Tribunal administratif N° 47340 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47340 2e chambre Inscrit le 21 avril 2022 Audience publique du 2 mai 2024 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’appel en garantie
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 47340 du rôle et déposée le 21 avril 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Yves Kasel, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’ordre des avocats du barreau de Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 21 janvier 2022 portant rejet de sa réclamation dirigée contre un bulletin d’appel en garantie émis à son encontre le 3 juin 2021 par le bureau d’imposition RTS … de l’administration des Contributions directes ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 septembre 2022 ;
Vu le mémoire en réplique de Maître Yves Kasel, déposé au greffe du tribunal administratif le 17 octobre 2022 ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 novembre 2022 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision directoriale déférée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Sabrina Benmaamar, en remplacement de Maître Yves Kasel, et Monsieur le délégué du gouvernement Steve Collart en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 18 mars 2024.
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En date du 11 mars 2020, le bureau d’imposition RTS …, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », émit à l’encontre de la société anonyme “A” SA, en faillite, ci-après désignée par « la société “A” », un bulletin de la retenue d’impôt sur les salaires et les pensions portant fixation de compléments de retenue (« Lohnsteuerbescheid »), ci-après désigné par « le bulletin de compléments de retenue », sur le fondement du § 217 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, dénommée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », fixant des retenues d’impôt non effectuées de … euros, … euros, … euros, … euros, … euros et … euros, respectivement pour les années d’imposition 2013, 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018, ledit bulletin étant libellé comme suit :
1« […] En date du 05/03/2020 il a été procédé, en application des dispositions de l’article 136 L.I.R. de la loi du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, à une révision des retenues d’impôt à opérer, à déclarer et à verser par vos soins à l’Administration des contributions, du chef de rémunérations allouées à votre personnel salarié et retraité.
La révision portant sur les années d’imposition 2013 à 2018 inclusivement a eu lieu conformément aux dispositions de la section 5 du règlement grand-ducal du 27 décembre 1974 concernant la procédure de la retenue d’impôt sur les salaires et les pensions.
D’après l’état récapitulatif du rapport de la révision, les compléments de retenue d’impôt et les suppléments y relatifs sont fixés aux montants ci-après, ceci sans préjudice des intérêts de retard grevant les arriérés conformément à l’article 155 L.I.R. ainsi que, le cas échéant, des retenues d’impôt déclarées mais non encore versées.
[…] Les montants sont repris au décompte qui vous parviendra séparément. […] Conformément aux dispositions de l’article 136 de la loi du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, l’employeur est personnellement responsable de la déclaration et du paiement de l’impôt retenu. […] Observations relatives à la révision […] Taxation d’office de l’impôt dû suivant §217 AO […]. ».
Le bulletin en question renseigna, par ailleurs, ce qui suit : « Années 2013-2016 : A défaut des livres/comptes de salaires et des dépôts électroniques des extraits de compte de salaires ainsi que des déclarations d’impôt sur les salaires, les salaires comptabilisés dans les frais généraux ont été taxés selon la loi en vigueur.
Années 2017-2018 : A défaut de dépôt des frais généraux au régistre de commerce des sociétés, l’impôt sur les salaires a été taxé d’office. ».
En date du 3 juin 2021, le bureau d’imposition émit un bulletin d’appel en garantie (« Haftungsbescheid ») sur le fondement du § 118 AO à l’égard de Monsieur … en sa qualité d’administrateur de la société “A”, ledit bulletin déclarant Monsieur … codébiteur solidaire d’un montant de … euros, au titre de l’impôt sur les traitements et salaires qui aurait dû être retenu et continué à l’administration des Contributions directes par la société “A” pour les années d’imposition 2013 à 2018.
Ledit bulletin est libellé comme suit :
« […] En date du 05.03.2020 le bureau d'imposition RTS … a procédé, en application de l'article 136 L.I.R. de la loi du 4 décembre 1967 concernant l'impôt sur le revenu, à une révision des retenues d'impôt à opérer, à déclarer et à verser par les soins de la société “A” S.A. en sa qualité d'employeur à l'Administration des contributions directes, du chef de rémunérations allouées au personnel de ladite société, actuellement en faillite.
2La révision portait sur les années d'imposition 2013, 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018 et elle a eu lieu conformément à la section 5 du règlement grand-ducal du 27 décembre 1974 concernant la procédure de la retenue d'impôt sur les salaires et pensions.
D'après l'état récapitulatif du rapport de révision, les compléments de retenues d'impôt et les suppléments y relatifs ont été fixés au montant tels qu'indiqué sur le « bulletin de la retenue d'impôt sur les salaires et les pensions portant fixation des compléments de retenue -
Lohnsteuerbescheid » (bulletin joint en annexe) émis en date du 11 mars 2020 et transmis par voie postale au curateur de la société en faillite, à savoir Maître ….
Les compléments de retenue d'impôt et les suppléments y relatifs ont été fixés aux montants repris sur ledit bulletin, et ceci, sans préjudice des intérêts de retard grevant les arriérés conformément à l'article 155 L.I.R. ainsi que, le cas échéant, des retenues déclarées mais non encore versées.
Il est dû à l'Etat du Grand-Duché de Luxembourg par la société “A” S.A. en faillite ayant son siège à L-…, immatriculée sous le numéro fiscal … et enregistrée au Luxembourg Business Registers sous le numéro … à titre de l'impôt sur les traitements et salaires :
Année Principal Intérêts Total 2013 … € 0,00 € … € 2014 … € 0,00 € … € 2015 … € 0,00 € … € 2016 … € 0,00 € … € 2017 … € 0,00 € … € 2018 … € 0,00 € … € Total … € 0,00 € … € Il résulte du dépôt au Luxembourg Business Registers sous la référence … du 22.04.2015 que vous avez été nommé administrateur de la société “A” S.A. en faillite.
En cette qualité vous avez eu le pouvoir d'engager la société sous signature conjointe depuis le 10.03.2015.
En votre qualité d'administrateur vous étiez en charge de la gestion de la société “A” S.A. en faillite.
Par conséquent et conformément aux termes des §§ 108 et § 103 AO, vous étiez personnellement tenu à l'accomplissement de toutes les obligations fiscales incombant à la société “A” S.A. en faillite, dont notamment le paiement des impôts dus par la société “A” S.A.
en faillite à l'aide des fonds administrés.
En vertu de l'article 136 alinéa 2 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l'impôt sur le revenu, l'employeur est tenu de retenir l'impôt qui est dû sur les traitements et salaires de son personnel.
En vertu de l'article 136 alinéa 6 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l'impôt sur le revenu, l'employeur est tenu à déclarer et à verser l'impôt retenu à l'Administration des contributions directes.
3 En vertu de l'article 136 alinéa 6 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l'impôt sur le revenu et du règlement grand-ducal modifié du 27 décembre 1974 concernant la procédure de la retenue d'impôt sur les salaires et les pensions, l'employeur est tenu de présenter au bureau RTS compétent les comptes de salaires ainsi que tous autres documents comptables.
Dans le cas d'une société, conformément aux termes du § 103 AO, ces obligations incombant aux employeurs sont transmises à celui qui a le pouvoir de représenter la société à l'égard des tiers.
En votre qualité de représentant de la société “A” S.A. en faillite il vous appartenait de déclarer et de verser/de veiller à la retenue, à la déclaration et au versement de la retenue d'impôt due sur les traitements et les salaires du personnel.
Or pour les années 2013 à 2018 le paiement des salaires a été fait sans que les montants à retenir aient été continués entièrement au receveur.
L'omission de retenir, de déclarer et de payer les sommes dues à titre de retenue d'impôt est à qualifier d'inexécution fautive de vos obligations en tant que représentant de la société “A” S.A. en faillite.
L'omission de payer sur les fonds disponibles de la société “A” S.A. en faillite les retenues échues avant votre entrée en fonction est à qualifier d'inexécution de vos obligations.
Suite à l'inexécution fautive de vos obligations, le receveur de l'Administration des contributions directes n'a pas perçu les retenues d'impôt d'un montant de … €.
Ce montant de … € se compose comme suit :
Année Principal Intérêts Total 2013 … € 0,00 € … € 2014 … € 0,00 € … € 2015 … € 0,00 € … € 2016 … € 0,00 € … € 2017 … € 0,00 € … € 2018 … € 0,00 € … € Total … € 0,00 € … € En vertu du § 110 AO votre responsabilité pour les actes accomplis pendant la période de vos fonctions survit à l'extinction de votre pouvoir de représentation.
Considérant qu'en vertu du § 103 AO vous êtes tenu de remplir les obligations fiscales incombant à la société “A” S.A. en faillite.
Considérant que l'inexécution de ces obligations est à qualifier de fautive.
4Considérant que l'inexécution fautive de vos obligations a empêché la perception d'impôt sur les traitements et salaires d'un montant de … €.
Considérant que dans la mesure où, par l'inexécution fautive de vos obligations, vous avez empêché la perception de l'impôt légalement dû, vous êtes constitué codébiteur solidaire de ce montant conformément au § 109 AO.
Considérant que le § 118 AO m'autorise à engager votre responsabilité.
Considérant le fait qu'en votre qualité de représentant vous êtes chargé de la gestion de la société “A” S.A. en faillite j'engage votre responsabilité, l'appel en garantie s'élève au montant de … €, sans préjudice des intérêts de retard ultérieurs.
Par conséquent, vous êtes invité à payer sans délai le montant de … €, sans préjudice des intérêts de retard ultérieurs, au receveur de l'Administration des contributions directes à Luxembourg au CCPL LU…, tout en indiquant le numéro du dossier fiscal […]. ».
