Tribunal administratif N° 47104 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47104 1re chambre Inscrit le 1er mars 2022 Audience publique 5 juin 2024 Recours formé par Monsieur A et consort, … et …, contre deux décisions du bourgmestre de la commune de Kopstal, en présence de Madame C, …, en matière de permis de construire
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 47104 du rôle et déposée le 1er mars 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Anne-Laure Jabin, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1) Monsieur A, demeurant à L-… et 2) Madame B, demeurant à L-…, tendant, aux termes de son dispositif, à l’annulation, d’une part, de « […] l’autorisation de bâtir n°2021/0058 […] » émise le 29 avril 2021 par le bourgmestre de la commune de Kopstal au profit de Madame C, demeurant à L-…, et, d’autre part, de « […] la décision de refus du bourgmestre datée du 30 novembre 2021 de refuser de la retirer […] » ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Nadine Tapella, demeurant à Esch-sur-Alzette, du 4 mars 2022 portant signification de ce recours à 1) l’administration communale de Kopstal, établie à L-8189 Kopstal, 28, rue de Saeul, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, et 2) Madame C, préqualifiée ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 8 mars 2022 par Maître Steve Helminger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Kopstal, préqualifiée ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 14 mars 2022 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame C, préqualifiée ;
Vu l’ordonnance du président du tribunal administratif du 25 mars 2022, inscrite sous le numéro 47109 du rôle ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 7 juin 2022 par Maître Steve Helminger, au nom de l’administration communale de Kopstal, préqualifiée ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 7 juin 2022 par Maître Nicky Stoffel, au nom de Madame C, préqualifiée ;
1 Vu l’ordonnance du vice-président du tribunal administratif, en remplacement des président et magistrats plus anciens en rang, du 15 juin 2022 prorogeant les délais impartis pour déposer les mémoires en réplique et en duplique ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 25 août 2022 par Maître Anne-Laure Jabin, au nom de Monsieur A et de Madame B, préqualifés ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 23 septembre 2022 par Maître Nicky Stoffel, au nom de Madame C, préqualifiée ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 17 octobre 2022 par Maître Steve Helminger, au nom de l’administration communale de Kopstal, préqualifiée ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Anne-Laure Jabin, Maître Steve Helminger, et Maître Nicky Stoffel en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 janvier 2024.
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Monsieur A expose être propriétaire de la maison sise à L-…, érigée sur la parcelle portant le numéro cadastral 57/1007, maison où il habite actuellement, tandis que Madame B explique être propriétaire de la maison d’habitation sise à L-…, érigée sur la parcelle portant le numéro cadastral 55/2561, ainsi que des parcelles cadastrées sous les numéros 55/2562, 55/2563, 55/2564, 55/2565 et 55/2566 sises en enfilade derrière la parcelle numéro 55/2561 abritant ladite maison d’habitation.
Les propriétés respectives de Monsieur A et de Madame B bordent immédiatement respectivement du côté gauche et du côté droit une série de parcelles numérotées à partir de la rue de Schoenfels 56/2525, 56/2526, 56/2527, 56/2528, 56/2529, 56/2530 et 56/2531, ces parcelles étant issues d’une opération de morcellement.
En date du 24 juillet 2020, le bourgmestre de la commune de Kopstal, ci-après « le bourgmestre », délivra des autorisations de bâtir sur quatre des parcelles issues de ce morcellement.
Monsieur A et Madame B, ci-après désignés par « les consorts AB », firent introduire en date du 23 octobre 2020 un recours gracieux contre chacune de ces quatre autorisations de bâtir, lesquelles firent finalement l’objet, après que les bénéficiaires de ces autorisations purent faire valoir leurs observations, d’une décision de retrait en date du 28 janvier 2021 de la part du bourgmestre.
Il est constant en cause que le 10 mars 2021, une réunion eut lieu entre les responsables communaux, les consorts AB et les bénéficiaires des autorisations de construire retirées le 28 janvier 2021.
Les consorts AB prirent connaissance début mai 2021 de nouveaux certificats point rouge pour des autorisations de bâtir délivrées le 29 avril 2021 sur les mêmes parcelles par le 2bourgmestre, ces autorisations étant ci-après désignées par « les autorisations du 29 avril 2021 ». Parmi ces autorisations figure celle portant le numéro de référence 2021/0058, émise au profit de Madame C et portant sur la construction d’une maison unifamiliale à L-…, sur les parcelles cadastrées sous les numéros 57/1746 et 57/1006, ladite autorisation étant ci-après désignée par « l’autorisation 0058 ».
Une demande des consorts AB en communication des autorisations de bâtir resta sans réponse de la part de l’administration communale de Kopstal, ci-après désignée par « l’administration communale ».
Les consorts AB, après prise de connaissance à la maison communale des autorisations et plans afférents, introduisirent par courrier du 28 juillet 2021, réceptionné le lendemain, un recours gracieux visant, d’après eux, chacune des autorisations du 29 avril 2021.
Par décision du 30 novembre 2021, le bourgmestre, après avoir initialement proposé de révoquer les autorisations litigieuses par courriers du 30 septembre 2021, décida toutefois finalement de les maintenir pour les motifs suivants :
« […] Par la présente, je me permets de faire suite à mes courriers du 30 septembre 2021 vous informant de ma volonté de retirer les autorisations sous rubrique suite à un recours gracieux introduit en date du 29 juillet 2021 par Maître Anne-Laure JABIN, avocat à la Cour, au nom et pour compte de Monsieur A et Madame B.
En date du 15 octobre 2021, Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, a introduit deux courriers en réponse pour compte des bénéficiaires des autorisations de construire numéros 2021/0057, 2021/0058 et 2021/0059.
En date du 18 octobre 2021, Maître Hervé HANSEN, avocat à la Cour, a introduit un courrier en réponse pour compte des bénéficiaires des autorisations de construire numéros 2021/0055 et 2021/0056.
Par un courrier du 28 octobre 2021, l’Administration communale de Kopstal a donné quelques précisions quant aux propositions de révocation en question.
En date du 22 novembre 2021, Maître Hervé HANSEN a introduit un courrier en réponse pour compte des bénéficiaires des autorisations de construire numéros 2021/0055 et 2021/0056.
Après avoir analysé tous les moyens et arguments présentés, soit dans le recours gracieux du 29 juillet 2021, soit pour donner suite à la proposition de révocation des autorisations, je suis arrivé à la conclusion suivante :
Les cinq autorisations de construire en question se basent sur des autorisations de morcellement délivrées en 2018/2019 qui reprenaient exactement l’implantation des futures constructions.
Bénéficiaire d’une telle autorisation de morcellement était entre autres Madame B qui, à l’époque, ne s’opposait ni à sa propre autorisation de morcellement, ni à celles délivrées pour les parcelles adjacentes.
3On peut donc retenir qu’il n’y avait aucun recours contre le projet urbanistique planifié sur l’ensemble des différentes parcelles de terrain, bien au contraire.
Or aujourd’hui, la même Madame B demande la révocation des autorisations de construire délivrées sur base des mêmes considérations que les autorisations de morcellement précitées.
Ensuite Monsieur A, autre signataire du recours gracieux du 29 juillet 2021, a bénéficié lors de la construction d’un immeuble sur la parcelle inscrite au cadastre sous le numéro 57/1007 d’une dérogation similaire quant aux reculs à celles demandées par les bénéficiaires des autorisations de construire litigieuses.
Afin d’éviter toute rupture d’égalité de traitement et notamment afin de se conformer au principe général de confiance légitime qui a été consacré tant par la jurisprudence communautaire en tant que principe du droit communautaire que par la jurisprudence nationale en tant que principe général du droit, il n’y a pas lieu de faire droit au recours gracieux introduit en date du 29 juillet 2021. Les autorisations n° 2021/0055, 2021/0056, 2021/0057, 2021/0058 et 2021/0059 du 8 juillet 2021 ne sont dès lors pas révoquées.
La présente décision est susceptible d’un recours devant le Tribunal administratif. Ce recours doit être introduit par requête signée d’un avocat à la Cour dans un délai de 3 mois à partir de la notification de la présente. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 1er mars 2022, inscrite sous le numéro 47104 du rôle, les consorts AB firent introduire un recours tendant, aux termes de son dispositif, auquel le tribunal est seul tenu, à l’annulation de l’autorisation 0058 et de la décision, précitée, du bourgmestre du 30 novembre 2021, les autres autorisations du 29 avril 2021 ayant, elles aussi, fait l’objet de recours contentieux introduits par les consorts AB le même jour, inscrits respectivement sous les numéros 47102, 47103, 47105 et 47106 du rôle.
Par requête séparée déposée le même jour, inscrite sous le numéro 47109 du rôle, ils introduisirent encore une demande tendant à voir prononcer un sursis à exécution de l’autorisation de construire déférée en attendant la solution de leur recours au fond, inscrit sous le numéro 47104 du rôle, demande à laquelle le président du tribunal administratif fit droit, par ordonnance du 25 mars 2022.
Par quatre ordonnances du même jour, portant respectivement les numéros 47107, 47108, 47110 et 47111 du rôle, le président du tribunal administratif fit encore droit aux demandes de sursis à exécution introduites par les consorts AB le 1er mars 2022 dans le cadre de leurs recours parallèles visant les autres autorisations du 29 avril 2021.
Par courriers du 16 mai 2022, le bourgmestre annonça aux bénéficiaires des autorisations du 29 avril 2021 son intention de procéder au retrait de ces dernières, compte tenu des susdites ordonnances du président du tribunal administratif du 25 mars 2022.
Par courriers du 19 juillet 2022, il informa cependant lesdits bénéficiaires du maintien des autorisations en question.
I) Quant à la compétence du tribunal 4Aucun recours au fond n’étant prévu en matière d’autorisation de construire, le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation introduit en l’espèce.
II) Quant à la recevabilité du recours Positions respectives des parties Madame C se rapporte d’abord à prudence de justice quant à la recevabilité du recours quant à la forme, ce qui vaut contestation.1 Elle soulève ensuite un défaut de qualité à agir dans le chef de Madame B, au motif qu’il se dégagerait du plan de morcellement versé par les demandeurs que le propriétaire des parcelles 55/2562, 55/2563, 55/2564, 55/2565 et 55/2566 serait, non pas cette dernière, mais Monsieur B.
Par ailleurs, Madame C conclut à l’irrecevabilité du recours pour défaut d’intérêt à agir dans le chef des demandeurs.
