Tribunal administratif N° 46787 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:46787 2e chambre Inscrit le 15 décembre 2021 Audience publique du 13 mai 2024 Recours formé par Monsieur … et consort, …, contre deux décisions du conseil communal de Frisange et une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement général
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 46787 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 15 décembre 2021 par la société anonyme Krieger Associates SA, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-2146 Luxembourg, 63-65, rue de Merl, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B240929, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Georges Krieger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … et de Madame …, demeurant ensemble à L-…, tendant à l’annulation 1) de la « […] décision du conseil communal de FRISANGE du 18 septembre 2019, décidant de la mise en procédure du PAG […] » ;
2) de la « […] décision du conseil communal de FRISANGE, prise en date du 6 janvier 2021, portant approbation du projet de refonte du plan d’aménagement général […] » ; et 3) de la « […] décision de la Ministre de l’Intérieur, prise en date du 1er septembre 2021, portant approbation de la décision du 6 janvier 2021 […] » ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Christine Kovelter, en remplacement de l’huissier de justice Frank Schaal, demeurant à Luxembourg, du 22 décembre 2021, portant signification de ce recours à l’administration communale de Frisange, ayant sa maison communale à L-5750 Frisange, 10, Munnerëferstrooss, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 22 décembre 2021 par Maître Albert Rodesch, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 10 janvier 2022 par Maître Claude Schmartz, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Frisange, préqualifiée ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 15 février 2022 par Maître Albert Rodesch, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
1 Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 22 mars 2022, par Maître Claude Schmartz, au nom de l’administration communale de Frisange, préqualifiée ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 22 avril 2022 par la société anonyme Krieger Associates SA, au nom des parties demanderesses, préqualifiées ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 20 mai 2022 par Maître Claude Schmartz, au nom de l’administration communale de Frisange, préqualifiée ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 23 mai 2022 par Maître Albert Rodesch, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu les pièces versées en cause ainsi que les actes critiqués ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Sébastien Couvreur, en remplacement de Maître Georges Krieger, Maître Elise Deprez, en remplacement de Maître Claude Schmartz, et Maître Stéphane Sunnen, en remplacement de Maître Albert Rodesch, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 8 janvier 2024.
Lors de sa séance publique du 18 septembre 2019, le conseil communal de Frisange, ci-
après désigné par le « conseil communal », émit un vote favorable, en vertu de l’article 10 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après désignée par « la loi du 19 juillet 2004 », sur le projet d’aménagement général et chargea le collège des bourgmestre et échevins, ci-après désigné par « le collège échevinal », de procéder aux consultations prévues aux articles 11 et 12 de la loi du 19 juillet 2004.
Par courrier recommandé avec accusé de réception de leur litismandataire du 22 octobre 2019, Monsieur … et Madame …, ci-après désignés par « les consorts … », agissant en leur qualité de propriétaires de deux parcelles inscrites au cadastre de la commune de Frisange, portant les numéros … et …, soumirent leurs objections à l’encontre dudit projet d’aménagement général au collège échevinal.
La commission d’aménagement émit son avis dans sa séance du 27 novembre 2019.
Lors de sa séance publique du 6 janvier 2021, le conseil communal, d’une part, statua sur les objections dirigées à l’encontre du projet d’aménagement général et, d’autre part, adopta ledit projet.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 7 janvier 2021, les consorts … introduisirent, par l’intermédiaire de leur litismandataire, une réclamation auprès du ministre de l’Intérieur, ci-après désigné par « le ministre », à l’encontre de la susdite délibération du conseil communal du 6 janvier 2021 portant adoption du projet d’aménagement général et ayant statué sur les objections dirigées par les administrés à l’encontre de ce même projet.
Dans sa séance du 7 juillet 2021, la commission d’aménagement émit son avis sur les réclamations introduites auprès du ministre.
2 Par décision du 1er septembre 2021, le ministre approuva la délibération du conseil communal du 6 janvier 2021 portant adoption du projet d’aménagement général, tout en statuant sur les réclamations lui soumises, dont celle introduite par les consorts …. Les passages de ladite décision ministérielle se rapportant à cette réclamation sont libellés comme suit :
« […] Ad réclamation … […] (rec 2 […]) Les réclamants sollicitent le reclassement des parcelles cadastrales n°… et … […] sises à …, en zone destinée à être urbanisée.
A titre liminaire, il convient de noter que les parcelles précitées sont toutes situées le long de la rue … et que plusieurs immeubles existent déjà au bord de cette même rue.
Force est pourtant de constater que des constructions existantes caractérisent déjà un développement tentaculaire existant. Il n’est donc pas raisonnable d’accepter une densification supplémentaire non adaptée au tissu urbain existant qui ne ferait qu’aggraver le développement tentaculaire à cet endroit. Cette solution est d’ailleurs consacrée par la jurisprudence administrative (Cour administrative, 3 mai 2018, n° du rôle 40403C).
Les réclamations sont partant non fondées. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 15 décembre 2021, les consorts … ont fait introduire un recours tendant à l’annulation de la « […] décision du conseil communal de FRISANGE du 18 septembre 2019, décidant de la mise en procédure du PAG […] » ; de la « […] décision du conseil communal de FRISANGE, prise en date du 6 janvier 2021, portant approbation du projet de refonte du plan d’aménagement général […] » ; et de la « […] décision de la Ministre de l’Intérieur, prise en date du 1er septembre 2021, portant approbation de la décision du 6 janvier 2021 […] ».
I. Quant à la compétence du tribunal Les décisions sur les projets d’aménagement, lesquels ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des terrains qu’ils concernent et le régime des constructions à y ériger, ont un caractère réglementaire. La décision d’approbation du ministre participe au caractère réglementaire de l’acte approuvé1, étant précisé que le caractère réglementaire ainsi retenu s’étend également au volet de la décision ministérielle du 1er septembre 2021 ayant statué sur la réclamation introduite par les consorts …, intervenue dans le processus général de l’élaboration de l’acte approuvé.
Conformément à l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par la « loi du 7 novembre 1996 », seul un recours en annulation est susceptible d’être introduit contre un acte administratif à caractère réglementaire.
Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en annulation sous examen.
II. Quant à la loi applicable 1 Cour adm., 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Actes réglementaires, n° 59 et les autres références y citées.
3 La procédure d’adoption d’un plan d’aménagement général, ci-après désigné par « PAG », est prévue par la loi du 19 juillet 2004. Or, celle-ci a été modifiée à plusieurs reprises et dernièrement (i) par une loi du 28 juillet 2011 entrée en vigueur, en application de son article 45, en date du 1er août 2011, (ii) par la loi du 30 juillet 2013 concernant l’aménagement du territoire, publiée au Mémorial A, n° 160 du 6 septembre 2013, (iii) par la loi du 14 juin 2015 portant modification de l’article 108 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, publiée au Mémorial A, n° 113 du 17 juin 2015, (iv) par la loi du 3 mars 2017 dite « Omnibus », entrée en vigueur, en application de son article 76, le 1er avril 2017, (v) par la loi du 17 avril 2018 concernant l’aménagement du territoire, (vi) par la loi du 18 juillet 2018 portant modification de l’article 108 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, (vii) par la loi du 30 juillet 2021 relative au Pacte logement 2.0, dont l’entrée en vigueur est fixée au 1er janvier 2021, par l’article 16 de la loi en question et (viii) par la loi du 7 août 2023 relative au logement abordable.
