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09/07/2024 | LUXEMBOURG | N°50647

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 juillet 2024, 50647


Tribunal administratif N° 50647 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50647 4e chambre Inscrit le 26 juin 2024 Audience publique du 9 juillet 2024 Recours formé par Monsieur … et consort, …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 28 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50647 du rôle et déposée le 26 juin 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Zohra BELESGA

A, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom ...

Tribunal administratif N° 50647 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50647 4e chambre Inscrit le 26 juin 2024 Audience publique du 9 juillet 2024 Recours formé par Monsieur … et consort, …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 28 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50647 du rôle et déposée le 26 juin 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Zohra BELESGAA, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Algérie) et de son épouse, Madame …, née le … à … (Algérie), tous les deux de nationalité algérienne et actuellement assignés à résidence à la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg (SHUK), sise à L-1734 Luxembourg, 11, rue Carlo Hemmer, tendant à l’annulation sinon à la réformation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 12 juin 2024 de les transférer vers l’Espagne comme étant l’Etat membre responsable pour connaître de leur demande de protection internationale ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 juillet 2024 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Zohra BELESGAA et Monsieur le délégué du gouvernement Vyacheslav PERODERIY en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 9 juillet 2024.

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Le 8 février 2024, Monsieur … et son épouse, Madame…, ci-après désignés par « les époux … », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », des demandes de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section criminalité organisée, de la police grand-ducale, sur leur identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Une recherche effectuée à la même date par les autorités luxembourgeoises dans la base de données VIS révéla que les époux … s’étaient vus délivrer des visas Schengen par l’Espagne d’une durée de validité du 30 novembre 2023 au 28 novembre 2024.

1 Le 15 février 2024, les époux … furent entendus séparément par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de leur demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par le « règlement Dublin III ».

En date du 18 mars 2024, les autorités luxembourgeoises adressèrent à leurs homologues espagnols une demande de prise en charge des époux …, basée sur l’article 12, paragraphe (2) du règlement Dublin III, demande qui fut tacitement acceptée par ces derniers en date du 19 mai 2024, conformément à l’article 22, paragraphe (7) dudit règlement communautaire.

Par courrier du 10 mai 2024, les autorités espagnoles informèrent les autorités luxembourgeoises, ainsi que les autres autorités européennes, de leur acceptation tacite des demandes de prise et reprises en charge leurs adressées pour lesquelles leur responsabilité ne serait pas déclinée, alors qu’au regard du volume de travail et de la pénurie de personnel, elles ne seraient plus en mesure d’envoyer, dans tous les cas, des courriers formels d’acceptation de ces dernières.

Par décision du 12 juin2024, envoyée aux époux … le 14 juin 2024, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par le « ministre », informa les époux … que le Grand-

Duché de Luxembourg avait pris la décision de ne pas examiner leurs demandes de protection internationale et de les transférer dans les meilleurs délais vers l’Espagne sur base de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et des dispositions des articles 12, paragraphe (2) et 22, paragraphe (7) du règlement Dublin III, ladite décision étant libellée comme suit :

« (…) Vous avez introduit une demande de protection internationale au Luxembourg en date du 8 février 2024 au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après « la loi modifiée du 18 décembre 2015 »). En vertu des dispositions de l'article 28(1) de la loi précitée et des dispositions des articles 12(2) et 22(7) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 (ci-après « le règlement DIII »), le Grand-Duché de Luxembourg n'examinera pas votre demande de protection internationale et vous serez transférés vers l'Espagne qui est l'Etat membre responsable pour traiter cette demande.

Les faits concernant votre demande, la motivation à la base de la présente décision, les bases légales sur lesquelles elle s'appuie, de même que les informations quant aux voies de recours ouvertes sont précisés ci-après.

En mains le rapport de Police Judiciaire du 8 février 2024 et les rapports d'entretien Dublin III sur votre demande de protection internationale du 15 février 2024.

1. Quant aux faits à la base de votre demande de protection internationale En date du 8 février 2024, vous avez introduit une demande de protection internationale au Luxembourg.