A cet égard, elle explique que l’autorisation 0058 se baserait, à l’instar des quatre autres autorisations de construire délivrées parallèlement le 29 avril 2021, sur des autorisations de morcellements délivrées en 2018, respectivement en 2019, qui auraient repris exactement l’implantation des futures constructions. Madame B, tout comme les différents bénéficiaires desdites autorisations de construire du 29 avril 2021, serait bénéficiaire d’une telle autorisation de morcellement. Elle aurait donc été d’accord avec le projet urbanistique planifié sur les différentes parcelles en cause. Or, le projet, tel qu’autorisé en 2021, ne serait pas de nature à aggraver la situation de Madame B par rapport à ce qui aurait été prévu dans le plan de morcellement qu’elle aurait expressément approuvé. Ainsi, cette dernière n’aurait aucun intérêt à agir à l’encontre de l’autorisation de construire déférée.
Quant à Monsieur A, Madame C insiste sur le fait que lors de la construction de sa maison d’habitation, celui-ci aurait bénéficié d’une dérogation aux prescriptions relatives au recul qui serait similaire à celle qui serait demandée par les différents bénéficiaires des autorisations du 29 avril 2021.
Par ailleurs, Madame C fait plaider, en substance, qu’il ne serait pas prouvé que la situation de voisin des demandeurs serait aggravée du fait de l’autorisation 0058.
En effet, aucune des parcelles de Madame B ne toucherait les parcelles 57/1006 et 57/1746 devant accueillir la construction projetée. Cette dernière n’aurait, dès lors, aucun intérêt à agir à l’encontre de l’autorisation de construire litigieuse.
Si certes, les parcelles 57/1006 et 57/1746 touchent la propriété de Monsieur A, il n’en resterait pas moins que son intérêt à agir ne serait que très limité, étant donné que sa maison serait implantée « […] nettement vers la rue de Schoenfels […] » et que ce ne serait que le « […] bout opposé […] » de son terrain qui toucherait les parcelles devant accueillir la construction projetée.
1 Trib. adm., 27 octobre 2004, n° 17634 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 905 et les autres références y citées.
5En réitérant ses développements selon lesquels Madame B aurait expressément accepté le projet tel que découlant des différentes autorisations de morcellement, lesquelles auraient repris l’implantation des constructions telle que prévue par les autorisations du 29 avril 2021, Madame C fait encore valoir que le recours introduit par Madame B devrait être déclaré irrecevable pour violation des principes de l’estoppel et de confiance légitime, étant donné que cette dernière aurait laissé croire dans un premier temps qu’elle adhérerait au projet litigieux, pour ensuite introduire un recours contentieux à l’encontre de l’autorisation déférée qui correspondrait pourtant exactement à ce qui aurait été convenu dans le cadre du plan de morcellement.
Pour des motifs analogues, le recours de Monsieur A devrait, lui aussi, être déclaré irrecevable, Madame C réitérant, à cet égard, ses développements antérieurs selon lesquels ce dernier aurait, dans le passé, bénéficié d’une dérogation aux règles relatives aux reculs, similaire à celle dont elle souhaiterait elle-même bénéficier.
Dans son mémoire en duplique, Madame C insiste sur le fait qu’il ne serait pas établi que l’autorisation de construire déférée serait de nature à aggraver la situation de voisin des demandeurs.
A cet égard, elle souligne que Madame B n’habiterait pas sur l’une des parcelles concernées par son recours, mais à …. Par ailleurs, son argumentation selon laquelle les autorisations du 29 avril 2021 la priveraient de la possibilité de construire des maisons isolées sur certaines de ses parcelles n’aurait jamais été invoquée auparavant et ne serait pas autrement étayée. Quant à l’argumentation de Madame B selon laquelle elle n’aurait jamais été d’accord avec la voirie privée projetée par les bénéficiaires des autorisations du 29 avril 2021, Madame C s’interroge sur la question de savoir « […] dans quel document l’on [pourrait] trouver ce désaccord clairement indiqué […] ».
Si Monsieur A conteste avoir bénéficié d’une dérogation aux règles urbanistiques relatives aux reculs pour la construction de sa propre maison, il resterait néanmoins en défaut de prouver ses dires, alors que le bourgmestre « […] [saurait] pour sûr que [s]a construction […] a[urait] fait l’objet d’une dérogation similaire […] ».
Par ailleurs, Madame C réfute l’argumentation des demandeurs selon laquelle Monsieur A se verrait confronté à une situation de chaos du fait de la voirie privée desservant les immeubles faisant l’objet des autorisations du 29 avril 2021, en soutenant que celle-ci ne desservirait que 5 à 6 maisons et que si, certes, la largeur du chemin privé litigieux ne permet, sur une faible distance, pas le passage simultané de deux véhicules, il offrirait néanmoins suffisamment de visibilité aux conducteurs pour leur permettre d’éviter un blocage. Par ailleurs, le problème de circulation ainsi invoqué, qualifié d’hypothétique par Madame C, affecterait tout au plus l’intérêt de la collectivité, mais non l’intérêt privé de Monsieur A.
Madame C soutient encore que les demandeurs ne rapporteraient pas la preuve de leur affirmation selon laquelle Monsieur A se trouverait cerné par ladite voirie privée et les maisons y projetées, affirmation qui serait contredite par le plan reproduit dans la requête introductive d’instance, Madame C soulignant que tout au plus, Monsieur A aurait derrière sa maison quelques constructions et que « […] dans ce cas précis les deux terrains ne se touche[raient] même pas […] ».
6A l’appui de son moyen tiré d’une violation du principe de l’estoppel, Madame C précise que Monsieur A ne se serait jamais plaint du morcellement opéré entre 2018 et 2019, de sorte qu’il se contredirait en s’opposant audit morcellement à travers le présent recours.
L’administration communale se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours quant à la forme, quant au délai et quant à l’intérêt à agir des demandeurs, ce qui, tel que relevé ci-avant, vaut contestation.
Les demandeurs concluent au rejet de l’ensemble de ces moyens d’irrecevabilité.
Appréciation du tribunal En premier lieu, le tribunal retient que c’est à tort que Madame C remet en cause la qualité de Madame B de propriétaire des parcelles 55/2562, 55/2563, 55/2564, 55/2565 et 55/2566 pour soutenir qu’elle n’aurait pas qualité pour agir à l’encontre de l’autorisation de construire déférée.
En effet, si, certes, le plan de morcellement versé par les demandeurs, qui date du 16 octobre 2020, indique que le propriétaire de ces parcelles serait Monsieur B, il n’en reste pas moins que dans son mémoire en réplique, Madame B explique que les parcelles en question auraient appartenu à son père et qu’elle en aurait acquis la propriété par voie successorale.
Etant donné que dans son mémoire en duplique, Madame C n’a pas formulé la moindre contestation quant à ces explications, le moyen d’irrecevabilité sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.
S’agissant ensuite du moyen d’irrecevabilité tiré de la violation du principe de l’estoppel, le tribunal relève que l’estoppel est une fin de non-recevoir fondée sur l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui, autrement qualifié d’exception d’indignité ou principe de cohérence (« non concedit venire contra factum proprium »). Ce principe s’oppose ainsi à ce qu’une partie puisse invoquer une argumentation contraire à celle qu’elle a avancé auparavant.2 La fin de non-recevoir tirée du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d’autrui ne peut être retenue dès lors que n’est pas invoquée, devant le juge saisi, une contradiction au détriment d’autrui lors du débat judiciaire.3 Elle ne sanctionne pas les contradictions manifestées en dehors de l’instance. Elle ne sanctionne donc ni les incohérences non processuelles, impliquant une incohérence entre deux comportements antérieurs à la saisine du juge, ni les incohérences semi-processuelles ou mixtes qui impliquent une incohérence entre la position adoptée devant le juge et celle adoptée avant sa saisine.4 Or, en l’espèce, les incohérences invoquées par Madame C relèvent précisément de cette dernière catégorie des incohérences semi-processuelles ou mixtes. En effet, en soutenant que les demandeurs se contrediraient, en sollicitant l’annulation de l’autorisation déférée, alors 2 Trib. adm., 17 juin 2015, n° 34338, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 521 et les autres références y citées.
3 Cass. fr., 3e civ., 28 juin 2018, n° 17-16.693, Dalloz actualité, 23 juillet 2018, obs. M. Kebir.
4 N. Dupont, note sous : Cass. fr., 2e civ., 15 mars 2018, n° 17-21.991, JCP Entreprise et Affaires, n° 24, p. 1311.
7que (i) Madame B aurait expressément accepté le projet tel que découlant des différentes autorisations de morcellement, lesquelles auraient repris l’implantation des constructions telle que prévue par les différentes autorisations de construire délivrées le 29 avril 2021, (ii) Monsieur A ne se serait jamais opposé audit morcellement et (iii) ce dernier aurait, dans le passé, bénéficié d’une dérogation aux règles relatives aux reculs, similaire à celle dont elle souhaiterait elle-même bénéficier, Madame C se prévaut d’une incohérence entre la position adoptée par les demandeurs devant le tribunal de céans, d’une part, et celles qu’ils auraient adoptées avant la saisine de ce dernier, d’autre part.
Les conditions d’application de la fin de non-recevoir tirée du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d’autrui n’étant, ainsi, pas remplies en l’espèce, le moyen d’irrecevabilité afférent est à rejeter.
Par ailleurs, Madame C ne saurait, dans ce contexte, utilement se prévaloir du principe de confiance légitime, étant donné que ce dernier peut être défini comme l’un des principes de bonne administration en vertu duquel l’administré doit pouvoir se fier à une ligne de conduite constante de l’autorité5, de sorte à viser les relations entre l’administration et les administrés et non pas les relations entre les administrés.
S’agissant ensuite de la question de l’intérêt à agir des demandeurs, le tribunal relève que l’intérêt conditionne la recevabilité d’un recours contentieux. En matière de contentieux administratif, portant, comme en l’espèce, sur des droits objectifs, l’intérêt ne consiste pas dans un droit allégué, mais dans le fait vérifié qu’une décision administrative affecte négativement la situation en fait ou en droit d’un administré qui peut en tirer un avantage corrélatif de la sanction de la décision par le juge administratif.6 Par ailleurs, toute partie demanderesse introduisant un recours contre une décision administrative doit justifier d’un intérêt personnel distinct de l’intérêt général. Si les voisins proches ont un intérêt évident à voir respecter les règles applicables en matière d’urbanisme, cette proximité de situation constitue certes un indice pour établir l’intérêt à agir, mais ne suffit pas à elle seule pour le fonder. Il faut de surcroît que l’inobservation éventuelle de ces règles soit de nature à entraîner une aggravation concrète de leur situation de voisin.7 En d’autres termes, il faut que la construction litigeuse affecte directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien d’un demandeur, lequel doit ainsi voir sa situation s’aggraver effectivement et réellement8, la simple qualité de voisin, même direct, étant dès lors insuffisante pour justifier un intérêt à agir dans le chef du demandeur.
En tout état de cause, l’intérêt à agir s’apprécie non pas de manière abstraite, par rapport à la seule qualité de propriétaire d’un immeuble voisin, mais concrètement au regard de la situation de fait invoquée.9 5 Cour adm., 24 janvier 2017, n° 38145C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Lois et règlements, n° 63 et les autres références y citées.