Etant donné, d’une part, que le tribunal vient de retenir que seul un recours en annulation a pu être introduit à l’encontre des décisions déférées et, d’autre part, que dans le cadre d’un tel recours, le juge administratif est amené à en apprécier la légalité en considération de la situation de droit et de fait ayant prévalu au jour où elles ont été prises, les modifications apportées à la loi du 19 juillet 2004 par la loi précitée du 7 août 2023, entrée en vigueur postérieurement à la décision du conseil communal du 6 janvier 2021, ne sont pas à prendre en considération en l’espèce, étant plus particulièrement précisé à cet égard que les actes de tutelle administrative, tels que la décision ministérielle litigieuse, rétroagissent à la date de la décision approuvée et tombent, dès lors, sous le champ d’application des lois en vigueur à la date de la prise de décision de l’acte initial.
Il s’ensuit que la version de la loi du 19 juillet 2004 applicable au présent litige est celle résultant des modifications opérées par les lois des 28 juillet 2011, 30 juillet 2013, 14 juin 2015, 3 mars 2017, 17 avril 2018, 18 juillet 2018 et 30 juillet 2021.
III. Quant à la recevabilité A) Quant à la recevabilité du volet du recours en annulation dirigé contre la délibération du conseil communal du 18 septembre 2019 « décidant de la mise en procédure du PAG » Le tribunal relève, tout d’abord, que les consorts … ont, dans le cadre de leur requête introductive d’instance, expliqué vouloir « quereller » la décision de mise sur orbite de la procédure de refonte du PAG, prise par la commune en date du 18 septembre 2019, tout en admettant qu’ils seraient « conscients de la jurisprudence récente des juridictions administratives ». Ils soutiennent, à cet égard, que l’arrêt de la Cour administrative du 15 décembre 2016, inscrit sous le numéro 38139C du rôle, sur lequel « toute la jurisprudence du tribunal [administratif serait] établie » ne prendrait pas directement position sur la recevabilité d’un recours contre la première décision du conseil communal mais ne ferait que statuer sur la question de la conformité de la procédure « Strategische Umweltprüfung », désignée ci-après par la « SUP », menée parallèlement à la procédure d’adoption du PAG. Les consorts … ajoutent que la pratique aurait démontré des failles factuelles et juridiques dans la jurisprudence du tribunal administratif qui consisteraient à rejeter les recours portés à l’encontre de la première décision du conseil communal.
4 Ils avancent, dans ce contexte, que ladite décision « à caractère administratif » de mise sur orbite de la procédure de refonte du PAG produirait sans contester des effets de droit qui s’appliqueraient à une généralité de personnes et qu’elle leur causerait grief en l’espèce. Ils expliquent qu’en cas d’annulation du second vote du conseil communal et « de la (ou des) approbation(s) ministérielle(s) » par les juridictions administratives, la décision de mise sur orbite de la procédure de refonte du PAG subsisterait eu égard au fait que, suivant l’article 21 de la loi du 19 juillet 2004, ladite décision produirait immédiatement des effets de droit à titre de servitudes et ce ad vitam aeternam « ou du moins aussi longtemps que ladite décision n’a[ura] pas été annulée, abrogée (ou « remplacée » par un nouveau second vote pris par le conseil communal à la suite du jugement ou de l’arrêt d’annulation) ». Les consorts … sont, dès lors, d’avis qu’après l’annulation du deuxième vote du conseil communal et de la décision d’approbation du PAG par le ministre, il serait probable que la commune n’ait plus aucun intérêt à poursuivre la procédure d’adoption de la refonte du PAG, de sorte qu’une telle décision d’annulation des juridictions administratives n’aurait aucun effet utile, étant donné que la décision causant réellement grief serait la décision de la mise sur orbite de la refonte du PAG.
Les demandeurs ajoutent qu’il serait erroné de prétendre que la première décision du conseil communal ne porterait que sur la question de savoir si le « dossier PAG » était suffisamment élaboré ou non, alors qu’avant que ledit dossier serait soumis à l’approbation du conseil communal, des choix urbanistiques auraient été posés, sinon par le conseil communal, alors du moins par le collège échevinal, qui se traduiraient, dans le cas d’espèce, par la décision opérée de classer un terrain constructible en un terrain non constructible, décision qui produirait des effets de droit et porterait atteinte au droit de propriété.
Les demandeurs sont encore d’avis que la jurisprudence actuelle mènerait à des situations tout à fait aberrantes et préjudiciables pour les administrés en se prévalant, à titre d’exemple, de la situation de parcelles sises sur le territoire de la Ville de Luxembourg en relation avec le classement desquelles le tribunal administratif a annulé par jugement du 8 juin 2020, inscrit sous le numéro 40615 du rôle, les décisions d’adoption, respectivement d’approbation définitives du conseil communal et du ministre de l’Intérieur mais non pas « celle de mise sur orbite du conseil communal ». En effet, la Ville de Luxembourg, qui n’aurait pas interjeté appel contre le jugement en question, serait restée par la suite dans l’immobilisme le plus total, ce qui impliquerait qu’aussi longtemps que le conseil communal n’aurait pas enfin pris position, ce serait non seulement l’ancien PAG qui trouverait à s’appliquer sur le site en question, mais également le projet de PAG et ce, alors même que les voisins auraient obtenu l’annulation du PAG adopté par le conseil communal lors du second vote.
Dans un tel cas de figure, la décision du tribunal administratif n’aurait dès lors que très peu d’intérêt pour les requérants concernés.
Les demandeurs font valoir que comme en l’espèce la décision de « mise sur orbite » prévoirait un classement en zone verte de leur « bien », elle leur porterait préjudice et qu’en tant que telle, elle constituerait bien un acte attaquable au regard de la loi du 7 novembre 1996 et de la jurisprudence administrative.
Tant la commune que la partie étatique ont soulevé dans leur mémoire en réponse l’irrecevabilité du recours en ce qu’il est dirigé contre la délibération du conseil communal du 18 septembre 2019 portant « mise sur orbite » de la procédure de refonte du PAG en se prévalant de la jurisprudence constante des juridictions administratives à ce sujet.
5 Dans leur mémoire en réplique les demandeurs maintiennent, en substance, leurs développements contenus dans leur requête introductive d’instance, afin de conclure à la recevabilité de ce volet de leur recours.
Le tribunal relève qu’aux termes de l’article 2, paragraphe (1) de la loi du 7 novembre 1996, un recours est ouvert « contre toutes les décisions administratives à l’égard desquelles aucun autre recours n’est admissible ». Par ailleurs, en vertu de l’article 7 de la même loi :
« (1) Le tribunal administratif statue encore sur les recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, contre les actes administratifs à caractère réglementaire, quelle que soit l’autorité dont ils émanent.
(2) Ce recours n’est ouvert qu’aux personnes justifiant d’une lésion ou d’un intérêt personnel, direct, actuel et certain. ».
Ces articles limitent ainsi l’ouverture d’un recours devant les juridictions administratives notamment aux conditions cumulatives que l’acte litigieux doit constituer une décision administrative, c’est-à-dire émaner d’une autorité administrative légalement habilitée à prendre des décisions unilatérales obligatoires pour les administrés et qu’il doit s’agir d’une véritable décision, affectant les droits et intérêts de la personne qui la conteste2.
L’acte administratif susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux doit constituer une véritable décision de nature à faire grief, c’est-à-dire un acte susceptible de produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle et patrimoniale de celui qui réclame. N’ont pas cette qualité de décision faisant grief, comme n’étant pas destinées à produire, par elles-mêmes, des effets juridiques, les informations données par l’administration, tout comme les déclarations d’intention ou les actes préparatoires d’une décision3.
