Tribunal administratif N° 48218 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:48218 3e chambre Inscrit le 28 novembre 2022 Audience publique du 9 juillet 2024 Recours formé par Monsieur …, …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 48218 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 28 novembre 2022 par Maître Edévi AMEGANDJI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (République démocratique du Congo), de nationalité congolaise, demeurant à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 24 octobre 2022 refusant de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 janvier 2023 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Sarah ERNST en sa plaidoirie à l’audience publique du 16 avril 2024.
Le 9 janvier 2020, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».
Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section criminalité organisée-
police des étrangers, dans un rapport du même jour.
En date des 12 mars et 4 mai 2021, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 24 octobre 2022, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée en date du 31 octobre 2022, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », rejeta la demande de protection internationale de Monsieur …, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Cette décision est formulée comme suit :
1« […] J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite le 9 janvier 2020 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).
Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.
1. Quant à vos déclarations En mains, le rapport du Service de Police Judiciaire du 9 janvier 2020, le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 12 mars et 4 mai 2021 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale ainsi que les documents versés à l'appui de votre demande de protection internationale.
Vous déclarez être de nationalité congolaise, d'ethnie Mongala, de confession chrétienne et avoir vécu à … ainsi qu'à …, deux quartiers de Kinshasa en République démocratique du Congo.
Quant aux événements qui se seraient déroulés avant votre départ de la République démocratique du Congo vous déclarez qu'après avoir vécu quatre ans en Afrique du Sud, vous seriez retourné au Congo en mars 2016 pour les … ans de mariage de votre sœur.
Fin 2016, vous vous seriez engagé politiquement. Vous auriez participé à des marches de l’« UDPS » avant que vous adhériez à « LUCHA » suite à votre participation à une conférence à laquelle votre ami … vous aurait emmené en 2017. Vous précisez au sujet de « LUCHA » qu'il s'agirait d’« [u]n mouvement citoyen congolais, non partisan, qui combat pour la paix et la liberté d'expression » (page 12 de votre rapport d'entretien) et qui aurait principalement organisé « des marches, des conférences » (page 12 de votre rapport d'entretien).
Le 30 décembre 2017, vous indiquez qu'il y aurait eu des « marches des catholiques » (page 10 de votre rapport d'entretien) auxquelles vous auriez participé en tant que « jeune du mouvement LUCHA » (page 10 de votre rapport d'entretien).
Le 25 février 2018, vous auriez participé à une autre marche avec la paroisse St Joseph qui se trouverait dans la commune de Kalamu. Alors que vous auriez marché en direction du palais du peuple, vous auriez été dispersés par la police qui aurait fait usage de gaz lacrymogène et qui aurait également tiré à balles réelles. Vous ajoutez que certains jeunes auraient profité de la marche pour vandaliser certaines boutiques et stations-services. Vous et votre ami … auriez pris la fuite vers le quartier de Limete puis vous seriez rentré chez vous sans encombre. C'est là que vous auriez vu à la télévision qu'un de vos « camarades » aurait été tué. Vous ajoutez que la mort de « … » devant l'église « … » vous aurait fait prendre conscience que vous auriez été ciblé. Vous affirmez également que selon la RFI, il y aurait eu 15 morts « juste sur Kinshasa » (page 16 de votre rapport d'entretien).
Personnellement, vous déclarez que vous auriez participé à cinq ou six marches, que vous vous seriez rendu en tout à deux conférences de « LUCHA » et vous précisez que vous auriez également distribué des tracts à trois reprises.
2 Quant à votre rôle au sein de « LUCHA », vous déclarez que « mon rôle était de sensibiliser les jeunes » (page 13 de votre rapport d'entretien) et vous précisez que vous auriez sensibilisé principalement des gens de votre entourage direct en leur envoyant « des sms, pour leur dire tel jour, à telle heure, à la place xy » (page 14 de votre rapport d'entretien). Vous ajoutez dans ce contexte que vous auriez envoyé des sms pour la marche du 30 décembre 2017 et que vous auriez « fait trois jours d'envoi de messages, du 23 au 25 février » pour la marche du 25 février 2018.
Vous ajoutez que vous auriez reçu auparavant des menaces de la part des services de renseignement congolais à deux reprises. Le 30 décembre 2017, vous auriez reçu un message disant « on va vous attraper, on va vous arrêter, on va vous avoir » (page 15 de votre rapport d'entretien) et vous auriez reçu un autre message de menace lors de votre campagne d'envoi de messages du 23 au 25 février 2018. Deux mois après cette marche du 25 février 2018, respectivement en avril 2018, des jeunes de votre quartier vous auraient informé que « des agents de 1'ANR en tenue civile » (page 10 de votre rapport d'entretien) auraient été à votre recherche et auraient demandé où vous auriez habité.
Vous prétendez également que trois mois après la marche du 25 février 2018, respectivement en mai 2018, on aurait retrouvé le corps sans vie de votre ami … et vous ajoutez que cela se serait produit « vers l'aéroport je crois » (page 10 de votre rapport d'entretien).
C'est à ce moment-là que vous auriez décidé d'aller vous cacher dans la maison de votre tante, que vous n'auriez plus quittée jusqu'à votre départ.
Quant à votre départ de Kinshasa le 14 août 2019, vous auriez pris l'avion en direction de Francfort et vous seriez arrivé en août 2019 chez votre sœur … qui réside au Luxembourg et qui a fait votre prise en charge pour l'obtention de votre visa. Vous précisez qu'à Kinshasa, votre cousin, un … de profession, aurait « corrompu les agents pour que je puisse passer » (page 9 de votre rapport d'entretien).
