Tribunal administratif N° 46999 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:46999 2e chambre Inscrit le 7 février 2022 Audience publique du 23 mai 2024 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du conseil communal de Fischbach et une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement particulier
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 46999 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 février 2022 par Maître Jean Lutgen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation 1) de la « […] délibération du conseil communal de la commune de Fischbach du … juin 2021 portant adoption du plan d’aménagement particulier « quartier existant » […] et 2) de la « […] décision de la Ministre de l’Intérieur du 29 juillet 2021 par laquelle celle-ci a approuvé le projet de PAP QE […] » ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Laura Geiger, en remplacement de l’huissier de justice Carlos Calvo, demeurant à Luxembourg, du 15 février 2022, portant signification de ce recours à l’administration communale de Fischbach, ayant sa maison communale à L-7430 Fischbach, 1, rue de l’Eglise, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 16 février 2022 par la société anonyme Arendt & Medernach SA, établie et ayant son siège social à L-2082 Luxembourg, 41A, avenue J.F. Kennedy, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B186371, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Christian Point, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de l’administration communale de Fischbach, préqualifiée ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 14 mars 2022 par la société anonyme Elvinger Hoss Prussen SA, établie et ayant son siège social à L-1340 Luxembourg, 2, place Winston Churchill, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B209469, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Nathalie Prüm-Carré, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 5 mai 2022 par la société anonyme Elvinger Hoss Prussen SA, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 16 mai 2022 par la société anonyme Arendt & Medernach SA, au nom de l’administration communale de Fischbach, préqualifiée ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 16 juin 2022 par Maître Jean Lutgen, au nom de Monsieur …, préqualifié ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 18 juillet 2022 par la société anonyme Elvinger Hoss Prussen SA, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 15 septembre 2022 par la société anonyme Arendt & Medernach SA, au nom de l’administration communale de Fischbach, préqualifiée ;
Vu les pièces versées en cause ainsi que les actes critiqués ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jean Lutgen, Maître Gilles Dauphin, en remplacement de Maître Christian Point, et Maître Georges Gratia, en remplacement de Maître Nathalie Prüm-Carré, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du … février 2024.
___________________________________________________________________________
Lors de sa séance publique du 15 décembre 2015, le conseil communal de Fischbach, ci-après désigné par le « conseil communal », émit un vote favorable, en vertu de l’article 10 de la loi modifiée du … juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après désignée par « la loi du … juillet 2004 », sur le projet d’aménagement général et chargea le collège des bourgmestre et échevins, ci-après désigné par « le collège échevinal », de procéder aux consultations prévues aux articles … et 12 de la loi du … juillet 2004.
Parallèlement, la procédure d’établissement des projets d’aménagement particulier « quartiers existants » fut menée dans le cadre du projet de refonte du projet d’aménagement général.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 24 janvier 2016, Monsieur …, déclarant agir en sa qualité de propriétaire d’une parcelle inscrite au cadastre de la commune de Fischbach, section … de …, au lieu-dit « … », sous le n° …. soumit au collège échevinal des objections à l’encontre du projet d’aménagement général de ladite commune visant à demander, en substance, à voir supprimer la zone de jardins familiaux [JAR], ci-après désignée par « la zone [JAR] » dont le classement fut projeté sur la partie avant de sa parcelle donnant sur la « … ».
En date du 28 avril 2016, la commission d’aménagement auprès du ministère de l’Intérieur, ci-après désignée par « la commission d’aménagement », communiqua son avis sur le projet d’aménagement général, tel qu’émis lors de sa séance du … avril 2016, en application de l’article …, alinéa 2 de la loi du … juillet 2004, étant relevé qu’un avis complémentaire fut émis par cette même commission lors de sa séance du 22 juin 2016 et communiqué le 4 juillet 2016.
En date du 2 mai 2016, le ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, ci-après désigné par « le ministre de l’Environnement », délivra son avis relatif au projet d’aménagement général en application de l’article 5 de la loi modifiée du … janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles.
Il est constant en cause que lors de sa séance publique du … juillet 2016, le conseil communal adopta le projet d’aménagement général, tout en réservant une suite favorable à l’objection de Monsieur … dans le sens de la suppression de la zone [JAR] sur une partie de son terrain et du classement de l’intégralité de sa parcelle en zone d’habitation 1 [HAB-1], ci-
après désignée par « la zone [HAB-1], avec un classement superposé en « secteur protégé de type « environnement construit » ».
Parallèlement et lors de la même séance publique, le conseil communal adopta le projet d’aménagement particulier « quartier existant » de la commune de Fischbach « (version 05.07.2016) remaniant la version 15/12/2015 conformément à l’article 30 de la loi modifiée du … juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain ».
Par décisions respectives du … septembre 2016 et du … décembre 2016, le ministre de l’Environnement et le ministre de l’Intérieur refusèrent l’approbation du projet d’aménagement général tel qu’adopté par le conseil communal. Par décision du … décembre 2016, le ministre de l’Intérieur refusa également d’approuver la délibération du conseil communal du … juillet 2016 portant adoption des projets d’aménagement particulier « quartier existant », parties écrite et graphique.
Les recours contentieux introduits par la commune de Fischbach en date respectivement des … décembre 2016 et … mars 2017 contre les décisions prévisées des ministres de l’Environnement et de l’Intérieur des … septembre et … décembre 2016 portant refus d’approbation du projet d’aménagement général, aboutirent à deux arrêts de la Cour administrative du … juillet 2017, inscrits sous les nos 38895C et 39294C du rôle, ayant donné partiellement raison à la commune et renvoyé les dossiers en prosécution de cause devant le conseil communal. A travers ces mêmes arrêts, la Cour administrative « dit que lors de la continuation de la procédure d’élaboration du PAG, il y a[vait] lieu d’informer les réclamants dont la réclamation avait été déclarée sans objet par le ministre de l’Intérieur et de traiter leurs réclamations comme des objections maintenues dans le cadre de l’itératif aplanissement des difficultés à venir ».
Le recours contentieux introduit le … mars 2017 par la commune contre le refus d’approbation du ministre de l’Intérieur des projets d’aménagement particulier « quartier existant » fut, quant à lui, déclaré non fondé par arrêt du … juillet 2017, inscrit sous le n° 39293C du rôle, la Cour ayant considéré que comme « le projet de refonte du PAG [était] appelé à rentrer en procédure et à être à nouveau présenté au conseil communal, du moins sur certains points toisés par la Cour dans ses deux arrêts parallèles de ce jour qui sont appelés à avoir un impact direct sur la légalité de la délibération communale du … juillet 2016 portant adoption du PAP-QE, voire du moins qui appellent des précisions complémentaires à son niveau », le refus d’approbation ministériel n’encourrait pas l’annulation « pour des raisons purement structurelles sans que toutefois la légalité intrinsèque de ladite délibération communale […] n’ait pu être contrôlée. ».
Il se dégage des éléments du dossier que lors de sa séance publique du 23 novembre 2020, le conseil communal procéda à l’adoption d’un nouveau projet d’aménagement général.
Dans sa séance du 25 novembre 2020, le collège échevinal décida la mise en procédure du projet d’aménagement particulier « quartiers existants » portant exécution du plan d’aménagement général de la commune de Fischbach (« PAG »).
Par courrier recommandé avec avis de réception du 26 novembre 2020, le collège échevinal notifia à Monsieur … une copie de la délibération du conseil communal du 23 novembre 2020 portant adoption du « projet de Plan d’Aménagement Général dans sa version modifiée suite aux réclamations soumises au Collège des bourgmestre et échevins et aux jugements de la Cour administrative du … juillet 2017 », ainsi qu’un extrait du document intitulé « AC Fischbach - synthèse des réclamations formulées contre le PAG » dont il découle qu’il fut, entre autres, retenu de reclasser l’intégralité de la parcelle de Monsieur … en zone [HAB-1] et d’y inscrire « un alignement à respecter » au niveau du plan d’aménagement particulier « quartiers existants » (« PAP QE ») correspondant.
Par courrier de son litismandataire du … décembre 2020, Monsieur … introduisit auprès du ministre de l’Intérieur « une réclamation au sens de l’article 16 de la loi modifiée du ….07.2004 contre l’approbation du projet de Plan d’Aménagement Général (PAG) par le conseil communal de la commune de Fischbach dans sa séance du 23…..2020 » en vue de critiquer l’inscription sur sa parcelle d’un « alignement à respecter ».
Par courrier de son litismandataire du 14 décembre 2020, Monsieur … adressa à la commune ses « observations et objections contre le projet d’élaboration du Plan d’Aménagement Particulier (PAP) au sens de l’article 30 de la loi modifiée du ….07.2004 », tout en critiquant là aussi l’inscription sur sa parcelle d’un « alignement à respecter ».
Aux termes d’une décision du 3 mars 2021, le ministre de l’Environnement approuva le projet d’aménagement général adopté par le conseil communal le 23 novembre 2020.
Le lendemain, la cellule d’évaluation auprès du ministère de l’Intérieur émit son avis au sujet des projets d’aménagement particulier « quartiers existants ».
Par délibération du … juin 2021, le conseil communal adopta le projet d’aménagement particulier « quartiers existants » en avisant, notamment, quant aux objections de Monsieur …, « favorablement la proposition du collège des bourgmestre et échevins de ne pas supprimer l’alignement à respecter dans la partie graphique du PAP-QE, pour des raisons de visibilité sur la voirie », tout en proposant « d’assouplir les prescriptions dans la partie écrite du PAP-
QE pour permettre l’implantation des dépendances au-delà de cet alignement ».
En date du 15 juillet 2021, la commission d’aménagement communiqua, en application de l’article … de la loi du … juillet 2004, son avis émis lors de sa séance du 9 juin 2021 sur les réclamations introduites auprès du ministre de l’Intérieur contre le vote du conseil communal du 23 novembre 2020 portant adoption du projet de refonte complète du PAG.
Par décision du 29 juillet 2021, le ministre de l’Intérieur approuva la délibération, précitée, du conseil communal du 23 novembre 2020 portant adoption du projet d’aménagement général, tout en statuant sur les réclamations lui soumises, dont celle introduite par Monsieur … qu’il déclara sans objet.
Par décision du même jour, le ministre de l’Intérieur approuva la délibération du conseil communal du … juin 2021 portant adoption du projet d’aménagement particulier « quartiers existants ».
Par courrier du 29 octobre 2021, le litismandataire de Monsieur … s’est vu transmettre « la décision du Conseil communal concernant [le PAP QE] à la suite de laquelle Madame la ministre de l’Intérieur a approuvé le PAP-QE de la commune de Fischbach ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 7 février 2022, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation 1) de la « […] délibération du conseil communal de la commune de Fischbach du … juin 2021 portant adoption du plan d’aménagement particulier « quartier existant » […] et 2) de la « […] décision de la Ministre de l’Intérieur du 29 juillet 2021 par laquelle celle-ci a approuvé le projet de PAP QE […] ».
