Tribunal administratif N° 48772 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:48772 2e chambre Inscrit le 3 avril 2023 Audience publique du 11 juillet 2024 Recours formé par Monsieur …, … (Chine), contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 48772 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 3 avril 2023 par Maître Cédric Schirrer, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Chine), ayant élu domicile à l’étude de Maître Cédric Schirrer, préqualifié, sise à L-1650 Luxembourg, 6, avenue Guillaume, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 30 mars 2023 portant refus d’accorder une autorisation de séjour pour raisons privées dans le chef de Monsieur …, ainsi qu’un regroupement familial, sinon une autorisation de séjour pour raisons privées dans le chef de son épouse, Madame …, et de son enfant mineur … ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 juin 2023 ;
Vu le mémoire en réplique déposé le 2 octobre 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Cédric Schirrer, pour le compte de son mandant ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 novembre 2023 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Felipe Lorenzo en sa plaidoirie à l’audience publique du 22 avril 2024.
Par courrier de son litismandataire daté du 20 décembre 2022, Monsieur …, de nationalité chinoise, sollicita une autorisation de séjour pour raisons privées sur base de l’article 78 (1) a) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 ». Par ce même courrier du 20 décembre 2022, il introduisit également dans le chef de son épouse, Madame …, et de son enfant mineur …, une demande de regroupement familial, ainsi qu’une demande d’autorisation de séjour pour raisons privées, sur base respectivement des articles 69 et 78 (1) b), sinon c) de la même loi.
Par décision du 30 mars 2023, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-
après par « le ministre », refusa de faire droit à la demande d’autorisation de séjour pour raisons privées dans le chef de Monsieur …, ainsi que d’un regroupement familial, sinon d’uneautorisation de séjour pour raisons privées dans le chef de son épouse et de son enfant mineur, ladite décision étant motivée comme suit :
« […] J’ai l’honneur de me référer à votre courrier du 21 décembre 2022 reprenant l’objet sous rubrique.
Je suis au regret de vous informer que je ne suis pas en mesure de faire droit à votre requête.
En effet, le ministre peut accorder une autorisation de séjour pour raisons privées au ressortissant de pays tiers qui rapporte la preuve qu’il peut vivre de ses seules ressources conformément à l’article 78, paragraphe (1) point a) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration.
Les ressources du demandeur sont évaluées par rapport à leur nature et leur régularité en application de l’article 7 du règlement grand-ducal modifié du 5 septembre 2008 définissant les critères de ressources et de logement prévus par la loi du 29 août 2008 précitée.
En conséquence, les pièces versées doivent à elles seules être considérées comme preuves suffisantes au regard des dispositions légales précitées et doivent être examinées tant par rapport à leur nature que leur régularité.
Or, les avoirs bancaires d’un montant de … RMB sur des comptes bancaires auprès de la « … » dont Monsieur et Madame … sont titulaires représentent une situation financière momentanée et ne garantissent en rien la pérennité à l’avenir. En effet, vu l’arrêt N°46467C du rôle du 16 décembre 2021 prononcé par la Cour Administrative « un extrait bancaire relativement à des dépôts en compte, ne témoigne pas non plus ipso facto et définitivement de l’existence de ressources suffisantes ».
Votre mandant perçoit par ailleurs un revenu mensuel d’un montant de … RMB, équivalent à environ … Eur à ce jour de la société « …, Ltd. » sur son compte en Chine. ». Ce revenu ne peut cependant être considéré ni comme stable étant donné que le contrat de travail a été signé 6 mois avant l’introduction de la demande d’autorisation de séjour ni comme suffisant, étant donné qu’il est inférieur au salaire social minimum d’un travailleur non qualifié au Luxembourg.
Monsieur … perçoit par ailleurs deux loyers de deux propriétés située en Chine pour un montant total de … RMB équivalent à ce jour à … EUR. La réelle disponibilité de ce revenu, inférieur au salaire social minimum d’un travailleur non qualifié au Luxembourg, reste sujette à caution, étant donné qu’il n’est pas prouvé que ces logements sont libres de toute hypothèque et que les loyers ne sont pas utilisés pour le remboursement d’un crédit bancaire.
Au vu de ce qui précède et étant donné qu’il n’y pas de regroupant disposant d’un titre de séjour permettant de demander le regroupement familial, je ne peux pas non plus donner de suite favorable à votre demande de regroupement familial dans le chef de Madame … et de l’enfant ….