Vous n'auriez introduit votre demande de protection internationale au Luxembourg qu'en janvier 2020 car vous auriez été malade et affaibli à votre arrivée en août 2019.
Quant à vos craintes en cas de retour en République démocratique du Congo, vous déclarez que ce serait « toujours Kabila qui dirige le pays » et que vous craignez qu' « ils vont m'enlever, me jeter dans le fleuve » ( page 19 de votre rapport d'entretien).
A l'appui de votre demande, vous présentez les documents suivants :
o Votre permis de conduire portant numéro … délivré le 08/03/2017.
2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l'article 2 point h) de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.
o Quant à la crédibilité de votre récit 3Monsieur, je tiens à vous informer que la crédibilité de votre récit est formellement remise en cause pour les raisons suivantes :
Premièrement, Monsieur, vous prétendez que vous auriez quitté la République démocratique du Congo car vous auriez été dans le collimateur des services de renseignement.
Vous tentez d'illustrer vos propos en prétendant que vous seriez un activiste politique et vous répétez à plus de 6 reprises durant votre entretien, que vous auriez participé à la marche des catholiques du 30 décembre 2017 et que suite à cette marche vous auriez reçu un message de menace de la part des services de renseignement disant « on va vous attraper, on va vous arrêter, on va vous avoir » (page 15 de votre rapport d'entretien).
Or, force est de constater que cette marche n'a pas eu lieu le 30 décembre 2017, mais le 31 décembre 2017 et que cet évènement a fait la une de tous les journaux. Partant, il est indéniable que si vous aviez réellement participé à cette marche et que votre participation vous aurait attiré des ennuis avec les services de renseignement de la RDC, vous ne vous tromperiez pas quant à la date exacte de cet évènement qui de surcroit coïncide avec le dernier jour de l'année, de sorte qu'il est peu probable que vous le confondiez avec le jour qui précède.
On peut légitimement en conclure que vous n'avez pas participé à cette marche.
Cette conclusion s'impose d'autant plus au vu de vos déclarations erronées faisant état de 28 ou 30 morts (page 13 de votre rapport d'entretien) alors que la presse internationale dénombre de cinq à huit morts. Il en va de même quant à l'itinéraire que vous décrivez et qui selon vos dires aurait « commencé à Limete, 10ième rue, devant le siège du parti UDPS. On est remonté vers le parlement. Arrivant vers Pont Gabi, un petit croisement avant le palais du peuple, c'est là où les choses ont commencé. Il y avait des affrontements entre les policiers et les gens qui marchaient » (page 13 de votre rapport d'entretien). En effet, votre itinéraire semble très curieux alors que, si comme vous le déclarez vous étiez un habitué de l'église Saint Joseph et un membre actif du mouvement citoyen « La Lutte pour le changement (LUCHA) », vous auriez certainement rejoint votre paroisse au sujet de laquelle on peut lire qu' « [a]près la messe, les fidèles sont sortis et ont entamé la marche jusqu'au niveau de la place Victoire où ils ont été dispersés par les forces de la police à coup des gaz lacrymogènes. […]. Selon le reporter d'ACTUALITE.CD, tous les fidèles de la paroisse Saint Joseph sont retournés au sein de la paroisse où ils entonnent des chants et des cantiques », « LUCHA » ajoutant au moyen de sa page Facebook qu'« une quinzaine de militants de la LUCHA sont toujours retranchés dans l'enceinte de la paroisse ».
Deuxièmement, Monsieur, vous parlez d'une marche du 30 décembre 2017 et d'une autre du 25 février 2018 et vous ajoutez « qu'il y avait des marches qui se suivaient comme ça » (page 12 de votre rapport d'entretien). Partant, il est très curieux qu'à aucun moment vous ne parlez de la marche du 21 janvier au sujet de laquelle la « LUCHA » s'est adressée à ses membres en déclarant « impliquez-vous chacun dans sa ville, son quartier, sa paroisse (pour les catholiques) pour que le 21 nous soyons encore plus nombreux dans les rues à exiger pacifiquement le départ de ce régime d'imposteurs. Ne vous demandez pas ce que les autres font, n'attendez pas de mots d'ordre, faites votre devoir en tant que citoyen. La lutte est longue, mais la victoire de notre peuple est certaine. Elle est plus proche que jamais ». Ce constat est d'autant plus renforcé par le fait que vous déclarez que vous vous seriez retrouvé à plusieurs reprises avec les autres membres de la « LUCHA » dans l'église St Joseph. Or, on peut lire au sujet de la marche du 21 janvier 2018 que « [a]u moins 16 personnes ont été blessées, dont quatre grièvement parmis lesquelles deux par balles près de l'église Saint-Joseph de Matonge 4(Kalamu) », de sorte qu'il est permis de croire que si vous aviez réellement et activement participé aux marches pacifiques organisées par le Comité laïc de coordination, vous seriez au courant de ces faits et vous les auriez mentionnés.
Partant, il n'est pas crédible que vous ayez participé aux marches précitées.
Troisièmement, il convient de constater qu'alors que vous voulez vous faire passer pour un activiste politique qui aurait appartenu au mouvement citoyen « LUCHA » et qui aurait activement soutenu ses activités, vous répétez lorsque vous êtes interrogé au sujet de vos connaissances relatives audit mouvement citoyen qu'il s'agirait d'« un mouvement citoyen congolais, non partisan, non violent, qui combattait pour la libération du Congo » (page 10 de votre rapport d'entretien) et qu'ils organiseraient des marches et des conférences. Vous ajoutez au sujet de sa création « [j]e crois que c'était à l'est, un jeune a voulu contester ce qui se passait dans le pays et il a été assassiné par les militaires. Il y a Fred Bouma qui a créé Lucha. Je crois que c'est lui qui a créé Lucha » (page 14 de votre rapport d'entretien).
