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24/06/2024 | LUXEMBOURG | N°50606

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 juin 2024, 50606


Tribunal administratif N° 50606 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50606 2e chambre Inscrit le 17 juin 2024 Audience publique du 24 juin 2024 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière d’assignation à résidence (art. 22, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50606 du rôle et déposée le 17 juin 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Mathieu Gibello, avocat à la

Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, décla...

Tribunal administratif N° 50606 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50606 2e chambre Inscrit le 17 juin 2024 Audience publique du 24 juin 2024 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière d’assignation à résidence (art. 22, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50606 du rôle et déposée le 17 juin 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Mathieu Gibello, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Maroc) et être de nationalité marocaine, actuellement assigné à résidence à … sise à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 10 juin 2024 l’assignant à résidence à … pour une durée de trois mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 19 juin 2024 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Mathieu Gibello et Monsieur le délégué du gouvernement Luc Reding en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de ce jour.

En date du 17 janvier 2024, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », sous le nom de …, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, il fut entendu par la police grand-ducale, section …, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg. Une recherche effectuée à cette même date dans la base de données EURODAC révéla que l’intéressé avait introduit une demande de protection internationale aux Pays-Bas en date du 19 décembre 2023.

Le 23 janvier 2024, l’intéressé passa un entretien auprès du ministère en vue de déterminer l’Etat membre responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de 1l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après « le règlement Dublin III ».

En date du 9 février 2024, les autorités luxembourgeoises contactèrent leurs homologues néerlandais en vue de la reprise en charge de l’intéressé sur le fondement de l’article 18, paragraphe (1), point b) du règlement Dublin III, demande qui fut acceptée par lesdites autorités par courrier du 16 février 2024 sur le fondement de l’article 18, paragraphe (1), point d) du même règlement.

Par décision du 4 juin 2024, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé expédié le 6 juin 2024, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », informa le requérant de sa décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale et de le transférer vers les Pays-Bas sur le fondement des dispositions de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et de celles de l’article 18, paragraphe (1), point d) du règlement Dublin III.

Par arrêté du 10 juin 2024, notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre ordonna l’assignation à résidence du requérant à … pour une durée de trois mois avec obligation de se présenter quotidiennement durant cette période au plus tard à 23 heures du soir ainsi qu’à 8 heures du matin au personnel de la prédite structure. Cette décision repose sur les considérations et motifs suivants :

« […] Vu l’article 22 (2) d) et 22 (3) a), b), c) de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire ;

Attendu que la mesure moins coercitive prévue à l’article 22, (3), point b) peut être efficacement appliquée.

Arrête :

Art. 1.- La personne déclarant se nommer …, prétendant être née le … à … (Maroc) et être de nationalité marocaine est assignée à résidence à … sise à …, L-… pour une durée de trois mois à partir de la notification du présent arrêté. La personne susvisée a l’obligation de se présenter durant cette période quotidiennement à 23h00 du soir ainsi qu’à 08h00 du matin au personnel de la structure prémentionnée.

Art. 2.- La personne susvisée est informée qu’en cas de défaut de respect de l’obligation imposée ou en cas de risque de fuite, la mesure sera révoquée et le placement en rétention pourra être ordonné comme prévu à l’article 22, paragraphe (2) d) de la loi du 18 décembre 2015 précitée. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 17 juin 2024, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de l’arrêté ministériel susmentionné du 10 juin 2024 l’assignant à résidence à … pour une durée maximale de trois mois à compter de la notification de la décision en question.

Etant donné que l’article 22, paragraphe (6) de la loi du 18 décembre 2015 institue un recours de pleine juridiction contre une décision ordonnant une mesure moins coercitive que le placement en rétention, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal.

2Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours et en fait, le demandeur explique avoir quitté le Maroc en mars 2021 en raison de « dettes envers des gens et également afin de se soustraire au service militaire obligatoire » et être arrivé en Europe au cours de la même année. Il affirme ensuite avoir perdu son passeport en Turquie. Il relate encore le trajet qu’il aurait parcouru avant d’arriver aux Pays-Bas où il admet avoir introduit une première demande de protection internationale avant de quitter ledit pays au bout d’un mois pour rejoindre le Luxembourg afin d’y trouver un travail et d’y faire sa vie.