Aux termes de l’article 10 de la loi du 19 juillet 2004, intitulé « saisine du conseil communal » : « Le projet d’aménagement général ensemble avec l’étude préparatoire, le rapport de présentation ainsi que, le cas échéant, le rapport sur les incidences environnementales élaboré conformément à la loi modifiée du 22 mai 2008 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement est soumis au conseil communal.
Le conseil communal délibère sur le projet d’aménagement général ; en cas de vote positif, le collège des bourgmestre et échevins procède aux consultations prévues aux articles 11 et 12 ».
L’article 11 de la loi du 19 juillet 2004 prévoit que c’est ce projet de PAG, mis sur orbite par le conseil communal conformément à l’article 10, précité, qui est soumis par le collège échevinal à la commission d’aménagement auprès du ministère de l’Intérieur dans les quinze jours de « l’accord » du conseil communal prévu audit article 10.
2 F. Schockweiler, Le contentieux administratif et la procédure administrative non contentieuse en droit luxembourgeois, n° 46, p. 28.
3 Trib. adm., 23 juillet 1997, n° 9658 du rôle, confirmé sur ce point par Cour adm., 19 février 1998, n° 10263C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Actes administratifs, n° 69 et les autres références y citées.
6 L’article 12 règle la publication du projet de PAG ensemble toutes les pièces mentionnées à l’article 10, précité, dont la SUP, ainsi que les possibilités du public d’y réagir, l’article 13 prévoyant, sous l’intitulé « réclamation », la possibilité pour les personnes intéressées de formuler leurs objections auprès du collège échevinal.
Finalement l’article 14 de la loi du 19 juillet 2004, intitulé « vote du conseil communal », énonce ce qui suit : « Le projet d’aménagement général ensemble avec toutes les pièces mentionnées à l’article 10 est soumis avec l’avis de la commission d’aménagement et, le cas échéant, avec l’avis du ministre ayant dans ses attributions l’environnement, le rapport sur les incidences environnementales, les réclamations et les propositions de modifications du collège des bourgmestre et échevins, au conseil communal.
Au plus tard dans les trois mois à compter de l’échéance du délai prévu à l’article 11, alinéa 2, le conseil communal décide de l’approbation ou du rejet du projet d’aménagement général.
Il peut approuver le projet dans sa forme originale ou y apporter des modifications qui soit sont proposées par la commission d’aménagement, soit répondent en tout ou en partie à l’avis émis par le ministre ayant l’Environnement dans ses attributions, soit prennent en compte en tout ou en partie des observations et objections présentées.
Si le conseil communal entend apporter des modifications autres que celles visées à l’alinéa qui précède, il renvoie le dossier devant le collège des bourgmestre et échevins qui est tenu de recommencer la procédure prévue aux articles 10 et suivants ».
En ce qui concerne les critiques des parties requérantes suivant lesquelles le vote positif du conseil communal sur base de l’article 10, alinéa 2 de la loi du 19 juillet 2004 créerait, conformément à l’article 21 de cette même loi, immédiatement des effets de droit, sous forme de servitudes légales, qui s’appliqueraient à une généralité de personnes et qui, en l’espèce, leur causeraient grief, de sorte qu’il s’agirait d’un acte susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux, il y a lieu de relever que la Cour administrative, confrontée à des critiques similaires, a eu l’occasion de réitérer dans un arrêt du 1er avril 2021, inscrit sous le numéro 45328C du rôle, sa position suivant laquelle « depuis une jurisprudence constante inaugurée par des arrêts du 15 décembre 2016 (nos 38139C, 38174C et 38175C), la démarche du conseil communal prévue à l’article 10 de la loi du 19 juillet 2004 s’analyse en mise sur orbite du projet de PAG et ne revêt en principe aucun caractère décisionnel, mise à part l’hypothèse d’une action contre la délibération du conseil communal prise de manière détachée sur base dudit article 10 en raison d’un effet immédiat qu’elle peut, le cas échéant, avoir […] »4. Elle a, dans ce même arrêt, rappelé que « […] le vote positif tel que visé à l’article 10, alinéa 2, de la loi du 19 juillet 2004 doit être lu en ce sens que le conseil communal est d’accord à ce que le projet de PAG soit mis sur orbite, du moment qu’il déclare que ce projet est suffisamment élaboré pour qu’il puisse continuer la procédure et être soumis aux consultations prévues par la loi, à savoir la commission d’aménagement, les administrés intéressés, ainsi que le ministre de l’Environnement, appelé à intervenir en la matière, et dont l’avis est cité à l’article 14, alinéa 3, de la même loi, en tant que susceptible de voir modifier le projet à travers la décision d’adoption du conseil communal. » et qu’« [a]u vu de l’agencement des articles [10, 11, 12 et 14 ] de la loi du 19 juillet 2004 […], le premier vote positif du conseil communal pris sur base de l’article 10, alinéa 2, de la loi du 19 juillet 2004 participe ainsi, en tant qu’acte 4 Cour adm., 1er avril 2021, n° 45328C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 288.
7 préparatoire, au caractère réglementaire du PAG en adoption, processus aboutissant à un second vote du conseil communal portant adoption du PAG et destiné à être soumis au ministre pour approbation. ».
Au vu des considérations qui précèdent et dans la mesure où, dans les circonstances de l’espèce, la décision de « mise sur orbite » du PAG n’est visée qu’en tant qu’élément détaché d’un processus décisionnel achevé, le recours en ce qu’il est dirigé contre la délibération du conseil communal du 18 septembre 2019 « décidant de la mise en procédure du PAG » est à déclarer irrecevable pour ne viser qu’un simple acte préparatoire ne pouvant, en tant que tel, pas faire l’objet d’un recours contentieux.
B) Quant à la recevabilité du recours en annulation pour le surplus Pour le surplus, la partie étatique se rapporte à prudence de justice quant à la forme, au délai et à l’intérêt à agir des consorts …. S’il est exact que le fait, pour une partie, de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation5, il n’en reste pas moins qu’une contestation non autrement étayée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer à la carence des parties et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions6.
Dès lors, et dans la mesure où la partie étatique est restée en défaut d’expliquer en quoi le recours, en ce qu’il vise les actes litigieux, serait irrecevable quant à la forme ou quant au délai, ses contestations afférentes encourent le rejet.
En l’absence d’autres moyens d’irrecevabilité, le recours, en ce qu’il vise les décisions, prémentionnées, du 6 janvier et du 1er septembre 2021, est à déclarer recevable.
IV. Quant au fond Moyens et arguments des parties A l’appui de leur recours, les consorts … expliquent être propriétaires de deux parcelles portant les numéros cadastraux …, respectivement …, ci-après désignées par « la parcelle … », respectivement « la parcelle … », et que leurs parcelles auraient été classées - ensemble avec les parcelles avoisinantes - sous l’empire de l’ancien PAG en zone urbanisable, respectivement dans la « zone d’agglomération ». Ils affirment qu’il semblerait que leurs parcelles auraient toujours été classées en zone urbanisable dans le « PAG de 1977 », tout en avançant qu’un lotissement de terrains aurait été mis en œuvre dans les années 1970 à 1980 et que les parcelles auraient été morcelées pour servir de places à bâtir. Les demandeurs sont d’avis que ceci expliquerait (i) les formes, dimensions et orientations parfaites desdites parcelles, clairement non destinées à une simple affectation agricole, ainsi que (ii) les numéros …, …, …, … et … que porteraient les maisons du côté de leurs terrains, laissant, de ce fait, des numéros « vacants » pour les terrains non encore urbanisés. Ils relèvent, dans ce contexte, que des constructions auraient été autorisées et érigées le long de la rue, de part et d’autre de leurs terrains, tandis que d’autres terrains n’auraient pas été urbanisés, tout en étant cependant urbanisables. Ils affirment 5 Trib. adm., 27 octobre 2004, n° 17634 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 905 et les autres références y citées.
