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08/07/2024 | LUXEMBOURG | N°48349

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 juillet 2024, 48349


Tribunal administratif Numéro 48349 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:48349 1re chambre Inscrit le 5 janvier 2023 Audience publique du 8 juillet 2024 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en matière d’aides financières de l’Etat pour études supérieures

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48349 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 janvier 2023

par Maître Martine Lamesch, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à L...

Tribunal administratif Numéro 48349 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:48349 1re chambre Inscrit le 5 janvier 2023 Audience publique du 8 juillet 2024 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en matière d’aides financières de l’Etat pour études supérieures

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48349 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 janvier 2023 par Maître Martine Lamesch, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche du 30 novembre 2022, notifiée le 9 décembre 2022, qui lui aurait refusé l’aide financière pour le semestre d’hiver 2022/2023 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 février 2023 ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 6 mars 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Martine Lamesch pour le compte de son mandant, préqualifié ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 mars 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Martine Lamesch et Madame le délégué du gouvernement Linda Maniewski en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 28 février 2024.

Moyennant un formulaire déposé, de manière non contestée, en date du 7 octobre 2022 auprès du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, ci-après désigné par le « ministère », Monsieur … sollicita une aide financière pour études supérieures pour le semestre d’hiver de l’année académique 2022-2023.

Par un courrier recommandé du 30 novembre 2022, le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, ci-après désigné par le « ministre », refusa de faire droit à cette demande dans les termes suivants :

« (…) Je suis au regret de vous annoncer que votre demande d’aide financière de l’Etat pour études supérieures sous rubrique a été refusée pour la raisons suivante :

1La formation auprès d’une école privée pour laquelle vous demandez une aide financière ne constitue pas un cycle d’études supérieures relevant du système d’enseignement supérieur de l’Etat où le titre sanctionnant la formation est conféré.

En effet, votre formation est sanctionnée par un titre, certificat ou diplôme d’une école privée attestant de la réussite à un programme proposé sur initiative et la seule responsabilité de l’établissement et ne relevant pas du système d’enseignement supérieur de l’Etat dans lequel le titre est délivré.

Conformément à l’article 2 paragraphe (1) de la loi modifiée du 24 juillet 2014 concernant l’aide financière de l’Etat pour études supérieures, l’aide financière est réservée aux étudiants inscrits dans un cycle d’études supérieures relevant du système d’enseignement supérieur de l’Etat où le titre sanctionnant la formation est conféré. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 5 janvier 2023, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 30 novembre 2022.

Etant donné que ni la loi modifiée du 24 juillet 2014 concernant l’aide financière de l’Etat pour études supérieures, ci-après désignée par « la loi du 24 juillet 2014 », ni aucune autre disposition légale ne prévoient la possibilité d’introduire un recours de pleine juridiction en matière de refus d’aides financières de l’Etat pour études supérieures, seul un recours en annulation a pu être introduit en la présente matière.

1) Quant à la recevabilité du recours Le tribunal relève de prime abord que si dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement a conclu à voir déclarer le présent recours irrecevable, ce moyen ne se trouve pas autrement soutenu, de sorte à devoir être rejeté, alors qu’une contestation non autrement développée est à écarter. En effet, il n’appartient pas au tribunal de suppléer à la carence des parties et de faire des suppositions sur les moyens qu’ils ont voulu soulever au risque d’une violation des droits de la défense1.

Le recours en annulation est dès lors à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

2) Quant au fond Arguments des parties A l’appui de son recours et en fait, le demandeur expose s’être inscrit à la Faculté libre de Droit, d'Économie et de Gestion à Paris, ci-après désignée par « FACO », pour une double licence Droit - Science politique à la rentrée 2021-2022.

Dans la mesure où il serait né sourd profond et porteur de deux implants cochléaires, il aurait choisi une école privée de petite taille avec des classes à effectifs réduits.

1 Trib. adm., 23 janvier 2013, n° 30455 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 905 et les autres références y citées.