A titre liminaire, et en ce qui concerne, tout d’abord, la demande en communication du dossier administratif formulée exclusivement dans le dispositif de la requête introductive d’instance, le tribunal constate que la commune et la partie étatique ont déposé ensemble avec leurs mémoires en réponse, des fardes de pièces correspondant a priori au dossier administratif.
A défaut pour le demandeur de remettre en question le caractère complet du dossier mis à disposition à travers les mémoires en réponse, la demande en communication du dossier administratif est à rejeter comme étant devenue sans objet.
I. Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours Le tribunal relève que les décisions sur les projets d’aménagement, lesquels ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des terrains qu’ils concernent et le régime des constructions à y ériger, ont un caractère réglementaire. La décision d’approbation du ministre participe au caractère réglementaire de l’acte approuvé1.
Conformément à l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, seul un recours en annulation est susceptible d’être introduit contre un acte administratif à caractère réglementaire.
Il s’ensuit que le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit en l’espèce.
Il est par contre compétent pour connaître du recours subsidiaire en annulation qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
1 Cour adm., 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Actes réglementaires, n° 59 et les autres références y citées.
II. Quant à la loi applicable La procédure d’adoption d’un plan d’aménagement particulier (« PAP ») est prévue par la loi du … juillet 2004. Or, celle-ci a été modifiée à plusieurs reprises et dernièrement (i) par une loi du 28 juillet 2011 entrée en vigueur, en application de son article 45, en date du 1er août 2011, (ii) par la loi du 30 juillet 2013 concernant l’aménagement du territoire, publiée au Mémorial A, n° 160 du 6 septembre 2013, (iii) par la loi du 14 juin 2015 portant modification de l’article 108 de la loi modifiée du … juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, publiée au Mémorial A, n° 113 du … juin 2015, (iv) par la loi du 3 mars 2017 dite « Omnibus », entrée en vigueur, en application de son article 76, le 1er avril 2017, (v) par la loi du … avril 2018 concernant l’aménagement du territoire, (vi) par la loi du 18 juillet 2018 portant modification de l’article 108 de la loi modifiée du … juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, (vii) par la loi du 30 juillet 2021 relative au Pacte logement 2.0, dont l’entrée en vigueur est fixée au 1er janvier 2021, par l’article 16 de la loi en question et (viii) par la loi du 7 août 2023 relative au logement abordable.
Etant donné, d’une part, que le tribunal vient de retenir que seul un recours en annulation a pu être introduit à l’encontre des actes déférés et, d’autre part, que dans le cadre d’un tel recours, le juge administratif est amené à en apprécier la légalité en considération de la situation de droit et de fait ayant prévalu au jour où ils ont été pris2, les modifications apportées à la loi du … juillet 2004 par la loi précitée du 7 août 2023, entrée en vigueur postérieurement à la délibération du … juin 2021 ne sont pas à prendre en considération en l’espèce, étant plus particulièrement précisé à cet égard que les actes de tutelle administrative, tels que la décision ministérielle litigieuse, rétroagissent à la date de la décision approuvée et tombent dès lors sous le champ d’application des lois en vigueur à la date de la prise de décision de l’acte initial.
Il s’ensuit que la version de la loi du … juillet 2004 applicable au présent litige est celle résultant des modifications opérées par les lois des 28 juillet 2011, 30 juillet 2013, 14 juin 2015, 3 mars 2017, … avril 2018, 18 juillet 2018 et 30 juillet 2021.
III. Quant au fond A l’appui de son recours le demandeur invoque les moyens suivants :
- un défaut de motivation de la délibération du conseil communal du … juin 2021 ;
- une violation par les décisions d’adoption et d’approbation du PAP QE de la loi du … juillet 2004 ;
- une atteinte au droit de propriété, ensemble une violation, par les décisions litigieuses, de l’article 16 de la Constitution, dans sa version applicable en l’espèce, sinon de l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désigné par « le premier Protocole » ;
- un excès, sinon un détournement de pouvoir, voire de procédure dans le chef des autorités communale et ministérielle ;
- une violation du principe d’égalité de traitement.
2 Trib. adm., 27 janvier 1997, n° 9724 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en annulation, n° 22 et les autres références y citées.
Le tribunal relève, à titre liminaire, que les autorités communales, lorsqu’elles initient des modifications de leurs plans d’aménagement, doivent être mues par des considérations légales d’ordre urbanistique ayant trait à l’aménagement des agglomérations et d’ordre politique tirées de l’organisation de la vie en commun sur le territoire donné, tendant les unes et les autres à une finalité d’intérêt général et, dans ce contexte, lesdites autorités doivent veiller tant à la conservation de l’esthétique urbaine qu’au développement rationnel des agglomérations3.
Dans ce contexte, il y a lieu de préciser que saisi d’un recours en annulation, le juge administratif est appelé à vérifier, d’un côté, si, au niveau de la décision administrative querellée, les éléments de droit pertinents ont été appliqués et, d’un autre côté, si la matérialité des faits sur lesquels l’autorité de décision s’est basée est établie. Au niveau de l’application du droit aux éléments de fait, le juge de l’annulation vérifie encore s’il n’en est résulté aucune erreur d’appréciation se résolvant en dépassement de la marge d’appréciation de l’auteur de la décision querellée. Le contrôle de légalité à exercer par le juge de l’annulation n’est pas incompatible avec le pouvoir d’appréciation de l’auteur de la décision qui dispose d’une marge d’appréciation. Ce n’est que si cette marge a été dépassée que la décision prise encourt l’annulation pour erreur d’appréciation. Ce dépassement peut notamment consister dans une disproportion dans l’application de la règle de droit aux éléments de fait. Le contrôle de légalité du juge de l’annulation s’analyse alors en contrôle de proportionnalité4.
S’il est certes vrai que le choix d’entériner ou de ne pas entériner la modification d’un plan d’aménagement relève d’une dimension politique et échappe comme tel au contrôle des juridictions de l’ordre administratif saisies d’un recours en annulation, il n’en demeure pas moins que tout acte administratif doit reposer sur un motif dont le juge administratif vérifie tant l’existence que la légalité. Cette exigence découle du fait que le juge administratif a l’obligation de vérifier si les autorités administratives compétentes n’ont pas violé la loi, commis un excès de pouvoir ou un détournement de pouvoir et cette obligation de motivation existe également pour les actes à caractère réglementaire qui, quoique discrétionnaires, doivent être pris dans l’intérêt général, de sorte qu’il importe que les autorités administratives compétentes fassent connaître le ou les motifs qui les ont guidées dans leur décision, le contrôle exercé par le juge de l’annulation ne portant dès lors pas sur l’opportunité, mais sur la réalité et la légalité des motifs avancés5.
Quant aux objectifs devant guider les autorités communales, lorsqu’elles initient des modifications de leurs plans d’aménagement, ainsi que l’autorité ministérielle, dans le cadre de l’exercice de son contrôle tutélaire, il y a lieu de se référer à l’article 2 de la loi du … juillet 2004, aux termes duquel « Les communes ont pour mission de garantir le respect de l’intérêt général en assurant à la population de la commune des conditions de vie optimales par une mise en valeur harmonieuse et un développement durable de toutes les parties du territoire communal par:
(a) une utilisation rationnelle du sol et de l’espace tant urbain que rural en garantissant la complémentarité entre les objectifs économiques, écologiques et sociaux ;
3 Trib. adm., 20 octobre 2004, n° 17604 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 217 et les autres références y citées.
4 Cour adm., 9 novembre 2010, n° 26886C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en annulation, n° 40 et les autres références y citées.
5 Trib. adm., 23 mars 2005, n° 18463 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Actes réglementaires (Recours contre les), n° 35 et les autres références y citées.
(b) un développement harmonieux des structures urbaines et rurales, y compris les réseaux de communication et d’approvisionnement compte tenu des spécificités respectives de ces structures, et en exécution des objectifs de l’aménagement général du territoire ;
(c) une utilisation rationnelle de l’énergie, des économies d’énergie et une utilisation des énergies renouvelables ;
(d) le développement, dans le cadre des structures urbaines et rurales, d’une mixité et d’une densification permettant d’améliorer à la fois la qualité de vie de la population et la qualité urbanistique des localités ;
(e) le respect du patrimoine culturel et un niveau élevé de protection de l’environnement naturel et du paysage lors de la poursuite des objectifs définis ci-dessus ;
(f) la garantie de la sécurité, la salubrité et l’hygiène publiques. ».
(i) Quant au moyen tiré d’un défaut de motivation de la délibération du conseil communal du … juin 2021 Arguments des parties A l’appui de ce moyen, le demandeur reproche à l’autorité communale de ne pas avoir pris position par rapport à la plupart des arguments qu’il aurait avancés à l’appui de ses objections adressées en date du 14 décembre 2020 au collège échevinal. Ainsi, aucune réponse n’aurait plus particulièrement été donnée par rapport aux moyens soulevés en relation avec l’article 2 de la loi du … juillet 2004, avec le principe de cohérence, avec le principe d’égalité de traitement, avec le principe de proportionnalité, voire avec les principes « élémentaires garantissant le droit de propriété des citoyens ». Il s’ensuivrait que la décision en question ne serait pas motivée à suffisance au regard des exigences légales et encourrait, de ce fait, l’annulation.
Tant la commune que la partie étatique concluent au rejet de ce moyen pour ne pas être fondé.
Analyse du tribunal Il convient tout d’abord de relever que, contrairement à ce qui est imposé pour les décisions administratives individuelles par l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relative à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, inapplicable en matière réglementaire, aucun texte n’oblige l’administration à formuler de manière expresse et explicite les motifs gisant à la base d’un acte à caractère règlementaire, dont toutefois le motif doit être légal et à cet égard vérifiable par la juridiction administrative6.
En effet, au-delà de l’absence d’exigence légale ou réglementaire spécifique à l’indication des motifs, les actes administratifs à caractère réglementaire doivent cependant reposer sur de justes motifs légaux devant avoir existé au moment où ils ont été respectivement pris, motifs dont le juge administratif est appelé à vérifier tant l’existence que la légalité. Ces motifs doivent être retraçables à la fois par la juridiction saisie et par les administrés, afin de permettre l’exercice effectif du contrôle juridictionnel de légalité prévu par la loi7.
6 Cour adm., 7 décembre 2004, n° 18142C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 120 et les autres références y citées.
7 Cour adm., 27 septembre 2006, n° 20173C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Actes réglementaires (Recours contre les), n° 36 et les autres références y citées.
En l’espèce, il y a lieu de constater que la délibération du conseil communal portant adoption du PAP QE est motivée à suffisance de droit.
