Tribunal administratif N° 48570 et 48586 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:48570+48586 3e chambre Inscrits le 22 février 2023 et 24 février 2023 Audience publique du 14 mai 2024 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat et contre un arrêté ministériel en matière de discipline
JUGEMENT
I.
Vu la requête, inscrite sous le numéro 48570 du rôle et déposée le 22 février 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Tom BEREND, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat du 23 novembre 2022 ayant prononcé, à son égard, la sanction de la révocation prévue à l’article 47 sub 10 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12 mai 2023 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12 juin 2023 par Maître Tom BEREND pour compte de son mandant, préqualifié ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 10 juillet 2023 ;
II.
Vu la requête, inscrite sous le numéro 48586 du rôle et déposée le 24 février 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Tom BEREND, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation de l’arrêté du Ministre des Finances du 25 novembre 2022 pris en exécution de la décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat du 23 novembre 2022 ayant prononcé, à son égard, la sanction de la révocation prévue à l’article 47 sub 10 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12 mai 2023 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12 juin 2023 par Maître Tom BEREND pour compte de son mandant, préqualifié ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 10 juillet 2023 ;
I. + II.
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Christian BIEWER, en remplacement de Maître Tom BEREND, et Madame le délégué du gouvernement Laurence MOUSEL en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 27 février 2024.
___________________________________________________________________________
Le 17 janvier 2022, Monsieur …, auditeur au service d’inspection de la TVA, informa le gestionnaire dirigeant de la division des affaires générales, service des ressources humaines de la Direction de l’enregistrement, des domaines et de la TVA, désigné ci-après par « le gestionnaire dirigeant », d’irrégularités au niveau des pointages de l’horaire mobile de Monsieur …, … à l’administration de l’enregistrement, des domaines et de la TVA, désignée ci-après par « l’administration », classé au groupe de traitement …, grade …, échelon … affecté au … à ….
En date du 4 février 2022, une entrevue eut lieu entre le gestionnaire dirigeant et Monsieur … au sujet desdites irrégularités. Dans un rapport du 9 février 2022, le gestionnaire dirigeant informa le directeur de l’enregistrement, des domaines et de la TVA, désigné ci-après par « le directeur », des reproches formulés à l’encontre de Monsieur …, de leur entrevue du 4 février 2022, recommanda à ce dernier d’entamer une procédure disciplinaire à l’encontre du concerné, de lui retirer temporairement l’horaire mobile, de lui imposer temporairement un horaire fixe, de redresser le compte épargne temps (CET) du concerné et l’informa que le titre de préposé adjoint lui avait été retiré par le préposé de son bureau d’imposition, ce dernier lui ayant également retiré son droit d’effectuer du télétravail.
Par courrier du 25 avril 2022, le directeur pria le ministre des Finances, désigné ci-après par « le ministre », de saisir le commissaire du gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire, désigné ci-après par « le commissaire du gouvernement », conformément à l'article 56, paragraphe (2) de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat, dénommée ci-après « le statut général », afin de procéder à une instruction disciplinaire à l'encontre de Monsieur …, ce que le ministre fit par courrier du 4 mai 2022.
Par courrier du 16 mai 2022, le commissaire du gouvernement transmit l’affaire au commissaire du gouvernement adjoint chargé de l’instruction disciplinaire, désigné ci-après par « le commissaire du gouvernement adjoint », pour attribution, lequel accusa, par courrier du même jour, réception du courrier précité du ministre du 4 mai 2022.
Par courrier du même jour, le commissaire du gouvernement adjoint informa Monsieur … qu'une instruction disciplinaire avait été ordonnée à son encontre tout en l’invitant à se présenter au commissariat du gouvernement chargé de l'instruction disciplinaire pour une audition devant se dérouler le 27 mai 2022.
En date du 7 juin 2022, le commissaire du gouvernement adjoint clôtura son instruction par l’émission d’un rapport d’instruction.
Par courrier du même jour, le commissaire du gouvernement adjoint informa Monsieur … qu’il envisagea de transmettre le dossier au conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat, ci-après dénommé le « conseil de discipline », conformément à l’article 56, paragraphe (5), du statut général, sans préjudice du droit de Monsieur … de prendre inspection du dossier disciplinaire en vue, le cas échéant, de présenter ses observations, respectivement de demander un complément d’instruction.
Par courrier du 27 juin 2022, le commissaire du gouvernement adjoint transmit le dossier au conseil de discipline, ce dont il informa le ministre par courrier du même jour.
En date du 23 novembre 2022, le conseil de discipline prit la décision qui suit :
« […] Vu l'instruction disciplinaire diligentée à l'encontre de … par le commissaire du Gouvernement adjoint, ci-après le commissaire, régulièrement saisi par un courrier du 4 mai 2022, dûment signé par Madame la Ministre des Finances, en application de l'article 56, paragraphe 2, de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat, ci-après le statut général.
Vu le rapport d'instruction du 7 juin 2022 transmis pour attribution au Conseil de discipline, ci-après le Conseil, par courrier du 27 juin 2022.
A l'audience publique du Conseil du mercredi 9 novembre 2022, après rapport oral du président du Conseil conformément à l'article 65, alinéa 2 du statut général, …, assisté de son conseil, Maître Christian BIEWER, a été entendu en ses explications et moyens de défense et la déléguée du Gouvernement, en ses conclusions.