2 La comparaison de vos empreintes dactyloscopiques avec la base de données Eurodac n'a fourni aucun résultat.

Il résulte des recherches effectuées dans le cadre de votre demande de protection internationale, et notamment de la vérification de vos passeports, que l'Espagne vous a délivré des visas valables du 30 novembre 2023 jusqu'au 28 novembre 2024.

Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat responsable, des entretiens Dublin III ont été menés en date du 15 février 2024.

Sur cette base, des demandes de prise en charge en vertu de l'article 12(2) du règlement DIII ont été adressées aux autorités espagnoles en date du 18 mars 2024, demandes qui furent tacitement acceptées par lesdites autorités espagnoles en date du 19 mai 2024, conformément à l'article 22(7) du règlement DIII.

2. Quant aux bases légales En tant qu'État membre de l'Union européenne, l'Etat luxembourgeois est tenu de mener un examen aux fins de déterminer l'Etat responsable conformément aux dispositions du règlement DIII établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

S'il ressort de cet examen qu'un autre Etat est responsable du traitement de la demande de protection internationale, la Direction générale de l'immigration rend une décision de transfert après que l'Etat requis a accepté la prise ou la reprise en charge du demandeur.

Aux termes de l'article 28(1) de la loi modifiée du 18 décembre 2015, le Luxembourg n'est pas responsable pour le traitement d'une demande de protection internationale si cette responsabilité revient à un autre Etat.

L'article 12(2) du règlement DIII dispose que si un demandeur est titulaire d'un visa en cours de validité au moment de l'introduction de sa demande de protection internationale, l'État membre qui l'a délivré est responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

La responsabilité de l'Espagne est acquise suivant l'article 22(7) du règlement DIII en ce que l'absence de réponse à l'expiration d'un délai de deux mois équivaut à l'acceptation de la requête, et entraîne l'obligation de prendre en charge la personne concernée.

Un Etat n'est pas autorisé à transférer un demandeur vers l'Etat normalement responsable lorsqu'il existe des preuves ou indices avérés qu'un demandeur risquerait dans son cas particulier d'être soumis dans cet Etat à un traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (ci-après la « CEDH ») ou 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (ci-après « la Charte UE »).

3. Quant à la motivation de la présente décision de transfert 3 Madame, Monsieur, il ressort en l'espèce des recherches effectuées dans le cadre de votre demande de protection internationale, notamment de la vérification de vos passeports et de la base de données AE.VIS, que l'Espagne vous a délivré des visas valables du 30 novembre 2023 jusqu'au 28 novembre 2024.

Selon vos déclarations, vous auriez quitté l'Algérie le 11 janvier 2024 pour vous rendre par bateau à Alicante en Espagne munis de vos visas touristiques espagnols. Vous auriez continué votre voyage vers Paris, où une connaissance vous aurait invités pour travailler. Or, vous n'auriez plus revu cette connaissance, et une personne inconnue vous aurait conseillé de vous rendre au Luxembourg pour y introduire une demande de protection internationale. Vous seriez arrivés au Luxembourg en date du 7 février 2024.

Lors de votre entretien Dublin III en date du 15 février 2024, Madame, vous avez indiqué avoir des maux de ventre. Vous n'avez cependant fourni aucun élément concret sur votre état de santé ou fait état d'autres problèmes généraux empêchant un transfert vers l'Espagne qui est l'Etat membre responsable pour traiter votre demande de protection internationale.

Madame, Monsieur, lors de vos entretiens Dublin III en date du 8 février 2024, vous ne mentionnez aucune crainte pour un retour en Espagne.

Rappelons à cet égard que l'Espagne est liée à la Charte UE, et est partie à la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après « la Convention de Genève »), à la CEDH et à la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (« Conv. torture »).

Il y a également lieu de soulever que l'Espagne est liée par la Directive (UE) n° 2013/32 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale [refonte] (« directive Procédure ») et par la Directive (UE) n° 2013/33 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale [refonte] (« directive Accueil »).

Soulignons en outre que l'Espagne profite, comme tout autre Etat membre, de la confiance mutuelle qu'elle respecte ses obligations découlant du droit international et européen en la matière.