Par ailleurs, Madame … et l’enfants … n’ont jamais bénéficié d’une autorisation de séjour en qualité de membre de famille qui pourrait leur permettre de tomber dans le champ d’application de l’article 78, paragraphe (1), point b) de la loi du 29 août 2008 précitée.
2 À titre subsidiaire, il n’est pas prouvé que vos mandants prouvent les conditions afin de bénéficier d’une autorisation de séjour à d’autres fins dont les différentes conditions sont fixées à l’article 38 de la loi du 29 août précitée.
Par conséquent, l’autorisation de séjour leur est refusée sur base de l’article 101, paragraphe (1) point 1. de la loi du 29 août 2008 précitée. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 3 avril 2023, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision précitée du ministre du 30 mars 2023.
Aucune disposition légale n’instaurant de recours au fond en matière d’autorisations de séjour et de regroupement familial, le tribunal est valablement saisi du recours en annulation introduit contre la décision précitée du ministre du 30 mars 2023, recours qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours et en fait, Monsieur … indique être de nationalité chinoise et résider en Chine avec son épouse, Madame …, et leur fils mineur …, avant de reprendre les rétroactes tels que présentés ci-avant.
En droit, après avoir cité l’article 78 (1) a) et (2) de la loi du 29 août 2008, ainsi que l’article 7 du règlement grand-ducal modifié du 5 septembre 2008 définissant les critères de ressources et de logement prévus par la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après dénommé « le règlement grand-ducal du 5 septembre 2008 », le demandeur explique que le législateur aurait créé l’autorisation de séjour pour raisons privées dans le but d’attirer des fortunes étrangères. Il ajoute que le pouvoir exécutif aurait fait preuve d’une volonté d’étendre le titre de séjour pour raisons privées en soumettant les personnes qui en feraient la demande à la seule condition financière qu’elles aient, comme ressources, au moins le salaire social minimum d’un travailleur non qualifié. Il reproche, à cet égard, à l’administration d’avoir « machinalement » refusé toute demande d’autorisation de séjour pour raisons privées depuis avril 2020.
En renvoyant à un arrêt de la Cour administrative du 16 décembre 2021, inscrit sous le numéro 46467C du rôle, Monsieur … fait plaider que la Cour aurait clarifié les conditions pour l’obtention d’une autorisation de séjour pour raisons privées en retenant que ces conditions seraient purement financières, sans qu’il ne soit nécessaire de prouver des attaches ou des liens forts avec le Luxembourg, que l’administration aurait une obligation de collaboration active avec l’administré en vue de clarifier les doutes, que toute ressource financière devrait être prise en compte par l’administration, y compris celle se trouvant à l’étranger et qu’il n’existerait pas de « présomption d’opération de blanchiment » du seul fait de l’existence de fonds sur un compte bancaire se trouvant en Chine, tel que c’était le cas dans l’affaire dont elle a eu à connaître. Il en conclut que lorsqu’un demandeur prouverait qu’il dispose de ressources financières suffisantes pour ne pas devenir une charge pour l’Etat luxembourgeois, il devrait se voir octroyer une autorisation de séjour pour raisons privées.
Pour appuyer son argumentation, le demandeur se réfère ensuite à différents jugements récents du tribunal administratif annulant les décisions de refus d’autorisation de séjour pour raisons privées de l’administration et confirmant que les conditions d’obtention d’une telle autorisation de séjour seraient purement financières, sans condition d’attache ou de lien fort avec le Luxembourg, contrairement à ce que la partie étatique prétendrait. La condition supplémentaire créée par l’administration et non prévue par la loi, suivant laquelle il faudraitprouver être une « personne fortunée » aurait également été écartée dans les prédits jugements.
Une telle condition ne saurait, partant, être imposée de manière arbitraire par l’administration.
Les juges du tribunal administratif auraient, en outre, rappelé les types de sources à prendre en compte aux termes de l’article 6 (2), première phrase du règlement grand-ducal du 5 septembre 2008, auquel renverrait l’article 7 dudit règlement, à savoir « les revenus provenant d’une activité salariée ou indépendante, y compris les revenus de remplacement, de même que les revenus provenant du patrimoine. Outre les ressources personnelles du demandeur, sont également prises en compte les ressources du conjoint qui alimentent de manière stable le budget de la famille ».