Il est reproché à … « d'avoir été répétitivement et systématiquement absent du service sans autorisation pendant la période du mois d'avril 2020 au mois de janvier 2022 » et « d'avoir crédité son compte épargne-temps moyennant imputation d'heures de travail qui n'ont pas été prestées ».
… ne conteste pas que les quelques 200 pointages visés avaient été effectués à son domicile. Il a, ou bien quitté son lieu de travail à une heure réelle indéterminable sans pointer pour n'effectuer le pointage de sortie que le soir à son domicile en se reconnectant par VPN au réseau de l'Administration ou bien le matin, avant de se rendre au bureau, il a effectué un pointage d'entrée à son domicile, lui ayant ainsi permis d'accumuler un bon nombre d'heures supplémentaires sur son compte épargne-temps sans prestation de travail. … donne à considérer avoir traversé, au cours des années 2021 et 2022, une phase très difficile dans sa vie privée et que, débordé, il a voulu régulariser par ce biais ses « oublis de pointage ». Il n'aurait pas été animé par une intention frauduleuse pour accumuler des heures sur son compte épargne-temps.
Son conseil a plus amplement repris l'ensemble des événements plus ou moins traumatiques qu'a traversés … durant cette période pour illustrer que s'il serait évident que ceux-ci ne constitueraient ni une carte blanche pour justifier les agissements en cause, ni une source de légitimation, ils fourniraient pourtant des indications sur l'environnement exceptionnel dans lequel aurait été plongé …. L'avocat appelle à la clémence du Conseil en soulignant que la qualité du travail presté par son client n'aurait jamais fait l'objet de critiques. Il soutient, au contraire, que sans l'instruction disciplinaire, son client aurait été 3 nommé adjoint de bureau, qu'il n'a aucun antécédent disciplinaire formel et qu'il a même été astreint à un horaire fixe sans droit au télétravail.
La déléguée du Gouvernement, face aux reproches avérés, a relevé que, contrairement au soutènement de … d'avoir simplement « commis des erreurs en oubliant de pointer correctement », le fait incontesté que sur 235 jours de présence physique au bureau, … a omis à 183 reprises de pointer son départ du bureau pour ensuite, également à 183 reprises, se reconnecter le soir à son domicile pour effectuer le pointage de sortie, documenterait une démarche systématique afin d'accumuler des heures de travail sans fournir une contrepartie.
La mauvaise foi du concerné serait patent alors qu'également le matin, avant même de venir au bureau, des pointages d'entrée seraient documentés, déjouant encore les explications fournies. La déléguée du Gouvernement donne encore à considérer que suite aux dépositions effectuées dans le cadre de l'instruction par les témoins … et …, … a admis avoir reçu de la part de l'ancien préposé en 2018 ou en 2019 un avertissement oral. Selon ces témoins, il avait été remarqué que pendant environ un an … rentrait régulièrement chez lui à midi sans pointer. Toujours, d'après la déléguée du Gouvernement, l'Administration se serait montrée particulièrement indulgente à l'époque, laissant au concerné une deuxième chance afin de s'amender. Actuellement, le constat que non seulement cette bienveillance n'a pas été honorée, mais que … a persévéré dans un comportement particulièrement malhonnête sur une période prolongée, aurait définitivement ébranlé toute confiance de sorte qu'un maintien de … dans la Fonction publique s'avérerait inconcevable. Elle sollicite partant la révocation de ….
Le Conseil rejoint le commissaire du Gouvernement, ainsi que la déléguée du Gouvernement que les reproches sont établis au vu des pièces du dossier disciplinaire, les auditions des témoins et l'aveu, du moins partiel, de ….
Par son comportement adopté pendant la période incriminée s'étalant de mai 2020 à janvier 2022 … a transgressé les obligations résultant de :
- l'article 9, paragraphe 1, alinéa 1, du statut général selon lequel le fonctionnaire est tenu de se conformer consciencieusement aux lois et règlements qui déterminent les devoirs que l'exercice de ses fonctions lui impose, en l'espèce aux articles 18-10 et 18-11 du statut général ;
- l'article 10, paragraphe 1, du statut général, qui dispose que le fonctionnaire doit, dans l'exercice comme en dehors de l'exercice de ses fonctions, éviter tout ce qui pourrait porter atteinte à la dignité de ces fonctions ou à sa capacité de les exercer, donner lieu à scandale ou compromettre les intérêts du service public. Il est tenu de se comporter avec dignité et civilité tant dans ses rapports de service avec ses supérieurs, collègues et subordonnés que dans ses rapports avec les usagers de son service qu'il doit traiter avec compréhension, prévenance et sans aucune discrimination ;
- l'article 12, paragraphe 1, du statut général selon lesquels le fonctionnaire ne peut s'absenter de son service sans autorisation ;
- et à l'article 18-1 du statut général relatif à la durée de travail s'entend comme le temps pendant lequel le fonctionnaire est à la disposition de son administration à 4 l'exclusion de la coupure, des repos et des périodes d'astreinte à domicile visées à l'article 19, paragraphe 2 du statut général, Aux termes de l'article 53 dudit statut, l'application des sanctions se règle notamment d'après la gravité de la faute commise, la nature et le grade des fonctions et les antécédents du fonctionnaire inculpé. Elles peuvent être appliquées cumulativement.