6 Cour adm. 14 juillet 2009, n° 23857C et 23871C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse n° 2 et les autres références y citées.
7 Trib. adm., 22 janvier 1997, n° 9443 du rôle, confirmé par Cour adm., 24 juin 1997, n° 9843C du rôle, Pas. adm.
2023, V° Procédure contentieuse, n° 89 et les autres références y citées.
8 Trib. adm., 21 février 2018, n° 38029 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 89 et les autres références y citées.
9 Trib. adm., 8 décembre 2003, n°16236 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse n° 112 et les autres références y citées.
8Le tribunal est, certes, saisi à travers le présent recours de la seule autorisation 0058.
Il n’en reste pas moins qu’afin d’apprécier l’existence d’une aggravation de la situation de propriétaires des demandeurs, le tribunal ne saurait, sans méconnaître la réalité des choses et dans les circonstances particulières de l’espèce, considérer l’autorisation déférée de manière isolée et ainsi faire abstraction du fait que celle-ci s’insère dans un projet d’ensemble consistant en la réalisation de cinq maisons reliées entre elles par une voirie privée nouvellement créée, qui longe la propriété de Monsieur A au nord et touche, en partie, au niveau de la rue des Genêts, la propriété de Madame B, ladite voirie privée s’étendant de la parcelle 56/2525 sise à la rue de Schoenfels vers l’est jusqu’à la parcelle 56/2531, pour être reliée à la rue de Steinsel par le biais de servitudes de passage grevant les parcelles 56/2531, 57/1006 et 57/1746, ainsi que le tribunal l’a constaté dans son jugement rendu ce jour dans l’affaire parallèle inscrite sous le numéro 47105 du rôle.
Cette conclusion s’impose d’autant plus que le litismandataire de l’administration communale a explicitement admis lors de l’audience des plaidoiries que le recours à des morcellements suivis de la délivrance d’autorisations de construire individuelles s’explique par la volonté des autorités communales d’éviter la procédure d’élaboration d’un plan d’aménagement particulier (« PAP »), procédure qui aurait cependant permis aux demandeurs de discuter le projet dans son ensemble, d’abord à travers des objections adressées au collège échevinal et ensuite à travers un recours contentieux dirigé à l’encontre des éventuelles décisions d’adoption et d’approbation du PAP.
Le tribunal relève ensuite que le projet immobilier dans lequel s’insère l’autorisation déférée consiste en la réalisation d’un nouvel ensemble urbanisé – comprenant sa propre voirie –, implanté entre les propriétés respectives de Madame B et de Monsieur A, et ce sur un site qui accueillait auparavant des jardins privés, tel que cela ressort du susdit jugement de ce jour, portant le numéro 47105 du rôle.
Dans ces circonstances, le tribunal retient que le projet dans sa globalité, dont l’autorisation actuellement déférée n’est qu’une émanation, expose les demandeurs à une aggravation de leur situation de propriétaires, en termes de vue et – surtout – de tranquillité, suffisante pour leur conférer l’intérêt à agir légalement requis.
Cette conclusion n’est pas énervée par le fait, non contesté, que Madame B n’habite pas personnellement la maison d’habitation sise au numéro … de la rue de Schoenfels, alors qu’en sa qualité de propriétaire, elle doit être considérée comme ayant un intérêt à conserver la valeur économique de sa propriété.10 La susdite conclusion n’est pas non plus énervée par l’argumentation de Madame C ayant trait à l’absence d’aggravation de la situation de propriétaire de Madame B par rapport à ce qui aurait été prévu dans le plan de morcellement qu’elle aurait expressément approuvé, étant donné (i) qu’un morcellement au sens urbanistique du terme se limite à une division foncière d’une ou de plusieurs parcelles en plusieurs nouvelles parcelles en vue de créer des places à bâtir11, sans imposer juridiquement l’implantation de bâtiments, voire le gabarit de constructions, (ii) qu’au vu des constats ci-avant quant à la configuration des lieux, la situation 10 Voir : trib. adm., 24 avril 2019, n° 39775 du rôle, confirmé par Cour adm, n° 43052C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 113 et l’autre référence y citée.
11 Trib. adm., 13 octobre 2014, n° 32991 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 726 et les autres références y citées.
9de propriétaire de Madame B est bien aggravée par rapport à la situation antérieure à la délivrance des autorisations du 29 avril 2021, qui était caractérisée par la présence de terrains, certes constitutifs de places à bâtir, mais néanmoins vierges de construction et non légalement constructibles sans autorisation préalable du bourgmestre, (iii) qu’il ne se dégage aucunement des pièces versées en cause que l’implantation concrète des constructions sur les parcelles issues du morcellement, telle qu’elle est actuellement prévue par les autorisations du 29 avril 2021, aurait déjà été définitivement arrêtée lors de la réalisation dudit morcellement et (iv) qu’il est constant en cause qu’à l’époque, il était prévu que l’accès aux nouvelles parcelles se fasse via un prolongement de la rue des Genêts, et non pas à travers la voirie privée actuellement projetée. A cela s’ajoute qu’il se dégage des pièces versées en cause que contrairement à ce qui est le cas pour les parcelles faisant l’objet des autres autorisations du 29 avril 2021, les parcelles 57/1006 et 57/1746 visées par l’autorisation 0058 ne sont pas issues de l’opération de morcellement litigieuse, ce qui est de nature à ébranler la pertinence de l’argumentation afférente de Madame C.
C’est encore en vain que Madame C fait plaider que Monsieur A aurait bénéficié d’une dérogation aux prescriptions relatives au recul qui serait similaire à celle qui aurait été demandée par les différents bénéficiaires des autorisations du 29 avril 2021, pour contester son intérêt à agir.
En effet, si, certes, le bourgmestre a affirmé dans sa décision du 30 novembre 2021 que Monsieur A aurait bénéficié d’une dérogation quant aux reculs similaire à celles demandées par les bénéficiaires des autorisations du 29 avril 2021, force est néanmoins de constater, d’une part, que face aux contestations afférentes de Monsieur A, le tribunal ne s’est pas vu soumettre un quelconque élément probant qui lui permettrait d’apprécier la réalité, la nature exacte, ainsi que le cadre factuel et juridique de cette dérogation dont le demandeur aurait bénéficié et, d’autre part, qu’il ne dégage pas non plus des éléments soumis à l’appréciation du tribunal en quoi, concrètement, consisterait la dérogation qui aurait été demandée par les bénéficiaires des autorisations du 29 avril 2021, voire accordée par le bourgmestre.
En tout état de cause, même à admettre que Monsieur A ait bénéficié d’une dérogation similaire à une dérogation qui aurait été sollicitée par les bénéficiaires des autorisations du 29 avril 2021, cette circonstance ne serait pas de nature à lui enlever son intérêt à voir vérifier le respect de la réglementation urbanistique applicable, en ce compris le respect d’éventuelles dispositions accordant un pouvoir de dérogation au bourgmestre.12 Au vu des considérations qui précèdent, le moyen d’irrecevabilité tiré d’un défaut d’intérêt à agir dans le chef des demandeurs est à rejeter pour ne pas être fondé.
Si l’administration communale, rejointe sur ce point par Madame C, se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité du recours quant à la forme, si la partie communale se rapporte encore à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité du recours quant au délai et s’il est exact que le fait, pour une partie, de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation13, il n’en reste pas moins qu’une contestation non autrement étayée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer à la carence des parties et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient 12 Voir, en ce sens : trib. adm., 20 mars 2024, n° 46822 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.
13 Trib. adm., 27 octobre 2004, n° 17634 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 905 et les autres références y citées.
10pu se trouver à la base de leurs conclusions14. Dès lors et dans la mesure où, d’une part, l’administration communale et Madame C sont restées en défaut d’expliquer en quoi le recours serait irrecevable quant à la forme et, d’autre part, l’administration communale n’explique pas non plus en quoi ledit recours serait irrecevable ratione temporis, les contestations sous examen encourent le rejet.
A défaut d’autres moyens d’irrecevabilité, le recours en annulation est à déclarer recevable.
III) Quant au fond Prétentions des parties A l’appui de leur recours, après avoir exposé les faits et rétroactes gisant à la base des décisions déférées, les demandeurs soulèvent, d’abord, une violation de l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », au motif que le bourgmestre aurait omis de les informer de ce projet de construction, alors pourtant qu’il n’aurait pu ignorer leur opposition à celui-ci, ne serait-ce que du fait de de leur premier recours gracieux du 26 octobre 2020, ayant abouti à un retrait des précédentes autorisations litigieuses le 28 janvier 2021, ainsi que du fait d’une réunion en présence de toutes les parties en date du 10 mars 2021.
Ensuite, ils contestent le bien-fondé des motifs avancés par le bourgmestre dans sa décision du 30 novembre 2021 pour justifier le maintien des autorisations du 29 avril 2021.
A cet égard, ils concluent au caractère inopérant de l’argumentation du bourgmestre ayant trait à un morcellement antérieur, en faisant valoir (i) qu’un morcellement aurait pour objet de procéder à un découpage du parcellaire et non pas de fixer l’implantation des constructions, (ii) que ledit morcellement serait illégal, étant donné qu’en vertu des dispositions des articles 23, alinéa 2 et 108bis (2), alinéa 2 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après désigné par « la loi du 19 juillet 2004 », et compte tenu du caractère non viabilisé des terrains en cause, l’opération de morcellement, qui aurait consisté en la réalisation de 9 lots à bâtir et d’un lot de voirie et s’analyserait en une opération de lotissement, aurait dû faire l’objet d’un PAP et (iii) que Monsieur A serait totalement étranger à ces morcellements.
Ils insistent encore sur le fait que le principe de confiance légitime, dont se prévaut le bourgmestre, ne saurait être utilement invoqué à l’appui d’une autorisation de construire illégale, les demandeurs soulignant qu’en vertu de l’article 37 de la loi du 19 juillet 2004, une autorisation de construire ne pourrait être délivrée si, tel qu’en l’espèce, elle n’est pas conforme au plan d’aménagement général (« PAG »).
Les demandeurs contestent encore l’argumentation du bourgmestre selon laquelle Monsieur A aurait lui-même bénéficié d’une dérogation aux règles relatives aux reculs pour la construction de sa maison d’habitation, en soulignant, d’une part, que cette maison aurait été construite en 1964 et qu’il serait « […] fort douteux qu’il [aurait déjà existé] une 14 Trib. adm., 23 janvier 2013, n° 30455 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 905 et les autres références y citées.
11réglementation à cette époque dans la commune […] » et, d’autre part, que le principe d’égalité devant la loi, tel qu’invoqué dans ce contexte par le bourgmestre, ne saurait mettre en échec les dispositions de l’article 37, précité, de la loi du 19 juillet 2004, qui imposerait qu’un projet de construction devrait être conforme à la réglementation urbanistique applicable, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.
