Tribunal administratif N° 47171 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47171 5e chambre Inscrit le 11 mars 2022 Audience publique du 5 juin 2024 Recours formé par Monsieur …, …, contre des bulletins de l’impôt et contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 47171 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 11 mars 2022 par Maître Charles MULLER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation :
- d’une décision du directeur de l'administration des Contributions directes du 13 décembre 2021, référencée sous le numéro C 29561 du rôle, portant rejet de sa réclamation introduite en date du 15 juin 2021 ;
- des bulletins rectificatifs de l'impôt sur le revenu des années 2011 à 2018 ;
- des bulletins de la base d'assiette de la contribution à l'assurance dépendance des années 2011, 2012, 2014, 2015, 2017 et 2019 ;
- des bulletins rectificatifs de la base d'assiette de la contribution à l'assurance dépendance des années 2013, 2016 et 2018 ;
- du bulletin de l'impôt d'équilibrage budgétaire temporaire de l’année 2015 ;
- du bulletin rectificatif de l'impôt d'équilibrage budgétaire temporaire de l’année 2016 ;
- du bulletin de l'impôt sur le revenu de l’année 2019 ;
tous émis en date du 17 mars 2021 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 juin 2022 ;
Vu le mémoire en réplique déposé le 13 juillet 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Charles MULLER au nom de Monsieur … ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;
Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Charles MULLER et Monsieur le délégué du gouvernement Tom KERSCHENMEYER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 janvier 2024.
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Le 24 septembre 2014, le bureau d’imposition …, désigné ci-après par « le bureaud’imposition » émit à l’égard de Monsieur …, désigné ci-après par « Monsieur … », les bulletins de l’impôt sur le revenu des années 2011 et 2012. Le 23 décembre 2015, le bureau d’imposition émit à l’égard de Monsieur … le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2013.
Ultérieurement les bulletins de l’impôt sur le revenu des années 2014 à 2018 furent émis à l’égard de Monsieur ….
Par courrier du 9 février 2021, le bureau d’imposition, informa Monsieur … qu’il envisageait de s’écarter des déclarations de l’impôt sur le revenu des années 2011 à 2019 sur le fondement du § 205, alinéa (3) de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », tout en l’invitant à formuler ses objections pour le 26 février 2021 au plus tard, ledit courrier étant libellé comme suit :
« (…) Après vérification (§§204 et 205 AO) de vos déclarations mentionnées sous rubrique, et conformément au § 205(3) AO (principe du contradictoire), je dois vous communiquer, préalablement à l'émission des bulletins d'imposition les points sur lesquels le bureau d'imposition entend s'écarter des déclarations en question :
Concernant l'immeuble sis … :
Considérant que vous pratiquez une sous-location de cet immeuble et que vous avez omis de déclarer ce revenu dans vos déclarations fiscales, le bureau va procéder à des impositions rectificatives des années en cause. Le revenu de location pour chaque année va se chiffrer comme suit :
Recettes :
Logement 1 : utilisation personnelle … Logement 2 : locataire … … Logement 3 : locataire … … Logement 4 : locataire … … R-d-ch. :
locataire … … …€ Dépenses :
Loyer … :
…€ pour l'immeuble entier moins le loyer pour votre utilisation privée du logement 1, taxé à …€/an Revenu de location imposable par année :
… -… … Je vous prie de me communiquer, de préférence par écrit, vos objections quant aux redressements envisagés pour le 26 février 2021 au plus tard.
Ce délai passé, je me permets d'admettre votre approbation et les impositions des années 2011 à 2019 seront établies en tenant compte des modifications susmentionnées. (…) ».
En date du 17 mars 2021, le bureau d’imposition émit à l’égard de Monsieur … les bulletins rectificatifs de l'impôt sur le revenu des années 2011 à 2018, les bulletins de la base d'assiette de la contribution à l'assurance dépendance des années 2011, 2012, 2014, 2015, 2017 et 2019, les bulletins rectificatifs de la base d'assiette de la contribution à l'assurance dépendance des années 2013, 2016 et 2018, le bulletin de l'impôt d'équilibrage budgétairetemporaire de l’année 2015, le bulletin rectificatif de l'impôt d'équilibrage budgétaire temporaire de l’année 2016 et le bulletin de l'impôt sur le revenu de l’année 2019 indiquant que l’imposition tenait compte des modalités retenues dans le courrier précité du 9 février 2021 suivant le § 205, alinéa (3) AO.
Par courrier de son litismandataire du 14 juin 2021, réceptionné par la direction de l’administration des Contributions directes le lendemain, Monsieur … fit introduire une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », contre l’ensemble des bulletins d’impôt précités.
