Tribunal administratif N° 50617 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50617 2e chambre Inscrit le 20 juin 2024 Audience publique du 11 juillet 2024 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 28 (1), L.18.12.2015)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 50617 du rôle et déposée le 20 juin 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Zohra Belesgaa, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Tunisie) et être de nationalité tunisienne, actuellement assigné à résidence à …, sise à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation, d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 6 juin 2024 de le transférer vers la Croatie comme étant l’Etat membre responsable pour connaître de sa demande de protection internationale ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 juin 2024 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Zohra Belesgaa et Madame le délégué du gouvernement Pascale Millim en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 1er juillet 2024.
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Le 18 avril 2024, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par la « loi du 18 décembre 2015 ».
Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire -
…, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.
Une recherche effectuée dans la base de données EURODAC le même jour révéla que Monsieur … avait déposé une demande de protection internationale en Croatie le 28 avril 2023.
Le 22 avril 2024, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres 1par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III ».
Le 29 avril 2024, les autorités luxembourgeoises contactèrent les autorités croates en vue de la reprise en charge de Monsieur … sur base de l’article 18, paragraphe (1), point b) du règlement Dublin III, demande qui fut acceptée par lesdites autorités en date du 11 mai 2024 sur le fondement de l’article 20, paragraphe (5) du règlement Dublin III.
Par décision du 6 juin 2024, notifiée à l’intéressé en mains propres le 10 juin 2024, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par le « ministre », informa Monsieur … que le Grand-Duché de Luxembourg avait pris la décision de le transférer dans les meilleurs délais vers la Croatie sur base de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et de l’article 20, paragraphe (5) du règlement Dublin III, ladite décision étant libellée comme suit :
« […] Vous avez introduit une demande de protection internationale au Luxembourg en date du 18 avril 2024 au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après « la loi modifiée du 18 décembre 2015 »).
En vertu des dispositions de l'article 28(1) de la loi précitée et des dispositions de l'article 20(5) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 (ci-après « le règlement DIII »), le Grand-Duché de Luxembourg n'examinera pas votre demande de protection internationale et vous serez transféré vers la Croatie qui est l'Etat membre tenu de vous reprendre en charge.
Les faits concernant votre demande, la motivation à la base de la présente décision, les bases légales sur lesquelles elle s'appuie, de même que les informations quant aux voies de recours ouvertes sont précisés ci-après.
En mains le rapport de Police Judiciaire du 18 avril 2024 et le rapport d'entretien Dublin III sur votre demande de protection internationale du 22 avril 2024.
1. Quant aux faits à la base de votre demande de protection internationale En date du 18 avril 2024, vous avez introduit une demande de protection internationale au Luxembourg.
La comparaison de vos empreintes dactyloscopiques avec la base de données Eurodac a révélé que vous avez franchi de manière irrégulière la frontière croate et introduit une demande de protection internationale en Croatie en date du 28 avril 2023.
Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, un entretien Dublin III a été mené en date du 22 avril 2024.
Sur cette base, une demande de reprise en charge en vertu de l'article 18(1)b du règlement DIII a été adressée aux autorités croates en date du 29 avril 2024, demande qui fut acceptée par lesdites autorités croates en date du 11 mai 2024, sur base de l'article 20(5) du règlement DIII.
2. Quant aux bases légales En tant qu'Etat membre de l'Union européenne, l'Etat luxembourgeois est tenu de 2mener un examen aux fins de déterminer l'Etat responsable conformément aux dispositions du règlement DIII établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.
S'il ressort de cet examen qu'un autre Etat est tenu d'achever le processus de détermination de l'Etat membre responsable du traitement de la demande de protection internationale, la Direction générale de l'immigration rend une décision de transfert après que l'Etat requis a accepté la prise ou la reprise en charge du demandeur.
Aux termes de l'article 28(1) de la loi modifiée du 18 décembre 2015, le Luxembourg n'est pas responsable pour le traitement d'une demande de protection internationale si cette responsabilité revient à un autre Etat.
Dans le cadre d'une reprise en charge, et notamment conformément à l'article 20(5) du règlement DIII, l'Etat auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite pour la première fois est tenu - dans les conditions prévues aux art. 23, 24, 25 et 29, et en vue d'achever le processus de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de la demande de protection internationale de reprendre en charge le demandeur qui se trouve dans un autre Etat membre sans titre de séjour ou qui y introduit une demande de protection internationale après avoir retiré sa première demande présentée dans un autre Etat membre pendant le processus de détermination de l'Etat membre responsable.
Par ailleurs, un Etat n'est pas autorisé à transférer un demandeur vers l'Etat normalement responsable lorsqu'il existe des preuves ou indices avérés qu'un demandeur risquerait dans son cas particulier d'être soumis dans cet Etat à un traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (ci-après la « CEDH ») ou 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (ci-après « la Charte UE »).