Par conséquent, l'Espagne est présumée respecter ses obligations tirées du droit international public, en particulier le principe de non-refoulement énoncé expressément à l'article 33 de la Convention de Genève, ainsi que l’interdiction des mauvais traitements ancrée à l'article 3 CEDH et à l'article 3 Conv. torture.

Par ailleurs, il n'existe en particulier aucune jurisprudence de la Cour EDH ou de la CJUE, de même qu'il n'existe aucune recommandation de l'UNHCR visant de façon générale à suspendre les transferts vers l'Espagne sur base du règlement (UE) n° 604/2013.

Madame, Monsieur, vous n'avez pas non plus démontré que, dans votre cas concret, vos conditions d'existence en Espagne revêtiraient un tel degré de pénibilité et de gravité 4 qu'elles seraient constitutives d'un traitement contraire à l'article 3 CEDH ou encore à l'article 3 Conv. torture.

Relevons dans ce contexte que vous avez la possibilité, dès votre arrivée en Espagne, d'introduire une demande de protection internationale et si vous deviez estimer que les autorités espagnoles ne respectent pas vos droits élémentaires, il vous appartient de saisir les autorités compétentes espagnoles, notamment judiciaires.

Les informations à ma disposition ne sauraient donner lieu à l'application des articles 8, 9, 10 et 11 du règlement DIII.

Il n'existe en outre pas non plus de raisons pour une application de l'article 16(1) du règlement DIII pouvant amener le Luxembourg à assumer la responsabilité de l'examen au fond de votre demande de protection internationale.

Il convient encore de souligner qu'en vertu de l'article 17(1) du règlement DIII (clause de souveraineté), chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par le ressortissant d'un pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement, pour des raisons humanitaires ou exceptionnelles. Les autorités luxembourgeoises disposent d'un pouvoir discrétionnaire à cet égard, et l'application de la clause de souveraineté ne constitue pas une obligation.

Il ne ressort pas de l'ensemble des éléments de votre dossier que les autorités luxembourgeoises auraient dû faire application de la clause de souveraineté prévue à l'article 17(1) du règlement DIII. En effet, vous ne faites valoir aucun élément humanitaire ou exceptionnel qui ne serait pas couvert par les dispositions du règlement DIII et qui devrait amener les autorités luxembourgeoises à se déclarer responsables pour le traitement de votre demande de protection internationale.

Pour l'exécution du transfert vers l'Espagne, seule votre capacité de voyager est déterminante et fera l'objet d'une détermination définitive dans un délai raisonnable avant le transfert.

Si votre état de santé devait temporairement constituer un obstacle à l'exécution de votre renvoi vers l'Espagne, l'exécution du transfert serait suspendue jusqu'à ce que vous seriez à nouveau aptes à être transférés. Par ailleurs, si cela s'avère nécessaire, la Direction générale de l'immigration prendra en compte votre état de santé lors de l'organisation du transfert vers l'Espagne en informant les autorités espagnoles conformément aux articles 31 et 32 du règlement DIII à condition que vous exprimiez votre consentement explicite à cette fin.

D’autres raisons individuelles pouvant éventuellement entraver la remise aux autorités espagnoles n'ont pas été constatées. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 26 juin 2024, les époux … ont fait introduire un recours tendant à l’annulation, sinon à la réformation de la décision ministérielle, précitée, du 12 juin 2024.

Par requête séparée déposée le même jour, inscrite sous le numéro 50648 du rôle, ils 5 firent encore introduire une demande en institution d'une mesure provisoire par rapport à la décision ministérielle du 12 juin 2024, requête qu’ils firent rayer en date du 27 juin 2024.

Encore qu’un demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation. En effet, dans la mesure où l’article 2 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation lorsqu’un recours en réformation est prévu par la loi1.

Etant donné que l’article 35, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours au fond contre les décisions de transfert visées à l’article 28, paragraphe (1) de la même loi, telles que la décision litigieuse, le tribunal est compétent pour statuer sur le recours subsidiaire en réformation introduit en l’espèce, recours qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a, dès lors, pas lieu de statuer sur le recours principal en annulation.

