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06/06/2024 | LUXEMBOURG | N°48705

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 juin 2024, 48705


Tribunal administratif N° 48705 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:48705 2e chambre Inscrit le 16 mars 2023 Audience publique du 6 juin 2024 Recours formé par Monsieur … et consorts, …, contre des décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48705 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 16 mars 2023 par Maître Marcel Marigo, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxe

mbourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Angola), et de son épouse, Madame …, née...

Tribunal administratif N° 48705 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:48705 2e chambre Inscrit le 16 mars 2023 Audience publique du 6 juin 2024 Recours formé par Monsieur … et consorts, …, contre des décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48705 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 16 mars 2023 par Maître Marcel Marigo, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Angola), et de son épouse, Madame …, née le … à …, agissant au nom et pour compte de leurs enfants mineurs, …, née le … à … (Angola) et …, né le … à … (Angola), ayant tous la double nationalité angolaise et brésilienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 8 février 2023 portant refus de faire droit à leurs demandes en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 16 mai 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Corinne Walch en sa plaidoirie à l’audience publique du 5 février 2024.

Le 9 novembre 2021, Monsieur … et son épouse, Madame …, accompagnés de leurs enfants mineurs … et …, ci-après dénommés « les consorts … », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-

après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Leurs déclarations sur leur identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section …, dans un rapport du même jour.

En date du 22 novembre 2021, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale, tandis que Madame … fut entendue les 22 et 24 novembre 2021 pour les mêmes raisons.

Par décision du 8 février 2023, notifiée aux intéressés par courrier recommandé expédié le 15 février 2023, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », informa les consorts … que leurs demandes de protection internationale avaient été refusées comme non fondées, tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours, ladite décision étant libellée comme suit :

« […] J’ai l’honneur de me référer à vos demandes en obtention d’une protection internationale que vous avez introduites pour vous et au nom de vos enfants mineurs, …, née le … à … en Angola et …, né le … à … en Angola, ayant tous les deux la double nationalité angolaise et brésilienne, auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et européennes en date du 9 novembre 2021 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à vos demandes pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos déclarations En mains votre rapport du Service de Police Judiciaire du 9 novembre 2021, vos fiches manuscrites du 9 novembre 2021, votre rapport d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes sur les motifs sous-tendant vos demandes de protection internationale Monsieur du 22 novembre 2021 et le vôtre Madame du 22 et 24 novembre 2021, ainsi que les documents versés à l’appui de vos demandes de protection internationale.

Madame, Monsieur, il en ressort que vous seriez tous les deux de nationalité angolaise et brésilienne, nés à … en Angola où vous vous seriez mariés traditionnellement en … et où vous auriez eu vos quatre enfants : …, née le …, de nationalité angolaise, …, née le …, de nationalité angolaise, …, née le …, de nationalité angolaise et brésilienne, et …, né le …, de nationalité angolaise et brésilienne. Ce dernier souffrirait d’une anémie falciforme de sorte qu’il serait en chaise roulante depuis l’âge de deux ans, voire paralysé.

Dans un premier temps, vous expliquez Madame que vous auriez quitté l’Angola pour rejoindre le Brésil en 2012 avec vos deux plus jeunes enfants, … et …, en raison de la « guerre civile en 2010 » (p.2 de votre rapport d’entretien, Madame). Vous justifiez votre départ par le fait que vos parents et vos trois frères seraient décédés durant la guerre civile angolaise de 1975 à 2002 et que ce traumatisme vous aurait fait craindre le pire pour les membres de votre famille : « j’avais des enfants qui étaient petits et je ne voulais pas les perdre dans un conflit civil » (p.2 de votre rapport d’entretien, Madame). Vous indiquez que vous auriez été en possession d’un visa lors de votre arrivée au Brésil et que vous y auriez introduit une demande de protection internationale. En 2014, vous vous seriez vue octroyer le statut de réfugié et la police fédérale brésilienne vous aurait encouragée à naturaliser vos deux enfants pour qu’ils obtiennent la nationalité brésilienne, démarche que vous auriez également entreprise personnellement et fructueusement après leur naturalisation.

Monsieur, vous seriez resté en Angola avec vos deux autres enfants, … et …, pendant trois années supplémentaires alors que les problèmes de santé de votre mère et des difficultés financières vous auraient empêché de partir. Vous auriez rejoint seul votre épouse en 2015 et vos deux autres enfants, … et …, seraient restés en Angola après que vous en auriez attribué la garde à …, votre sœur Madame. Vous indiquez, Monsieur, qu’en raison de votre appartenance à l’ethnie Bakongo vous auriez été persécuté en Angola et vous déplorez le fait que le climat politique tendu dans ce pays, notamment en période électorale, pourrait découler sur le renouvellement d’une guerre civile.

Dans un deuxième temps, vous expliquez tous les deux que vous auriez vécu à quatre dans le quartier de …, une favela à … au Brésil. Monsieur, vous y auriez travaillé en tant que … auprès de « … » et « … » avec un contrat à durée déterminée qui aurait été renouvelé annuellement, tandis que vous Madame, vous auriez travaillé au sein de l’… de 2015 à 2016, puis vous auriez effectué des « petits emplois » sans être en possession d’un contrat de travail.

Monsieur, vous mentionnez avoir obtenu la nationalité brésilienne en 2020 à travers votre épouse et vous ajoutez que vous auriez célébré votre mariage civil le … car vous auriez souhaité que cela « soit inscrit dans les papiers » au Brésil, « pour prouver qu’on est marié » (p.2 de votre rapport d’entretien, Monsieur).

À l’appui de vos demandes de protection internationale, vous déclarez avoir quitté le Brésil en raison des menaces de mort que vous auriez reçues de la part du « chef » de la favela de … qui vous aurait soupçonnés de l’avoir dénoncé auprès de la police brésilienne après qu’il vous aurait violée à deux reprises, Madame, en février et avril 2021 alors que vous auriez en réalité rapporté à la police les faits d’un autre viol commis par trois inconnus en juin 2021.

Dans ce contexte, vous indiquez Madame que vous auriez été abordée par le « chef » de la favela dès le mois de janvier 2021. Celui-ci vous aurait courtisée lourdement, vous incitant à « sortir avec lui » (p.6 de votre rapport d’entretien, Madame). Vous précisez qu’il n’aurait pas apprécié la manière dont vous vous seriez défendue alors qu’il aurait cherché à vous intimider.

En février 2021, ce « chef » se serait introduit dans votre domicile familial après avoir remarqué que Monsieur et vos deux enfants se seraient absentés. Il vous aurait montré son arme à feu en guise de menace puis vous aurait déshabillée et violée une première fois. En partant, il vous aurait avertie « à partir d’aujourd’hui tu m’appartiens » (p.6 de votre rapport d’entretien, Madame) et vous aurait déconseillé d’aller à la police et de mentionner cet évènement à votre époux ; directives auxquelles vous vous seriez conformée car vous auriez eu « peur » de le dire de votre époux au motif qu’« Aucun homme aime qu’on touche à sa femme » (p.6 de votre rapport d’entretien, Madame).

En avril 2021, vous indiquez Madame que vous auriez été accostée une nouvelle fois par le « chef » alors que vous sortiez de votre travail le soir. Celui-ci aurait été accompagné de cinq gardes et il vous aurait ordonné de le suivre dans une maison. Alors que les gardes seraient restés à l’extérieur et que vous y seriez rentrée seule avec lui, il vous aurait violée une deuxième fois en vous intimidant : « Tu ne dois pas fuir de moi. Chaque fois que j’ai besoin de toi, je te prends » (p.6 de votre rapport d’entretien, Madame). Avant de vous laisser partir, il vous aurait rappelé de n’en parler à personne et incité à quitter votre époux car « ainsi il pouvait m’avoir pour lui » (p.7 de votre rapport d’entretien, Madame). En rentrant chez vous, vous n’auriez rien rapporté à Monsieur.

Vous déclarez ensuite, Madame, que le 20 juin 2021, alors que vous vous rendiez à votre travail, vous auriez été interpellée par un passager d’une voiture garée devant laquelle vous veniez de passer. Un individu vous aurait ensuite saisie par derrière, vous aurait bandé les yeux et vous aurait embarquée.

Après avoir roulé pendant une quinzaine de minutes, vous témoignez que les trois occupants du véhicule vous auraient violée tour à tour. Ils vous auraient ensuite abandonnée sur une route où vous seriez restée allongée pendant quelques minutes avant qu’un inconnu vienne vous secourir. Vous auriez demandé à être ramenée à la maison et vous auriez tout dévoilé à votre époux, y compris les deux viols précédents.

Madame, Monsieur, vous vous seriez directement rendus ensemble au poste de police pour faire une déposition quant au troisième viol, sans mentionner ceux commis par le « chef » de la favela car « c’est une personne dangereuse » (p.8 de votre rapport d’entretien, Madame) qui disposerait d’un grand réseau dont vous auriez craint des répercussions violentes à votre encontre. La police aurait écrit un rapport mais vous expliquez que vous n’auriez pas déposé plainte puisque vous n’auriez pas connu l’identité des trois violeurs. La police vous aurait ensuite appelé une ambulance et vous auriez, Madame, subi une série d’examens à l’hôpital où l’on vous aurait prescrit des médicaments et remis les résultats d’analyses sanguines. Vous ajoutez que vous ne seriez jamais retournés au poste de police pour prendre connaissance des suites de votre déposition.