Monsieur, force est de constater que vos connaissances du mouvement citoyen « LUCHA » sont très limitées et ne peuvent correspondre à celles d'un militant actif et engagé auquel vous tentez d'être assimilé et encore moins à votre prétendu rôle qui aurait été de sensibiliser les jeunes.
En effet, Monsieur, on peut lire sur le site officiel de la « LUCHA » que «[l]a lucha est un mouvement citoyen congolais non-partisan & non-violent qui a été lancé le 1er mai 2012 à gaina, en rd congo, suite à un ras-le-bol de jeunes choqués, indignés et révoltés par la situation de chaos général du pays ». Plus précisément, on peut lire que « Fred Bouma est à Goma en mai 2012 lorsqu'il s'agit de réfléchir, avec d'autres jeunes de la ville, aux responsabilités de l'État mais aussi à celles des citoyens eux-mêmes face au délitement du pays. En effet, selon lui, être citoyen vous donne des droits mais aussi des devoirs auxquels vous ne pouvez manquer. C'est donc sans moyens financiers, mais avec des idées et de la conviction, que lui et ses camarades décident de se mobiliser une première fois, le 1er mai à l'occasion de la fête du travail. Tout un symbole pour un pays qui n'en propose pas à sa jeunesse ». Partant, il est clair que l'assassinat d'un jeune contestataire par des militaires n'est pas à l'origine de la création du mouvement citoyen de la « LUCHA ».
Soulevons également qu'à aucun moment vous n'avez été en mesure de présenter les idées du mouvement citoyen qui s'articulent « sur trois piliers sacrés et indissociables :
L'attachement inébranlable au congo ; La conscience qu'il appartient aux filles et fils du congo et à personne d'autre d'accomplir le destin de cette grande nation ; La volonté et la détermination à assumer les responsabilités qui découlent de cet attachement et de cette conscience, quel qu'en soit le prix » et qui « milite pour l'avènement d'un congo nouveau, uni, libre, paisible et prospère dont les filles et fils intègres et consciencieux assument leur pouvoir citoyen de réaliser la dignité humaine et la justice sociale, pour la nation et la postérité ».
Or, Monsieur, si réellement, votre rôle au sein de la « LUCHA » aurait été de sensibiliser les jeunes, vous ne seriez pas resté à défaut de relater ces informations basiques relatives au mouvement citoyen de la « LUCHA ».
Quatrièmement, vous évoquez la marche du 25 février 2018 à laquelle vous auriez participé avec la paroisse St Joseph et au sujet de laquelle vous déclarez que selon la RFI, il y aurait eu 15 morts « juste sur Kinshasa » (page 16 de votre rapport d'entretien). Or il s'agit là 5d'informations erronées, alors qu'on peut lire sur le site de la RFI qu'il y a eu « deux morts dans la répression des marches organisées par le CLC ».
Ensuite, ayant vu à la télévision qu'un de vos « camarades » aurait été tué, vous ajoutez que la mort de « … » devant l'église « … » vous aurait fait prendre conscience que vous auriez été ciblé par les services de renseignement congolais. Or, force est de constater que … qui a été tué devant l'église … le 25 février 2018 était un « activiste du mouvement citoyen "Debout Congo" ». Partant, vous ne pouvez prétendre que la mort d'un activiste d'un mouvement différent à celui auquel vous prétendez appartenir ferait de vous une quelconque cible.
Notons également à ce sujet que … a été « abattu par la police » et que « la justice militaire a condamné […] à perpétuité et rayé des cadres deux policiers, dont un officier supérieur, pour le meurtre en février 2018 du militant … ». Ces informations montrent clairement que même si Monsieur … aurait été ciblé par les autorités sous l'ère du Président Kabila, le pouvoir en place actuellement a investigué ce meurtre et puni les auteurs.
Cinquièmement, suite à votre prétendue participation à la marche du 25 février 2018, on vous aurait informé que des agents de l'ANR se seraient présentés à deux reprises à votre domicile en votre absence. Vous précisez que ces évènements auraient eu lieu en avril 2018 avant que vous n'auriez décidé d'aller vous cacher chez votre tante … de « mi-juin 2018 jusqu'à mon départ en août 2019 » (page 2 de votre rapport d'entretien).
Monsieur, ces allégations ne tiennent aucunement la route alors que si vous aviez réellement été recherché par les services de renseignement de votre pays, vous n'auriez certainement pas obtenu votre passeport qui tel qu'il ressort de votre dossier relatif à votre demande de visa pour le Luxembourg vous a été délivré le 16 mars 2019 par le Ministère des affaires étrangères du Congo et vous n'auriez certainement pas attendu jusqu'à la mi-juin pour aller vous cacher chez votre tante.
En effet, il ressort des procédures relatives à l'obtention d'un passeport en République démocratique du Congo qu'il faut entre autre « Déposer la demande auprès du bureau de l'Agence nationale de renseignements (ANR). Le dossier devrait contenir un certificat de police, 2 photos de format passeport, une preuve d'identité (carte d'identité nationale ou ancien passeport) et une preuve de nationalité (certificat de naissance ou certificat de nationalité) » et qu'il faut également se présenter « auprès de l'ANR pour prise d'empreintes, puis au [m]inistère des Affaires étrangères (ou bureau d'extension en Province) pour la capture de votre photo ».
Partant de ces informations et sachant qu'il arrive « que le gouvernement refuse de délivrer de nouveaux passeports à des activistes de la société civile et à des membres de l'opposition critiques du gouvernement », vous ne pouvez pas prétendre avoir été dans le collimateur des services de renseignement congolais. Force est de constater une fois encore que vos propos sont mensongers et que votre récit est construit de toute pièce.