Les demandeurs excipent ensuite d’une violation de l’article 2.1.2.4 de la partie écrite du PAG, lequel exigerait un recul postérieur d’au moins une fois et demie la hauteur à la corniche et au minimum de 8 mètres.
Comme la construction projetée devrait en principe être desservie par la rue de Steinsel, le recul postérieur devrait se trouver soit contre la parcelle 56/2531, soit contre la parcelle 57/1007, cette dernière hypothèse étant plus particulièrement étayée par le plan du niveau comprenant le garage et par le plan d’implantation. Or, dans ces deux hypothèses, le recul postérieur ne serait manifestement pas « […] au moins supérieur à 8 [mètres] […] », mais plutôt de l’ordre de 4 à 5 mètres au maximum.
Les demandeurs relèvent encore qu’en l’espèce, les indications seraient inexistantes ou illisibles quant à la question de savoir quelle est la hauteur à la corniche, les consorts AB contestant, dès lors, que la hauteur à la corniche renseignée soit correcte.
Par ailleurs, les demandeurs affirment que le niveau du rez-de-chaussée serait erroné.
Ils estiment à cet égard que l’architecte aurait renseigné un point de référence pour le niveau de la rue de Steinsel, niveau qui ne serait toutefois pas documenté par un quelconque relevé topographique, de sorte qu’il serait « […] contesté que le niveau renseigné soit le bon niveau […] ».
Les demandeurs contestent également que le niveau renseigné pour correspondre à celui de la rue de Steinsel serait correct, alors que le plan de coupe indiquerait un prétendu niveau du sous-sol qui ne serait pas complètement enterré, ce qui permettrait la réalisation d’un garage pour les deux emplacements de stationnement dans le sous-sol, de sorte que cela signifierait que le niveau du garage serait en réalité le niveau du rez-de-chaussée. Par ailleurs, il ressortirait encore du plan de coupe que le niveau accueillant le garage aurait la même hauteur sous plafond que les autres niveaux destinés à l’habitation, de sorte qu’il s’agirait d’un niveau plein, alors pourtant que l’article 2.2.2.1 de la partie écrite du PAG imposerait un maximum de 2 niveaux pleins et un niveau sous combles, les demandeurs soutenant toutefois qu’en l’espèce, il y aurait 3 niveaux pleins et un niveau sous combles.
Les consorts AB relèvent ensuite qu’il ressortirait des plans de coupe que manifestement, il s’agirait d’une construction à toiture plate, alors que le PAG ne semblerait autoriser, sur base de l’article 2.2.2.1 de sa partie écrite, qu’un niveau sous combles et non un étage en retrait, de sorte qu’il y aurait violation dudit article 2.2.2.1.
De toute façon, même à considérer qu’il serait possible d’avoir un étage en retrait, il ressortirait toutefois des plans de coupe qu’il y aurait un mélange entre un étage à toiture plate et un étage sous combles à double pente.
Ils s’emparent également de l’article 2.2.2 de la partie écrite du PAG quant au recul avant, ladite disposition imposant que « […] les constructions servant à l’habitation seront implantées dans une bande de 15m de profondeur, parallèle à l’alignement des rues et distante 12de 6 m de ce dernier […] ». Or, en l’espèce, il y aurait lieu de prendre en compte la rue de Steinsel, comme l’autorisation de bâtir le mentionnerait, de sorte qu’il n’y aurait pas de recul avant de 6 mètres au moins.
Les demandeurs s’emparent encore de l’article 15.2 de la partie écrite du PAG, disposant que « [l]es marges de reculement postérieures et latérales seront à aménager en jardin ou en places de stationnement pour les besoins des habitants de la construction […] », pour soutenir que comme il ressortirait des plans que la marge de recul postérieure serait aménagée intégralement en servitude de passage afin de créer un accès pour la voirie privée et afin d’accueillir des canalisations pour l’évacuation des eaux usées, l’autorisation devrait encourir l’annulation.
Sur base de l’article 17.1 de la partie écrite du PAG, lequel interdirait des superstructures se trouvant en toiture, les demandeurs, après avoir relevé qu’il ressortirait du plan de toiture « […] que manifestement des superstructures non expliquées se retrouve[raient] en toiture […] », estiment que l’autorisation devrait encourir l’annulation de ce fait.
L’administration communale et Madame C concluent au rejet du recours.
L’administration communale fait plaider que puisque l’autorisation référencée sous le numéro 2021/0056, ci-après désignée par « l’autorisation 0056 », également délivrée le 29 avril 2021 et qui prévoirait la voirie de desserte, serait coulée en force de chose décidée pour ne pas avoir été visée par le recours gracieux des demandeurs, ceux-ci ne seraient pas fondés à contester l’existence d’une voirie de desserte et les implantations qui auraient été considérées à partir de cette voirie de desserte.
Madame C conclut d’abord au rejet du moyen tiré de la violation de l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, en soutenant que la publicité des autorisations litigieuses, telle qu’exigée par ledit article, aurait bien été assurée en l’espèce et qu’une information ex ante, c’est-à-dire avant la prise de la décision administrative en cause, ne serait pas imposée par ladite disposition réglementaire, contrairement à ce que feraient plaider les demandeurs.
Elle donne encore à considérer qu’elle aurait proposé à maintes reprises des entrevues aux demandeurs, qui auraient cependant toutes été refusées par Monsieur A. Par ailleurs, il y aurait eu de nombreux échanges téléphoniques avec le fils de Madame B, de même que des messages écrits, et, sur conseil de l’administration communale, un courrier proposant une entrevue entre parties aurait été déposé dans la boîte aux lettres de Monsieur A, courrier qui n’aurait cependant donné lieu à aucune réaction de la part des demandeurs.
Madame C réfute ensuite l’argumentation des demandeurs ayant trait au caractère non fondé des motifs avancés par le bourgmestre à l’appui de sa décision du 30 novembre 2021, en soutenant que l’argumentation en question confirmerait la violation du principe de l’estoppel, alors que les différents morcellements auraient été effectués à la demande des propriétaires concernés, en ce compris Madame B, et de concert avec la commune.
Dans ce contexte, Madame C souligne qu’en vertu de l’adage nemo auditur propriam turpitudinem allegans, Madame B ne saurait valablement soulever l’illégalité d’une autorisation dont elle aurait profité personnellement.
13Elle conteste les développements adverses selon lesquels un morcellement aurait pour objet de procéder à un découpage du parcellaire et non pas de fixer l’implantation des constructions, en soutenant que la finalité d’un morcellement serait celle de pouvoir construire, raison pour laquelle les plans relatifs à l’autorisation de morcellement montreraient déjà l’implantation approximative des constructions projetées, pour démontrer le caractère constructible de la parcelle morcelée.
Elle ajoute que comme les demandeurs auraient, à l’époque, été au courant des morcellements réalisés au cours des années 2018 à 2020, il leur aurait appartenu de s’y opposer en temps utile, ce qu’ils n’auraient cependant pas fait, de sorte que leurs contestations afférentes seraient tardives.
Elle insiste encore sur le fait que Monsieur A aurait bien bénéficié de dérogations aux règles relatives aux reculs, de sorte que les contestations afférentes des demandeurs seraient à rejeter. En effet, le grand-père de Monsieur A aurait érigé des constructions à 2 mètres de la limite de propriété, ce qui n’aurait été possible que parce que les parents des « […] consorts C-… […] » auraient accepté d’échanger un autre terrain avec ledit grand-père. Entretemps, le demandeur aurait lui-même procédé à des modifications de la construction en cause. Plus particulièrement, il aurait fait construire une véranda qui ne respecterait pas le recul réglementaire de 8 mètres. De même, une terrasse ouverte se trouvant à une distance de seulement 2 mètres de la limite postérieure du terrain aurait été « […] fermée avec du verre […] » pour être intégrée à la maison d’habitation.
Quant à l’argumentation des demandeurs ayant trait au caractère non viabilisé des terrains ayant fait l’objet des morcellements invoqués par le bourgmestre, Madame C fait valoir que le défaut de viabilisation « […] [voudrait] tout simplement dire que le terrain [ne serait] pas encore raccordé à un réseau comme l’eau, l’électricité, le gaz et au système d’évacuation des eaux usées […] ». Or, cela représenterait une charge financière supplémentaire pour les bénéficiaires des autorisations litigieuses, mais les demandeurs n’en subiraient aucun préjudice, Madame C soulignant que son but serait justement de viabiliser ses terrains.
Elle précise encore que le réseau de canalisation serait relié à la rue de Schoenfels à titre provisoire et serait réalisé en-dessous des propriétés des bénéficiaires des autorisations litigieuses, de sorte que là encore, les demandeurs ne subiraient aucun préjudice, Madame C ajoutant que la maison projetée par elle ne serait pas raccordée au gaz, de sorte qu’aucun risque lié à un tel raccordement n’existerait.
Quant à la voirie privée, telle que critiquée par les demandeurs, Madame C donne à considérer qu’il ne s’agirait pas d’une chaussée macadamisée, mais qu’il serait prévu de réaliser « […] un chemin privé avec du « Rasengitter », pour le garder « vert » […] ». En plus, ses « […] parcelles […] [utiliseraient] exclusivement la sortie vers la rue de Steinsel […] », de sorte que les demandeurs n’en subiraient aucun préjudice.
S’agissant ensuite du moyen tiré de la violation de l’article 2.1.2.4 de la partie écrite du PAG, Madame C soutient que les demandeurs ne sauraient valablement soutenir ne disposer que de copies ou de photos de l’autorisation de construire litigieuse, pour en déduire l’impossibilité de lire les chiffres apposés sur les plans, alors qu’ils auraient pu consulter les pièces à la maison communale et en demander des copies. Or, les demandeurs ne prouveraient ni qu’ils auraient sollicité des copies des plans, ni que l’administration communale aurait refusé de leur en fournir.
14 Quant à l’argumentation des demandeurs ayant trait au caractère erroné du niveau du rez-de-chaussée, Madame C fait plaider qu’elle projetterait la construction de caves qui ne seraient pas totalement enterrées, sans qu’il s’agirait néanmoins d’un niveau supplémentaire.
Par ailleurs, le moyen tiré de la violation de l’article 2.2.2 de la partie écrite du PAG serait à rejeter pour manquer en fait, étant donné qu’il ne serait soutenu par aucun élément probant et que le recul avant de 6 mètres, tel qu’exigé par ladite disposition réglementaire, serait bien donné en direction de la rue de Schoenfels, ainsi que cela se dégagerait du plan de morcellement.