En effet, il se dégage du courrier du 29 octobre 2021 à travers lequel Monsieur … s’est vu transmettre par le collège échevinal la décision du conseil communal portant adoption du projet de PAP QE tel qu’approuvé par le ministre de l’Intérieur, qu’il y avait été annexé un document intitulé « AC Fischbach - synthèse des réclamations formulées pendant l’enquête publique », dont il ressort qu’en ce qui concerne les objections formulées par Monsieur … en relation avec le PAP QE, le conseil communal a décidé de suivre la position du collège échevinal formulée comme suit :
« […] Extrait de la réclamation […] Complément technique La présente réclamation est liée à la réclamation 23, adressée dans un premier temps au collège échevinal dans le cadre de la première phase d’enquête publique et, dans un second temps à la Ministre de l’Intérieur, dans le cadre de la seconde phase d’enquête publique du PAG, suite au vote du Conseil Communal du 23 novembre 2020.
L’alignement à respecter, fixé dans la partie graphique du PAP QE, résulte de la suppression de la zone de jardins familiaux (JAR) qui était représentée dans la partie graphique du PAG lors de la saisine en décembre 2015.
Pour rappel, suite à la première réclamation en janvier 2016, la zone JAR a été supprimée de la partie graphique du PAG, reclassant ainsi l’entièreté de la parcelle en zone d’habitation 1 (HAB-1). Le choix de cet alignement à respecter est issu de deux arguments, que Me LUTGEN reprend dans son exposé : d’une part accuser un alignement des constructions voisines et, d’autre part, garantir un ensoleillement généreux à la future construction de son mandant.
L’alignement à respecter représente le seul moyen de garantir l’alignement de la future construction par rapport aux parcelles voisines, en QE-RES comme en QE-VILL.
Il convient notamment de tenir compte du noyau voisin en QE-VILL, essentiellement composé de gabarits et de constructions à conserver, dont l’implantation est très caractéristique de ce type de quartier. En effet, l’implantation des constructions se fait autour de cours de grandes dimensions, créant ainsi des « poches » entre les constructions.
Aussi, la rue … est particulièrement étroite, c’est pourquoi, placer la future construction du réclamant en décalé par rapport au n°… situé juste en face, est essentiel pour limiter les vis-à-vis et garantir un apport en lumière naturelle suffisant.
[…] Prise de position du collège échevinal et proposition d’adaptation Le collège échevinal propose de ne pas supprimer l’alignement à respecter dans la partie graphique du PAP-QE, pour des raisons de visibilité sur la voirie mais il propose d’assouplir les prescriptions dans la partie écrite du PAP-QE pour permettre l’implantation des dépendances au-delà de cet alignement.
Prise de position du conseil communal par rapport à la proposition d’adaptation du collège échevinal Le conseil communal approuve à l’unanimité la proposition d’adaptation du collège échevinal. ».
Au vu de ces considérations, il doit être admis que la décision du conseil communal de maintenir l’alignement critiqué se trouve motivée de manière non équivoque par la volonté de respecter un alignement cohérent d’une future construction sur la parcelle du demandeur avec les constructions adjacentes et par la volonté d’assurer des vues libres et des apports en lumière naturelle suffisants. A travers cette même motivation, le conseil communal doit être considéré comme ayant, en faisant siennes les propositions du collège échevinal, pris position par rapport à l’ensemble des considérations soulevées par le demandeur qui visaient, en effet, toutes à contester pour différentes raisons l’inscription d’un « alignement à respecter » sur son terrain, et dès lors comme ayant motivé à suffisance la décision déférée de maintenir l’inscription litigieuse malgré ces considérations. Pour être tout à fait complet, le tribunal se doit, à cet égard, de relever qu’aucune disposition légale ou réglementaire n’impose à l’autorité communale de prendre position individuellement par rapport à tous les moyens invoqués à l’appui des objections dirigées contre un projet d’aménagement particulier. A cela s’ajoute que la motivation en question, qui a été complétée par les explications de la partie communale dans ses mémoires en réponse et en duplique, est suffisamment précise pour permettre au demandeur d’assurer la défense de ses intérêts en connaissance de cause et au tribunal de vérifier la légalité des motifs invoqués.
Il s’ensuit que le moyen tiré d’un défaut de motivation de la décision du conseil communal est à rejeter pour ne pas être fondé.
(ii) Quant au moyen tiré d’une violation de la loi du … juillet 2004 Arguments des parties A l’appui de ce moyen, le demandeur se réfère tout d’abord aux termes des articles 2 et 29 (1) de la loi du … juillet 2004 pour soutenir que l’obligation lui imposée par le PAP QE de respecter dorénavant un alignement ne serait pas conforme aux objectifs énoncés dans ledit article, en ce que les prescriptions édictées dans ledit PAP, et notamment le trait crénelé bleu prévu dans la partie graphique, ne garantiraient pas l’intégration des constructions et aménagements dans les zones urbanisées.
Il relève ensuite qu’il se dégagerait d’une « analyse concrète de la situation », effectuée sur base d’une consultation de la partie graphique du PAP des différents villages et lieux-dits de la commune de Fischbach, qu’un alignement tel que celui inscrit sur sa parcelle ne serait prévu pour « aucun autre propriétaire d’une parcelle de terrain de la commune ».
Après avoir encore relevé qu’il ressortirait de la partie graphique du PAG du village de … que son terrain ferait partie, ensemble avec quelques autres terrains et maisons, d’un « secteur protégé de type « environnement construit » », il fait valoir que comme il apparaîtrait que tous les autres immeubles de cette partie du territoire communal seraient construits à une distance variant entre 0 et 6,50 mètres de la voie publique, se poserait la question de savoir pour quelle raison son propre terrain devrait connaître un sort différent à celui d’une construction devant respecter un recul de 16,20 mètres par rapport à la voie publique.
A cela s’ajouterait que son terrain ferait partie au niveau du PAP QE de la « zone quartier existant Village II ». Or, il estime que le propre d’une telle zone serait de ne pas devoir être soumise à des restrictions excessives en termes de respect de reculs ou d’alignements.
En se référant à l’article 2 de la partie écrite du PAP QE, il soutient qu’il existerait des règles suffisantes en termes de recul, sans qu’il ne soit nécessaire « de régler un alignement arbitraire qui impose des règles supplémentaires » à lui seul. Cette exigence supplémentaire en rapport avec l’alignement « sur mesure » grevant son terrain constituerait dès lors une mesure disproportionnée au regard du contenu des règles existant d’ores et déjà en termes de reculs.
Le demandeur est, en tout état de cause, d’avis que le recul de 16,20 mètres qui lui est imposé n’aurait d’autre but que de le « chicaner ». Ce constat s’imposerait d’autant plus que, d’une part, dans le cadre d’une demande d’autorisation de construire qu’il aurait introduite par le passé, la commune aurait informé le … mars 2018 par écrit son architecte que l’implantation de la construction projetée sur son terrain devrait « respecte[r] un recul de 6m par rapport à la Haaptstroos », et que, d’autre part, dans le cadre de la « Strategische Umweltprüfung » (« SUP »), son terrain aurait été qualifié de « Baulücke », donc d’un terrain entouré de parcelles bâties sur lequel il devrait être permis au propriétaire de ladite « Baulücke » d’y ériger une construction s’intégrant de manière harmonieuse dans cet ensemble de parcelles bâties existantes.
Il serait incompréhensible pour quelle raison il lui serait imposé, par le biais de la seule partie graphique du PAP QE, de respecter une distance antérieure très importante qui s’élève en moyenne à 16,20 mètres, le tout en contradiction avec la partie écrite du même PAP.
Tout en renvoyant à un plan annoté par lui-même lequel indiquerait les reculs respectifs par rapport à la voie publique d’une trentaine de maisons situées pour la plus grande partie dans la rue …, il affirme qu’il s’en dégagerait une absence d’harmonie et de règle commune puisque lesdits reculs varieraient entre 0 et 14 mètres. A cela s’ajouterait que les maisons situées plus en amont, respectivement en face de sa propriété ne seraient nullement alignées les unes par rapport aux autres et elles seraient soit situées pratiquement au bord de la voie publique, soit à plusieurs mètres en recul de celle-ci.
Pour autant que de besoin, il demande au tribunal de procéder à une visite des lieux ce qui permettrait de vérifier ses arguments.
Le demandeur conteste ensuite la motivation donnée dans le « « complément technique » de la décision du conseil communal » et ce, de plusieurs points de vue.
Ainsi, pour ce qui est de l’affirmation y contenue suivant laquelle « [l]’alignement à respecter représente le seul moyen de garantir l’alignement de la future construction par rapport aux parcelles voisines, en QE-RES comme en QE-VILL », le demandeur donne à considérer que comme dans le « premier PAG » son terrain aurait été intégré dans le « gabarit protégé » afin de l’incorporer dans un tissu urbain digne de protection, la construction future à y ériger devrait répondre aux critères d’une authenticité de la substance bâtie. De ce fait, il serait incompréhensible que « l’alignement se réfère […] uniquement à l’alignement du QE-RES », de même qu’il serait impossible de justifier des contraintes supplémentaires qui viendraient remettre « en cause que les reculs du PAP-QE ne soient suffisamment raisonnables et appropriés ». Le demandeur estime qu’il ne ferait aucun doute que l’alignement lui imposé équivaudrait « dans sa conséquence finale aux mêmes contraintes que pour la classification en zone jardin qui [aurait] été clairement refusée par la Ministre de l’intérieur comme solution inadéquate ».
En ce qui concerne ensuite la considération mise en avant dans le « complément technique » suivant laquelle l’alignement litigieux s’imposerait en raison du fait que « l’implantation des constructions se fait autour de cours de grandes dimensions, créant ainsi des « poches » entre les constructions », le demandeur relève que parmi les critères d’un « secteur protégé de type « environnement construit » » on retrouverait ceux de « l’authenticité de la substance bâtie, de son aménagement, rareté, exemplarité du type de bâtiment, etc. », de sorte qu’en tenant compte du fait que les constructions avoisinantes feraient partie « du gabarit protégé », il serait surprenant que l’alignement en cause soit nécessaire notamment pour protéger des cours de grandes dimensions. Il estime qu’il serait important d’étudier, en l’espèce, les particularités du village de … et qu’un tel examen permettrait de constater que celles-ci sembleraient « majoritairement correspondre à la classification d’un village étoile ». Une réduction à quelques maisons importantes et généreuses avec de grandes cours encerclées de constructions secondaires relèverait toutefois d’une « argumentation trop simpliste » ne pouvant être généralisée pour le tissu rural entier. Ainsi, une analyse des environs immédiats autour de la rue … permettrait de constater que la substance bâtie serait marquée par une parcellisation perpendiculaire par rapport à la route. A cela s’ajouterait que l’implantation de « constructions typiques autour de grandes cours » dont il est question dans le « complément technique » ne vaudrait que « pour les 3-4 grandes fermes du village ».