En droit, il critique la mesure d’assignation à résidence prise à son encontre en ce que, faute d’existence dans son chef d’un risque de fuite, elle ne serait pas justifiée. Il précise, à cet égard, n’avoir aucun intérêt à quitter le Luxembourg puisqu’il s’y serait rendu pour y travailler et faire sa vie. A cela s’ajouterait qu’il y aurait rencontré sa compagne qui vivrait dans le pays et avec laquelle il souhaiterait faire sa vie et se marier.

En deuxième lieu, « concernant une éventuelle décision qui le placerait en rétention » sur le fondement de l’article 22, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015, il fait valoir qu’une éventuelle mesure en ce sens ne se justifierait pas non plus eu égard à l’absence de tout risque de fuite dans son chef pour les raisons exposées ci-avant.

Il estime, par ailleurs, que l’obligation pour lui de se présenter auprès des services du ministère, telle que prévue à l’article 22, paragraphe (3), point a) de la loi du 18 décembre 2015 pourrait être davantage adaptée à sa situation. En effet, même s’il ne disposait plus de son passeport, il serait, en revanche, en possession d’un extrait d’acte de naissance portant la date du 15 avril 2024 et qui serait un « document justificatif de son identité » au vœu de la disposition légale prévisée.

Enfin, il met en avant que malgré le fait que le ministère ait été en possession dudit extrait d’acte de naissance, le ministre aurait mal orthographié son nom tant dans l’attestation d’introduction de sa demande de protection internationale que dans l’arrêté actuellement litigieux. Or, il estime que cette erreur justifierait également à elle seule la réformation de l’arrêté ministériel l’assignant à résidence.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour être non fondé.

Le tribunal rappelle tout d’abord qu’il n’est pas tenu par l’ordre dans lequel des moyens lui ont été soumis et qu’il détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et de l’effet utile s’en dégageant.

Pour ce qui est tout d’abord du moyen visant à voir annuler, dans le cadre du recours en réformation, l’arrêté ministériel litigieux au motif que celui-ci contiendrait une erreur dans l’orthographe de son nom alors qu’il y serait indiqué qu’il s’appelle « … », tandis que suivant l’extrait d’acte de naissance en possession du ministre, il s’appellerait « … », il convient de constater que le demandeur a déclaré lui-même lors de l’introduction de sa demande de protection internationale s’appeler « … » et être né à Beni Mellal, déclarations qu’il a réitérées lors de son entretien Dublin III. Il se dégage, par ailleurs, du dossier administratif qu’il s’agit également du nom sous lequel il fait l’objet d’un signalement dans le SIS de la part des Pays-

Bas et de l’identité sous laquelle il a introduit une demande de protection internationale dans 3ledit pays, les autorités dudit pays ayant, en effet, accepté sa reprise en charge sur le fondement de l’article 18, paragraphe (1), point d) sous ce même nom. Au vu de ces considérations et dans la mesure où, d’un côté, l’arrêté ministériel litigieux indique, sur base des informations fournies par le demandeur lui-même depuis l’introduction de sa demande de protection internationale, que c’est « [l]a personne déclarant se nommer1 …, prétendant être née2 le … à … (Maroc) et être de nationalité marocaine3 » qui fait l’objet d’une assignation à résidence à …, sans que, de l’autre côté, le demandeur n’ait pu se méprendre sur la personne visée par ladite mesure puisqu’il a, au contraire, introduit un recours contentieux contre ledit arrêté, ses contestations en relation avec l’orthographe de son nom ne sauraient justifier l’annulation de l’arrêté ministériel litigieux.