Par courrier recommandé du 1er septembre 2021, Monsieur … introduisit auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », une réclamation à l’encontre du bulletin d’appel en garantie prévisé.
Par décision du 21 janvier 2022, répertoriée sous le n° C 29894 du rôle, le directeur rejeta comme non fondée la réclamation introduite par Monsieur … dans les termes suivants :
« […] Vu la requête introduite le 2 septembre 2021 par le sieur …, demeurant à L-…, pour réclamer contre le bulletin d'appel en garantie émis en vertu du § 118 de la loi générale des impôts (AO) par le bureau d'imposition RTS … en date du 3 juin 2021 ;
Vu le dossier fiscal ;
Vu le § 119, alinéa 1er AO, ensemble les §§ 228 et 301 AO ;
Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§ 238 AO) dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu'elle est partant recevable ;
Considérant que le bulletin attaqué a déclaré le réclamant codébiteur solidaire de l'impôt sur les traitements et salaires des années 2013, 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018, y compris les intérêts accumulés depuis lors, au motif qu'il aurait en sa qualité de représentant légal de la société anonyme “A”, en faillite clôturée, commis une faute en ne veillant pas à ce que soient payées au receveur des Contributions, sur les fonds administrés, les sommes qui ont été retenues ou qui auraient dû être retenues à titre d'impôt sur les salaires, et dont la société était (et est toujours) redevable ;
Considérant, à titre liminaire tout comme en matière de principe, que le représentant d'une personne morale est responsable du paiement des dettes d'impôt de la personne morale qu'il représente dans les conditions prévues aux §§ 103 et 109 AO ; qu'aux termes du § 103 AO il est tenu de remplir les obligations fiscales incombant à la société, notamment de remettre les déclarations fiscales dans les délais légaux et de payer sur les fonds qu'il gère les impôts dont la société est redevable (CE du 20 octobre 1981, n° 6902) ;
5 Considérant dès lors que dans la mesure où le représentant, par l'inexécution fautive de ces obligations, a empêché la perception de l'impôt légalement dû, il est, en principe, constitué codébiteur solidaire des arriérés d'impôt de la société, conformément au § 109 AO ;
que la responsabilité du représentant est à qualifier de fautive du moment que les impôts échus, même avant son entrée en fonction, ne sont pas payés sur les fonds disponibles de la société à l'administration ;
Considérant qu'il s'avère nécessaire dans ce contexte de mettre en exergue qu'en matière de responsabilité du fait personnel (article 1382 du code civil), l'auteur du dommage ne peut pas s'exonérer en invoquant une prétendue faute d'un tiers, lequel n'entrera en ligne de compte qu'au stade du recours entre les coresponsables ; que le représentant responsable sur le fondement du § 109 AO ne peut s'opposer à une poursuite au motif qu'elle n'a pas été engagée contre un autre, quod non en l'espèce, étant donné que trois autres bulletins d'appel en garantie ont été émis à l'encontre des sieurs …, … et … ;
Considérant, matériellement, qu'en vertu de l'article 136, alinéa 4 de la loi concernant l'impôt sur le revenu (L.I.R.) l'employeur est tenu de retenir, de déclarer et de verser l'impôt qui est dû sur les traitements et salaires de son personnel ; que dans le cas d'une société, cette obligation incombant aux employeurs est transmise à celui qui a le pouvoir de représenter la société à l'égard des tiers (§ 103 AO) ; que la responsabilité de l'administrateur, voire du gérant, selon le cas, est à qualifier de fautive du moment que des paiements de salaires sont effectués sans retenue d'impôt et sans continuation des montants à retenir à l'administration (Cour administrative du 6 mai 2003, n° 15989C du rôle) ; qu'il en est de même en ce qui concerne les retenues échues avant son entrée en fonction, si, par sa faute, elles ne sont pas payées sur les fonds disponibles de la société ;
Considérant que sous l'empire du § 118 AO la poursuite du tiers responsable, à la différence de l'imposition du contribuable, est toujours discrétionnaire et exige de ce fait et en vertu du § 2 de la loi d'adaptation fiscale (StAnpG) une appréciation effective et explicite des circonstances qui justifient la décision en raison et en équité (BFH du 19 février 1965 StRK § 44 EStG R.13 ; jurisprudence constante pour RTS, notamment BFH du 24 novembre 1961, BStBI. 1962.37 ; 3 février 1981, BStBI. 1981 II 493 ; cf Becker-Riewald-Koch § 2 StAnpG Anm.
5 Abs. 3) ; que l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire implique une motivation quant au principe même de la mise en œuvre de la responsabilité d'un ou de plusieurs représentants, quant à la désignation du représentant dont la responsabilité est engagée et quant au quantum de sa responsabilité ;
Considérant qu'un manquement à une obligation fiscale découlant du § 103 AO dans le chef du représentant (« Vertreter ») d'une société n'est pas suffisant pour engager sa responsabilité en application du § 109, alinéa 1er AO et pour voir émettre à son encontre un bulletin d'appel en garantie, le législateur ayant posé à cet égard l'exigence supplémentaire d'une inexécution fautive - « schuldhafte Verletzung » - des obligations du représentant de la société envers le fisc (Cour administrative du 22 février 2000, n° 11694C du rôle) ;
Considérant que la responsabilité du représentant est cependant à qualifier de fautive du moment qu'il n'accomplit pas ses obligations fiscales, dont notamment celle de veiller à ce que les impôts dus soient payés, même ceux datant d'avant son entrée en fonction, à l'aide des 6fonds administrés ; que cette dernière prémisse l'emporte, le cas échéant, ainsi de plein droit sur la situation telle qu'elle s'est présentée durant les années antérieures ;
Considérant dans ce contexte, et notamment d'après une jurisprudence constante, que le paiement de salaires sans retenue d'impôt et sans continuation des montants à retenir à l'Administration des contributions directes est à qualifier de fautif per se (Cour administrative du 6 mai 2003, n° 15989C du rôle ; Cour administrative du 6 janvier 2011, n° 27126C du rôle ; Tribunal administratif du 15 janvier 2009, n° 24145 du rôle) ;
Considérant encore qu'en ce qui concerne la notion de l'inexécution fautive, à savoir de la « schuldhafte Verletzung seiner steuerlichen Pflichten durch den Vertreter des Steuerpflichtigen » au sens du § 109, alinéa 1er AO, que la Cour administrative a consigné que :
1) « Dans la mesure où il n'est pas contesté que les bilans pour les années litigieuses n'ont pas été déposés dans les délais au RCS et que les déclarations fiscales n'ont pas non plus été déposées, ce qui a contraint le bureau d'imposition à procéder par la voie de la taxation d'office pour les années 2008 à 2010 et par la fixation d'avances pour les années 2012 à 2014, le bureau d'imposition a en principe valablement pu retenir une inexécution fautive dans le chef de l'appelant, étant donné qu'en sa qualité de gérant unique, il était conformément au paragraphe 103 AO personnellement tenu à l'accomplissement de toutes les obligations fiscales incombant à la société (…), de sorte qu'il était tenu de veiller au dépôt des déclarations fiscales et au paiement des créances d'impôt et que l'omission de ce faire est à qualifier de comportement fautif.
(…) Or, le fait pour l'appelant de ne pas avoir veillé, en tant que gérant unique de la société (…), à ce que les déclarations d'impôt soient déposées en temps utile auprès de l'administration des Contributions directes, est à qualifier d'inexécution fautive des obligations du représentant d'une société envers les autorités fiscales, de sorte que les conditions pour la mise en œuvre de sa responsabilité personnelle à l'égard des créances d'impôt visées dans le bulletin d'appel en garantie litigieux se trouvent réunies en cause. Cette conclusion ne saurait être invalidée par l'argumentation de l'appelant selon laquelle il serait inéquitable de le poursuivre personnellement après tous les efforts entrepris pour régulariser les affaires de la société, étant donné qu'il est resté trop longtemps inactif et qu'il semblerait, d'après les éléments du dossier, qu'il n'est devenu actif que lorsque le Parquet a décidé de demander la dissolution judiciaire de la société. » (Cour administrative du 23 août 2016, n° 38378C du rôle), et que :
2) « Les premiers juges ont essentiellement retenu que le « § 103 AO soumet les dirigeants d'une société à l'obligation de veiller à ce que les impôts dus soient payés au trésor public », pointant de la sorte essentiellement l'obligation des représentants d'une société de veiller au paiement des impôts dus (…).
7La Cour ne saurait entériner cette vision des choses.
En premier lieu, il est erroné de limiter l'analyse sur l'obligation de paiement des impôts dus, mais il convient d'avoir égard à l'ensemble des obligations incombant au contribuable en vue de la fixation et du paiement de l'impôt dû.
(…) Cette façon de procéder au cours de la procédure d'imposition est aux antipodes de l'attitude que l'on peut attendre d'une société raisonnablement prudente et diligente et elle caractérise manifestement une violation des obligations incombant aux organes d'administration de la société (…). Le manquement ainsi dépeint est encore de toute évidence grave.