Il précise que la cour actuelle, telle qu’elle existe devant la maison sise au numéro …, …, serait issue d’une nouvelle construction érigée en application du règlement des bâtisses et que comme l’accès principal de ladite maison se trouverait entre les maisons sises aux numéros … et …, …, l’accès au garage via la rue … constituerait le côté postérieur et devrait, par conséquent, respecter un recul postérieur de 6 mètres. Ce serait cette singularité qui aurait fait naître « cette fameuse « grande cour » et non pas un élément type de l’aménagement historique digne de protection ». Enfin, il ne faudrait pas non plus perdre de vue qu’à la fin du 19ème siècle, les maisons situées le long de la rue … se seraient trouvées « à la périphérie du petit village et ceci pour une raison très logique, en proximité directe des surfaces à exploiter notamment les jardins et les vergers ».
En se référant à nouveau au plan annoté par lui-même lequel reprendrait les reculs respectifs par rapport à la voie publique d’une trentaine de maisons se situant pour la plupart dans la …, ainsi qu’à un autre plan annoté par lui-même et à un document intitulé « Conditions de lumière du jour et d’ombrage » dont il est également l’auteur et qui serait « en rapport avec le cours du soleil et la chute de l’ombre pour les quatre saisons », le demandeur conteste ensuite que l’alignement litigieux permettrait de garantir un « ensoleillement généreux » à sa future construction, en faisant valoir qu’il s’agirait-là d’un argument qui ne correspondrait à aucun critère légal et qui ne serait prévu ni par le PAG ni par le PAP QE.
Il conteste pareillement l’argumentation tenant à l’étroitesse de la rue … et ce, en donnant à considérer qu’en 2007, lors de l’établissement du PAP « … », « accompagné de l’affectation de l’ancien chemin rural en « rue … » », il aurait justement cédé une partie du terrain référencé sous le numéro cadastral … afin d’élargir la rue conformément aux normes standardisées. A cela s’ajouterait que lors du renouvellement du tapis de la jonction entre la rue … et la …, il aurait marqué son accord avec un arrondissement du coin de cette jonction et ce dans le but de faciliter la fluidité du trafic avec de grandes machines agricoles. Au vu de ces considérations, il est d’avis que le recul exagéré réclamé ne pourrait jamais augmenter la visibilité affirmée par les responsables communaux.
Le demandeur verse ensuite à l’appui de son recours une « simulation avec une construction fictive sur le terrain dont « le coin de cette maison fictive » équivau[drait] au cas le plus défavorable », à savoir aux « marges de recul standard du PAP-QE envisagé », pour soutenir qu’il s’en dégagerait que l’alignement litigieux ne saurait être justifié par des considérations tenant à la visibilité sur la voirie.
Il conteste encore que le recul imposé permettrait d’une quelconque manière, tel que suggéré, d’augmenter la qualité spatiale d’une future construction par le biais d’une limitation visuelle du voisinage tout en permettant une vue dégagée. Selon lui, le décalage serait pris ad absurdum puisque la façade principale de la nouvelle construction se décalerait uniquement du numéro …, …, vers l’annexe de la maison sise au numéro …, rue ….
Dans son dispositif, il demande à ce que soit nommé, pour autant que de besoin, « un expert judiciaire avec la mission d’analyser et de confirmer dans un rapport écrit et motivé [s]es développements » faits ci-avant pour contester la motivation donnée dans le « complément technique de la décision du conseil communal ».
Le demandeur invoque ensuite une violation du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu du plan d’aménagement particulier « quartier existant » et du plan d’aménagement particulier « nouveau quartier », ci-après désigné par « le règlement grand-ducal PAP du 8 mars 2017 », en soutenant que le PAP QE litigieux, en ce qu’il prévoirait des règles spécifiques « sur mesure » le concernant lui seul, contreviendrait manifestement à l’article 1er dudit règlement grand-ducal.
A cela s’ajouterait que la légende, telle que figurant sur le PAP QE, ne serait pas conforme à la légende-type du PAP telle qu’elle résulterait de l’annexe I du règlement grand-ducal PAP du 8 mars 2017 en ce que le trait crénelé bleu ne serait prévu nulle part par le texte. Si l’article 5 du règlement grand-ducal en question permettait de compléter la légende-type de l’annexe I, il n’en resterait pas moins que cette possibilité serait limitée aux « éléments complémentaires éventuellement nécessaires qu’une commune juge indiqué d’ajouter à la légende-type de l’annexe I » et conditionnée par le fait que lesdits éléments ne compromettent pas la cohérence générale.
Or, il est d’avis qu’en présence d’un alignement « sur mesure », imposé à lui seul, cette cohérence générale serait compromise.
Au vu de toutes les considérations qui précèdent, les décisions litigieuses seraient à annuler.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur conteste que sa parcelle serait la seule à présenter des spécificités qui auraient rendu nécessaire la fixation de l’alignement critiqué, tout en se référant à au moins trois terrains situés dans le voisinage direct de sa parcelle dont la situation serait identique sinon similaire à la sienne. Il s’agirait de terrains marqués en couleur jaune dans l’extrait du PAP QE de la localité de ….
Il maintient, ensuite, ses contestations en relation avec une prétendue gêne en termes d’ensoleillement et de vues qui serait créée à moins de lui imposer l’alignement critiqué.
Il continue en réfutant qu’il puisse être affirmé que l’alignement en cause serait justifié pour des raisons d’harmonie, tout en insistant sur le fait que suivant la partie graphique du PAG son terrain ferait partie du « secteur protégé de type « environnement construit » » et que suivant la partie graphique du PAP QE il ferait partie du quartier spécifique « environnement construit », tandis que les constructions invoquées à titre de comparaison par la commune ne feraient pas partie dudit secteur, respectivement quartier. Il ajoute qu’il serait évident que « pour apprécier la question d’harmonie », il faudrait avant tout comparer des terrains situés dans un secteur ou quartier de même type. Or, les maisons situées aux numéros …, … et …, …, lesquelles se situeraient elles-aussi dans un secteur, respectivement un quartier « environnement construit », ne comporteraient aucun, sinon un très faible recul par rapport à cette rue.
Selon le demandeur une future construction à ériger sur son terrain devrait dès lors s’intégrer dans « l’environnement construit », tel que défini par le PAG, lequel environnement serait justement composé par les constructions existantes dans le voisinage direct dudit terrain, dont notamment les maisons sises aux numéros …, … et …, …. Comme la partie écrite du PAP prévoirait des « règles particulières » à respecter dans le quartier spécifique « environnement construit », ces règles s’appliqueraient dès lors à son terrain, ainsi que notamment aux maisons sises aux numéros …, … et …, …, mais non pas aux maisons ne faisant pas partie d’un secteur, respectivement quartier « environnement construit ».
Il ajoute que, dans la mesure où une analyse de la partie écrite du PAP QE démontrerait que le but recherché serait justement celui de conférer une harmonie et uniformité aux constructions existantes ou à ériger dans le quartier « environnement construit », il ne serait absolument pas clair pour quelle raison la question de l’alignement d’une future construction sur son propre terrain ne devrait pas être déterminée en fonction des règles inscrites au niveau du PAP QE pour le quartier spécifique « environnement construit », respectivement pour quelle raison cette future construction devrait être alignée par rapport à un groupe de constructions ne faisant pas partie du secteur « environnement construit ». Il estime plus particulièrement que la future construction sur son terrain devrait pouvoir être construite de la même manière que celle se situant au numéro … de la … qui constituerait une maison d’angle et qui se trouverait juste en face de son terrain sans présenter aucun recul ni par rapport à la … ni par rapport à la rue …. Comme son terrain ferait également le coin entre les mêmes rues, il est d’avis qu’il se trouverait dans la même situation que la maison sise au numéro …, ….
Il insiste encore sur le fait qu’il ne faudrait pas perdre de vue que son terrain, tout comme ceux accueillant les maisons sises aux numéros …, … et …, … feraient partie du quartier villageois « QE-ViLL II », tandis que les autres constructions sises au nord-ouest et invoquées à titre comparatif par la commune feraient partie du « quartier résidentiel « QE-Res » ». Il estime dès lors qu’il aurait appartenu à la commune de soumettre son terrain « aux mêmes règles que celles des autres constructions ou terrains dans le quartier villageois ».
Le demandeur conteste ensuite, sur base de photographies reproduites dans son mémoire en réplique, l’existence d’une quelconque harmonie dans la … et notamment au niveau des maisons sises aux numéros …, …, … et … de celle-ci, de même qu’il réfute qu’il puisse être affirmé que l’implantation de constructions futures sur les alignements de façades existantes serait nécessaire pour conserver au centre de la localité de … un aspect contigu et dense. Au contraire, il devrait être constaté que l’alignement lui imposé constituerait une entrave inutile ne permettant pas d’atteindre le résultat affirmé.
Il continue en insistant sur le fait que les « alignements marqués d’un trait crénelé bleu » prévus à l’article 24 du PAP QE ne se concevraient pas en l’absence d’une construction existante et que son terrain ne serait justement pas construit. Il existerait d’ailleurs une contradiction manifeste entre la partie écrite du PAG qui prévoirait en son article 12.2 que les « éléments protégés d’intérêt communal » suppose[raient] nécessairement l’existence d’« éléments construits » » et la partie écrite du PAP QE, dont il se dégagerait de l’article 24 que l’alignement pourrait être prévu pour un terrain non construit.
Pour le surplus, le demandeur maintient en substance ses développements antérieurs.
La commune et la partie étatique concluent, quant à elles, au rejet du moyen sous analyse pris en ses différentes branches.
Analyse du tribunal Il se dégage de la partie graphique du PAG que la parcelle litigieuse est classée au niveau de celui-ci intégralement en zone [HAB-1], superposée partiellement d’un classement en « secteur protégé de type « environnement construit » », ainsi qu’en « secteur protégé de type « vestiges archéologiques – zone orange » ».
Au niveau du PAP QE, la parcelle litigieuse est classée, suivant la partie graphique, dans le quartier villageois « QE-ViLL » et partiellement dans le quartier spécifique « environnement construit ».
A cela s’ajoute qu’au niveau du PAP QE, un « alignement à respecter » a également été inscrit sur la parcelle en cause en tant qu’« élément protégé d’intérêt communal », lequel y est indiqué par un trait crénelé bleu.
Ledit alignement est réglementé à travers l’article 24 de la partie écrite du PAP QE qui fait partie du chapitre 4 de celui-ci, intitulé « Règles particulières relatives aux éléments protégés d’intérêt communal ».
L’article 24 de la partie écrite du PAP QE, intitulé « Alignements à respecter », est libellé comme suit :
« Les alignements marqués d'un trait crénelé bleu sur la partie graphique du « PAP QE » sont à respecter et priment sur toutes les autres prescriptions relatives aux marges de reculs, notamment les règles applicables par quartier.
Afin de garantir l’assainissement énergétique des constructions existantes une dérogation concernant l'alignement obligatoire, de cinquante centimètres (0,50 m) maximum, peut être accordée. Tout dépassement sur le domaine public est interdit.
La limite arrière de la profondeur de construction et de la bande de construction est mesurée à partir des alignements obligatoires.
L'alignement doit être respecté pour les constructions principales lors de rénovations, transformations, reconstructions ou constructions nouvelles. Les dépendances peuvent dépasser l'alignement à respecter. ».