6 Trib. adm., 23 janvier 2013, n° 30455 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 905 et les autres références y citées.
8 que les terrains visés auraient été supposés accueillir les maisons portant les numéros … et ….
Ce serait suite à une modification « antérieure » du PAG, dont ils ignoreraient la date et les motivations, que la commune aurait opéré un « revirement d’attitude » et aurait classé les parcelles litigieuses en zone non-constructible. Ils ajoutent que selon le « PAG ancien », qui aurait été « abrogé » par les décisions querellées, lesdites parcelles auraient été classées en zone agricole [AGR], ci-après désignée par la « zone [AGR] ». Les demandeurs précisent encore que par la refonte du PAG, les constructions voisines portant les numéros …, …, … et … à … auraient, elles aussi, été classées en zone verte, alors qu’elles auraient manifestement été légalement érigées en zone d’habitation à l’époque.
En droit, les consorts … soulèvent, en premier lieu, une absence de motivation en reprochant à la commune de s’être limitée, dans sa décision, à un renvoi à l’article 2.1.7 de l’étude préparatoire qui énoncerait les règles selon lesquelles le projet de PAG aurait été élaboré, sans pourtant expliquer laquelle de ces règles serait applicable à leurs parcelles, ni de quelle façon.
Ils expliquent ensuite, face à l’argumentation de la partie étatique, que le classement de leurs parcelles ne favoriserait en rien le développement tentaculaire de la commune de Frisange puisqu’un tel développement tentaculaire existerait depuis longtemps. Le reclassement de leurs parcelles n’entraînerait, dès lors, pas une aggravation de l’extension tentaculaire « dans le sens d’un prolongement », étant donné qu’elles se trouveraient au milieu du tentacule et non pas à l’extrémité de celui-ci. Ils citent, à cet égard, un jugement du tribunal administratif du 27 juin 2016, inscrit sous le numéro 36785 du rôle, pour soutenir qu’une urbanisation de leurs parcelles ne saurait être assimilée à une extension tentaculaire, alors qu’il ne s’agirait pas d’un espace peu structuré qui ne disposerait pas « des réseaux ». Au contraire, tout le tissu urbain serait existant sur les parcelles litigieuses, de même que tous les éléments qui caractériseraient une agglomération, à savoir un trottoir, un arrêt de bus, un « panneau d’entrée de l’agglomération », un passage pour piétons, ainsi qu’un branchement à l’électricité, à la canalisation des eaux pluviales et à la canalisation des eaux usées, de sorte que les infrastructures publiques d’ores et déjà réalisées pourraient être utilisées en vue de l’urbanisation des parcelles litigieuses.
Les consorts … ajoutent, dans ce contexte, que leurs parcelles pourraient même être qualifiées de « Baulücken », étant donné qu’elles constitueraient une lacune dans le tissu urbain existant.
Il y aurait, dès lors, lieu d’annuler les décisions pour erreur manifeste d’appréciation, au motif que le reclassement de leurs parcelles ne serait pas contraire à l’objectif de « « freiner le développer tentaculaire » et « de donner priorité aux extensions… enclavée » », tel que présenté « au chapitre 2.1. concernant le concept de développement urbain » de l’étude préparatoire section 2 du PAG, ci-après désignée par « l’étude préparatoire ».
Les consorts … poursuivent en expliquant que la situation juridique actuelle de leurs parcelles serait incohérente, alors que dans le cadre de l’une des modifications subséquentes du PAG, la commune aurait subitement procédé au reclassement de l’ensemble de la zone en question en zone verte, de sorte que, depuis lors, un nombre non négligeable de constructions se seraient retrouvées en zone verte et ce malgré le fait que le site serait urbanisé depuis longue date. Par la réalisation de « tous ces aménagements » dans le passé, la commune aurait pourtant exprimé « sa disposition » à considérer la zone en question comme faisant partie de l’agglomération, de sorte à s’être comportée pendant des années comme si toutes les 9 constructions existantes, au milieu desquelles se situeraient les parcelles litigieuses, faisaient partie du village et que la limite de l’urbanisation était située à l’endroit de la dernière maison actuellement existante.
Les demandeurs critiquent, dans ce contexte, la manière dont l’autorité communale entendrait protéger la nature, à savoir par un reclassement des constructions existantes en zone verte, qui paraîtrait (i) hypocrite, en raison du fait qu’un tel reclassement ne servirait qu’à embellir les plans pour faire croire que l’agglomération « se présente[rait] mieux qu’elle ne [le serait] en réalité » et (ii) inefficace, parce que ledit reclassement n’améliorerait en rien la situation de fait, étant donné que les constructions existantes ne pourraient pas disparaître en raison dudit classement opéré, de sorte que « [l]a nature et le paysage n’y [auraient] donc rien gagné ». Ils ajoutent que les raisons du reclassement de leurs parcelles ne leur auraient, par ailleurs, jamais été communiquées, malgré le fait qu’ils en auraient subi un dommage important.
Les consorts … concluent, à cet égard, à un revirement fautif d’attitude de la commune, en expliquant que pendant des années celle-ci aurait conservé toute « la zone en question » à l’intérieur du périmètre et aurait procédé au fur et à mesure à tous les aménagements urbanistiques qui auraient été nécessaires dans une zone d’habitation, ce qui serait constitutif d’un « gaspillage des infrastructures ». Ce faisant, l’attitude affichée par la commune aurait fait penser qu’elle considérerait « la zone » comme faisant partie de l’agglomération.
Finalement, les demandeurs invoquent une violation des articles 2 et 6 de la loi du 19 juillet 2004, en expliquant que, suivant l’article 6 de ladite loi, le PAG aurait pour objectif la répartition et l’implantation judicieuse « des activités humaines » et qu’aux termes de l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004, les communes auraient notamment comme mission de garantir l’intérêt général, tout en soulignant qu’en l’espèce, il n’existerait aucun motif d’intérêt général « particulièrement fort » qui pousserait au classement des parcelles litigieuses en zone verte, alors qu’il n’y aurait aucun paysage à y protéger.
Les consorts … ajoutent qu’il ne ressortirait pas des explications des « autorités » que le potentiel maximal de développement de la commune de Frisange serait épuisé en avançant qu’au chapitre « 2.1. Concept de développement urbain » de l’étude préparatoire, l’administration communale aurait exprimé sa volonté « de créer de l’espace d’urbanisation pour répondre à la croissance démographique » qui serait particulièrement forte dans la commune de Frisange en comparaison avec « la moyenne nationale ».
Les demandeurs se prévalent, dans ce contexte, de la localisation de leurs parcelles qui constitueraient une « petite lacune dans le tissu urbain existant » pour soutenir que celles-ci pourraient être considérées comme une réserve potentielle permettant d’accueillir une croissance démographique pouvant contribuer à atteindre l’objectif que se serait fixé l’administration communale, sans pour autant générer des dommages environnementaux, en s’attaquant à « du paysage intact ». Ils estiment qu’il serait dès lors plus raisonnable, dans un objectif efficace de protection de la nature, de remplir d’abord les lacunes dans le tissu urbain existant, avant « d’entamer » des surfaces encore vierges « sur de grandes étendues d’un seul tenant ». Les demandeurs sont encore d’avis qu’en permettant la construction des parcelles litigieuses, la commune contribuerait de manière directe à la protection de la nature ce qui répondrait aux objectifs fixés à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004 et que le fait de combler les « Baulücken » répondrait, au niveau national, à une stratégie visant la création de nouveaux logements, tout en évitant de devoir « grignoter » la zone verte.