(…) (…), il se dégage de l'ensemble des considérations qui précèdent que Monsieur (…) a de façon prolongée rendu impossible la détermination exacte des bases d'imposition et qu'il a singulièrement et fautivement manqué de remplir les obligations fiscales qui lui incombaient en tant que représentant de la société (…), de sorte que les conditions pour la mise en œuvre de sa responsabilité personnelle pour les impôts visés par le bulletin d'appel en garantie litigieux se trouvent réunies en cause. » (Cour administrative du 31 janvier 2017, n° 38343C du rôle) ;
Considérant que suivant le Registre de commerce et des sociétés (RCS), le réclamant était administrateur de la société “A” du 10 mars 2015, date de sa nomination, jusqu'au 20 juillet 2018, date du jugement de faillite de la société, et, dès lors, habilité à engager la société vis-à-vis de tiers avec la signature conjointe d'un autre administrateur ;
Considérant que lors de la vérification de la retenue d'impôt sur les salaires de la société “A”, le bureau d'imposition RTS … a constaté que la société a occupé des salariés depuis sa constitution en 2013 jusqu'à sa faillite en 2018 sans remettre une seule déclaration de retenues d'impôt sur les traitements et salaires au bureau d'imposition compétent ; qu'à défaut de déclarations de retenues d'impôts sur les traitements et salaires, de paiements d'impôts sur les salaires, de livres de salaires et d'extraits de compte salaires et pensions (ECSP), le bureau d'imposition s'est vu contraint de procéder par la méthode de la taxation prévue au § 217 AO en se basant sur les comptes annuels déposés au RCS (années 2013, 2014 et 2015) et les comptes annuels remis au bureau d'imposition Sociétés … (année 2016) ; que, conformément aux articles 136, alinéa 7 de la loi concernant l'impôt sur le revenu (L.I.R.) et 21 du règlement grand-ducal du 27 décembre 1974 concernant la procédure de la retenue d'impôt sur les salaires et les pensions, le bureau d'imposition a fixé, à bon escient, des retenues d'impôt sur les traitements et salaires des années 2013 à 2018 par l'émission d'un bulletin de la retenue d'impôt sur les salaires et les pensions portant fixation de compléments de retenue en date du 11 mars 2020 ;
Considérant que le réclamant s'exprime, par extraits, comme suit à l'endroit de son placet : « Ces dettes fiscales n'ont pas été acquittées à cause des difficultés économiques de la société. J'ai fait de mon mieux pour subvenir à la dette fiscale, chaque décision ayant été prise 8dans l'intérêt de la société. Dès lors, il apparaît que l'Administration des contributions directes est restée en défaut de prouver l'existence d'une quelconque faute dans mon chef susceptible d'engager ma responsabilité personnelle, tel que cela serait cependant exigé par le paragraphe 109 AO. » ;
Considérant qu'à l'égard de tiers, dont notamment l'Administration des contributions directes, le réclamant était un représentant de la société pour la période en cause et personnellement tenu à l'accomplissement de toutes les obligations fiscales incombant à ladite société ; qu'il était ainsi, entre autres, dans l'obligation de retenir, de déclarer et de payer les impôts sur salaires et traitements à l'Administration des contributions directes ;
Considérant qu'en l'espèce, la société, à travers ses représentants, a violé l'ensemble des dispositions légales applicables en la matière, de la constitution à la faillite, soit pendant plus de cinq ans ; qu'elle n'a pas seulement omis de continuer les retenues opérées sur les salaires de ses salariés, ce qui constitue déjà une inexécution fautive en soi, mais qu'elle a également omis de déclarer lesdits impôts et de faire le dépôt électronique des ECSP ;
Considérant que le représentant qui, tel que le réclamant, a accepté sa fonction ne peut, en matière d'appel en garantie, se contenter de contester son pouvoir ; qu'en n'exécutant pas les obligations légales de la société ou en ne veillant pas à leur accomplissement, le représentant manque à son premier devoir, celui d'administrer (Tribunal administratif du 19 mars 2014, n° 32140 du rôle) ;
Considérant que le réclamant, qui était d'ailleurs le gérant unique d'une (autre) société de peinture, déclarée en faillite au cours de l'année 2013, et bénéficiaire d'un salaire de la société “A” du 1er avril 2014 au 19 juillet 2018 qui, suivant les déclarations pour l'impôt sur le revenu des années 2014 à 2018, était soumis à une retenue d'impôt, s'est comporté de manière fautive en ignorant les obligations fiscales lui incombant en tant que représentant de la société anonyme “A” ; qu'il a même demandé l'imputation des retenues d'impôt, opérées sur ses salaires, dans ses déclarations pour l'impôt sur le revenu des années 2014 à 2018 et bénéficié d'un remboursement partiel, alors qu'il n'ignorait pas que la société n'avait jamais payé lesdites retenues à l'Administration des contributions directes ;
Considérant que c'est donc à tort que le réclamant estime sa responsabilité personnelle ne pas devoir être engagée ; que la mise à charge des arriérés de la société anonyme “A”, en faillite clôturée, au titre de la retenue d'impôt sur les traitements et salaires des années 2013, 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018, ainsi que les intérêts de retard y relatifs, est donc parfaitement justifiée en ce qui le concerne ;
PAR CES MOTIFS reçoit la réclamation en la forme, la rejette comme non fondée. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 21 avril 2022, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de la décision du directeur du 21 janvier 2022, prévisée.
1) Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours 9 Quant à la recevabilité du recours en réformation sinon en annulation dirigé contre la décision directoriale du 21 janvier 2022, il y a lieu de rappeler que conformément aux dispositions du § 119 AO, les personnes à l’encontre desquelles un bulletin d’appel en garantie a été émis bénéficient des mêmes voies de recours que celles ouvertes au contribuable. Or, conformément aux dispositions combinées du § 228 AO et de l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation contre un bulletin de l’impôt.
Il s’ensuit que le tribunal administratif est compétent pour connaître du recours principal en réformation, qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
2) Quant au fond A l’appui de son recours et en fait, le demandeur expose tout d’abord les faits et rétroactes à la base de la décision directoriale déférée.
En droit, il critique la décision déférée en invoquant, en substance, une violation du principe du contradictoire, tout en remettant pour le surplus en cause la mise en œuvre de sa responsabilité personnelle.
(i) Quant aux reproches tirés d’une violation du principe du contradictoire Arguments des parties Le demandeur se prévaut d’une violation de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », qui découlerait du fait qu’il aurait reçu directement le bulletin d’appel en garantie lui réclamant le versement de la somme de … euros sans même qu’il n’ait été préalablement entendu, voire sans qu’il n’ait obtenu la moindre explication quant au calcul ayant abouti « au montant exorbitant » réclamé.
Il reproche, à cet égard, à l’administration d’avoir mis à sa charge la somme prévisée sans la moindre justification et ce, alors même que, suivant la jurisprudence en la matière, du fait que la poursuite du tiers responsable serait toujours discrétionnaire, elle exigerait une appréciation effective et explicite des circonstances qui justifient en raison et en équité la décision de poursuivre. Or, en l’espèce, il se serait uniquement vu soumettre un décompte « minimaliste » indiquant les années de 2013 à 2018, ainsi que le montant de l’impôt sur les traitements et salaires des salariés qui serait dû pour chaque année d’imposition. Ce décompte n’aurait cependant été accompagné d’aucun document probant démontrant la somme redue au titre de la retenue d’impôt sur les traitements et salaires pour chaque année.
10Comme en l’espèce, l’appréciation de l’administration quant à la fixation du montant de l’impôt redû ne serait ni effective ni explicite, pour ne se baser sur aucun élément matériel, sa décision ne serait fondée ni en raison ni en équité.
Tout en se référant aux dispositions du § 211 (2) AO, le demandeur reproche encore à l’administration de ne pas avoir porté à sa connaissance sa « Besteuerungsgrundlage » préalablement à la fixation de sa cote d’impôt dans le bulletin d’imposition, et ce, au mépris du principe du contradictoire. Pareillement, il estime que l’administration aurait dû lui fournir des explications quant aux points relatifs aux déclarations qu’il a faites et qui seraient en contradiction avec la réalité.
Il continue en relevant que comme il serait indiqué dans le bulletin d’appel en garantie que « pour les années 2013 à 2018 le paiement des salaires a été fait sans que les montants à retenir aient été continués entièrement au receveur », il devrait être admis qu’il aurait bien établi « des déclarations des retenues et les [aurait] continué ». Or, en vertu des §§ 204 (1) et 205 (3) AO et de la jurisprudence en relation avec ces dispositions légales, un administré devrait être entendu lorsque la décision administrative fixe « une obligation patrimoniale plus lourde que celle par lui escomptée à travers sa déclaration ». Etant donné que tel aurait été le cas en l’espèce, il estime avoir lui-aussi dû être entendu.
Le demandeur affirme encore que comme aucun calcul ou document faisant référence aux impôts dus au titre des traitements et salaires n’aurait été versé à l’appui du bulletin d’appel en garantie, celui-ci ne serait pas vérifiable faute pour l’administration de l’avoir informé de l’origine, ainsi que de la teneur des renseignements utilisés pour fonder sa décision. Il critique plus particulièrement le fait que la méthodologie employée par le bureau d’imposition, notamment pour estimer les compléments de retenues dues à titre d’impôt sur les traitements et salaires, ne lui aurait pas été communiquée préalablement à la fixation de l’impôt dû et ce, en violation du principe du contradictoire, l’empêchant par là même de s’expliquer.
Enfin, après avoir relevé que tout bulletin d’imposition devrait indiquer, sous peine de nullité, les points sur lesquels il dévie de la déclaration, le demandeur reproche encore au bulletin d’appel en garantie de rester muet quant au montant de la créance qui a éventuellement pu être recouvert lors de la procédure collective, le tout sur la toile de fond que l’administration des Contributions directes est un créancier privilégié en cas de faillite.
Pour toutes ces raisons, le bulletin d’appel en garantie serait « nul pour violation du principe du contradictoire ».
Dans son mémoire en réplique et en fait, le demandeur maintient tout d’abord que l’administration des Contributions directes continuerait à refuser de justifier le montant de l’impôt lui réclamé et ce, alors même qu’en sa qualité de créancier, ladite administration devrait pouvoir justifier l’existence de sa créance et le montant de celle-ci qui devrait, par ailleurs, être vérifiable, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.