L’ensemble de l’argumentaire du demandeur vise à critiquer l’inscription sur sa parcelle à travers le PAP QE d’un « alignement à respecter » en ce que celui-ci ne serait pas conforme aux objectifs de l’article 2 de la loi du … juillet 2004, ni à l’article 29 de la même loi, ce d’autant plus sur la toile de fond que sa parcelle serait la seule à s’être vue imposer le respect d’un tel alignement.
Le tribunal se doit à cet égard tout d’abord de relever que l’article 29 (1) de la loi du … juillet 2004, relatif au contenu d’un PAP QE, prévoit que « Le plan d’aménagement particulier « quartier existant » fixe les prescriptions urbanistiques servant à garantir l’intégration des constructions et aménagements dans les zones urbanisées ».
Dans le même ordre d’idées, le règlement grand-ducal PAP du 8 mars 2017 précise en son article 1er, relatif au contenu d’un PAP QE, que « […] L’élaboration d’une partie graphique est obligatoire pour tous les cas de figure où une partie écrite n’est pas suffisante pour préciser le mode et définir le degré d’utilisation du sol en tenant compte des caractéristiques essentielles du tissu urbain existant du quartier. […] ».
Le tribunal en déduit que conformément à la finalité du PAP QE de garantir l’intégration des constructions et aménagements dans les zones urbanisées, la précision du mode et la définition du degré d’utilisation du sol à travers un PAP QE doivent, en principe, se faire en tenant compte des caractéristiques essentielles du tissu urbain existant du quartier.
Dans ce contexte, le tribunal retient, à défaut de définition légale ou réglementaire, que la notion de « caractéristiques essentielles du tissu urbain existant du quartier » renvoie à des caractéristiques que partagent l’ensemble ou, du moins, la majorité des constructions formant, ensemble avec la voirie et les autres espaces, le tissu urbain du quartier concerné.
Dès lors, afin d’apprécier si la prescription litigieuse est, en l’espèce, justifiée par des considérations urbanistiques d’intérêt général, il convient de placer la parcelle en cause dans le contexte du tissu urbain environnant.
Or, contrairement à ce que fait plaider le demandeur, aucun reproche ne saurait être fait aux autorités communales et de tutelle pour avoir placé la parcelle du demandeur dans le contexte, d’une part, des quatre bâtiments sis sur les parcelles situées au nord-ouest de celle-
ci, visées par le PAP QE « quartier résidentiel », et, d’autre part, dans celui des constructions sises sur les parcelles situées au sud-est de la sienne, visées comme celle-ci par le PAP QE « quartier villageois « QE ViLL » » et le quartier spécifique « environnement construit » - dont fait notamment partie la parcelle sise au numéro …, … -, lesquelles sont superposées, tout comme la parcelle du demandeur, au niveau du PAG d’un classement en secteur protégé de type « environnement construit ».
En effet, il se dégage tout d’abord des parties graphiques du PAG et du PAP que la parcelle litigieuse se situe entre la parcelle construite référencée sous le numéro cadastral …, sise au numéro …, …, située au nord-ouest, et la parcelle construite référencée sous le numéro cadastral …, sise au numéro …, …, située au sud-est. La parcelle du demandeur et celle sise au numéro …, … sont, par ailleurs, séparées par la rue …, étant encore relevé que le bâtiment se trouvant sur cette dernière parcelle est classé au niveau du PAG et du PAP QE comme « gabarit protégé au niveau communal » et implanté, sans reculs latéral ni antérieur, au croisement de la … et de la rue ….
Il se dégage ensuite des pièces versées en cause par le demandeur lui-même que les constructions situées sur les parcelles directement adjacentes à sa propre parcelle, sises au nord-
ouest de celle-ci, et classées au niveau du PAP dans le quartier résidentiel « QE-Res », présentent, par rapport à la voie publique, les reculs antérieurs suivants :
-
…, … : environ 14 mètres, -
…, … : environ 12,5 mètres, -
…, … : environ 12 mètres, -
…, … : environ 11 mètres.
Il apparaît à l’analyse des parties graphiques du PAG et du PAP qu’encore que leurs reculs antérieurs varient, il n’en reste pas moins que les bâtiments en question présentent une implantation harmonieuse par rapport à la voie publique.
Il ne saurait dès lors être reproché aux autorités communales et de tutelle de ne pas avoir tenu compte du tissu urbain existant en inscrivant, sur la parcelle litigieuse, un « alignement à respecter », alors qu’il se dégage de la partie graphique du PAP QE que celui-ci tient, au contraire, compte de l’implantation des quatre constructions existantes environnantes sises au nord-ouest de la parcelle du demandeur et vise à assurer par rapport à celles-ci une implantation cohérente et harmonieuse d’une future construction sur la parcelle en cause qui est, en effet, le seul terrain encore non construit entre la parcelle sise au numéro … et celle sise au numéro …, ….
Comme le tribunal vient de retenir ci-avant qu’aucun reproche ne saurait être fait aux autorités communales et de tutelle pour avoir placé la parcelle du demandeur dans le contexte des bâtiments sis au nord-ouest de celle-ci, c’est encore en vain que le demandeur se prévaut du fait que sa parcelle est classée au niveau du PAP non pas dans le quartier résidentiel, à l’instar des constructions sises aux numéros …, …, … et …, …, mais dans le quartier villageois pour lequel l’article 2.1.1. du PAP QE prévoit un « recul avant des constructions principales hors-sol […] de minimum un mètre (1,00 m) », pour demander l’application, sur sa parcelle, d’un tel recul.
En effet, tel que relevé ci-avant, l’application d’un recul antérieur de minimum 1 mètre à la parcelle du demandeur aboutirait nécessairement à une implantation disharmonieuse par rapport aux bâtiments situés au nord-ouest de celle-ci.
Ensuite, il se dégage des explications de la commune que l’application d’un recul antérieur de minimum 1 mètre, tel que préconisé par le demandeur, ne permettrait pas non plus, contrairement à ce qui est le cas de l’alignement litigieux, de tenir compte de l’implantation du bâtiment existant sis au numéro …, … qui fait le coin entre cette rue et la rue …. Il y a, à cet égard, lieu de relever que comme l’alignement litigieux se situe au niveau de la façade postérieure du bâtiment existant, il permet, en effet, de garantir que la façade antérieure de toute nouvelle construction sur la parcelle du demandeur sera à hauteur de la façade postérieure dudit bâtiment existant, de sorte que ce faisant, l’alignement en question doit être considéré comme assurant aussi bien au bâtiment d’ores et déjà existant, sis au numéro …, …, qu’à toute nouvelle construction sur la parcelle du demandeur, non seulement un ensoleillement suffisant, mais également des vues dégagées puisqu’il n’est pas contesté que toutes les fenêtres de la maison sise au numéro …, …, qui se trouve au croisement avec la rue …, donnent précisément sur cette rue. Or, tel ne serait pas le cas si seul un recul minium de 1 mètre était à respecter par une construction future sur le terrain du demandeur.
Le constat qui précède n’est pas énervé par les contestations du demandeur suivant lesquelles il serait faux d’affirmer que l’alignement litigieux permettrait d’assurer un ensoleillement suffisant, ainsi que des vues dégagées non seulement au bâtiment existant sis au numéro …, …, mais également à toute future construction sur sa propre parcelle, le demandeur se basant, dans ce contexte, sur la simulation d’une construction théorique. En effet, indépendamment de la valeur juridique des pièces versées en cause dont le demandeur admet être lui-même l’auteur, le tribunal relève que les calculs ayant servi à ladite simulation sont fondés sur des prémisses erronées. Ainsi, il est indiqué dans le document intitulé « Conditions de lumière du jour et d’ombrage » sous la rubrique « Caractéristiques de la situation projetée » qu’ont été pris en considération pour procéder à la projection, un recul latéral de 3 mètres, un recul antérieur de 6 mètres et un recul postérieur de 10 mètres, étant relevé que ces mêmes reculs ont été pris en compte dans le document intitulé « La visibilité de la rue … ». Or, étant donné que suivant l’article 2 de la partie écrite du PAP QE, le recul antérieur prévu pour le quartier villageois « QE-ViLL » s’élève à 1 mètre minimum, sauf pour une entrée de « garage intégré dans le gabarit de la construction principale », auquel cas le recul antérieur peut s’élever à 6 mètres minimum, tandis que le recul postérieur s’élève à 7 mètres minimum, le tribunal se doit de rejoindre la commune dans son constat que les dimensions de la construction théorique, telle qu’utilisée pour la simulation du demandeur, ne correspondent pas à la situation réglementaire applicable à la parcelle litigieuse, étant encore relevé que les hauteurs de la corniche et du faîtage telles que projetées, correspondant suivant les simulations à 5,75 mètres, respectivement à 8,75 mètres, voire à 8,50 mètres dans le document intitulé « Visibilité de la rue … », sont très inférieures aux hauteurs maximales applicables suivant l’article 2 de la partie écrite du PAP QE dans le quartier villageois, à savoir un maximum de 7 mètres pour la corniche et de … mètres pour le faîtage.
Il se dégage, de l’autre côté, des conclusions dégagées de l’étude d’ombrage effectuée à la demande de la commune par le bureau d’ingénieurs-conseils Luxplan, que ledit bureau d’études confirme « le commentaire technique et considère que l’alignement à respecter permet de :
-
prendre en compte l’ensoleillement de la parcelle … en fonction des constructions existantes voisines, notamment dans le recul avant, -
protéger la future construction, ainsi que la construction existante à l’angle de la rue …, des vis-à-vis mutuels. », tout en précisant qu’« [a]vec l’alignement à respecter, l’apport en lumière naturelle, surtout les mois d’hiver où la luminosité est déjà réduite, pourra être garanti pour la future construction sur la parcelle … », étant relevé qu’il a été précisé dans l’étude en question qu’« afin de pouvoir réaliser une étude d’ombrage qui repose sur des conditions urbanistiques réelles et projetées, le bureau a élaboré un gabarit maximal théorique pour la future construction de la parcelle selon les prescriptions dimensionnelles maximales permises par le PAP-QE en vigueur », que « [c]e gabarit a été défini afin de modéliser exactement l’emplacement de la future construction par rapport aux limites de parcelle et de pouvoir visualiser les impacts de l’ombre portée des bâtiments voisins sur celle-ci, et réciproquement », qu’ensuite « le gabarit modélisé a été ajouté à la base de données nationale de bâtiments 3D (BD-L-BATI3D de 2020) » et que « [l]’ensoleillement du secteur sur lequel se trouve la parcelle de M. … a été proposé grâce aux outils éclairage et ombre du logiciel ArcGIS Pro selon des dates et heures définies, et en relation avec le fuseau horaire », avec la précision que « [l]es dates et heures choisies sont similaires à celles de l’étude de Me Luntgen, mais la date du solstice d’hiver a été ajoutée, complétant et illustrant au mieux le propos ».