Dès le 23 juin 2021, Monsieur, vous auriez été informé par une connaissance du quartier que le « chef » de la favela aurait préparé votre assassinat alors qu’il aurait vu ce dernier montrer une photo de vous à ses hommes étant donné qu’il vous aurait suspecté tous les deux de vous être rendus à la police pour dénoncer les viols qu’il aurait commis. Dès lors, vous auriez pris la décision de fuir le Brésil et entre-temps, vous vous seriez installé, Monsieur, chez votre ami … alors que vous Madame, vous seriez restée vivre à la même adresse avec vos deux enfants jusqu’à votre départ du Brésil, le 28 octobre 2021.

Monsieur, vous confirmez en partie les dires de Madame et vous approuvez que vous n’auriez été informé que le 20 juin 2021 qu’elle aurait été violée à trois reprises, respectivement en février, avril et juin 2021. Vous ajoutez dans le cadre de votre entretien que vous auriez été victime d’une agression et d’un vol au Brésil en 2017 et votre épouse en 2016.

Vous expliquez également que vous n’auriez pas opté pour une fuite interne au Brésil car les « chefs se connaissent entre eux » (p.12 de votre rapport d’entretien, Monsieur), insinuant que le « chef » vous aurait fort probablement retrouvé facilement en cas de fuite interne alors que vous n’auriez été en mesure de déménager que dans une autre favela.

En cas de retour en Angola, vous craindriez Madame de vivre les mêmes problèmes que vous auriez vécus durant votre enfance, respectivement que des membres de votre famille se feraient assassiner, tandis que vous Monsieur, redouteriez les conflits politiques et les conflits provinciaux. En cas de retour au Brésil, vous craindriez Madame de vous faire assassiner par le « chef » de la favela, tandis que vous, Monsieur, redouteriez que votre situation « pourrait être pire » (p.11 de votre rapport d’entretien, Monsieur), sous-entendant que vous seriez contraint de retourner vivre dans une favela.

Vous présentez les documents suivants :

- Votre passeport angolais, Monsieur, ayant été valide du 10 mai 2012 au 10 mai 2022 et votre passeport brésilien, valide du 8 juin 2021 au 7 juin 2031, votre passeport angolais, Madame, émis le 21 mai 2019 et valide jusqu’au 21 mai 2029 et votre passeport brésilien, valide du 25 mai 2021 au 24 mai 2031, le passeport angolais de votre fille …, émis le 26 juillet 2017 et valide jusqu’au 26 juillet 2022 ainsi que son passeport brésilien, valide du 30 octobre 2019 au 29 octobre 2024 ainsi que le passeport angolais de votre fils …, ayant été valide du 10 mai 2012 au 10 mai 2017 ainsi que son passeport brésilien, valide du 30 octobre 2019 au 29 octobre 2024 ;

- une photocopie du Ministère de la Justice brésilien en date du 7 août 2018 attestant que vous Monsieur, auriez obtenu le statut de réfugié au Brésil par le biais d’une demande de regroupement familial, en langue portugaise et sans traduction ;

- votre certificat de mariage délivré le 15 juin 2021 à …, en langue portugaise et sans traduction ;

- six ordonnances médicales émises le 20 juin 2021, en langue portugaise et sans traduction ;

- trois rapports de police rédigés par la « Policia Civil do Estado de … » le 9 novembre 2016, le 15 décembre 2017 et le 20 juin 2021, en langue portugaise et sans traduction.

2. Quant à la motivation du refus de vos demandes de protection internationale Il convient de relever qu’il se dégage de la lecture de vos entretiens respectifs ainsi que des éléments de votre dossier une série d’éléments pour le moins incohérents et manifestement non plausibles mettant à mal votre crédibilité.

Premièrement, force est de constater que les raisons pour lesquelles vous auriez quitté le Brésil diffèrent entre vos déclarations respectives issues de vos rapports du Service de Police judiciaire du 9 novembre 2021 et celles de vos rapports d’entretien réalisés le 22 et 24 novembre 2021.

En effet, il appert qu’en date du 9 novembre 2021 vous invoquez chacun au Service de Police Judiciaire deux motifs principaux qui vous auraient poussés à quitter le Brésil. D’une part, vous mentionnez l’état de santé fragile de vos fils … qui souffrirait d’une anémie falciforme, en soulignant que le système de santé brésilien ne serait pas apte à lui fournir un traitement adapté : « il est paralysé, manque de médicaments, de consultations, examens et contrôle médical. La santé de mon fils s’aggrave de plus en plus, c’est pour cela qu’on demande une protection internationale » (fiche manuscrite de Madame) ou encore « j’ai un enfant, il souffre d’anémie falciforme depuis sa naissance, on cherche un traitement pour lui (…) il n’y a pas d’amélioration c’est pour cela que nous voulons pas retournez (sic) » (fiche manuscrite de Monsieur). D’autre part, vous expliquez avoir quitté le Brésil en raison d’un viol commis par trois personnes dont vous auriez été victime Madame : « On est venu demander la protection parce que j’ai été violée par 3 personnes et je suis très déçue de vivre au Brésil » (fiche manuscrite de Madame) ou encore « ma femme elle était violé par trois personnes au Brésil, elle a dégouté de vivre en Brésil (sic) » (fiche manuscrite de Monsieur).

Or, il convient de constater que vous avez manifestement modifié les motifs vous ayant poussé à fuir le Brésil dans le cadre de vos entretiens respectifs du 22 et 24 novembre 2021.

Il s’avère tout d’abord que vous n’avez plus utilisé l’argumentaire de l’état de santé de votre fils pour appuyer votre demande de protection internationale, au contraire vous insinuez même, Monsieur, qu’il ne se serait pas agi d’un motif suffisant lorsque vous êtes interrogé à cet égard par l’agent en charge de votre entretien : « Ce n’est pas uniquement à cause de cela qu’on vient. Cela fait 9 ans qu’il a cela, sinon on serait venu avant » (p.7 de votre rapport d’entretien, Monsieur). Puis, en ce qui concerne les agressions sexuelles dont vous auriez été victime Madame, il ressort de vos entretiens respectifs que vous n’auriez plus été victime d’un seul viol commis par trois inconnus mais également de deux autres viols commis par le « chef » de la favela. Par ailleurs, ces deux viols additionnels - que vous n’avez donc nullement indiqués dans vos fiches manuscrites - constituent inopinément le fil conducteur de votre récit lors de vos entretiens respectifs puisque vous expliquez que vous auriez décidé de quitter le Brésil après que vous auriez été visés, notamment vous, Monsieur, par des menaces de mort émises par le « chef » alors qu’il vous aurait tous les deux suspecté de l’avoir dénoncé lorsque vous vous seriez rendus à la police le 20 juin 2021 : « Ce qui nous a poussé à quitter le pays sont les menaces de mort » (p.7 de votre rapport d’entretien, Monsieur).

Dès lors, il y a lieu d’en conclure qu’une partie de votre récit n’est pas crédible étant donné que le motif principal que vous invoquez dans le cadre de vos entretiens respectifs n’est pas mentionné dans vos fiches manuscrites, à savoir que vous n’y faites pas allusion aux deux viols commis par un « chef » d’une favela qui vous aurait ensuite menacés de mort après qu’il vous aurait suspectés de l’avoir dénoncé à la police. Il est permis d’imaginer que vous auriez réalisé que l’état de santé de votre fils et qu’un viol commis par trois inconnus n’auraient pas été des motifs suffisants pour vous octroyer une protection internationale et que vous auriez dès lors opté pour une nouvelle stratégique consistant à aggraver une partie de votre récit dans le but d’agrandir vos chances de vous voir octroyer une protection internationale au Luxembourg.

Deuxièmement, le caractère fictif des deux viols commis par le « chef » de la favela dont vous auriez été victime, Madame, se trouve corroboré par des incohérences issues de vos rapports d’entretien respectifs alors qu’il convient d’apporter une attention particulière quant au déroulement chronologique de ces derniers. Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler que vous avez passé votre entretien, Monsieur, le 22 novembre 2022 de 9h00 à 17h10, puis que vous avez été interrogée, Madame, le 22 novembre 2022 de 17h15 à 19h00 et le 24 novembre de 9h00 à 14h00. Partant, il est évident Monsieur que vous avez eu les coudées franches le 22 novembre 2021 pour développer à votre guise votre récit et que vous n’auriez été en mesure de partager les détails de celui-ci avec Madame qu’après la fin de son entretien du même jour.

À partir de ce repère temporel, il est particulièrement révélateur d’observer, Madame, que durant la première journée de votre entretien vous avez uniquement évoqué le viol du 20 juin 2021 mais que vous n’avez aucunement mentionné les deux viols commis par le « chef » de la favela, conformément aux dires de Monsieur. Madame, alors que vous étiez déjà libre de vous exprimer librement et ouvertement à votre guise dès le 22 novembre 2021 sur ce qui deviendra seulement le 24 novembre 2021 le fil conducteur de votre récit et le motif principal de votre demande de protection internationale, il y a lieu de constater que vous n’avez été en mesure de vous prononcer quant aux deux autres viols dont vous auriez été victime et les menaces de mort qu’après avoir eu la possibilité de concerter votre époux sur le contenu de son entretien afin d’aligner votre récit au sien. Or, un tel constat et une telle coïncidence temporelle contribuent à fortement remettre en doute la crédibilité de votre récit alors qu’il est raisonnable de s’attendre de la part d’un demandeur de directement s’exprimer sur le motif principal l’ayant poussé à quitter son pays d’origine en suivant l’ordre chronologique dans lequel se sont déroulés les faits.