2La FACO existerait depuis 52 ans et offrirait 14 formations différentes.

Il donne à considérer que sa demande d'aide étatique de 2021 aurait reçu une réponse favorable du Centre de Documentation et d’Information sur l’Enseignement Supérieur, ci-après désigné par « CEDIES », en date du 23 septembre 2021 et qu’il aurait obtenu une bourse d'études de 1.150 euros et un prêt-étudiant à hauteur de 5.345 euros.

Par décision du 6 décembre 2021, confirmée sur recours gracieux par une décision du 13 janvier 2022, le ministre serait revenu sur sa décision et aurait retiré sa décision d'octroi d'une aide, de sorte qu’il aurait dû rembourser l'aide financière.

Pour des raisons personnelles, il aurait fait le choix de ne pas introduire de recours à l’encontre de ces décisions.

Le demandeur explique qu’en septembre 2022, il se serait inscrit à la FACO pour une double licence Droit - Science politique et aurait au courant du mois de septembre 2022 introduit une demande d'aide financière pour le semestre d'hiver de l'année académique 2022-

2023, qui aurait été refusée par décision du 30 novembre 2022.

En droit, le demandeur reproche au ministre d'avoir commis un excès de pouvoir consistant en une erreur manifeste d'appréciation des faits, dans la mesure où ce dernier aurait retenu à tort que la formation académique poursuivie ne constituerait pas un cycle d'études supérieures tel que prévu par l'article 2, paragraphe (1) de loi du 24 juillet 2014.

Il fait valoir que les diplômes de Bachelor et de Master délivrés par la FACO correspondraient à des études relevant du système d'enseignement supérieur en France et que la FACO serait un établissement privé de l'enseignement supérieur.

Il soutient que le statut privé ou public de l'établissement concerné ne serait pas relevant dans le cadre de l'appréciation des conditions inscrites à l'article 2 de la loi du 24 juillet 2014.

Ce qui importerait serait de savoir si la réussite à un cycle d'études est reconnue par le ministère compétent comme relevant de son système d'enseignement supérieur. Tel serait le cas pour les formations offertes par la FACO.

Le demandeur précise dans ce contexte que la FACO serait inscrite sur le site officiel de l'Office national d'information sur les enseignements et les professions, ci-après désigné par « ONISEP », comme « établissement privé reconnu ». L'ONISEP serait un établissement public sous la tutelle du ministère de l'Éducation nationale français dont le but serait d'informer le public sur les possibilités de formation en France et sur la reconnaissance des établissements y référencés. Son site Internet serait publiquement accessible et servirait de référence pour les orientations et informations à destination du grand public.

Le demandeur donne à considérer dans ce contexte que le ministère inviterait le public à se renseigner sur les sites étrangers et offrirait à travers son propre moteur de recherche, un lien direct vers le site de l'ONISEP.

Dans la mesure où la FACO serait listée sur le site de l'ONISEP et qu'il s'agirait d'informations officielles non sujettes à contestation, le demandeur fait valoir que le classement 3en tant qu'établissement privé reconnu par l'Etat français ne pourrait pas être remis en cause par le ministre.

Quant aux formations dispensées par la FACO, le demandeur soutient qu’elles seraient également reconnues comme relevant du système d'enseignement supérieur, dans la mesure où l'établissement reconnu par l'Etat français dispenserait des études académiques s'inscrivant dans un cycle d'études aboutissant à un grade, diplôme ou autre titre d'enseignement supérieur reconnu comme relevant de l'enseignement supérieur. Dans ce cadre, la FACO serait autorisée à délivrer un diplôme reconnu comme équivalent à la maîtrise en droit.

Le demandeur donne à considérer que les diplômes délivrés par la FACO donneraient accès au barreau en France et à l'Ecole nationale de magistrature. Ce droit serait expressément prévu à l'article 1, point 4° de l'arrêté du 25 novembre 1998 fixant la liste des titres et diplômes reconnus comme équivalents à la maîtrise en droit pour l'exercice de la profession d'avocat, de sorte qu’il s'agirait d'un diplôme reconnu par l'Etat français pour accéder notamment à la profession d'avocat.