Par décision du 13 décembre 2021, référencée sous le numéro C 29561 du rôle, le directeur rejeta la réclamation de Monsieur … pour ne pas être fondée. Ladite décision est basée sur les considérations et motifs suivants :
« (…) Vu la requête introduite le 15 juin 2021 par Maître Charles Müller, au nom du sieur …, demeurant à L-…, pour réclamer contre les bulletins rectificatifs de l'impôt sur le revenu des années 2011, 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018, les bulletins de la base d'assiette de la contribution à l'assurance dépendance des années 2011, 2012, 2014, 2015 et 2017, les bulletins rectificatifs de la base d'assiette de la contribution à l'assurance dépendance des années 2013, 2016 et 2018, le bulletin de l'impôt d'équilibrage budgétaire temporaire de l'année 2015, le bulletin rectificatif de l'impôt d'équilibrage budgétaire temporaire de l'année 2016, le bulletin de l'impôt sur le revenu de l'année 2019, et le bulletin de la base d'assiette de la contribution à l'assurance dépendance de l'année 2019, tous émis en date du 17 mars 2021 ;
Vu le dossier fiscal ;
Vu les §§ 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;
Considérant que l'introduction par une requête unique de plusieurs demandes distinctes, mais néanmoins semblables, empiète sur le pouvoir discrétionnaire du directeur des contributions de joindre des affaires connexes, mais n'est pas incompatible en l'espèce avec les exigences d'une procédure ordonnée ni dommageable à une bonne administration de la loi ;
qu'il est, en principe, loisible au directeur des contributions de joindre ou non des affaires qui lui paraissent suffisamment connexes ;
Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu'elles sont partant recevables ;
Considérant que le réclamant fait grief au bureau d'imposition de ne pas avoir correctement déterminé le revenu net provenant de la location de biens au sens de l'article 98 de la loi concernant l'impôt sur le revenu (L.I.R.) généré par « la sous-location des différents logements » ;
3 Considérant qu'en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens du réclamant, la loi d'impôt étant d'ordre public ;
qu'à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-
fondé ;
qu’en l’espèce la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;
Considérant que suite à de nouvelles informations qu’il a recueillies, le bureau d’imposition a procédé à une instruction au sens des §§ 204 et 205 AO qui a révélé que le réclamant a réalisé des revenus provenant de la sous-location de différents logements situés dans l’immeuble sis …, depuis au moins l’année 2009 ; que ces revenus n’ont jamais été déclarés par le réclamant ;
Quant à la forme Considérant que le bureau d'imposition a procédé à des impositions rectificatives pour les années d'imposition 2011 à 2018, sur pied du § 222, alinéa 1er, n° 1 AO ; qu'un bulletin d'impôt ne peut être rectifié en vertu du § 222, alinéa 1er AO que dans la mesure où, comme en l'espèce, le bureau d'imposition a pris connaissance de faits ou de moyens de preuve nouveaux justifiant une augmentation de la cote d'impôt pour autant que l'impôt ne soit pas atteint par la prescription, celle-ci voyant son délai prorogé de 5 à 10 ans, conformément à l'article 10 de la loi du 27 novembre 1933 concernant entre autres le recouvrement des contributions directes dans les cas visés justement par le § 222 AO ; que le bureau d'imposition a en outre procédé à l'imposition des revenus de l'année 2019 ;
Considérant qu'aux termes du § 234 AO, une réclamation contre un bulletin rectificatif n'est recevable que pour autant qu'elle vise la rectification intervenue ; que le § 234 AO dispose que « Bei Steuerbescheiden, die frühere Steuerbescheide ändern, zum Beispiel in den Fällen des § 92, Absatz 3 und der §§ 94, 222 und 225 AO, ist der neue Bescheid selbständig anfechtbar, soweit die Änderung reicht » ; qu'il y a d'abord lieu de retenir qu'une telle réclamation est en principe recevable, mais uniquement dans la limite des moyens de droit et de fait dirigés à l'encontre des éléments rectifiés, sans que puissent être attaquées les bases d'imposition retenues dans le bulletin d'impôt d'origine ;
Considérant en effet que le paragraphe 234 AO concerne le cas où un bulletin rectificatif, attaqué par voie d'une réclamation, a remplacé un premier bulletin qui, tel qu'en l'espèce, a déjà acquis autorité de chose décidée au moment de l'émission du bulletin rectificatif, condition d'application fondamentale (v. p. ex. : Cour administrative du 11 janvier 2007, n° 21679C du rôle, d'ailleurs jurisprudence constante) ; que le sens de cette disposition consiste à empêcher le contribuable, auquel le bureau d'imposition réclame par bulletin rectificatif un surplus d'impôt, de pouvoir contester dans sa réclamation dirigée contre ce bulletin la cote d'impôt fixée à l'origine, ayant acquis force de chose décidée ;
Considérant qu'en l'espèce, les bulletins rectificatifs attaqués ont été émis à un moment où les bulletins originaires étaient déjà coulés en force de la chose décidée - le bulletin de l'impôt sur le revenu, et le bulletin de la base d'assiette de la contribution à l'assurance dépendance de l'année 20181 ayant été émis en date du 5 août 2020 -, de sorte que les réclamations du 15 juin 2021 ont été valablement introduites, endéans le délai légal, à l'égard des bulletins (rectificatifs) précités des années 2011, 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018, tous émis en date du 17 mars 2021 et attaquables dans la mesure seulement où les cotes 4 d'impôt rectifiées dépassent les cotes initiales (§ 234 AO) ;
Quant au fond Considérant que dans un avenant au contrat de bail conclu entre le réclamant, preneur du bail, et le sieur …, bailleur, il a été retenu ce qui suit : « le Preneur loue au …(sic) […] Une maison de commerce et d'habitation sise à… » ; qu'en date du 1er janvier 2009, le réclamant a conclu un contrat de bail commercial avec la société à responsabilité limitée …, qui a pour objet l'exploitation d'un débit de boissons alcoolisées et non alcoolisées avec petite restauration, et dont le réclamant est associé-gérant administratif depuis le 17 novembre 2008 ; que le commerce du réclamant se trouve au rez-de-chaussée de l'immeuble sis … ;