Par ailleurs, ce constat se trouve renforcé par votre déclaration en date du 22 novembre 2021, respectivement durant votre premier entretien et lorsque vous n’aviez pas encore été en mesure de vous concerter avec Monsieur quant au contenu du sien, dans laquelle vous expliquez que : « Je travaillais jusqu’au jour où j’ai été violée, le 20.06.2021 » (p.3 de votre rapport d’entretien, Madame). Vous sous-entendez clairement ici que le fait d’avoir personnellement été victime d’un viol aurait été un motif suffisant, ce qui est tout à fait compréhensible et justifiable, pour arrêter vos activités professionnelles. Dès lors, cette déclaration dénonce déjà par elle seule le fait que vous n’auriez vraisemblablement pas été victime de deux autres viols avant la date du 20 juin 2021, respectivement en février et avril 2021, puisque l’on aurait raisonnablement pu s’attendre d’une part que vous auriez également pu alléguer les deux autres viols à cet instant de votre entretien et, d’autre part, que vous auriez décidé d’arrêter vos activités professionnelles dès le mois de février, voire avril 2021, d’autant plus que le viol d’avril 2021 se serait produit après que vous auriez été accostée à la sortie de votre travail par le « chef » de la favela.

À cela s’ajoute que vous prétendez, Monsieur, que vous n’auriez pas été au courant que Madame se serait faite aborder par le « chef » de la favela dès le mois de janvier 2021 et qu’il l’aurait ensuite violée à deux reprises en février et avril 2021 : « Pendant tout ce temps, je ne savais pas ce qui s’est passé. Ma femme ne voulait pas me le dire car elle savait que je serai capable de faire quelque chose » (p.4 de votre rapport d’entretien). Vous affirmez que vous auriez uniquement eu connaissance de ces faits à partir du 20 juin 2021, lorsque Madame serait rentrée au domicile familial et vous aurait rapporté avoir été violée à une troisième reprise par trois inconnus. Cependant, lorsque l’agent en charge de votre entretien vous interroge au sujet du « chef » de la favela, il est déconcertant de constater que vous puissiez répondre que : « J’ai commencé à entendre de lui quand il a commencé à aborder ma femme » (p.5 de votre rapport d’entretien, Monsieur), c’est-à-dire dès le mois de janvier 2021. Partant, la crédibilité de votre récit se trouve à nouveau compromise puisqu’il parait improbable que vous puissiez déclarer d’une part que vous n’auriez jamais eu aucune connaissance quant aux faits dont aurait été victime Madame, mais qu’en même temps, vous puissiez prétendre avoir entendu parler du « chef » de la favela dès qu’il aurait commencé à aborder Madame, respectivement dès le mois de janvier 2021, avant même les deux viols.

Troisièmement, et sans contester le fait que votre fils … serait réellement atteint d’une anémie falciforme, il convient néanmoins d’émettre des doutes quant à vos descriptions relatives à l’ampleur de la gravité de sa maladie.

Il ressort de vos déclarations respectives que votre fils aurait en raison de sa maladie une déficience motrice puisque vous expliquez que « cela fait 9 ans qu’il est en chaise roulante » (p.6 de votre rapport d’entretien, Monsieur), respectivement depuis qu’il est âgé de … ans, voire qu’il serait même « paralysé » (fiche manuscrite de Madame). Or, ces déclarations sur l’état de santé fragile de votre fils ne concordent pas avec des photos publiées sur votre compte Facebook, Monsieur.

En effet, alors que vous le présentez comme étant un enfant dont la capacité de mobilité serait réduite depuis l’âge de ses deux ans, le contraignant à devoir se déplacer en chaise roulante, voire à être atteint d’une paralysie, il est aberrant de constater que celui-ci aurait tout de même été en mesure de se baigner sans mesures de précaution, conformément à ces photos publiées le 27 mars 2017, de faire du vélo ou de sillonner une aire de jeux, comme le dévoile vos publications en date du 30 avril 2017, ou encore de fréquenter normalement un centre commercial en s’adonnant à des bousculades enfantines avec sa sœur … comme le révèlent vos photos et vidéos du 26 décembre 2019.

Force est de constater que vous avez à nouveau tenté d’aggraver votre récit, en accentuant les conséquences qu’aurait la maladie de votre fils sur son quotidien, vraisemblablement dans l’objectif d’augmenter vos chances de vous voir octroyer une protection internationale au Luxembourg.

Il convient dans ce contexte d’ajouter qu’il paraît évident que vous auriez quitté le Brésil pour des motifs économiques et de convenance personnelle, à savoir des raisons d’ordre médical relatives à l’état de santé de votre fils, et par extension à cause de l’incapacité du système de santé brésilien à répondre à votre attente d’un traitement adéquat, notamment dans le secteur public alors que vous ne seriez pas en mesure de vous payer les services d’un hôpital privé.

Ce constat se base sur le fait que vous invoquez tous les deux cette raison dans votre fiche manuscrite, et ce de façon prioritaire dans la vôtre Monsieur alors qu’une très grande partie de vos déclarations y font référence et que vous ne mentionnez que secondairement le viol dont aurait été victime votre épouse le 20 juin 2021. À cela s’ajoute que vous mentionnez clairement dans le cadre de votre entretien que vous avez introduit une demande de protection internationale au Luxembourg car « c’est au sujet de mon fils et de ma femme » (p.11 de votre rapport d’entretien, Monsieur) en précisant plus tard que « on veut le meilleur pour nos enfants. En Angola, question de santé, c’est difficile » (p.12 de votre rapport d’entretien, Monsieur). Il en est de même pour vous Madame, alors que vous confirmez également dans le cadre de votre entretien que vous auriez quitté le Brésil en raison des problèmes de santé de votre fils et vous précisez que : « si on veut l’emmener dans un hôpital privé où les soins sont meilleurs, il faut payer et on n’a pas les moyens (…) nous ne sommes pas assurés » (p.10 de votre rapport d’entretien, Madame).

Ce constat se trouve ensuite corroboré par une publication, à une date inconnue mais remontant à plus d’une année, sur un site de financement participatif nommé … dans laquelle l’état de santé fragile de votre fils est décrite et dont l’objectif consiste à faire un appel au don pour financer le départ de votre famille vers le Luxembourg afin qu’il puisse y suivre un traitement expérimental : « Par l’intermédiaire de l’Association Communauté Chrétienne Evangélique Christ Vous Appelle (A.C.E.V.A) et de son ONG de réfugiés, sa famille a réussi à donner à … accès à un traitement expérimental au Luxembourg, et le but de cette … est de l’aider à couvrir ses frais de voyage ». Vous avez ainsi pu récolter la somme de … Réal brésilien, soit environ … euros.

Quatrièmement, vous avancez que vous auriez eu peur de dénoncer les viols commis par le « chef » de la favela et ses menaces de mort auprès de la police car vous auriez craint des répercussions néfastes à votre encontre : « Je ne pouvais pas faire cela car j’aurai eu de problèmes. On ne joue pas avec les chefs. Même la police a peur d’eux » (p.7 de votre rapport d’entretien, Monsieur) ou car « cela ne sert à rien de porter plainte contre une personne dangereuse. Dans les « favela » les personnes en général ne se mêlent pas des affaires du chef » (p.8 de votre rapport d’entretien, Madame).

Dans ce contexte, il convient tout d’abord de souligner qu’il paraît étrange que, au vu des menaces de mort qui vous auraient ciblés, en particulier vous Monsieur, et de la prétendue dangerosité de ce « chef » qui « connaissait partout et qu’il nous retrouverait partout » (p.5 de votre rapport d’entretien, Monsieur), vous auriez encore été en mesure de vivre plus de quatre mois au Brésil sans être sérieusement inquiété. En effet, vous assumez que vous n’auriez plus jamais revu le « chef » (p.9 de votre rapport d’entretien, Madame), qu’il ne vous serait rien arrivé à tous les deux entre le 23 juin 2021 jusqu’à votre départ du Brésil le 28 octobre 2021 et que vous n’auriez pris aucune mesure extraordinaire pour assurer votre sécurité en dehors du fait que vous vous seriez supposément abrité chez un ami, Monsieur, alors que vous, Madame, seriez simplement restée avec vos enfants à votre adresse habituelle en dépit d’y avoir déjà été la cible du « chef ». Dès lors, il convient de s’interroger sincèrement sur l’authenticité de vos dires, respectivement de la gravité des prétendus faits dont vous auriez été victime alors que vos comportements ne reflètent en rien celui de personnes qui se seraient réellement senties en danger.