Monsieur … expose encore que la FACO aurait signé une convention avec un établissement public partenaire en France et que les formations en droit de la FACO permettraient d'accéder à des études universitaires complémentaires.

La FACO aurait ainsi conclu un partenariat avec l'Université de Versailles St Quentin (UVSQ), membre de l'Université de Paris qui délivrerait un diplôme national, de sorte que les étudiants de la FACO auraient la possibilité d'obtenir après réussite de la cinquième année un diplôme d'Etat en partenariat avec l'UVSQ. La formation de Bachelor de la FACO donnerait accès à l'UVSQ.

Le demandeur fait encore valoir que la FACO serait membre depuis 2004 de l’Union des nouvelles facultés libres (UNFL) dont l'objectif consisterait à traiter des questions relatives à l'avenir de l'enseignement supérieur libre et de l’Union européenne des établissements privés d'enseignement (EUPHE).

Monsieur … en conclut que la FACO serait un établissement privé reconnu et que les formations qu’elle offre relèveraient du système d'enseignement supérieur en France, de sorte qu'il n'existerait aucun motif légal pour refuser l'aide financière.

Il expose encore que dans le passé, les étudiants inscrits à la FACO auraient toujours bénéficié d'une aide financière, mais que la position du ministère aurait changé en décembre 2021, de sorte à consister en un revirement de politique qui ne respecterait pas le principe de la confiance légitime qui imposerait à l’administration d’être empreinte de clarté et de prévisibilité afin qu'un administré puisse s'attendre à un comportement cohérent et constant de la part d'une administration dans l'application d'un même texte.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur rappelle en substance ses développements contenus dans la requête introductive d’instance et ajoute que même si la qualification de Licence ne serait pas retenue par la FACO, ladite formation permettrait l'acquisition de 180 crédits du European Credit Transfer and Accumulation System (ECTS), ce qui au niveau européen serait constitutif d'un diplôme de Bachelor équivalent à une Licence.

4Il donne à considérer que l’objectif de la loi du 24 juillet 2014 serait de permettre aux étudiants l'accès aux études supérieures et d'exercer leur droit à l'éducation. Il n’y aurait pas de doute que la double compétence en droit et en sciences politiques serait à qualifier d'études supérieures visant l'accroissement du niveau de formation.

En se référant au principe de réalisme, le demandeur fait valoir qu’il appartiendrait au tribunal d’interpréter les dispositions de la loi du 24 juillet 2014 dans le sens qu’elle corresponde aux objectifs de la loi, à savoir de permettre l'accès aux études supérieures selon un système qui se veut équitable.

Le demandeur reproche ensuite au ministre de rajouter une condition supplémentaire qui ne serait pas prévue par l'article 2 de la loi du 24 juillet 2014, à savoir d’exiger que la formation débouche sur un diplôme ou titre délivré au nom de l'Etat français, alors que la disposition législative prévoirait simplement qu’il s’agit d'un « cycle d'études supérieures et dont la réussite confère un diplôme, titre, certificat ou grade de l'enseignement supérieur correspondant aux lois et règlements régissant l'enseignement supérieur de l'Etat où le titre est conféré ».

Il donne à considérer dans ce contexte que dans la mesure où la FACO serait membre de l'EUPHE, elle relèverait du système d'enseignement supérieur reconnu par l'Etat français. Il insiste sur le fait qu’en France, le diplôme de la FACO serait reconnu, impliquerait qu'il correspond aux lois et règlements de l'Etat français pour donner accès aux universités étatiques en quatrième année d'études de droit ou de sciences politiques, sinon pour poursuivre ses études au sein de la FACO pour obtenir le titre de Master ou Maîtrise en droit.

Comme il s'agit d'un établissement privé, la FACO délivrerait certes son propre diplôme, mais ce dernier serait reconnu auprès des professionnels et des universités par équivalence.