Il se dégagerait encore des différents jugements du tribunal administratif, en ce qui concerne les avoirs bancaires, que si les juges ont rejoint l’avis de l’administration selon lequel un montant sur un compte bancaire ne serait pas suffisant et ne constituerait pas des recettes régulières suffisantes, ils auraient toutefois rappelé la nécessité de la prise en compte de ces fonds par l’administration dans le cadre de l’appréciation de la demande d’autorisation de séjour. Le demandeur en conclut que ce type de ressources ne saurait être écarté sous prétexte de doutes relatifs à leur origine, et plus particulièrement de soupçons de blanchiment.
Les revenus locatifs, quant à eux, seraient, en application des différents jugements du tribunal administratif, à prendre en considération si la preuve qu’ils seraient réguliers et qu’ils dépasseraient le seuil du salaire minimum fixé par le règlement grand-ducal, était rapportée.
En outre, le pouvoir d’appréciation de l’administration ne serait pas absolu et arbitraire, de sorte que, si toutes les conditions légales étaient remplies, elle ne serait pas en droit de refuser l’octroi d’une telle autorisation de séjour sous prétexte de l’intérêt général, ni d’imposer des conditions non prévues par la loi.
Le demandeur constate que, malgré tous ces jugements du tribunal administratif ayant annulé des décisions administratives de refus, l’administration n’aurait toujours pas reconsidéré sa position. Il estime que la véritable raison du refus d’octroyer une telle autorisation se trouverait dans le fait que l’administration ne souhaiterait plus accueillir « ce type » d’immigration, s’étant rendue compte qu’un nombre important de personnes serait susceptible de remplir les conditions prévues par l’article 78 (1) a) de la loi du 29 août 2008.
Il s’agirait ainsi non pas d’une simple violation de la loi, mais d’un véritable détournement de pouvoir par la partie étatique, laquelle n’aurait aucunement l’intention d’appliquer les conditions posées par la loi et de se « plier » aux décisions des juridictions administratives en la matière. Or, au moment de l’adoption ou de la mise en œuvre d’un acte, une autorité administrative devrait « se fonder sur des faits réels, en entreprendre une appréciation correcte, faire une application exacte du droit applicable, respecter les principes et les textes auxquels elle est soumise, poursuivre un but conforme à celui pour lequel ses pouvoirs lui [seraient] conférés ».
En ce qui concerne sa situation personnelle, il indique avoir transmis à l’administration (i) un contrat de travail prouvant qu’il serait employé auprès de la société …, Ltd et percevrait un salaire mensuel de … RMB (correspondant à environ … EUR), tout en précisant que suivant les termes de son contrat de travail, il serait autorisé à travailler depuis le Luxembourg, (ii) des extraits bancaires prouvant ses avoirs bancaires d’un montant de … RMB (équivalent à … EUR) auprès de la …, (iii) des preuves de la rentrée de loyers en tant que propriétaire de deux appartements en Chine, dont le revenu locatif serait respectivement de … RMB et de … RMB(soit, au total, environ … EUR). Le demandeur en conclut qu’il aurait non seulement apporté la preuve qu’il percevrait un revenu supérieur au montant mensuel du salaire social minimum d’un travailleur non qualifié au Luxembourg, mais également celle qu’il disposerait de réserves conséquentes lui permettant largement de subvenir tant à ses besoins qu’à ceux de sa famille.
Enfin, Monsieur … estime que, dans la mesure où l’administration fonderait son refus relatif à la demande d’une autorisation de séjour pour raisons privées sur le fait qu’il ne serait pas établi que le logement dont il se prévaut serait libre de toute hypothèque, respectivement que les loyers qu’il percevrait ne serviraient pas à rembourser un crédit bancaire, il appartiendrait à ladite administration de rapporter la preuve de l’existence d’un tel crédit hypothécaire et de la destination des loyers en question.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur ajoute, quant à ses ressources, que son contrat de travail serait conclu pour une durée minimale de cinq années, de sorte qu’il travaillerait pendant toute la période de son séjour au Grand-Duché de Luxembourg. Il estime, à cet égard, que l’autorisation de séjour litigieuse ne serait, de toute façon, accordée que pour deux ou trois années au maximum. Ainsi, à l’expiration de son titre de séjour, et s’il devait en solliciter un renouvellement, l’administration serait en droit de lui demander la preuve de la prolongation de son contrat de travail. Elle ne pourrait cependant pas exclure une source de revenu dans le cadre de l’appréciation de la présente demande en obtention d’une autorisation de séjour, au motif que cette source arriverait à échéance « un jour », et ce encore moins si cette source était assurée pendant toute la durée de son séjour.