Il ressortirait encore dudit plan qu’un recul postérieur supérieur à 8 mètres serait observé en direction de la forêt, de sorte que le moyen tiré de la violation de l’article 15.2 de la partie écrite du PAG serait à rejeter.
Quant au moyen tiré de la violation de l’article 17.1 de la partie écrite du PAG, Madame C affirme ne pas comprendre l’argumentation afférente des demandeurs, alors qu’aucune superstructure ne serait prévue en l’espèce.
Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs soutiennent, en substance, qu’il se dégagerait de la jurisprudence récente de la Cour administrative qu’en la présente matière, une information des tiers par un affichage ex post ne serait pas suffisante au regard des dispositions de l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979.
Ils soulignent encore que les conditions de la consultation du dossier auraient été déplorables, étant donné qu’ils n’auraient eu accès qu’à des plans en format A3 réduits sur lesquels il aurait été très difficile, voire impossible d’analyser l’autorisation de construire litigieuse, tout en affirmant que les tentatives de communication entre Madame C et eux-mêmes, telles qu’invoquées par cette dernière, auraient uniquement eu pour but de les convaincre de cesser de s’opposer aux différents projets de constructions.
Par ailleurs, les demandeurs insistent sur le caractère non-fondé des motifs invoqués par le bourgmestre à l’appui de sa décision du 30 novembre 2021, en citant des extraits de l’ordonnance présidentielle du 25 mars 2022.
Ils réfutent dans ce contexte l’argumentation de Madame C selon laquelle la finalité d’un morcellement serait celle de pouvoir construire, en soulignant que tel serait le but de presque toutes les demandes formulées en matière urbanistique, mais que cette volonté de construire serait encadrée par la loi du 19 juillet 2004 et la réglementation urbanistique communale. Dans certaines hypothèses, il serait possible de recourir à un morcellement, puis de solliciter une autorisation de construire. Cela supposerait néanmoins que les parcelles concernées seraient viabilisées, ce qu’elles ne seraient cependant pas, en l’espèce, ce qui serait, d’ailleurs, confirmé par le fait qu’elles seraient classées en zone soumise à un PAP « nouveau quartier » (« PAP NQ ») par le projet de refonte du PAG. En présence de parcelles non viabilisées, les articles 25 et 37 de la loi du 19 juillet 2004 imposeraient de recourir au préalable à un PAP NQ.
Ils continuent, en soutenant que si le morcellement leur opposé par le bourgmestre et Madame C, qui serait illégal, est coulé en force de chose décidée, il n’en resterait pas moins qu’il serait contraire à la loi de délivrer des autorisations de bâtir pour des parcelles non 15viabilisées, ainsi que cela se dégagerait de l’article 37, alinéa 3 de la loi du 19 juillet 2004, les demandeurs soulignant que si Madame C entend viabiliser ses terrains, tel qu’affirmé par elle, il lui appartiendrait de recourir à un PAP NQ, de conclure une convention d’exécution avec la commune et de céder les infrastructures réalisées.
Les consorts AB ajoutent que le fait qu’il serait prévu de réaliser le chemin privé litigieux avec du « Rasengitter » serait dépourvu de pertinence, étant donné que les articles 22 et 23 de la partie écrite du PAG, qui imposeraient une voirie publique pour desservir des constructions, ne prévoiraient pas d’exception pour les voiries privées construites de la manière ainsi décrite par Madame C.
Ils insistent, dans ce contexte, sur l’absence de viabilisation des parcelles 57/1006 et 57/1746 au sens de la réglementation communale et critiquent la création d’une voirie privée, en soulignant que Madame C ne contesterait pas que la parcelle en question n’aurait aucun accès à une voirie publique.
Par ailleurs, ils soutiennent, en substance, que l’argumentaire de Madame C selon lequel ils ne subiraient aucun préjudice du fait de la voirie privée litigieuse serait à rejeter, au motif, d’une part, que la jurisprudence des juridictions administratives serait constante pour rejeter toute exigence d’intérêt au moyen et, d’autre part, que ledit chemin privé leur causerait bien un préjudice, les demandeurs soutenant que ce dernier, du fait de sa largeur réduite, serait une source potentielle d’accidents, de nuisances sonores et de problèmes de circulation dans les rues de Schoenfels et de Steinsel.
Quant à leur moyen tiré de la violation de l’article 2.1.2.4 de la partie écrite du PAG, les demandeurs font valoir que contrairement à ce que soutiendrait Madame C, ils auraient bien sollicité la délivrance de copies des plans autorisés, ce qui leur aurait été refusé.
En outre, il se dégagerait des plans autorisés que le recul postérieur de l’immeuble projeté ne serait que de deux mètres, de sorte que l’autorisation de bâtir litigieuse devrait encourir l’annulation pour violation de l’article 2.1.2.4, précité, de la partie écrite du PAG.
S’agissant de leur moyen ayant trait au caractère erroné du niveau du rez-de-chaussée de la construction projetée, les demandeurs concluent au rejet, pour défaut de pertinence, de l’argumentation de Madame C selon laquelle il y aurait des caves qui ne seraient que partiellement enterrées, tout en soulignant que les plans de coupes ne permettraient pas de déterminer la hauteur exacte du niveau du rez-de-chaussée par rapport à la voirie publique. Ils ajoutent dans ce contexte (i) que les plans ne mentionneraient qu’un « […] niveau 0 qui reposerait sur le niveau du terrain naturel […], (ii) que « […] le 1er niveau du sous-sol […] [serait] presque intégralement non enterré […] », (iii) que n’étant pas à moitié enterré, le prétendu niveau en sous-sol constituerait en réalité le premier niveau de la construction litigieuse, les demandeurs se prévalant, à cet égard, de la définition de la notion de « niveau en sous-sol », telle que figurant à l’annexe II du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu du plan d’aménagement particulier « quartier existant » et du plan d’aménagement particulier « nouveau quartier »15 et (iv) que « […] [f]aute d’indication sur les plans où se trouve[rait] la voirie publique, et vu la façon dont le prétendu niveau du rez-de-chaussé[e] qui 15 Annexe II du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu du plan d’aménagement particulier « quartier existant » et du plan d’aménagement particulier « nouveau quartier », V° Niveau en sous-sol : « Est considéré comme niveau en sous-sol, tout niveau dont au moins la moitié du volume construit brut est sis en dessous du terrain naturel ».
16[serait] en réalité le 2ème niveau sort[irait], […] le niveau maximum du rez-de-chaussée [ne serait] pas respecté […] ».
A l’appui de leur moyen tiré de la violation de l’article 2.2.2 de la partie écrite du PAG, les demandeurs insistent sur le fait que le recul avant serait de 8 mètres, étant donné que celui-ci serait positionné du côté gauche de l’immeuble sur le plan d’implantation.
Quant à leur moyen tiré de la violation de l’article 15.2 de la partie écrite du PAG, les demandeurs donnent à considérer que le recul postérieur serait de 2 mètres.
S’agissant de leur moyen tiré de la violation de l’article 17.1 de la partie écrite du PAG, ils précisent que des panneaux photovoltaïques seraient prévus sur la toiture de la maison projetée.
Les demandeurs excipent encore d’une violation de l’article 23.2 de la partie écrite du PAG, en soutenant que puisque Madame C se référerait à un raccordement provisoire à la rue de Schoenfels avec toutes les infrastructures, cette dernière serait en aveu que sa parcelle ne serait pas viabilisée « […] à la base […] » pour ne pas pouvoir être connectée à la rue de Steinsel qui ne disposerait pas des infrastructures requises pour l’évacuation des eaux usées.
En termes de duplique, l’administration communale insiste sur le fait que l’autorisation 0056 comprendrait la réalisation de la voirie de desserte et que les dispositions réglementaires relatives aux reculs, aux implantations et aux hauteurs autorisables auraient été appliquées en considération de cette voirie de desserte.
Dans son mémoire en duplique, et s’agissant du moyen tiré de la violation de l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, Madame C fait valoir que si, certes, dans son arrêt du 12 mai 2022, portant le numéro 46929C du rôle, tel qu’invoqué par les demandeurs, la Cour administrative a reconnu la nécessité d’une information ex ante des tiers intéressés en matière de permis de construire, il n’en resterait pas moins que dans le même arrêt, elle aurait retenu qu’un affichage suffirait à cette exigence d’information ex ante. Or, en l’espèce, l’affichage aurait bien été fait et les demandeurs auraient été informés à suffisance des autorisations de construire.
Par ailleurs, les faits eu égard auxquels la Cour aurait considéré que l’administré concerné serait un tiers intéressé qui aurait dû bénéficier d’une information ex ante seraient distincts de ceux de l’espèce et la Cour se serait limitée à un constat d’illégalité de la décision lui déférée au regard des dispositions de l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, pour annuler la décision en question pour d’autres motifs.
En tout état de cause, les demandeurs auraient à maintes reprises, et notamment au cours de la susdite réunion du 10 mars 2021, eu l’occasion de présenter leurs observations. Il y aurait eu une publicité adéquate de l’autorisation de construire déférée, alors que les demandeurs auraient introduit non seulement un recours gracieux, mais aussi un recours contentieux, et ce endéans le délai légal.
S’agissant de la voirie privée projetée, Madame C conteste que celle-ci serait une source potentielle d’accidents, de nuisances sonores et de problèmes de circulation dans les rues de Schoenfels et de Steinsel, tel que soutenu par les demandeurs. Elle souligne dans ce contexte 17que la maison couverte par l’autorisation 0058 aurait un accès direct à la rue de Steinsel, de sorte qu’il ne serait pas nécessaire d’emprunter ladite voirie privée pour y accéder.
Quant au moyen tiré de la violation de l’article 2.1.2.4 de la partie écrite du PAG, Madame C fait valoir qu’il se dégagerait des plans autorisés que le recul de 6 mètres par rapport à la rue de Steinsel serait respecté et qu’il serait de même en ce qui concerne le recul latéral de 4 mètres par rapport à la parcelle de Monsieur A. Elle ajoute que le recul latéral ne poserait pas de problèmes, étant donné que le bourgmestre aurait affirmé pouvoir lui accorder une dérogation sur ce point, identique à celle dont aurait bénéficié tant le grand-père de Monsieur A que le demandeur lui-même.
Quant au moyen tiré de la violation de l’article 2.2.2.1 de la partie écrite du PAG, Madame C souligne qu’elle projetterait la réalisation de caves qui ne seraient pas totalement enterrées du côté du chemin privé aménagé en pente, mais qui ne constitueraient pas pour autant un niveau supplémentaire. Elle ajoute que la maison couverte par l’autorisation 0058 se trouverait sur le même plateau que les autres maisons projetées. Elle précise encore que la configuration du terrain entraînerait que « […] la cave/le garage [serait] « ouvert » [du] côté [de la] rue de Steinsel permettant ainsi l’entrée des voitures […] », mais que sur deux côtés, la cave serait totalement enterrée, ce qui s’expliquerait par le fait qu’il s’agirait d’un terrain présentant une très forte pente. Elle souligne, dans ce contexte, que des dérogations existeraient « […] pour exactement ce cas de figure […] ».