Il réitère également que l’administration aurait l’obligation de respecter le principe du contradictoire avant de procéder à une taxation d’office et qu’elle aurait donc dû lui donner la possibilité de régulariser sa situation, voire simplement de coopérer avec elle. Comme il n’aurait pas été invité à établir les informations requises ou à procéder à une déclaration sur l’honneur afin d’établir une imposition exacte, le § 217 AO n’aurait pas été respecté. Il ajoute 11que le délégué du gouvernement affirmerait à tort qu’il appartiendrait au contribuable de prouver une différence entre l’imposition approximative et l’imposition qui serait effectivement redue alors même qu’en l’espèce, ce serait l’administration qui aurait omis de préciser les montants sur lesquels elle s’est basée afin de fixer l’impôt.
En droit, le demandeur invoque une « violation de l’article 217 AO relative à l’établissement du bulletin d’imposition du 11 mars 2020 et du bulletin d’appel en garantie du 3 juin 2021 » en reprochant, en substance, à l’administration d’avoir procédé, en l’espèce, à une taxation d’office pour établir le bulletin de compléments de retenue du 11 mars 2020, tout en restant en défaut de démontrer avoir entrepris toutes les démarches afin de récolter les informations manquantes auprès de lui au vu de la fixation de l’impôt.
Il insiste ensuite sur la « violation de la procédure prévue au § 205 (3) AO relative à l’établissement du bulletin d’imposition du 11 mars 2020 et du bulletin d’appel en garantie du 3 juin 2021 », tout en réitérant que la sanction du non-respect par le bureau d’imposition de l’obligation d’entendre le contribuable consisterait dans l’annulation du bulletin d’imposition.
Tout en admettant que le contribuable a l’obligation de déclarer les retenues d’impôts effectuées, il n’en resterait pas moins que l’instruction du dossier devrait être effectuée de manière contradictoire, même si le bureau d’imposition pouvait avoir des doutes fondés sur le caractère exact et complet des déclarations du contribuable. L’administration devrait en particulier permettre au contribuable de présenter ses observations préalablement à la taxation.
Le non-respect de la procédure prévue au § 205 (3) AO devrait, en conséquence, entraîner la nullité aussi bien du bulletin d’imposition du 11 mars 2020 que du bulletin d’appel en garantie du 3 juin 2021, le demandeur réfutant, à cet égard, l’affirmation de la partie étatique que la procédure prévue au § 205 (3) AO serait inapplicable au bulletin d’appel en garantie en renvoyant aux dispositions des §§ 212 et 212a AO et en relevant que comme le bulletin d’appel en garantie serait « identique à celui de n’importe quel autre bulletin d’imposition fixant une côte d’impôt [il n’y aurait] donc aucune raison de différencier les droits du contribuable selon la nature du bulletin d’imposition, respectivement d’affranchir les autorités fiscales du respect du principe du contradictoire ».
Il ajoute que même dans l’hypothèse où le bulletin d’appel en garantie ne serait pas assimilable à un bulletin d’imposition devant respecter le principe du contradictoire, il n’en resterait pas moins que « le premier bulletin d’imposition du 11 mars 2020 n’a[urait] pas fait l’objet d’une instruction du dossier respectant le principe du contradictoire, ainsi que du respect des § 215 AO et § 217 AO ». Comme ce bulletin d’imposition serait à la base du bulletin d’appel en garantie, le demandeur serait « forcément concerné par l’intérêt à ce que le principe du contradictoire soit respecté. ». Il maintient dès lors que faute de respect de la procédure du contradictoire lors de l’établissement du bulletin d’imposition du 11 mars 2020, la sanction serait l’annulation de celui-ci, annulation qui impliquerait celle du bulletin d’appel en garantie.
Il précise enfin que le présent recours n’aurait pas pour but de se soustraire à ses obligations fiscales mais à voir rectifier le montant de l’impôt « de manière claire, transparente et juste », tout en insistant sur le fait que le bulletin d’imposition ne répondrait pas aux exigences de transparence en ce que rien n’y serait renseigné, que ce soit les montants à la base du calcul ou des explications relatives à la relation entre le montant retenu et les pièces à la base du calcul du montant finalement retenu. Comme le bulletin d’appel en garantie serait identique à n’importe quel autre bulletin d’imposition fixant une cote d’impôt, il n’y aurait aucune raison de différencier les droits du contribuable relativement aux obligations découlant 12du § 211 (2) AO selon la nature du bulletin d’imposition, respectivement d’affranchir les autorités fiscales du respect du principe du contradictoire. Or, en application de ce principe, le contribuable devrait voir porter à sa connaissance sa « Besteuerungsgrundlage » préalablement à la fixation de sa cote d’impôt dans le bulletin d’imposition. En l’espèce, la simple affirmation que la taxation d’impôt serait basée sur des pièces publiées au registre de commerce et des sociétés (« RCS »), ne serait pas suffisante pour répondre aux exigences de transparence et d’impartialité dictée par le principe du contradictoire.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet de ce moyen pris dans ses différentes branches pour ne pas être fondé.
Analyse du tribunal En ce qui concerne la violation alléguée de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, le tribunal se doit de rejoindre la partie étatique dans son constat qu’aux termes de l’article 5 de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administration non contentieuse, en vertu de laquelle a été adopté le règlement grand-ducal du 8 juin 1979, « [l]a présente loi et ses règlements d’exécution ne s’appliquent pas à la matière des contributions directes ». Il s’ensuit que le reproche tiré d’une violation de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 est d’ores et déjà à rejeter pour ne pas être fondé.
Pour ce qui est de la prétendue violation du § 205 (3) AO, aux termes duquel « […] (3) Wenn von der Steuererklärung abgewichen werden soll, sind dem Steuerpflichtigen die Punkte, in denen eine wesentliche Abweichung zu seinen Ungunsten in Frage kommt, zur vorherigen Äußerung mitzuteilen […] », il y a lieu de relever que cette disposition légale met en substance à charge du bureau d’imposition, préalablement à l’émission d’un bulletin d’impôt, une obligation positive de communication des éléments au sujet desquels il envisage de ne pas s’en tenir à la déclaration du contribuable, pour autant que ces éléments représentent une « wesentliche Abweichung » en défaveur du contribuable par rapport à sa déclaration. Cette disposition légale ne trouve toutefois pas à s’appliquer dans le cadre de l’élaboration d’un bulletin d’appel en garantie, dans la mesure où un tel bulletin n’est pas établi sur base d’une déclaration fiscale, préalablement déposée par la personne appelée en garantie, de laquelle ledit bulletin pourrait diverger. Etant donné que ni le § 205 (3) AO ni une quelconque autre disposition normative n’impose au bureau d’imposition compétent d’entendre le contribuable concerné en ses explications préalablement à l’émission de pareil bulletin1, ni a fortiori d’informer au préalable le contribuable de son intention d’émettre un bulletin d’appel en garantie en son encontre, le moyen tenant à un non-respect, dans le cadre de l’émission du bulletin d’appel en garantie, du § 205 (3) AO encourt le rejet.
Ensuite, en ce qui concerne les contestations tirées, de l’entendement du tribunal, d’un défaut de justification suffisante dans le bulletin d’appel en garantie des montants pour lesquels le demandeur a été appelé en garantie, il y a tout d’abord lieu de relever que le bulletin d’appel en garantie, en ce qu’il constitue son destinataire en débiteur de l’impôt resté en souffrance et l’oblige au paiement de cet impôt, doit, conformément au § 211 (1) AO, indiquer le montant des impôts fixés par voie d’assiette ou des retenues d’impôt dont le paiement est requis de la personne appelée en garantie, de même que le § 211 (2) 1. AO requiert l’indication d’une instruction sur les voies de recours, tandis qu’il est admis qu’une « sinngemäβe » application 1 Trib. adm., 25 septembre 2019, n° 41186 du rôle ; Cour adm., 14 novembre 2019, n° 42532C du rôle, disponibles sur le site www.jurad.etat.lu.
13du § 211 (2) 2. AO dans le cadre du régime de l’appel en garantie emporte une interprétation d’après laquelle le bureau compétent doit indiquer dans le bulletin d’appel en garantie les montants des impôts ou retenues d’impôt, les périodes au titre desquelles ils sont dus, ainsi que les accessoires qui se trouvent à la base du montant global pour lequel la personne visée est appelée en garantie2. Pour être tout à fait complet, et en ce qui concerne le § 211 (2) 2. AO, également invoqué par le demandeur, si cette disposition impose l’indication des « Punkte, in denen von der Steuererklärung abgewichen worden ist », il y a lieu de constater que ce texte établit clairement un lien entre le contenu de la déclaration du contribuable et celui de la fixation des bases d’imposition et de la cote d’impôt par le bureau d’imposition, de sorte à s’insérer dans la logique de la procédure d’imposition par voie d’assiette et à établir une obligation à charge de l’administration seulement lorsque la charge d’impôt déterminée par le bureau d’imposition est plus lourde que celle escomptée par le contribuable dans sa déclaration.
Or, en l’absence d’une procédure préalable, le régime de l’appel en garantie n’est par essence pas fondé sur une déclaration de la part de la personne concernée, mais repose sur la seule initiative du bureau compétent, de sorte que le § 211 (2) 2. AO ne peut pas trouver application à l’égard du bulletin d’appel en garantie3.
