le 1er avril 2017, (v) par la loi du 17 avril 2018 concernant l’aménagement du territoire, (vi) par la loi du 18 juillet 2018 portant modification de l’article 108 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, (vii) par la loi du 30 juillet 2021 relative au Pacte logement 2.0, dont l’entrée en vigueur est fixée au 1er janvier 2021, par l’article 16 de la loi en question et (viii) par la loi du 7 août 2023 relative au logement abordable.
Etant donné, d’une part, que le tribunal vient de retenir que seul un recours en annulation a pu être introduit à l’encontre des actes déférés et, d’autre part, que dans le cadre d’un tel recours, le juge administratif est amené à en apprécier la légalité en considération de la situation de droit et de fait ayant prévalu au jour où ils ont été pris2, les modifications apportées à la loi du 19 juillet 2004 par les lois précitées des 30 juillet 2021 et 7 août 2023, entrées en vigueur postérieurement aux décisions du conseil communal du 18 octobre 2019 et 11 mars 2020, ne sont pas à prendre en considération en l’espèce, étant plus particulièrement précisé à cet égard que les actes de tutelle administrative, tels que la décision ministérielle litigieuse, rétroagissent à la date de la décision approuvée et tombent dès lors sous le champ d’application des lois en vigueur à la date de la prise de décision de l’acte initial.
Il s’ensuit que la version de la loi du 19 juillet 2004 applicable au présent litige est celle résultant des modifications opérées par les lois des 28 juillet 2011, 30 juillet 2013, 14 juin 2015, 3 mars 2017, 17 avril 2018 et 18 juillet 2018.
1 Cour adm., 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Actes réglementaires, n° 59 et les autres références y citées.
2 Trib. adm., 27 janvier 1997, n° 9724 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en annulation, n° 22 et les autres références y citées.
10 3. Quant à la recevabilité La partie étatique soulève l’irrecevabilité omisso medio du recours en ce qu’il a été introduit aussi bien par les époux … que par Madame ….
Pour ce qui est des époux …, il y aurait lieu de constater qu’ils auraient renoncé, par courrier du 5 février 2020, à leurs réclamations introduites auprès du ministre de l’Intérieur le 9 décembre 2019. Sur base de ce constat, la partie étatique se rapporte à prudence de justice concernant la question de savoir si ces éléments sont ou non de nature à entacher le recours contentieux introduit par ceux-ci d’une irrecevabilité omisso medio, étant relevé que, dans ces circonstances, le fait, pour la partie étatique, de se rapporter à prudence de justice doit s’analyser comme équivalent à une contestation3.
En ce qui concerne Madame …, la partie étatique fait valoir que celle-ci n’aurait pas formulé d’objections auprès du collège échevinal de la commune de Schieren suite à la mise en procédure du projet d’aménagement général, ni de réclamation auprès du ministre de l’Intérieur suite à la délibération du conseil communal du 11 mars 2020, de sorte que son recours serait à déclarer irrecevable sur le fondement des articles 13 et 16 de la loi du 19 juillet 2004.
Les demandeurs concluent, quant à eux, au rejet de ce moyen d’irrecevabilité.
En ce qui concerne les développements relatifs à l’irrecevabilité omisso medio du recours sous analyse, le tribunal rappelle qu’à travers les articles 10 et suivants de la loi du 19 juillet 2004, le législateur a mis en place une procédure d’adoption des PAG qui se déroule en plusieurs étapes, comprenant notamment une enquête publique.
Ainsi, l’article 12 de ladite loi dispose qu’après le vote du conseil communal prévu par l’article 10, le projet d’aménagement général fait l’objet d’une publication, comprenant, notamment, le dépôt du projet pendant trente jours à la maison communale où le public peut en prendre connaissance, ainsi que des mesures de publicité de ce dépôt. L’article 13 de la même loi prévoit que dans le délai de trente jours de la publication du dépôt du projet dans les quatre quotidiens imprimés et publiés au Grand-Duché de Luxembourg, les observations et objections contre le projet doivent être présentées par écrit au collège échevinal, sous peine de forclusion. Cette disposition légale dispose encore qu’au cas où une ou plusieurs réclamations écrites ont été présentées dans le délai, le collège échevinal convoque les réclamants qui peuvent, en vue de l’aplanissement des différends, présenter leurs observations. Aux termes de l’article 14, alinéa 1er de la loi du 19 juillet 2004, le projet d’aménagement général est ensuite soumis au conseil communal qui peut approuver le projet dans sa forme originale ou y apporter des modifications qui soit sont proposées par la commission d’aménagement, soit répondent en tout ou en partie à l’avis émis par le ministre ayant l’Environnement dans ses attributions, soit prennent en compte en tout ou en partie des observations et objections présentées. En vertu du 3e alinéa du même article, le conseil communal est tenu de renvoyer le dossier au collège échevinal lorsqu’il entend apporter des modifications autres que celles visées à l’alinéa 1er.
Enfin, il peut rejeter le projet d’aménagement général présenté et dans cette hypothèse, le dossier est clôturé. Aux termes de l’article 15 de la loi du 19 juillet 2004, la décision du conseil 3 Trib. adm., 27 octobre 2004, n° 17634 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 905 et les autres références y citées.
11communal fait l’objet d’une publication, par voie d’affichage et par notification aux personnes ayant introduit une réclamation écrite. Cette publication est suivie d’une procédure de réclamation devant le ministre, organisée par l’article 16 de la même loi, libellé comme suit :
« Les réclamations contre le vote du conseil communal introduites par les personnes ayant réclamé contre le projet d’aménagement général conformément à l’article 13 doivent être adressées au ministre dans les quinze jours suivant la notification prévue à l’article qui précède, sous peine de forclusion.
Les réclamations dirigées contre les modifications apportées au projet par le conseil communal doivent être adressées au ministre dans les quinze jours de l’affichage prévu à l’article qui précède, sous peine de forclusion.
Sont recevables les réclamations des personnes ayant introduit leurs observations et objections conformément à l’article 13 et les réclamations dirigées contre les modifications apportées au projet par le conseil communal lors du vote. ». Aux termes de l’article 18 de ladite loi du 19 juillet 2004, le ministre est, par la suite, amené à statuer sur les réclamations lui soumises, en même temps qu’il décide de l’approbation définitive du projet d’aménagement général, dénommé PAG dès cette approbation.
Aux termes d’une jurisprudence des juridictions administratives devenue constante, le recours introduit devant le juge administratif contre un PAG n’est recevable qu’à condition de l’épuisement de la procédure non contentieuse de réclamation ainsi mise en place par les articles 13 et suivants de la loi du 19 juillet 2004, impliquant en particulier que l’omission de formuler une objection à l’adresse de l’autorité communale ou une réclamation à adresser au ministre à l’encontre du vote du conseil communal portant adoption du projet d’aménagement général4, entraîne l’irrecevabilité omisso medio du recours devant le juge administratif.
En ce qui concerne le contenu de la réclamation à adresser au collège échevinal, respectivement au ministre, il convient d’abord de constater que la loi du 19 juillet 2004 a prévu à travers ses articles 13 et suivants, une procédure non contentieuse d’adoption et d’approbation des PAG, tendant à voir disparaître au cours de l’élaboration du PAG, les objections et réclamations solutionnées, tout en ne laissant subsister que celles maintenues et réitérées. Le fait que l’intention du législateur est de faire disparaître au fur et à mesure des procédures d’aplanissement des difficultés les différentes demandes et réclamations des administrés implique que seules les réclamations d’ores et déjà formulées au cours de la procédure précontentieuse sont susceptibles d’être portées devant le juge administratif, étant précisé à cet égard que la motivation à l’appui de ces réclamations peut être complétée et développée durant la phase contentieuse pour autant que la réclamation en elle-même ait d’ores et déjà été présentée en phase précontentieuse.
La procédure d’adoption d’un PAG a été mise en place en vue d’aplanir les différends dans une phase non contentieuse, cette procédure permettant, en effet, aux personnes intéressées de faire valoir leurs points de vue, leurs argumentaires et ce, en dehors de tout procès. S’agissant d’une phase précontentieuse, les différents acteurs s’efforcent de trouver une solution aux réclamations introduites en ayant pour objectif d’éviter un allongement des procédures, allongement qui serait inévitable si chaque réclamation devait faire l’objet d’une procédure contentieuse.
4 En ce sens : Cour adm., 17 avril 2008, n° 23846C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 416 (1er volet) et les autres références y citées.
12 En l’espèce, en ce qui concerne tout d’abord les conclusions de la partie étatique quant à l’irrecevabilité omisso medio du recours en ce qu’il a été introduit par les époux …, il y a lieu de relever que certes ces derniers ont déclaré, par courrier du 5 février 2020, renoncer à leur réclamation introduite auprès du ministre de l’Intérieur le 9 décembre 2019 à l’encontre du projet d’aménagement général, tel qu’adopté par le conseil communal à travers ses délibérations des 18 octobre et 21 novembre 2019.