10 Dans leur mémoire en réplique, les consorts … soulignent, en réponse à l’affirmation des parties communale et étatique selon laquelle le premier PAG de la commune aurait été adopté dans les années 1970, que suivant la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, certaines localités auraient dû se munir d’un plan d’aménagement et que la première législation concernant « la protection » serait apparue dans les années 1960, à savoir la loi du 29 juillet 1965 concernant la conservation de la nature et des ressources naturelles qui aurait exposé, dans sa version d’origine, que « [s]ans l’autorisation du ministre ayant dans ses attributions l’administration des eaux et forêts aucune construction quelconque ne pourra être érigée ; 1. en dehors des agglomérations […] ». Les demandeurs estiment, dès lors, que le terme « périmètre d’agglomération » aurait véritablement constitué une notion importante en ce que l’inclusion de terrains endéans ou hors de ce périmètre aurait eu des conséquences juridiques. En effet, un « territoire » qui aurait été situé en dehors de ladite agglomération aurait été considéré comme une zone verte, respectivement une « zone non destinée à être urbanisée » selon la qualification actuelle, tandis que les terrains situés dans la zone d’agglomération auraient été considérés comme se trouvant en zone constructible.
Ensuite, les consorts … avancent que, contrairement aux affirmations de la partie étatique, il ne se serait pas agi d’un simple « document » mais d’une décision administrative, approuvée par la commune, respectivement par son conseil communal ainsi que par l’autorité de tutelle, à savoir le ministre de l’Intérieur de l’époque. De surcroît, leurs parcelles se seraient non seulement situées dans le « périmètre d’agglomération » mais elles auraient encore été expressément intégrées « dans l’agglomération ». Il serait un fait que certains terrains, bien que situés dans ledit périmètre, auraient pu être destinés « à rester « vert » », en ce sens qu’ils auraient été censés accueillir de la verdure et non des constructions. Les demandeurs concluent que leurs parcelles seraient bien à considérer comme étant urbanisables, ce qui serait conforté par le fait qu’il semblerait que plusieurs constructions aient été érigées depuis 1963 « sur ce site ».
Les consorts … se prévalent encore - en réponse à l’affirmation des parties communale et étatique selon laquelle en vertu du principe de l’autonomie communale, les autorités communales auraient un pouvoir d’appréciation très étendu en matière de planification urbanistique - d’un arrêt rendu par la Cour administrative le 4 avril 2019, inscrit sous le numéro 41278C du rôle, pour rappeler que cette dernière aurait déjà abandonné le critère de « l’erreur manifeste d’appréciation » et du « contrôle marginal de proportionnalité » pour soutenir que le rôle du tribunal administratif ne se cantonnerait pas uniquement à constater que l’administration dispose d’une marge d’appréciation étendue en la matière, mais qu’il pourrait vérifier si cette marge a été dépassée et procéder à une mise en balance « entre l’objectif poursuivi et les décisions entreprises ».
Quant à la notion de développement tentaculaire, les demandeurs avancent qu’elle ne serait pas simple à cerner et ne pourrait pas être appréhendée sans la notion de « Baulücken » qui ferait l’objet d’un document émanant du ministère du Logement, intitulé « Lücke sucht Wohnung Neue Chancen für den Wohnungsbau „Baulücken – ein noch unentdecktes Potenzial für den Wohnungsbau“ » de juillet 2016. Les consorts … sont d’avis qu’une « inclusion » de leurs parcelles servirait à combler une lacune existante et à exploiter des infrastructures existantes, sans qu’un développement tentaculaire en résulterait puisque des constructions seraient d’ores et déjà situées de part et d’autre de leurs parcelles, de sorte qu’il ne pourrait pas s’agir d’une nouvelle extension. Ils citent, à cet égard, un jugement du tribunal administratif du 19 mai 2020, inscrit sous le numéro 42067 du rôle, ainsi que l’article 3 du « même PDS paysage » selon lequel un développement tentaculaire serait « une forme d’extension urbaine 11 contraire aux exigences d’un urbanisme concentrique et cohérent » pour conclure que leurs parcelles se trouveraient, factuellement, dans une « quasi-agglomération », tandis que leur situation juridique correspondrait à celle d’une zone verte.
Au vu de ces constats, les consorts … estiment que « le site » auquel appartiennent leurs parcelles aurait dû être classé en zone constructible en utilisant les infrastructures publiques d’ores et déjà réalisées, ceci d’autant plus que ces terrains seraient entourés d’habitations et ne pourraient pas être utilisés à des fins agricoles, étant donné les nuisances que cela pourrait engendrer pour le voisinage direct. Ils affirment encore que les parties communale et étatique n’auraient pas pris position quant à l’absence de caractère « remarquable » du paysage qui serait à sauvegarder « à cet endroit ».
Quant à l’affirmation de la partie communale selon laquelle il ne serait pas opportun de classer les parcelles litigieuses en zone constructible en ce que cela reviendrait à procéder à « des extensions de périmètre », les consorts … font à nouveau valoir que le classement sollicité ne constituerait pas une telle extension. Ils soulignent, dans ce contexte, que trois constructions isolées se trouvant sur les parcelles inscrites au cadastre sous les numéros …, 928/2358 et 928/2359 auraient subi un autre sort que les constructions voisines à leurs terrains, à savoir que, bien qu’érigées légalement, elles se retrouveraient incompréhensiblement en zone verte.
Ils avancent, à cet égard, que l’argumentaire de la commune consistant à dire qu’une urbanisation de leurs terrains serait constitutive d’une extension ne serait pas crédible alors que cette dernière aurait permis l’urbanisation des parcelles avoisinantes, à savoir la parcelle inscrite sous le numéro cadastral …, ainsi qu’une partie de la parcelle portant le numéro cadastral … et les parcelles portant les numéros cadastraux … et … et ce alors même que, contrairement aux parcelles litigieuses, ces parcelles se trouveraient en fin de localité et constitueraient un îlot déconnecté. Il en irait de même concernant « les parcelles n°… et voisines » dont la commune aurait permis de combler les trous dans l’urbanisation, respectivement d’urbaniser dans « les creux des dents de scie », de sorte qu’il serait « insupportable » pour les demandeurs de constater, d’un côté, que la commune permette une extension du périmètre « aux parcelles … et voisines », tout en affirmant, de l’autre côté, que l’urbanisation des parcelles litigieuses constituerait une extension, ce qui ne serait pas le cas.
La différence de traitement ainsi opérée par la commune concernant leurs parcelles serait, dès lors, constitutive d’« une profonde injustice ».
La commune, de même que la partie étatique, concluent, quant à elles, au rejet du recours pour n’être fondé en aucun de ses moyens.
Appréciation du tribunal Le tribunal rappelle tout d’abord qu’il n’est pas lié par l’ordre des moyens dans lequel ils lui ont été soumis et qu’il détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile qui s’en dégagent.
A) Quant à la légalité externe des décisions attaquées Les demandeurs concluent à un défaut de motivation de la délibération du conseil communal du 6 janvier 2021, ainsi que de la décision ministérielle du 1er septembre 2021.
Le tribunal précise qu’au-delà de l’absence d’exigence légale ou réglementaire spécifique à l’indication formelle des motifs, les actes administratifs à caractère réglementaire 12 doivent reposer sur de justes motifs légaux devant avoir existé au moment où ils ont été respectivement pris, motifs dont le juge administratif est appelé à vérifier tant l’existence que la légalité. Ces motifs doivent être retraçables, à la fois par la juridiction saisie et par les administrés intéressés, afin de permettre l’exercice effectif du contrôle juridictionnel de légalité prévu par la loi7.