Au vu de toutes ces considérations, aucun reproche ne saurait être adressé aux autorités communales et de tutelle pour avoir considéré que l’inscription de l’alignement litigieux au niveau du PAP QE permet d’assurer aussi bien au bâtiment d’ores et déjà existant sis au numéro …, …, qu’à toute nouvelle construction sur la parcelle du demandeur, non seulement un ensoleillement suffisant, mais également des vues dégagées.
Si le demandeur se prévaut encore du fait que sa parcelle a été qualifiée dans le cadre de la SUP de « Baulücke », il admet lui-même que la construction à ériger dans cette « Baulücke » devrait s’intégrer de manière harmonieuse dans l’ensemble des parcelles bâties existantes, exigence dont l’inscription d’un alignement à respecter permet justement, tel que relevé ci-avant, d’en garantir le respect.
C’est encore en vain qu’il invoque une réponse de la commune du … mars 2018 à une demande de principe d’une autorisation de construire faisant mention d’un recul antérieur de 6 mètres à respecter par rapport à la voirie publique puisque ledit courrier se réfère de manière non contestée à un article de l’ancien règlement sur les bâtisses ayant fait office de partie écrite du PAG, applicable à l’époque. En effet, si un administré peut, à raison, se prévaloir d’un droit acquis en matière de permis de construire, dans ce sens qu’en cas de changement de la réglementation urbanistique, ce changement ne saurait remettre en cause la pérennité matérielle des immeubles, constructions et aménagements ayant existé sous l’ancienne réglementation, il ne bénéficie, en revanche, pas du droit d’effectuer de nouvelles constructions ou de nouveaux aménagements conformément à l’ancienne réglementation, l’administration devant prendre sa décision, en ce qui concerne de telles nouvelles constructions ou de nouveaux aménagements, en tenant compte de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle elle est amenée à se prononcer8. Ainsi, en l’absence de PAP définitivement adopté et approuvé et de permis de bâtir obtenu, le propriétaire de terrains ne dispose pas d’un droit acquis à la constructibilité de ce que l’ancienne réglementation communale d’urbanisme lui aurait permis de faire9.
Au vu des considérations qui précèdent et dans la mesure où, tel que relevé ci-avant, l’article 2 de la loi du … juillet 2004 impose aux communes de garantir le respect de l’intérêt général en assurant à la population de la commune des conditions de vie optimales par une mise en valeur harmonieuse et un développement durable de toutes les parties, le choix d’inscrire sur la parcelle du demandeur l’alignement litigieux en tant qu’élément protégé d’intérêt communal est justifié à suffisance par le souci de garantir qu’une future construction sur la parcelle litigieuse s’intègre de manière harmonieuse et cohérente par rapport à l’implantation des parcelles avoisinantes des deux côtés. En tant que tel, ce même choix n’emporte aucune critique pour n’être ni disproportionné par rapport au but recherché ni relever de l’arbitraire, mais il doit, au contraire, être considéré comme s’inscrivant plus particulièrement dans les objectifs d’un développement harmonieux des structures urbaines permettant à la fois d’améliorer la qualité de vie de la population et la qualité urbanistique de la localité.
Sur base des mêmes considérations, il doit être admis que l’alignement litigieux est également conforme à l’article 29 (1) de la loi du … juillet 2004 en ce qu’il constitue bien une prescription urbanistique « servant à garantir l’intégration des constructions et aménagement dans les zones urbanisées », et qu’il a été tenu compte, lors de son inscription, des « caractéristiques essentielles du tissu urbain » existant aussi bien au nord-ouest qu’au sud-est de la parcelle du demandeur, en application de l’article 1er du règlement grand-ducal PAP du 8 mars 2017, de sorte que le reproche tenant à une violation tant de l’article 29 (1) de la loi du … juillet 2004 que de l’article 1er du règlement grand-ducal PAP du 8 mars 2017 sont à rejeter.
C’est, à cet égard, à tort que le demandeur conteste qu’il puisse être affirmé que sa parcelle présente des spécificités ayant rendu nécessaire la fixation de l’alignement litigieux en mettant en 8 Cour adm., 11 janvier 2011, n° 27178C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 231 (1er volet) et les autres références y citées.
9 Trib. adm., 10 mars 2011, n° 26783 du rôle c. par Cour adm., 27 octobre 2011, n° 28505C du rôle, Pas adm.
2023, V° Urbanisme, n° 231 (2e volet).
avant « [a]u moins 3 terrains situés dans le voisinage direct » qui présenteraient une situation identique sinon similaire à sa parcelle sans pourtant s’être vues imposer le même alignement, étant relevé qu’aucun de ces terrains ne présente des caractéristiques identiques, voire même similaires à celles du terrain du demandeur qui rendent nécessaire sur ce dernier, d’un point de vue urbanistique, l’inscription d’un alignement à respecter, à savoir plus particulièrement sa localisation à un croisement de rues, à proximité, d’un côté, d’un ensemble de maisons protégées au niveau communal et, adjacent, de l’autre côté, à quatre parcelles accueillant d’ores et déjà des constructions s’implantant de manière harmonieuse par rapport à la voie publique et dont la continuité de cette implantation harmonieuse se trouve garantie par l’inscription de l’alignement litigieux.
C’est encore en vain que le demandeur fait plaider que comme l’article 24 de la partie écrite du PAP QE est inséré dans le chapitre 4, intitulé « Règles particulières relatives aux éléments protégés d’intérêt communal » et que les « éléments protégés d’intérêt communal » supposeraient une construction existante, les « alignements marqués d’un trait crénelé bleu » prévus à l’article 24 de la partie écrite du PAP QE ne se concevraient pas en l’absence d’une telle construction. En effet, il se dégage du dernier alinéa dudit article que, pour ce qui est des « éléments protégés d’intérêt communal », « L’alignement doit être respecté pour les constructions principales lors de rénovations, de transformations, reconstructions ou constructions nouvelles. […] », de sorte à s’appliquer également aux constructions nouvelles. A cela s’ajoute que dans la mesure où parmi les « éléments protégés d’intérêt communal » visés au chapitre 4 se trouvent, outre les « Bâtiments protégés », le « Petit patrimoine protégé » et les « Gabarits protégés », les « Alignements à respecter », éléments qui sont, par ailleurs, également renseignés dans la légende de la partie graphique du PAP QE, la notion d’« élément » ne saurait être réduite à un élément construit, tel que le préconise le demandeur, l’autorité communale expliquant, à cet égard, de manière plausible qu’elle a entendu utiliser le terme en question dans le sens d’une « partie d’ensemble ».
C’est également à tort que le demandeur soutient que comme l’article 12.2. du PAG, intitulé « Eléments protégés d’intérêt communal » supposerait nécessairement l’existence d’une construction, il y aurait une contradiction avec l’article 24 de la partie écrite du PAP QE « duquel on pourrait déduire que l’alignement prévu pourra être prévu pour un terrain non construit ». En effet, la parcelle non construite du demandeur s’est vue superposée au niveau du PAG d’un classement en secteur protégé de type « environnement construit », réglementé à l’article 12.1. de la partie écrite du PAG intitulé « Secteur protégé de type « environnement construit » », et non pas d’un classement en tant qu’élément protégé d’intérêt communal, réglementé à l’article 12.2.
de la partie écrite du PAG qui vise les « Bâtiments et Petit Patrimoine protégés » et les « Gabarits protégés ». Or, le classement au niveau du PAG en « secteur protégé de type « environnement construit » » a été opéré en tenant compte du fait que la parcelle du demandeur se situe de manière non contestée sur une partie du territoire communal qui comprend d’ores et déjà des immeubles faisant l’objet d’une protection au niveau communal, à savoir ceux situés au sud-est de la parcelle en cause et ce, pour ainsi garantir qu’une future construction sur le terrain litigieux s’intègre d’un point de vue esthétique par rapport à ces autres constructions.
Pour ce qui est des développements du demandeur visant apparemment à dénier aux constructions situées au sud-est de sa parcelle les critères nécessaires pour justifier leur classement au niveau du PAG en tant que bâtiment, respectivement gabarits protégés au niveau communal, c’est à bon droit que la commune soulève que lesdits classements ne sauraient être remis en cause dans le cadre du présent recours, étant encore relevé que le complément technique ne fait de toute façon référence qu’à l’implantation desdites constructions qui serait « très caractéristique pour ce type de quartier » et dont il faudrait, en conséquence tenir compte dans le cadre de l’inscription de l’alignement à respecter.
En ce qui concerne, enfin, la violation alléguée de la légende-type figurant en annexe du règlement grand-ducal PAP du 8 mars 2017, faute pour ladite annexe de prévoir un trait crénelé bleu, il y a lieu de relever que conformément à l’article 5 dudit règlement grand-ducal aux termes duquel : « La légende-type de l’annexe I peut être complétée. Les éléments complémentaires éventuellement nécessaires qu’une commune juge indiqué d’ajouter à la légende-type de l’annexe I ne doivent pas en compromettre la cohérence générale. », le pouvoir réglementaire a expressément prévu que la légende-type de l’annexe I dont les indications sont à respecter par la partie graphique du PAP peut être complétée. Il y a, à cet égard, lieu de relever que la légende-
type en question a été établie en fonction des exigences de l’article 2 du règlement grand-ducal PAP du 8 mars 2017 qui fixe le contenu du plan d’aménagement particulier « nouveau quartier », tandis que, tel que relevé ci-dessus, en vertu de l’article 1er du même règlement grand-ducal, les PAP QE ne doivent comporter une partie graphique que lorsque « une partie écrite n’est pas suffisante pour préciser le mode et définir le degré d’utilisation du sol en tenant compte des caractéristiques essentielles du tissu urbain existant du quartier ». Or, en l’espèce, aucun reproche ne saurait être adressé à la commune pour avoir considéré que l’indication des éléments protégés d’intérêt communal ne pouvait pas résulter avec la précision nécessaire de la seule partie écrite du PAP QE, de sorte à avoir élaboré une partie graphique dont elle a complété la légende en y ajoutant des indications ayant trait aux « Eléments protégés d’intérêt communal », parmi lesquels figure un « alignement à respecter », représenté par un trait crénelé bleu. Le tribunal rejoint, dans ce contexte, la commune dans son constat suivant lequel le passage de l’article 5 du règlement grand-
ducal PAP du 8 mars 2017 imposant que les éléments complémentaires qu’une commune estime nécessaire d’ajouter à la légende-type de l’annexe I « ne doivent pas en compromettre la cohérence générale » doit se lire en ce sens que la cohérence qui ne doit pas être compromise est celle de la légende-type et non pas celle des PAP QE. Or, en l’espèce, il doit être admis que les compléments ajoutés par la commune à la légende-type en ce qu’ils renseignent clairement les divers éléments protégés d’intérêt communal ne prêtent pas à confusion. L’argumentation afférente tombe dès lors également à faux.