Il n’en reste pas moins que lors de sa séance publique du 11 mars 2020, le conseil communal a procédé, au titre de l’article 14 de la loi du 19 juillet 2004, à un vote complémentaire au sujet du projet d’aménagement général et qu’à travers ce vote, il a décidé de classer la zone “a”, comprenant une partie de la parcelle n° … appartenant aux époux …, en zone non aedificandi. Il est encore constant en cause que le public a été informé par le biais d’un avis du 13 mars 2020 que le conseil communal avait, dans sa séance du 11 mars 2020, « approuvé définitivement (vote complémentaire) le projet d’aménagement général modifié de la commune de Schieren, en se ralliant intégralement » à l’avis du 6 février 2020 du ministre de l’Environnement et à l’avis du 7 février 2020 du ministre de l’Intérieur, tout en indiquant dans le même avis qu’« en exécution de l’article 16 de la loi [du 19 juillet 2004], les réclamations dirigées contre les modifications apportées au projet d’aménagement général par le conseil communal en date du 11 mars 2020 [devaient] être adressées à Madame la Ministre de l’Intérieur dans les quinze jours de l’affichage, sous peine de forclusion », de même qu’il y a été précisé que les « droits des citoyens concernés par le vote complémentaire resteraient bien évidemment intacts en ce qui concerne les droits de réclamation auprès de la Ministre de l’Intérieur et de recours en annulation auprès des juridictions administratives ».
Il n’est ensuite pas contesté que suite à la situation de crise sanitaire, le public a été informé par le biais d’un nouvel avis daté du 25 juin 2020 qu’un nouveau délai pour les réclamations auprès du ministre de l’Intérieur était ouvert et qu’il s’étendait du 29 juin au 14 juillet 2020 inclus.
Au vu de ces considérations et dans la mesure où les époux … ont introduit par courrier du 3 juillet 2020 auprès du ministre de l’Intérieur une réclamation contre « la délibération du conseil communal de Schieren du 11 mars 2020, annulant son vote du 21 novembre 2020 en reclassant arbitrairement [leur] terrain en Zone verte », les développements de la partie étatique relatifs à l’irrecevabilité omisso medio du recours en ce qu’il a été introduit par les époux … sont à rejeter pour ne pas être fondés.
En ce qui concerne ensuite les conclusions de la partie étatique quant à l’irrecevabilité omisso medio du recours en ce qu’il a été introduit par Madame …, il y a tout d’abord lieu de relever que, d’une part, à travers son vote complémentaire du 11 mars 2020, le conseil communal a adopté un projet d’aménagement modifié par rapport à celui qui a été mis en procédure le 3 octobre 2018 et par rapport auquel les observations et objections ont dû être présentées conformément à l’article 13 de la loi du 19 juillet 2004, et que, d’autre part, les modifications adoptées à travers ce vote ont affecté la situation de la parcelle appartenant à Madame … et à Monsieur … en ce qu’ils ont vu le classement de celle-ci changer par rapport au classement projeté lors de la mise en procédure du projet d’aménagement.
Or, il est de jurisprudence que dans l’hypothèse où la situation d’un administré n’est affectée que par des modifications apportées au projet d’aménagement général par le conseil communal lors de l’adoption du projet, voire par le ministre dans le cadre de sa décision 13d’approbation, l’absence d’objections ou de réclamations de la part de cet administré à un stade de la procédure ayant précédé ces modifications ne saurait, en principe, entraîner l’irrecevabilité omisso medio du recours ultérieur devant le juge administratif, étant donné qu’à ce stade, l’administré en question n’avait a priori pas encore intérêt à formuler des objections, respectivement des réclamations5. Au vu de ces considérations et dans la mesure où suite aux modifications apportées au projet d’aménagement à travers le vote complémentaire du 11 mars 2020 le classement de la parcelle appartenant à Monsieur … et à Madame … a changé par rapport à celui qui était initialement projeté lors de la mise en procédure du PAG, il convient uniquement d’examiner, dans le cadre du moyen d’irrecevabilité sous analyse, si la réclamation du 6 juillet 2020 dirigée contre le projet d’aménagement modifié à travers le vote complémentaire du 11 mars 2020 est à considérer comme ayant été introduite non seulement par Monsieur … mais également par Madame ….
Il y a, à cet égard, tout d’abord lieu de constater qu’il est constant en cause que Monsieur … et Madame … sont copropriétaires indivis de la parcelle n° …. Le tribunal relève ensuite que si certes la lettre de réclamation adressée au ministre le 6 juillet 2020 porte la seule signature de Monsieur …, lequel figure, par ailleurs, seul en tant qu’expéditeur de la lettre en question, il n’en reste pas moins que la réclamation a été exclusivement rédigée au pluriel et que suivant la dernière page, elle a été rédigée par les soins de Monsieur … « pour les consorts … ».
Au vu de ces éléments, le tribunal arrive à la conclusion que la réclamation du 6 juillet 2020 a valablement été introduite par Monsieur … en son nom personnel ainsi qu’au nom et pour compte de Madame …, de sorte que les développements relatifs à l’irrecevabilité omisso medio du recours en ce qu’il a été introduit par Madame … sont également à rejeter pour ne pas être fondés.
A défaut d’autres moyens d’irrecevabilité, le recours en annulation en ce qu’il est dirigé à l’encontre des décisions du conseil communal du 11 mars 2020 et du ministre de l’Intérieur du 3 décembre 2020 portant adoption, respectivement approbation du PAG de la commune de Schieren, est à déclarer recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.
4. Quant au fond A l’appui de leur recours dirigé contre les décisions du conseil communal du 11 mars 2020 et du ministre de l’Intérieur du 3 décembre 2020 portant adoption, respectivement approbation du projet d’aménagement général, les demandeurs invoquent :
- une violation par les décisions querellées du principe de l’autonomie locale, - une erreur d’appréciation dans le chef de l’autorité de tutelle, - une violation des articles 16 et 18 de la loi du 19 juillet 2004, - une violation de l’article 14 de la loi du 19 juillet 2004, ensemble un vice de procédure dans le cadre de l’élaboration du PAG, - une violation du principe de confiance légitime dans le chef de l’autorité communale, 5 Trib. adm., 25 juin 2017, n° 37685 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 405 et l’autre référence y citée.
14- une violation au niveau de la délibération du conseil communal de l’article 14 de la loi du 19 juillet 2004 et des articles 19 et 26 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988, ci-après désignée par « la loi communale » ;
- une violation par l’autorité communale de l’article 10 de la loi du 19 juillet 2004, ainsi que des articles 2 et 4 de la loi modifiée du 22 mai 2008 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement, ci-après désignée par « la loi du 22 mai 2008 ».
Il convient, à cet égard, de rappeler que le tribunal n’est pas tenu par l’ordre des moyens, tels que présenté par les parties, mais il détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.
4.1. Quant au moyen tenant à une violation, par les décisions litigieuses, du principe de l’autonomie locale Arguments des parties A l’appui de ce moyen, et en ce qui concerne la délibération du conseil communal du 11 mars 2020, les demandeurs renvoient intégralement à leurs développements tels que mis en avant dans le cadre de leur recours portant le numéro 44899 du rôle.
Ils insistent, pour le surplus, sur le fait que comme l’autorité communale se serait « trouvée coincée, et a[urait] contre sa propre volonté, par crainte, fait volte-face par rapport à son intention initiale », alors même que sa volonté aurait été et serait toujours celle de classer les terrains litigieux en zone urbanisable, la délibération du conseil communal du 11 mars 2020 aurait été prise en violation du principe de l’autonomie locale.
Pour ce qui est de la décision du ministre de l’Intérieur du 3 décembre 2020, dans la mesure où, à travers celle-ci, ledit ministre aurait approuvé une délibération irrégulière du conseil communal, la décision en question ne pourrait qu’être considérée elle-aussi comme étant irrégulière, ne serait-ce que « par ricochet », pour violer également le principe de l’autonomie locale.
Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs réitèrent, en substance, les mêmes reproches dirigés contre les décisions d’adoption, respectivement d’approbation du projet d’aménagement général que ceux formulés à travers la requête introductive d’instance.
Pour ce qui est de la délibération du conseil communal et après avoir cité l’article 107, alinéa 6 de la Constitution, dans sa version en vigueur en l’espèce, ainsi que l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004, les demandeurs insistent sur le fait que le pouvoir de tutelle du ministre de l’Intérieur serait strictement encadré par la loi. Tout en admettant que l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004 permettrait au ministre de tutelle de vérifier la conformité et la compatibilité du projet de PAG avec les objectifs énoncés à l’article 2 de la même loi, ils soulignent toutefois que ledit article serait un « fourre-tout » et que ce serait bien l’autorité communale qui serait en principe la plus à même de juger des besoins réels de la commune, raison pour laquelle il reviendrait également aux autorités communales d’élaborer leur propre PAG et non à une autorité étatique. Ils ajoutent que plus la marge d’appréciation de l’autorité communale est grande plus celle du ministre de l’Intérieur devrait être minime. Or, dans l’appréciation des objectifs énoncés à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004, l’autorité communale disposerait 15d’une marge d’appréciation très étendue, en application du principe de l’autonomie locale, laquelle pourrait difficilement être remise en cause par l’autorité étatique.
Ils insistent ensuite sur le fait qu’il serait faux de prétendre que l’autorité communale se serait totalement ralliée aux positions ministérielles et ce, en exerçant son pouvoir décisionnel en toute indépendance et autonomie puisqu’elle aurait uniquement agi comme elle l’a fait par crainte de voir son nouveau PAG « bloqué ».
Quant à la décision ministérielle du 3 décembre 2020, les demandeurs maintiennent qu’elle serait irrégulière « par ricochet ».
La partie étatique conclut, quant à elle, au rejet de ce moyen pour ne pas être fondé.