Il indique encore qu’aucun doute n’existerait quant à la possibilité pour lui d’exercer du télétravail, cette possibilité étant non seulement expressément prévue dans son contrat de travail – « this contract shall be performed by telecommuting » –, mais également dans l’attestation de son employeur – « This position is a remote office position ».
En outre, s’il était, certes, vrai que le montant de son revenu salarié n’atteindrait pas à lui seul celui du revenu minimum luxembourgeois, il faudrait cependant apprécier tous ses revenus ensemble, à savoir son revenu salarié, ses revenus locatifs et ses avoirs bancaires, afin d’en déterminer le caractère suffisant pour subvenir à ses besoins au Grand-Duché du Luxembourg. Il en conclut que ses « revenus locatifs et salarié cumulés » seraient supérieurs au revenu minimum luxembourgeois. En outre, ses avoirs bancaires ne pourraient pas être écartés au simple motif qu’ils ne constitueraient pas des revenus réguliers et seraient voués à disparaître. Il ajoute, dans ce contexte, que la Cour administrative aurait confirmé, dans un arrêt du 11 mai 2023, inscrit sous le numéro 48468C du rôle, que des avoirs bancaires combinés avec un contrat de travail à durée déterminée seraient à considérer comme ressources suffisantes.
Ensuite, et concernant la condition d’un logement approprié, le demandeur affirme avoir communiqué à l’administration un contrat de bail prouvant qu’il disposerait d’un logement approprié pour lui et sa famille au Luxembourg. Il relève, à ce sujet, que les contestations relatives à la condition de logement auraient dû être soulevées par l’administration au stade de l’instruction de son dossier et non pas en cours de procédure. Pour les besoins de la cause, il verserait néanmoins des documents complémentaires consistant en (i) un extrait de l’acte notarié relatif à la maison sise à L-…, acquise par Monsieur …, son cousin, (ii) un plan de la maison indiquant que « les chambres n°1 et n°2 situées au rez-de-chaussée, d’une superficie respective de 13 et 11 mètres carrés » seraient à la disposition de lui-même et de sa famille pendant leur séjour au Luxembourg et (iii) des photographies des chambres de la maison attestant de l’espace à leur disposition. Il en conclut qu’il aurait écarté tout doute relatifau caractère approprié du logement qu’il entendrait occuper pendant son séjour au Luxembourg.
A titre subsidiaire, et dans l’hypothèse où le tribunal devrait conclure à l’absence d’un logement approprié, il soulève une violation du principe d’égalité devant la loi relative à « la question de la preuve d’un logement approprié à fournir par les demandeurs d’autorisation de séjour ressortissants de pays tiers ». Ainsi, aux termes de l’article 78 (1) de la loi du 29 août 2008, le demandeur devrait disposer d’un logement approprié alors que l’article 40 (2) de cette même loi, prévoyant une règle générale qui s’appliquerait à tous les ressortissants de pays tiers sollicitant un titre de séjour supérieur à trois mois, stipulerait qu’un ressortissant de pays tiers se verrait délivrer une autorisation temporaire en cas de réunion de toutes les conditions prévues par la loi et ne devrait fournir la preuve d’un logement appropriée que dans les trois mois après son arrivée au Luxembourg. Tout bénéficiaire de n’importe quelle autre autorisation de séjour aurait, dès lors, la possibilité de « faire l’économie » de la preuve d’un logement approprié jusqu’à son arrivée au Luxembourg, ce qui permettrait d’éviter une dépense lourde consistant à obtenir un logement avant même d’arriver au Luxembourg, lequel resterait ensuite vide pendant des mois, voire des années, l’administration refusant systématiquement de délivrer cette autorisation. Il en découlerait une rupture d’égalité entre les ressortissants de pays tiers demandeurs d’une autorisation de séjour pour raisons privées et les autres demandeurs ressortissants de pays tiers, relative à la preuve à apporter concernant un logement approprié, et plus particulièrement quant au délai endéans lequel cette preuve devrait être apportée, ladite preuve devant être fournie soit au jour de la demande, soit dans les trois mois suivant l’arrivée du demandeur sur le territoire luxembourgeois.