Il se dégage de la prise de position du conseil communal du 28 avril 2021 relative aux objections dirigées contre le projet de PAG tel que mis sur orbite, qu’en ce qui concerne les parcelles des demandeurs, il a été décidé de ne pas modifier le projet de PAG en fonction de la demande de ceux-ci tendant à voir intégrer leurs parcelles dans le périmètre d’agglomération, alors que ladite demande ne correspondrait pas aux critères de régularisation/extension définis à l’article 2.1.7 de l’étude préparatoire. Force est au tribunal de constater que cette motivation, complétée par les explications de la partie communale dans son mémoire en réponse suivant lesquelles ledit article expliquerait notamment dans quels cas des régularisations sous forme d’extension du périmètre sont admises et que les parcelles des demandeurs ne rentreraient dans aucune des hypothèses visées audit article, respectivement suivant lesquelles l’étude préparatoire prévoirait expressément les cas dans lesquels une extension du périmètre n’est pas envisageable et que lesdits cas viseraient indubitablement les parcelles litigieuses, est suffisamment précise pour lui permettre d’exercer son contrôle de légalité et pour permettre aux demandeurs d’assurer la défense de leurs intérêts en connaissance de cause.
Pour ce qui est de la décision ministérielle déférée, reproduite par extraits ci-dessus, il s’en dégage que le ministre a indiqué les raisons à la base de sa décision, à savoir que les parcelles des demandeurs ne seraient pas reclassées en zone destinée à être urbanisée en ce qu’elles seraient situées le long de la … et que plusieurs immeubles existeraient déjà au bord de cette même rue qui caractériseraient déjà un développement tentaculaire existant à cet endroit, de sorte qu’une densification supplémentaire non adaptée au tissu urbain existant ne ferait qu’aggraver ledit développement tentaculaire. Cette motivation, qui a encore été complétée par la partie étatique en cours de procédure contentieuse dans ses mémoires respectifs, est dès lors elle-aussi, suffisamment précise pour permettre aux demandeurs d’assurer la défense de leurs intérêts en connaissance de cause.
Au vu des considérations qui précèdent, et indépendamment de la question du bien-fondé de la motivation avancée par le conseil communal, respectivement par le ministre, le tribunal est amené à retenir que la motivation ainsi fournie de part et d’autre est suffisante pour permettre aux consorts … de défendre leurs intérêts en connaissance de cause dans le cadre du présent recours en annulation et, corrélativement, pour permettre au tribunal d’exercer son contrôle de légalité, de sorte que le moyen tiré d’une absence de motivation des décisions déférées, encourt le rejet.
B) Quant à la légalité interne des décisions attaquées (i) Quant au moyen ayant trait à la violation alléguée des articles 2 et 6 de la loi du 19 juillet 2004 Le tribunal relève que les autorités communales, lorsqu’elles initient des modifications de leurs plans d’aménagement, doivent être mues par des considérations légales d’ordre 7 Cour adm., 23 février 2006, n° 20173C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Actes réglementaires, n° 35 et les autres références y citées.
13 urbanistique ayant trait à l’aménagement des agglomérations et d’ordre politique tirées de l’organisation de la vie en commun sur le territoire donné, tendant les unes et les autres à une finalité d’intérêt général et dans ce contexte, lesdites autorités doivent veiller tant à la conservation de l’esthétique urbaine qu’au développement rationnel des agglomérations8.
Dans ce contexte, il y a lieu de préciser que saisi d’un recours en annulation, le juge administratif est appelé à vérifier, d’un côté, si, au niveau de la décision administrative querellée, les éléments de droit pertinents ont été appliqués et, d’un autre côté, si la matérialité des faits sur lesquels l’autorité de décision s’est basée est établie. Au niveau de l’application du droit aux éléments de fait, le juge de l’annulation vérifie encore s’il n’en est résulté aucune erreur d’appréciation se résolvant en dépassement de la marge d’appréciation de l’auteur de la décision querellée. Le contrôle de légalité à exercer par le juge de l’annulation n’est pas incompatible avec le pouvoir d’appréciation de l’auteur de la décision qui dispose d’une marge d’appréciation. Ce n’est que si cette marge a été dépassée que la décision prise encourt l’annulation pour erreur d’appréciation. Ce dépassement peut notamment consister dans une disproportion dans l’application de la règle de droit aux éléments de fait. Le contrôle de légalité du juge de l’annulation s’analyse alors en contrôle de proportionnalité9.
S’il est certes vrai que le choix d’entériner ou de ne pas entériner la modification d’un plan d’aménagement relève d’une dimension politique et échappe comme tel au contrôle des juridictions de l’ordre administratif saisies d’un recours en annulation, il n’en demeure pas moins que tout acte administratif doit reposer sur un motif dont le juge administratif vérifie tant l’existence que la légalité. Cette exigence découle du fait que le juge administratif a l’obligation de vérifier si les autorités administratives compétentes n’ont pas violé la loi, commis un excès de pouvoir ou un détournement de pouvoir et cette obligation de motivation existe également pour les actes à caractère réglementaire qui, quoique discrétionnaires, doivent être pris dans l’intérêt général, de sorte qu’il importe que les autorités administratives compétentes fassent connaître le ou les motifs qui les ont guidées dans leur décision, le contrôle exercé par le juge de l’annulation ne portant dès lors pas sur l’opportunité, mais sur la réalité et la légalité des motifs avancés10.
Quant aux objectifs devant guider les autorités communales, lorsqu’elles initient des modifications de leurs plans d’aménagement, ainsi que l’autorité ministérielle, dans le cadre de l’exercice de son contrôle tutélaire, il y a lieu de se référer à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004, aux termes duquel : « Les communes ont pour mission de garantir le respect de l’intérêt général en assurant à la population de la commune des conditions de vie optimales par une mise en valeur harmonieuse et un développement durable de toutes les parties du territoire communal par:
(a) une utilisation rationnelle du sol et de l’espace tant urbain que rural en garantissant la complémentarité entre les objectifs économiques, écologiques et sociaux ;
(b) un développement harmonieux des structures urbaines et rurales, y compris les réseaux de communication et d’approvisionnement compte tenu des spécificités respectives de ces structures, et en exécution des objectifs de l’aménagement général du territoire ;
8 Trib. adm., 20 octobre 2004, n° 17604 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 217 et les autres références y citées.
9 Cour adm., 9 novembre 2010, n° 26886C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en annulation, n° 40 et les autres références y citées.
10 Trib. adm., 26 avril 2004, n° 17315 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 847 et les autres références y citées.
14 (c) une utilisation rationnelle de l’énergie, des économies d’énergie et une utilisation des énergies renouvelables ;
(d) le développement, dans le cadre des structures urbaines et rurales, d’une mixité et d’une densification permettant d’améliorer à la fois la qualité de vie de la population et la qualité urbanistique des localités ;
(e) le respect du patrimoine culturel et un niveau élevé de protection de l’environnement naturel et du paysage lors de la poursuite des objectifs définis ci-dessus ;
(f) la garantie de la sécurité, la salubrité et l’hygiène publiques. ».
L’article 6 de la loi du 19 juillet 2004 prévoit quant à lui que « Le plan d’aménagement général a pour objectif la répartition et l’implantation judicieuse des activités humaines dans les diverses zones qu’il arrête aux fins de garantir le développement durable de la commune sur base des objectifs définis par l’article 2 de la loi. ».