… est … à l'Administration de l'enregistrement, des domaines et de la TVA, groupe de traitement …, classé au grade …, échelon …. Il est entré en service le … 2010 et tient sa nomination définitive de fonctionnaire de l'Etat avec effet au … 2012. S'il est exact qu'aucun antécédent disciplinaire n'est renseigné, il résulte cependant des déclarations des témoins consignées au dossier, non autrement contestées par …, que celui-ci a déjà fait l'objet de remontrances de la part de son préposé de l'époque, en 2018 ou 2019, pour des faits similaires et plus particulièrement pour ne pas avoir pointé ses sorties de midi 2 à 3 fois par semaine pendant une période s'étalant sur une année.
Les reproches dont le Conseil est actuellement saisi dénotent dans le chef du fonctionnaire concerné l'absence du moindre scrupule et témoignent d'une attitude réfléchie combinée à une démarche systématique destinée à frauder le système et à se procurer des avantages illicites. Le Conseil de discipline rejoint les développements de la déléguée du Gouvernement et estime que …, en violant un des devoirs primaires du fonctionnaire, à savoir l'obligation de présence sur son lieu de travail afin de remplir sa mission professionnelle en contrepartie du paiement d'un salaire, s'est disqualifié, rendant un maintien en service du concerné, au vu de la gravité indubitable des faits s'étalant sur une période non-négligeable, impossible.
Le Conseil de discipline rejoint la déléguée du Gouvernement et prononce, compte tenu de tous les éléments d'appréciation, la révocation de …, sanction prévue à l'article 47.10 du statut général pour inaptitude professionnelle et non-respect de la dignité des fonctions.
PAR CES MOTIFS :
le Conseil de discipline, siégeant en audience publique, statuant contradictoirement, sur le rapport oral de son président, le fonctionnaire entendu en ses explications et moyens de défense et la déléguée du Gouvernement en ses conclusions, prononce à l'égard de …, conformément à l'article 53 du statut général, la sanction disciplinaire de la révocation prévue à l'article 47.10 du statut général, condamne … aux frais de la procédure, ces frais liquidés à 30,90 euros. […] ».
Par un arrêté du ministre du 25 novembre 2022, la sanction disciplinaire de la révocation fut appliquée à l’encontre de Monsieur ….
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 22 février 2023, inscrite sous le numéro 48570 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du conseil de discipline du 23 novembre 2022.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 24 février 2023, inscrite sous le numéro 48586 du rôle, Monsieur … a encore fait introduire un recours tendant à l’annulation de l’arrêté ministériel précité du 25 novembre 2022.
Il y a tout d’abord lieu de prononcer la jonction des deux recours, inscrits sous les numéros 48570 et 48586 du rôle. Il est en effet dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice de prononcer ces deux affaires par un seul et même jugement, dans la mesure où elles sont intimement liées alors que les décisions visées par les deux recours sous examen ont comme toile de fond une procédure disciplinaire diligentée à l’encontre de Monsieur …, l’arrêté ministériel du 25 novembre 2022 portant exécution de la décision du conseil de discipline du 23 novembre 2022.
Quant au recours contre la décision du conseil de discipline Dans sa requête introductive d’instance, le demandeur cite l’article 54, paragraphe (2) du statut général, et conclut à la compétence du tribunal de connaître de son recours principal en réformation sinon à titre subsidiaire en annulation introduit à l’encontre de la décision précitée du conseil de discipline du 23 novembre 2022.
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne la compétence ratione materiae du tribunal administratif pour connaître du recours introduit contre la décision précitée du conseil de discipline du 23 novembre 2022.
Si le fait pour une partie de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation, il n’en reste pas moins qu’il ne revient pas au tribunal de suppléer la carence des parties dans le développement de leurs moyens. Dans la mesure où l’article 54, paragraphe (2) du statut général prévoit un recours au fond contre les décisions du conseil de discipline prononçant une sanction disciplinaire à l’encontre d’un fonctionnaire, sur renvoi du commissaire du gouvernement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal contre la décision précitée du conseil de discipline du 23 novembre 2022.
Il s’ensuit que les contestations afférentes de la partie étatique sont à écarter pour ne pas être fondées.
Dans sa requête introductive d’instance, le demandeur conclut encore à la recevabilité de son recours introduit à l’encontre de la décision précitée du conseil de discipline du 23 novembre 2022.
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité ratione temporis du recours introduit par le demandeur, ainsi qu’en ce qui concerne l’intérêt à agir de celui-ci.
En ce qui concerne la recevabilité ratione temporis de la requête introductive d’instance sous analyse, la partie étatique est restée en défaut de préciser dans quelle mesure le délai d’introduction du recours n’aurait pas été respecté, de sorte que le moyen d’irrecevabilité afférent encourt le rejet.
Ce même constat vaut pour l’intérêt à agir du demandeur, la partie étatique restant en défaut de préciser en quelle mesure celui-ci manquerait d’un intérêt à agir à l’encontre de la décision litigieuse, de sorte que le moyen d’irrecevabilité afférent encourt également le rejet.
A défaut de toute autre cause d’irrecevabilité d’ordre public à soulever d’office par le tribunal, le recours principal en réformation dirigé contre la décision déférée du conseil de discipline du 23 novembre 2022 est à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours et en fait, le demandeur relève être entré aux services de l’administration le … 2010 pour être nommé définitivement le … 2012, de sorte à être audit service depuis plus de 12 ans et, ce, sans le moindre antécédent, reproche ou procédure disciplinaire à son encontre. Il insiste sur le caractère exemplaire de son travail, raison pour laquelle il aurait été nommé adjoint du bureau d’imposition auquel il serait affecté, le demandeur précisant que cette nomination aurait emporté une augmentation de traitement mensuel de ….- euros en contrepartie de la responsabilité du bureau qu’il aurait ainsi endossée.