A l’appui de leur recours, les demandeurs ne contestent pas la compétence de principe des autorités espagnoles, ni l’incompétence de principe des autorités luxembourgeoises pour connaître de leur demande de protection internationale, mais reprochent au ministre d'avoir décidé de leur transfert vers l’Espagne en violation de l'article 3, paragraphe (2), alinéa 2, du règlement Dublin III, des articles 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par la « CEDH » et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après désignée par la « Charte », ainsi qu'en violation de l'article 17 du règlement Dublin III.

Sur base de l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2, du règlement Dublin III en vertu duquel le ministre pourrait ne pas procéder au transfert d’un demandeur de protection internationale si des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil du pays compétent pour connaître de la demande de protection internationale entraîneraient, dans le chef de la personne concernée, un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte - similaire à l'article 3 de la CEDH, les demandeurs font état, afin de s’opposer à leur transfert vers l’Espagne, d’une part, du suivi psychologique et psychiatrique de Madame … en raison de son passé traumatique, laquelle aurait également subi deux fausses couches en date des 4 mai, respectivement 25 juin 2024, et d’autre part, d'un psoriasis palmo plantaire, ainsi que d’un rhumatisme psoriasique émergent chez Madame … nécessitant un traitement médical.

Ainsi, les demandeurs soutiennent que le traitement de Madame … devrait nécessairement être suspendu lors de son transfert vers l’Espagne, alors qu'elle n’y bénéficierait pas, dès son arrivée, des conditions matérielles d'accueil ni d'une prise en charge médicale, ce qui aurait des conséquences graves sur son état de santé, en violation de l’article 4 de la Charte, respectivement de l’article 3 de la CEDH.

1 Trib. adm., 4 décembre 1997, n° 10404 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en réformation, n° 4 et les autres références y citées.

6 Les demandeurs considèrent finalement que le ministre aurait encore dû faire application de la clause discrétionnaire prévue à l’article 17, paragraphe (1) du règlement Dublin III, au regard de leur situation.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour manquer de fondement.

L’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que : « Si, en application du règlement (UE) n° 604/2013, le ministre estime qu’un autre Etat membre est responsable de la demande, il sursoit à statuer sur la demande jusqu’à la décision du pays responsable sur la requête de prise ou de reprise en charge. Lorsque l’Etat membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge du demandeur, le ministre notifie à la personne concernée la décision de la transférer vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner sa demande de protection internationale ».

Il s’ensuit que si le ministre estime qu’en application du règlement Dublin III, un autre pays est responsable de l’examen de la demande de protection internationale et si ce pays accepte la prise en charge de l’intéressé, le ministre décide de transférer la personne concernée vers l’Etat membre responsable sans examiner la demande de protection internationale introduite au Luxembourg.

L’article 12, paragraphe (2) du règlement Dublin III, sur le fondement duquel la décision litigieuse a également été prise, dispose, quant à lui, que : « (…) Si le demandeur est titulaire d’un visa en cours de validité, l’État membre qui l’a délivré est responsable de l’examen de la demande de protection internationale, sauf si ce visa a été délivré au nom d’un autre État membre en vertu d’un accord de représentation prévu à l’article 8 du règlement (CE) no 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas (1). Dans ce cas, l’État membre représenté est responsable de l’examen de la demande de protection internationale. ».

Il suit de cette disposition que si un demandeur de protection internationale s’est vu délivrer un visa par un Etat membre, ce dernier est en principe responsable de l’examen de la demande de protection internationale.

Il est constant en l’espèce que la décision litigieuse a été adoptée par le ministre en application de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et de l’article 12, paragraphe (2) du règlement Dublin III, au motif que ce ne serait pas le Luxembourg qui serait compétent pour le traitement de la demande de protection internationale introduite par les époux …, mais l’Espagne. Il est également constant en cause pour ressortir des éléments du dossier administratif, de même que des déclarations respectives des époux …, que l’Espagne leur a délivré un visa valable du 30 novembre 2023 au 28 novembre 2024. Les autorités espagnoles ayant en outre accepté, de manière tacite, de les prendre en charge, c’est a priori à bon droit que le ministre a décidé de les transférer vers l’Espagne et de ne pas examiner leur demande de protection internationale déposée au Luxembourg.