De plus, il est également illogique que vous n’ayez pas décidé de vous rendre auprès des autorités brésiliennes dès le 23 juin 2021 puisque le « chef » de la favela vous aurait déjà, dès cette date, erronément suspectés de l’avoir dénoncé auprès de la police. En effet, étant donné que vous auriez dès le 23 juin 2021 encouru les risques que vous auriez tant redoutés relatifs au fait de déposer une plainte contre le « chef », respectivement d’être victime de menaces de mort, il semble cohérent et pertinent d’attendre de votre part que vous vous présentiez alors à la police brésilienne puisque la situation n’aurait pas pu s’aggraver d’une quelconque autre manière et que vous auriez dès lors pu recourir à l’aide des autorités brésiliennes.

Cinquièmement, il y a lieu de souligner que des incohérences parsèment vos entretiens lorsque vous tentez de justifier votre départ tardif d’Angola, Monsieur, respectivement en 2015, alors que Madame et vos deux enfants auraient été installés depuis 2012 au Brésil.

Tout d’abord, il appert que vous partagez des dates différentes quant à votre arrivée au Brésil, Monsieur, puisque vous prétendez que vous vous y seriez installé durablement dès l’année 2015 (p.6 de votre rapport d’entretien, Monsieur) alors que vous, Madame, vous affirmez que votre époux ne serait arrivé qu’entre 2016 ou 2017 (p.3 de votre rapport d’entretien, Madame).

Nonobstant de cette incohérence temporelle, force est de constater que vous justifiez, Monsieur, ce délai de quelques années par le fait que vous vous seriez occupé de votre mère malade et que vous auriez eu des difficultés financières. Or, ces arguments, et principalement le second, n’emportent aucunement conviction puisque les informations disponibles dans votre passeport angolais, respectivement les tampons aéroportuaires et vos visas brésiliens, démontrent clairement que vous vous seriez déjà rendu au Brésil au cours de l’année 2013 et à une autre reprise en 2014, de sorte que votre justification relative à vos difficultés financières n’emporte pas conviction, et que vous auriez souvent voyagé pour des raisons quelconques (en Afrique du Sud, en République démocratique du Congo et en Namibie en 2013, au Mozambique en 2014) de sorte que l’état de santé de votre mère n’aurait vraisemblablement pas été un facteur vous ayant empêché de vous absenter.

Sixièmement, vous indiquez Madame que vous auriez quitté l’Angola pour le Brésil en 2012 à cause de la « guerre civile en 2010 » (p.2 de votre rapport d’entretien, Madame) et que vous auriez obtenu le statut de réfugié au Brésil en 2014.

Il convient tout d’abord de constater que votre déclaration est incorrecte étant donné que l’Angola n’était pas en proie à une guerre civile en 2010 ou dans une situation d’insécurité lorsque vous évoquez des « conflits » alors que le pays est officiellement pacifié depuis 2002, après avoir mis fin à 27 années de guerre civile. Au contraire, dès 2002, l’Angola a connu un essor économique conséquent grâce une évolution marquée dans plusieurs secteurs économiques qui n’aurait pas été réalisable dans un contexte conflictuel. Le pays est donc économiquement sur une pente ascendante depuis la fin de la guerre civile en 2002 malgré le fait que les années 2010 furent certes marquées par quelques mouvances d’instabilité mais qui ne seraient cependant en rien équivalentes à une guerre civile :

« Apparus en 2011, les mouvements révolutionnaires angolais ont organisé une quinzaine des manifestations en 2011 et 2012 dans le but de faire valoir leurs revendications sociales et politiques. Bien que durement réprimés par le régime, les militants issus de cette mouvance entendent poursuivre leurs actions. En juin 2015, l’arrestation d’une quinzaine de ces militants et les poursuites judiciaires engagées à leur encontre ont provoqué un vaste mouvement de soutien en Angola et à l’étranger pour exiger leur libération. Celle-ci est finalement survenue en juin 2016 ».

D’autre part, il appert qu’en dépit d’avoir introduit une protection internationale au Brésil et de vous être vue octroyer le statut de réfugié en 2014, puis la nationalité brésilienne, vous avez décidé de vous rendre auprès des autorités angolaises à deux reprises : une fois en juillet 2017 pour l’obtention d’un nouveau passeport angolais au nom de votre fille …, une seconde fois en mai 2019 pour vous voir remettre personnellement un nouveau passeport, Madame. En effet, il est aberrant de constater qu’une personne détentrice du statut de réfugié ait ressenti le besoin d’entreprendre des démarches administratives auprès des autorités du pays qu’elle a fui et dont elle cherchait une protection. D’autant plus que, Madame, vous étiez en possession d’un passeport brésilien et que votre volonté d’obtenir un passeport angolais pour vous et votre fille ne semblait dès lors pas être indispensable ; au contraire. Ce comportement illustre simplement que vous n’auriez aucunement craint un risque réel de persécution ou d’atteinte grave de la part des autorités angolaises.

Eu égard à ce qui précède, force est de constater que vos récits ne sont pas crédibles dans leur intégralité. Le viol commis par le « chef » de la favela et les menaces qu’il aurait émises contre vous après qu’il vous aurait soupçonnés de l’avoir dénoncé aux autorités brésiliennes ne seront donc pas retenus comme étant un motif à la base de votre demande de protection internationale. Par conséquent, les motifs que vous invoquez et qui seront retenus concernent le viol commis au Brésil par les trois inconnus en date 20 juin 2021 et les motifs que vous avez invoqués pour justifier vos craintes relatives à un retour en Angola.

• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d’octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée la « Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l’article 2 point f de la Loi de 2015, qui reprend l’article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 point f de la Loi de 2015, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l’article 39 de la loi susmentionnée.

Madame, Monsieur, il ressort de vos déclarations que vous auriez respectivement décidé de quitter l’Angola en raison de vos craintes d’une résurgence d’un conflit et de la persécution des Bakongo. Après vous être réfugiés au Brésil, vous auriez fui ce pays après que vous auriez été victime d’un viol Madame. En cas de retour en Angola, vous craindriez pour votre sécurité en raison des « conflits politiques, des conflits avec les provinces » (p.11 de votre rapport d’entretien, Monsieur) et en cas de retour au Brésil, vous craindriez que les conditions de santé de votre fils ne se dégrade alors qu’il ne serait pas en mesure d’y suivre un traitement adapté.

En ce qui concerne vos craintes quant à un retour au Brésil, il convient de rappeler que les menaces émises par le « chef » de favela n’ont pas été retenues suite aux considérations de crédibilité soulevées précédemment à cet égard et que sont retenues celles relatives au viol commis par trois inconnus et celles concernant l’état de santé de votre fils. Il appert que ces craintes n’ont pas été motivées par un des critères de fond définis par lesdites Convention et loi. En effet, vous indiquez Madame que vous auriez été victime d’un viol commis par trois inconnus et ne mentionnez aucunement que ceux-ci auraient été perpétués contre vous en raison de votre race, votre religion, votre nationalité, vos opinions politiques ou encore votre appartenance à un groupe social.

Or, en dépit des craintes que vous prétendez tous les deux avoir ressenties, force est de constater que vous auriez continué à vivre encore quatre mois au Brésil à …, respectivement du 21 juin jusqu’au 28 octobre 2021. Ce comportement apathique ne fait qu’illustrer le fait que vous-même n’auriez pas réellement craint pour votre sécurité au Brésil.

À cela s’ajoute que, s’agissant d’actes émanant de personnes privées, une persécution commise par des tiers peut être considérée comme fondant une crainte légitime au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités. Or, cela n’est pas le cas en l’espèce. En effet, vous n’avez aucunement porté plainte contre les trois inconnus puisque vous n’auriez fait qu’une déposition, respectivement recherché de l’aide au Brésil, de sorte qu’on ne saurait reprocher une quelconque défaillance aux forces de l’ordre qui n’ont jamais été mises en mesure d’effectuer leur mission.

Il y a lieu de relever dans ce contexte que le viol est un crime relevant du droit commun et punissable par la législation brésilienne. En effet, il ressort des recherches ministérielles qu’au Brésil, l’article 213 du « Criminal Code », respectivement l’équivalent du code pénal luxembourgeois, dispose que le viol est un crime condamnable de six à trente années de prison: « the crime of rape: to coerce someone through violence or serious threat, to practice sexual act or similar. The established penalty is six to 30 years of imprisonment ».

L’on peut également noter que « Firstly these types of crimes are classified under the Brazilian Penal Code as crimes against customs (articles 213 to 234) rather than against a person. Articles 213, 215, 216 and 217 deal with the crime of rape, article 214 deals with sexual assault and article 218 with minor corruption. To be considered as a crime, rape is defined as "To constrain a woman to a carnal conjunction upon violence or serious menace." Punishment for rape is imprisonment for a period of 6 up to 10 years. In accordance with article 5 of the Constitution, rape and violent sexual assault are considered by law 8.072/90 as "crimes hediondos" and are therefore not subject to amnesty, bail or conditional freedom ».

Par rapport aux menaces de mort qui auraient découlé du fait que le « chef » de la favela vous aurait suspecté de l’avoir dénoncé alors que vous n’auriez pas porté plainte contre lui car « je ne pouvais pas faire cela car j’aurai eu plus de problèmes. On ne joue pas avec les chefs.