Il explique ensuite que, suite à la découverte des faits lui reprochés, il se serait vu enlever son statut d’adjoint, le traitement mensuel afférent audit statut, son droit à l’horaire mobile pendant la durée de trois mois ainsi que temporairement son droit au télétravail.
Concernant les faits lui reprochés, il fait valoir que ces derniers se seraient déroulés dans un contexte particulier dans lequel plusieurs événements extra professionnels auraient bouleversé sa vie privée. Ainsi, tant un ami proche qu’un membre de sa famille auraient été diagnostiqués d’un cancer, son épouse aurait souffert d’une grossesse à haut risque l’obligeant de rester alitée pendant plusieurs mois et des inondations auraient touché son domicile à deux reprises causant un dégât élevé et l’obligeant à d’importants travaux de rénovations.
1) Concernant le moyen tiré d’une violation du principe non bis in idem Moyens et arguments des parties En droit, le demandeur invoque tout d’abord une violation du principe non bis in idem par la décision déférée, alors qu’il se serait, pour les mêmes faits faisant l’objet de celle-ci, d’ores et déjà vu infliger des sanctions disciplinaires, à savoir la suppression de son horaire mobile et la rétrogradation moyennant enlèvement de son statut de préposé adjoint suite à la découverte des faits lui reprochés. La sanction prononcée par la décision du conseil de discipline serait ainsi intervenue en violation du principe non bis in idem qui interdirait à une autorité de sanctionner une personne à plusieurs reprises pour les mêmes faits. A cet égard, le demandeur se réfère plus particulièrement à un jugement du tribunal administratif du 18 décembre 2020, inscrit sous le numéro 42655 du rôle.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur réitère ses développements à cet égard, tout en précisant qu’il se serait également vu retirer son droit au télétravail suite à la découverte des faits pour lesquels il aurait ensuite été sanctionné par la décision déférée du conseil de discipline.
Il réfute ensuite l’argumentation du délégué du gouvernement suivant laquelle la suppression de l’horaire de travail mobile pour une période de trois mois qu’il aurait subie constituerait une simple mesure d’organisation interne. A cet égard, il fait valoir que si, certes, le chef d’administration aurait le choix entre un horaire fixe ou mobile, le fait pour ce dernier d’accorder un horaire mobile à un fonctionnaire et de supprimer ce droit sur base d’un comportement de celui-ci, et non pas en raison de considérations tenant à l’organisation interne, serait équivalent à une sanction disciplinaire. Tout en se référant au jugement précité du tribunal administratif du 18 décembre 2020, le demandeur fait plaider, qu’en l’espèce, la suppression de son horaire mobile aurait eu lieu en raison de son comportement et non pas pour des raisons d’organisation interne, de sorte que cette mesure serait à qualifier de sanction disciplinaire qui s’apparenterait à une réprimande prévue à l’article 47 sub 2 du statut général. Il s’en suivrait que « la mesure prévue par l’article 18-12 du Statut telle que prononcée en l’espèce » violerait le principe non bis in idem.
Le demandeur applique encore ce même raisonnement en ce qui concerne la suppression de son droit d’effectuer ses tâches en télétravail et relève que la partie étatique admettrait que cette suppression aurait eu lieu suit au constat des manœuvres frauduleuses de sa part. Le demandeur en conclut que ladite mesure s’apparenterait également à la sanction de la réprimande prévue à l’article 47 sub 2 du statut général.
En ce qui concerne plus particulièrement le retrait de son statut de préposé adjoint au bureau d’imposition auquel il aurait été affecté, le demandeur estime que cette mesure serait l’équivalent de la sanction de la rétrogradation prévue à l’article 47 sub 7 du statut général, alors que ledit retrait aurait eu pour effet de modifier les grades et échelons dans lesquels il se serait trouvé avant et n’aurait pas non plus été motivé par des considérations d’organisation interne.
Le demandeur conteste encore l’argumentation de la partie étatique suivant laquelle le fait que ces mesures auraient été temporaires, provisoires et conservatoires ou le fait qu’il aurait accepté ces mesures à son égard, leur enlèveraient leur nature de sanction disciplinaire. De même, le fait que ces mesures auraient été prises par l’administration, tandis que la sanction de la révocation aurait été prononcée par le conseil de discipline, et donc par deux organes distincts, ne porterait pas à conséquence, dans la mesure où l’ensemble de ces sanctions auraient été prononcées à son égard à des fins disciplinaires.
Le délégué du gouvernement, quant à lui, conclut au rejet du moyen tiré d’une violation du principe non bis in idem en faisant valoir, en substance, que l’ensemble des mesures litigieuses constitueraient des mesures d’organisation interne et non pas des sanctions disciplinaires.