Monsieur … invoque encore une violation du principe d'égalité, tel qu'inscrit à l'article 10bis de la Constitution, dans sa version en vigueur à l’époque en précisant que l'égalité prévue au niveau de la loi fondamentale s'analyserait en « l'égalité des chances d'accéder à des études supérieures, même au sein d'un établissement privé, débouchant, dans le cas du requérant, à un grade d'enseignement supérieure permettant l'obtention d'un diplôme de master en droit », ce qui serait « d'autant plus fondé, alors que le requérant [serait] atteint d'un handicap auditif grave, qui ne lui permet[rait] pas de suivre les cours universitaires dans un grand amphithéâtre, tel que ceci serait le cas en cas d'inscription dans une des universités publiques ».

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Analyse du tribunal Il échet de préciser de prime abord que saisi d’un recours en annulation, le tribunal vérifie si les motifs sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et contrôle si cette décision n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger des intérêts privés.

5L’article 2, paragraphe (1) de la loi du 24 juillet 2014, en sa version issue de la loi du 23 juillet 2016 portant modification de la loi précitée, dispose comme suit :

« Pour être éligible à l’aide financière dans le cadre de la présente loi, l’étudiant doit être inscrit à temps plein ou à temps partiel dans un cycle d’études supérieures dont la réussite confère un diplôme, titre, certificat ou grade de l’enseignement supérieur correspondant aux lois et règlements régissant l’enseignement supérieur de l’Etat où le titre est conféré. Le cycle d’études doit être reconnu par l’autorité compétente de cet Etat comme relevant de son système d’enseignement supérieur. ».

Aux termes de cette disposition, applicable au cas d’espèce, les aides financières sont réservées aux seuls étudiants inscrits dans un cycle d’études supérieures à l’issue duquel l’étudiant qui a réussi se voit attribuer un diplôme, titre, certificat ou grade de l’enseignement supérieur correspondant aux lois et règlements régissant l’enseignement supérieur de l’Etat où le titre est conféré, ce cycle d’études devant être reconnu par l’autorité compétente de l’Etat conférant le titre en question comme relevant de son système d’enseignement supérieur.

Ce n’est donc pas la qualité de l’établissement dispensant une formation donnée qui est déterminante pour que des études soient éligibles aux aides financières de l’Etat prévues à l’article 2, paragraphe (1), précité, mais celle des études poursuivies elles-mêmes qui doivent faire partie d’un cycle d’études reconnu par une autorité compétente du pays où ledit cycle est diplômé comme relevant de son système d’enseignement supérieur.

Il y a ensuite lieu de relever que le refus ministériel d’octroyer au demandeur l’aide financière sollicitée est fondé sur le constat que la formation suivie par celui-ci ne constituerait pas un cycle d’études supérieures au sens de l’article 2, paragraphe (1) de la loi du 24 juillet 2014, à savoir un cycle d’études relevant du système d’enseignement supérieur de l’Etat où le titre sanctionnant la formation est conféré.

Il résulte des pièces versées en cause par le demandeur à l’appui de sa demande d’aides financières, et plus particulièrement d’un certificat de scolarité émis par l’établissement FACO, établissement privé d’enseignement supérieur, enregistré au Rectorat de l’Académie de Paris, qu’il y était inscrit, en ce qui concerne le semestre visé par la demande d’aide litigieuse, en formation de « 1ère année - Double compétence Droit – Science Politique », de sorte qu’en l’espèce, c’est l’Etat français qui doit reconnaître la formation litigieuse comme relevant de son système d’enseignement supérieur.

Si le demandeur affirme certes que ses études rempliraient les conditions fixées à l’article 2, paragraphe (1) de la loi du 24 juillet 2014, le tribunal constate toutefois que cette affirmation n’est étayée par aucun élément de preuve tangible, étant dans ce contexte rappelé qu’il incombe au demandeur de fournir les éléments concrets sur lesquels il se base à l’appui de sa demande, la légalité de la décision administrative régulièrement prise restant, en effet, acquise jusqu’à l’établissement d’éléments de fait et de droit permettant au tribunal de prononcer son annulation et qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer à la carence du demandeur à cet égard2.