Même la police a peur d’eux » (p.7 de votre rapport d’entretien, Monsieur) ou « Non, s’il y a quelque chose qui se passe dans les « favela » la police ne vient même pas » (p.7 de votre rapport d’entretien, Monsieur), il appert en réalité que les forces de l’ordre brésilienne sont très actives pour lutter contre la criminalité dans les favelas, de sorte que votre argumentation n’emporte pas la conviction alors que vous tentez visiblement de faire croire que les favelas seraient des zones de non-droit. En effet, en guise d’exemple, il ressort des recherches effectuées par la Direction de l’Immigration que la police brésilienne mène régulièrement des opérations dans les favelas dans le but de démanteler des réseaux criminels : « au moins 18 personnes, dont une habitante, sont mortes jeudi lors d’une gigantesque opération policière contre le crime organisé dans une favela de Rio de Janeiro (…) Sur ces 18 personnes tuées, 16 sont "suspectées" d’appartenir à des bandes criminelles ». Ou encore, des vastes investigations sont menées pour arrêter des leaders et membres de bandes criminelles :

« Police arrested 61 members of the … based First Capital Command (PCC), in 14 states.

Officials claim the organized crime group is responsible for inciting violent confrontations with other gangs while trying to expand their reach into more states and countries ».

À cela s’ajoute que la police brésilienne est bien présente à …, contrairement à ce que vous tentez de faire croire, étant donné que les postes « … Distrito Policial - Delegacia de Policia … » ou encore « Guarda Civil Metropolitana Inspetoria Regional De … », contenant donc chacun le nom de votre quartier dans leur appellation, se trouvent tous les deux à moins de 7 minutes en voiture de votre ancienne adresse de résidence.

Finalement, force est de constater que vous auriez en réalité quitté le Brésil en raison de l’état de santé de votre fils alors que vous déplorez le fait que le système hospitalier brésilien ne serait pas en mesure de fournir un traitement adéquat pour lutter contre sa maladie, notamment dans le secteur public alors que vous ne seriez pas en mesure de vous payer les services d’un hôpital privé. Ce constat est irréfutablement prouvé par la publication sur le site de financement participatif … dont l’objectif consiste à faire un appel au don pour financer le départ de votre famille vers le Luxembourg afin qu’il puisse y suivre un traitement expérimental comme mentionné précédemment.

Or, des motifs d’ordre économique ou de convenance personnelle ne sauraient toutefois pas justifier l’octroi du statut de réfugié, alors qu’ils ne rentrent nullement dans le champ d’application de la Convention de Genève et de la Loi de 2015, textes qui prévoient une protection à toute personne persécutée ou à risque d’être persécutée à cause de sa race, de sa nationalité, de sa religion, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social.

En ce qui concerne vos craintes relatives en cas de retour en Angola, il y a lieu de rappeler, comme susmentionné, que ce pays n’est actuellement pas en proie à une « guerre civile » ou à un quelconque autre type de « conflit » contrairement à ce que vous prétendez dans le cadre de vos entretiens respectifs.

Par conséquent, les suppositions ainsi que les propos généraux et peu étayés que vous vous bornez à émettre dans ce contexte ne reposent sur aucun élément concret. Les quelques spéculations que vous vous contentez fébrilement d’alléguer ne reposent que sur des craintes hypothétiques puisque vous craindriez, Madame, d’y retourner pour le simple motif que :

« cela me fait penser à ce qui s’est passé avec ma famille quand j’avais 4 ans » (p.10 de votre rapport d’entretien, Madame), respectivement la mort de vos parents et celle de vos trois frères en 1983, soit il y a presque 40 ans. Ce constat du caractère infondé de vos craintes est d’ailleurs renforcé par le fait que vous reconnaissez que : « Je ne connais pas la situation politique en Angola maintenant. Je suis uniquement au courant de la guerre civile en 2010 » (p.2 de votre rapport d’entretien, Madame). Toutefois, comme mentionné précédemment, la situation actuelle en Angola, et ce depuis deux décennies, n’est en rien comparable à celle de la guerre civile que ce pays a enduré de 1975 à 2002 et force est de constater que l’Angola n’était pas en proie à une guerre civile en 2010. En ce qui concerne les prétendus conflits politiques, il appert que la récente élection présidentielle d’août 2022 s’est déroulée pacifiquement, avec un scrutin serré, et n’a nullement provoqué des mouvements de tension ou révoltes alors que vous tentez de faire croire Monsieur qu’« il y a toujours des conflits quand il y a des élections » (p.3 de votre rapport d’entretien, Monsieur). Ainsi, il est indéniable qu’il s’agit là uniquement de suppositions infondées de votre part et que vos craintes sont purement hypothétiques. Or, des craintes purement hypothétiques ne sauraient suffire pour établir l’existence dans votre chef d’une crainte fondée de persécution dans votre pays d’origine.

Par rapport aux risques de persécution que vous prétendez encourir, Monsieur, en tant que membres de l’ethnie Bakongo car « on était persécuté par tous les gens autour. Ils n’aimaient pas les Bakongo » (p.2 de votre rapport d’entretien, Monsieur), il appert que cette déclaration est imprécise ainsi que non détaillée et que vous n’avez pas pu montrer de façon vérifiable qu’une persécution de la population angolaise d’ethnie Bakongo existe réellement.

Il ressort par ailleurs des recherches ministérielles que : « Die Bakongo stellen mit ca.

13,2% der Gesamtbevölkerung Angolas die drittstärkste makro-ethnische Gruppe dar […] Das heutige Siedlungsgebiet der Bakongo in Angola umfasst die drei nordwestlichen Provinzen von …, Zaire, Cabinda und einen Teil der Provinz Bengo mit einer gesamten Fläche von 107.000 km2 » ou encore que « The Bakongo have been discriminated against and sometimes persecuted in Angola for being ‘non-Angolans’ and for not being ‘true’ Angolans.

The Bakongo are sometimes referred to as "full of French" and "barely Angolans", and the derogatory term ‘langa’ (and ‘langa-langa’) is used for the Bakongo (… 2015: 155, 106).

Some Bakongo complained about official discrimination in the form of berufsverbot (that it is impossible to get public employment above a certain level), reflecting that they have difficulties in accessing housing, health care, etc. While this type of discrimination appears to be entrenched, there is no recent record of state-sanctioned physical violence carried out by authorities purely on the basis of Bakongo ethnicity, without other contributing factors ». Il découle des recherches effectuées par la Direction de l’Immigration qu’il n’existe aucune persécution des Bakongo par le gouvernement ou même la population angolaise.

Au vu de ce qui précède, il y a lieu d’en conclure que vous n’êtes manifestement pas persécuté en raison de votre appartenance au groupe ethnique Bakongo, contrairement à ce que vous tentez de faire croire et que vous avez inventé ce problème de toutes pièces pour augmenter vos chances d’obtenir une protection internationale à Luxembourg.

Ce constat est d’autant plus confirmé par le fait Monsieur que, si réellement vous aviez été persécuté, vous auriez eu la possibilité à plusieurs reprises de fuir l’Angola étant donné que vous avez voyagé deux fois au Brésil en 2013 et 2014, et dans d’autres pays du continent africain à plusieurs reprises. Cependant, vous avez à chaque fois décider d’opter pour un retour volontaire. Or, ce comportement n’est clairement pas compatible avec celui d’une personne qui aurait réellement été ou craint de devenir victime d’actes de persécution dans son pays d’origine. En effet, une personne réellement persécutée ou à risque d’être persécutée et réellement à la recherche d’une protection aurait comme seul but de rester en sécurité et certainement pas de retourner dans son pays d’origine.

À tout cela s’ajoute que vous ne semblez en réalité pas craindre un retour en Angola mais que vous souhaitez simplement ne pas y retourner pour des motifs économiques et de convenance personnelle. En effet, alors que vous tentez tous les deux de camoufler votre désintérêt pour le pays en invoquant des motifs futiles et infondés, force est surtout de constater que votre raisonnement repose sur le fait que vous estimez que le système de santé angolais ne serait pas en mesure de fournir un traitement adapté à la maladie de votre fils :

« on veut le meilleur pour nos enfants. En Angola, question de santé, c’est très difficile » (p.12 de votre rapport d’entretien, Monsieur). Or, des motifs économiques et de convenance personnelle ne sauraient pas non plus justifier l’octroi du statut de réfugié alors qu’ils ne sont nullement liés aux critères définis par la Convention de Genève et la Loi de 2015.

De plus, malgré le fait d’avoir revendiqué, Madame, que vous auriez quitté l’Angola car « j’avais des enfants qui étaient petits et je ne voulais pas les perdre dans un conflit civil » (p.2 de votre rapport d’entretien, Madame), il est aberrant de constater que deux de vos enfants mineurs, … et …, résideraient encore actuellement dans le pays avec votre sœur et que vous ne mentionnez aucunement que ceux-ci vivraient dans une situation d’insécurité ou encore que vous auriez tenté par tous les moyens de les faire quitter le pays alors que vous auriez personnellement fui l’Angola depuis 2012, ou en 2015 en ce qui vous concerne Monsieur. Dès lors, il est évident que votre situation personnelle en Angola n’est pas aussi grave que vous tentez de le faire croire alors qu’il est raisonnable de penser que si cela avait réellement été le cas, vous auriez cherché par tous les moyens à rapatrier vos deux enfants au Brésil lorsque vous y avez habité ou du moins, de les faire fuir le pays alors que vous avez, Monsieur, quitté l’Angola à plusieurs reprises au cours des années 2013, 2014 et 2015.