Monsieur … remet, dès lors, en cause la conformité de l’article 78 (1) de la loi du 29 août 2008, en combination avec l’article 40 (2) de la même loi, par rapport à l’article 10bis de la Constitution, dans sa version applicable en l’espèce, en soutenant que rien ne justifierait une telle différence de traitement entre les différents ressortissants de pays tiers. Il conclut qu’il incomberait au tribunal de surseoir à statuer et de saisir la Cour constitutionnelle de la question préjudicielle suivante :
« L’article 78 (1) de la loi modifiée portant sur la libre circulation des personnes et de l’immigration en ce qu’il impose au demandeur d’une autorisation de séjour pour raisons privées d’apporter la preuve d’un logement approprié au jour de l’introduction de sa demande avant son arrivée sur le territoire, créant ainsi une discrimination entre ressortissants de pays tiers demandeurs d’une autorisation de séjourner au Grand-Duché de Luxembourg alors que pour les demandeurs ressortissants de pays tiers de toute autre autorisation de séjour la preuve d’un logement approprié ne doit être fournie que dans les trois mois suivant l’arrivée du ressortissant aux vœux de l’article 40 (2) de la même loi, de sorte qu’il y a rupture d’égalité non justifiée devant la loi, est-il conforme à l’article 10bis de la Constitution ? ».
Enfin, le demandeur conteste l’absence de motivation de son projet d’immigration, tel que soutenu par la partie étatique, laquelle se serait bornée à copier, à ce sujet, un arrêt de la Cour administrative. Il aurait, en effet, fourni dans son « courrier de motivation » les raisons précises pour lesquelles il souhaiterait résider au Luxembourg et celles relatives à son projet d’immigration, qui consisteraient (i) à « faire profiter son enfant d’un climat et d’un environnement plus favorable et moins pollué que celui [à] Pékin qui affecte[rait] aujourd’hui sa santé », (ii) à scolariser son enfant au Luxembourg, (iii) à s’intégrer en apprenant les langues du pays et à participer à diverses actions bénévoles locales et (iv) à « investir sur place ». En outre, il « aime[rait] les voyages et découvrir de nouvelles cultures ». D’autres arguments majeurs en faveur du Luxembourg seraient sa situation géographique et « les transports »,arguments relatifs à l’attractivité du pays régulièrement mis en avant par les autorités. Il n’existerait, par ailleurs, « aucun autre pays que le Luxembourg convoite[rait] plus que la Chine » et les démarches proactives du Luxembourg pour « attirer l’attention » seraient plus importantes « que celles pour tous les autres pays réunis ». Le demandeur se réfère, à cet égard, aux nombreuses démarches et publicités créées par l’organisation étatique luxembourgeoise « Luxembourg for Finance ». Il ajoute que la publicité luxembourgeoise en faveur de la nationalité luxembourgeoise et relative aux possibilités offertes au détenteur d’un passeport luxembourgeois de voyager non seulement au Luxembourg, mais également à travers le monde « dans 188 pays sans visa » serait « [p]lus agressif encore ».
Au vu de ce qui précède, le demandeur estime que si le Grand-Duché de Luxembourg réalisait autant de démarches promotionnelles pour vanter les atouts de ce pays et adoptait des lois en ce sens, il ne saurait en même temps opposer à un demandeur d’autorisation de séjour pour raisons privées que les atouts géographiques et économiques du pays ne seraient pas une raison suffisante pour être autorisé à séjourner sur le territoire et qu’il tenterait de « détourner » la loi.
Le délégué du gouvernement, quant à lui, conclut au rejet du recours pour être non fondé.
A titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’en présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n’est pas lié par l’ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant1.
Le tribunal relève ensuite que, dans le cadre d’un recours en annulation, le juge administratif est appelé à vérifier, d’un côté, si, au niveau de la décision administrative querellée, les éléments de droit pertinents ont été appliqués et, d’un autre côté, si la matérialité des faits sur lesquels l’autorité de décision s’est basée est établie. Au niveau de l’application du droit aux éléments de fait, le juge de l’annulation vérifie encore s’il n’en est résulté aucune erreur d’appréciation se résolvant en dépassement de la marge d’appréciation de l’auteur de la décision querellée, dans les hypothèses où l’auteur de la décision dispose d’une telle marge d’appréciation, étant relevé que le contrôle de légalité à exercer par le juge de l’annulation n’est pas incompatible avec le pouvoir d’appréciation de l’auteur de la décision qui dispose d’une marge d’appréciation. Ce n’est que si cette marge a été dépassée que la décision prise encourt l’annulation pour erreur d’appréciation. Ce dépassement peut notamment consister dans une disproportion dans l’application de la règle de droit aux éléments de fait. Le contrôle de légalité du juge de l’annulation s’analyse alors en contrôle de proportionnalité2 appelant le juge administratif à opérer une balance valable et équilibrée des éléments en cause et à vérifier plus particulièrement si l’acte posé est proportionné à son but3.