S’agissant du moyen tiré de la violation de l’article 2.2.2 de la partie écrite du PAG, Madame C insiste sur le fait que le recul avant du côté de la rue de Steinsel serait bien de 6 mètres.
Quant au moyen tiré de la violation de l’article 15.2 de la partie écrite du PAG, elle fait valoir que si le recours postérieur ne serait pas suffisant, il ferait l’objet d’une dérogation de la part du bourgmestre.
Quant au moyen tiré de la violation de l’article 17.1 de la partie écrite du PAG, elle fait valoir que les panneaux photovoltaïques n’y seraient pas mentionnés, de sorte qu’il ne s’agirait pas de superstructures au sens de la disposition réglementaire en question, Madame C soulignant, dans ce contexte, que Monsieur A aurait lui-même fait installer de tels panneaux sur la toiture de sa maison.
Finalement, s’agissant du moyen tiré de la violation de l’article 23.2 de la partie écrite du PAG, elle fait plaider qu’elle aurait prévu un raccordement provisoire avec toutes les infrastructures à la rue de Schoenfels qui serait viabilisée, ce qui serait possible avec une dérogation de la part du bourgmestre, en application de l’article 23.3 de la partie écrite du PAG.
Appréciation du tribunal Quant à la légalité externe des décisions déférées et s’agissant, plus particulièrement, du moyen tiré de la violation de l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, le tribunal relève que celui-ci prévoit ce qui suit :
« Lorsqu’une décision administrative est susceptible d’affecter les droits et intérêts de tierces personnes, l’autorité administrative doit lui donner une publicité adéquate mettant les tiers en mesure de faire valoir leurs moyens.
18 Dans la mesure du possible, l’autorité administrative doit rendre publique l’ouverture de la procédure aboutissant à une telle décision.
Les personnes intéressées doivent avoir la possibilité de faire connaître leurs observations.
La décision définitive doit être portée par tous moyens appropriés à la connaissance des personnes qui ont présenté des observations ».
Il est certes exact que s’agissant de l’application de cette disposition réglementaire en matière d’urbanisme communal, le tribunal de céans a, dans le passé, retenu, d’une part, qu’au vu des travaux parlementaires ayant abouti à la loi du 19 juillet 2004, le législateur aurait explicitement exclu l’obligation de procéder antérieurement à une information de toutes les personnes intéressées, au motif qu’une notification individuelle des personnes intéressées ne serait pas possible pour des raisons pratiques, liées notamment à l’impossibilité d’identifier ex ante toutes les personnes susceptibles d’être intéressées, de sorte à ne retenir a priori en matière d’urbanisme que l’obligation d’une information ex post par la voie de l’affichage16 et, d’autre part, que ce principe ne serait battu en brèche que lorsque des personnes effectivement intéressées ont manifesté préalablement et valablement leur intérêt à être informées d’un projet de construction, respectivement lorsque l’administration ne pouvait pas raisonnablement ignorer l’intérêt de ces tiers à être informés du sort réservé à un projet17.
Cependant, dans son arrêt du 12 mai 2022, portant le numéro 46929C18 du rôle, tel qu’invoqué par les demandeurs, la Cour administrative a pris position quant à cette jurisprudence dans les termes suivants :
« […] Cette solution résulte ostensiblement d’une mauvaise lecture des travaux parlementaires, cités par le tribunal et analysés pour la première fois en ce sens au niveau du jugement précité du 7 juillet 2008 (doc. Par. 4486-3, pp. 65 et 66).
En effet, en relisant ces documents, il appert très clairement que le législateur, à l’époque, avait l’intention, d’un côté, de cerner l’ensemble des tiers intéressés par rapport auxquels la décision d’autorisation devait être communiquée et, d’un autre côté, de faire en toute occurrence courir les délais contentieux dans l’intérêt du principe de sécurité juridique.
A aucun endroit, au niveau des travaux parlementaires en question, le législateur ne s’exprime dans le sens d’abandonner la procédure précontentieuse soit de l’affichage, soit de la notification individuelle.
En toute occurrence, l’affichage de la demande d’autorisation ou d’un renseignement suffisant concernant l’existence de pareille demande et la possibilité de tout intéressé de la consulter à un endroit donné avec possibilité de faire valoir ses observations doit être possible dans une très large majorité des cas, de sorte que la réserve de l’alinéa 2 de l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 consistant en le bout de phrase « dans la mesure du 16 Trib. adm., 7 juillet 2008, n° 23654 du rôle, confirmé par Cour adm., 29 janvier 2009, n° 24748C du rôle, Pas.
adm. 2023, V° Urbanisme, n° 941 et les autres références y citées.
17 Trib. adm. prés., 9 novembre 2015, n° 37082 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 942 et l’autre référence y citée.
18 Cour adm., 12 mai 2022, n° 46929C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure administrative non contentieuse, nos 184 et 185.
19possible » est appelée à jouer de moins en moins souvent.
Pareil affichage a pour le surplus l’avantage de donner une possibilité égale à tous les intéressés vu qu’il est destiné à se faire à l’endroit de l’objet de la demande d’ouverture de la procédure, généralement, une demande d’autorisation de construire.
[…] De manière générale, la Cour se doit de souligner que précisément en matière d’urbanisme communal, la nécessité d’un dialogue avec une possibilité de prise de participation des personnes intéressées à la décision à prendre est des plus importantes. Ceci est d’autant plus important dans un contexte où, sociologiquement, la pandémie y aidant encore, les personnes sont amenées à se replier de plus en plus sur soi et à éviter ainsi plus souvent que jamais les échanges permettant précisément, à travers des discussions à mener, en vue de trouver des solutions dans l’intérêt d’un meilleur vivre ensemble et de relations de voisinage optimisées.
C’est manifestement l’information ex ante qui rend possible l’objectif valablement visé par l’article 1er de la loi du 1er décembre 1978 en ses alinéas 2 et 3, en ce qu’elle permet seule d’assurer la défense des administrés, voisins en l’occurrence, de leur permettre de participer à leur tour à la prise de la décision, c’est-à-dire l’autorisation à délivrer, en proposant des éléments de participation valables, démarche qui présuppose un accès aux informations et, de manière basique, une information sur l’ouverture de la demande d’autorisation.
L’information ex ante rendant possible la participation de l’administré voisin est aussi la seule garantie de ce processus de participation, par essence de nature, à éviter des conflits ultérieurs et à baliser les difficultés le plus tôt possible. […] ».
Il ressort ainsi des enseignements de la Cour administrative qu’en la présente matière, il doit, en principe, être procédé à l’information ex ante des tiers intéressés, notamment à travers l’affichage de la demande d’autorisation ou d’un renseignement suffisant concernant l’existence de pareille demande, les tiers intéressés devant pouvoir la consulter à un endroit donné avec possibilité de faire valoir leurs observations.
En l’espèce, il n’est pas établi qu’une telle information ex ante des tiers intéressés – qualité qui doit être reconnue aux demandeurs, dont l’intérêt à agir vient d’être constaté ci-avant – aurait eu lieu. En effet, si Madame C fait plaider qu’il y aurait eu une publicité par voie d’affichage, le seul affichage qui est documenté par les pièces versées en cause est celui des certificats point rouge relatifs aux autorisations du 29 avril 2021, qui a cependant eu lieu postérieurement à la délivrance des autorisations en question.
Quant aux conséquences à tirer de ce constat, le tribunal relève que l’omission par l’administration de donner aux tiers intéressés par la prise d’une décision administrative, la possibilité de présenter leurs observations préalables, constitue l’omission d’une formalité substantielle dont la sanction appropriée est en principe l’annulation de la décision administrative. Cette sanction sévère de l’inobservation des exigences de l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ne saurait cependant être prononcée que si, du fait de cette inobservation, les tiers ont subi un préjudice. Une absence de préjudice est donnée si ceux-ci ont pu exposer l’ensemble de leurs doléances et démontrer à suffisance le contenu des propositions concrètes tendant à voir prendre une décision différente de celle critiquée. Elle est 20encore donnée lorsque la décision a été prise dans des matières où l’administration a une compétence liée, ne disposant d’aucun pouvoir d’appréciation, de sorte que l’intervention des tiers dans la procédure d’élaboration de la décision ne saurait utilement influer sur le contenu de la décision litigieuse.19 Il est vrai que dans la matière des autorisations de construire, les autorités compétentes voient leur compétence largement liée, surtout lorsque les dispositions du PAG et du règlement sur les bâtisses sont précises, mais il subsiste généralement, dans des limites plus ou moins étroites, un pouvoir d’appréciation. Il s’agit partant pour le juge d’examiner si la participation des tiers intéressés à la délivrance de l’autorisation de construire litigieuse aurait pu influer sur le contenu de cette dernière, ce qui n’est le cas que si le bourgmestre disposait en la matière d’un pouvoir d’appréciation à l’exercice duquel les tiers auraient pu faire valoir, au préalable, leur point de vue qui aurait dès lors pu être pris utilement en considération.
Dans le même ordre d’idées, il a été jugé qu’en présence d’une disposition visant la participation de l’administré à la prise d’une décision administrative, présupposant également l’initiative de celui-ci, le défaut d’avoir rendu publique l’ouverture de la procédure afférente, tout en constituant une formalité substantielle, ne saurait être sanctionné que dans la mesure où son non-respect a été invoqué utilement dans le délai contentieux par l’administré qui affirme ne pas avoir pu de ce chef faire valoir ses observations et que ces dernières contiennent, outre les moyens de légalité invoqués, des éléments concrets de participation à la décision à prendre, qui, eussent-ils pu être proposés en temps utile, auraient été de nature à conduire l’autorité compétente à prendre une décision différente en tenant compte de ces propositions, dans les limites d’appréciation laissées au cas précis à l’auteur de la décision.20 En l’espèce, le tribunal rappelle que les demandeurs avaient introduit en date du 23 octobre 2020 un recours gracieux contre les autorisations de bâtir initiales, recours gracieux qui était fructueux dans la mesure où le bourgmestre a retiré ces autorisations par décision du 28 janvier 2021. Le tribunal constate encore à la lecture dudit recours gracieux du 23 octobre 2020 que les demandeurs avaient déjà soulevé à l’époque la problématique de la viabilisation des terrains concernés, de l’absence de voirie publique et de la nécessité d’élaboration d’un PAP NQ, avant toute délivrance d’une autorisation de construire, problématique qui constitue toujours le point de discorde essentiel entre les parties. Par ailleurs, il est constant en cause que le 10 mars 2021, une réunion a eu lieu entre les responsables communaux, les consorts AB et les bénéficiaires des autorisations de construire retirées le 28 janvier 2021 et il ressort des propres explications des demandeurs qu’au cours de cette réunion, ils ont insisté sur le fait que les différentes parcelles issues des morcellements ne seraient pas viabilisées, qu’une telle viabilisation ne pourrait se faire que par la future prolongation de la rue des Genêts et que la constructibilité du site nécessiterait au préalable l’adoption d’un PAP.