Le tribunal relève que le demandeur ne fournit aucun document probant dont il 2 Trib. adm., 26 mars 2003, n°15115 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n°516 et les autres références y citées.

6résulterait que les autorités compétentes françaises reconnaîtraient, tel qu’exigé par l’article 2, paragraphe (1) de la loi du 24 juillet 2014, la formation suivie par lui comme étant un programme d’enseignement supérieur faisant partie d’un cycle d’études à l’issue duquel l’étudiant qui a réussi se voit attribuer un grade, diplôme ou autre titre d’enseignement supérieur et étant reconnue par l’autorité compétente française comme relevant de son système d’enseignement supérieur.

Plus particulièrement, le demandeur n’a pas fourni de certificat de l’autorité française compétente pour reconnaître le programme d’enseignement et le cycle d’études dans lequel il est inscrit en ce qui concerne l’année visée par la demande d’aides litigieuse comme relevant de son système d’enseignement supérieur, de manière à rapporter la preuve que sa formation au sein de la FACO est sanctionnée par un diplôme national, un diplôme d’Etat, un diplôme conférant un grade académique ou un diplôme revêtu d’un visa officiel du ministère de l’Enseignement supérieur français pour que des études soient considérées comme relevant d’un cycle d’études supérieures en France.

Si certes le demandeur soutient qu’il suit une formation sanctionnée par un diplôme national ce qui aurait, par ailleurs, dans le passé été retenu par le ministère, étant donné qu’il aurait bénéficié de l’aide financière pour le semestre d’hiver de l’année académique 2021-

2022, il échet cependant de constater qu’il ressort d’un courrier électronique de la FACO adressé au ministère en date du 25 novembre 2021 que « [l]e site de l’ONISEP n’est plus à jour et nous attendons qu’ils réactualisent les informations concernant la FACO. » et que « [l]a FACO est une faculté privée, fondée en 1968, et qui délivre un diplôme privé, qui n’est pas un diplôme d’état », de sorte que la formation litigieuse ne constitue pas un cycle d’études supérieures relevant du système d’enseignement supérieur de l’Etat où le titre sanctionnant la formation est conféré.

Monsieur … précise encore que le diplôme lui donnerait accès à des universités publiques françaises et qu’il obtiendrait 180 ECTS à l’issue de la formation suivie à la FACO, de sorte que le fait de « [n]ier toute valeur » à son diplôme conduirait à une absurdité et serait contraire au principe du réalisme. Or, force est de constater que le « diplôme » mentionné à l’article 2, paragraphe (1) de ladite loi doit correspondre « aux lois et règlements régissant l’enseignement supérieur de l’Etat où le titre est conféré », en l’espèce en France, de sorte qu’il en découle implicitement mais nécessairement l’exigence qu’il s’agisse d’un diplôme national français, un diplôme d’Etat français, un diplôme conférant un grade académique français ou un diplôme revêtu d’un visa officiel du ministère de l’Enseignement supérieur français, ce qui n’est, tel que précisé ci-avant, pas le cas du diplôme dont est sanctionnée la formation suivie par le demandeur. Il ne saurait, par ailleurs, être reproché au ministre d’avoir violé le principe de réalisme ou d’avoir ajouté une condition à la loi s’il procède à l’application textuelle d’un texte clair et précis, qui trouve sa justification dans le fait d’instaurer un parallélisme entre la loi du 24 juillet 2014 et la loi modifiée du 28 octobre 2016 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles3.

S’agissant du moyen formulé par le demandeur ayant trait à une violation du principe de la confiance légitime en raison du fait qu’il avait bénéficié dans le passé de l’aide financière alors même qu’il était inscrit dans le même établissement, il échet de rappeler qu’un administré ne peut prétendre au respect d’un droit acquis que si, au-delà de ses expectatives, justifiées ou non, l’autorité administrative a créé à son profit une situation administrative acquise et 3 Doc. parl. 6975, Commentaire des articles, p. 9.