En l’espèce, il convient de relever, tout d’abord, qu’à travers la décision litigieuse, le ministre a refusé l’octroi d’une autorisation de séjour pour raisons privées à Monsieur … sur base de l’article 78 (1) a) de la loi du 29 août 2008, l’octroi de la même autorisation de séjour à son épouse et à son enfant, ainsi que leur regroupement familial et il a constaté qu’ils ne 1 Trib. adm., 31 mai 2006, n° 21060 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 528 et les autres références y citées.
2 Cour adm., 9 décembre 2010, n° 27018C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en annulation, n° 56 et les autres références y citées.
3 Cour adm., 12 janvier 2021, n° 44684C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en annulation, n° 32 et les autres références y citées. rempliraient, en outre, pas les conditions pour l’obtention d’une autorisation de séjour sur base de l’article 38 de la même loi.
Dans ce contexte, dans la mesure où le demandeur n’a formulé aucun moyen par rapport à l’affirmation du ministre selon laquelle aucune condition lui permettant, ainsi qu’à son épouse et à son enfant mineur, de bénéficier d’une autorisation de séjour dont les catégories sont énumérées à l’article 38 de la loi du 29 août 2008 n’est remplie en l’espèce, ce volet de la décision n’a pas à être examiné par le tribunal.
Par ailleurs, si Monsieur … a initialement introduit, au nom et pour le compte de son épouse et de son enfant mineur, une demande de regroupement familial sur base de l’article 69 et suivants de la loi du 29 août 2008 et une demande d’autorisation de séjour pour raisons privées sur base de l’article 78 (1) b), sinon c) de la même loi, force est de constater qu’aucun moyen n’a été développé en ce qui concerne ces deux dispositions.
En effet, il échet de relever, concernant le regroupement familial, qu’aucune mention n’en est faite dans le recours sous objet, de sorte que le tribunal est amené à retenir qu’il n’est pas saisi du volet de la décision ministérielle ayant trait à cette demande.
Quant à la demande d’autorisation de séjour pour raisons privées introduite dans le chef de Madame … et de l’enfant …, force est de constater que seuls des éléments liés à la situation personnelle de Monsieur … sont fournis dans la requête introductive d’instance pour tenter de justifier qu’il remplirait les conditions de l’article 78 (1) a) de la loi du 29 août 2008 et qu’aucun argumentaire n’a été fourni concernant l’autorisation de séjour pour raisons privées dans le chef de son épouse et de son enfant. De ce fait, la simple mention à la première page de la requête introductive d’instance d’une demande qui a été introduite pour l’épouse et l’enfant mineur du demandeur en vue de l’obtention d’une telle autorisation de séjour dans leur chef, n’est pas suffisante pour pouvoir être considérée comme étant un moyen en droit valablement soutenu, de sorte que, même à supposer que le recours puisse être considéré comme visant également le refus opposé à la demande d’autorisation de séjour pour raisons privées dans leur chef, il est, sur ce point, à rejeter pour être dénué de fondement, étant rappelé qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer la carence des parties au litige et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions.
Quant à l’article 78 de la loi du 29 août 2008, disposition qui serait, selon le demandeur, violée à travers la décision litigieuse, celui-ci dispose dans sa version applicable en l’espèce que « (1) A condition que leur présence ne constitue pas de menace pour l’ordre public, la santé ou la sécurité publiques et qu’ils disposent de la couverture d’une assurance maladie et d’un logement approprié, le ministre peut accorder une autorisation de séjour pour raisons privées :
a) au ressortissant de pays tiers qui rapporte la preuve qu’il peut vivre de ses seules ressources ;
b) aux membres de la famille visés à l’article 76 ;
c) au ressortissant de pays tiers qui ne remplit pas les conditions du regroupement familial, mais dont les liens personnels ou familiaux, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, sont tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus ;
(2) Les personnes visées au paragraphe (1) qui précède doivent justifier disposer de ressources suffisantes telles que définies par règlement grand-ducal. ».