Considérant que le mandataire du réclamant s'exprime comme suit au sujet des impositions rectificatives: « A titre liminaire, mon mandant précise qu'il ne conteste pas le principe des impositions rectificatives pour les années en cause.[…] Si le principe des impositions n'est pas contesté, mon mandant conteste cependant le montant du revenu net de la location de biens appliqué dans les Bulletins. […] D'une part, le revenu de location calculé inclut à tort les charges locatives comme constituant un revenu imposable […] D'autre part, le « loyer pour l'utilisation privée du logement 1 », taxé à hauteur de … EUR en déduction des dépenses exposées, est contesté en son principe, sinon subsidiairement en son quantum » ;
Considérant que sur base des informations recueillies dans le cadre de son instruction, le bureau d'imposition a procédé à une imposition par voie de taxation des revenus dégagés par la sous-location des différents logements en tant que revenu net provenant de la location de biens au sens de l'article 98 L.I.R. ;
Considérant qu'en date du 9 février 2021, le bureau d'imposition avait, avant de procéder aux imposition rectificatives et conformément aux dispositions du § 205, alinéa 3 A0, informé le réclamant de ce qui suit : « Considérant l'immeuble sis … Considérant que vous pratiquez une sous-location de cet immeuble et que vous avez omis de déclarer (sic) ce revenu dans vos déclarations fiscales, le bureau va procéder à des impositions rectificatives des années en cause. Le revenu de location pour chaque année va se chiffrer comme suit :
Recettes :
Logement 1 : utilisation personnelle … Logement 2 : locataire … … Logement 3 : locataire … … Logement 4 : locataire … … R-d-ch. :
locataire … … …€ Dépenses :
Loyer … : …€ pour l'immeuble entier moins le loyer pour votre utilisation privée du logement 1, taxé à …€/an Revenu de location imposable par année : …€ -…€ 5 …€ » En ce qui concerne les recettes provenant de la sous-location des différentes habitations Considérant que dans sa requête, le réclamant exprime son désaccord avec le montant taxé de … euros, représentant le montant estimé des recettes provenant de la sous-location des différents logements : « Les montants listés ci-dessus comprennent non seulement les loyers, mais également les charges locatives. Ces dernières ne constituent pas une recette dans le chef de mon mandant et ne sont dès lors pas à prendre en compte. […] Au vu de ce qui précède, les recettes provenant de la sous-location de l'immeuble s'élèvent à … EUR au lieu de … EUR. » ;
Considérant que suite à la lettre du 9 février 2021, adressée par le bureau d'imposition au réclamant, conformément aux dispositions du § 205, alinéa 3 AO, le réclamant a présenté au bureau d'imposition un certain nombre de pièces concernant des frais prétendument en relation avec la sous-location ; que, toutefois, selon les informations recueillies et vérifiées par l'instance contentieuse auprès du bureau d'imposition, les pièces et explications présentées par le réclamant (principalement des extraits bancaires) n'étaient pas concluantes et ne permettaient pas au bureau d'imposition de déterminer de manière certaine et précise les dépenses en relation avec la sous-location des différents logements, de sorte que le bureau d'imposition, admettant toutefois que la sous-location précitée a donné naissance à un certain nombre de frais à charge du réclamant, a taxé lesdits frais à … euros, et que, dès lors, le montant retenu à titre de revenu net provenant de la location de biens tel que déterminé par le bureau d'imposition s'établit à (… euros, recettes provenant de la sous-location - … euros, loyer annuel payé par le réclamant à la …, diminué d'un montant taxé de … euros « pour utilisation privée du logement 1 » - … euros, montant taxé des frais directement provoqués par la sous-location, i.e.) … euros pour chacune des années d'imposition litigieuses ;
Considérant que dans le cadre de sa requête, le réclamant a fourni les contrats de bail conclus entre lui et les locataires ; que selon le réclamant, le revenu pour les différentes habitations données en sous-location, déterminé sur base des stipulations des différents contrats de bail, s’établit comme suit :
Partie concernée Recettes Charges invoquées Revenu net « Logement 2 » … € …€ …€ « Logement 3 » … € …€ …€ « Logement 4 » … € … …€ R-d-ch. (…) … € …€ …€ Totaux:
… € …€ …€ Considérant que lorsque les charges locatives font l'objet d'un décompte en due forme entre les parties, les avances sur charges payées par le locataire constituent des postes transitoires qui restent sans influence sur le revenu proprement dit ; qu'en l'absence d'un tel décompte toutefois, il est impossible de déterminer de manière objective et précise le montant définitivement à charge de chacune des parties contractantes ;
Considérant que dans le contrat de bail conclu entre le réclamant et la dame … pour le « Logement 2 », il a été retenu ce qui suit : « Le loyer mensuel s'élève à … € (… euro) plus …€ (… euro) de charges, qui ne varient pas, où il n'y a pas de décompte en fin d'année. » ; que le montant de (… € x 12 mois, i.e.) … euros versé au réclamant à titre de charges est dès lors à 6 considérer comme étant définitivement acquis au réclamant ;
Considérant que dans les contrats de bail concernant les logements «3 » et «4 », il a été retenu ce qui suit : « Les locataires s'engagent d'accepter tous les décomptes annuels des charges locatives et communautaires, préalablement vérifiés et approuvés par l'assemblée générale des copropriétaires et consignés au procès-verbal. […] Les charges seront réparties suivant les millièmes attribués aux parties louées, c'est-à-dire, ( ) du total des charges communes. […] Les locataires verseront régulièrement et tous les mois au propriétaire une avance, adaptable annuellement, 3.000flux. ( trois mille flux. ) à titre d'acompte sur les frais communs leur incombant. Un décompte annuel sera établi périodiquement. » ; qu'il y a lieu de souligner qu'aucun décompte annuel des frais, pour aucun des locataires et pour aucune des années d'imposition, ne figure au dossier fiscal du réclamant ; que dans le cadre de la présente requête, le réclamant se limite à renvoyer aux contrats de bail prévisés - dont