Finalement, en guise de conclusion, il convient de rappeler qu’en dépit d’être détentrice du statut de réfugié au Brésil et d’être en possession d’un passeport brésilien, vous avez décidé Madame de vous rendre auprès des autorités angolaises à deux reprises pour vous voir remettre un nouveau passeport pour le compte de votre fille en 2017 et pour votre compte en 2019. Or, il est aberrant de constater qu’une personne détentrice du statut de réfugié ait osé entreprendre des démarches administratives auprès des autorités du pays qu’elle a fui et dont elle cherchait une protection. Ce comportement illustre clairement le fait que vous n’auriez pas craint un risque réel de persécution ou d’atteinte graves de la part des autorités angolaises.

Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l’article 2 point g de la Loi de 2015 « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L’octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’article 39 de cette même loi.

L’article 48 définit en tant qu’atteinte grave « la peine de mort ou l’exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Madame, Monsieur, il y a lieu de souligner qu’à l’appui de vos demandes de protection subsidiaire, vous invoquez en substance les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de vos demandes de reconnaissance du statut de réfugié.

Or, sur base des développements et conclusions retenues qui précèdent dans le cadre du rejet du statut de réfugié, vous n’invoquez aucun élément susceptible de rentrer dans le champ d’application de l’article 48 précité.

Tout en renvoyant aux arguments développés précédemment, il échet de relever que vous n’apportez aucun élément de nature à établir qu’il existerait de sérieuses raisons de croire que vous encouriez tous les deux, en cas de retour en Angola ou au Brésil, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 précité.

Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Vos demandes en obtention d’une protection internationale sont dès lors refusées comme non fondées au sens des articles 26 et 34 de la Loi de 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

Suivant les dispositions de l’article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination du Brésil ou de l’Angola, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 16 mars 2023, les consorts … ont fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 8 février 2023 portant refus de faire droit à leurs demandes en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Etant donné que l’article 35 (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre la décision de refus d’une demande de protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé subséquemment, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision du ministre du 8 février 2023, prise en son double volet, telle que déférée, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

1) Quant au recours dirigé contre la décision portant rejet des demandes de protection internationale A l’appui de leur recours et en fait, les demandeurs expliquent que Madame … aurait été contrainte de fuir l’Angola pour demander une protection internationale au Brésil. A l’appui de sa demande de protection internationale introduite auprès des autorités brésiliennes, elle aurait invoqué le massacre de ses trois frères ainsi que de ses parents durant la guerre civile angolaise de 1975 à 2002, ce qui lui aurait permis d’obtenir le statut de réfugié. Ils précisent ensuite, concernant Monsieur …, qu’il aurait été persécuté en Angola en raison de son appartenance à l’ethnie Bakongo, ce qui l’aurait obligé à quitter son pays d’origine pour rejoindre son épouse au Brésil. Malgré le départ forcé de leur premier pays d’origine, l’Angola, et leur installation définitive au Brésil, les consorts … expliquent y avoir également subi des actes de persécutions cette fois-ci de la part des autorités brésiliennes, notamment par le chef « de la Police » de la favela …, à …. Les éléments médicaux versés démontreraient que Madame … aurait été violée à plusieurs reprises, après avoir été menacée de mort, par le chef « de la Police locale » aux mois de février et d’avril 2021. Elle aurait également été kidnappée et violée par trois inconnus avant d’être abandonnée dans la rue. C’est alors qu’elle aurait décidé de dévoiler à son époux les menaces et les viols dont elle aurait été victime en désignant le chef « de la Police locale » comme étant l’auteur de ces viols. Ils se seraient alors tous deux rendus au commissariat pour déposer une « plainte pénale », qui serait à l’origine de trois rapports de police. Après leur plainte, les consorts … auraient dû faire face aux incessantes menaces de mort du chef « de ladite Police ». Monsieur … aurait même été informé par une connaissance que l’un des violeurs de son épouse, en l’occurrence le chef « de la Police », se serait apprêté à l’assassiner. Face aux menaces de mort et suite à l’humiliation subie par Madame … en raison des viols dont elle aurait été victime, les consorts … auraient été contraints de quitter le Brésil, leur plainte étant restée sans suite. Ils auraient déposé leurs demandes de protection internationale au Luxembourg le 9 novembre 2021 en indiquant dans leurs fiches manuscrites avoir quitté le Brésil alors que leur vie et leur intégrité physique y seraient menacées. En résumé, Madame … aurait précisé avoir subi des actes de viols commis par des inconnus avant de donner plus de détails sur le déroulement chronologique de ces actes traumatisants et humiliants, mais aussi sur la nature de leurs auteurs, notamment sur le chef de la « Police locale » auteur de multiples viols et de menaces de mort dont elle aurait fait l’objet. Ils auraient, dans ce contexte, également fait état de la maladie de leur enfant dont la gravité ne ferait pas de doute au vu des éléments médicaux versés en cause. A l’appui de leurs demandes de protection internationale, ils auraient, en outre, produit des pièces probantes qui seraient de nature à corroborer l’intégralité de leurs déclarations. Ils font valoir que le ministre ne se serait basé que sur l’absence de crédibilité de leurs récits, en retenant notamment qu’ils se seraient concertés pour développer une nouvelle stratégie en faisant état des viols et menaces que Madame … aurait subis, ce qu’ils contestent formellement.

En droit, concernant tout d’abord le défaut de crédibilité retenu par le ministre à leur égard, les demandeurs font valoir que la motivation à la base de la décision litigieuse serait basée sur une interprétation erronée de leurs déclarations. Ils se prévalent, dans ce contexte, d’une violation de l’article 10 (2) et (3) de la loi du 18 décembre 2015, ainsi que de l’article 37 (3) de même loi pour soutenir que la décision ministérielle ne serait pas basée sur un examen approprié, objectif et impartial au sens de l’article 10 (2) de la loi du 18 décembre 2015. Ils affirment que les motifs mentionnés devant la police luxembourgeoise au moment du dépôt de leurs demandes de protection internationale ne seraient pas nécessairement différents de ceux exposés lors de leurs entretiens du 22 et 24 novembre 2023 et ne pourraient justifier l’exclusion et l’absence de crédibilité de leurs récits ayant trait aux actes de viols commis par le chef de la favela de …, ainsi que les menaces de mort proférées à leur égard. Ils reprochent, dans ce contexte, au ministre d’avoir mis implicitement à leur charge une obligation non prévue par la loi du 18 décembre 2015, à savoir celle de mentionner l’intégralité des motifs à la base de leurs demandes de protection internationale dans la fiche manuscrite jointe au rapport du service de la police judiciaire en excluant, à titre de sanction, la prise en compte des motifs exposés par eux lors de leurs entretiens devant un agent du ministère.

En ce qui concerne le caractère fictif des deux premiers viols commis par le chef « de la Police » de la favela, l’autorité ministérielle aurait prétendu que les demandeurs se seraient concertés après leurs entretiens du 22 novembre 2021 pour rajouter à leurs récits respectifs lesdits viols, et ce en vue de l’entretien de Madame … du 24 novembre 2021, ce qu’ils contestent formellement, les demandeurs ajoutant qu’ils seraient en droit de discuter de leur situation tant individuelle que familiale. Ils ajoutent qu’en outre, Madame … n’aurait pas été obligée, lors de sa première audition qui aurait eu lieu tard le soir, dans un climat stressant pour elle, d’exposer l’intégralité des faits et actes qu’elle aurait entendus invoquer à l’appui de sa demande de protection internationale. Le fait de n’exposer les deux viols commis par le chef de la favela que lors de son deuxième entretien ne démontrerait, dès lors, nullement le caractère fictif desdits viols.

Les demandeurs reprochent également au ministre d’avoir mis en doute la gravité de la maladie de l’enfant … pour démontrer le défaut de crédibilité de leurs récits, qui serait pourtant attestée par un certificat médical du Docteur … et par l’ordonnance médicale du Docteur …, établis en date du 27 février 2023.

Quant à l’authenticité de leurs dires ayant trait à la dangerosité du chef de la favela et de leurs craintes de représailles, notamment à la suite du dépôt de leur plainte auprès des autorités brésiliennes, les demandeurs affirment avoir pris toutes les dispositions nécessaires pour organiser leur départ du Brésil, en précisant que le dépôt de ladite plainte n’aurait fait qu’aggraver leur situation, avant de soutenir qu’il n’existerait aucune incohérence dans leurs démarches. Ils rappellent que la dangerosité de la police brésilienne ne ferait aucun doute et renvoient à un article du journal Le Monde du 5 août 2021, intitulé « “L’Etat, ici, il rentre, il tue, et il repart” : une favela de Rio sous le choc après une descente de police sanglante ».

Ils reprochent encore au ministre d’avoir remis en cause l’état de santé de la mère de Monsieur …, qui l’aurait contraint à rester en Angola avant de rejoindre son épouse au Brésil, ainsi que les difficultés financières de celui-ci, le ministre se basant à ce propos sur les multiples voyages que celui-ci aurait effectués et qui seraient renseignés dans son passeport. Il aurait encore, à tort, mis en doute les motifs ayant amené les autorités brésiliennes à octroyer le statut de réfugié à Madame …. Les demandeurs soutiennent enfin qu’un retour en Angola pourrait les exposer à des actes de persécution.