La commune, après avoir relevé que l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004 semblerait, dans sa teneur actuelle, permettre au ministre de l’Intérieur de « s’immiscer » non seulement dans des considérations tenant à la légalité de la délibération lui soumise pour approbation, mais également dans des considérations urbanistiques, fait remarquer, pour le surplus, qu’il ne pourrait pas être affirmé de manière globale et générale que l’autorité ministérielle aurait outrepassé la compétence lui reconnue par la loi lorsqu’elle s’immisce dans un choix urbanistique communal, mais qu’il faudrait analyser au cas par cas s’il y a eu ou non une ingérence autorisée et partant une violation du principe de l’autonomie communale. Pour le surplus, la commune fait, en substance, valoir qu’il ne lui appartiendrait pas de se prononcer sur les raisons ayant pu amener le ministre de l’Intérieur à agir comme il l’a fait, de sorte qu’elle ne pourrait pas prendre position par rapport à ce reproche.
Suite à l’arrêt, prévisé, du 6 juillet 2023, le tribunal a, par avis du 4 octobre 2023, fait droit à la demande du litismandataire des demandeurs, formulée à travers un courrier du 26 septembre 2023, de se voir autoriser à produire un mémoire supplémentaire « pour prendre position par rapport 1) à la « question de l’impact – respectivement de l’autorité de la chose jugée » de deux paragraphes précis contenus dans l’arrêt de la Cour administrative […], tels que retranscrits dans le courrier prémentionné, du 26 septembre 2023, et 2) à un « élément nouveau à savoir l’achat par la commune des terrains “e”, ainsi que la subvention par l’Etat de cet achat », tout en permettant, dans le respect des droits de la défense, aux parties défenderesses de prendre également un mémoire supplémentaire.
Dans son mémoire supplémentaire, la partie étatique soutient que certains des éléments contenus dans le mémoire supplémentaire des demandeurs dépasseraient le cadre de l’autorisation donnée par le tribunal, de même qu’ils se seraient pris la liberté de replaider au fond certains aspects du dossier ayant d’ores et déjà été exposés dans les mémoires ou lors des plaidoiries. Les développements afférents devraient, en conséquence, être écartés.
Au vu du fait que, dans son avis du 4 octobre 2023, le tribunal a clairement délimité la portée des mémoires supplémentaires que les parties étaient autorisées à produire, le tribunal ne tiendra pas compte des développements contenus dans le mémoire supplémentaire des demandeurs allant au-delà de l’autorisation ainsi donnée.
Dans le mémoire supplémentaire que les demandeurs ont été autorisés à produire, ils relèvent qu’il se dégagerait des deux paragraphes dudit arrêt plus particulièrement mis en lumière par eux, qu’il y aurait autorité de chose jugée sur trois points, à savoir (i) que 16l’intervention du ministre de l’Intérieur se situerait en dehors du cours normal de la procédure d’adoption du PAG, (ii) que cette intervention aurait eu des effets juridiques concrets (iii) en ce que cette décision aurait mis la commune dans une situation telle qu’elle avait estimé ne pas avoir d’autre choix que de, soit, poursuivre la procédure selon le projet voté les 18 octobre et 21 novembre 2019 au risque de voir son projet d’aménagement général ne pas aboutir, soit, se plier et procéder à un vote complémentaire, à moins d’avoir introduit un recours contentieux contre cet acte du ministre de l’Intérieur.
Ils en déduisent que la Cour aurait reconnu que le ministre de l’Intérieur avait pris une véritable décision qui aurait influencé le conseil communal et ce, à un stade où la loi ne lui aurait pas permis d’agir.
La partie étatique insiste, quant à elle, dans son mémoire supplémentaire sur le fait que, dans son arrêt du 6 juillet 2023, la Cour administrative se serait limitée à retenir que le courrier ministériel du 7 février 2020 constituerait, en raison des circonstances propres et particulières au présent litige, un acte administratif pouvant faire l’objet d’un recours contentieux, tout en renvoyant pour le surplus le dossier aux premiers juges pour statuer sur les autres moyens d’irrecevabilité et, s’il y avait lieu, pour examiner le fond du recours. En revanche, la Cour administrative n’aurait ni considéré que l’acte en question serait illégal ni qu’il serait interdit, ni même qu’il aurait violé le principe de l’autonomie communale ou vicié la procédure d’adoption du projet d’aménagement général. Enfin, elle fait valoir que même à supposer que l’acte en question serait annulé, une telle annulation n’aurait aucune incidence « par ricochet » sur la légalité de la délibération du conseil communal du 11 mars 2020 et de la décision ministérielle du 3 décembre 2020 portant adoption, respectivement approbation du projet d’aménagement général.
Analyse du tribunal Le moyen sous analyse est fondé sur la prémisse que la délibération du conseil communal du 11 mars 2020 serait irrégulière pour avoir été prise en violation du principe de l’autonomie communale alors qu’elle serait intervenue sous la pression exercée par le ministre de l’Intérieur à travers sa décision du 7 février 2020. A fortiori, la décision ministérielle d’approbation du 3 décembre 2020 de cette même délibération serait irrégulière « par ricochet ».
S’agissant de ce moyen, il convient de relever que le tribunal a, dans son jugement prononcé en date de ce jour dans le cadre de l’affaire inscrite sous le numéro 44899a du rôle, rejeté, pour ne pas être fondé, le moyen tenant à une violation par le ministre de l’Intérieur, à travers son intervention du 7 février 2020, du principe de l’autonomie communale et ce, sur base des considérations et motifs suivants :
« Il y a, tout d’abord, lieu de relever que les autorités communales lorsqu’elles initient des modifications de leurs plans d’aménagement doivent être mues par des considérations légales d’ordre urbanistique ayant trait à l’aménagement des agglomérations et d’ordre politique tirées de l’organisation de la vie en commun sur le territoire donné, tendant les unes et les autres à une finalité d’intérêt général et, dans ce contexte, lesdites autorités doivent veiller tant à la conservation de l’esthétique urbaine qu’au développement rationnel des agglomérations. Quant aux objectifs devant guider les autorités communales, lorsqu’elles initient une refonte de leur PAG, qu’il y a lieu de se référer à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004, aux termes duquel :
17 « Les communes ont pour mission de garantir le respect de l’intérêt général en assurant à la population de la commune des conditions de vie optimales par une mise en valeur harmonieuse et un développement durable de toutes les parties du territoire communal par :
(a) une utilisation rationnelle du sol et de l’espace tant urbain que rural en garantissant la complémentarité entre les objectifs économiques, écologiques et sociaux ;
(b) un développement harmonieux des structures urbaines et rurales, y compris les réseaux de communication et d’approvisionnement compte tenu des spécificités respectives de ces structures, et en exécution des objectifs de l’aménagement général du territoire ;
(c) une utilisation rationnelle de l’énergie, des économies d’énergie et une utilisation des énergies renouvelables;
(d) le développement, dans le cadre des structures urbaines et rurales, d’une mixité et d’une densification permettant d’améliorer à la fois la qualité de vie de la population et la qualité urbanistique des localités;
(e) le respect du patrimoine culturel et un niveau élevé de protection de l’environnement naturel et du paysage lors de la poursuite des objectifs définis ci-dessus;
(f) la garantie de la sécurité, la salubrité et l’hygiène publiques. ».
L’article 6 de la loi du 19 juillet 2004 prévoit quant à lui que « Le plan d’aménagement général a pour objectif la répartition et l’implantation judicieuse des activités humaines dans les diverses zones qu’il arrête aux fins de garantir le développement durable de la commune sur base des objectifs définis par l’article 2 de la loi. ».
Au vu du principe de l’autonomie communale, tel qu’inscrit notamment à l’article 107 de la Constitution et à la Charte européenne de l’autonomie locale faite à Strasbourg, le 15 octobre 1985, approuvée par la loi du 18 mars 1987, les communes sont non seulement compétentes, mais également responsables de l’aménagement et du développement de leurs territoires respectifs et bénéficient d’un droit d’appréciation très étendu en la matière6. Tel n’est pas le cas du ministre de l’Intérieur sous l’approbation duquel l’autorité communale exerce ses compétences. En effet, en matière de PAG, ledit ministre doit se limiter, en tant qu’autorité de tutelle, à veiller à ce que les décisions de l’autorité communale ne violent aucune règle de droit et ne heurtent pas l’intérêt général7, son droit d’approuver la décision du conseil communal ayant comme corollaire celui de ne pas l’approuver8.
Le tribunal se doit ensuite de constater que si par le biais de ses deux délibérations des 18 octobre et 21 novembre 2019, le conseil communal a certes adopté définitivement le projet d’aménagement général sur base de l’article 14, alinéa 2 de la loi du 19 juillet 2004, il n’en reste pas moins que ce vote constitue un acte réglementaire préparatoire et intérimaire ayant nécessité, conformément à l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004, l’approbation définitive de l’autorité de tutelle pour prendre la désignation de PAG.
Or, en vertu dudit article 18, « [a]vant de statuer [à lire : sur l’approbation définitive du projet d’aménagement général], le ministre vérifie la conformité et la compatibilité du projet de plan d’aménagement général avec les dispositions de la loi, et notamment avec les 6 Trib. adm., 28 octobre 2020, n° 42189 du rôle c. par Cour adm., 1er avril 2021, n° 45328C du rôle, Pas. adm.
2023, V° Tutelle administrative, n° 37.
7 Trib. adm., 25 juin 2008, n° 22066 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Tutelle administrative, n° 69 et les autres références y citées.
8 En ce sens : Cour adm. ,31 janvier 2008, n° 23478C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Tutelle administrative, n° 68 et les autres références y citées.
18objectifs énoncés à l’article 2, avec ses règlements d’exécution ainsi qu’avec les plans rendus obligatoires en vertu de la loi précitée du 17 avril 2018 et avec les objectifs énoncés à l’article 1er de la prédite loi ».