Analyse du tribunal Le tribunal constate qu’il résulte des explications de part et d’autre et non contestées des parties au litige, que le demandeur s’est, suite à la découverte des irrégularités de ses entrées à son CET, vu retirer (i) le statut de préposé adjoint du bureau d’imposition auquel il était affecté, (ii) le bénéfice de l’horaire mobile, ainsi que (iii) la possibilité d’effectuer ses tâches en télétravail, les parties étant, en substance en désaccord sur la qualification desdites mesures en tant que mesures d’organisation interne, sinon en tant que sanctions disciplinaires déguisées et de la violation subséquente du principe non bis in idem par la décision déférée du conseil de discipline du fait d’infliger une sanction disciplinaire au demandeur pour ces mêmes faits.
Quant à l’argumentation du délégué du gouvernement relative au fait que la règle non bis in idem ne s'appliquerait pas dans les rapports du droit pénal et du droit disciplinaire, celle-
ci est à écarter pour défaut de pertinence, alors qu’il est constant en cause que les mesures précitées imposées au demandeur ne résultent pas d’une procédure pénale.
Il convient, par ailleurs, de constater que si l’autorité administrative n’est pas soumise au respect de l’article 4 du Protocole n° 7 à la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, qui prévoit le principe non bis idem en matière pénale, lorsqu’elle statue en matière disciplinaire1, elle est néanmoins tenue d’observer les principes généraux du droit qui s’imposent en la matière, dont plus particulièrement le principe non bis in idem qui interdit qu’une personne soit sanctionnée à plusieurs reprises pour les mêmes faits, sans que ce principe soit limité à la seule sphère d’une procédure pénale.
Il échet dès lors de vérifier si, tel que l’allègue le demandeur, les mesures prises à son égard en amont de la procédure disciplinaire diligentée à son encontre sont à qualifier de sanctions disciplinaires déguisées lui infligées sur base des mêmes faits que ceux faisant l’objet de la décision déférée du conseil de discipline.
S’il n’est en l’espèce pas contesté que les trois mesures litigieuses ont été prises à l’encontre du demandeur sur base des mêmes faits, à savoir la manipulation de ce dernier de son CET moyennant inscription d’un temps de travail non réellement presté aux heures renseignées, les parties sont en désaccord sur la nature desdites mesures, la partie étatique faisant valoir que l’ensemble de ces mesures devraient s’analyser en mesures d’organisation interne.
A cet égard, il échet de relever qu’une mesure d’organisation interne est à définir comme une mesure prise par un supérieur hiérarchique qui s’inscrit dans le cadre de la gestion et de l’organisation du service dont il a la charge, qui n’affecte pas les droits statutaires du fonctionnaire et qui constitue un ordre de service auquel le fonctionnaire a l’obligation de se conformer, de sorte à ne pas devoir être considérée comme une décision susceptible de recours.
Une telle mesure n’est pas susceptible de faire grief, à moins qu’elle soit à entrevoir dans un contexte de sanction disciplinaire déguisée ou qu’elle cause grief en raison de circonstances particulières l’ayant entourée en ce qu’elle se traduit plus particulièrement par une modification importante et défavorable sur les modalités d’exercice de la fonction2.
Force est encore au tribunal de rappeler que le juge administratif peut rechercher si une mesure prise par l’autorité administrative à l’égard d’un de ses agents constitue une mesure d’organisation interne ou si elle ne cache pas en réalité une sanction disciplinaire, une telle qualification étant à retenir à partir du moment où la nature de la mesure est essentiellement répressive en ce sens qu’elle a pour objet de punir le manquement du fonctionnaire à l’une de ses obligations professionnelles3.
Or, il échet de constater qu’en l’espèce, les mesures litigieuses, tout en constituant une modification défavorable sur les modalités d’exercice de la fonction du demandeur, ne sont, 1 CourEDH, 8 septembre 2020, Prina c. Roumanie, requête n° 37697.
2 Trib. adm., 12 juillet 2011, n° 26931 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Fonction publique, n° 218 et l’autre référence y citée.
3 Trib. adm., 16 février 1998, n° 10264 du rôle, conf. par Cour adm., 2 juillet 1998, n° 10636C du rôle, Pas. adm.
2023, V° Fonction publique, n° 209 et les autres références y citées.nonobstant la circonstance constante qu’elles ont été prises en réaction aux faits lui reprochés, pas de nature essentiellement répressive. En effet, tant le retrait du titre de préposé adjoint du bureau d’imposition auquel était affecté le concerné, que le retrait de l’horaire mobile et du droit d’effectuer ses tâches en télétravail sont essentiellement justifiés par des considérations ayant trait à l’organisation interne et à l’intérêt du service, en ce qu’elles sont de nature essentiellement préventives et visent à empêcher d’autres abus de la part du demandeur relatifs au temps de travail réellement presté par ce dernier, de sorte que lesdites mesures ne sauraient être qualifiées de sanctions disciplinaires déguisées.
En ce qui concerne plus particulièrement le retrait de l’attribution de préposé adjoint, le tribunal relève encore que le retrait d'une seule attribution à un fonctionnaire, restant investi pour le surplus dans la partie majeure de ses autres attributions, reste sans incidence sur la nature de la fonction globalement exercée par le fonctionnaire concerné et ne constitue pas un changement de fonction, une telle mesure s’inscrivant dans l'exercice d'un pouvoir d'appréciation étendu du chef d'administration quant à l'organisation de ses services, de sorte à constituer en l’espèce, à défaut de caractère essentiellement répressif, une mesure d’organisation interne et non pas une sanction disciplinaire déguisée4.