Au vu de toutes les considérations qui précèdent le moyen tenant à une violation par les décisions déférées des articles 2 et 29 de la loi du … juillet 2004 est à rejeter pour ne pas être fondé.
Si le demandeur sollicite encore à ce qu’il soit procédé à une visite des lieux afin que le tribunal puisse vérifier ses arguments visant à critiquer le choix opéré par les autorités communale et de tutelle, cette demande est à rejeter pour ne pas être nécessaire à la solution du présent litige, dans la mesure où le tribunal a retenu ci-avant que le choix des autorités compétentes d’inscrire sur la parcelle du demandeur l’alignement litigieux en tant qu’élément protégé d’intérêt communal au niveau du PAP QE est déjà motivé à suffisance par des considérations tenant à un développement harmonieux des structures urbaines permettant à la fois d’améliorer la qualité de vie de la population et la qualité urbanistique de la localité. Le même sort est à réserver à la demande formulée « pour autant que de besoin » dans le dispositif de la requête introductive d’instance visant à nommer « un expert judiciaire avec la mission d’analyser et de confirmer dans un rapport écrit et motivé les développements du requérant contenus au point IV. 2.3. [du recours], sans préjudice quant à toute autre mission à définir par le Tribunal ».
(iii) Quant au moyen tiré d’une atteinte au droit de propriété, ensemble une violation, par les décisions litigieuses, de l’article 16 de la Constitution, sinon de l’article 1er du premier Protocole Arguments des parties A l’appui de ce moyen, le demandeur fait valoir que dans la mesure où l’alignement litigieux l’obligerait à respecter pour toute future construction sur son terrain une distance de 16,20 mètres mesurée à partir de la …, la « zone non constructible » représenterait environ 36% de la surface totale de sa parcelle. Or, une telle situation ne donnerait aucun sens d’un point de vue urbanistique compte tenu du fait que le terrain en question se trouverait en zone d’habitation, en plein centre du village et qu’il constituerait une « Baulücke ». Au vu de la charge lui imposée à travers l’inscription de l’alignement litigieux, la commune aurait de facto classé la zone située du côté de la … en zone non constructible, ce qui serait constitutif d’une violation de l’article 16 de la Constitution, dans sa version applicable en l’espèce, ainsi que de l’article 1er du premier Protocole puisque, du fait de ne pas pouvoir construire un immeuble sur son terrain, ni vendre ce dernier à un prix correct, il serait privé des aspects essentiels de son droit de propriété.
Comme il s’agirait d’une atteinte disproportionnée à son droit de propriété, il y aurait manifestement atteinte au principe de proportionnalité tel que dégagé par la Cour administrative dans un arrêt du 6 mai 2021, inscrit sous le numéro 44683C du rôle.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur maintient le moyen sous analyse en insistant sur le fait que les servitudes urbanistiques lui imposées ne répondraient à aucun but d’utilité publique ou d’intérêt général, mais qu’elles auraient pour seule finalité de l’empêcher de bénéficier des prérogatives essentielles découlant du droit de propriété.
La commune et la partie étatique concluent, quant à elles, au rejet de ce moyen pour ne pas être fondé.
Analyse du tribunal L’article 16 de la Constitution, dans sa version applicable en l’espèce, dispose que :
« Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et moyennant juste indemnité, dans les cas et de manière établis par la loi. ».
Aux termes de l’article 1er du premier Protocole intitulé : « Protection de la propriété » « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. ».
L’article 16 de la Constitution concerne l’expropriation, tandis que l’article 1er du premier Protocole prévoit deux types de limites au droit de propriété, à savoir, en son alinéa 1er, l’expropriation et, en son alinéa 2, la réglementation de l’usage des biens.
Il convient, en l’espèce, en premier lieu, de constater qu’aucun transfert de propriété de la parcelle litigieuse n’a été décidé ou ne s’est opéré, de sorte qu’en principe, aucune expropriation au sens des articles 16 de la Constitution et 1er, alinéa 1er du premier Protocole ne peut être constatée.
Ensuite et en ce qui concerne la prétendue violation du droit de propriété tel que consacré à travers les articles 16 de la Constitution et 1er du premier Protocole, il y a lieu de se référer à l’arrêt rendu par la Cour constitutionnelle en date du 4 octobre 201310, par lequel celle-
ci, tout en consacrant le principe de la mutabilité des plans d’aménagement général et en soulignant que le juge administratif n’était pas autorisé à sanctionner un reclassement d’un terrain précédemment classé en zone constructible en zone non constructible, mais que les propriétaires concernés pouvaient se pourvoir, le cas échéant, devant le juge judiciaire en vue de l’allocation d’une indemnité éventuelle, a déclaré contraires à l’article 16 de la Constitution les dispositions de la loi du … juillet 2004 posant en principe que les servitudes résultant d’un PAG n’ouvrent droit à aucune indemnité et prévoyant des exceptions à ce principe qui ne couvrent pas toutes les hypothèses dans lesquelles la privation de la jouissance du terrain frappé par une telle servitude est hors de proportion avec l’utilité publique.
Dans le même arrêt, la Cour constitutionnelle a réaffirmé la considération qu’elle avait retenue dans son arrêt du 26 septembre 200811, selon laquelle un changement dans les attributs de la propriété, qui est à tel point substantiel qu’il prive celle-ci d’un de ses aspects essentiels, peut constituer une expropriation.
Dans ledit arrêt la Cour constitutionnelle n’a ainsi pas retenu que, de manière générale, toute servitude d’urbanisme constituait une expropriation, mais elle a, en revanche, retenu de manière nuancée que seul un changement dans les attributs de la propriété à tel point substantiel qu’il prive celle-ci d’un de ses aspects essentiels peut constituer une expropriation.
En l’espèce, si certes l’inscription de l’alignement litigieux sur la parcelle en cause limite d’une certaine manière l’usage de la propriété du demandeur, celui-ci reste toutefois en défaut de démontrer que ladite inscription entrave dans son cas les attributs du droit de propriété d’une manière telle que la limitation opérée puisse être qualifiée d’équivalente à une expropriation.
Ce constat s’impose d’autant plus que contrairement à ce qu’affirme le demandeur, l’alignement à respecter n’empêche pas une urbanisation de ladite parcelle, laquelle reste constructible, étant, en effet, relevé qu’il se dégage de l’article 2 de la partie écrite du PAP QE, applicable au quartier villageois « QE-ViLL », que la parcelle du demandeur pourra accueillir une construction d’une profondeur maximale de 16 mètres pour le niveau rez-de-chaussée et de 12 mètres pour les niveaux supérieurs. Or, comme il n’est pas contesté que la parcelle litigieuse a une profondeur d’environ 47 mètres, l’alignement à respecter de 16,20 mètres et le recul postérieur minimal de 7 mètres ne sont pas de nature à empêcher la réalisation d’une construction de la profondeur maximale admissible dans le secteur en question. A cela s’ajoute, comme la commune le relève d’ailleurs à juste titre, que toutes les constructions à ériger sur des terrains classés en une zone soumise à un PAP QE doivent, en principe, respecter un certain nombre de prescriptions, notamment en termes de reculs.
Au vu de ces considérations, l’inscription de l’alignement litigieux sur la parcelle du demandeur n’est dès lors pas à considérer comme expropriation et ne tombe par conséquent 10 Cour constitutionnelle, arrêt du 4 octobre 2013, inscrit sous le numéro 00101 du registre.
11 Cour constitutionnelle, arrêt du 26 septembre 2008, inscrit sous le numéro 00046 du registre.
pas dans le champ d’application de l’article 16 de la Constitution, ni dans celui de l’article 1er, alinéa 1er, du premier Protocole.
Toutefois, dans la mesure où, tel que relevé ci-avant, ledit alignement à respecter implique une certaine limitation de l’usage que le demandeur peut faire de la parcelle litigieuse, il y a lieu d’analyser si cette limitation est conforme aux exigences de l’alinéa 2 de l’article 1er du premier Protocole tel qu’interprété par la Cour européenne des droits de l’Homme, ci-après désignée par « la CourEDH ».
Il ressort du libellé même de l’article 1er, alinéa 2 du premier Protocole qu’une restriction de l’usage de la propriété doit être prévue par la loi. Il se dégage à cet égard de la jurisprudence constante de la CourEDH, que la « loi », au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ne vise pas une loi au sens formel du terme, mais englobe le droit écrit et le droit non écrit et qu’une ingérence est « prévue par la loi », si elle a une base en droit interne. Il faut encore que la « loi » soit suffisamment accessible : le citoyen doit pouvoir disposer de renseignements suffisants, dans les circonstances de la cause, sur les normes juridiques applicables à un cas donné. En second lieu, ne peut être considérée comme « loi » qu’une norme énoncée avec assez de précision pour permettre au citoyen de régler sa conduite. En s’entourant au besoin de conseils éclairés, il doit être à même de prévoir, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences de nature à dériver d’un acte déterminé12.
En l’espèce, les affectations portées au droit de propriété sont à considérer comme étant prévues par la « loi », au sens de la jurisprudence de la CourEDH. En effet, l’inscription de l’alignement à respecter est prévu au niveau du PAP QE lequel constitue un acte à caractère normatif adopté conformément au cadre juridique tracé, notamment, par la Constitution et par la loi du … juillet 2004. L’ingérence dans le droit de propriété dispose donc bien d’une base en droit interne. Par ailleurs, la disposition normative qui prévoit les restrictions litigieuses au droit de propriété est suffisamment accessible, compte tenu, d’une part, de la publication au Mémorial de l’ensemble des textes normatifs sur base desquels le PAG a été élaboré et, d’autre part, du fait qu’en vertu de l’article 82 de la loi communale modifiée du … décembre 1988, le texte des règlements du conseil communal ou du collège échevinal, tels que le PAG « […] est à la disposition du public, à la maison communale, où il peut en être pris copie sans déplacement, le cas échéant contre remboursement […] ». Quant au critère de précision, force est au tribunal de constater que le libellé de l’article 24 de la partie écrite du PAP QE, ensemble le chapitre 4, intitulé « Règles particulières applicables aux éléments protégés d’intérêt communal », sont sans équivoque en ce qui concerne la raison d’être des « alignements à respecter ». Par ailleurs, une prévisibilité absolue n’est pas requise par la jurisprudence de la CourEDH. Le tribunal déduit de ces considérations que les restrictions litigieuses portées au droit de propriété du demandeur résultent d’une « loi », au sens de disposition normative, suffisamment précise et accessible, conformément aux exigences se dégageant de la jurisprudence de la CourEDH.