Conformément à l’article 18, précité, de la loi du 19 juillet 2004, avant d’approuver ou non la décision du conseil communal portant adoption du projet d’aménagement général, il appartient dès lors au ministre de l’Intérieur, en tant qu’autorité de tutelle, de vérifier la conformité et la compatibilité des décisions de l’autorité communale avec les dispositions de la loi du 19 juillet 2004 et notamment avec les objectifs énoncés à l’article 2 de celle-ci, énumérés ci-avant, ainsi qu’avec les objectifs énoncés à l’article 1er de la loi modifiée du 17 avril 2018 concernant l’aménagement du territoire, ci-après désignée par « la loi du 17 avril 2018 », aux termes duquel « La politique de l’aménagement du territoire vise à garantir le respect de l’intérêt général en assurant à l’ensemble de la population des conditions de vie optimales par une mise en valeur et un développement durable de toutes les parties du territoire national. ».
Il est certes vrai que la tutelle n’autorise pas, en principe, l’autorité supérieure à s’immiscer dans la gestion du service décentralisé et à substituer sa propre décision à celles des agents du service, ce principe découlant de la nature même de la tutelle qui est une action exercée par un pouvoir sur un autre pouvoir, non pas en vue de se substituer à lui, mais dans le seul but de se maintenir dans les limites de la légalité et d’assurer la conformité de son action avec les exigences de l’intérêt général9.
Il est également vrai que le rôle de l’autorité de tutelle consiste dès lors à vérifier, non pas que chaque décision soit prise exclusivement dans le seul intérêt général, mais que la décision ne soit pas contraire à l’intérêt général10.
En l’espèce, il se dégage du courrier du 7 février 2020 que le ministre de l’Intérieur a, à travers celui-ci, invité les autorités communales de Schieren à reprendre la procédure d’adoption de son projet de PAG pour reconsidérer le classement de la zone “a” en zone destinée à être urbanisée en ce que ledit classement ne serait, pour différentes raisons, pas en adéquation avec les exigences des objectifs énoncés à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004, ainsi qu’à l’article 1er de la loi du 17 avril 2018 et qu’en conséquence, en l’état actuel, le projet d’aménagement général serait susceptible d’être contraire à l’intérêt général.
Or, certes, ce faisant, le ministre de l’Intérieur a, tel que retenu par la Cour administrative, clairement recherché des effets juridiques concrets en ce sens qu’il a communiqué à la commune qu’il n’entendait pas approuver le projet d’aménagement général tel qu’il se présentait, et donc à défaut d’adoption, par le conseil communal, d’un vote complémentaire sur un projet modifié par rapport à celui qui avait initialement été prévu et voté. Il n’en reste pas moins qu’en procédant de cette manière, le ministre s’est non pas immiscé dans la gestion de la commune, ni n’a-t-il substitué sa décision à celle de la commune, mais il a exercé son autorité tutélaire, certes en dehors du cours normal de la procédure d’élaboration du PAG, en vérifiant si la décision de l’autorité communale était conforme et compatible notamment avec les objectifs énoncés à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004 et ne s’inscrivait pas en contrariété avec l’intérêt général, tout en rendant l’autorité communale attentive au fait qu’en l’état actuel, son projet d’aménagement général risquerait d’être 9 Idem.
10 Ibidem.
19considéré comme étant contraire à l’intérêt général et donc de ne pas être approuvé dans sa globalité pour cette même raison.
A cela s’ajoute que dans la mesure où, tel que relevé ci-avant, au vu du principe de l’autonomie communale, les communes sont non seulement compétentes, mais également responsables de l’aménagement et du développement de leurs territoires respectifs et bénéficient d’un droit d’appréciation très étendu en la matière, elles ne sauraient se retrancher ni derrière une hypothétique décision de refus future de l’autorité de tutelle ni même derrière une décision apparaissant comme ayant d’ores et déjà été prise par celle-ci quant au sort à réserver au projet d’aménagement général, tel qu’adopté à ce stade par le conseil communal, à savoir que ladite autorité n’allait pas l’approuver en sa globalité, pour s’exonérer de leurs responsabilités et ne pas exercer leur compétence en la matière11.
En tout état de cause, dans le cadre de l’autonomie communale, il doit être admis que le conseil communal n’a, en l’espèce, pas été privé de ses pouvoirs d’appréciation ni de sa liberté de décider de maintenir ou non le projet d’aménagement tel que d’ores et déjà adopté et de le soumettre tel quel à l’appréciation de l’autorité de tutelle, au risque certes de se voir opposer, tel qu’annoncé, un refus d’approbation ministériel global par rapport audit projet, mais contre lequel il lui aurait toutefois été possible d’agir en justice. Le fait que le conseil communal a décidé de procéder à un vote complémentaire pour maintenir les terrains litigieux au final dans la zone destinée à rester libre et de modifier de la sorte sa position initiale ne saurait dès lors s’analyser comme impliquant ipso facto qu’il aurait abandonné ou aurait été privé de ses pouvoirs ni que le ministre aurait outrepassé ses compétences. ».
Dans le cadre du présent recours, le tribunal ne s’est pas vu soumettre d’éléments invalidant ce raisonnement.
Etant donné qu’à travers son jugement, précité, de ce jour, inscrit sous le numéro 44899a du rôle, le tribunal est venu à la conclusion que l’intervention du ministre de l’Intérieur du 7 février 2020 n’était pas contraire au principe de l’autonomie communale, c’est sur base du même raisonnement qu’il y a lieu de rejeter le moyen tenant à une violation du principe de l’autonomie communale par les décisions communale et ministérielle du 11 mars 2020 et 3 décembre 2020 portant adoption, respectivement approbation du projet d’aménagement général puisque celui-ci est, tel que relevé ci-avant, fondé sur la prémisse que lesdites décisions trouveraient toutes les deux leur fondement dans une intervention du ministre de l’Intérieur du 7 février 2020 par le biais de laquelle celui-ci aurait violé le principe de l’autonomie communale.
4.2. Quant au moyen tiré d’une violation, par le ministre de l’Intérieur, des articles 16 et 18 de la loi du 19 juillet 2004 Arguments des parties En se référant aux termes de l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004, lequel renvoie à l’article 16 de cette même loi, les demandeurs font valoir qu’en l’espèce, la commune n’aurait été appelée à statuer sur les réclamations formulées par devant le ministre de l’Intérieur qu’au 11 En ce sens: Trib. adm., 28 octobre 2020, n° 42189 du rôle, c. par Cour adm., 1er avril 2021, n° 45328C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Tutelle administrative, n° 37.
20cours du mois de mars 2020 et notamment sur « une réclamation … qui concerne directement le site « … » ».
Il s’ensuivrait qu’en prenant d’ores et déjà position le 7 février 2020 « en indiquant un refus d’approbation du reclassement « … » », alors même que la commune n’aurait pas encore remis son propre avis sur les réclamations, l’autorité ministérielle aurait « court-circuité » la procédure et violé l’article 18, prévisé.
A cela s’ajouterait que comme la motivation à la base de la décision du 3 décembre 2020 ne serait qu’une reprise de celle du 7 février 2020, le mécanisme précontentieux mis en place par la loi n’aurait pas été respecté.
Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs maintiennent leurs critiques suivant lesquelles le ministre de l’Intérieur aurait, en l’espèce, par son intervention à un stade précoce, « court-circuité » la procédure et ce, en violation des articles 16 et 18 de la loi du 19 juillet 2004, sinon de la logique systémique de la loi.
La partie étatique conclut, quant à elle, au rejet de ce moyen pour ne pas être fondé, tandis que la commune fait valoir qu’il ne lui appartiendrait pas de se prononcer sur une prétendue violation par l’autorité ministérielle de l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004.
Analyse du tribunal Le moyen sous analyse table, de l’entendement du tribunal, sur le reproche d’une violation, par le ministre de l’Intérieur, à travers son intervention du 7 février 2020, du mécanisme précontentieux prévu par la loi du 19 juillet 2004, impliquant que la décision ministérielle du 3 décembre 2020, dont la motivation ne serait qu’une reprise de celle contenue dans le courrier ministériel du 7 février 2020, serait également entachée d’illégalité.
Il convient de relever que le tribunal a, dans son jugement prononcé en date de ce jour dans le cadre de l’affaire inscrite sous le numéro 44899a du rôle, rejeté, pour ne pas être fondé, le moyen tenant à une violation par le ministre de l’Intérieur, à travers son intervention du 7 février 2020, de l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004, lequel renvoie à l’article 16 de la même loi, et ce, sur base des considérations et motifs suivants :
« Aux termes de l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004 : « Le ministre statue sur les réclamations dans les trois mois suivants le délai prévu à l’article 16 alinéa 1, respectivement dans les trois mois suivant la réception des avis de la commission d’aménagement et du conseil communal prévus à l’article qui précède, en même temps qu’il décide de l’approbation définitive du projet d’aménagement général, qui prend dès lors la désignation de plan d’aménagement général.
Avant de statuer, le ministre vérifie la conformité et la compatibilité du projet de plan d’aménagement général avec les dispositions de la loi, et notamment les objectifs énoncés à l’article 2, avec ses règlements d’exécution ainsi qu’avec les plans rendus obligatoires en vertu de la loi précitée du 17 avril 2018 et avec les objectifs énoncés à l’article 1er de la prédite loi. ».
Tel que relevé par la Cour administrative dans son arrêt du 6 juillet 2023, l’intervention du ministre de l’Intérieur telle qu’opérée en espèce se situe certes en dehors du cours normal 21de la procédure d’élaboration du PAG dans la mesure où elle n’est, en tant que telle, pas prévue par la loi du 19 juillet 2004, qui n’envisage pas une telle intervention en amont du ministre de l’Intérieur auprès des communes quant au sort à réserver à leur projet d’aménagement général.