celui conclu avec la dame … exclut expressément l'établissement d'un décompte annuel, tandis que le contrat de bail commercial conclu avec la société à responsabilité limitée … ne contient aucune mention relative à un décompte à effectuer - afin de justifier l'existence des charges invoquées, sans toutefois présenter de quelconques documents ou pièces, ni même des explications détaillées, relatives à un tel décompte ; qu'il y a encore lieu de remarquer que suivant les dires du réclamant, les contrats de bail relatifs au « Logement 3 » et au « Logement 4 » ont fait « l'objet d'une modification orale », tant en ce qui concerne le loyer qu'en ce qui concerne les avances sur charges, ce qui est plutôt inusuel, même si aucune forme particulière n'est prescrite en matière de forme du contrat de bail : « Le contrat de bail conclu entre le propriétaire et le locataire peut être oral ou écrit. Aucune forme particulière n'est exigée pour ce type de contrats. Toutefois, même si un contrat verbal est pleinement valable, il présente l'inconvénient qu'il sera très difficile - dans le cas d'un éventuel litige, par exemple - non seulement de prouver son existence, mais également de connaître son contenu et ses modalités (durée du contrat, modalités de résiliation, répartition des charges, etc.). » (source : https://logement.public.lu) ;
Considérant qu'il ressort de tout ce qui précède que, faute de fournir des pièces probantes et éléments concluants en ce qui concerne les charges locatives invoquées, et notamment un décompte des charges entre le réclamant et les locataires, il y a lieu de confirmer la taxation des recettes provenant de la sous-location, s'élevant à … euros, ainsi que des frais y rattachés de … euros ;
En ce qui concerne la réduction des dépenses constituées par le loyer payé à la … Considérant que le bureau d'imposition a procédé à la réduction de … euros des dépenses en relation avec la sous-location, constituées par le loyer versé par le réclamant à la société à responsabilité limitée … : « Dépenses : Loyer … : …€ pour l'immeuble entier moins le loyer pour votre utilisation privée du logement 1, taxé à …€/an » ; qu'à l'endroit du « logement 1 » il s'agit, selon un plan du rez-de-chaussée, d'une « chambre/bureau » de 15,9 m2 et d'une « salle de bains » de 6,8 m2, soit d'une surface habitable totale de 22,7 m2; que le réclamant conteste la mise en compte du montant de … euros par an pour l' « utilisation privée du logement 1 » et que son mandataire invoque ce qui suit : « Tout d'abord, c'est à tort que la chambre et la salle de bains en question sont qualifiées de « logement ». Il s'agit d'une chambre et d'une salle de bains sans fenêtre et sans accès privatif situées au rez-de-chaussée de l'Immeuble […] Afin d'y accéder, il faut traverser le débit de boissons exploité par la société … […] la chambre en question […] sert également de bureau à la société …. et n'a jamais été exclusivement à la disposition de mon mandant. » ;
7 Considérant que le mandataire du réclamant ne s'exprime pas de manière claire et précise quant à l'utilisation effective du « Logement 1 » par le réclamant ; que suivant les informations recueillies par l'instance contentieuse auprès du bureau d'imposition, le réclamant aurait, lors d'une entrevue en date du 25 mars 2021, affirmé utiliser le « Logement 1 » en tant qu'habitation personnelle ; que le réclamant a encore « insisté sur le fait que le logement ne serait pas un appartement mais une chambre au r-d-ch. de l'immeuble dont le loyer serait moins élevé » ; qu'il s'en dégage que les affirmations faites dans la requête, et celles faites par le réclamant auprès du bureau d'imposition lors de l'entrevue du 25 mars 2021, ne se recoupent pas intégralement ;
Considérant que suivant le Registre national des personnes physiques (RNPP), l'adresse du réclamant s'est trouvée au « …, Étage rez, logement 1 » depuis le 5 juillet 1989 et ce jusqu'au 23 juillet 2019, jour à partir duquel l'adresse officielle du réclamant est le …à L-
…, dans une maison d'habitation que le réclamant a acquise, ensemble avec son ex-épouse, la dame …, en date du 10 septembre 2003 ; que dans l'acte de vente du 10 septembre 2003, il est entre autres stipulé ce qui suit : « Une maison d'habitation sise à L-… […] La partie acquéreuse demande le crédit d'impôt et s'engage à occuper personnellement l'immeuble dans les délais légaux (2 respectivement 4 années) pendant la durée légale de (5 ans minimum). […] L'entrée en jouissance de l'immeuble est fixée à ce jour. » ; qu'il y a encore lieu de remarquer que suivant les données du RNPP, l'épouse du réclamant n'a jamais habité au …; qu'il est du moins étonnant que le réclamant ait, suivant ses propres déclarations, résidé dans le « Logement 1 » à …, qui, selon son mandataire, « ne remplit pas les critères fixés par la loi du 20 décembre 2019 relative aux critères de salubrité, d'hygiène, de sécurité et d'habitabilité des logements et chambres donnés en location ou mis à disposition à des fins d'habitation », alors qu'il avait à sa disposition, à partir de l'année d'imposition 2003, une maison d'habitation située dans cette même ville ;
Considérant dès lors qu'en partant de l'hypothèse que, contrairement aux déclarations du réclamant, ce dernier n'aurait pas personnellement habité le « Logement 1 », il y a lieu d'admettre, compte tenu de l'activité assidue de sous-location non déclarée du réclamant pendant toutes ces années, que la partie d'immeuble « Logement 1 » a été affectée à des fins pécuniaires, soit par voie de location à une tierce personne, soit par une quelconque autre voie ; qu'après considération de l'ensemble des informations, pièces et indices contenus dans le dossier fiscal, il y a lieu, compte tenu du principe de la prise en compte, par l'administration fiscale, d'une marge de sécurité lors de la taxation des revenus, de confirmer le revenu net provenant de la location de biens de … euros - partiellement déterminé par voie de taxation -
pour chacune des années d'imposition litigieuses ; (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 11 mars 2022, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision du directeur précitée du 13 décembre 2021, ainsi qu’à l’encontre des bulletins de l’impôts précités.
I.
Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement soulève l’irrecevabilité du recours pour autant qu’il est dirigé directement contre les bulletins de l’impôt au motif que le directeur a statué sur la réclamation de Monsieur … par une décision du 13 décembre 2021. Le délégué du gouvernement conclut encore à l’irrecevabilité du recours subsidiaire en annulation.
En vertu des dispositions de l’article 8, paragraphe (3), point 3. de la loi modifiée du 7novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, désignée ci-après par la « loi du 7 novembre 1996 », un bulletin d’impôt peut uniquement être directement déféré au tribunal lorsqu’une réclamation au sens du § 228 AO a été introduite et qu’aucune décision directoriale définitive n’est intervenue dans le délai de six mois à partir de la demande. Par contre, lorsque le directeur a statué sur la réclamation par une décision définitive, le recours est irrecevable pour autant qu’introduit directement contre les bulletins d’impôt.
Dans la mesure où, en l’espèce, il est constant en cause que le directeur a statué sur la réclamation de Monsieur … dirigée contre les bulletins rectificatifs de l'impôt sur le revenu des années 2011 à 2018, les bulletins de la base d'assiette de la contribution à l'assurance dépendance des années 2011, 2012, 2014, 2015, 2017 et 2019, les bulletins rectificatifs de la base d'assiette de la contribution à l'assurance dépendance des années 2013, 2016 et 2018, le bulletin de l'impôt d'équilibrage budgétaire temporaire de l’année 2015, le bulletin rectificatif de l'impôt d'équilibrage budgétaire temporaire de l’année 2016 et le bulletin de l'impôt sur le revenu de l’année 2019, il y a lieu de retenir l’irrecevabilité du volet du recours sous analyse pour autant qu’il est dirigé directement contre lesdits bulletins de l’impôt.
S’agissant ensuite de la recevabilité du recours en ce qu’il est dirigé contre la décision directoriale du 13 décembre 2021, il y a lieu de rappeler que conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 AO et de l’article 8, paragraphe (3) 1. de la loi du 7 novembre 1996 précitée, le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre des bulletins de l’impôt. Ainsi, le volet du recours en réformation introduit contre la décision directoriale du 13 décembre 2021, par ailleurs, introduit dans les délai et formes prévus par la loi, est recevable.
Il n’y a dès lors par lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation introduit contre la décision du directeur du 13 décembre 2021.
II.
Quant au fond Arguments et moyens des parties A l’appui de son recours et en fait, le demandeur déclare être lui-même locataire d’un immeuble sis à L-…, qu’il aurait intégralement sous-loué à travers différents contrats de bail à savoir : un contrat de bail commercial du 1er janvier 2009 portant sur le rez-de-chaussée, un contrat de bail du 17 décembre 1995 portant sur l’appartement au 1er étage de l’immeuble, côté droit, un contrat de bail du 11 mars 2009 portant sur l’appartement au 1er étage de l’immeuble, côté gauche, un contrat de bail du 21 décembre 1995 portant sur l’appartement au 2e étage de l’immeuble.
Le demandeur admet avoir à tort considéré que les revenus de location générés par lesdits contrats de bail n’étaient pas imposables. Il déclare admettre son erreur et affirme ne pas contester le principe des impositions rectificatives. Il conteste, toutefois, l’évaluation du revenu net de la location des biens telle que réalisée par le bureau d’imposition et confirmée par le directeur.
Le demandeur reproche plus concrètement à l’administration d’avoir déduit la somme de … euros des dépenses au titre du loyer payé par lui-même et correspondant au « loyer pour l’utilisation privée du logement 1 ». L’administration considérerait comme « logement 1 » unechambre et une salle de bains au rez-de-chaussée de l’immeuble concerné. Toutefois, selon le demandeur lesdites salle de bains et chambre feraient partie des locaux du rez-de-chaussée, sous-loués à la société à responsabilité limitée … , désignée ci-après par « la société … ». Ainsi, il ressortirait du contrat de bail conclu en date du 1er janvier 2009 entre lui-même et la société … que l'intégralité du rez-de-chaussée de l'immeuble aurait été sous-louée à la société … pour un loyer et des charges mensuels de respectivement … euros et … euros. Le revenu qu’il percevrait du fait de la mise en sous-location des prédites chambre et salle de bains serait donc déjà compris dans le montant de … euros lui payé annuellement par la société … pour la location du rez-de-chaussée. Le contrat de bail ainsi que le plan du rez-de-chaussée de l’immeuble auraient dû permettre au directeur d’évaluer la valeur réelle et exacte de la chambre et de la salle de bains. Le demandeur insiste sur le fait qu’il aurait donné l’intégralité du rez-
de-chaussée en sous-location à la société …, de sorte que même à admettre que la chambre et la salle de bains avaient été mises séparément en location, cette opération ne pourrait s’analyser qu’en deuxième sous-location par la société … en qualité de bailleur. Les éventuelles recettes d’une telle sous-location constitueraient des revenus dans le chef de la société … et non point dans son chef.
Selon le demandeur, le seul indice invoqué par le directeur pour fonder son maintien de la réduction des dépenses serait « l'activité assidue de sous-location non déclarée du réclamant ». Le raisonnement du directeur consisterait donc en substance à vouloir prouver une activité de sous-location non déclarée par la même activité de sous-location non déclarée.
Or, alors que la taxation ne devrait pas constituer une mesure de sanction, la taxation d’un revenu provenant de la location d’une chambre et d’une salle de bains au rez-de-chaussée à … euros aurait comme seul objectif de le sanctionner pour son activité assidue de sous-location.
A titre subsidiaire le demandeur reproche au directeur de ne pas avoir fait usage de mesure et de modération en taxant le revenu provenant de la location des prédites chambre et salle de bains à … euros, alors qu’en réalité ce revenu aurait déjà été compris dans le montant de … euros perçu à titre de loyer et charges pour le rez-de-chaussée de l’immeuble. Les revenus réels s’écartant ainsi de manière significative de la base d’imposition retenue par le directeur, il ne pourrait être, selon le demandeur, question d’une marge de sécurité établie avec modération et mesure.