Il y a lieu de rappeler que les possibilités légales pour le ministre de ne pas procéder au transfert d’un demandeur de protection internationale, malgré la compétence de principe d’un autre Etat membre, et d’examiner, le cas échéant, sa demande sont prévues, d’une part, par l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2, du règlement Dublin III, lequel présuppose l’existence de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs 7 qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte, auquel cas le ministre ne peut pas transférer l’intéressé dans cet Etat tout en poursuivant la procédure de détermination de l’Etat membre responsable, ainsi que, d’autre part, par l’article 17, paragraphe (1), du même règlement, accordant au ministre la simple faculté d’examiner la demande de protection internationale nonobstant la compétence de principe d’un autre Etat membre pour ce faire.

Force est ensuite de constater que les demandeurs ne contestent pas la compétence de principe de l’Espagne, respectivement l’incompétence de principe de l’Etat luxembourgeois, mais soutiennent, en substance, que leur transfert vers l’Espagne violerait les dispositions des articles 3 et 17 (1) du règlement Dublin III, ainsi que 3 de la CEDH et 4 de la Charte.

S’agissant d’abord du moyen des demandeurs relatif à l’existence alléguée de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale en Espagne et d’une possible violation de l’article 4 de la Charte - similaire à l’article 3 de la CEDH -, le tribunal rappelle que l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin III prévoit ce qui suit : « Lorsqu’il est impossible de transférer un demandeur vers l’État membre initialement désigné comme responsable parce qu’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’État membre procédant à la détermination de l’État membre responsable poursuit l’examen des critères énoncés au chapitre III afin d’établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. ».

Le tribunal est amené à constater que, dans le cadre de leur argumentation ayant trait à une violation du prédit article 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin III, les demandeurs invoquent exclusivement un risque de subir en Espagne des traitements inhumains et dégradants au sens des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte en raison notamment d’une prétendue absence de prise en charge médicale dans ce pays de Madame ….

A cet égard, le tribunal relève tout d’abord que l’Espagne est tenue au respect, en tant que membre de l’Union européenne et signataire de ces conventions, des droits et libertés prévus par la CEDH, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que du principe de non-refoulement prévu par la Convention de Genève et dispose a priori d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés. Il y a encore lieu de souligner, dans ce contexte, que le système européen commun d’asile a été conçu dans un contexte permettant de supposer que l’ensemble des Etats y participant qu’ils soient Etats membres ou Etats tiers, respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève, ainsi que dans la CEDH, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard2. C’est précisément en raison de ce principe de confiance mutuelle que le législateur de l’Union a adopté le règlement Dublin III en vue de rationaliser le traitement des demandes d’asile et d’éviter l’engorgement du système par l’obligation, pour les autorités des Etats membres, de traiter des demandes multiples introduites par un même demandeur, d’accroître la sécurité juridique en ce qui concerne la détermination de l’Etat responsable du traitement de la demande d’asile et ainsi 2 CJUE, 21 décembre 2011, N.S. c. Secretary of State for the Home Department, C-411/10, pt. 78.

8 d’éviter le « forum shopping », l’ensemble ayant pour objectif principal d’accélérer le traitement des demandes tant dans l’intérêt des demandeurs d’asile que des Etats participants.

Il doit dès lors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs de protection internationale dans cet Etat membre est conforme aux exigences de la Convention de Genève ainsi qu’à la CEDH. Cette présomption peut toutefois être renversée lorsqu’il y a lieu de craindre qu’il existe des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs d’asile dans l’Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant. Dans cette hypothèse, il y a lieu d’apprécier dans chaque cas, au vu des pièces communiquées, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités répondent à l’ensemble des garanties exigées par le respect du droit d’asile.