Il convient ensuite de relever qu’à travers la décision déférée au tribunal, le ministre n’a pas ordonné le placement du demandeur en rétention sur le fondement de l’article 22, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015, mais il l’a fait bénéficier d’une mesure moins coercitive au sens de l’article 22, paragraphe (3) de la même loi en l’assignant plus particulièrement à résidence sur le fondement du point b) de ladite disposition légale. Les développements du demandeur en relation avec une hypothétique décision de placement en rétention qui pourrait intervenir à un stade ultérieur sur le fondement de l’article 22, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015 sont dès lors à écarter pour être dénués de pertinence dans le cadre du recours sous analyse qui est dirigé contre une décision ordonnant uniquement l’assignation à résidence du demandeur à ….

Quant à la légalité interne de l’arrêté ministériel sous analyse, il y a lieu de relever que l’article 22 de la loi du 18 décembre 2015 dispose notamment comme suit en ses paragraphes (1) à (3) pertinents en l’espèce :

« (1) On entend par rétention, toute mesure d’isolement d’un demandeur dans un lieu déterminé où le demandeur est privé de sa liberté de mouvement.

Le placement en rétention est effectué au Centre de rétention créé par la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention. […] (2) Un demandeur ne peut être placé en rétention que :

a) pour établir ou vérifier son identité ou sa nationalité ;

b) pour déterminer les éléments sur lesquels se fonde la demande de protection internationale qui ne pourraient pas être obtenus sans un placement en rétention, en particulier lorsqu’il y a un risque de fuite du demandeur ;

c) lorsque la protection de la sécurité nationale ou l’ordre public l’exige ;

d) conformément à l’article 28 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride (refonte) et lorsqu’il existe un risque non négligeable de fuite établissant que le demandeur a l’intention de se soustraire aux autorités dans le seul but de faire obstacle à une mesure d’éloignement. Le risque non négligeable de fuite est présumé dans les cas suivants :

1 Souligné par le tribunal.

2 idem.

3 ibidem.

4 i. si le demandeur s’est précédemment soustrait, dans un autre État membre, à la détermination de l’État responsable de sa demande de protection internationale en vertu du droit de l’Union européenne ou à l’exécution d’une décision de transfert ou d’une mesure d’éloignement ;

ii. si le demandeur fait l’objet d’un signalement dans le SIS aux fins de non-admission et d’interdiction de séjour conformément au règlement (UE) 2018/1861 du Parlement européen et du Conseil du 28 novembre 2018 sur l’établissement, le fonctionnement et l’utilisation du système d’information Schengen (SIS) dans le domaine des vérifications aux frontières, modifiant la convention d’application de l’accord de Schengen et modifiant et abrogeant le règlement (CE) n ° 1987/2006, tel que modifié, ou d’un signalement aux fins de retour conformément au règlement (UE) 2018/1860 du Parlement européen et du Conseil du 28 novembre 2018 relatif à l’utilisation du système d’information Schengen aux fins du retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, tel que modifié ;

iii. si le demandeur a été débouté de sa demande de protection internationale dans l’État membre responsable ;

iv. si le demandeur est de nouveau présent sur le territoire luxembourgeois après l’exécution effective d’une mesure de transfert ou s’il s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure de transfert ;

v. si le demandeur a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un document d’identité ou de voyage ou s’il a fait usage d’un tel document ;

vi. si le demandeur a dissimulé des éléments de son identité ou s’il est démontré qu’il a fait usage d’identités multiples soit sur le territoire luxembourgeois, soit sur celui d’un autre État membre ;

vii. si le demandeur qui a refusé le lieu d’hébergement proposé ne peut justifier du lieu de sa résidence effective ou si le demandeur qui a accepté le lieu d’hébergement proposé a abandonné ce dernier sans motif légitime ;

viii. si le demandeur a exprimé l’intention de ne pas se conformer à une décision de transfert vers l’État responsable de sa demande de protection internationale ou si une telle intention découle clairement de son comportement ;

ix. si le demandeur, sans motif légitime et bien que régulièrement convoqué ou informé, ne s’est pas soumis à une mesure préparatoire et nécessaire à l’exécution matérielle de son transfert vers l’État membre responsable ou s’il a antérieurement manifesté son intention de ne pas se conformer à une telle mesure ;

[…] (3) La décision de placement en rétention est ordonnée par écrit par le ministre sur la base d’une appréciation au cas par cas, lorsque cela s’avère nécessaire et si d’autres mesures moins coercitives ne peuvent être efficacement appliquées.