Il ressort de l’article précité qu’afin de pouvoir prétendre à une autorisation de séjour pour raisons privées, un demandeur doit tout d’abord remplir les conditions énumérées de manière générale aux premier et deuxième paragraphes de l’article 78 précité de la loi du 29 août 2008, c’est-à-dire (i) ne pas constituer de menace pour l’ordre public, la santé ou la sécurité publiques, disposer de la couverture d’une assurance maladie et d’un logement approprié, et (ii) disposer de ressources suffisantes.
Il y a tout d’abord lieu de constater qu’il n’est pas contesté que Monsieur … remplit la condition de ne pas constituer de menace pour l’ordre public, la santé ou la sécurité publiques, ainsi que de disposer d’une assurance maladie, seules les conditions tenant à un logement approprié ainsi qu’à des ressources suffisantes étant litigieuses, en l’espèce, au vu des explications complémentaires fournies par la partie étatique dans son mémoire en réponse, étant précisé qu’il est de jurisprudence constante que l’administration peut utilement produire ou compléter les motifs postérieurement à la décision prise et même pour la première fois au cours de la phase contentieuse4.
Le tribunal relève, ensuite, que les conditions énumérées de manière générale à l’article 78 (1) et (2) de la loi du 29 août 2008 sont cumulatives, de sorte que le fait qu’une seule de ces conditions n’est pas remplie est suffisante pour justifier un refus de l’autorisation de séjour y visée.
En ce qui concerne plus particulièrement la condition ayant trait aux ressources suffisantes, dont la charge de la preuve incombe au demandeur d’une autorisation de séjour pour raisons privées, il échet de relever que l’article 7 du règlement grand-ducal du 5 septembre 2008 dispose comme suit : « Pour l’application de l’article 78, paragraphe (1), point a) de la loi, les ressources du demandeur sont évaluées par rapport à leur nature et leur régularité, ainsi que par référence au montant mensuel du salaire social minimum d’un travailleur non qualifié. L’article 6, paragraphe (2), première phrase est applicable. […] ».
L’article 6 (2), première phrase, du règlement grand-ducal du 5 septembre 2008, auquel l’article 7, précité, du même règlement renvoie, définit les types de revenus pris en compte en disposant que « Pour l’appréciation des ressources visées au paragraphe (1) qui précède, sont pris en considération les revenus provenant d’une activité salariée ou indépendante, y compris les revenus de remplacement, de même que les revenus provenant du patrimoine. Outre les ressources personnelles du demandeur, sont également prises en compte les ressources du conjoint qui alimentent de manière stable le budget de la famille. […] ».
Ensuite, il ressort de l’arrêt, précité, de la Cour administrative du 16 décembre 2021 que « […] si les avoirs en capital apparaissent certes théoriquement permettre un séjour prolongé, il n’appert pas démesuré que le ministre ait considéré qu’en l’absence de recettes régulières suffisantes, les frais d’installation et de séjour, ainsi que les aléas de la vie emportent un risque qu’ils soient consommés rapidement et conclu à l’existence d’un risque certain que l’intéressée devienne tôt ou tard une charge pour l’Etat luxembourgeois. […] ».
La Cour a ainsi retenu qu’un montant sur un compte bancaire ne pouvait être considéré comme constituant des recettes régulières suffisantes et a conclu dans cette affaire au rejet de la demande d’autorisation de séjour pour raisons privées de l’intéressée après avoir relevé que les montants de sa pension – recettes qui, elles, étaient régulières – n’atteignaient pas le minimum fixé par l’article 7 du règlement grand-ducal du 5 septembre 2008.
4 Cour adm., 20 décembre 2007, n° 22976C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 95 et les autres références y citées.
Pour prétendre à l’application de l’article 78 (1) a) de la loi du 29 août 2008, Monsieur … a mis en avant, lors de l’introduction de la demande d’autorisation de séjour, trois types de ressources, à savoir (i) un salaire mensuel brut de … RMB, soit environ … EUR, (ii) des avoirs bancaires de … RMB, soit environ … EUR, et (iii) des loyers de deux appartements en Chine, respectivement de … RMB et de … RMB, soit, au total, d’environ … EUR.
Il se dégage des enseignements de l’arrêt de la Cour administrative du 16 décembre 2021, précité, ayant trait à l’absence de renouvellement de l’épargne, que le demandeur d’une autorisation de séjour pour raisons privées finira par épuiser cette épargne à court ou moyen terme et sera nécessairement amené à devoir recourir au système d’aide sociale luxembourgeois, de sorte qu’un avoir sur un compte bancaire n’est pas suffisant, à lui seul, pour que les conditions de l’article 7 du règlement grand-ducal du 5 septembre 2008 soient remplies.