Le tribunal est encore amené à souligner que le système Dublin III est basé sur l’hypothèse que tous les Etats membres de l’Union européenne sont des Etats de droit dans lesquels les demandeurs de protection internationale peuvent faire valoir leurs droits et requérir l’aide des organes étatiques, notamment judiciaires, au cas où ils estiment que leurs droits ont été lésés. S’il est exact qu’il est admis qu’une acceptation de prise en charge par un Etat membre peut être remise en cause par un demandeur de protection internationale lorsqu’il existe des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale dans cet Etat membre, il n’en reste pas moins que suivant la jurisprudence des juridictions administratives3, reposant elle-même sur un arrêt de la CJUE4, des défaillances systémiques au sens de l’article 3, précité, requièrent, pour être de nature à s’opposer à un transfert, d’être qualifiées de traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 4 de la Charte. Telle est encore la conclusion à laquelle arrive la CJUE dans son arrêt du 16 février 20175.

Quant à la preuve à rapporter par le demandeur de protection internationale, il se dégage d’un arrêt de la CJUE du 19 mars 20196 que pour relever de l’article 4 de la Charte, auquel l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2, précité, du règlement Dublin III renvoie, des défaillances existant dans l’Etat membre responsable, au sens dudit règlement, doivent atteindre un seuil particulièrement élevé de gravité, qui dépend de l’ensemble des données de la cause. Aux termes de ce même arrêt, ce seuil particulièrement élevé de gravité serait atteint lorsque l’indifférence des autorités d’un Etat membre aurait pour conséquence qu’une personne entièrement dépendante de l’aide publique se trouverait, indépendamment de sa volonté et de ses choix personnels, dans une situation de dénuement matériel extrême, qui ne lui permettrait pas de faire face à ses besoins les plus élémentaires, tels que notamment ceux de se nourrir, de se laver et de se loger, et qui porterait atteinte à sa santé physique ou mentale ou la mettrait dans un état de dégradation incompatible avec la dignité humaine7. Ledit seuil ne saurait donc couvrir des situations caractérisées même par une grande précarité ou une forte dégradation des conditions de vie de la personne concernée, lorsque celles-ci n’impliquent pas un dénuement matériel extrême plaçant cette personne dans une situation d’une gravité telle qu’elle peut être assimilée à un traitement inhumain ou dégradant8.

3 Trib. adm., 26 avril 2016, n° 37591, disponible sur: www.jurad.etat.lu.

4 CJUE, 10 décembre 2013, C-394/12, Shamso Abdullahi c. Bundesasylamt, point 62.

5 CJUE, 16 février 2017, C.K., H.F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16.

6 CJUE, grande chambre, 19 mars 2019, affaire C-163/17, Abubacarr Jawo c. Bundesrepublik Deutschland, pt.

91.

7 Ibid., pt. 92.

8 Ibid., pt. 93.

9 En l’espèce, les demandeurs remettant en question cette présomption du respect par l’Espagne des droits fondamentaux, puisqu’ils font état de défaillances systémiques dans ce pays, il leur incombe de fournir des éléments concrets permettant de la renverser en présentant des éléments permettant de retenir que la situation en Espagne atteint le degré de gravité tel que requis par la jurisprudence précitée de la CJUE et par les principes dégagés ci-avant.

Or, force est de constater que pareilles défaillances systémiques atteignant un tel seuil particulièrement élevé de gravité ne résultent aucunement des éléments soumis à l’appréciation du tribunal.

S’agissant tout d’abord de l’absence de prise en charge médicale alléguée, le tribunal constate, en effet, que les demandeurs sont restés en défaut de faire état d’un quelconque problème de santé qui ne pourrait pas faire l’objet d’un traitement en Espagne, voire d’un besoin de traitement médical qui ne pourrait pas leur être prodigué en Espagne. Cette conclusion n’est pas remise en cause par le certificat médical du Dr P.L. du 4 juillet 2024 suivant lequel le traitement « sous cutanée biothérapie » devant être administré à Madame … tous les 15 jours pendant au moins 2 mois consécutifs, ne serait pas « transportable », dans la mesure où il ne ressort pas des éléments soumis à l’analyse du tribunal que ledit traitement ne soit pas directement disponible en Espagne. Il ne résulte, par ailleurs, d’aucun élément du dossier que les époux … aient, à un moment donné, infructueusement sollicité l’aide ou l’assistance des autorités espagnoles en raison de leur état de santé. L’affirmation suivant laquelle les demandeurs ne pourraient pas bénéficier d’une prise en charge médicale en Espagne reste dès lors à l’état de pure allégation.