En l’espèce, le tribunal se doit de relever qu’il se dégage aussi bien du bulletin d’appel en garantie que de la décision directoriale sur réclamation, ainsi que des explications du délégué du gouvernement que c’est lors d’une révision des retenues d’impôt à opérer, à déclarer et à verser par la société “A” à l’administration des Contributions directes du chef des rémunérations allouées à son personnel salarié et retraité à laquelle le bureau d’imposition a procédé le 5 mars 2020 que celui-ci a constaté que ladite société avait occupé des salariés depuis sa constitution en 2013 jusqu’au prononcé de sa faillite en 2018 sans remettre une seule déclaration de retenues d’impôt sur les traitements et salaires desdits salariés au bureau d’imposition compétent. Il ressort encore plus particulièrement du bulletin de compléments de retenue et de la décision directoriale que c’est en raison du défaut de déclarations de retenues d’impôts, de paiement d’impôts sur les salaires, de dépôt de livres de salaires et d’extraits de compte salaires et pensions que, pour les années 2013 à 2016, les salaires, tels que comptabilisés dans les frais généraux, ont été taxés selon la loi en vigueur, tandis que pour les années 2017 et 2018, le bureau d’imposition s’est vu contraint de procéder par la méthode de la taxation prévue au § 217 AO en se basant sur les salaires comptabilisés dans les frais généraux, tels qu’indiqués dans les comptes annuels déposés au RCS pour les années 2013 à 2015, respectivement dans les comptes annuels remis au bureau d’imposition Sociétés … pour l’année 2016. A cela s’ajoute que tant les montants que la catégorie d’impôts et les périodes au titre desquelles ils sont dus ont été indiqués dans le bulletin d’appel en garantie lequel a lui-
même repris les bases du bulletin de compléments de retenue du 11 mars 2020 qui y a, par ailleurs, été annexé. Le tribunal relève, à cet égard, également que, contrairement à ce que fait plaider le demandeur, le bulletin de compléments de retenue en question indique expressément sous la rubrique « Observations relatives à la révision […] », ce qui suit :
« Les déclarations et paiements des retenues d’impôt sont à faire d’après les dispositions légales […] Les comptes de rémunération sont à tenir d’après les prescriptions des articles 136 et 137 L.I.R. […] 2 En ce sens : S. Schroeder, L’appel en garantie des dirigeants de société en matière d’impôts directs, 1ère Edition, Legitech, 2020, p. 131 à 133.
3 Idem, p. 134.
14 Taxation d’office de l’impôt suivant §217 AO […] Le présent bulletin de vérification est établi sous réserve d’une éventuelle vérification ultérieure portant sur la retenue en vertu de l’article 142 L.I.R. concernant votre régime complémentaire de pension (loi du 8 juin 1999). […] Années 2013-2016 : A défaut des livres/comptes de salaires et des dépôts électroniques des extraits de compte de salaires ainsi que des déclarations d’impôt sur les salaires, les salaires comptabilisés dans les frais généraux ont été taxés selon la loi en vigueur.
Années 2017-2018 : A défaut de dépôt des frais généraux au registre de commerce des sociétés, l’impôt sur les salaires a été taxé d’office. […] ».
Pour être tout à fait complet, il se dégage des explications non autrement énervées du délégué du gouvernement que la faillite de la société “A” a été clôturée le 19 octobre 2021 sans que l’administration n’ait pu recouvrir un quelconque montant en relation avec sa créance.
Les contestations du demandeur relatives à une absence de justification suffisante dans le bulletin d’appel en garantie des montants pour lesquels il a été appelé en garantie sont dès lors à rejeter in globo.
Pour les mêmes raisons, la demande formulée dans le dispositif de la requête introductive d’instance à voir enjoindre l’administration « de fournir les documents à la base du calcul du montant réclamé dans le bulletin d’appel en garantie du 3 juin 2021, dont notamment les déclarations d’impôts de la société “A” S.A, les bulletins d’imposition, les fiches de salaire, les certificats de salaire, de retenue d’impôt et de crédits d’impôts bonifiés, les décomptes annuel des impôts de 2013, 2014, 2015, 2016, 2017, 2018 » est, en tout état de cause, à rejeter, étant encore relevé que si le tribunal, investi du pouvoir de statuer en tant que juge du fond, peut remplacer une décision administrative viciée, dans les limites de l’objet du recours, par une décision nouvelle, conforme à la loi, il ne lui est de toute façon, en l’absence d’une disposition spécifique, pas possible de formuler des injonctions à l’encontre de l’administration4.
En ce qui concerne, enfin, les critiques dirigées contre la méthodologie employée par le bureau d’imposition pour fixer les compléments de retenue d’impôts dus par le débiteur principal, le tribunal se doit de relever qu’il est, en l’espèce, saisi d’un recours visant la décision directoriale du 21 janvier 2022 ayant rejeté la réclamation du demandeur dirigé contre le bulletin d’appel en garantie émis à son encontre le 3 juin 2021 et non pas le bulletin de compléments de retenue. Dans la mesure où, à travers ces critiques, le demandeur entend en réalité remettre en question la validité des compléments de retenue d’impôts fixés à travers le bulletin complémentaire du 11 mars 2020 qui se trouve à la base du bulletin d’appel en garantie litigieux, leur admissibilité et, le cas échéant, leur bien-fondé seront appréciés ci-après dans le cadre de l’analyse des conditions de mise en œuvre de la responsabilité du demandeur en sa qualité de tiers appelé en garantie.
4 Trib. adm., 20 mars 2017, n° 37196 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en réformation, n° 36 et les autres références y citées.
15 Au vu de toutes les considérations qui précèdent, les contestations tenant à une violation du principe du contradictoire sont à rejeter dans leurs différentes branches pour ne pas être fondées.
(ii) Quant à la mise en œuvre de la responsabilité du demandeur Arguments des parties Le demandeur conteste tout d’abord le fait de s’être vu mettre à sa charge le montant réclamé au titre de la retenue d’impôt sur les traitements et salaires des années 2013 à 2018, en faisant valoir que comme il ne serait devenu administrateur de la société “A”, à côté de deux autres administrateurs, que suite à une assemblée générale ordinaire des actionnaires du 10 mars 2015, il pourrait tout au plus être tenu personnellement responsable de l’accomplissement de toutes les obligations fiscales ayant incombé à ladite société pour la période allant de 2015 à 2018.
Il conteste ensuite le montant mis à sa charge à travers le bulletin d’appel en garantie en donnant à considérer qu’alors même que ledit bulletin mentionnerait que « les montants sont repris au décompte qui vous parviendra séparément », aucun décompte ne lui aurait jamais été transmis.
Enfin, il conteste toute inexécution fautive dans son chef en reprochant à l’administration d’affirmer gratuitement que « pour les années 2013 à 2018 le paiement des salaires a été fait sans que les montants à retenir aient été continués entièrement au receveur », sans expliquer en quoi il n’aurait pas continué l’entièreté des montants en question au receveur.
Ce constat s’imposerait d’autant plus qu’une telle affirmation présupposerait qu’il avait tout de même procédé à des retenues d’impôts et les avait continuées, état de fait qui présupposerait, quant à lui, que des déclarations auraient bien été faites. Or, l’administration resterait en défaut d’apporter le moindre élément matériel dont il découlerait en quoi les retenues qu’il aurait effectuées différeraient de celles qu’il aurait prétendument dû effectuer.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur relève que même à supposer que des impôts seraient redus, la procédure de recouvrement des dettes fiscales non réglées à l’échéance comporterait d’abord la signification au contribuable d’avertissements successifs, et ce ne serait que lorsque ceux-ci resteraient sans effet que le receveur des contributions décernerait une contrainte. Or, en l’espèce, il aurait « directement été saisi » sans même que l’administration ait tenté au préalable « de passer par la voie amiable ».
Enfin, le demandeur invoque l’existence de contradictions qui pourraient être constatées entre le montant de la contrainte qui a été établie à l’encontre de Monsieur …, lequel aurait également été administrateur de la société “A”, et qui s’élèverait à seulement … euros, le demandeur étant d’avis que « [c]ette différence rajoute[rait] encore un flou supplémentaire sur la manière dont l’administration fiscale est arrivée au montant de l’impôt réclamé », ce d’autant plus que, pour l’année 2015, la contrainte adressée à Monsieur Ramos Mendes de Pina mentionnerait le montant de … euros, tandis que le bulletin d’appel en garantie émis à l’encontre du demandeur mentionnerait pour la même année d’imposition le montant de … euros. Monsieur …, également administrateur de la société “A”, aurait, quant à lui, fait l’objet d’une saisie pour un montant de … euros.
16Analyse du tribunal En vertu des dispositions de l’article 136, alinéa (4) la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après dénommée « LIR », l’employeur est tenu de retenir et de verser l’impôt qui est dû sur les salaires et traitements de son personnel. Dans le cas d’une société, cette obligation incombant à l’employeur est transmise aux représentants de celle-ci, conformément au § 103 AO, qui dispose que « Die gesetzlichen Vertreter juristischer Personen und solcher Personen, die geschäftsunfähig oder in der Geschäftsfähigkeit beschränkt sind, haben alle Pflichten zu erfüllen, die denen Personen, die sie vertreten, obliegen ; insbesondere haben sie dafür zu sorgen, dass die Steuern aus den Mitteln die sie verwalten, entrichtet werden. Für Zwangsgeldstrafen und Sicherungsgelder die gegen sie erkannt, und für Kosten von Zwangsmitteln die gegen sie festgesetzt werden, haften neben ihnen die von ihnen vertretenen Personen ». Il s’ensuit que le représentant légal d’une société commerciale est tenu de remplir les obligations fiscales incombant à la société et notamment de payer sur les fonds qu’il gère les impôts dont la société est redevable directement, respectivement ceux dont elle est redevable pour le compte d’autrui.