7réellement reconnu ou créé un droit subjectif dans son chef. Ce n’est qu’à cette condition que peut naître dans le chef d’un administré la confiance légitime que l’administration respectera la situation par elle créée, les deux notions de droits acquis et de légitime confiance étant voisines4.

Au niveau de l’application du principe général de la confiance légitime, il y a lieu d’insister sur le qualificatif légitime, de sorte qu’aucun droit ne saurait être valablement tiré par l’administré d’une application illégale d’un texte de l’ordonnancement juridique par rapport à une même situation administrative qui est la sienne. C’est dire que si, dans la matière donnée, l’administration n’a pas de pouvoir d’appréciation et qu’elle est amenée à appliquer directement un texte de l’ordonnancement juridique à une situation de fait, soit cette application a été légale et le principe de confiance légitime joue pleinement, soit elle ne l’a pas été et le principe ne saurait jouer valablement. Ce n’est que dans une situation où l’application d’un même texte de l’ordonnancement juridique comporte, dans le chef de l’administration, une certaine marge d’appréciation que l’application du principe de confiance légitime est appelée à jouer pleinement dans le chef de l’administré par rapport à l’application duquel l’administration a été amenée à opérer5.

Il échet encore de retenir que le principe général de la confiance légitime ne saurait être utilement invoqué pour aboutir à une interprétation non conforme à la loi6 et le respect des droits acquis ne s’impose que si l’on est en présence d’une décision administrative régulière, conforme au droit existant7.

Dans la mesure où l’article 2 de la loi du 24 juillet 2014 précise explicitement que le cycle d’études supérieures doit être sanctionné par un diplôme correspondant aux lois et règlements régissant l’enseignement supérieur de l’Etat où le titre est conféré et où le demandeur reste en défaut de soumettre à l’appréciation du tribunal, face aux contestations circonstanciées de la partie gouvernementale, des éléments prouvant que la formation suivie mène à un tel diplôme correspondant au cadre légal régissant l’enseignement supérieur français, et ce alors même qu’il a pu bénéficier de l’aide financière pour le semestre d’hiver de l’année académique 2021-2022, circonstance qui, tel que précisé ci-avant, est due à une publication erronée sur le site de l’ONISEP, le fait qu’il a pu bénéficier de l’aide financière dans le passé n’est pas de nature à avoir créé un droit acquis dans son chef.

Le demandeur ne saurait dès lors se baser sur cette circonstance pour avancer une violation du principe de confiance légitime, de sorte que le moyen afférent encourt le rejet.

S’agissant ensuite du moyen ayant trait, en substance, à une violation par l’article 2 de la loi du 24 juillet 2014 de l’article 10bis de la Constitution en raison, de l’entendement du tribunal, du fait que tant sa formation suivie à la FACO que celle correspondant à un cycle d’études supérieures sanctionné par un diplôme au sens de l’article 2 de la loi du 24 juillet 2014 seraient in fine susceptibles d’aboutir à l’obtention d’un diplôme de Master en droit avec la différence que la première ne donne pas lieu à des aides financières, il échet de rappeler que le 4 Trib. adm., 25 janvier 2010, n° 25548 du rôle, confirmé sur ce point par Cour adm., 18 mai 2010, n° 26683C du rôle, Pas. adm., 2023 V° Lois et Règlements, n° 61 et les autres références y citées.

5 Cour adm., 2 avril 2015, n° 35541C du rôle, Pas. adm. 2023 V° Lois et Règlements, n° 61 et les autres références y citées.

6 Cour adm., 19 octobre 2017, n° 39576C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Lois et Règlements, n° 61 et l’autre référence y citée.

7 Trib. adm., 14 novembre 2016, n°s 36988 et 36989 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Lois et Règlement, n° 62.