Monsieur, soulevons encore qu'il ressort de votre passeport que vous auriez habité au … à …. Ces informations sont confirmées par le contrat de bail, que vous avez versé à votre dossier relatif à votre demande de visa pour le Luxembourg, qui précise que vous y auriez loué un trois pièces.
6Or, force est de constater qu'alors que vous avez été spécifiquement interrogé sur vos lieux de séjour à Kinshasa, à aucun moment vous n'avez mentionné cette adresse lors de votre entretien auprès de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes. Vous avez préféré une version selon laquelle vous auriez vécu caché de mi-juin 2018 jusqu'à votre départ, soi-disant en août 2019.
Or là encore, Monsieur force est de constater que vous mentez. En effet, il ressort de votre relevé du compte en banque n°… ouvert en avril 2019 et qui renseigne votre adresse à …, que vous avez effectué des retraits à l'aide de votre visa dont un dans le quartier … de Kinshasa en date du 16 mai, un le 20 mai à Kinshasa et un autre dans l'avenue … à Kinshasa le 24 mai.
Partant, il est clair que vous n'étiez pas caché chez votre tante à … dans la commune de … à environ 30 kilomètres des lieux précités.
Ce constant est renforcé par le fait que vous avez posté des photos durant cette période qui vous montrent à au moins cinq endroits différents dont une série de trois photos postées le 25 novembre 2018 vous montrant à une réception, une photo postée le 15 octobre 2018 vous montrant avec un ami à l'entrée d'un « Bar Lounge », ou encore une autre photo vous montrant à un enterrement le 29 mars 2019.
Sixièmement, Monsieur, vous avez déclaré que vous n'auriez pas quitté le Congo en 2018 au motif qu' « [i]ls ont fermé les frontières par rapport aux élections et je n'ai pas pu sortir » (page 2 de votre rapport d'entretien), or, force est de constater qu'il ne ressort nullement des informations consultées que les frontières de la RDC auraient été fermées en 2018. Au contraire, il ressort du rapport du commissariat général aux réfugiés et aux apatrides intitulé « REPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO Le traitement réservé par les autorités nationales à leurs ressortissants de retour dans le pays », que « l'Organisation internationale pour les migrations et trois associations de droits de l'homme actives en RDC) ne signalent pas de problèmes rencontrés par des Congolais rapatriés volontairement ou de force de Bruxelles vers Kinshasa durant la période visée soit entre juillet 2018 et mai 2019 ».
Partant vos allégations selon lesquelles vous n'auriez pas pu quitter le Congo avant août 2019 sont manifestement fausses.
Septièmement, vous avez déclaré que vous auriez quitté le Congo le 14 août 2019 à bord du vol Kinshasa — Francfort avec une escale en Ethiopie et que vous auriez directement repris un vol Francfort-Luxembourg. Vous répétez que vous seriez arrivé au Luxembourg en août 2019. Or, il s'agit là de déclarations mensongères alors qu'il ressort de votre profil Facebook que vous avez pris un selfie avant d'embarquer dans un avion de la compagnie Ethiopian Airline le 14 juillet 2019 et que cette photo a été commentée le 15 juillet 2019 par votre amie « … » qui précise « Il est bien arrivé à Francfort mais il a raté son vol encore 1h30 il arrivé au Luxembourg » [sic]. Force est de constater que contrairement à vos dires, vous êtes arrivé au Luxembourg en juillet 2019. Ce constat est confirmé par les réservations de billets que vous avez jointes à votre demande en obtention de votre visa et qui indiquent le 14 et 15 juillet 2019.
Huitièmement, lors de votre audition du 9 janvier 2020 par la Police des Etrangers au Luxembourg, vous avez déclaré qu'après avoir passé quatre à cinq jours chez votre sœur à …, vous auriez séjourné un mois et demi chez votre frère en Belgique avant de vous rendre chez votre oncle à ….
7 Durant votre entretien auprès de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes, vous êtes revenu sur vos dires et vous avez déclaré « [j]e ne suis jamais allé à … ». Or Monsieur, il s'agit là encore d'un mensonge de votre part. En effet, il ressort de votre profil Facebook ouvert sous le nom de « … », que vous avez posté une photo le 25 juillet 2019 où vous vous trouvez à …, ce que vous confirmez vous-même en commentant votre publication par « Déjà … ». Il en va de même pour votre publication du 27 juillet que vous commentez par « Avec junior a … » et dans laquelle vous êtes identifié comme étant bien « … ». Partant, il est clair que vous ne pouvez nier qu'il s'agit bien de votre profil Facebook et que vous tentez une fois de plus de tromper les autorités luxembourgeoises.
Neuvièmement, Monsieur, interrogé sur la raison pour laquelle vous avez attendu le 9 janvier 2020 pour introduire votre demande de protection internationale au Luxembourg alors que vous êtes présent sur le territoire depuis juillet 2019 et que votre visa a expiré le 28 août 2019, vous avez déclaré « je me sentais faible » et vous avez ajouté que vous auriez eu la malaria. Or, Monsieur, il ressort des photos de votre compte Facebook que le 14 août 2019, vous avez publié une photo sur laquelle on vous voit au Luxembourg en train de boire une bière en terrasse, photo que vous avez commenté par « La famille reste sacrée ». Le 10 septembre 2019, vous avez publié une photo sur laquelle vous vous êtes pris en selfie, dehors, à Luxembourg-ville. Soulevons également que le 6 septembre, tel qu'il ressort des albums photos du « … », un bar de … au Luxembourg, vous étiez présent à la soirée … du 6 septembre et vous y êtes fait photographié, notamment en compagnie de votre sœur.