En conclusion, les consorts … estiment que ces précisions et l’ensemble des documents et actes versés en cause démontreraient que leurs récits seraient loin d’être mensongers ou non crédibles et que l’exclusion d’une partie des motifs, à savoir les viols commis par le chef « de la Police » de la favela et ses menaces de mort, ne serait pas fondée, de sorte que la décision litigieuse serait à réformer sur ce point.

Concernant ensuite le refus du statut de réfugié, les demandeurs s’emparent des articles 2 f), 39 et 42 (2) de la loi du 18 décembre 2015 pour faire valoir qu’il résulterait à suffisance de leurs déclarations, ainsi que des documents produits, qu’ils auraient subi des actes de persécution suffisamment graves, qui justifieraient « une saine application » de l’article 42 (1) de la même loi, étant donné que Madame … aurait été violée à plusieurs reprises par le chef « de la Police locale », ainsi que par des inconnus, en raison de son appartenance à un groupe social et de son appartenance « sociale et raciale ». Les demandeurs précisent aussi qu’ils auraient été menacés de mort par le chef « de la Police ». Ils ajoutent encore que l’enfant … serait gravement malade et n’aurait pas pu avoir accès aux soins médicaux appropriés, ce qui constituerait un acte de persécution au sens des articles 2 f), 39 et 42 de la loi du 18 décembre 2015.

Concernant l’Angola, les demandeurs expliquent qu’ils ne pourraient pas y retourner alors qu’ils craindraient d’y subir des actes de persécutions en raison de leur appartenance ethnique. Ils renvoient, dans ce contexte, à un article publié sur le site d’Amnesty International en date du 2 février 2021, intitulé « Angola. Au moins 10 manifestants tués par des tirs des forces de sécurité ». Ils précisent qu’ils auraient soumis des preuves suffisantes que leurs craintes atteindraient « le degré de gravité au sens de l’article 42, paragraphe (1) et (2) » de la loi du 18 décembre 2015. Après avoir mentionné que la Cour européenne des droits de l’Homme, ci-après désignée par « la CourEDH », aurait estimé qu’un traitement serait inhumain pour avoir été appliqué avec préméditation pendant des heures et avoir causé de véritables lésions, du moins de vives souffrances physiques et morales et dégradantes parce que de nature à créer en ses victimes des sentiments de peur, d’angoisse et d’infériorité propres à les humilier, à les avilir et à briser éventuellement leur résistance physique ou morale, les consorts … estiment que cette position de la CourEDH, sans en citer la référence, serait transposable à leur cas et concluent qu’ils devraient se voir octroyer le statut de réfugié.

A l’appui de leurs demandes de protection subsidiaire, les demandeurs considèrent que leur situation individuelle, telle qu’elle serait transcrite et documentée par les pièces versées en cause, tomberait dans le champ d’application de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, dès lors que les « actes de persécution » subis cadreraient avec les hypothèses retenues aux points a) b) et c) dudit article et ajoutent que les conditions découlant de l’article 39 de la même loi seraient aussi remplies en ce que « les policiers, à l’origine des actes de persécution subis » seraient à considérer comme des acteurs.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Concernant, tout d’abord, le moyen des demandeurs tirés d’une violation de l’article 10 (2) et (3) de la loi du 18 décembre 2015, celui-ci dispose que « […] (2) Lors de l’examen d’une demande de protection internationale, le ministre détermine d’abord si le demandeur remplit les conditions d’octroi du statut de réfugié et, si tel n’est pas le cas, détermine si le demandeur remplit les conditions pour pouvoir bénéficier de la protection subsidiaire.

(3) Le ministre fait en sorte que les décisions sur les demandes de protection internationale soient prises à l’issue d’un examen approprié. A cet effet, il veille à ce que:

a) les demandes soient examinées et les décisions soient prises individuellement, objectivement et impartialement;

b) des informations précises et actualisées soient obtenues auprès de différentes sources, telles que le Bureau européen d’appui en matière d’asile (BEAA) et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), ainsi que les organisations internationales compétentes en matière de droits de l’homme, sur la situation générale existant dans les pays d’origine des demandeurs et, le cas échéant, dans les pays par lesquels les demandeurs ont transité, et à ce que le personnel chargé d’examiner les demandes et de prendre les décisions ait accès à ces informations ; […] ».

Le tribunal est de prime abord amené à constater que le ministre a, dans la décision litigieuse, déterminé d’abord que les demandeurs ne remplissaient pas les conditions d’octroi du statut de réfugié avant de déterminer qu’ils ne remplissaient pas non plus les conditions pour pouvoir bénéficier de la protection subsidiaire, de sorte que le moyen ayant trait à une violation de l’article 10 (2) encourt le rejet pour être non fondé.

Quant à la prétendue violation de l’article 10 (3), précité, et de l’article 37 (3) de la loi du 18 décembre 2015 ayant trait aux éléments à prendre en compte par le ministre lors de l’évaluation individuelle d’une demande de protection internationale, il ne se dégage pas des éléments à la disposition du tribunal que la décision litigieuse n’ait pas été prise individuellement, objectivement et impartialement, alors qu’il ressort de ladite décision que le ministre a bien procédé à une évaluation individuelle des demandes des consorts … en prenant en compte toutes leurs déclarations avant d’arriver à la conclusion qu’une partie de leur récit concernant le Brésil n’était pas crédible.

La seule circonstance selon laquelle l’instruction des demandes des consorts …, respectivement l’appréciation que le ministre a faite de leurs déclarations, notamment en remettant en cause leur crédibilité sur certains points, n’ait pas abouti à l’octroi d’une protection internationale ne permet, en tout état de cause, pas aux demandeurs de soutenir valablement que l’article 10 (3) ou l’article 37 (3) de la loi du 18 décembre 2015 auraient été violés, de sorte que les moyens ayant trait à la violation de ces deux articles encourent également le rejet.

Quant au fond, le tribunal relève qu’en vertu de l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

A ce sujet, la notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de la même loi comme « […] tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] ».

Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent:

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales;

ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] ».

Finalement, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. » et aux termes de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015, « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. […] ».

Il suit des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 précitée, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Ces conditions devant être réunies cumulativement, le fait qu’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

Il échet, dans ce cadre, de préciser que l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 fait expressément référence au « pays dont [le demandeur] a la nationalité », et que le pays d’origine est défini à l’article 2 p) de ladite loi comme étant « […] le pays ou les pays dont le demandeur a la nationalité ou, s’il est apatride, le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle ».

Dans l’hypothèse d’un demandeur ayant plusieurs nationalités, le tribunal relève que la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, désignée ci-après par « la Convention de Genève », prévoit dans son article 1 A (2), alinéa 2 que « Dans le cas d’une personne qui a plus d’une nationalité, l’expression “du pays dont elle a la nationalité” vise chacun des pays dont cette personne a la nationalité. Ne sera pas considérée comme privée de la protection du pays dont elle a la nationalité toute personne qui, sans raison valable fondée sur une crainte justifiée, ne s’est pas réclamée de la protection de l’un des pays dont elle a la nationalité. » Ainsi, cette disposition exclut les personnes ayant plusieurs nationalités qui peuvent se réclamer de la protection d’au moins un des pays dont elles ont la nationalité.

En l’espèce, il est établi que les consorts … possèdent la nationalité brésilienne et angolaise, de sorte qu’ils doivent démontrer qu’ils ont des raisons valables, fondées sur une crainte justifiée de persécution, de ne pas se réclamer de la protection des autorités du Brésil et de l’Angola. Ainsi, à défaut d’une telle preuve, le statut de réfugié leur sera refusé.

En ce qui concerne plus particulièrement les craintes des demandeurs en relation avec leur vécu en Angola, pays dans lequel ils sont tous nés, le tribunal est amené à relever que les demandeurs invoquent les motifs suivants : Madame … évoque le fait que le massacre de ses trois frères, ainsi que de ses parents, durant la guerre civile angolaise de 1975 à 2002 lui aurait permis d’obtenir le statut de réfugié de la part des autorités brésiliennes et qu’elle craindrait de vivre la même situation en cas de retour en Angola, tandis que Monsieur … met en avant l’insécurité qui y règnerait en raison des conflits qui risqueraient de s’y produire et le fait que les membres de l’ethnie Bakongo, dont il ferait partie, seraient persécutés. Ils invoquent également la situation médicale de l’enfant … et les difficultés auxquelles il pourrait faire face pour se soigner en Angola.

Le tribunal est amené tout d’abord à préciser qu’il n’est pas lié par l’octroi d’une protection internationale aux demandeurs par un pays tiers, ce d’autant plus que les circonstances ayant pu justifier l’octroi d’une protection internationale de la part des autorités brésiliennes à Madame … remontent à 2014, mais qu’il appartient aux demandeurs de démontrer qu’il existe des craintes de persécutions fondées et actuelles dans leur chef vis-à-vis de l’Angola, ce qu’ils restent en défaut de faire.

En effet, s’agissant du décès des trois frères et des parents de Madame … en 1983, outre le fait que cette dernière manque de démontrer que ces faits tombent dans le champ d’application de la Convention de Genève, ceux-ci ne sont en tout état de cause pas de nature à justifier actuellement, soit plus de 40 ans plus tard, l’octroi du statut de réfugié. Par ailleurs, force est de constater que ces évènements se sont situés dans un contexte particulier, à savoir celui d’une guerre civile, état dans lequel l’Angola ne se trouve officiellement plus depuis 2002, soit depuis plus de vingt ans, au vu des recherches étatiques non contredites par les consorts ….