5On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour le demandeur de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence dans les lieux fixés par le ministre, si le demandeur présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite ; l’assignation à résidence peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour le demandeur l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence du demandeur dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer au demandeur, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne. La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour le demandeur de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder si les motifs énoncés au paragraphe (2) ne sont plus applicables ou en cas de retour volontaire.

Les mesures moins coercitives sont ordonnées par écrit et peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

(4) La décision de placement en rétention indique les motifs de fait et de droit sur lesquels elle est basée. Elle est prise pour une durée la plus brève possible ne dépassant pas trois mois. Sans préjudice des dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 en matière de rétention, la mesure de placement en rétention peut être reconduite par le ministre chaque fois pour une durée de trois mois tant que les motifs énoncés au paragraphe 2, sont applicables, mais sans que la durée de rétention totale ne puisse dépasser douze mois.

Les procédures administratives liées aux motifs de rétention énoncés au paragraphe (2) sont exécutées avec toute la diligence voulue. Les retards dans les procédures administratives qui ne sont pas imputables au demandeur ne peuvent justifier une prolongation de la durée de rétention. ».

Il est incontesté que l’arrêté ministériel litigieux se situe dans le cadre d’une procédure de transfert du demandeur vers les Pays-Bas en tant qu’Etat membre responsable pour l’examen de sa demande de protection internationale, respectivement des suites à y donner et que l’arrêté 6en question se fonde sur les bases légales de l’article 22, paragraphe (2), point d) et de l’article 22, paragraphe (3), point b) de la loi du 18 décembre 2015.

Le paragraphe (1) dudit article 22 définit la mesure de la rétention et le paragraphe (2) du même article précise les hypothèses dans lesquelles une mesure de rétention peut être prise, dont celle pertinente en l’espèce d’une procédure de transfert en cours conformément au règlement Dublin III, visée au point d) de l’article 22, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015. C’est dans le cadre de cette hypothèse que cette dernière disposition érige la vérification de l’existence d’un risque de fuite non négligeable établissant que le demandeur a l’intention de se soustraire aux autorités dans le seul but de faire obstacle à une mesure d’éloignement comme condition de la validité d’une mesure de rétention prise en vue de garantir une procédure de transfert.

C’est par rapport à ces dispositions que le paragraphe (3) de l’article 22 de la loi du 18 décembre 2015 impose au ministre, si l’un des cas d’ouverture du paragraphe (2) du même article se trouve vérifié, d’examiner si la mesure de rétention ne peut pas être remplacée par des mesures moins coercitives définies à l’alinéa 2 dudit paragraphe (3) qui pourraient être efficacement appliquées. Ainsi plus particulièrement le ministre doit vérifier si l’assignation à résidence peut être prononcée parce que le demandeur présente des garanties de représentation effective propres à prévenir le risque de fuite.

Il s’ensuit que l’existence d’un risque de fuite non négligeable, tel que requis par l’article 28, paragraphe (2) du règlement Dublin III auquel renvoie l’article 22, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015 est une condition sous-jacente devant a priori être vérifiée dans le chef de demandeurs de protection internationale qui font l’objet d’une procédure de transfert vers un autre Etat membre compétent pour le traitement de leur demande de protection internationale, respectivement des suites à y donner, pour permettre au ministre de prononcer à leur égard une mesure de rétention ou une mesure moins coercitive pouvant leur être efficacement appliquée4.