Quant à la mise en oeuvre de la responsabilité personnelle du fait du non-paiement des impôts dont est redevable une personne morale, le § 109 AO dispose dans son alinéa 1er comme suit : « Die Vertreter und die übrigen in den §§ 103 bis 108 bezeichneten Personen haften insoweit persönlich neben dem Steuerpflichtigen, als durch schuldhafte Verletzung der ihnen in den §§ 103 bis 108 auferlegten Pflichten Steueransprüche verkürzt oder Erstattung oder Vergütung zu Unrecht gewährt worden sind ».
Ces dispositions légales mettent ainsi une obligation personnelle à charge des représentants légaux de la société.
Il se dégage encore de ces dispositions que le simple constat d’un manquement à une obligation fiscale découlant du § 103 AO, précité, n’est pas suffisant pour engager la responsabilité personnelle des dirigeants d’une société en application du § 109, alinéa (1) AO et pour voir émettre à leur encontre un bulletin d’appel en garantie, le législateur ayant, en effet, posé, à cet égard, l’exigence supplémentaire d’une inexécution fautive (« schuldhafte Verletzung ») des obligations du représentant de la société.
Par ailleurs, le § 7, alinéa (3) de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934 (« Steueranpassungsgesetz »), en abrégé « StAnpG »), dispose que « Jeder Gesamtschuldner schuldet die ganze Leistung. Dem Finanzamt steht es frei an welchen Gesamtschuldner es sich halten will. Es kann die geschuldete Leistung von jedem Gesamtschuldner ganz oder zu einem Teil fordern ». Dès lors, en cas de pluralité de responsables, la possibilité de poursuivre simultanément tous les responsables résulte implicitement du § 7 StAnpG en vertu duquel ceux qui sont poursuivis en qualité de responsables sont tenus solidairement. Le bureau d’imposition n’est par contre pas obligé de poursuivre tous les co-responsables et peut limiter son recours contre un ou plusieurs d’entre eux5.
5 Trib. adm., 14 juin 2010, n° 26277 du rôle, confirmé par Cour adm., 6 janvier 2011, n° 27126C du rôle, Pas.
adm. 2023, V° Impôts, n° 571 et les autres références y citées.
17En toute hypothèse, il appartient cependant au bureau d’imposition de relever les circonstances particulières qui ont déterminé son choix. Le pouvoir du bureau d’imposition d’engager une poursuite contre un tiers responsable, et, plus particulièrement, contre le représentant d’une société, ne relève en effet pas d’une compétence liée, mais constitue un pouvoir d’appréciation dans son chef et ce, à un double titre, d’abord en ce qui concerne l’appréciation du degré fautif du comportement de la personne visée, et, ensuite, en ce qui concerne le choix du ou des codébiteurs contre lesquels l’émission d’un bulletin d’appel en garantie est décidée, chaque fois compte tenu des circonstances particulières de l’espèce. Il appartient dès lors à l’administration de justifier la décision à ce double égard.
Quant à l’exercice de ce pouvoir d’appréciation par l’administration, le § 2 StAnpG dispose dans ses alinéas (1) et (2) que « (1) Entscheidungen, die die Behörden nach ihrem Ermessen zu treffen haben (Ermessens-Entscheidungen), müssen sich in den Grenzen halten, die das Gesetz dem Ermessen zieht.
(2) Innerhalb dieser Grenzen sind Ermessensentscheidungen nach Billigkeit und Zweckmässigkeit zu treffen ». Ainsi, l’administration investie d’un pouvoir d’appréciation doit procéder selon des considérations d’équité et d’opportunité et partant se livrer à une appréciation effective et explicite des circonstances particulières susceptibles en raison et en équité de fonder sa décision.
Le tribunal est encore amené à relever que si le § 110 AO, qui dispose que « Das Erlöschen der Vertretungsmacht oder der Vollmacht läβt die Pflichten der Vertreter und Bevollmächtigten unberührt, soweit es sich um die vorangegangene Zeit handelt », impose le maintien intégral de la responsabilité personnelle du dirigeant pour l’ensemble des obligations fiscales de la société échues avant et au cours de la période d’exercice de son mandat, tout en libérant le dirigeant des obligations fiscales de la société pour le futur, la cessation de fonctions du dirigeant ne devient opposable à l’administration qu’à compter de l’accomplissement des formalités légalement prévues6, autrement dit à partir de la publication de la cessation de fonctions7 conformément à l’article 19-3 de la loi modifiée du 19 décembre 2002 concernant le registre de commerce et des sociétés ainsi que la comptabilité et les comptes annuels des entreprises et modifiant certaines autres dispositions légales8.
En l’espèce, il se dégage du bulletin d’appel en garantie, de la décision directoriale déférée, ainsi que des explications non autrement énervées du délégué du gouvernement que le demandeur est appelé en garantie en sa qualité d’administrateur de la société “A” au motif que depuis la constitution de ladite société en 2013 et jusqu’au prononcé de sa faillite en 2018, celle-ci n’avait procédé ni à des déclarations de retenues d’impôts, ni au paiement d’impôts sur les salaires et traitements de son personnel, ni au dépôt de livres de salaires et d’extraits de compte salaires et pensions.
Il convient, à cet égard, de constater qu’il ressort d’une publication au RCS versé en cause par le demandeur que celui-ci a été nommé administrateur de la société “A” lors de l’assemblée générale des actionnaires qui s’est tenue en date du 10 mars 2015. Il n’est, par ailleurs, pas contesté, pour résulter des développements de part et d’autre, de même que des 6 En ce sens : Trib. adm., 28 septembre 2015, n° 35426 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 566 (2e volet) 7 En ce sens : S. Schroeder, L’appel en garantie des dirigeants de société en matière d’impôts directs, 1ère Edition, Legitech, 2020, p. 107 ; Trib. adm., 26 juin 2019, n° 41518 du rôle, disponible sur le site www.justice.public.lu.
8 « Les actes ou extraits d’actes ne sont opposables aux tiers qu’à partir du jour de leur publication au Recueil électronique des sociétés et associations, sauf si la société prouve que ces tiers en avaient antérieurement connaissance. ».
18pièces soumises au tribunal que le demandeur a continué d’endosser ses fonctions d’administrateur de la société “A” jusqu’à la déclaration en faillite de cette dernière par jugement du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du 20 juillet 2018.
Il n’est pas non plus contesté qu’en sa qualité d’administrateur de la société “A”, le demandeur avait le pouvoir d’engager celle-ci à l’égard des tiers par sa signature conjointe avec celle d’un autre administrateur et ceci depuis le 10 mars 2015 jusqu’au prononcé de sa faillite par jugement du 20 juillet 2018.
Dans la mesure où le demandeur a, tel que retenu ci-avant, rempli jusqu’à la déclaration de la faillite de la société “A” la fonction d’administrateur de ladite société, il doit être considéré comme ayant été, jusqu’à cette date, officiellement en charge de l’administration de cette même société, et, conformément à l’article 441-9 de la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales, comme ayant été jusqu’à cette date un des représentants légaux de ladite société à l’égard des tiers, la société “A” ayant, en effet, été représentée à l’égard des tiers par son conseil d’administration.
En tant que personne de jure et de facto en charge de l’administration de la société “A”, Monsieur … était dès lors, conformément au § 103 AO, personnellement tenu, pendant l’exercice de cette fonction, à l’accomplissement de toutes les obligations fiscales incombant à la société pendant cette période, de sorte qu’il était notamment obligé de retenir, lors du paiement des salaires, l’impôt sur les salaires, ainsi que de le déclarer et le continuer au Trésor.
Si le demandeur affirme qu’il ne saurait être tenu pour responsable d’un éventuel non-
accomplissement de toutes les obligations fiscales ayant incombé à la société “A” au titre des années 2013 et 2014 au motif qu’à ce moment-là, il n’aurait eu la qualité ni d’employeur ni d’administrateur de ladite société, le tribunal se doit de relever qu’il est de jurisprudence constante9 que ce n’est pas seulement l’ancien représentant qui peut se voir opposer, après la cessation de ses fonctions, des manquements aux obligations fiscales du représenté survenus au cours de la période pendant laquelle il assumait les fonctions de représentant, mais également le nouveau représentant, étant donné que celui-ci ne peut pas ignorer les manquements qui sont survenus antérieurement à son entrée en fonctions. La circonstance qu’une obligation aurait dû être exécutée avant son entrée en fonctions ne le libère, en effet, pas et il doit remédier au manquement dès qu’il en a connaissance. Ainsi, le nouvel administrateur n’est pas dispensé de veiller notamment au versement au receveur de la retenue d’impôt sur les traitements et salaires qui aurait dû être payée avant son entrée en fonctions.
Les contestations du demandeur en relation avec la période de référence retenue pour mettre à sa charge des retenues d’impôt non continuées au fisc sont dès lors à rejeter.
Le demandeur conteste ensuite tant le montant mis à sa charge à travers le bulletin d’appel en garantie que l’existence d’une inexécution fautive dans son chef.
Force est tout d’abord de constater qu’en l’espèce, la situation est particulière en ce sens que, tel que relevé ci-avant, l’émission du bulletin de compléments de retenue pour les années d’imposition 2013 à 2018 qui est à la base de l’appel en garantie n’est intervenue qu’à la suite d’une révision des retenues d’impôt à opérer, à déclarer et à verser par la société “A” qui a été effectuée par le bureau d’imposition compétent le 5 mars 2020, en application du règlement 9 Trib. adm., 21 décembre 2016, n° 37104,du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 595 et les autres références y citées.