Si Monsieur … fait également référence de manière générale à la possible résurgence d’une guerre en Angola en raison des conflits politiques qui y règneraient1, force est de constater (i) que ses craintes se basent uniquement sur des suppositions, (ii) qu’il ne fait aucun lien entre ces prétendus conflits politiques et leur situation personnelle, et (iii) que le seul article mentionné dans ce contexte, à savoir celui publié par Amnesty International le 2 février 2021, précité, concerne des manifestants qui auraient été tués par des tirs des forces de sécurité dans 1 « […] Qu'est-ce que vous pourriez subir en cas de conflit politique ? On n'a pas de protection, on n'est pas en sécurité car ils luttent dans leur propre intérêt ; ils ne regardent pas le peuple. Cela pourrait éclater, une guerre pourrait éclater. Souvent c'est à cause des conflits pareils qu'il y a les guerres civiles. », page 12 du rapport d’entretien de Monsieur ….

la province de Lunda-Nord et que Monsieur … reste encore en défaut de mettre, à cet effet, en relation le contenu dudit article avec leur situation personnelle.

Quant à la crainte de Monsieur … de faire l’objet d’actes de persécution en raison de son appartenance à l’ethnie Bakongo, motif qui n’a pas été invoqué par Madame …, le tribunal constate que le demandeur n’a jamais personnellement fait l’objet d’une persécution concrète, ce dernier se limitant à affirmer que « […] Nous on est de Bakongo est on était persécuté par tous les gens autour. Ils n’aimaient pas les Bakongo. […] »2.

Dans ces circonstances, le tribunal conclut que les craintes des demandeurs de faire l’objet de persécutions en Angola en raison du vécu de Madame …, de leur ethnie Bakongo et de prétendus conflits politiques sont purement hypothétiques et ne peuvent justifier l’octroi du statut de réfugié dans leur chef.

Finalement, concernant l’état de santé de l’enfant … et le fait qu’« En Angola, question de santé, c'est très difficile. »3, ces motifs ne peuvent pas non plus justifier l’octroi d’une protection internationale, les motifs médicaux et économiques ne rentrant pas dans le champ d’application de la Convention de Genève et de la loi du 18 décembre 2015, étant donné qu’ils n’ont aucun lien avec les critères de fond tirés de la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social prévus à l’article 2 f) précité.

Il suit des considérations qui précèdent que c’est à juste titre que le ministre a refusé d’accorder le statut de réfugié aux demandeurs sur base des craintes mises en avant en relation avec l’Angola.

Quant au statut conféré par la protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 48 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. ».

Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48, précité, de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, dudit article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant 2 Page 2 du rapport d’entretien de Monsieur ….

3 Page 12 du rapport d’entretien de Monsieur ….

relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Par ailleurs, l’article 2 g), précité, de la loi du 18 décembre 2015 définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine.

Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37 (4) de la loi du 18 décembre 2015 instaure une présomption réfragable que de telles atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque réel de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

Le tribunal constate qu’à l’appui de leurs demandes de protection subsidiaire, les demandeurs invoquent en ce qui concerne l’Angola les mêmes motifs factuels que ceux qui sont à la base de leurs demandes de reconnaissance du statut de réfugié.

Or, étant donné que le tribunal a été amené à retenir, dans le cadre de ses développements concernant le refus du statut de réfugié, que leurs craintes liées au vécu de Madame … en Angola, aux prétendus conflits politiques y régnant et à leur appartenance ethnique étaient purement hypothétiques, ces mêmes motifs ne peuvent permettre l’octroi d’une protection subsidiaire de ce fait.

Quant aux motifs économiques et médicaux invoqués par les demandeurs concernant l’enfant …, force est de constater, outre le fait que les consorts … n’apportent aucun élément à cet effet ni même n’affirment que l’accès aux soins en Angola leur serait impossible, que ces motifs ne rentrent pas non plus dans la définition des atteintes graves de l’article 48 b) de la loi du 18 décembre 2015. En effet, il ressort du prédit article 48 b) que les traitements ou les sanctions doivent être « infligés », de sorte à induire une intervention humaine et excluent de son champ d’application l’éventualité d’atteintes graves lorsqu’aucun acteur ne peut en être tenu responsable.

Partant, il échet d’ores et déjà de conclure, au vu des développements qui précèdent, que les demandeurs restent en défaut de démontrer que les conditions de l’article 48 a) et b) de la loi du 18 décembre 2015 seraient remplies dans leur chef.

En ce qui concerne l’article 48 c) de la loi du 18 décembre 2015, invoqué par les demandeurs sans être valablement soutenu, il ne se dégage pas des éléments soumis au tribunal que la situation sécuritaire en Angola serait actuellement telle qu’elle répondrait aux critères d’une violence aveugle dans le cadre d’un conflit armé interne ou international au sens du prédit article, de sorte que le ministre a, dès lors, valablement pu rejeter la demande de protection subsidiaire des intéressés sur ce point.

Ainsi, dans la mesure où les demandeurs ne risquent ni des persécutions ni des atteintes graves en Angola, pays dont ils ont la nationalité, le tribunal est amené à retenir que c’est à bon droit que le ministre a refusé de faire droit aux demandes de protection internationale des consorts …, de sorte que le recours en réformation sous analyse encourt le rejet.

2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire A l’appui de ce volet de leur recours, les demandeurs concluent, en se référant à un arrêt « Pretty » de la CourEDH du 29 avril 2002, à la réformation de la décision ministérielle pour violation de l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », dans la mesure où l’exécution de cette décision les exposerait aux mêmes actes de persécutions qu’ils auraient subis, sinon à des traitements inhumains et dégradants, ce qui mettrait leur intégrité physique en danger.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet de ce volet du recours.

Aux termes de l’article 34 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34 (2) précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que le recours en réformation dirigé contre le refus d’une protection internationale est à rejeter, de sorte qu’un retour des consorts … en Angola ne les expose ni à des actes de persécution ni à des atteintes graves, le ministre a a priori valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

Il convient ensuite de rappeler que l’article 3 de la CEDH proscrit la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants.

Dans ce contexte, il échet de préciser que le risque de subir des souffrances mentales ou physiques doit présenter une certaine intensité.

En effet, si une mesure d’éloignement - telle qu’en l’espèce consécutive à l’expiration du délai imposé au demandeur pour quitter le Luxembourg - relève de la CEDH dans la mesure où son exécution risquerait de porter atteinte aux droits inscrits à l’article 3, ce n’est cependant pas la nature de la mesure d’éloignement qui pose un problème de conformité à la CEDH, spécialement à l’article 3, mais ce sont les effets de la mesure en ce qu’elle est susceptible de porter atteinte aux droits que l’article 3 garantit à toute personne. C’est l’effectivité de la protection requise par l’article 3 qui interdit aux Etats parties à la CEDH d’accomplir un acte qui aurait pour résultat direct d’exposer quelqu’un à des mauvais traitements prohibés. S’il n’existe pas, dans l’absolu, un droit à ne pas être éloigné, il existe un droit à ne pas être soumis à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants, de sorte et a fortiori qu’il existe un droit à ne pas être éloigné quand une mesure aurait pour conséquence d’exposer à la torture ou à une peine ou des traitements inhumains ou dégradants.

Cependant, dans ce type d’affaires, la CourEDH soumet à un examen rigoureux toutes les circonstances de l’affaire, notamment la situation personnelle du requérant dans l’Etat qui est en train de mettre en œuvre la mesure d’éloignement. La CourEDH recherche donc s’il existait un risque réel que le renvoi du requérant soit contraire aux règles de l’article 3 de la CEDH. Pour cela, la Cour évalue ce risque notamment à la lumière des éléments dont elle dispose au moment où elle examine l’affaire et des informations les plus récentes concernant la situation personnelle du requérant.

Le tribunal procède donc à la même analyse de l’affaire sous examen.

Or, en ce qui concerne précisément les risques prétendument encourus en cas de retour en Angola, le tribunal a conclu ci-avant que le risque des demandeurs de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 b) de la même loi, à savoir la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, était purement hypothétique, de sorte que le tribunal ne saurait se départir à ce niveau-ci de son analyse de cette conclusion.

Au vu de ce qui précède et compte tenu du seuil élevé fixé par l’article 3 de la CEDH4, le tribunal n’estime pas qu’il existe un risque suffisamment réel pour que le renvoi des demandeurs en Angola soit dans ces circonstances incompatible avec l’article 3 de la CEDH, de sorte que le moyen y afférent encourt le rejet.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours en réformation introduit à l’encontre de l’ordre de quitter le territoire est à rejeter pour être également non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 8 février 2023 portant refus d’un statut de protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation dirigé contre l’ordre de quitter le territoire du 8 février 2023 ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé par :

Alexandra Castegnaro, vice-président, Annemarie Theis, premier juge, Caroline Weyland, juge, et lu à l’audience publique du 6 juin 2024 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro 4 CourEDH, arrêt Lorsé et autres c/ Pays-Bas, 4 février 2003, pt. 59.

Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 6 juin 2024 Le greffier du tribunal administratif 26


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 48705
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-06-06;48705 ?

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