Partant, il est indéniable que vous n'étiez pas aussi faible que vous le laissez sous-
entendre et que vous n'avez aucune excuse valable qui justifie votre demande de protection internationale tardive.
Ajoutons que vous avez également mis en ligne en date du 4 août 2020 une photo de vous sur laquelle on peut reconnaitre le signe du « crédit mutuel » en arrière-plan, de sorte qu'il est évident qu'elle a été prise en France. Or, vous n'êtes pas sans savoir que votre statut de demandeur de protection internationale ne vous permet pas de voyager comme bon il vous semble dans un autre pays européen.
De tout ce qui précède, il est indéniable que vous mentez sans cesse et que partant, aucune crédibilité ne peut être accordée à vos déclarations et aucune protection internationale ne vous est accordée.
Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 28 novembre 2022, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle, précitée, du 24 octobre 2022 portant rejet de sa demande de protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
1) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection 8internationale, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision du ministre du 24 octobre 2022, telle que déférée. Ledit recours ayant encore été introduit dans les formes et délai de la loi, il est à déclarer recevable.
A l’appui de son recours et au-delà des faits exposés ci-avant, le demandeur explique avoir quitté son pays d’origine, la République démocratique du Congo, en raison des persécutions qu’il aurait subies de la part des autorités congolaises à partir de la fin de l’année 2016, notamment du fait de son engagement politique dans le mouvement politique « Lutte Pour Le Changement (LUCHA) », ci-après désigné par « LUCHA ». Il précise, à cet égard, avoir participé à des conférences et marches de « l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) » en 2016 et 2017, ainsi qu’à des conférences et à cinq ou six marches du mouvement LUCHA, mouvement pour lequel il aurait, en outre, distribué des tracts et au sein duquel son rôle aurait été de sensibiliser les jeunes. Le demandeur ajoute que l’un de ses camarades, un dénommé « … », aurait trouvé la mort lors de la marche de LUCHA du 25 février 2018, événement qui lui aurait fait comprendre qu’il serait devenu une cible des autorités congolaises. Il indique, par ailleurs, avoir reçu des messages comportant des menaces de la part du service de renseignement congolais en date des 30 décembre 2017 et « 23-25 février 2018 » et qu’en date du 25 février 2018, des agents dudit service de renseignement auraient été à sa recherche et se seraient rendus à son domicile à cette fin. Après avoir appris que son « compagnon de lutte », « … », serait mort, le demandeur aurait pris la décision de quitter son pays d’origine. Après son arrivée au Luxembourg en août 2019, il n’aurait pu déposer sa demande de protection internationale qu’en janvier 2020 pour des raisons de maladie.
En droit et quant à la crédibilité de son récit, le demandeur fait, en premier lieu, valoir que le seul fait pour lui de s’être mépris quant à la date de la première marche du mouvement LUCHA à laquelle il aurait participé, de même que quant au nombre de morts et l’itinéraire de la marche, ne saurait suffire à remettre en cause sa participation effective à ladite marche. Il estime, à cet égard, qu’il aurait appartenu au ministre de l’inviter à préciser ses déclarations et d’apporter des éléments probants permettant de confirmer ses dires, tout en relevant que les sources internationales citées par le ministre ne seraient pas fiables.
En second lieu, le demandeur reproche au ministre de ne pas l’avoir interrogé au sujet de sa participation à la marche du mouvement LUCHA du 21 janvier 2018, en soutenant que le fait pour lui de ne pas avoir mentionné celle-ci ne saurait remettre en cause sa participation aux autres marches.
En troisième lieu et quant au reproche du ministre relatif à ses connaissances limitées sur le mouvement LUCHA, le demandeur donne à considérer qu’à l’instar de nombreuses autres personnes actives dans des mouvements politiques partout dans le monde, il n’aurait d’autres connaissances sur le mouvement LUCHA que ce que les membres dudit mouvement lui auraient raconté.
En quatrième lieu, concernant les contradictions relevées par le ministre au sujet de la marche du mouvement LUCHA du 25 février 2018, et notamment au sujet du nombre de morts, il fait valoir que dans le cadre de son entretien auprès du ministère, il n’aurait que relaté son propre vécu. En ce qui concerne plus particulièrement la mort de « … », le demandeur précise que la mort de ce dernier, bien qu’il ait été le partisan d’un autre mouvement politique, l’aurait fait prendre conscience qu’il était une cible des responsables politiques congolais, alors que tous les opposants du régime congolais seraient traités de la même façon, tout en ajoutant que 9la circonstance que les auteurs du meurtre de « … » auraient été condamnés n’enlèverait rien à sa crainte pour sa vie.
En cinquième lieu, s’agissant de l’incohérence relevée par le ministre au sujet de son passeport congolais, le demandeur, outre de critiquer le fait qu’il n’aurait pas eu la possibilité de prendre position par rapport à ce reproche dans le cadre de son entretien auprès du ministère, relève qu’il n’y aurait pas de centralisation des informations par les administrations congolaises, de sorte qu’il ne serait pas étonnant qu’il ait pu obtenir son passeport alors même qu’il était dans le collimateur des autorités congolaises, ce d’autant plus qu’il n’aurait pas été « signalé ». Quant au reproche relatif à son adresse de résidence, il fait valoir qu’il ne serait pas contradictoire d’avoir indiqué une adresse différente du lieu de sa cachette et que le fait d’avoir eu « un compte bancaire ouvert à son ancienne adresse, à une date antérieure à la date indiquée de son changement de résidence, [ne serait] que la résultante [de ses] problèmes […] quant à la mémoire des dates ».