Si Monsieur … s’est encore prévalu, à côté de ses avoirs bancaires, d’un salaire mensuel brut de … RMB, soit … EUR, force est de constater que le contrat de travail y relatif n’a été conclu qu’en date du 26 mai 2022, soit à peu près sept mois avant l’introduction de sa demande en obtention d’une autorisation de séjour pour raisons privées, et ce pour une durée déterminée de cinq ans allant du 1er juin 2022 au 30 mai 2027. En outre, son salaire mensuel n’équivaut pas au salaire social minimum d’un travailleur non qualifié, ce que ce dernier ne conteste pas.
Ce dernier fait, mis en balance avec la récente date d’embauche ainsi que la limitation dans le temps de cette source de revenus, amène le tribunal à rejoindre la conclusion du ministre selon laquelle ce revenu salarial n’est ni stable ni suffisant.
Ce constat n’est pas ébranlé par la référence faite par le demandeur à l’arrêt de la Cour administrative du 11 mai 2023, inscrit sous le numéro 48468C du rôle, alors que cet arrêt confirme le jugement du 9 janvier 2023, inscrit sous le numéro 46115 du rôle, ayant retenu que même si le revenu salarial de la demanderesse en cause dans cette affaire était non négligeable, il devait être mis en balance avec sa récente date d’embauche, ainsi qu’avec la durée de son contrat de travail fixée à cinq ans, pour conclure au caractère irrégulier de son revenu salarial.
En ce qui concerne ensuite les revenus locatifs dont fait état le demandeur, il ressort non seulement des pièces versées en cause que tant Monsieur … que Madame … sont les bailleurs des deux immeubles, de sorte que Monsieur … ne démontre pas être l’unique bénéficiaire des loyers en résultant, mais encore que le montant total des revenus perçus de la location de ces deux biens immobiliers est inférieur au salaire social minimum d’un travailleur non qualifié, fait non contesté par le demandeur.
Au vu de ce qui précède, et plus précisément du caractère (i) insuffisant des avoirs bancaires, (ii) irrégulier des revenus salariaux lesquels sont encore inférieurs au salaire social minimum d’un travailleur non qualifié, et (iii) incertain quant au montant exact des revenus locatifs et en tout état de cause inférieur au salaire social minimum d’un travailleur non qualifié, c’est à bon droit que, sur base des éléments à sa disposition, le ministre (i) a estimé que le demandeur ne rapporte pas la preuve d’une entrée de fonds régulière et qu’il a par conséquent retenu que les ressources dont se prévaut le demandeur dans le cadre de sa demande d’autorisation de séjour pour raisons privées ne sauraient être considérées comme étant suffisantes au sens de l’article 7 du règlement grand-ducal du 5 septembre 2008, et ce même en appréciant tous les revenus du demandeur conjointement, et (ii) a refusé de lui octroyer une autorisation de séjour pour raisons privées. Etant donné que les conditions prévues à l’article78 (1) de la loi du 29 août 2008 sont prévues de manière cumulative, il devient surabondant d’examiner les autres conditions.
Partant, au vu de l’issue du litige, il y a lieu de rejeter la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 20.000 EUR telle que formulée par le demandeur sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.
Quant à la demande de distraction des frais au profit du mandataire du demandeur, il convient de rappeler qu’il ne saurait être donné suite à la demande en distraction des frais posés par le mandataire d’une partie, pareille façon de procéder n’étant point prévue en matière de procédure contentieuse administrative5.
Enfin, la demande de Monsieur … tendant à voir ordonner l’exécution provisoire du présent jugement est également à rejeter, étant donné que le législateur n’a pas conféré au tribunal administratif le pouvoir d’ordonner l’exécution provisoire de ses jugements6.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
rejette la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 20.000 EUR telle que formulée par le demandeur ;
rejette la demande en distraction des frais formulée par le mandataire du demandeur ;
rejette la demande tendant à voir ordonner l’exécution provisoire du jugement ;
condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé par :
Alexandra Castegnaro, vice-président, Annemarie Theis, premier juge, Caroline Weyland, juge, et lu à l’audience publique du 11 juillet 2024 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.
s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro 5 Trib. adm., 14 février 2001, n° 11607 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 1317 et les autres références y citées.
6 Trib. adm., 12 mai 1998, n° 10266 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.
Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 12 juillet 2024 Le greffier du tribunal administratif 12