Le demandeur ajoute que la chambre et la salle de bains en question ne pourraient être qualifiées de « logement ». Il s’agirait, en effet, d'une chambre et d'une salle de bains sans fenêtre et sans accès privatif situées au rez-de-chaussée de l'immeuble en question. Afin d'y accéder, il faudrait traverser le débit de boissons exploité par la société …. De surplus la chambre et la salle de bains ne remplirait pas les critères fixés par la loi du 20 décembre 2019 relative aux critères de salubrité, d'hygiène, de sécurité et d'habitabilité des logements et chambres donnés en location ou mis à disposition à des fins d'habitation. Dès lors, la valeur locative de la chambre et de la salle de bains en tant qu'entités séparées du reste du rez-de-
chaussée serait partant inexistante, sinon très faible.
En tout dernier lieu, le demandeur donne à considérer que la chambre n’aurait qu’une surface de 23 m2 et servirait de bureau à la société ….
Enfin, même à supposer que la chambre puisse être donnée en location, un loyer mensuel de … euros serait manifestement excessif, au vu du fait qu’elle serait située à l’arrière d’un café, sans fenêtre et sans accès direct ainsi qu’au vu du loyer mensuel moyen par m2 annoncé par l’Observatoire de l’habitat s’élevant à … euros, soit … euros pour 23 m2,correspondant à un loyer annuel de … euros.
Dans le cadre de son mémoire en réplique, le demandeur se réfère à un rapport d'évaluation dressé le 11 juillet 2022 par l'architecte …, duquel il ressortirait que la chambre et la salle de bains au rez-de-chaussée de l’immeuble litigieux en l’espèce seraient actuellement utilisées comme local de bureau par la société … et abriteraient l'installation de contrôle vidéo du débit de boissons exploité par cette dernière Le demandeur insiste sur l’écart significatif entre la valeur de revenu net retenue par l’administration et la valeur de marché lequel ressortirait - du rapport d’architecte précité, - du fait que les logements situés aux étages supérieures de l’immeuble lesquels seraient d'une surface largement supérieure et comporteraient tous au moins une chambre en plus, lesquels seraient salubres, dotés de fenêtres et disposeraient d'un accès privatif, seraient tous sous-loués pour un loyer mensuel inférieur au montant de … euros, - du fait que la société … ne payerait qu'un loyer de … euros pour l'intégralité du rez-
de-chaussée de l'immeuble, alors que la chambre et la salle de bains litigieuses ne représenteraient qu’un cinquième de la surface de cet étage et que la valeur locative du rez-de-chaussée serait intégralement sinon très largement attribuable au débit de boissons situé à l'avant du bâtiment.
Le demandeur conteste ensuite les prix de loyer indiqués par la partie étatique à titre de comparaison, en argumentant, d’un côté qu’il s’agirait de prix de l’année 2022 et non point de la période en cause, et, d’autre part, qu’ils ne correspondraient pas à des logements comparables à la chambre avec salle de bains litigieuses en l’espèce, mais qu’il s’agirait de logements salubres avec accès privatif.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour n’être fondé dans aucun de ses moyens.
Appréciation du tribunal A titre liminaire, le tribunal constate qu’il est constant en cause que le demandeur a pris en location un immeuble sis à L- … et qu’il a sous-loué les différents logements de l’immeuble à travers différents contrats de bail. Le demandeur confirme avoir cru à tort que les revenus de location afférents n’étaient pas imposables.
Il est dès lors manifeste que le demandeur s’est abstenu de déclarer des revenus de location à l’administration, de sorte que le bureau d’imposition a valablement pu les imposer par voie d’estimation sur base du § 217 AO, à travers les bulletins de l’impôt sur le revenu rectificatifs et les autres bulletins de l’impôt déférés, les revenus de location générés pour les années 2011 à 2019 par la sous-location réalisée par le demandeur. Cette imposition des revenus de location n’est, d’ailleurs, pas contestée en son principe par le demandeur. Il s’ensuit que le tribunal n’est saisi d’aucun moyen en ce sens.
Les contestations du demandeur portent, en revanche, sur l’évaluation du revenu de location opérée par voie de taxation par le bureau d’imposition, à défaut par le demandeur d’avoir déposé des déclarations de l’impôt à cet égard.
Concrètement, le bureau d’imposition, confirmé par le directeur dans la décision déférée, a évalué les revenus locatifs générés par la sous-location de l’immeuble sis à … en déterminant d’abord les recettes locatives par l’addition des différents loyers perçus par le demandeur pour ensuite en déduire les charges locatives, consistant notamment dans le loyer que le demandeur a payé lui-même au bailleur pour la location de l’intégralité de l’immeuble.
Dans ce contexte, le bureau d’imposition a refusé la déduction d’un montant de … euros en tant que charge locative, au motif que ce montant correspondait au loyer à mettre en compte pour un local utilisé à titre personnel par le demandeur, situé au rez-de-chaussée de l’immeuble en question et composé d’une chambre et d’une salle de bain. Selon le bureau d’imposition ledit local n’aurait donc pas été sous-loué par le demandeur de sorte que la part du loyer - que le demandeur paye lui-même pour la location de l’immeuble - correspondant audit local ne constituerait pas une charge locative. Le bureau d’imposition a évalué la part du loyer correspondant à la location dudit local par voie d’estimation au montant de … euros.