Il convient encore de noter que la modification d’un PAG est prise dans l’intérêt général, cette caractéristique étant présumée jusqu’à preuve du contraire11.
Force est tout d’abord au tribunal de relever qu’il ressort tant de la partie graphique du PAG en vigueur au moment de la mise en procédure de la refonte du PAG que des explications circonstanciées des autorités communale et étatique, que les parcelles en cause ont été classées, sous l’égide de l’ancien PAG en « zone d’exploitation agricole » - contrairement aux affirmations des demandeurs selon lesquelles leurs parcelles auraient été classées en zone urbanisable - et que ce classement a été maintenu dans le PAG sous analyse, l’appellation de ladite zone étant désormais celle de zone [AGR].
En ce qui concerne le bien-fondé dudit classement, force est de constater que les consorts …, outre d’affirmer que leurs parcelles auraient été classées en zone urbanisable, respectivement dans la « zone d’agglomération » - affirmation dont il vient d’être retenu qu’elle est contredite par les éléments de la cause - contestent tout développement tentaculaire en cas de classement de leurs parcelles en zone constructible, tel que mis en avant par les autorités compétentes dans les décisions litigieuses pour refuser le classement de leurs parcelles en zone destinée à être urbanisée, tout en affirmant que leurs parcelles constitueraient des « Baulücken ». Ainsi, le classement sollicité répondrait, selon eux, à la stratégie de développement démographique à la base du projet du PAG.
Quant à la contestation des demandeurs relative à tout développement tentaculaire qu’engendrerait l’intégration de leurs parcelles dans la zone constructible, force est de constater qu’il ressort de la partie graphique du PAG que lesdites parcelles sont situées à l’extrémité sud-
est du centre de la localité d’…, dont elles sont séparées non seulement par une vaste zone [AGR], mais également par une zone forestière et par une vaste zone de verdure. Il s’ensuit que lesdites parcelles situées en pleine zone [AGR] sont non seulement sans connexion aucune avec le centre de la localité d’…, mais également avec toute zone urbanisée ou destinée à être urbanisée de celle-ci, étant précisé que, tel que relevé à juste titre par la partie étatique, aucune construction ne se trouve de l’autre côté de la … longeant les parcelles litigieuses et qu’il n’est pas contesté que la prochaine construction de l’autre côté de la … est localisée à l’est des parcelles des demandeurs à environ 50 mètres de celles-ci, et située sur la limite du périmètre d’agglomération.
11 Trib. adm., 23 juillet 1997, n° 9658 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en annulation, n° 10 et les autres références y citées.
15 Il s’ensuit que l’intégration des parcelles litigieuses en zone urbanisée, qui ne saurait d’ailleurs se concevoir sans l’intégration des parcelles avoisinantes se trouvant à l’ouest dans la même zone, engendrerait, au contraire, une densification des constructions à cet endroit, de sorte à favoriser nécessairement, compte tenu de leur situation géographique, le développement et l’accroissement d’une extension tentaculaire et désordonnée aux abords de la localité d’…, développement manifestement contraire aux objectifs ancrés à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004 et notamment sous les points a) et b). Or, force est au tribunal de constater qu’il se dégage de l’étude préparatoire du PAG, section 2, qu’au niveau politique, l’objectif du PAG sous analyse est de « [p]ermettre le développement urbain sans étalement », le tout sur la toile de fond que « [f]ace à un très fort développement du résidentiel pavillonnaire tant en lotissements que le long des axes vers les pôles d’emploi et qui tend vers une identité de cité dortoir, l’enjeu consiste à intégrer ce développement sans favoriser l’extension tentaculaire et ainsi la proximité des atouts centraux de chaque localité […] », la commune ayant décidé d’opter de « freiner le développement tentaculaire, […] donner priorités aux extensions centrales, ou enclavées ou d’utilité publique, [et de] ne régulariser l’existant en zone verte qu’à des conditions précises […] ». Le tribunal rappelle, à cet égard, que l’accent mis sur un développement concentrique d’une agglomération par exclusion, dans la mesure du possible, de toute excroissance d’ordre tentaculaire ou désordonnée répond à des considérations légales d’ordre urbanistique ayant trait à l’aménagement des agglomérations de nature à confluer de manière utile avec l’organisation de la vie en commun sur le territoire donné et est de nature à tendre à une finalité d’intérêt général12.
Les constats qui précèdent ne sont pas énervés par les affirmations des demandeurs selon lesquelles le classement préconisé par eux ne pourrait pas s’analyser comme constituant une nouvelle extension tentaculaire en raison du fait qu’il existerait d’ores et déjà des constructions de part et d’autre desdites parcelles litigieuses.
En effet, s’il est vrai qu’il ressort de la partie graphique du PAG que certaines des parcelles avoisinantes se trouvant à l’ouest et à l’est des parcelles litigieuses accueillent de rares constructions - outre le fait que lesdites parcelles avoisinantes sont également classées an zone [AGR] - cette circonstance ne saurait à elle seule justifier, indépendamment de toute autre considération urbanistique, et eu égard notamment à la situation déconnectée des parcelles litigieuses par rapport à la localité d’…, le classement de celles-ci en zone urbanisée, le tribunal se devant de souligner qu’une densification supplémentaire le long de la … ne répondrait, tel que retenu ci-avant, pas aux objectifs prévus par l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004, alors qu’une telle densification ne ferait qu’accentuer un développement tentaculaire existant.
C’est encore à tort que les consorts … considèrent que le classement de leurs parcelles en zone [AGR] ne correspond pas à la stratégie de développement à la base du projet du PAG qui prévoirait de « créer de l’espace d’urbanisation » pour répondre à la croissance démographique particulièrement forte dans la commune de Frisange en comparaison avec la moyenne nationale.
En effet, il se dégage, au contraire, de l’étude préparatoire que la commune s’est fixée comme enjeu de « maîtriser la croissance démographique dans le respect des objectifs régionaux et national sans empêcher le développement communal » et qu’elle a, à cette fin, tel 12 Trib. adm., 4 décembre 2002, n° 14923 du rôle, confirmé par Cour adm. 1er juillet 2003, n°15879C du rôle, Pas.
adm. 2023, V° Urbanisme, n°186 et les autres références y citées.
16 que relevé ci-avant, opté notamment de donner la priorité aux extensions centrales dans le cadre de son développement urbain. De ce point de vue, le choix communal de maintenir le classement des parcelles litigieuses en zone [AGR], choix qui va de pair avec la non-inclusion en zone constructible des constructions d’ores et déjà existantes à l’ouest et à l’est des parcelles des demandeurs, doit s’analyser comme répondant aux objectifs inscrits à l’article 2 précité de la loi du 19 juillet 2004 et plus particulièrement aux points a) et b) dudit article.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que tant l’autorité communale que le ministre ont valablement pu décider de maintenir le classement des parcelles litigieuses en zone [AGR], sans que ce choix ne soit ni disproportionné, ni arbitraire. Les décisions communale et ministérielle se justifient, en effet, par des arguments vérifiés quant à leur matérialité et tirés d’une saine urbanisation et tendent à une finalité d’intérêt général, à savoir une utilisation rationnelle du sol et un développement harmonieux, cohérent et concentrique de la localité d’…, conformément à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004.
Le moyen tiré d’une violation des articles 2 et 6 de la loi du 19 juillet 2004 est partant à rejeter pour ne pas être fondé.