Ainsi, les demandeurs avaient déjà pu porter à la connaissance du bourgmestre leur opposition à l’urbanisation du site en son état factuel et juridique actuel, avant la délivrance des autorisations du 29 avril 2021.
A cela s’ajoute que les demandeurs ont encore pu introduire un recours gracieux à l’encontre des autorisations en question. A travers ce recours gracieux, auquel le bourgmestre 19 Cour adm., 11 juin 2009, nos 25463C et 25465C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 189 et les autres références y citées.
20 Trib. adm., 22 janvier 2003, n° 14868 du rôle, confirmé par Cour adm., 17 juin 2003, nos 16056C et 16077C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 188 et les autres références y citées.
21a répondu le 30 novembre 2021, ils ont réitéré leur argumentation ayant trait au défaut de viabilisation du site, tout en soulevant différentes violations de la réglementation urbanistique communale.
Au vu de ces considérations, le tribunal conclut que les demandeurs ont, à suffisance, pu présenter leur point de vue au cours de la procédure précontentieuse, malgré l’inobservation des exigences de l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, telle qu’invoquée par eux.
A cela s’ajoute que les différents moyens d’annulation qu’ils invoquent dans leur requête introductive d’instance à l’encontre de l’autorisation de construire déférée, à savoir ceux ayant trait (i) au non-respect des dispositions de l’article 2.1.2.4 de la partie écrite du PAG relatives au recul postérieur, (ii) à la violation des dispositions de l’article 2.2.2.1 de la partie écrite du PAG concernant les niveaux d’une construction, (iii) au non-respect du recul antérieur imposé par l’article 2.2.2 de la partie écrite du PAG, (iv) à la violation de l’article 15.2 de la partie écrite du PAG relatif à l’aménagement des marges de reculement postérieures et latérales et (v) à la présence, sur la toiture de l’immeuble projeté, de superstructures méconnaissant l’article 17.1 de la partie écrite du PAG, se résument à des questions de pure légalité et ne constituent pas des éléments de participation qui auraient pu influer dans un sens ou dans l’autre sur l’exercice, par le bourgmestre, d’un pouvoir d’appréciation qui lui aurait été conféré par une disposition de la réglementation urbanistique communale. La même conclusion s’impose en ce qui concerne le moyen tiré de la violation de l’article 23.2 de la partie écrite du PAG eu égard aux modalités de l’évacuation des eaux usées, ainsi que l’argumentation des demandeurs ayant trait à l’absence de viabilisation du site litigieux et à la création d’une voirie privée, en méconnaissance, notamment des articles 22, 23.1 et 23.2 de la partie écrite du PAG, tels que développés par les consorts AB dans leur mémoire en réplique.
Il suit des développements qui précèdent que les demandeurs n’ont pas subi du fait de l’inobservation des dispositions de l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 un préjudice qui serait de nature à justifier l’annulation des décisions déférées, de sorte que le moyen afférent est à rejeter.
Quant à la légalité interne des actes déférés, le tribunal rappelle, à titre liminaire, que dans son jugement rendu ce jour dans le cadre de l’affaire inscrite sous le numéro 47105 du rôle, il a, d’une part, conclu à la recevabilité ratione temporis du recours contentieux introduit par les consorts AB à l’encontre de l’autorisation 0056, après avoir constaté que contrairement à l’argumentation de l’administration communale et des parties tierces intéressées, cette autorisation était bien visée par le recours gracieux des consorts AB du 28 juillet 2021 et, d’autre part, annulé l’autorisation en question. C’est, dès lors, à tort que dans le cadre du présent recours, l’administration communale soutient que l’autorisation 0056, qui prévoirait la voirie de desserte, serait coulée en force de chose décidée pour ne pas avoir été visée par le recours gracieux des demandeurs, de sorte que ceux-ci ne seraient pas fondés à contester l’existence d’une voirie de desserte et les implantations qui auraient été considérées à partir de cette voirie de desserte.
Le tribunal précise ensuite que c’est à tort que pour justifier sa décision de maintien de l’autorisation de construire litigieuse, le bourgmestre a opposé aux consorts AB les autorisations de morcellement préalablement délivrées.
En effet, tel que relevé ci-avant, il se dégage des pièces versées en cause que 22contrairement à ce qui est le cas pour les parcelles faisant l’objet des autres autorisations du 29 avril 2021, les parcelles 57/1006 et 57/1746 visées par l’autorisation 0058 ne sont pas issues de l’opération de morcellement litigieuse, constat qui rend à lui seul inopérant l’argumentaire sous examen du bourgmestre.
En tout état de cause, le tribunal rappelle qu’un morcellement au sens urbanistique du terme se limite à une division foncière d’une ou de plusieurs parcelles en plusieurs nouvelles parcelles en vue de créer des places à bâtir21, sans imposer juridiquement l’implantation de bâtiments, voire le gabarit de constructions. D’ailleurs, tel que relevé ci-avant, il ne se dégage aucunement des pièces versées en cause que l’implantation concrète des constructions sur les parcelles issues du morcellement, telle qu’elle est actuellement prévue par les autorisations du 29 avril 2021, aurait déjà été définitivement arrêtée lors de la réalisation du morcellement litigieux et les plans afférents, tels que versés par l’administration communale, ne font pas non plus état de la voirie privée actuellement litigieuse.
Par ailleurs, ce morcellement, même à le supposer légal, ne saurait en aucun cas dispenser le bourgmestre de son obligation de respecter les normes encadrant la délivrance d’une autorisation de construire, telles qu’elles découlent de la loi du 19 juillet 2004 et de la réglementation urbanistique communale, étant relevé que le principe de confiance légitime, auquel le bourgmestre s’est référé dans ce contexte dans sa décision du 30 novembre 2021, ne saurait être invoqué pour voir consacrer une situation contraire à la loi22.
A cet égard, le tribunal relève qu’il est certes exact que contrairement aux terrains faisant l’objet des autres autorisations du 29 avril 2021, le terrain formé par les parcelles 57/1006 et 57/1746 dispose d’un accès direct à la voirie publique, en l’occurrence la rue de Steinsel, de sorte qu’il ne saurait a priori – et sous réserve de l’argumentation des demandeurs ayant trait à la problématique de l’évacuation des eaux usées – être qualifié de terrain non viabilisé, au sens des articles 23, alinéa 2 et 108bis (2), alinéa 2 de la loi du 19 juillet 2004. Il est encore exact que, par voie de conséquence, la conclusion dégagée par le tribunal dans les affaires parallèles inscrites sous les numéros 47102, 47103, 47105 et 47106 du rôle, selon laquelle les différentes autorisations en cause ont été délivrées en méconnaissance des articles 37, alinéa 3 et 108bis (2), alinéa 2 de la loi du 19 juillet 2004, ainsi que des articles 20, 22 et 23 de la partie écrite du PAG, au motif, notamment, du caractère non viabilisé des terrains concernés et de l’absence d’une voirie publique de desserte, n’est, en principe, pas transposable à la présente affaire.
Il n’en reste pas moins qu’aux termes de l’article 37, alinéa 2 de la loi du 19 juillet 2004, « L’autorisation n’est accordée que si les travaux sont conformes au plan ou au projet d’aménagement général et, le cas échéant, au plan d’aménagement particulier « nouveau quartier », respectivement au plan ou projet d’aménagement particulier « quartier existant » et au règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites. ». Par ailleurs, l’article 108bis (2) de la loi du 19 juillet 2004, qui réglemente la mise en œuvre des PAG fondés sur la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, entretemps abrogée, tels que celui de la commune de Kopstal, prévoit, en son alinéa 4, que « Tant que le plan d’aménagement général d’une commune n’a pas fait l’objet d’une refonte et adaptation complètes conformément au paragraphe (1) de l’article 108, le 21 Trib. adm., 13 octobre 2014, n° 32991 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 726 et les autres références y citées.
22 En ce sens : trib. adm., 15 juin 2022, n° 45237 du rôle, confirmé par Cour adm., 23 mars 2023, n° 47735C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Lois et règlements, n° 61.
23bourgmestre accorde directement une autorisation de construire pour les travaux de construction, de transformation ou de démolition d’un bâtiment si ces travaux sont conformes soit au plan ou projet d’aménagement général, soit au plan ou projet d’aménagement particulier approuvés ou en cours d’approbation au moment de l’entrée en vigueur de la présente loi ».
Ainsi, peu importe l’existence des autorisations de morcellement invoquées par le bourgmestre et indépendamment de la question de leur légalité, le bourgmestre n’a pu légalement délivrer l’autorisation de construire déférée qu’à condition que celle-ci soit conforme au PAG, ce qui, selon les demandeurs, ne serait pas le cas.
En effet, ces derniers invoquent, notamment, un non-respect du recul postérieur réglementaire.
La référence faite dans ce contexte par les consorts AB à l’article 2.1.2.4 de la partie écrite du PAG, qui concerne la « zone commerciale », est manifestement constitutive d’une erreur matérielle et il y a lieu d’admettre que les demandeurs ont en réalité entendu viser l’article 2.2.2.4 de la partie écrite du PAG, applicable à la « zone d’habitation à faible densité », à l’instar des articles 2.2.2 et 2.2.2.1 de la partie écrite du PAG dont ils se prévalent encore. Cette conclusion est corroborée par le fait que l’extrait de la partie écrite du PAG qu’ils versent en cause ne contient pas ledit article 2.1.2.4, mais comporte l’intégralité de l’article 2.2, régissant la « zone d’habitation à faible densité ».
Aux termes dudit article 2.2.2.4, « Le recul des constructions sur la limite postérieure de la parcelle sera égal ou supérieur à une fois et demie la hauteur à la corniche, mais sera au moins de 8 mètres. […] ».
En l’absence de disposition contraire, les reculs sont nécessairement à définir en fonction de leur situation par rapport à la voirie desservante.23 En l’espèce, le tribunal constate que le recul postérieur, déterminé à partir de la voie desservante qu’est la rue de Steinsel et se situant, au vu du tracé de ladite rue, tel qu’il ressort du plan d’implantation de l’autorisation déférée, du côté de la parcelle 56/2531, n’est pas expressément indiqué sur les plans autorisés.
En revanche, il ressort desdits plans que la distance entre la façade arrière de la construction autorisée et la construction projetée sur la parcelle voisine cadastrée sous le numéro 56/2531 est de 8 mètres. Ainsi, le recul postérieur, soit la distance entre la façade arrière de la construction couverte par l’autorisation déférée et la limite postérieure de la parcelle 57/1006, est manifestement inférieur au minimum réglementaire de 8 mètres et est plutôt de l’ordre de 4 mètres.