Les contestations du demandeur à l’égard de la taxation sur base du § 217 AO des revenus de location opérée par le bureau d’imposition telle que confirmée par le directeur dans la décision déférée, portent principalement sur la question du principe même du refus de déduction du loyer de … euros en tant que charge locative, au motif qu’il n’aurait pas personnellement occupé la chambre et la salle de bains en question et subsidiairement sur le quantum dudit loyer.
Force est à cet égard de prime abord de rappeler que selon la jurisprudence des juridictions administratives1, le directeur, saisi d'une réclamation contre un bulletin d'impôt établi par voie de taxation d’office conformément au § 217 AO, ne saurait refuser de plano un examen de la situation patrimoniale effective du contribuable. La taxation n’est en effet pas une sanction à l’égard du contribuable négligent, mais un procédé de détermination des bases d'imposition susceptible d'être appliqué même à l'égard de contribuables soigneux et diligents.
En outre, le principe constitutionnel de la légalité de l’impôt consacré par l’article 116, paragraphe (1) de la Constitution implique que les procédures prévues en matière d’impôts aboutissent dans toute la mesure du possible à soumettre un contribuable à l’impôt dont il est redevable légalement d’après les bases d’imposition lui imputables et non pas à un impôt majoré à titre de sanction sauf en cas d’application d’une mesure de sanction formellement prévue par la loi.
Néanmoins, cette obligation d’une instruction d’office du cas d’imposition ne saurait être mise à charge du directeur que dans la mesure où le contribuable lui rend l'exercice de son pouvoir d’imposition possible en lui présentant des données chiffrées, ensemble les preuves suffisantes à l’appui, relatives à l’ensemble des bases d’imposition pour la ou les années d’imposition en question. Il ne saurait en effet être admis que le contribuable soumette au directeur des éléments lacuneux ne permettant pas d’établir l’intégralité de sa situation fiscale pertinente afin de l’amener à statuer au fond sans pouvoir exercer son pouvoir d’imposition dans toute son étendue et sans pouvoir faire utilement usage de son pouvoir de la reformatio in pejus et présente l’intégralité des bases d’imposition, pour la première fois, devant le juge administratif afin d’obtenir une réduction des bases d’imposition sans être exposé au risque de l’examen global de son cas d’imposition et d’un changement de son imposition en sa défaveur, les §§ 243 et 244 AO n’étant pas applicables aux juridictions administratives.
1 Cour adm. 27 juin 2019, n°41512C du rôle et Cour adm 27 juin 2019, n°42059C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n°1160.
Dans l’hypothèse d’une réclamation portée devant le directeur contre une imposition faite par voie de taxation en raison du défaut de déclaration de l’impôt, la charge de la preuve de sa situation financière et fiscale pèse donc sur le contribuable.
En l’espèce, la partie étatique se réfère à un extrait du registre national des personnes physiques, désigné ci-après par le « RNPP », figurant au dossier administratif, duquel il ressort que le demandeur a été domicilié à compter du 5 juillet 1989 jusqu’au 23 juillet 2019 à L-…, « Etage rez, logement 1 ». Force est ensuite de constater que dans le cadre des différents contrats de sous-location conclus par le demandeur, en tant que bailleur, avec les locataires des différents logements de l’immeuble en question, datant des 17 décembre 1995, 21 décembre 1995, 1er janvier et 11 mars 2009, le demandeur a, à chaque reprise, indiqué être domicilié à L-
…. La partie étatique affirme encore à juste titre qu’il ressort des déclarations de l’impôt du demandeur relatives aux années 2011 à 2019, qu’il a indiqué sous la rubrique « domicile ou séjour habituel » être domicilié à L-….
Le demandeur se borne, de son côté, à contester l’imposition retenue à son égard sur base du § 217 AO en argumentant qu’elle serait éloignée de sa situation fiscale réelle, au motif qu’il n’aurait pas personnellement utilisé la chambre ainsi que la salle de bains au rez-de-
chaussée de l’immeuble en question lesquelles feraient partie du rez-de-chaussée de l’immeuble, lequel aurait intégralement été pris en location par la société … , de sorte que le loyer afférent ne pourrait pas être déduit des charges locatives mis en compte pour déterminer le revenu de location net soumis à imposition. Le demandeur reste, toutefois, en défaut d’apporter des éléments ou documents concluants à l’appui de ses explications, lesquelles restent à l’état de pures allégations. En effet, les seuls documents tant soumis au directeur que versés en cause par le demandeur à l’appui de ses affirmations sont, d’une part, le contrat de bail commercial conclu avec la société … et, d’autre part, le plan du rez-de-chaussée de l’immeuble en question. Or, les affirmations du demandeur, selon lesquelles la société … aurait pris en location l’intégralité du rez-de-chaussée, ne sont pas confirmées par le contrat de bail commercial qu’il a conclu en date du 1er janvier 2009 avec ladite société. Ledit contrat stipule, ainsi, explicitement porter sur un local commercial destiné à un débit de boissons d’une surface de 116 m2 avec « une salle de réunion, des wc hommes / femmes et une cuisine ». Le descriptif des locaux donnés en location figurant au contrat de bail ne contient donc ni la chambre ni la salle de bains, de sorte que ledit contrat n’établit pas à suffisance que la chambre ainsi que la salle de bains auraient été données en location à la société …. De même, le plan du rez-de-
chaussée de l’immeuble sur lequel le demandeur entend fonder son argumentation ne fait qu’indiquer la configuration du rez-de-chaussée, sans pour autant contenir une quelconque information relative à son utilisation concrète ni quant à d’éventuelles locations des locaux afférents.
Les éléments et documents soumis par le demandeur au directeur laissent dès lors d’établir que le rez-de-chaussée de l’immeuble en question aurait été intégralement pris en sous-location par la société …. De surplus, lesdits éléments et documents ne contredisent pas les indications figurant au RNPP ni les contrats de sous-location ni les indications des propres déclarations fiscales du demandeur de sorte à ne pas pouvoir établir que le demandeur n’aurait pas personnellement occupé lesdits locaux, preuve, qui aurait toutefois pu, le cas échéant, être rapportée aisément moyennant un certificat de résidence par exemple.