Il n’en reste pas moins qu’aucune disposition de la loi du 19 juillet 2004, ni plus particulièrement l’article 18 de celle-ci, (i) n’interdit au ministre de l’Intérieur d’intervenir de la manière dont il l’a fait en l’espèce, à savoir après un premier vote du conseil communal en application de l’article 14 de la loi du 19 juillet 2004, mais avant que le conseil communal n’ait donné son avis sur les réclamations introduites auprès du ministre, (ii) ni n’a empêché concrètement ledit ministre d’inviter la commune à un stade précoce de reprendre la procédure d’adoption en reconsidérant l’inclusion de la zone ”a” en zone destinée à être urbanisée pour être, de son avis, incompatible avec les objectifs énoncés à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004. Une telle démarche visant à rendre l’autorité communale attentive au fait qu’en l’état actuel, son projet d’aménagement risquerait d’être considéré comme étant contraire à l’intérêt général et donc de ne pas être approuvé, ne peut dès lors s’analyser comme une façon illégale de procéder, mais doit, au contraire, s’analyser comme une façon de procéder régulière et efficace, voire même souhaitable dans le cadre d’une bonne administration. Ce constat s’impose d’autant plus que, tel que relevé ci-avant, dans le cadre de l’autonomie communale, le conseil communal n’a pas été privé de ses pouvoirs d’appréciation ni de sa liberté de décider de maintenir ou non sa décision d’adoption définitive du projet d’aménagement général et de la soumettre en tant que telle à l’appréciation de l’autorité de tutelle. ».
Dans le cadre du présent recours, le tribunal ne s’est pas vu soumettre d’éléments invalidant ce raisonnement, de sorte que c’est sur base des mêmes considérations que le moyen sous analyse encourt le rejet pour manquer de fondement.
4.3. Quant au moyen tenant à une violation, par le conseil communal, de l’article 14 de la loi du 19 juillet 2004, ensemble un vice de procédure dans le cadre de l’élaboration du PAG Arguments des parties En se référant au libellé de l’article 14 de la loi du 19 juillet 2004, les demandeurs insistent sur le fait que le conseil communal ne pourrait, à la lecture dudit article, modifier le projet d’aménagement général que dans les trois cas de figure y énumérés. Ils ajoutent qu’en l’espèce, la volonté réelle de la commune aurait été celle de ne pas suivre les « avis » des ministres de tutelle. Ils estiment qu’il aurait appartenu au conseil communal de maintenir sa position initialement défendue pour voir, le cas échéant, lesdits ministres refuser partiellement l’approbation du projet d’aménagement sur le point litigieux. En tout état de cause, la modification, telle que votée, n’aurait eu lieu que suite à l’intervention ministérielle critiquée et une telle manière de procéder ne serait pas prévue à l’article 14 de la loi du 19 juillet 2004.
Au vu de ces considérations, il devrait dès lors être admis que la procédure aurait été foncièrement viciée.
Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs maintiennent, en substance, leur argumentation antérieure.
22La partie étatique conclut au rejet de ce moyen, tandis que la commune précise qu’il ne lui appartiendrait pas de se prononcer sur une prétendue violation par l’autorité ministérielle de l’article 14 de la loi du 19 juillet 2004.
Analyse du tribunal S’agissant du reproche tenant à une violation par le conseil communal de l’article 14 de la loi du 19 juillet 2004, et plus particulièrement au caractère vicié de la procédure d’élaboration du projet d’aménagement général en raison de l’intervention critiquée du ministre de l’Intérieur, le tribunal a, dans son jugement prononcé en date de ce jour dans le cadre de l’affaire inscrite sous le numéro 44899a du rôle, rejeté, pour ne pas être fondé, ce même reproche et ce, sur base des considérations et motifs suivants :
« Aux termes de l’article 14 de la loi du 19 juillet 2004 : « Le projet d’aménagement général ensemble avec toutes les pièces mentionnées à l’article 10 est soumis avec l’avis de la commission d’aménagement et, le cas échéant, avec l’avis du ministre ayant dans ses attributions l’environnement, le rapport sur les incidences environnementales, les réclamations et les propositions de modifications du collège des bourgmestre et échevins, au conseil communal.
Au plus tard dans les trois mois à compter de l’échéance du délai prévu à l’article 11, alinéa 2, le conseil communal décide de l’approbation ou du rejet du projet d’aménagement général.
Il peut approuver le projet dans sa forme originale ou y apporter des modifications qui soit sont proposées par la commission d’aménagement, soit répondent en tout ou en partie à l’avis émis par le ministre ayant l’Environnement dans ses attributions, soit prennent en compte en tout ou en partie des observations et objections présentées.
Si le conseil communal entend apporter des modifications autres que celles visées à l’alinéa 1 qui précède, il renvoie le dossier devant le collège des bourgmestre et échevins qui est tenu de recommencer la procédure prévue aux articles 10 et suivants. ».
Comme relevé ci-avant, le vote définitif du conseil communal portant adoption du projet d’aménagement, tel que visé à l’article 14, alinéa 2, prévisé, constitue un acte réglementaire préparatoire et intérimaire nécessitant, conformément à l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004, l’approbation définitive de l’autorité de tutelle pour prendre la désignation de PAG.
De l’autre côté, comme la décision ministérielle du 7 février 2020 ne saurait s’analyser en un refus d’approbation définitif prononcé par le ministre dans l’exercice du pouvoir décisionnel lui conféré à travers l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004, il doit être admis que la procédure d’adoption du PAG litigieuse a continué à se dérouler au niveau de la phase préparatoire et intérimaire nécessitant l’approbation de l’autorité de tutelle pour devenir définitive.
Or, les demandeurs restent en défaut d’invoquer une quelconque disposition légale qui interdirait de réviser ou de modifier les projets d’aménagement, même adoptés définitivement au niveau communal, jusqu’au moment de l’approbation définitive par l’autorité tutélaire, l’article 14 de la loi du 19 juillet 2004 n’interdisant plus particulièrement pas au conseil 23communal d’apporter des modifications au projet d’aménagement général aussi longtemps qu’il n’a pas fait l’objet d’une approbation ministérielle. Il se dégage, à cet égard, de l’extrait du registre aux délibérations du conseil communal du 11 mars 2020 que lors du vote complémentaire, les modifications qui ont été apportées au projet d’aménagement général l’ont été en se ralliant aux avis exprimés aussi bien par la commission d’aménagement en date du 11 janvier 2019 que par le ministre de l’Environnement en date du 5 février 2020 en application de l’article 5 de la loi du 18 juillet 2018 - donc par deux des trois sources qui peuvent émettre des propositions de modifications suivant l’article 14, alinéa 3 de la loi du 19 juillet 2004 -, lesquels allaient tous deux dans le sens d’un maintien des terrains litigieux en zone destinée à rester libre. ».
Etant donné que dans le cadre du présent recours, le tribunal ne s’est pas vu soumettre d’éléments invalidant ce raisonnement, c’est sur base des mêmes considérations que le moyen sous analyse encourt le rejet.
4.4. Quant au moyen tenant à une violation, par le conseil communal, de l’article 14 de la loi du 19 juillet 2004 ainsi que des articles 19 et 26 de la loi communale Arguments des parties A l’appui de ce moyen, les demandeurs font valoir que lors de la séance publique du conseil communal du 11 mars 2020, le bourgmestre aurait tenu à faire passer un vote global sur l’ensemble des surfaces « critiques », de sorte que Monsieur …, alors conseiller communal, se serait vu empêché de voter purement et simplement puisqu’il avait un conflit d’intérêt pour ce qui était de la « surface précise « … » ». Ils continuent en expliquant que suite à un regroupement de toutes les délibérations du jour en un seul et même document, Monsieur … n’aurait pas été en mesure de contrôler les délibérations du jour, ni ne lui aurait-il été permis de signer le procès-verbal. Or, ils estiment qu’une telle signature « in globo » serait contraire à l’article 26 de la loi communale.
Ils ajoutent qu’en ce qui concerne « la réclamation (point 2 de l’ordre du jour) n° 6 – Famille … », le conseil communal en aurait uniquement pris connaissance dans sa séance du 11 mars 2020, tandis qu’en ce qui concerne « la réclamation n° 7a, du sub. 2. », le conseil communal aurait donné un avis défavorable par rapport à celle-ci. Or, ce serait seulement au point suivant de l’ordre du jour que le conseil communal se serait prononcé sur lesdits avis, respectivement aurait décidé de « se rallier » auxdits avis.
Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs font valoir que même à supposer qu’un vote global puisse être fait et que dans le même temps, tous les conseillers ayant un conflit d’intérêt soient à juste titre empêchés de voter, cela impliquerait que seuls les élus qui ne sont pas propriétaires puissent voter et a fortiori qu’aucun conseiller ne serait en mesure de pouvoir voter globalement.
Ils relèvent encore que, concernant la signature du procès-verbal, l’Etat aurait lui-même exposé « via Monsieur … – inspecteur au sein de la direction du conseil juridique au secteur communal » qu’une telle façon de procéder serait contraire à l’article 26 de la loi communale alors qu’elle pourrait entraîner qu’un conseiller communal signe en bas d’une délibération à laquelle il n’avait pas participé.
24La partie étatique conclut au rejet de ce moyen, tandis que la commune n’a pas pris position y relativement.