En effet, même à admettre, pour les besoins de la discussion, que l’état de santé de la demanderesse atteigne le niveau de gravité requis par la jurisprudence précitée, il ne se dégage d’aucun élément du dossier que la concernée ne puisse pas bénéficier en Espagne du traitement médicamenteux dont elle pourrait avoir besoin.

A toutes fins utiles, il convient encore de souligner que le règlement Dublin III ne s’oppose pas au transfert des personnes vulnérables, à savoir les personnes handicapées, les personnes âgées, les femmes enceintes, les mineurs et les personnes ayant été victimes d’actes de torture, de viol ou d’autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, mais prévoit dans son article 32, paragraphe (1), premier alinéa une obligation à charge de l’Etat membre procédant au transfert de transmettre à l’Etat membre responsable des informations relatives aux besoins particuliers de la personne à transférer aux seules fins de l’administration de soins ou de traitements médicaux, et avec le consentement explicite de la personne concernée, de sorte qu’en cas de besoin, il pourra être tenu compte de l’état de santé de Madame … lors de l’organisation du transfert vers l’Espagne par le biais de la communication aux autorités espagnoles des informations adéquates, pertinentes et raisonnables la concernant conformément aux articles 31 et 32 du règlement Dublin III, à condition que l’intéressée exprime son consentement explicite à cet égard.

S’agissant ensuite plus généralement des conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale, force est de constater que les demandeurs restent en défaut de faire valoir un problème concret étant susceptible d’affecter l’analyse future de leurs demandes de protection internationale par les autorités espagnoles, respectivement des futures conditions d’accueil en Espagne. Ces derniers se limitent, en effet, à affirmer de façon péremptoire que les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale en Espagne seraient 10 défaillantes, sans fournir la moindre explication, respectivement le moindre élément probant à cet égard.

Or, il y a plus particulièrement lieu de relever qu’outre le fait que les demandeurs n’ont pas eu la qualité de demandeur de protection internationale lors de leur séjour en Espagne, de sorte qu’ils ne sauraient, en tout état de cause, se prévaloir de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale en Espagne au sens de l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin III qu’ils auraient personnellement pu y rencontrer, ils n’ont, qui plus est, ni dans le cadre de leurs entretiens respectifs Dublin III, ni dans le recours sous examen, fait état de problèmes particuliers qu’ils auraient personnellement rencontrés en Espagne, notamment pour y déposer une demande de protection internationale. Il se dégage, au contraire, de leurs déclarations faites dans le cadre de leurs entretiens Dublin III que les demandeurs, d’une part, avaient ignoré la possibilité d’introduire une demande de protection internationale en Espagne, et, d’autre part, n’ont pas de problème à ce faire en cas de transfert vers l’Espagne9.

Le tribunal ne s’est pas non plus vu soumettre un quelconque élément de preuve, tel que notamment des rapports internationaux, relatif aux difficultés que rencontreraient de manière générale les autorités espagnoles dans le traitement des demandes de protection internationale et dans les conditions d’accueil des demandeurs d’asile, de même qu’il ne se dégage pas davantage des éléments de la cause que concrètement les autorités espagnoles compétentes risqueraient de violer le droit des demandeurs à l’examen, selon une procédure juste et équitable, de leurs demandes de protection internationale ou qu’elles risquent de refuser de leur garantir une protection conforme au droit international et au droit européen, les demandeurs n’ayant, en effet, avancé aucun élément concret permettant de conclure que leur procédure d’asile ne serait pas conduite conformément aux normes imposées par la directive Accueil.

Le tribunal relève également que les demandeurs n’établissent pas non plus que, de manière générale, les droits des demandeurs de protection internationale en Espagne ne seraient automatiquement et systématiquement pas respectés, ou encore qu’ils n’y auraient aucun droit ou aucune possibilité de les faire valoir en usant des voies de droit adéquates, étant encore rappelé que l’Espagne est signataire de la Charte, de la CEDH et de la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, de la Convention de Genève - comprenant le principe de non-refoulement y inscrit à l’article 33 - ainsi que du Protocole additionnel du 31 janvier 1967 relatif aux réfugiés et, à ce titre, devrait en appliquer les dispositions.