En ce qui concerne le retrait de l’horaire mobile, il échet encore de relever qu’en tout état de cause, l’article 18-12 du statut général prévoit expressément que le fonctionnaire qui, de manière répétée, ne respecte pas les règles sur l’horaire de travail mobile peut se voir temporairement imposer un horaire fixe pour une durée limitée et, ce, sans préjudice de l’application éventuelle de sanctions disciplinaires. Dès lors, dans la mesure où le demandeur ne conteste pas de n’avoir, de manière répétée, pas respecté les règles sur l’horaire de travail mobile et que le tribunal n’est en tout état de cause pas saisi de l’examen de la légalité de ladite mesure prise à son égard, il échet de constater que l’article 18-12 du statut général permet expressément, en cas d’abus d’un fonctionnaire, de lui retirer le bénéfice de l’horaire mobile et de poursuivre également ce dernier pour ces mêmes faits dans le cadre d’une procédure disciplinaire.
Il s’ensuit que le retrait du titre de préposé adjoint, de l’horaire mobile et du droit au télétravail imposés au demandeur en amont de la procédure disciplinaire à son encontre ne sont pas à qualifier de sanctions disciplinaires déguisées et que c’est sans violer le principe non bis in idem que le conseil de discipline a pu connaître de l’affaire disciplinaire diligentée à l’encontre du concerné pour les mêmes faits, l’examen du bien-fondé de la décision du conseil de discipline faisant l’objet d’une analyse au fond ci-dessous.
Le moyen tiré d’une violation du principe non bis in idem est dès lors à rejeter pour manquer de fondement.
2) Concernant le moyen tiré d’une violation du « principe de non-cumul des sanctions disciplinaires » Moyens et arguments des parties A titre subsidiaire et tout en se référant à un jugement du tribunal administratif du 15 avril 1998, le demandeur conclut à la réformation de la décision déférée du conseil de 4 Trib. adm., 12 février 2003, n° 15238 du rôle, conf. par Cour adm., 4 novembre 2003, n°16173C du rôle, Pas.
adm. 2023, V° Fonction publique, n° 195.
discipline, en ce que la sanction de la révocation prononcée à son égard, serait contraire au « principe de non-cumul des sanctions disciplinaires », alors qu’il aurait d’ores et déjà été sanctionné par la perte de l’horaire mobile, sanction qui ne serait pas cumulable avec celle de la révocation.
Dans son mémoire en réplique, il précise encore que ce même raisonnement de non-
cumul s’appliquerait entre la révocation et la perte du droit au télétravail et de la fonction de préposé adjoint.
Le délégué du gouvernement, quant à lui, conclut au rejet de ce moyen pour ne pas être fondé.
Analyse du tribunal Indépendamment de la question de la pertinence de la jurisprudence citée par le demandeur, celle-ci datant d’une époque antérieure à la réforme du statut général des fonctionnaires et employés de l’Etat en vigueur depuis le 1er octobre 2015, le tribunal ne saurait se départir du constat fait ci-avant que les mesures litigieuses dont a fait l’objet le demandeur en amont de la sanction prononcée à son égard par la décision du conseil de discipline déférée ne sont pas à qualifier de sanctions disciplinaires, de sorte que c’est, en tout état de cause, à tort que le demandeur argue d’un cumul de différentes sanctions disciplinaires dont il aurait fait l’objet.
En l’absence d’un tel cumul, le moyen tiré d’une violation du principe de non-cumul des sanctions disciplinaires est à rejeter pour manquer de fondement.
3) Concernant le moyen tiré d’une violation du principe de proportionnalité Moyens et arguments des parties Le demandeur estime finalement que la sanction de la révocation prononcée par la décision déférée du conseil de discipline serait disproportionnée au regard (i) des mesures lui infligées en sus de cette sanction, (ii) des circonstances privées ayant entouré la commission de sa part des faits lui reprochés, (iii) de l’absence d’antécédents disciplinaires dans son chef, (iv) de son ancienneté de service de 12 ans, (v) de la qualité de son travail presté et (vi) de son aveu et ses excuses sincères.
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement conclut à la proportionnalité de la sanction de la révocation prononcée par la décision du conseil de discipline déférée.
A cet égard, il met en exergue la gravité des faits commis par le demandeur, consistant, à 183 reprises sur 235 jours de présence au bureau sur une période de 20 mois, à omettre de badger sa sortie de son lieu de travail pour effecteur ces pointages de sortie seulement sur son ordinateur à son domicile une fois rentré, de sorte à accumuler un nombre élevé d’heures de travail non réellement prestées sur son CET pour lesquelles il aurait indûment reçu un traitement sinon des congés rémunérés. Il ajoute qu’à quatorze reprises, le demandeur aurait encore simulé son entrée au bureau en effectuant un pointage d’entrée à partir de son ordinateur à son domicile avant de réellement arriver à son lieu de travail, portant le nombre de manipulations de pointage à 197 sur 235 jours de présence au bureau.
Eu égard à cette démarche systématique, le délégué du gouvernement estime que les explications du demandeur relatives aux faits relevant de sa vie privée qui l’auraient fait oublier à chaque fois de pointer sa sortie du bureau, seraient dénuées de toute pertinence, alors qu’il serait inconcevable que celui-ci aurait été à tel point distrait d’oublier à 183 sur 235 jours de badger sa sortie de bureau, ce d’autant plus alors que, d’une part, ces éléments ne permettraient pas d’expliquer les pointages d’entrées au bureau effectués avant son arrivée à son lieu de travail et, d’autre part, que le geste de badger sa sortie du bureau deviendrait, surtout après une ancienneté de service de douze ans, un tel automatisme qu’une répétition d’oublis de ce faire aussi élevée qu’en l’espèce serait irréaliste.