Par ailleurs, la condition selon laquelle une réglementation de l’usage des biens doit être conforme à l’intérêt général, telle qu’inscrite à l’alinéa 2 de l’article 1er du premier Protocole, est également remplie en l’espèce, le tribunal venant de conclure, dans le cadre de l’analyse du moyen tenant à une prétendue violation des articles 2 et 29 de la loi du … juillet 2004, que le choix d’inscrire sur la parcelle du demandeur l’alignement litigieux répond à une 12 Voir, entre autres : CourEDH, 2 août 1984, affaire Malone c. Royaume-Uni, Requête n° 8691/79, n° 66.
finalité d’intérêt général, en ce qu’il permet de garantir qu’une future construction sur la parcelle litigieuse s’intègre dans le tissu urbain de manière harmonieuse et cohérente par rapport à l’implantation des parcelles avoisinantes des deux côtés, de sorte à n’emporter aucune critique pour s’inscrire plus particulièrement dans les objectifs d’un développement harmonieux des structures urbaines permettant à la fois d’améliorer la qualité de vie de la population et la qualité urbanistique de la localité.
Enfin et pour être tout à fait complet, il n’apparaît pas non plus dans quelle mesure, en l’espèce, l’ingérence portée à l’usage que le demandeur peut faire de sa propriété, en termes de contraintes découlant de l’obligation de respecter l’alignement litigieux - lequel, tel que relevé ci-avant, n’empêche pas une urbanisation de la parcelle en cause - serait disproportionnée par rapport au but d’intérêt général recherché à travers les décisions déférées, à savoir un développement harmonieux des structures urbaines permettant à la fois d’améliorer la qualité de vie de la population et la qualité urbanistique de la localité. Le reproche afférent est dès lors également à rejeter.
Il n’y a, par conséquent, pas non plus eu de violation des exigences de l’alinéa 2 de l’article 1er du premier Protocole.
Il suit des considérations qui précèdent que le moyen tiré d’une violation des articles 16 de la Constitution et 1er du premier Protocole est à rejeter pour ne pas être fondé.
(iv) Quant au moyen tenant à un excès, sinon un détournement de pouvoir, voire de procédure Arguments des parties A l’appui de ce moyen, le demandeur donne à considérer qu’il ressortirait de l’historique de la présente affaire qu’il entendrait viabiliser depuis de longues années son terrain. Il ajoute que si antérieurement « au projet de PAG de 2015 », son terrain avait été classé au niveau du PAG en zone [HAB-1], la commune aurait par la suite entendu intégrer le premier « tiers » du terrain en zone [JAR] et le reste en zone d’habitation. Or, ce faisant, il aurait l’impression que la commune aurait tout fait pour empêcher qu’il puisse faire un usage normal de son terrain « en exigeant toujours de nouvelles contraintes et en refusant les projets présentés par lui respectivement son architecte ». Il estime, en effet, que « le projet de la commune consistant à classer une partie de son terrain en zone de jardins familiaux (JAR) » serait contraire à toute logique urbanistique et au bon sens, compte tenu du fait que son terrain serait situé dans le vieux quartier du village et que les terrains voisins accueilleraient des constructions. Au vu de ces considérations, il devrait être admis qu’il y aurait manifestement un détournement de pouvoir, sinon un détournement de procédure qui se traduirait par le fait qu’après avoir renoncé à classer son terrain dans la zone [JAR] au niveau du PAG, la commune aurait eu recours à une autre procédure pour « ajouter une obligation d’alignement dans le PAP », donc dans un instrument qui ne pourrait pas faire l’objet d’objections devant le ministre de tutelle. Or, ce détournement de procédure aurait, en l’espèce, eu pour conséquence de rendre l’autorité de tutelle « aveugle » au sort de son terrain. Il ajoute que le détournement de pouvoir consisterait dans le fait pour l’administration d’exercer une compétence dans un but autre que celui pour lequel celle-ci lui a été conférée.
A titre subsidiaire, le demandeur conteste encore une fois la proportionnalité de la mesure prise à son encontre en faisant valoir que l’approbation ministérielle du PAP QE, au-delà d’entériner un détournement de pouvoir, sinon de procédure, constituerait un excès de pouvoir en ce qu’elle serait manifestement disproportionnée.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur maintient ses contestations tout en soulignant que comme son terrain se trouverait classé dans le quartier spécifique « environnement construit » et qu’il existerait « un arsenal de règles applicables, partant un « instrument juridique » commun applicable à ces terrains », « la démarche en rapport avec le trait crénelé bleu » serait purement arbitraire et illégale.
La commune et la partie étatique concluent, quant à elles, au rejet de ce moyen pour ne pas être fondé.
Analyse du tribunal Dans la mesure où le tribunal a conclu ci-avant, dans le cadre de l’analyse du moyen tenant à une prétendue violation des articles 2 et 29 de la loi du … juillet 2004, que le choix des autorités compétentes d’inscrire sur la parcelle du demandeur l’alignement litigieux répond à une finalité d’intérêt général, en ce qu’il permet de garantir qu’une future construction sur la parcelle litigieuse s’intègre dans le tissu urbain de manière harmonieuse et cohérente par rapport à l’implantation des parcelles avoisinantes des deux côtés, de sorte à n’emporter aucune critique pour n’être ni disproportionné par rapport au but recherché ni relever de l’arbitraire pour s’inscrire plus particulièrement dans les objectifs d’un développement harmonieux des structures urbaines permettant à la fois d’améliorer la qualité de vie de la population et la qualité urbanistique de la localité, et que c’est ce même choix qui est critiqué à travers le moyen sous analyse, c’est sur base du même raisonnement et à défaut de s’être vu soumettre des éléments invalidant celui-ci, que le moyen du demandeur visant à reprocher aux autorités communales et de tutelle d’avoir commis un excès de pouvoir, sinon un détournement de pouvoir est à rejeter.
Pour ce qui est d’un prétendu détournement de procédure qui découlerait du fait qu’en ayant renoncé à classer son terrain en zone [JAR] au niveau du PAG pour inscrire sur celui-ci l’alignement litigieux à travers le PAP QE, les autorités communales auraient commis un détournement de procédure ayant eu comme conséquence de rendre l’autorité de tutelle « aveugle » au sort de son terrain, ce reproche est également à rejeter dans la mesure où tout comme en matière de PAG, le ministre de l’Intérieur dispose d’un pouvoir de tutelle d’approbation conformément à l’article 30 de la loi du … juillet 2004 dans le cadre duquel il est appelé à vérifier la conformité du projet d’aménagement particulier avec les dispositions de la loi du … juillet 2004, dont notamment les objectifs énoncés à l’article 2 de ladite loi et ses règlements d’exécution, examen dans lequel il est nécessairement amené à tenir notamment compte de la prise de position communale par rapport aux objections présentées contre ledit projet.
(v) Quant au moyen tenant à une violation du principe d’égalité de traitement Arguments des parties A l’appui de ce moyen, le demandeur insiste sur le fait qu’aucun autre terrain situé sur le territoire de la commune de Fischbach n’aurait été grevé de la charge d’un alignement. Or, le principe constitutionnel d’égalité de traitement consacré par l’article 10 bis de la Constitution, dans sa version applicable en l’espèce, interdirait le traitement de manière différente des situations similaires à moins que la différenciation soit objectivement justifiée, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.
La commune et la partie étatique concluent, quant à elles, au rejet de ce moyen pour ne pas être fondé.
Analyse du tribunal Pour ce qui est des conclusions du demandeur relatives à une prétendue violation du principe constitutionnel d’égalité devant la loi au motif qu’aucun autre terrain situé sur le territoire de la commune de Fischbach ne se serait vu imposer l’alignement litigieux, il y a lieu de préciser que le principe constitutionnel d’égalité devant la loi, tel qu’inscrit à l’article 10 bis de la Constitution, dans sa version applicable en l’espèce, suivant lequel tous les Luxembourgeois sont égaux devant la loi, applicable à tout individu touché par la loi luxembourgeoise si les droits de la personnalité, et par extension les droits extrapatrimoniaux sont concernés, ne s’entend pas dans un sens absolu, mais requiert que tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit soient traités de la même façon. Le principe d’égalité de traitement est compris comme interdisant le traitement de manière différente de situations similaires, à moins que la différenciation soit objectivement justifiée. Il appartient, par conséquent, aux pouvoirs publics, tant au niveau national qu’au niveau communal, de traiter de la même façon tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit. Par ailleurs, lesdits pouvoirs publics peuvent, sans violer le principe d’égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents, à condition que les différences instituées procèdent de disparités objectives, qu’elles soient rationnellement justifiées, adéquates et proportionnées à leur but13.
Dans le cadre de l’analyse du moyen tiré d’une violation de l’article 2 de la loi du … juillet 2004, le tribunal a retenu que c’était « à tort que le demandeur conteste qu’il puisse être affirmé que sa parcelle présente des spécificités ayant rendu nécessaire la fixation de l’alignement litigieux en mettant en avant « [a]u moins 3 terrains situés dans le voisinage direct » qui présenteraient une situation identique sinon similaire à sa parcelle sans pourtant s’être vues imposer le même alignement », et ce, au motif « qu’aucun de ces terrains ne présent[ait] des caractéristiques identiques, voire même similaires à celles du terrain du demandeur qui rendent nécessaire sur ce dernier, d’un point de vue urbanistique, l’inscription d’un alignement à respecter, à savoir plus particulièrement sa localisation à un croisement de rues, à proximité d’un côté, d’un ensemble de maisons protégées au niveau communal et, adjacent, de l’autre côté, à quatre parcelles accueillant d’ores et déjà des constructions s’implantant de manière harmonieuse par rapport à la voie publique et dont la continuité de cette implantation harmonieuse se trouve garantie par l’inscription de l’alignement litigieux. ».
Etant donné que dans le cadre du moyen sous analyse, le tribunal ne s’est pas vu soumettre d’éléments invalidant le raisonnement l’ayant amené à retenir que le terrain du demandeur présente des caractéristiques spécifiques rendant nécessaires l’alignement litigieux, la seule affirmation suivant laquelle aucun autre terrain situé sur le territoire de la commune de Fischbach n’a été grevé de la même servitude que son propre terrain n’étant, en effet, pas suffisante à cet égard, c’est sur base des mêmes considérations que ledit moyen encourt également le rejet.
13 Trib. adm., 6 décembre 2000, n° 10019 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Lois et règlements, n°9 (2e volet) et les autres références y citées.
A défaut d’autres moyens, le recours sous analyse est dès lors à rejeter.
En ce qui concerne encore la demande de Monsieur … tendant à voir condamner l’Etat ainsi que l’administration communale de Fischbach à lui payer solidairement une indemnité de procédure d’un montant de 2.500.- euros sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du … juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, celle-ci est à rejeter au vu de l’issue du litige.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;
se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;
reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
rejette la demande en communication de l’intégralité du dossier administratif ;
rejette les demandes tendant à voir procéder à une visite des lieux, respectivement à voir nommer un expert judiciaire ;
rejette la demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure d’un montant de 2.500.- euros, telle que formulée par le demandeur ;
condamne le demandeur aux frais et dépens.
Ainsi jugé par :
Alexandra Castegnaro, vice-président, Annemarie Theis, premier juge, Caroline Weyland, juge, et lu à l’audience publique du 23 mai 2024 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.
s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 24 mai 2024 Le greffier du tribunal administratif 28