En l’espèce, s’agissant de l’existence d’un risque de fuite non négligeable dans le chef du demandeur, il convient de rappeler que l’article 22, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « […] Le risque non négligeable de fuite est présumé dans les cas suivants : […] ii. si le demandeur fait l’objet d’un signalement dans le SIS aux fins de non-

admission et d’interdiction de séjour conformément au règlement (UE) 2018/1861 du Parlement européen et du Conseil du 28 novembre 2018 sur l’établissement, le fonctionnement et l’utilisation du système d’information Schengen (SIS) dans le domaine des vérifications aux frontières, modifiant la convention d’application de l’accord de Schengen et modifiant et abrogeant le règlement (CE) n ° 1987/2006, tel que modifié, ou d’un signalement aux fins de retour conformément au règlement (UE) 2018/1860 du Parlement européen et du Conseil du 28 novembre 2018 relatif à l’utilisation du système d’information Schengen aux fins du retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, tel que modifié ;

iii. si le demandeur a été débouté de sa demande de protection internationale dans l’État membre responsable ; […] ».

Comme il ressort du dossier administratif que non seulement le demandeur fait l’objet d’un signalement dans le SIS aussi bien par les Pays-Bas que par l’Autriche, mais que, tel que 4 Cour adm., 24 novembre 2017, n° 40390C du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.

7relevé ci-avant, il a également été définitivement débouté de sa demande de protection internationale introduite aux Pays-Bas, un risque de fuite non négligeable est présumé dans son chef.

Il convient toutefois d’ajouter que la justification d’une mesure d’assignation à résidence est axée non pas sur l’existence d’un risque de fuite non négligeable, mais sur l’existence dans le cas d’espèce de garanties de représentation effective propres à prévenir le risque de fuite, lesquelles garanties pouvant découler non seulement de mesures concrètes proposées par le demandeur de protection internationale ou imposées par le ministre, mais également de la situation personnelle existante du demandeur au moment de la prise de décision5.

Or, en l’espèce, le ministre a considéré qu’il existait dans le chef de l’intéressé un risque non négligeable de fuite établissant qu’il a l’intention de se soustraire aux autorités luxembourgeoises dans le seul but de faire obstacle à une mesure d’éloignement vers les Pays-

Bas, mais qu’il présentait toutefois des garanties de représentation suffisantes pour ne pas être placé en rétention et de bénéficier ainsi de la mesure moins coercitive prévue à l’article 22, paragraphe (3), point b) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir l’assignation à résidence.

A cet égard, le demandeur reste en défaut de soumettre au tribunal des éléments concrets permettant de retenir qu’aucun risque de fuite n’existerait dans son chef, le simple fait d’affirmer qu’il voudrait s’établir définitivement au Luxembourg n’étant, en effet, pas suffisant, étant précisé que dans ce contexte la notion de « risque de fuite » ne se réfère pas à un éventuel risque que le demandeur quitte le territoire du Luxembourg, mais vise bien au contraire le risque que le demandeur tente de se soustraire à la mesure d’éloignement du territoire pour rester au Luxembourg.

Il en est de même de la simple affirmation que la mesure moins coercitive prévue à l’article 22, paragraphe (3), point a) de la loi du 18 décembre 2015 aurait été plus adaptée par rapport à sa situation personnelle, situation qui n’est pas plus amplement éclairée. En effet, dans la mesure où le demandeur ne fait pas état d’une possibilité concrète de résidence ou d’hébergement au Luxembourg en attendant l’exécution de son transfert vers les Pays-Bas, aucun reproche ne saurait être adressé au ministre pour avoir considéré que l’assignation à résidence à … est de nature à prévenir un risque de fuite dans son chef au vu de son obligation de passer les nuits dans cette structure, cette mesure permettant ainsi au ministre de s’assurer que l’exécution de son transfert puisse être menée à bien.

Les moyens y afférents sont dès lors à rejeter.

Au vu des développements qui précèdent, en l’état actuel du dossier et en l’absence d’autres moyens, en ce compris les moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée.

Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Eu égard à l’issue du litige, le demandeur est à débouter de sa demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.000.- euros telle que formulée sur le 5 idem.

8fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

déboute le demandeur de sa demande en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Alexandra Castegnaro, vice-président, Annemarie Theis, premier juge, Caroline Weyland, juge, et lu à l’audience publique du 24 juin 2024 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 25 juin 2024 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 50606
Date de la décision : 24/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-06-24;50606 ?

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