Quant à l’absence d’antécédents disciplinaires mise en avant par le demandeur, le délégué du gouvernement relève que ce dernier aurait déjà fait l’objet d’un avertissement oral de la part de ses supérieurs hiérarchiques pour des faits d’omission de pointage de sorties réguliers pendant la période des années 2018 et 2019 et que ce fait, qui ressortirait de témoignages de ses supérieurs hiérarchiques recueillis par le commissaire du gouvernement adjoint, ne serait pas contesté par le demandeur.
Le délégué du gouvernement fait encore valoir que l’attestation testimoniale versée par le demandeur tendant à établir la bonne qualité de son travail au bureau d’imposition auquel il était affecté, serait dénuée de toute pertinence, alors que la qualité de son travail n’aurait pas été remise en cause par la partie étatique.
Analyse du tribunal Le tribunal constate tout d’abord, que le demandeur ne conteste ni la matérialité des faits retenus à sa charge par la décision déférée, soit la simulation de présence à son lieu de travail, moyennant une manipulation des pointages d’entrée ou de sortie de son lieu de travail à 197 reprises sur 235 jours de présence au bureau sur une période de 20 mois, ni le manquement à ses obligations statutaires qui en résulte, mais se contente de contester la proportionnalité de la sanction lui infligée par la décision déférée du conseil de discipline du 23 novembre 2022, à savoir la sanction de la révocation prévue à l’article 47 sub 10 du statut général, le demandeur mettant en avant (i) le fait d’avoir d’ores et déjà subi des mesures disciplinaires pour ces mêmes faits, (ii) des faits de sa vie personnelle l’ayant distrait pendant la période litigieuse, ensemble une absence de mauvaise foi de sa part, (iii) son ancienneté de service de 12 ans, (iv) l’absence d’antécédents disciplinaires et (v) la qualité de son travail durant sa carrière auprès de l’Etat.
En ce qui concerne tout d’abord les mesures imposées au demandeur en amont de la procédure disciplinaire à son encontre, le tribunal ne saurait se départir du constat fait ci-avant que celles-ci constituent des mesures d’organisations interne exemptes de caractère répressif à l’égard du demandeur et tendant à prévenir des abus futurs de sa part en attendant l’issue de la procédure disciplinaire diligentée à son encontre. Lesdites mesures ne sauraient dès lors influer sur la proportionnalité de la sanction retenue par le conseil de discipline dans la décision déférée.
En ce qui concerne ensuite, les développements du demandeur tendant à l’absence d’une mauvaise foi de sa part, alors qu’il aurait, pour l’ensemble des pointage manipulés en cause, simplement oublié de badger sa sortie du bureau, le tribunal se doit de rejoindre la partie étatique dans son constat que l’explication ainsi donnée manque de convaincre. En effet, si des oublis de pointages peuvent certes arriver à chaque fonctionnaire, il est inconcevable que detels oublis se répètent à 197 reprises sur 235 jours de présence, ce d’autant plus si le fonctionnaire concerné, tel que le demandeur, est soumis à la pratique de pointage depuis 12 ans et pour lequel le système de pointer est devenu un automatisme. C’est encore à bon droit que la partie étatique a relevé que cette explication n’est pas susceptible de justifier des pointages d’entrée au bureau avant la présence physique au lieu de travail, une telle manipulation du système de pointage reposant ipso facto sur une démarche consciente du demandeur. En effet, les démarches du demandeur ont été systématiques à tel point qu’il est indéniable qu’il a de manière consciente et ciblée manipulé le système de pointage, le demandeur admettant, en tout état de cause, avoir été conscient de contrevenir à ses obligations statutaires en pointant des entrées et sorties de bureau simulées.
En ce qui concerne ensuite l’absence d’antécédents disciplinaires, le tribunal constate qu’il ressort du dossier administratif et plus particulièrement du procès-verbal d’audition auprès du commissaire du gouvernement adjoint, que le demandeur ne conteste pas avoir, en 2018, fait l’objet d’un rappel à l’ordre oral de la part du préposé du bureau d’imposition auquel il était affecté pour des faits d’oublis de pointage de sortie répétés, de sorte que si, certes, le demandeur n’a auparavant pas fait l’objet d’une procédure disciplinaire devant le conseil de discipline, il admet avoir déjà dans le passé manipulé le système de pointage.
Le tribunal se doit dès lors de constater que, vu la gravité et la répétition des faits reprochés au demandeur, toute relation de confiance envers celui-ci permettant une relation de travail au sein de son administration, est ébranlée, de sorte qu’une sanction mettant fin à sa relation de travail s’impose en tout état de cause.
Eu égard par contre à l’ancienneté de service de 12 ans du demandeur et de l’absence d’antécédents disciplinaires autre que ses manipulations du système de pointage à partir de 2018, la qualité de son travail ressortant, par ailleurs, de sa nomination en tant que préposé adjoint du bureau d’imposition auquel il était affecté, la sanction disciplinaire de la révocation telle que fixée par le conseil de discipline, constituant la sanction la plus élevée du catalogue des sanctions prévues à l’article 47 du statut général, apparaît dès lors comme étant trop sévère, de sorte qu’il y a lieu, par réformation de la décision déférée, de prononcer comme sanction adéquate par rapport aux faits de l’espèce la peine disciplinaire de la mise à la retraite d’office prévue à l’article 47 sub 9 du statut général.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en réformation est à accueillir comme étant partiellement fondé.