8contrôle de la constitutionalité d’une loi étant le monopole de la Cour Constitutionnelle, il est rappelé que l’article 6 de la loi modifiée du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle dispose que :

« Lorsqu’une partie soulève une question relative à la conformité d’une loi à la Constitution devant une juridiction, celle-ci est tenue de saisir la Cour Constitutionnelle.

Une juridiction est dispensée de saisir la Cour Constitutionnelle lorsqu’elle estime que :

a) une décision sur la question soulevée n'est pas nécessaire pour rendre son jugement ;

b) la question de constitutionnalité est dénuée de tout fondement ;

c) la Cour Constitutionnelle a déjà statué sur une question ayant le même objet. (…) ».

A cet égard, le tribunal doit relever, d’un côté, que le demandeur n’a formulé aucune question préjudicielle à soumettre à la Cour constitutionnelle en relation avec la violation alléguée de l’article 10bis de la Constitution et, d’un autre côté, que l’argumentation afférente du demandeur est à rejeter pour être dénuée de tout fondement, étant donné qu’elle est basée sur la prémisse erronée que la FACO délivrerait un titre reconnu par l’Etat français, étant précisé que ce n’est ni le législateur luxembourgeois, ni le ministre qui reconnaissent ou non la valeur d’un titre conféré à l’étranger, mais en l’occurrence, l’Etat français, tel que cela été retenu ci-avant.

S’agissant finalement de la référence du demandeur à son « handicap auditif grave », il échet de constater que le demandeur est resté en défaut, d’un côté, de préciser en quoi cette circonstance serait de nature à avoir une incidence sur sa situation d’étudiant de la FACO et, d’un autre côté, de soumettre à l’appréciation du tribunal un quelconque élément duquel découlerait que les dispositions claires de la loi du 24 juillet 2014 s’appliqueraient de manière différente à des personnes atteintes d’un handicap, étant encore précisé que ni la loi ni le refus litigieux du ministre n’ont empêché le demandeur d’accéder aux études en question, le demandeur n’ayant, en effet, à part sa référence non circonstanciée au fait qu'il ne pourrait suivre des cours dans de grands amphithéâtres, pas fait état d’obstacles qui l’aurait empêché d’accéder aux études supérieures.

Pour être complet, le tribunal ajoute que le fait que le législateur ait choisi de favoriser financièrement les études supérieures dont la réussite confère un diplôme correspondant aux lois et règlements régissant l’enseignement supérieur de l’Etat où le titre est conféré et n’ait pas étendu les aides financières étatiques à l’ensemble des études ou formations susceptibles d’être poursuivies, n’est pas de nature à violer le principe d’égalité devant la loi, étant donné qu’en tout état de cause tout étudiant, que ce soit par sa formation initiale, ses aptitudes personnelles, son vécu, son intérêt, sa situation familiale ou sa situation financière, se trouve dans une situation différente de celle des autres étudiants, ce qui se traduira par un choix personnel différent des études à suivre, sans que ces différences ne constituent une entrave à l’égalité de traitement.

Il s’ensuit que l’argumentation développée par le demandeur quant à une violation de l’article 10bis de la Constitution ne contraint pas le tribunal de saisir la Cour constitutionnelle d’une question préjudicielle, étant donné que toute question formulée dans ce contexte est, eu égard aux développements qui précèdent, dénuée de tout fondement.

9 Il s’ensuit que le tribunal ne saurait utilement remettre en cause la légalité de la décision ministérielle déférée et que le recours sous analyse doit être rejeté pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

Au vu de l’issue du litige, la demande du requérant de voir condamner la partie étatique au paiement d’une indemnité de procédure d’un montant de 2.500.- euros sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 10 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives est rejetée.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, déclare le recours non justifié, partant en déboute ;

rejette la demande du demandeur tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de 2.500 euros ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 8 juillet 2024 par :

Daniel Weber, vice-président, Michèle Stoffel, vice-président, Michel Thai, juge, en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana Poiani s. Daniel Weber Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 8 juillet 2024 Le greffier du tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 48349
Date de la décision : 08/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-07-08;48349 ?

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