Analyse du tribunal Le tribunal se doit de relever qu’encore que suivant l’intitulé du moyen sous analyse celui-ci serait notamment tiré d’une violation des articles 14 de la loi du 19 juillet 2004 et 19 de la loi communale, les demandeurs n’ont développé aucune argumentation visant à démontrer une violation de ces articles. En effet, à travers leurs développements, ils reprochent, de l’entendement du tribunal, au conseil communal d’avoir procédé le 11 mars 2020 à un « vote global » sur des surfaces qu’ils qualifient de critiques et estiment qu’un tel vote serait contraire à l’article 26 de la loi communale. Dans la mesure où les développements des demandeurs visent dès lors uniquement à sous-tendre une prétendue violation de l’article 26 de la loi communale, il y a lieu d’écarter d’emblée une violation des articles 14 de la loi du 19 juillet 2004 et 19 de la loi communale pour ne pas être sous-tendue par une argumentation juridique.
En ce qui concerne ensuite la violation alléguée de l’article 26 de la loi communale, il y a lieu de relever que ledit article est libellé comme suit : « Les délibérations du conseil communal sont rédigées par le secrétaire et transcrites sans blanc ni interligne, sur un registre à feuilles fixes ou mobiles qui est coté et paraphé par le bourgmestre ; elles sont signées par tous les membres présents dans les meilleurs délais et si possible lors de la prochaine réunion du conseil, sans qu’il puisse en être délivré expédition avant les signatures de la majorité.
Les délibérations constatent le nombre des membres qui ont voté pour et contre.
Ces expéditions sont signées par le bourgmestre ou celui qui le remplace et contresignées par le secrétaire ; elles énoncent les noms de tous les membres qui ont concouru à la délibération. […] ».
Le tribunal se doit de relever qu’aucune violation de l’article 26 de la loi communale ne saurait être constatée en l’espèce. En effet, ledit article a trait à la transcription sur un registre, par le secrétaire communal, de la délibération du conseil communal. Or, il ne ressort d’aucun élément du dossier que la transcription sur le registre prévu par l’article 26 de la loi communale aurait été erronée. Par ailleurs, comme Monsieur … n’a pas pris part au vote du 11 mars 2020, tel que cela se dégage de la première page de la délibération du conseil communal, sa signature de la délibération en question ne s’imposait pas, l’article 26 prévoyant uniquement que les délibérations « sont signées par tous les membres présents » lors du vote.
Pour le surplus, les demandeurs restent en défaut d’expliquer dans quelle mesure le vote auquel il a été procédé le 11 mars 2020, et qui n’était pas un vote global portant sur l’ensemble du projet d’aménagement général mais qui portait sur les terrains composant les surfaces « ”b”, “a”, “c” et “d” », serait concrètement intervenu en violation de l’article 26 de la loi communale, voire d’une quelconque autre disposition légale.
Le moyen afférent est dès lors à rejeter pour ne pas être fondé.
4.5. Quant au moyen tenant à une erreur d’appréciation dans le chef de l’autorité de tutelle Arguments des parties 25 A l’appui de ce moyen, les demandeurs soutiennent que, contrairement à l’appréciation ministérielle, le zonage projeté ne constituerait pas un développement tentaculaire, tout en insistant sur le fait que la volonté de la commune aurait été de développer « cet îlot » et d’y favoriser la concentration de logements en respectant les enjeux environnementaux, le tout dans le but de justement éviter la création de nouveaux développements tentaculaires à un autre endroit.
Ils ajoutent que même à supposer qu’il puisse être question d’un développement tentaculaire sur le site litigieux, il n’en resterait pas moins que celui-ci se ferait alors au niveau des zones “c” et “e” et non pas du fait de la zone “a”. Ce constat s’imposerait d’autant plus que de nouvelles constructions auraient été érigées à côté de leurs terrains à front de voirie, de sorte que l’urbanisation de la zone “a” viserait une concentration de l’urbanisation. Il ne faudrait pas non plus perdre de vue que la commune souhaiterait développer ce pôle.
A cela s’ajouterait que les zones “c” et “e” seraient uniquement recouverts d’une « zone de servitude « urbanisation – intégration paysagère » », de sorte qu’une urbanisation immédiate de ce site serait possible.
Pour ce qui est de l’argumentation relative aux frais de viabilisation, les demandeurs contestent tout d’abord que ceux-ci seraient disproportionnées. Ensuite, et compte tenu de la superposition d’un plan d’aménagement particulier « nouveau-quartier » (« PAP NQ »), ces frais seraient de toute façon pris en charge par les initiateurs de celui-ci, de sorte que l’intérêt général ne pourrait aucunement s’en trouver lésé.
Enfin, ils contestent l’affirmation suivant laquelle la proximité de la route nationale N7, ci-après désignée par « la route N7 », qui disposerait de parois anti-bruit, empêcherait une qualité de vie suffisamment bonne alors qu’ils habiteraient eux-mêmes sur ce site.
L’urbanisation de la zone “a” permettrait d’ailleurs une excellente qualité de vie, d’autant plus que le schéma directeur prévoirait une large bande d’espace vert « coulée verte ». Ils ajoutent que la question de l’incidence sonore de la route nationale aurait été appréhendée dans la Strategische Umweltprüfung (« SUP »).
Ils sont encore d’avis que les niveaux de bruit n’apparaîtraient pas plus importants que par rapport à tous les terrains urbanisés le long de grands axes routiers, tout en ajoutant que le ministre de l’Intérieur aurait déjà par le passé accepté le reclassement en zone urbanisable d’autres zones dont le niveau de bruit aurait été de 55-60 décibels, sans qu’il n’explique, en l’espèce, pour quelle raison il y aurait lieu d’apprécier la situation en cause de manière différente. Il ne faudrait, à cet égard, pas oublier que les nuisances dont question seraient encore abaissées du fait notamment du placement d’un mur absorbant d’une hauteur de plus de 3 mètres sur la zone du pont.
Les demandeurs font encore valoir que l’accessibilité en transports en commun de la commune ne pourrait pas être contestée ni ne le serait d’ailleurs.
Au vu de ces considérations, la décision ministérielle serait à annuler pour erreur manifeste d’appréciation.
Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs insistent sur la volonté communale de développer le site litigieux. Ils estiment que le pôle de développement qui y serait prévu serait 26d’autant plus cohérent que les zones “e” et “c” seraient destinées à être directement urbanisées.
Comme le but recherché serait justement celui de regrouper et de concentrer des habitations sur la zone en question et notamment à l’arrière de la zone d’ores et déjà urbanisée au lieu-dit « … », il ne ferait pas de sens de parler de développement tentaculaire.
Ils insistent encore sur le fait qu’il serait erroné de prétendre « qu’il s’agirait de constructions en seconde position » étant donné que comme la zone litigieuse aurait été « prévue en PAP NQ », des voiries d’accès et autres infrastructures y seraient élaborées.
Pour ce qui est de l’argumentation relative aux frais de viabilisation, ils estiment que, d’une part, celle-ci ne serait aucunement à prendre en compte par le ministre de l’Intérieur, tout en continuant, d’autre part, à contester que les frais en question seraient disproportionnés, ce d’autant plus qu’ils seraient de toute façon pris en charge par les initiateurs dudit PAP.
Ils sont, en tout état de cause, d’avis qu’en l’espèce, l’autorité ministérielle aurait, par sa décision, méconnu l’intérêt général tel que défendu par la commune.
Pour le surplus, ils maintiennent, en substance, leur argumentation visant à contester l’impact prétendument négatif de la proximité de la route N7 sur la qualité de vie.
La partie étatique conclut au rejet de ce moyen, tandis que la commune fait valoir qu’il ne lui appartiendrait pas de se prononcer sur la prétendue erreur d’appréciation que les demandeurs reprochent au ministre de l’Intérieur.
Dans le mémoire supplémentaire qu’ils ont été autorisés à produire, les demandeurs donnent à considérer que la commune aurait entretemps acheté la surface “e”, ce qui démontrerait non seulement qu’elle aurait toujours la volonté d’urbaniser le quartier litigieux, mais également que ce serait une urbanisation de la zone “a” qui aurait permis un développement concentrique des lieux. Ils ajoutent qu’il semblerait que l’achat des terrains en question avait été subventionné par l’Etat qui, ce faisant, financerait donc des terrains qu’il aurait jugé tentaculaires et déconnectés, tout en empêchant, par l’entremise d’une décision irrégulière du ministre de l’Intérieur, la commune d’approuver un projet d’aménagement qui aurait permis une urbanisation concentrique des lieux sur la zone “a”. Ils estiment que s’il était compréhensible que les zones “e” et “c” soient urbanisées, tel devrait également être le cas de la zone “a”.
La partie étatique relève, quant à elle, que les affirmations des demandeurs quant à l’acquisition par la commune de la zone “e” ne sauraient entrer en ligne de compte dans l’analyse de la légalité de la décision ministérielle litigieuse qui devrait se faire en tenant compte de la situation de fait et de droit ayant existé au jour de la prise de celle-ci. A cela s’ajouterait que la décision ministérielle déférée au tribunal n’aurait en aucune manière porté sur la zone “e”, mais uniquement sur la zone ”a”. Il ne serait, par ailleurs, pas possible d’assimiler, voire même de comparer la zone “a” avec la zone ”e” puisque cette dernière aurait déjà été classée dans le périmètre d’agglomération sous l’ancien PAG. Ce serait pour cette raison que lors de sa délibération du 18 octobre 2019, le conseil communal aurait préféré ne pas tenir compte de l’avis de la commission d’aménagement du 11 janvier 2019, qui aurait fortement recommandé de reclasser la zone ”e” en zone verte, et de la maintenir dans le périmètre d’agglomération, ce dans le but toutefois non pas d’urbaniser cette surface, mais d’éviter de s’exposer au risque d’une action en dommages et intérêts par les propriétaires de cette surface. Il ne faudrait pas non plus perdre de vue que dans le cadre de la refonte du PAG, 27cette surface aurait été intégralement recouverte d’une « servitude « urbanisation – intégration paysagère P2 » ». Enfin, la partie étatique relève que, pour ce qui est de la convention qui aurait été conclue entre l’Etat, représenté par son ministre du Logement, et la commune à propos du fonds sis au lieu-dit « … », il s’agirait d’un élément qui ne saurait pas non plus entrer en ligne de compte dans l’analyse de la légalité de la décision ministérielle en cause puisque cette convention aurait non seulement été conclue par une autorité ministérielle distincte agissant dans sa propre sphère de compétence, mais également sur base d’une législation différente de cette applicable au présent litige.