19grand-ducal du 27 décembre 1974 concernant la procédure de la retenue d’impôt sur les salaires et pensions, donc après la faillite de ladite société en juillet 2018. Les compléments de retenues d’impôt redues trouvent néanmoins leur origine dans l’omission de continuer au receveur les montants qui ont été retenus ou qui auraient dû être retenus par la société “A” à titre d’impôt sur les traitements et salaires payés pour les années 2013 à 2018.
En ce qui concerne ces omissions, le demandeur se limite à contester le montant repris dans le bulletin d’appel en garantie, respectivement à reprocher à l’administration de ne pas l’avoir entendu en ses explications avant d’avoir fixé par voie de taxation d’office des compléments de retenue. Il estime également que comme l’affirmation contenue dans le bulletin d’appel en garantie suivant laquelle la totalité des retenues en relation avec les salaires payés pour les années 2013 à 2018 n’aurait pas été continuée au receveur resterait non seulement à l’état de pure allégation, mais permettrait, qui plus est, de présupposer qu’il aurait bien procédé à des retenues d’impôts qu’il aurait continuées et qu’a fortiori, il aurait donc bien fait des déclarations, aucune faute ne pourrait lui être imputée.
Le tribunal se doit, à cet égard, tout d’abord de relever que s’il est indiqué dans le bulletin d’appel en garantie que « pour les années 2013 à 2018 le paiement des salaires a été fait sans que les montants à retenir aient été continués entièrement au receveur », c’est à tort que le demandeur semble en déduire que des retenues avaient été déclarées et continuées au Trésor, quoique seulement non entièrement. En effet, tel que relevé ci-avant, il se dégage non seulement de la décision directoriale, mais également des explications du délégué du gouvernement, sous-tendues par les pièces du dossier fiscal, qu’il est reproché à la société “A” de n’avoir, depuis sa constitution, notamment pas procédé à la moindre déclaration de retenues d’impôt sur les traitements et salaires au bureau d’imposition, ni effectué le moindre paiement d’impôts sur les salaires et traitements de ses salariés. Le demandeur est, par ailleurs, malvenu de contester l’existence même de dettes fiscales dans le chef de la société “A” puisqu’il a admis lui-même dans sa réclamation l’existence de telles dettes dont il explique qu’elles « n’ont pas été acquittées à cause des difficultés économiques de la société », tout en précisant qu’il aurait « fait de [son] mieux pour subvenir à la dette fiscale, chaque décision ayant été prise dans l’intérêt de la société. ». L’explication du demandeur suivant laquelle cette phrase aurait été sortie de son contexte et qu’en réalité, il n’aurait « nullement fait référence au montant de l’impôt » n’est, en tout état de cause, pas de nature à emporter la conviction du tribunal.
Ensuite, tel que relevé ci-avant, le demandeur était, en sa qualité de représentant de la société “A”, personnellement tenu à l’accomplissement de toutes les obligations fiscales incombant à celle-ci, respectivement tenu de veiller à ce que ces obligations soient accomplies.
Or, le demandeur a manifestement manqué à ces obligations dans la mesure où il vient d’être relevé ci-avant que la société “A” a, de manière non contestée, violé depuis sa constitution les dispositions légales applicables en matière de retenues sur salaire, en ayant non seulement omis de continuer l’ensemble des retenues opérées sur les salaires, mais en s’étant également abstenue de déclarer lesdits impôts et de tenir des livres de salaire et des extraits de compte salaires et pensions. Le comportement ainsi adopté par le demandeur en sa qualité de représentant légal de ladite société est, en tout état de cause, à qualifier de fautif, étant relevé qu’il est de jurisprudence qu’en n’exécutant pas les obligations légales de la société ou en ne veillant pas à leur accomplissement, le représentant manque à son premier devoir, celui d’administrer.
20En l’espèce, le comportement fautif du demandeur, qui a engendré la non-perception par le Trésor de sommes dues au titre de l’impôt sur les traitements et salaires qui auraient dû être déclarées, retenues et continuées à l’administration des Contributions directes par la société “A” pour les six années d’imposition concernées, est d’autant plus reprochable alors que, d’un côté, le défaut de paiement des retenues d’impôt s’est étendu sur six années et, de l’autre côté, qu’en arrogeant ainsi à la société “A” un crédit en omettant de payer des sommes qui sont dues au fisc, le demandeur a permis un détournement des sommes retenues pour compte des salariés à d’autres fins, étant rappelé qu’il s’agit de sommes d’argent qui, dès le versement du salaire, ne doivent pas recevoir une affectation autre que le seul paiement de l’impôt dû par le salarié.
L’ensemble des considérations qui précèdent, ainsi que les explications fournies par le délégué du gouvernement au cours de la procédure contentieuse, amènent le tribunal à retenir, eu égard aux exigences posées par le § 109 AO, que le comportement fautif du demandeur se trouve vérifié en l’espèce en ce qui concerne les années 2013 à 2018.
C’est dès lors à bon droit que le bureau d’imposition a retenu une faute caractérisée à sa charge en relation avec la non-perception des retenues litigieuses visant ces mêmes années, de sorte qu’en avançant ces considérations à l’appui de sa décision, le directeur s’est livré à une appréciation effective et explicite des circonstances particulières de nature à fonder sa décision en raison et en équité, le demandeur étant resté en défaut de renverser utilement les conclusions du directeur à cet égard, et plus particulièrement les faits relevés par le directeur pour conclure au caractère fautif de son comportement en tant qu’administrateur de la société “A”.
Le moyen du demandeur tendant à voir écarter l’existence dans son chef d’une inexécution fautive au sens du § 109 AO, de même que celui tendant à reprocher au directeur de ne pas avoir effectué une appréciation en équité et raison selon les circonstances particulières de l’espèce, tel que requis par le § 2 StAnpG, encourent dès lors le rejet.
Ensuite, et en ce qui concerne les contestations du demandeur en relation avec la méthodologie employée par le bureau d’imposition pour fixer les compléments de retenues d’impôts redues par la société “A” et le quantum de la créance d’impôt réclamée, il y a lieu de constater qu’à travers ces contestations, le demandeur entend remettre en cause le bien-fondé du bulletin de compléments de retenue du 11 mars 2020 émis à l’égard de la société “A” et qui se trouve à la base du bulletin d’appel en garantie litigieux.
Il convient, à cet égard, de relever que la mise en œuvre de la garantie d’un représentant d’une société nécessite l’existence d’un dommage pour l’Etat consistant dans l’insuffisance de l’impôt effectivement perçu par rapport à celui légalement dû conformément aux bulletins d’impôt émis à l’égard du débiteur principal, à travers soit des défauts de paiements de cotes d’impôts dues ou des diminutions indues des cotes d’impôts fixées, soit par le biais de l’obtention de restitutions ou de crédits d’impôts indus (« […] Steueransprüche verkürzt oder Erstattung oder Vergütung zu Unrecht gewährt worden sind … »).
Ce sont partant les bulletins ayant fixé des cotes d’impôt qui constituent, à côté des paiements accomplis ou non par le débiteur principal, le facteur à la base du montant d’impôts pouvant donner lieu à un appel en garantie à l’égard d’un représentant du débiteur principal.
21Les bases d’imposition telles que retenues dans les bulletins d’impôt en tant que fondement des cotes d’impôt ne sauraient partant plus être remises en cause par le garant que pour autant qu’il est encore en mesure, conformément au § 119 AO, de contester, au-delà des conditions de son appel en garantie, également la soumission du débiteur principal à l’impôt ou la cote d’impôt fixée à son égard10.
La portée du recours introduit par une personne appelée en garantie d’impôts redus par un autre débiteur principal et partant l’étendue des moyens qu’il peut soulever contre le bulletin d’appel en garantie émis à son égard se trouvent régies par le § 119 AO qui dispose ce qui suit :
« (1) Wer neben dem Steuerpflichtigen oder an dessen Stelle persönlich auf Zahlung einer Steuer in Anspruch genommen wird (§ 97 Absatz 2), kann gegen seine Heranziehung die Rechtsmittel geltend machen, die dem Steuerpflichtigen zustehen. Die Frist zur Einlegung des Rechtsmittels beginnt mit Ablauf des Tags, an dem Ihm der Beschluss über seine Heranziehung zugestellt oder, wenn keine Zustellung vorgeschrieben ist, bekannt gemacht worden ist.
(2) Ist die Steuerschuld dem Steuerpflichtigen gegenüber unanfechtbar festgestellt, so hat dies gegen sich gelten zu lassen, wer als Rechtsnachfolger des Steuerpflichtigen haftet oder wer in der Lage gewesen wäre, den gegen den Steuerpflichtigen erlassenen Bescheid als dessen Vertreter, Bevollmächtigter oder kraft eigenen Rechts anzufechten ».
En vertu du § 119 AO, le tiers appelé en garantie peut introduire les mêmes voies de recours et faire valoir les mêmes moyens contre le bulletin d’appel en garantie que ceux dont dispose le débiteur principal de l’impôt, tout en exceptant l’hypothèse où le bulletin émis à l’égard du débiteur principal a acquis autorité de chose décidée et où le tiers appelé en garantie aurait eu la possibilité de réclamer contre ce bulletin en tant que représentant légal du contribuable principal, cas dans lequel ce bulletin est définitif également à l’égard de la personne appelée en garantie11.
Dans la mesure où les arriérés d’impôts litigieux correspondent aux retenues d’impôt sur traitements et salaires des années 2013 à 2018 fixés à travers le bulletin de compléments de retenue du 11 mars 2020 et que ledit bulletin a été émis après le prononcé de la faillite de la société “A” le 20 juillet 2018, le § 119 (2) AO ne saurait être opposé au demandeur, vu qu’il n’avait pas, durant tout le délai de recours contre ce bulletin, la qualité nécessaire afin de pouvoir introduire une voie de recours à son encontre.