Quant au recours contre l’arrêté ministériel du 25 novembre 2022 pris en exécution de la décision du conseil de discipline du 23 novembre 2022 Dans sa requête introductive d’instance, le demandeur, en se référant à l’article 2, paragraphe (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, désignée ci-après par « la loi du 7 novembre 1996 », conclut à la compétence du tribunal administratif de connaître de son recours en annulation dirigé à l’encontre de la décision précitée du ministre du 25 novembre 2022 et conclut également à la recevabilité de celui-ci.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur relève que la décision du ministre litigieuse indiquerait elle-même qu’un recours en annulation devant le tribunal administratif serait ouvert à son encontre.
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement se réfère à un jugement du tribunal administratif du 21 décembre 2005, inscrit sous le numéro 19981 du rôle, pour conclure à l’irrecevabilité du recours introduit contre la décision ministérielle précitée du 25 novembre 2022, en ce que celle-ci serait dépourvue de tout caractère décisionnel et ne constituerait qu’un acte d’exécution de la part du ministre de la décision précitée du conseil de discipline du 23 novembre 2022, de sorte que le demandeur n’aurait, par ailleurs, aucun intérêt à agir contre ladite décision.
Si c’est certes à bon droit que le délégué du gouvernement estime que l’autorité de nomination, en l’espèce le ministre, est, en vertu de l’article 52, paragraphe (1) du statut général tenue d’appliquer la sanction disciplinaire prononcée par le conseil de discipline envers un fonctionnaire, il n’en reste pas moins que même si le pouvoir de nomination ne dispose que d’une compétence liée dans l’exécution de la décision rendue par le conseil de discipline, l’arrêté ministériel d’exécution a son existence propre du fait de faire grief à son destinataire, de sorte qu’il constitue un acte attaquable per se, dont la légalité interne ou externe peut toujours être mise en cause séparément de l’acte qu’il exécute5.
Il s’ensuit que le tribunal est, sur base de l’article 2, paragraphe (1) de la loi du 7 novembre 1996, compétent pour connaître du recours en annulation dirigé contre ladite décision.
Il s’ensuit également que les développements du délégué du gouvernement tendant à un défaut d’intérêt du demandeur d’agir contre la décision ministérielle précitée du 25 novembre 2022 en ce qu’elle ne lui causerait pas de grief sont également à rejeter pour manquer de fondement.
Le recours en annulation est dès lors recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Quant au fond, au vu de la décision prise ci-avant de réformer la décision du conseil de discipline du 23 novembre 2022, il y a lieu d’annuler l’arrêté ministériel du 25 novembre 2022 pris en son exécution, alors qu’il suit le même sort que la décision du conseil de discipline dont il n’est que l’acte d’exécution.
Quant aux indemnités de procédures En ce qui concerne les demandes tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 2.500.- euros, demandée par Monsieur … dans son recours inscrit sous le numéro 48570 du rôle et de 2.500.- euros, demandée par Monsieur … dans son recours inscrit sous le numéro 48586 du rôle, demandes respectives formulées par le demandeur sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, celui-ci dispose que « Lorsqu’il paraît inéquitable de laisser à la charge d’une partie les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, le juge peut condamner l’autre partie à lui payer le montant qu’il détermine ».
5 Trib. adm. 14 décembre 2011, nos 27681 et 27719 du rôle, conf. par Cour adm. 10 mai 2012, n° 29731C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Fonction publique, n° 332.
Les juridictions administratives, d’une manière générale, n’accordent d’indemnité de procédure à un administré qu’en présence d’une attitude fautive ou négligente de l’administration, laquelle, au-delà du simple fait d’avoir émis une décision ne satisfaisant pas l’administré, a contraint l’administré à engager une procédure contentieuse6.
Dans la mesure où le demandeur ne démontre pas que le conseil de discipline ou le ministre auraient eu une attitude fautive ou négligente à son encontre, ses demandes respectives tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure sont à rejeter.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;
joint les affaires inscrites sous les numéros 48570 et 48586 du rôle ;
reçoit en la forme le recours en réformation dirigé à titre principal contre la décision du conseil de discipline du 23 novembre 2022 ;
au fond, le déclare partiellement justifié, partant, par réformation de la décision déférée du 23 novembre 2022, prononce à l’égard de Monsieur … la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation dirigé à l’encontre de la décision du conseil de discipline du 23 novembre 2022 ;
reçoit en la forme le recours en annulation dirigé contre l’arrêté ministériel du 25 novembre 2022 ;
au fond, le déclare justifié et partant annule l’arrêté ministériel du 25 novembre 2022 ;
rejette les demandes en allocation d’une indemnité de procédure formulées par le demandeur ;
fait masse des frais et dépens de l’instance et les impute pour moitié à chacune des parties.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 mai 2024 par :
Thessy Kuborn, premier vice-président, Laura Urbany, premier juge, Sibylle Schmitz, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn 6 Trib. adm., 2 décembre 2013, n° 28182 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 1275 et les autres références y citées.Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 14 mai 2024 Le greffier du tribunal administratif 16