En sixième lieu, le demandeur entend maintenir sa déclaration selon laquelle il n’aurait pas quitté son pays d’origine en 2018 et en septième lieu, il réitère avoir des difficultés à indiquer avec exactitude les dates.
En huitième lieu, concernant les incohérences relevées par le ministre en relation avec ses déplacements à l’étranger après son arrivée au Luxembourg, le demandeur estime que celles-ci ne seraient pas de nature à influer sur l’issue de sa demande de protection internationale, tout en relevant qu’il aurait un « problème de concentration et de suite dans les idées » et qu’il serait « quelqu’un qui a des arrangements avec la vérité ».
En ce qui concerne le neuvième reproche formulé par le ministre, le demandeur renvoie à ses développements précédents et conclut à la crédibilité de son récit, de sorte qu’il y aurait lieu de réformer la décision sous analyse en ce sens.
Concernant le refus d’octroi du statut de réfugié politique, Monsieur … fait valoir que les persécutions dont il aurait fait état seraient avérées et pourraient être qualifiées de persécutions au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève », et de la loi du 18 décembre 2015.
En se basant sur les articles 37, paragraphes (3) et (5) et 12, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, ainsi que sur la jurisprudence des juridictions administratives, il fait plaider qu’il remplirait les conditions d’octroi du statut de réfugié et reproche au ministre d’avoir basé sa décision sur un « postulat de départ erroné » et de ne pas avoir pris en compte ses craintes réelles de persécution. Après avoir rappelé les dispositions de l’article 2, point f) et de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, il conclut qu’il devrait se voir octroyer le statut de réfugié, alors que ses craintes de persécution seraient justifiées au vu de son récit pris dans sa globalité et qu’il risquerait de faire l’objet de persécutions au sens du point a) de l’article 42, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 du fait de ses opinions politiques.
En s’emparant de l’article 2, point g) de la loi du 18 décembre 2015, le demandeur fait ensuite valoir qu’il remplirait les conditions pour pouvoir bénéficier de la protection subsidiaire, alors qu’il risquerait de subir des atteintes graves au sens de l’article 48, point b) de la loi du 18 décembre 2015 en cas de retour dans son pays d’origine, dans la mesure où les auteurs des persécutions y seraient toujours au pouvoir et qu’il y aurait dès lors des raisons sérieuses de craindre pour sa vie.
10Etant donné que l’ensemble des conditions relatives à l’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire seraient remplies dans son chef, ce serait à tort que sa demande de protection internationale aurait été refusée, de sorte qu’il y aurait lieu de réformer la décision sous analyse.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce volet du recours pour ne pas être fondé.
Suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant, il appartient d’abord au tribunal de vérifier la légalité extrinsèque de l’acte lui déféré, avant de se livrer, par le biais de l’examen de la légalité des motifs, au contrôle de la légalité intrinsèque.
Au titre de la légalité externe, le demandeur reproche au ministre une mauvaise instruction de son dossier en violation des articles 10 et 15 de la loi du 18 décembre 2015, certes non invoqués, mais implicitement visés par lui, au motif de ne pas avoir procédé à une évaluation objective de ses déclarations, tout en lui reprochant, par ailleurs, de ne pas lui avoir demandé de fournir des explications supplémentaires lors de son entretien qui s’est déroulé en date des 12 mars et 4 mai 2021.
Ainsi, le reproche du demandeur suivant lequel le ministre n’aurait pas sollicité des explications supplémentaires par rapport à certaines incohérences et contradictions qui, d’après lui, affecteraient son récit, se rattache à un moyen de violation de l’article 15 de la loi du 18 décembre 2015, qui prévoit en ses paragraphes (1) et (2) que « (1) Lors de l’entretien personnel sur le fond d’une demande de protection internationale, le ministre veille à ce que le demandeur ait la possibilité concrète de présenter les éléments nécessaires pour étayer sa demande de manière aussi complète que possible, conformément à l’article 37. Cela inclut la possibilité de fournir une explication concernant les éléments qui pourraient manquer et toute incohérence ou contradiction dans les déclarations du demandeur.
(2) Le ministre veille à ce que chaque entretien fasse l’objet d’un rapport détaillé et factuel contenant tous les éléments essentiels de la demande. A la fin de l’entretien, le demandeur a la possibilité de faire des commentaires ou d’apporter des précisions soit oralement soit par écrit concernant toute erreur de traduction ou tout malentendu dans le rapport. […] ».
Or, si cette disposition prévoit certes la possibilité pour le demandeur de protection internationale de fournir des explications sur des éléments manquants ou sur des incohérences ou contradictions dans ses déclarations, cette possibilité est à entrevoir dans le contexte de l’entretien lui-même et s’applique au demandeur qui a ainsi la faculté de compléter voire préciser ses déclarations1. Ainsi, contrairement à ce que soutient le demandeur, cette disposition ne prévoit pas d’obligation, dans le chef du ministre, de lui demander des clarifications suite à l’entretien, de sorte que le moyen tendant à une violation de l’article 15 de la loi du 18 décembre 2015 est à rejeter.
Il s’ensuit également que le demandeur ne saurait reprocher un défaut de « raisonnement objectif » au ministre au motif que celui-ci aurait utilisé un oubli à son encontre, sans lui demander de fournir des explications supplémentaires, argumentation qui s’apparente au moyen d’une violation de l’article 10 de la loi du 18 décembre 2015, dont le 1 Voir notamment Cour adm., 18 janvier 2022, n° 46644C du rôle, disponible sur: www.jurad.etat.lu.