(ii) Quant au moyen tiré d’une violation du principe de confiance légitime Les demandeurs critiquent, dans leur requête introductive d’instance, la « situation juridique » des leurs parcelles, en ce que celle-ci serait incohérente en raison du reclassement en zone verte « de l’ensemble de la zone en question » auquel la commune aurait « subitement » procédé et qui aurait entraîné le classement d’un nombre non négligeable de constructions en zone verte. Comme la commune aurait, pendant des années, conservé « toute la zone en question » à l’intérieur du périmètre d’agglomération et aurait au fur et à mesure procédé à tous les aménagements urbanistiques qui seraient nécessaires dans une zone d’habitation, son attitude serait constitutive d’un « revirement fautif », les demandeurs semblant, de l’entendement du tribunal, invoquer à travers cet argumentaire une violation du principe général de confiance légitime.
A cet égard, il échet de constater que le principe général de la confiance légitime s’apparente au principe de la sécurité juridique et a été consacré tant par la jurisprudence communautaire en tant que principe du droit communautaire13, que par la jurisprudence nationale en tant que principe général du droit.
Ce principe général du droit tend à ce que les règles juridiques ainsi que l’activité administrative soient empreintes de clarté et de prévisibilité, de manière à ce qu’un administré puisse s’attendre à un comportement cohérent et constant de la part de l’administration dans l’application d’un même texte de l’ordonnancement juridique par rapport à une même situation administrative qui est la sienne.
En vertu de ce principe, l’administré peut exiger de l’autorité administrative qu’elle se conforme à une attitude qu’elle a suivie dans le passé, ce principe garantissant la protection de l’administré contre les changements brusques et imprévisibles de l’attitude de l’administration.
D’une manière générale, un administré ne peut toutefois prétendre au respect d’un droit acquis que si, au-delà de ses expectatives, justifiées ou non, l’autorité administrative a créé à 13 CJUE, 5 juin 1973, aff. 81/72, Commission c/ Conseil.
17 son profit une situation administrative acquise et réellement reconnu ou créé un droit subjectif dans son chef. Ce n’est qu’à cette condition que peut naître dans le chef d’un administré la confiance légitime que l’administration respectera la situation par elle créée, les deux notions de droits acquis et de légitime confiance étant voisines.
En ce qui concerne en l’espèce la question concrète de la possibilité de faire valoir un droit acquis, le tribunal se doit d’abord de rappeler de manière générale qu’il est de jurisprudence constante que la mutabilité des PAG relève de leur essence même, consistant à répondre à des contraintes variables à travers le temps concernant à la fois les aspects urbanistiques de l’aménagement des agglomérations et le volet politique de la vie en commun sur le territoire donné14. Compte tenu de la mutabilité intrinsèque des situations générales, due aux changements de circonstances de fait et de droit, les actes réglementaires ne créent, en principe, que des droits précaires et maintiennent dans le chef de l’autorité administrative le pouvoir soit de changer soit d’abroger un acte réglementaire, en faisant usage des pouvoirs qui lui sont conférés dans l’exercice de sa mission15.
Ensuite, il y a lieu de constater qu’il ne se dégage pas des éléments à la disposition du tribunal que l’administration communale se serait, à un moment donné, brusquement départie envers les demandeurs d’une attitude qu’elle aurait suivie par le passé et dont ils auraient légitimement pu déduire que leurs parcelles pourraient être classées en zone urbanisée.
En effet, il ressort des documents soumis au tribunal, ainsi que des explications concordantes sur ce point des parties communale et étatique, que les parcelles litigieuses étaient classées en « zone d’exploitation agricole » de manière ininterrompue depuis une décision du ministre de 1977. Au moment de l’adoption des décisions déférées, les parcelles litigieuses étaient donc classées en zone [AGR] depuis plus de 40 ans.
Le moyen tenant à une prétendue violation du principe de confiance légitime est, par conséquent, à rejeter pour ne pas être fondé.
(iii) Quant au moyen tiré d’une inégalité de traitement contraire à l’article 10bis de la Constitution, dans sa version applicable en l’espèce Concernant ensuite l’argumentation des consorts … relative à une inégalité de traitement, il y a d’abord lieu de préciser que le principe constitutionnel de l’égalité devant la loi, tel qu’inscrit à l’article 10bis de la Constitution, suivant lequel tous les Luxembourgeois sont égaux devant la loi, applicable à tout individu touché par la loi luxembourgeoise si les droits de la personnalité, et par extension les droits extrapatrimoniaux sont concernés, ne s’entend pas dans un sens absolu, mais requiert que tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit soient traités de la même façon. Le principe d’égalité de traitement est compris comme interdisant le traitement de manière différente de situations similaires, à moins que la différenciation soit objectivement justifiée. Il appartient par conséquent, aux pouvoirs publics, tant au niveau national qu’au niveau communal, de traiter de la même façon tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit. Par ailleurs, lesdits pouvoirs publics peuvent, sans violer le principe de l’égalité, soumettre certaines catégories de personnes 14 Trib. adm., 7 mars 2001, n° 12233 du rôle, confirmé par Cour adm., 20 décembre 2001, n° 13291C du rôle, Pas.
adm. 2023, V° Urbanisme, n° 231 et les autres références y citées.
15 Trib. adm., 9 juin 2004, n° 11415a du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 231 et les autres références y citées.
18 à des régimes légaux différents, à condition que les différences instituées procèdent de disparités objectives, qu’elles soient rationnellement justifiées, adéquates et proportionnées à leur but16.
En l’espèce, le tribunal est amené à constater que les demandeurs ne fournissent pas d’éléments suffisants de nature à faire admettre qu’ils se trouvent dans une situation comparable à celle des propriétaires des parcelles référencées sous les numéros …, …, …, …, …, … et … et des parcelles … et voisines, toutes sises dans la localité d’Hellange, dont ils font état. Or, à défaut de toute explication ou précision de leur argumentaire, il y a lieu de rejeter le moyen afférent, étant donné qu’il n’est nullement établi que la situation des consorts … et celle des propriétaires des parcelles d’une autre localité, à savoir Hellange, seraient comparables, ni a fortiori qu’elles seraient suffisamment comparables pour que le principe d’égalité constitutionnelle puisse trouver vocation à s’appliquer, et ce d’autant plus face aux affirmations de la commune et de la partie étatique selon lesquelles les exemples soi-disant comparatifs avaient déjà été classés en « zone d’habitation primaire » suivant l’ancien PAG, soit en zone constructible.
En effet, un moyen simplement suggéré sans être soutenu effectivement n’est pas de nature à énerver la régularité de la décision litigieuse et est à rejeter étant donné qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer à la carence des consorts … et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions.
Le moyen tiré d’une violation du principe d’égalité est partant à rejeter pour ne pas être fondé.
V. Quant à la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure Les demandeurs sollicitent la condamnation de l’Etat, ainsi que de l’administration communale, à leur payer une indemnité de procédure de 5.000,- euros sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, demande qui est à rejeter compte tenu de l’issue du litige.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;
déclare le recours irrecevable en ce qu’il est dirigé contre la délibération du conseil communal de Frisange du 18 septembre 2019 « décidant de la mise en procédure du PAG » ;
reçoit, pour le surplus, le recours en annulation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure de 5.000,- euros, telle que formulée par les demandeurs ;
condamne les demandeurs aux frais et dépens.
16 Trib. adm., 6 décembre 2000, n° 10019 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Lois et règlements, n° 9 et les autres références y citées.
19 Ainsi jugé par :
Alexandra Castegnaro, vice-président, Annemarie Theis, premier juge, Caroline Weyland, juge, et lu à l’audience publique du 13 mai 2024 par le vice-président Alexandra Castegnaro, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.
s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castgenaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 13 mai 2024 Le greffier du tribunal administratif 20