Ainsi, l’autorisation de construire déférée viole l’article 2.2.2.4, précité, de la partie écrite du PAG.
Cette conclusion n’est pas énervée par l’argumentation de l’administration communale selon laquelle les implantations des différentes maisons couvertes par les autorisations du 29 avril 2021 auraient été déterminées en considération de la voirie de desserte que constituerait 23 Trib. adm., 20 mars 2024, n° 46822 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.
24la future voirie privée qui serait autorisée à travers l’autorisation 0056.
En effet, même à admettre que le recul postérieur devrait, en l’espèce, être déterminé, non pas à partir de la rue de Steinsel, qui dessert pourtant directement le terrain formé par les parcelles 57/1006 et 57/1746, mais à partir de la susdite voirie privée, les dispositions de l’article 2.2.2.4 de la partie écrite du PAG relatives au recul postérieur ne seraient toujours pas respectées, étant donné que le recul postérieur, ainsi déterminé, est inexistant, la maison projetée étant, en effet, érigée sur la limite est des parcelles 57/1006 et 57/1746, vues depuis la rue de Steinsel.
Pour autant qu’à travers son argumentation ayant trait à la possibilité d’une dérogation de la part du bourgmestre, Madame C ait entendu se prévaloir des dispositions de l’article 2.2.5 de la partie écrite du PAG, le tribunal relève que celui-ci prévoit ce qui suit :
« Le bourgmestre pourra accorder ou imposer une dérogation aux dispositions relatives à la hauteur et aux reculs de constructions pour motifs graves.
Sont considérés comme étant des motifs graves :
a) les problèmes découlant de la topographie particulière des lieux telle que la forte déclivité du terrain à construire ou d’un alignement préexistant dans un quartier d’habitation ;
b) la nécessité de raccorder esthétiquement une nouvelle construction à des constructions mitoyennes récentes ;
c) le fait que les constructions voisines récentes ont rendu impropre à la construction une parcelle non construite devenue place à bâtir à la suite d’une autorisation de lotissement ou de morcellement antérieure au présent projet d’aménagement. ».
Il y a lieu de prime abord de constater à ce sujet que ni l’autorisation de construire déférée, ni les mémoires déposés en cours d’instance contentieuse par l’administration communale ne comportent une quelconque indication permettant de savoir si, dans la présente affaire, le bourgmestre a effectivement fait usage de son droit de déroger aux reculs conformément à l’article 2.2.5 du PAG, le seul indice en ce sens étant la référence vague, générale et non autrement précisée faite par le bourgmestre dans sa décision du 30 novembre 2021 à des « […] dérogation[s] […] quant aux reculs […] demandées par les bénéficiaires des autorisations de construire litigieuses […] ». A cela s’ajoute que ni les décisions déférées, ni les mémoires en réponse et en duplique de l’administration communale ne contiennent ne serait-ce qu’un début de motivation quant à la question de savoir quels seraient les motifs graves qui justifieraient, en l’espèce, une dérogation aux règles relatives aux reculs.
Or, il y a lieu de rappeler que les dispositions prévoyant dans certaines hypothèses des exceptions à un règlement de police des bâtisses doivent en principe être interprétées de manière restrictive et leur application par le bourgmestre déclenche dans son chef une obligation de motivation circonstanciée quant à la réunion des différentes prémisses requises 25pour faire fruit de la dérogation concernée.24 En tout état de cause, et en l’absence de toute prise de position afférente de la part de l’administration communale, le tribunal ne perçoit pas en quoi une dérogation aux règles relatives aux reculs pourrait, en l’espèce, être justifiée par des problèmes découlant de la topographie des lieux ou d’un alignement préexistant dans un quartier d’habitation, au sens du point a) dudit article 2.2.5 de la partie écrite du PAG.
Par ailleurs, l’hypothèse visée au point b) de ladite disposition réglementaire n’est manifestement pas vérifiée en l’espèce, en l’absence de construction mitoyenne récente à laquelle l’immeuble projeté devrait être raccordé.
La même conclusion s’impose en ce qui concerne l’hypothèse visée au point c) de l’article 2.2.5, précité, de la partie écrite du PAG, étant donné que le tribunal ne décèle pas de construction voisine récente qui aurait rendu impropre à la construction les parcelles 57/1006 et 57/1746 et qu’il n’est pas non plus établi que ces dernières seraient devenues places à bâtir à la suite d’une autorisation de lotissement ou de morcellement antérieure à l’adoption du PAG.
Quant à l’argumentation du bourgmestre selon laquelle Monsieur A aurait bénéficié d’une dérogation aux règles relatives aux reculs des constructions et à la référence qu’il fait dans contexte au principe d’égalité devant la loi, le tribunal relève que ce principe, tel qu’inscrit à l’article 10bis de la Constitution dans sa version en vigueur au jour des décisions déférées, suivant lequel tous les Luxembourgeois sont égaux devant la loi, applicable à tout individu touché par la loi luxembourgeoise si les droits de la personnalité, et par extension les droits extrapatrimoniaux sont concernés, ne s’entend pas dans un sens absolu, mais requiert que tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit soient traités de la même façon.
Le principe d’égalité de traitement est compris comme interdisant le traitement de manière différente de situations similaires, à moins que la différenciation soit objectivement justifiée.
Il appartient par conséquent aux pouvoirs publics, tant au niveau national qu’au niveau communal, de traiter de la même façon tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit. Par ailleurs, lesdits pouvoirs publics peuvent, sans violer le principe de l’égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents, à condition que les différences instituées procèdent de disparités objectives, qu’elles soient rationnellement justifiées, adéquates et proportionnées à leur but.25 Le principe constitutionnel d’égalité devant la loi édicté par l’article 10bis (1) de la Constitution appelle une analyse à deux degrés : dans un premier stade, il y a lieu, de façon préalable, de vérifier la comparabilité des deux catégories de personnes par rapport auxquelles le principe est invoqué. Ce n’est que si cette comparabilité est vérifiée que, dans un deuxième stade, la juridiction saisie analyse si la différenciation qui existe par hypothèse entre ces deux catégories de personnes est objectivement justifiée ou non.26 Or, le tribunal vient ci-avant de constater que face aux contestations afférentes de 24 Trib. adm., 27 octobre 2004, n° 17791 du rôle, confirmé par Cour adm., 21 avril 2005, n° 18939C du rôle, Pas.
adm. 2023, V° Urbanisme, n° 1032 du rôle et les autres références y citées.
25 Trib. adm., 6 décembre 2000, n° 10019 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Lois et règlements, n° 9 et les autres références y citées.
26 Cour adm., 5 mai 2009, n° 24618C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Lois et règlements, n° 11 et les autres références y citées.
26Monsieur A, il ne s’est pas vu soumettre un quelconque élément probant qui lui permettrait d’apprécier la réalité, la nature exacte, ainsi que le cadre factuel et juridique de la dérogation aux règles relatives aux reculs des constructions dont le demandeur aurait prétendument bénéficié.
Dans ces circonstances, il n’est pas établi que Monsieur A et Madame C se trouveraient dans une situation suffisamment comparable pour que le principe d’égalité de traitement puisse trouver vocation à s’appliquer, outre le fait, d’une part, que le tribunal vient ci-avant de constater qu’aucune des hypothèses dans lesquelles l’article 2.2.5 permet au bourgmestre d’accorder une dérogation aux règles relatives aux reculs n’est vérifiée en l’espèce et, d’autre part, qu’il ne saurait, en tout état de cause, y avoir d’égalité dans l’illégalité27.
Il suit des considérations qui précèdent et sans qu’il y ait besoin de statuer plus en avant que l’autorisation de construire déférée, et, par voie de conséquence, aussi la décision confirmative sur recours gracieux du 30 novembre 2021, sont à annuler pour violation de l’article 2.2.2.4 de la partie écrite du PAG.
IV) Quant aux demandes d’octroi d’une indemnité de procédure Les demandeurs sollicitent encore la condamnation de l’administration communale au paiement, à chacun d’entre eux, d’une indemnité de procédure s’élevant, d’après le dernier de leurs conclusions, à 2.500 euros, sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, aux termes duquel « Lorsqu’il paraît inéquitable de laisser à la charge d’une partie les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, le juge peut condamner l’autre partie à lui payer le montant qu’il détermine. ».
Cette demande est cependant à rejeter, étant donné qu’il n’est pas établi qu’il serait inéquitable de laisser à la charge des demandeurs les sommes exposées par eux et non comprises dans les dépens. Le seul fait, invoqué par les consorts AB, qu’après avoir annoncé, par des courriers du 16 mai 2022, son intention de procéder au retrait des autorisations du 29 avril 2021, compte tenu des susdites ordonnances du président du tribunal administratif du 25 mars 2022, le bourgmestre ait finalement décidé, en date du 19 juillet 2022, de ne pas révoquer lesdites autorisations, après avoir recueilli les observations des administrés concernés sur base de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, n’est pas suffisant à cet égard.
L’administration communale explique, en effet, de manière plausible qu’elle a finalement décidé de maintenir les autorisations en question, afin d’éviter de nouveaux recours contentieux émanant, cette fois-ci, des différents bénéficiaires de ces dernières, qui, lors d’une réunion avec les responsables communaux, auraient clairement annoncé leur refus d’accepter une éventuelle décision de retrait à intervenir.
Madame C sollicite, à son tour, l’octroi d’une indemnité de procédure de 5.000 euros.
Cette demande est, elle aussi, à rejeter, au vu de l’issue du litige.
V) Quant à la demande de distraction des frais 27 Voir, sur ce dernier point : trib. adm., 23 septembre 2022, n° 45626 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.
27Quant à la demande de distraction des frais au profit du mandataire de Madame C, il convient de rappeler qu’il ne saurait être donné suite à la demande en distraction des frais posés par le mandataire d’une partie, pareille façon de procéder n’étant point prévue en matière de procédure contentieuse administrative.28 Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond, le déclare justifié, partant annule les décisions du bourgmestre de la commune de Kopstal des 29 avril et 30 novembre 2021, telles que déférées ;
déboute les demandeurs, ainsi que Madame C de leurs demandes respectives en allocation d’une indemnité de procédure ;
rejette la demande en distraction des frais formulée par le mandataire de Madame C ;
condamne l’administration communale de Kopstal aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 5 juin 2024 par :
Daniel Weber, vice-président, Sibylle Schmitz, juge, Michel Thai, juge, en présence du greffier Luana Poiani.
s. Luana Poiani s. Daniel Weber Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 5 juin 2024 Le greffier du tribunal administratif 28 Trib. adm., 14 février 2001, n° 11607 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 1317 et les autres références y citées.