11paragraphe (3) prévoit notamment que « [l]e ministre fait en sorte que les décisions sur les demandes de protection internationale soient prises à l’issue d’un examen approprié. A cet effet, il veille à ce que: a) les demandes soient examinées et les décisions soient prises individuellement, objectivement et impartialement ; […] ». En effet, d’une part, tel que relevé ci-dessus, aucune obligation de demander des explications supplémentaires au demandeur de protection internationale suite à son entretien ne pèse sur le ministre et, d’autre part, la seule circonstance que le ministre a considéré que ni les déclarations du demandeur, ni les pièces produites à l’appui de sa demande de protection internationale n’étaient de nature à convaincre de la réalité de la crainte de persécution ou du risque de subir des atteintes graves invoqués par lui ne permet pas de retenir que le ministre n’aurait pas procédé à un examen approprié de la demande en méconnaissance de l’article 10 de la loi du 18 décembre 2015.
Le moyen ayant trait à une violation de l’article 10 de la loi du 18 décembre 2015 est partant également rejeté pour ne pas être fondé.
Quant à la légalité interne de la décision déférée, le tribunal relève qu’aux termes de l’article 2, point h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f) de la même loi comme « […] tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] », tandis que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » est définie par l’article 2, point g), de la loi 18 décembre 2015 comme « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
Force est au tribunal de constater que tant la notion de « réfugié », que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » impliquent nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou à tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine.
Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :
a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
ou 12 b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] ».
Quant aux atteintes graves, l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 les définit comme :
« a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Dans les deux hypothèses, les faits dénoncés doivent être perpétrés par un acteur de persécutions ou d’atteintes graves, au sens de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, lesquels peuvent être :
« […] a) l’Etat ;
b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;
c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. ».
Aux termes de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015, « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :
a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.
(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. […] ».
Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015, et 13qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine. Cette dernière condition s’applique également au niveau de la demande de protection subsidiaire, conjuguée avec les exigences liées à la définition de l’atteinte grave reprises à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 et rappelées précédemment.
Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.
Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2, point g) de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.
Par ailleurs, le tribunal, statuant en tant que juge du fond en matière de demande de protection internationale, doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, tout en prenant en considération la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance. Cet examen ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.
Il se dégage à ce propos du libellé de la décision déférée que le ministre est arrivé à la conclusion que le récit de Monsieur … n’est pas crédible dans son ensemble, le délégué du gouvernement confirmant cette analyse. Il appartient dès lors au tribunal d’examiner cette question à titre liminaire.
A cet égard, il y a lieu de rappeler que si, comme en l’espèce, des éléments de preuve manquent pour étayer les déclarations du demandeur de protection internationale, celui-ci doit bénéficier du doute en application de l’article 37, paragraphe (5) de la loi du 18 décembre 2015, si, de manière générale, son récit peut être considéré comme crédible, s’il s’est réellement efforcé d’étayer sa demande, s’il a livré tous les éléments dont il disposait et si ses déclarations 14sont cohérentes et ne sont pas en contradiction avec l’information générale et spécifique disponible, le principe du bénéfice du doute étant, en droit des réfugiés, d’une très grande importance alors qu’il est souvent impossible pour les réfugiés d’apporter des preuves formelles à l’appui de leur demande de protection internationale et de leur crainte de persécution ou d’atteintes graves2.
En l’espèce, le tribunal partage toutefois les doutes du ministre quant à la crédibilité du récit du demandeur.
S’agissant tout d’abord du prétendu activisme politique du demandeur et plus particulièrement de son engagement au sein du mouvement LUCHA, force est de constater que celui-ci a fait de nombreuses déclarations erronées au sujet de sa prétendue participation à la manifestation dudit mouvement de décembre 2017. En effet, tel qu’il ressort des explications circonstanciées de la partie étatique, basées notamment sur divers articles de presse datant des 31 décembre 20173 et 3 janvier 20184, le demandeur s’est mépris tant en ce qui concerne la date de ladite manifestation, laquelle a eu lieu le 31 décembre 2017 et non le 30 décembre 2017, tel qu’affirmé par celui-ci à d’itératives reprises dans le cadre de son entretien, qu’en ce qui concerne le nombre de morts et l’itinéraire emprunté par les manifestants.
Ce constat n’est pas énervé par l’argumentation du demandeur suivant laquelle il aurait « un problème avec les dates » et qu’il n’aurait relaté que son propre vécu, alors qu’il est peu probable que l’intéressé ait oublié un vécu qui serait aussi traumatisant. Ce constat n’est pas non plus énervé par l’argumentation du demandeur selon laquelle la presse internationale citée par la partie étatique ne serait pas fiable, dans la mesure où il s’agit d’informations objectivement vérifiables qui sont confirmées par plusieurs sources différentes.
Force est, par ailleurs, au tribunal de constater, à l’instar de la partie étatique, qu’il est étonnant que le demandeur a omis de mentionner la marche organisée par le mouvement LUCHA en date du 21 janvier 2018 et lors de laquelle plusieurs personnes ont été grièvement blessées, dont « deux par balles près de l’église Saint-Joseph de Matonge (Kalamu) », tel que cela ressort des recherches ministérielles, ce d’autant plus que le demandeur avait, de ses propres dires, l’habitude se réunir avec les autres membres du mouvement LUCHA à ladite église Saint-Joseph, de sorte qu’il devrait nécessairement avoir connaissance de ces faits et qu’il aurait dès lors été raisonnablement attendu de sa part d’en faire état à l’occasion de son entretien, sans demande de précision de la part de l’agent en charge de son entretien.