3. Quant à la motivation de la présente décision de transfert En l'espèce, il ressort des résultats du 18 avril 2024 de la comparaison de vos données dactyloscopiques avec celles enregistrées dans la base de données Eurodac que vous avez franchi de manière irrégulière la frontière croate et introduit une demande de protection internationale en Croatie en date du 28 avril 2023.
Selon vos déclarations, vous auriez quitté la Tunisie en 2022 en avion en direction de la Serbie. Après trois mois à Belgrade, vous auriez quitté la Serbie à pied pour vous rendre en Bosnie où vous seriez resté également pour une période de trois mois. Vous auriez ensuite quitté la Bosnie à pied pour vous rendre en Croatie où vous avez introduit une demande de protection internationale le 28 avril 2023, car, selon vos déclarations vous y auriez été obligé.
Vous auriez ensuite quitté directement la Croatie pour vous rendre en France via la Slovénie et l'Italie. Vous auriez séjourné à Grenoble et à Marseille avant d'arriver au Luxembourg en train.
Lors de votre entretien Dublin III en date du 22 avril 2024, vous avez mentionné que vous auriez des douleurs à la gorge et aux poumons et des problèmes de sinusite depuis sept ans. Cependant, vous n'avez fourni aucun élément concret sur votre état de santé ou fait état d'autres problèmes généraux empêchant un transfert vers la Croatie qui est l'Etat tenu de vous 3reprendre en charge en vue d'achever le processus de détermination de l'Etat membre responsable pour traiter votre demande de protection internationale.
Rappelons à cet égard que la Croatie est liée à la Charte UE et est partie à la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après « la Convention de Genève »), à la CEDH et à la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (« Conv. torture »).
Il y a également lieu de soulever que la Croatie est liée par la Directive (UE) n° 2013/32 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale [refonte] (« directive Procédure ») et par la Directive (UE) n° 2013/33 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale [refonte] (« directive Accueil »).
Soulignons en outre que la Croatie profite, comme tout autre Etat membre, de la confiance mutuelle qu'elle respecte ses obligations découlant du droit international et européen en la matière.
Par conséquent, la Croatie est présumée respecter ses obligations tirées du droit international public, en particulier le principe de non-refoulement énoncé expressément à l'article 33 de la Convention de Genève, ainsi que l'interdiction des mauvais traitements ancrée à l'article 3 CEDH et à l'article 3 Conv. torture.
Par ailleurs, il n'existe en particulier aucune jurisprudence de la Cour EDH ou de la DUE, de même qu'il n'existe aucune recommandation de l'UNHCR visant de façon générale à suspendre les transferts vers la Croatie sur base du règlement (UE) n° 604/2013.
En l'occurrence, vous ne rapportez pas la preuve que votre demande de protection internationale n'aurait pas fait l'objet d'une analyse juste et équitable, ni que vous n'auriez pas les moyens de faire valoir vos droits, notamment devant les autorités judiciaires croates.
Vous n'avez fourni aucun élément susceptible de démontrer que la Croatie ne respecterait pas le principe de non-refoulement à votre égard et faillirait à ses obligations internationales en vous renvoyant dans un pays où votre vie, votre intégrité corporelle ou votre liberté seraient sérieusement menacées.
Monsieur, vous n'avez pas non plus démontré que, dans votre cas concret, vos conditions d'existence en Croatie revêtiraient un tel degré de pénibilité et de gravité qu'elles seraient constitutives d'un traitement contraire à l'article 3 CEDH ou encore à l'article 3 Conv.
torture.
Il n'existe en outre pas non plus de raisons pour une application de l'article 16(1) du règlement DIII pouvant amener le Luxembourg à assumer la responsabilité de l'examen au fond de votre demande de protection internationale.
Il convient encore de souligner qu'en vertu de l'article 17(1) du règlement DIII (clause de souveraineté), chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par le ressortissant d'un pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement, pour des raisons 4humanitaires ou exceptionnelles. Les autorités luxembourgeoises disposent d'un pouvoir discrétionnaire à cet égard, et l'application de la clause de souveraineté ne constitue pas une obligation.
Il ne ressort pas de l'ensemble des éléments de votre dossier que les autorités luxembourgeoises auraient dû faire application de la clause de souveraineté prévue à l'article 17(1) du règlement DIII. En effet, vous ne faites valoir aucun élément humanitaire ou exceptionnel qui ne serait pas couvert par les dispositions du règlement DIII et qui devrait amener les autorités luxembourgeoises à se déclarer responsables pour le traitement de votre demande de protection internationale.
Pour l'exécution du transfert vers la Croatie, seule votre capacité de voyager est déterminante et fera l'objet d'une détermination définitive dans un délai raisonnable avant le transfert.