Analyse du tribunal S’agissant du reproche tenant à une erreur d’appréciation dans le chef du ministre de l’Intérieur en ce qu’il a refusé de faire droit à la demande des demandeurs de voir reclassés leurs terrains en zone constructible, le tribunal a, dans son jugement prononcé en date de ce jour dans le cadre de l’affaire inscrite sous le numéro 44899a du rôle, rejeté, pour ne pas être fondé, ce même moyen dirigé contre la décision ministérielle du 7 février 2020, et ce, sur base des considérations et motifs suivants :
« Tel que relevé plus haut, il est constant en cause que le projet d’aménagement général prévoyait, au moment de sa mise en procédure, le classement de la zone “a”, comprenant notamment une partie de la parcelle n° …, appartenant aux époux …, de même qu’une partie de la parcelle n° …, appartenant à Monsieur … et à Madame …, en « zone d’habitation 1 [HAB-
1] », superposée d’une « zone soumise à l’élaboration d’un plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » », et partiellement d’une « zone de servitude « urbanisation – corridor espèces protégées » ».
Il se dégage encore de l’extrait de la partie graphique du projet d’aménagement général, tel que figurant dans la requête introductive d’instance, que lors du vote du conseil communal du 21 novembre 2019 portant spécifiquement sur la zone litigieuse ”a” au lieu-dit « … », le conseil communal a décidé de maintenir le projet d’aménagement général mis en procédure, sauf qu’un classement superposé en « zone de servitude « urbanisation – intégration paysagère » » y fut ajouté.
A travers la décision querellée, le ministre de l’Intérieur a, quant à lui, retenu qu’une extension du périmètre d’agglomération par le biais du classement envisagé de la zone “a” au lieu-dit « … » en zone destinée à être urbanisée ne serait pas en adéquation avec les exigences des objectifs énoncés à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004 et à l’article 1er de la loi du 17 avril 2018, tout en justifiant sa position sur base des considérations suivantes :
- les fonds litigieux se caractériseraient par une situation déconnectée de la localité de Schieren à un endroit qui aurait d’ores et déjà connu un développement tentaculaire, ce qui impliquerait qu’un développement futur en ces lieux renforcerait ce caractère tentaculaire et d’îlot déconnecté ;
- la situation topographique du site serait telle qu’elle nécessiterait des travaux de viabilisation disproportionnés par rapport au nombre de logements qui y seraient réalisables ;
- l’urbanisation du site litigieux serait, au vu de la situation topographique, susceptible d’avoir un impact paysage négatif significatif en ces lieux ;
28- la proximité immédiate de la route N7 qui, en cas d’extension de la zone constructible en ces lieux, constituerait une source de nuisances sonores susceptibles d’avoir un impact négatif sur la qualité de vie et la santé des futurs habitants.
Le tribunal se doit de constater que la décision ministérielle querellée est fondée, tel que cela se dégage de son libellé, ensemble les compléments de motivation apportés par la partie étatique au cours de la procédure contentieuse, sur des considérations d’ordre urbanistique et plus particulièrement sur le souci d’éviter un développement désordonné et tentaculaire de la localité de Schieren, considérations qui s’inscrivent dans les objectifs énoncés aussi bien à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004 qu’à l’article 1er de la loi du 17 avril 2018.
Pour ce qui est de la question de savoir si, en l’espèce, en prenant la décision litigieuse, le ministre a commis une erreur d’appréciation, il y a tout d’abord lieu de rappeler que, saisi d’un recours en annulation, le juge administratif est appelé à vérifier, d’un côté, si, au niveau de la décision administrative querellée, les éléments de droit pertinents ont été appliqués et, d’un autre côté, si la matérialité des faits sur lesquels l’autorité de décision s’est basée est établie. Au niveau de l’application du droit aux éléments de fait, le juge de l’annulation vérifie encore s’il n’en est résulté aucune erreur d’appréciation se résolvant en dépassement de la marge d’appréciation de l’auteur de la décision querellée. Le contrôle de légalité à exercer par le juge de l’annulation n’est pas incompatible avec le pouvoir d’appréciation de l’auteur de la décision qui dispose d’une marge d’appréciation. Ce n’est que si cette marge est dépassée que la décision prise encourt l’annulation pour erreur d’appréciation. Ce dépassement peut notamment consister dans une disproportion dans l’application de la règle de droit aux éléments de fait. Le contrôle de légalité du juge de l’annulation s’analyse alors en contrôle de proportionnalité12.
C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient tout d’abord d’analyser le motif tiré de ce que l’extension du périmètre d’agglomération à l’endroit litigieux contribuerait à un développement désordonné et tentaculaire de la localité de Schieren.
En l’espèce, il se dégage de la partie graphique du PAG fournie par la partie étatique que les parcelles litigieuses font partie d’un îlot d’ores et déjà déconnecté du reste du tissu urbain du territoire communal lequel s’est développé le long de la ligne ferroviaire, de part et d’autre de celle-ci, et qui est délimité à l’est par la route N7, ledit îlot prenant la forme d’un tentacule situé de l’autre côté de la route N7 et se prolongeant vers l’est.
Dans ces circonstances, le tribunal retient que la position adoptée par le ministre de l’Intérieur, loin de ne pas rentrer dans les critères d’application de la loi, trouve sa justification notamment dans le souci exprimé de ne pas renforcer, à travers une inclusion des parcelles litigieuses dans le périmètre d’agglomération, un développement tentaculaire préexistant et d’aggraver ainsi une situation d’ores et déjà insatisfaisante d’un point de vue urbanistique, contraire aux objectifs d’intérêt général d’une utilisation rationnelle du sol et d’un développement harmonieux des structures urbaines, tels que prévus aux points a) et b) de l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004, étant rappelé, à cet égard, qu’il est de jurisprudence constante que l’accent mis sur un développement concentrique d’une agglomération par 12 Cour adm., 9 novembre 2010, n° 26886C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en annulation, n° 40 et les autres références y citées.
29exclusion, dans la mesure du possible, de toute excroissance d’ordre tentaculaire ou désordonnée répond à des considérations légales d’ordre urbanistique ayant trait à l’aménagement des agglomérations de nature à confluer de manière utile avec l’organisation de la vie en commun sur le territoire donné et est de nature à tendre à une finalité d’intérêt général13. Pour être tout à fait complet, le tribunal se doit de rejoindre la partie étatique dans son constat qu’une inclusion des parcelles litigieuses dans le périmètre urbanisable participerait de manière autonome à un renforcement du développement tentaculaire et déconnecté d’ores et déjà existant à cet endroit, de sorte que les demandeurs ne sauraient valablement se prévaloir de la situation des terrains composant les zones ”c” et “e” pour remettre en cause la position adoptée par le ministre en ce qui concerne leurs parcelles. Ce constat s’impose d’autant plus qu’il n’est pas contesté que ces terrains étaient déjà classés sous l’empire de l’ancien PAG dans le périmètre d’agglomération.
Etant donné que ces seuls constats suffisent pour permettre au tribunal de retenir que le ministre de l’Intérieur est intervenu sans avoir versé dans une erreur d’appréciation à sanctionner par le tribunal ni dans une violation du principe de proportionnalité, mais sur base de considérations légales d’ordre urbanistique tendant à une finalité d’intérêt général, il devient surabondant de prendre position quant aux contestations des demandeurs ayant trait à l’argumentaire supplémentaire du ministre de l’Intérieur se rapportant aux nuisances sonores provenant de la route N7, respectivement aux frais de viabilisation qu’impliquerait une urbanisation du site litigieux. ».
Dans le cadre du présent recours, le tribunal ne s’est pas vu soumettre à l’appui du moyen sous analyse d’éléments invalidant ce raisonnement. Si certes, dans le cadre du recours inscrit sous le numéro 44899a du rôle, le reproche tenant à une erreur d’appréciation dans le chef du ministre de l’Intérieur était dirigé contre sa décision du 7 février 2020 et non pas contre celle du 3 décembre 2020, actuellement déférée au tribunal, il n’en reste pas moins que de l’aveu même des demandeurs, la motivation à la base des deux décisions ministérielles est la même, de sorte que c’est sur base des mêmes considérations que le moyen sous analyse encourt à son tour le rejet.