Toujours dans ce contexte, il échet de rejoindre la partie étatique dans son constat d’une faible connaissance de Monsieur … de l’origine du mouvement politique LUCHA, ainsi que des idées défendues par le mouvement en question, constat qui est d’autant plus surprenant que l’intéressé prétend avoir été chargé de sensibiliser les jeunes à l’importance des valeurs du mouvement LUCHA, élément soulevé par le demandeur lui-même et qui est en contradiction avec son affirmation dans sa requête introductive d’instance qu’il n’aurait été qu’un simple membre dudit mouvement.
2 Trib. adm., 16 avril 2008, n° 23855 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 140 et les autres références y citées.
3 « Huit morts et une centaine d'arrestations en marge des manifestations anti-Kabila en RDC », publié sur le site internet « www.voaafrique.com » ; « Kinshasa : Les fidèles de la paroisse Saint Joseph ont entamé la marche avant d’être dispersés (Témoignage …) », publié sur le site internet « actualite.cd ».
4 « RDC : récit de la répression policière du 31 décembre dans l’une des paroisses de Kinshasa », publié sur le site internet « www.jeuneafrique.com ».
15 Force est, par ailleurs, de relever que le demandeur est resté en défaut d’étayer ses déclarations par un quelconque élément matériel de nature à établir concrètement l’activisme politique allégué dans son chef, tels que des tracts qu’il a prétendument distribués.
Au vu de ce qui précède, le tribunal rejoint le ministre et le délégué du gouvernement dans leur constat que la participation du demandeur aux manifestations dont il fait mention, et plus généralement son activisme politique allégué, ne sont, en l’état actuel du dossier, pas crédibles.
Le manque de crédibilité général du récit du demandeur se trouve encore conforté par le comportement adopté par lui avant son départ de son pays d’origine. En effet, ce dernier déclare s’être caché chez sa tante à … de mi-juin 2018 jusqu’à son départ de son pays d’origine en août 2019, alors qu’en avril 2018, des agents de l’Agence nationale de renseignements (ANR) auraient été à sa recherche à deux reprises dans le quartier dans lequel il aurait habité5.
Or, il n’est guère cohérent pour le demandeur, d’une part, de prétendre que la présence des agents de l’ANR l’aurait finalement poussé à prendre la fuite6 et, d’autre part, d’avoir encore attendu près de deux mois avant de se rendre chez sa cousine pour se cacher.
Par ailleurs, le fait que le demandeur n’a rencontré aucune difficulté particulière pour se voir délivrer, en date du 16 mars 2019, soit à une date à laquelle il prétend avoir été caché chez sa cousine, un passeport par les autorités congolaises, lesquelles seraient précisément à l’origine des persécutions et atteintes graves invoquées, renforce les doutes quant à la crédibilité de son récit, étant précisé à cet égard que l’argumentation suivant laquelle les informations des administrations ne seraient pas centralisées en République démocratique du Congo et suivant laquelle le demandeur n’aurait pas été « signalé » n’est pas de nature à convaincre le tribunal, ces affirmations restant à l’état de pures allégations.
Enfin, il convient de relever que Monsieur … a menti aux autorités luxembourgeoises en prétextant être arrivé au Luxembourg en août 2019 et n’avoir pu introduire sa demande de protection internationale qu’en janvier 2020 pour des raisons de maladie7. Il n’est en effet pas contesté par le demandeur qu’il est arrivé au Luxembourg en juillet 2019. Or, il ressort de diverses publications sur son profil « Facebook » qu’il a, toujours en juillet 2019, au lieu d’introduire une demande de protection internationale, voyagé à …, et qu’il s’est rendu à différents bars et cafés à Luxembourg-Ville en août et septembre 2019, de sorte qu’il peut sérieusement être douté d’un état malade dans le chef du demandeur à ladite période, ce dernier restant, par ailleurs, en défaut de verser un quelconque certificat médical en ce sens.
Par conséquent, au vu de l’ensemble des incohérences et contradictions relevées ci-dessus, ensemble le comportement adopté par le demandeur en Europe, le tribunal se doit de constater que le récit du demandeur n’est pas crédible dans sa globalité et que celui-ci tente sciemment d’induire les autorités luxembourgeoises en erreur au sujet de son vécu.
Il y a partant lieu de confirmer la décision déférée en ce qu’elle a déclaré le récit du demandeur comme étant non crédible et rejeté sa demande de protection internationale, prise en ses deux volets relatifs au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
5 Pages 2 et 17 du rapport d’entretien.
6 Page 16 du rapport d’entretien : « […] Quand j’ai reçu la descente des agents des services de l’ANR qui se sont présentés, j’ai su que j’étais en danger et j’ai fui. ».
7 Page 9 du rapport d’entretien.
16 Il s’ensuit que ce volet du recours en réformation est à rejeter pour ne pas être fondé.
2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre l’ordre de quitter le territoire, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 24 octobre 2022 portant ordre de quitter le territoire, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de ce volet du recours, le demandeur fait valoir qu’un retour dans son pays d’origine aurait pour lui des conséquences graves et irrémédiables.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce volet du recours.
Aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2, point q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique du refus de protection internationale.
Or, dans la mesure où le tribunal vient de retenir que c’est à bon droit que le ministre a refusé d’accorder au demandeur l’un des statuts conférés par la protection internationale, eu égard au manque de crédibilité de son récit, conclusion dont le tribunal ne saurait se départir à ce niveau-ci de son analyse, le ministre a valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.
Il suit des considérations qui précèdent que le recours en réformation introduit à l’encontre de l’ordre de quitter le territoire est également à rejeter.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 24 octobre 2022 portant refus d’une protection internationale ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 24 octobre 2022 portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
17condamne le demandeur aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 9 juillet 2024 par :
Thessy Kuborn, premier vice-président, Laura Urbany, premier juge, Sibylle Schmitz, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 9 juillet 2024 Le greffier du tribunal administratif 18