Outre d’avoir failli, de façon non contestée, à son obligation de déclarer les revenus de location perçus pour les années 2011 à 2019, le demandeur est encore resté en défaut desoumettre au directeur les pièces concordantes requises pour apprécier s’il y avait lieu de remettre en cause la déduction par le bureau d’imposition du montant litigieux de … euros au titre de charges locatives pour le loyer relatif à la salle de bains et la chambre sis à rez-de-
chaussée de l’immeuble et donc d’apprécier sa situation fiscale à cet égard. Il a dès lors mis le directeur dans l’impossibilité de mener à bien sa mission conformément au § 243, alinéa (1) AO. Le directeur a partant valablement pu confirmer le bureau d’imposition et retenir que le demandeur avait utilisé une chambre ainsi qu’une salle de bain au rez-de-chaussée de l’immeuble en question à titre privé au cours des années d’imposition 2011 à 2019 et partant refuser la déduction du loyer afférent en tant que charge locative afin de déterminer le revenu de location net généré par le demandeur à travers la sous-location de l’immeuble en question.
En ce qui concerne ensuite les contestations du demandeur relatif à l’évaluation par le bureau d’imposition par voie de taxation du montant du loyer relatif à la chambre et la salle de bains sis au rez-de-chaussée de l’immeuble situé à …, le demandeur reste également en défaut d’établir que le loyer évalué par le bureau d’imposition pour la chambre et la salle de bain au rez-de-chaussée de l’immeuble en question s’écarterait de manière significatif du prix de marché d’un tel loyer.
En effet, le demandeur se limite à renvoyer sans autre précision à la taille limitée du local en question à savoir 23 m2. Il affirme ensuite que ledit local servirait « également de bureau à la société … », sans pour autant fournir un quelconque document ou élément corroborant ces dires, lesquels restent ainsi à l’état de pure allégation. Enfin, le demandeur se réfère à un tableau publié par l’Observatoire de l’Habitat indiquant les offres et prix annoncés pour la location d’appartements entre le 1er janvier et le 31 décembre 2020. Ledit tableau indique pour la commune de … sous la rubrique « Loyer moyen annoncé au m2 en € courant » le montant de …€. A défaut de tout renseignement supplémentaire, ledit tableau ne peut toutefois pas servir de référence pour déterminer le loyer à retenir pour la chambre et la salle de bains litigieuses, dans la mesure où il se rapporte à une autre catégorie de local que celui visé en l’espèce. En effet, ledit tableau concerne des appartements tandis que le local occupé par le demandeur ne se compose que d’une chambre avec salle de bains, lequel est de surplus meublé. De plus, ce données ne concernent que l’année 2020, soit une année non litigieuse en l’espèce, étant encore précisé que le prix du marché relatif à une année particulière ne saurait être considéré comme reflétant nécessairement le prix de marché des neuf années antérieures, en l’occurrence des années 2011 à 2019.
Le demandeur reste dès lors à défaut d’établir un écart significatif entre le montant du loyer évalué par voie de taxation par le bureau d’imposition tel que confirmé par le directeur et le prix du marché d’un loyer mis en compte pour une chambre meublée avec salle de bains sise à ….
Enfin, quant à l’argumentation du demandeur selon lequel le local en question ne remplirait pas les conditions de salubrité et de sécurité pour pouvoir faire l’objet d’une location, le délégué du gouvernement rappelle à juste titre qu’en matière fiscale toute appréciation se fait selon la réalité économique, abstraction faite de la question de légalité de la situation en cause.
Par conséquent, à défaut par le demandeur d’avoir apporté la preuve de l’existence d’un écart significatif entre l’évaluation du revenu net de location effectuée par voie de taxation par le bureau d’imposition concernant les années 2011 à 2019 et le prix du marché, le directeur a valablement pu confirmer le bureau d’imposition, tant en ce qui concerne le refus de déductiondu loyer en tant que charge locative pour la détermination du revenu locatif net généré par le demandeur qu’en ce qui concerne l’évaluation du montant du loyer mensuel afférent à … euros.
Il suit des considérations qui précèdent et à défaut d’éléments supplémentaires fournis par le demandeur en cours de procédure contentieuse, que le recours en réformation est à rejeter pour n’être fondé en aucun de ses moyens.
Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;
déclare le recours irrecevable en ce qu’il est dirigé directement contre les bulletins rectificatifs de l'impôt sur le revenu des années 2011 à 2018, les bulletins de la base d'assiette de la contribution à l'assurance dépendance des années 2011, 2012, 2014, 2015, 2017 et 2019, les bulletins rectificatifs de la base d'assiette de la contribution à l'assurance dépendance des années 2013, 2016 et 2018, le bulletin de l'impôt d'équilibrage budgétaire temporaire de l’année 2015, le bulletin rectificatif de l'impôt d'équilibrage budgétaire temporaire de l’année 2016 et le bulletin de l'impôt sur le revenu de l’année 2019, émis en date du 17 mars 2021 ;
reçoit en la forme le recours principal en réformation dirigé contre la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 13 décembre 2021 ;
au fond, le déclare non fondé, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
met les frais et dépens de l’instance à charge du demandeur.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 5 juin 2024 par :
Françoise EBERHARD, premier vice-président, Benoît HUPPERICH, juge, Nicolas GRIEHSER SCHWERZSTEIN, attaché de justice délégué ;
en présence du greffier Lejila ADROVIC.
s.Lejila ADROVIC s.Françoise EBERHARD Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 5 juin 2024 Le greffier du tribunal administratif 15