Force est dès lors de retenir que le demandeur est autorisé à contester la validité dudit bulletin complémentaire et plus particulièrement la méthodologie employée par le bureau d’imposition pour fixer les compléments de retenue d’impôts redus par la société “A”, ainsi que le quantum de la créance d’impôt lui réclamée. A cet égard, il convient encore de préciser que la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la cote d’impôt appartient au contribuable, cette preuve pouvant être rapportée par tous les moyens hormis le serment.
Pour ce qui est des critiques en relation avec la méthode employée par le bureau d’imposition pour fixer les compléments de retenues redus par la société “A”, le tribunal se 10 Cour adm., 10 mars 2015, n° 35065C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 561 et les autres références y citées.
11 Cour adm., 4 février 2016, nos 36489C et 36490C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 562 et les autres références y citées.
22doit de relever que dans la mesure où Monsieur … ne prend aucunement position par rapport aux reproches tirés du non-accomplissement, par la société “A”, des obligations fiscales lui ayant incombé depuis sa constitution, sans plus particulièrement contester que la société “A” a effectivement omis, pour toute la période en cause, de remettre la moindre déclaration de retenues d’impôt sur les traitements et salaires au bureau d’imposition compétent, ni l’absence de tenue de livres de salaire et d’extraits de compte salaires, c’est à bon droit que le directeur a confirmé le bureau d’imposition non seulement en ce qu’il a procédé par la méthode de la taxation prévue au § 217 AO en se basant sur les salaires comptabilisés dans les frais généraux tels qu’indiqués dans les comptes annuels déposés au RCS pour les années 2013 à 2015, respectivement dans les comptes annuels remis au bureau d’imposition Sociétés … pour l’année 2016, mais également en ce qu’il a fixé des retenues d’impôt sur les traitements et salaires des années 2013 à 2018 par l’émission d’un bulletin de compléments de retenue.
C’est, en effet, en raison du comportement fautif du demandeur lui-même, en tant qu’une des personnes de jure et de facto en charge de l’administration de la société “A”, que les montants fixés dans le bulletin de compléments de retenue du 11 mars 2020 ont dû faire l’objet d’une estimation, étant relevé que, conformément à sa dénomination allemande (« Schätzung »), la taxation d’office consiste « à déterminer et à utiliser une valeur probable et (ou) approximative, lorsque la détermination de la valeur réelle et exacte n’est pas possible »12. Pour être tout à fait complet et tel que le relève le délégué du gouvernement, dans la mesure où il n’est pas contesté qu’aucune déclaration de retenues d’impôt sur les traitements et salaires n’a été remise au bureau d’imposition par la société “A”, le demandeur n’est, en tout état de cause, pas non plus fondé à se prévaloir du § 205 (3) AO pour critiquer le fait qu’il n’ait pas été entendu préalablement à la fixation des compléments de retenues d’impôts sur les traitements et salaires à la base du bulletin d’appel en garantie du 3 juin 2021, ladite disposition ne s’appliquant qu’au cas où l’administration envisage de s’écarter de manière significative des déclarations du contribuable, ce qu’elle ne peut faire que si elle s’est vue remettre de telles déclarations.
Pour ce qui est du quantum de la créance d’impôt réclamée, il se dégage des explications fournies par le délégué du gouvernement en cours de procédure contentieuse que faute de livres de salaires, ni les différents salariés disposant d’une fiche de salaire valable, ni les montants bruts des salaires n’étaient identifiables, de sorte que le bureau d’imposition a fait application de l’article 143 (3) LIR en vertu duquel l’employeur n’ayant pas réceptionné la fiche d’impôt est obligé d’imposer la rémunération selon les dispositions les plus onéreuses, c’est-à-dire sur base de la classe d’impôt 1, sans que le taux ne puisse être inférieur à 33%. Il ressort également des explications du délégué du gouvernement, appuyées par les pièces du dossier fiscal, d’ailleurs non autrement énervées par le demandeur, que les comptes pertes et profits abrégés de la société “A”, tels que publiés au RCS ou remis à l’administration, renseignaient à titre de salaires et traitements, pour les années 2013 à 2016, les montants de respectivement … euros, … euros, … euros et … euros, lesquels ont été taxés à défaut de déclaration, et après déduction des cotisations sociales, à hauteur de 33%, ce qui a abouti pour les années en question aux montants de respectivement … euros, … euros, … euros et … euros dus à titre de retenue d’impôt sur les traitements et salaires. Il apparaît encore que, pour les années 2017 et 2018, faute de pièces comptables déposées ou publiées, le bureau d’imposition s’est basé sur le derniers comptes sociaux de 2016 pour retenir une retenue d’impôt sur les traitements et salaires à hauteur à chaque fois de … euros.
12 J. Olinger, La Procédure contentieuse en matière d’impôts directs, Etudes fiscales, nos 81 à 85, page 117, n° 190.
23 Or, le tribunal se doit de constater que Monsieur … reste en défaut de faire valoir un quelconque moyen utile pour contester les montants repris dans le bulletin de compléments de retenue en question lesquels ont été, tel que relevé ci-avant, fixés par le bureau d’imposition sur base des montants renseignés à titre de salaires et de traitements dans les comptes pertes et profits abrégés de la société “A”, tels que publiés au RCS ou remis à l’administration. En effet, la transmission à l’appui de son mémoire en réplique de « « certificats de salaire, de retenue d’impôt et de crédits d’impôts bonifiés » des années 2014 à 2018 pour chaque salarié », avec la précision qu’il serait « étonné que le nécessaire n’aurait pas été effectué à l’époque auprès de l’Administration fiscale », respectivement que compte tenu de la faillite de la société “A”, il ne lui serait pas possible matériellement de rapporter la preuve du dépôt des documents en question, n’est, en tout état de cause, pas suffisante, à défaut de tout élément permettant de vérifier le caractère complet de ces pièces, ce d’autant plus que le demandeur reste en défaut d’expliquer les différences entre les montants renseignés de manière non contestée à titre de salaires et de traitements dans les comptes sociaux de la société “A”, et ceux indiqués dans les « « certificats de salaire, de retenue d’impôt et de crédits d’impôts bonifiés » des années 2014 à 2018 pour chaque salarié ».
Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de retenir que le demandeur reste en défaut d’énerver valablement la validité du bulletin de compléments de retenue, de sorte que ses contestations relatives tant à la méthodologie employée par le bureau d’imposition pour fixer les compléments de retenues dus par la société “A” qu’au quantum de la dette d’impôt réclamée sont également à rejeter pour ne pas être fondées.
Cette conclusion n’est pas ébranlée par les prétendues contradictions qui pourraient être constatées entre le montant de la contrainte qui a été établie à l’encontre de Monsieur …, lequel aurait également été administrateur de la société “A” et les montants repris dans le bulletin d’appel en garantie émis à son encontre. En effet, outre le fait qu’il se dégage du bulletin d’appel en garantie que trois autres bulletins d’appel en garantie ont été émis à l’encontre de Messieurs …, … et … en leur qualité de codébiteurs solidaires des montants redus par la société “A” au titre de retenues d’impôt sur les traitements et salaires impayés, il se dégage encore des explications non autrement contestées du délégué du gouvernement que si le montant réclamé plus particulièrement à Monsieur Ramos Mendes de Pina diffère de celui réclamé au demandeur, cette différence s’explique tout simplement par la durée de leurs mandats sociaux respectifs et donc de la période pendant laquelle ils étaient tenus à l’accomplissement de toutes les obligations fiscales incombant à la société “A”.
Enfin, en ce qui concerne les développements relatifs à la procédure de recouvrement des dettes fiscales non réglées à l’échéance, et en admettant que le demandeur ait entendu soutenir que l’administration aurait dû tenter de trouver un arrangement à l’amiable avec lui, outre le fait qu’il ne se dégage pas des §§ 103 et 109 AO que la mise en œuvre de la responsabilité du représentant d’une société exige, au préalable, le déclenchement d’une procédure de recouvrement, c’est à bon droit que le délégué du gouvernement fait valoir que les juridictions administratives ne sont de toute façon pas compétentes13 pour apprécier la régularité d’une telle procédure.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et à défaut d’autres contestations 13 Trib. adm, 4 juin 2003, n° 15706 du rôle, confirmé par Cour adm., 18 novembre 2003, n° 16634C du rôle, Pas.
adm. 2023, V° Compétence, n° 130 et les autres références y citées.
24que le recours est à déclarer non fondé.
Au vu de l’issue du litige, il y a lieu de rejeter la demande d’indemnité de procédure de 2.500 euros fondée sur l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;
rejette la demande d’injonction à adresser à l’administration des Contributions directes « de fournir les documents à la base du calcul du montant réclamé dans le bulletin d’appel en garantie du 3 juin 2021, dont notamment les déclarations d’impôts de la société “A” S.A, les bulletins d’imposition, les fiches de salaire, les certificats de salaire, de retenue d’impôt et de crédits d’impôts bonifiés, les décomptes annuel des impôts de 2013, 2014, 2015, 2016, 2017, 2018 » ;
pour le surplus, reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par le demandeur ;
condamne la demandeur aux frais et dépens.
Ainsi jugé par :
Alexandra Castegnaro, vice-président, Annemarie Theis, premier juge, Caroline Weyland, juge, et lu à l’audience publique du 2 mai 2024 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.
s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 3 mai 2024 Le greffier du tribunal administratif 25