Au vu des considérations qui précèdent, le tribunal se doit de conclure qu’il ne se dégage pas à suffisance des éléments soumis à son appréciation qu’il existe en Espagne des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale empêchant un transfert des demandeurs vers ce même pays.

Au vu des considérations qui précèdent, et à défaut d’autres éléments, il n’est pas non plus établi que compte tenu de leur situation personnelle, les demandeurs seraient exposés à un risque réel de subir des traitements contraires aux articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte, en 9 Page 5 des rapports d’audition respectifs de Monsieur Mohammed GUENNA et de Madame … du 15 février 2024.

11 cas de transfert en Espagne, nonobstant le constat fait ci-avant de l’absence, dans ce pays, de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, au sens de l’article 3, paragraphe (2) du règlement Dublin III, de sorte que les moyens afférents encourent le rejet pour manquer de fondement.

Quant au moyen tiré d’une violation de l’article 17, paragraphe (1) du règlement Dublin III, au motif de la non-application de la clause discrétionnaire y inscrite, il y a lieu de relever que ledit article prévoit ce qui suit : « Par dérogation à l’article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (…) ».

A cet égard, le tribunal précise que la possibilité, pour le ministre, d’appliquer cette disposition du règlement Dublin III relève de son pouvoir discrétionnaire, s’agissant d’une disposition facultative qui accorde un pouvoir d’appréciation étendu aux Etats membres10, le caractère facultatif du recours à la disposition en question ayant encore été souligné dans l’arrêt, précité, de la CJUE du 16 février 201711.

Un pouvoir discrétionnaire des autorités administratives ne s’entend toutefois pas comme un pouvoir absolu, inconditionné ou à tout égard arbitraire, mais comme la faculté qu’elles ont de choisir, dans le cadre des lois, la solution qui leur paraît préférable pour la satisfaction des intérêts publics dont elles ont la charge12, le juge administratif étant appelé, en matière de recours en réformation, non pas à examiner si l’administration est restée à l’intérieur de sa marge d’appréciation, une telle démarche s’imposant en matière de recours en annulation, mais à vérifier si son appréciation se couvre avec celle de l’administration et, dans la négative, à substituer sa propre décision à celle de l’administration13.

En l’espèce, le tribunal doit relever que les demandeurs, en se référant uniquement à leur situation particulière, sans fournir d’autres précisions, doivent être considérés comme invoquant, en substance, dans le cadre de leur moyen relatif à une violation de l’article 17, paragraphe (1) du règlement Dublin III, la même argumentation que celle développée à l’appui de leur moyen tiré de la violation des articles 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin III, 3 de la CEDH et 4 de la Charte.

Or, dans la mesure où cette argumentation a été rejetée ci-avant et que d’autres considérations n’ont pas été mises en avant par les demandeurs sous cet aspect pour infirmer le constat afférent du tribunal, celui-ci conclut qu’il n’est pas établi que le ministre se serait mépris sur ses possibilités de choix et sur les limites de son pouvoir d’appréciation, en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue à l’article 17, paragraphe (1), précité, du règlement Dublin III, de sorte que le moyen afférent encourt le rejet.

Au vu des considérations qui précèdent, et à défaut d’autres moyens, le recours est à rejeter pour être non fondé.

10 CJUE, 21 décembre 2011, N.S. e.a., C-411/10 et C-493/10, point 65.

11 CJUE, 16 février 2017, C. K., H. F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16, pts. 88 et 97.

12 Trib. adm., 10 octobre 2007, n° 22641 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en annulation, n° 60 et les autres références y citées.

13 Cour adm., 23 novembre 2010, n° 26851C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en réformation, n°12 et les autres références y citées.

12 Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours subsidiaire en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours principal en annulation ;

condamne les demandeurs aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 9 juillet 2024 par :

Paul Nourissier, vice-président, Olivier Poos, vice-président, Anna Chebotaryova, attachée de justice déléguée, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 9 juillet 2024 Le greffier du tribunal administratif 13


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 50647
Date de la décision : 09/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-07-09;50647 ?

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