4.6. Quant au moyen tenant à une violation, par l’autorité communale, du principe de confiance légitime Arguments des parties A l’appui de ce moyen, les demandeurs reprochent à l’autorité communale d’avoir successivement adopté des positions divergentes lors de ses votes sur les classements à réserver aux terrains litigieux dans le projet d’aménagement général. Ce faisant, l’autorité communale aurait procédé à un revirement d’attitude inadmissible, ce d’autant plus que le vote complémentaire du 11 mars 2020 ne serait intervenu que sous la menace d’un refus d’approbation ministérielle. Ils estiment qu’en tout état de cause, il aurait appartenu à l’autorité communale de maintenir sa position initialement défendue pour voir, le cas échéant, les ministres de tutelle refuser partiellement l’approbation du projet d’aménagement général sur le point litigieux. Comme l’autorité communale n’aurait aucunement exposé les raisons pour lesquelles elle-même estimait que les motifs ayant initialement justifié le classement de la zone “a” en zone constructible avaient cessé d’être valables, la délibération du 11 mars 2020 13 Trib. adm., 4 décembre 2002, n° 14923 du rôle, c. par Cour adm., 1er juillet 2003, n° 15879C du rôle, Pas. adm.
2023, V° Urbanisme, n°93 et les autres références y citées.
30méconnaîtrait manifestement le principe de confiance légitime et encourrait de ce chef l’annulation.
Dans son mémoire en réponse, la commune fait valoir que comme elle aurait été en train de refaire son PAG depuis près de 12 ans, son principal souci aurait effectivement été celui de voir aboutir enfin cette procédure et de disposer d’un nouveau PAG dûment approuvé.
Elle se serait ainsi effectivement pliée aux souhaits ministériels et aurait voté, en conséquence, pour ne pas risquer de voir bloquer le développement urbanistique général de la commune.
La partie étatique conclut, quant à elle, au rejet de ce moyen pour ne pas être fondé.
Analyse du tribunal Il y a lieu de rappeler que dans le cadre de l’analyse des moyens tenant à une prétendue violation des articles 14 et 18 de la loi du 19 juillet 2004, le tribunal a retenu non seulement que le vote définitif du conseil communal portant adoption du projet d’aménagement, tel que visé à l’article 14, alinéa 2, prévisé, constitue un acte réglementaire préparatoire et intérimaire nécessitant, conformément à l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004, l’approbation définitive de l’autorité de tutelle pour prendre la désignation de PAG, mais, par ailleurs, que comme la décision ministérielle du 7 février 2020 ne saurait s’analyser en un refus d’approbation définitif prononcé par le ministre dans l’exercice du pouvoir décisionnel lui conféré à travers l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004, la procédure d’adoption du PAG litigieuse doit être considérée comme ayant continué à se dérouler au niveau de la phase préparatoire et intérimaire nécessitant l’approbation de l’autorité de tutelle pour devenir définitive. Il a encore retenu que les demandeurs restaient en défaut d’invoquer une quelconque disposition légale interdisant de réviser ou de modifier les projets d’aménagement, même adoptés définitivement au niveau communal jusqu’au moment de l’approbation définitive par l’autorité tutélaire.
Au vu de ces considérations, le moyen tenant à une violation par l’autorité communale du principe de confiance légitime pour avoir adopté, en apportant lors de son vote complémentaire du 11 mars 2020 des modifications au projet d’aménagement général, une position différente que celle adoptée lors de la mise en procédure du projet d’aménagement général est à rejeter pour manquer de fondement.
4.7. Quant au moyen tenant à une violation de l’article 10 de la loi du 19 juillet 2004, ainsi que des articles 2 et 4 de la loi du 22 mai 2008 Arguments des parties A l’appui de ce moyen, les demandeurs font valoir que « lors de son ultime vote », l’autorité communale aurait « décidé d’une extension au lieudit « … » et que comme « cette extension se trouvait, dans la PAG ancien, en zone agricole », il y aurait eu un reclassement.
Ils estiment que les impacts environnementaux dudit reclassement n’auraient pas fait l’objet d’une étude sérieuse, de sorte que les « décisions querellées » seraient irrégulières.
Dans leur mémoire en réplique, ils insistent sur le fait qu’il serait tout à fait particulier que, d’un côté, alors même qu’aucune étude sérieuse n’aurait été réalisée, tant le conseil communal que le ministre de l’Environnement aient considéré qu’il s’agirait d’une extension mineure du périmètre urbanisable qui ne serait pas susceptible d’avoir des incidences sur l’environnement, tandis que, de l’autre côté, « les ministères » auraient décidé de « « retirer » 31la zone « … » de la zone destinée à être urbanisée, alors qu’une étude environnementale – qui n’était pas opposée – avait été réalisée sur ce site ». Cet état de fait démontrerait à suffisance que l’exigence d’une évaluation environnementale n’aurait pas été respectée et que la procédure serait viciée.
Dans son mémoire en réponse, la partie étatique conclut au rejet de ce moyen pour ne pas être fondé, tandis que la commune n’a pas pris position y relativement.
Analyse du tribunal Aux termes de l’article 10 de la loi du 19 juillet 2004, intitulé « Saisine du conseil communal » : « Le projet d’aménagement général avec l’étude préparatoire, la fiche de présentation ainsi que, le cas échéant, le rapport sur les incidences environnementales élaboré conformément à la loi modifiée du 22 mai 2008 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement est soumis à la délibération du conseil communal.
Le conseil communal délibère sur le projet d’aménagement général ; en cas de vote positif, le collège des bourgmestre et échevins procède aux consultations prévues aux articles 11 et 12. ».
Indépendamment de la question de la recevabilité omisso medio du recours en ce qu’il vise, à travers le moyen sous analyse, à contester le classement d’une parcelle contre lequel les demandeurs n’ont à aucun stade de la procédure précontentieuse fait valoir d’objections, il y a lieu de relever que le moyen est tout d’abord fondé sur la prémisse erronée que ce serait lors de son « ultime vote », donc de l’entendement du tribunal, lors du vote complémentaire du 11 mars 2020, que le conseil communal aurait décidé d’étendre le périmètre constructible au lieudit « … ». En effet, à supposer que les demandeurs fassent référence à une ancienne parcelle référencée sous le numéro …, il y a lieu de constater qu’il se dégage des pièces versées en cause par la partie étatique et plus particulièrement de l’extrait au registre des délibérations du conseil communal afférent que si lors de la mise sur orbite du projet d’aménagement général, il avait été prévu de maintenir celle-ci en zone agricole, son inclusion dans le périmètre constructible a été décidée dès le premier vote du conseil communal le 18 octobre 2019 et ce, en tenant compte des objections formulées par les propriétaires de la parcelle en question. Il s’ensuit que la modification ainsi apportée au périmètre d’agglomération lors du vote du 18 octobre 2019 s’est inscrite dans les prévisions de l’article 14, alinéa 3 de la loi du 19 juillet 2004. Pour le surplus, le tribunal se doit de relever que les demandeurs restent en défaut d’expliquer dans quelle mesure exactement l’article 10 de la loi du 19 juillet 2004 aurait été violé, étant rappelé que les moyens simplement suggérés, sans être soutenus effectivement, ne sont pas à prendre en considération par le tribunal auquel il n’appartient, en effet, pas de suppléer à la carence de la partie demanderesse et de rechercher lui-même les moyens juridiques ayant pu se trouver à la base de ses conclusions. Le même constat s’impose en ce qui concerne une prétendue violation des articles 2 et 4 de la loi du 22 mai 2008. En effet, les demandeurs se contentent d’affirmer péremptoirement qu’aucune étude environnementale sérieuse n’aurait été réalisée avant le reclassement de la parcelle numéro … en zone constructible, sans toutefois expliquer concrètement dans quelle mesure l’autorité communale, voire le ministre de l’Environnement auraient violé la loi, sinon dépassé leur marge d’appréciation en ne considérant pas que l’extension du périmètre à cet endroit était susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement.
32 Pour être tout à fait complet et à supposer qu’à travers leurs développements, les demandeurs tentent en réalité d’invoquer une inégalité de traitement injustifiée en comparant la situation de la zone “a” au lieu-dit « … », maintenue en zone non constructible, avec celle de la parcelle numéro … se situant au lieu-dit « … », le tribunal est amené en l’espèce à constater que les demandeurs restent de toute façon en défaut de fournir des éléments de nature à faire admettre que la situation de ces deux sites serait comparable. A fortiori, ils ne sauraient tracer un quelconque parallèle entre les positions divergentes adoptées par l’autorité communale en ce qui concerne les deux sites en question.
Au vu des considérations qui précèdent, le moyen afférent est également à rejeter pour ne pas être fondé.
5. Quant à la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure Les demandeurs sollicitent la condamnation de l’Etat et de la commune à leur payer in solidum une indemnité de procédure d’un montant de 3.000 euros, en application de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, aux termes duquel « Lorsqu’il paraît inéquitable de laisser à la charge d’une partie les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, le juge peut condamner l’autre partie à lui payer le montant qu’il détermine ». Au vu de l’issue du litige, cette demande encourt toutefois le rejet.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement et sur renvoi par l’arrêt de la Cour administrative du 6 juillet 2023, inscrit sous le numéro 48501C du rôle ;
vidant le jugement du 29 décembre 2022 inscrit sous le numéro 45872 du rôle ;
reçoit en la forme le recours en annulation dirigé contre la délibération du conseil communal du 11 mars 2020, ainsi que contre la décision du ministre de l’Intérieur du 3 décembre 2020 portant adoption, respectivement approbation du projet d’aménagement général de la commune de Schieren ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
rejette la demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de 3.000 euros, telle que formulée par les demandeurs ;
condamne les demandeurs aux frais et dépens.
Ainsi jugé par :
Alexandra Castegnaro, vice-président, Annemarie Theis, premier juge, Caroline Weyland, juge, et lu à l’audience publique du 22 avril 2024 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.
33 s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 23 avril 2024 Le greffier du tribunal administratif 34