Si votre état de santé devait temporairement constituer un obstacle à l'exécution de votre renvoi vers la Croatie, l'exécution du transfert serait suspendue jusqu'à ce que vous seriez à nouveau apte à être transféré. Par ailleurs, si cela s'avère nécessaire, la Direction générale de l'immigration prendra en compte votre état de santé lors de l'organisation du transfert vers la Croatie en informant les autorités croates conformément aux articles 31 et 32 du règlement DIII à condition que vous exprimiez votre consentement explicite à cette fin.
D'autres raisons individuelles pouvant éventuellement entraver la remise aux autorités croates n'ont pas été constatées. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 20 juin 2024, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation, de la décision ministérielle, précitée, du 6 juin 2024.
Etant donné que l’article 35 (4) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours au fond contre les décisions de transfert visées à l’article 28 (1) de la même loi, telles que la décision litigieuse, le tribunal est compétent pour statuer sur le recours principal en réformation introduit en l’espèce, recours qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il n’y a, dès lors, pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours, le demandeur, après avoir exposé les faits et rétroactes gisant à la base de la décision déférée, cite l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par la « CEDH », l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après désignée par la « Charte », ainsi que les articles 3 et 17, paragraphe (1) du règlement Dublin III.
Il explique qu’il aurait été forcé de déposer une demande d’asile en Croatie par les autorités dudit pays et qu’un transfert vers celui-ci l’exposerait à une violation de ses droits fondamentaux, protégés par l’article 3 de la CEDH et l’article 4 de la Charte.
Le demandeur avance craindre, plus particulièrement, les violences des autorités croates qui le refouleraient vers la frontière de la Bosnie-Herzégovine et qu’il existerait un risque élevé de traitements contraires à l’article 3, paragraphe 2 du règlement Dublin III dans son chef. Il 5n’entendrait dès lors pas rester en Croatie pour y voir sa demande de protection internationale toisée, alors qu’il aurait fui « le climat de violence » initié par les autorités policières croates, entourant les demandeurs d’asile dans ledit pays.
Le demandeur donne à considérer que la situation « des transferts de Dublinés » en Croatie aurait été dénoncée dans un rapport du 13 septembre 2022 établi par l’Organisation Suisse d’Aide aux Réfugiés (« OSAR ») qui aurait mis en exergue les violences policières perpétrées en Croatie et qui estimerait que les transferts vers la Bulgarie et la Croatie seraient, en vertu du règlement Dublin III, en principe illicites et inexigibles, de sorte à avoir demandé qu’il y soit renoncé.
Il en conclut que le ministre aurait commis une erreur manifeste d’appréciation, sinon une erreur de droit ou de fait, sinon une violation de la loi en prenant la décision déférée.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour n’être fondé en aucun de ses moyens.
Il y a d’abord lieu de rappeler que le tribunal n’est pas tenu par l’ordre des moyens, tel que présenté par le demandeur, mais qu’il détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.
En vertu de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, « Si, en application du règlement (UE) n°604/2013, le ministre estime qu’un autre Etat membre est responsable de la demande, il sursoit à statuer sur la demande jusqu’à la décision du pays responsable sur la requête de prise ou de reprise en charge. Lorsque l’Etat membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge du demandeur, le ministre notifie à la personne concernée la décision de la transférer vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner sa demande de protection internationale ».
Il s’ensuit que si le ministre estime qu’en application du règlement Dublin III, un autre pays est responsable de l’examen de la demande de protection internationale et si ce pays accepte la prise, respectivement la reprise en charge de l’intéressé, le ministre décide de transférer la personne concernée vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner la demande de protection internationale introduite au Luxembourg.
L’article 20, paragraphe (5) du règlement Dublin III, sur lequel le ministre s’est, en l’espèce, basé pour conclure à la responsabilité des autorités croates, dispose que : « L’État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite pour la première fois est tenu, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, et en vue d’achever le processus de détermination de l’État membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale, de reprendre en charge le demandeur qui se trouve dans un autre État membre sans titre de séjour ou qui y introduit une demande de protection internationale après avoir retiré sa première demande présentée dans un autre État membre pendant le processus de détermination de l’État membre responsable.
Cette obligation cesse lorsque l’État membre auquel il est demandé d’achever le processus de détermination de l’État membre responsable peut établir que le demandeur a quitté entre-temps le territoire des États membres pendant une période d’au moins trois mois ou a obtenu un titre de séjour d’un autre État membre.
6Toute demande introduite après la période d’absence visée au deuxième alinéa est considérée comme une nouvelle demande donnant lieu à une nouvelle procédure de détermination de l’État membre responsable. ».
Il suit de cette disposition que l’Etat responsable du traitement de la demande de protection internationale est celui dans lequel le demandeur a introduit en premier une demande de protection internationale, malgré le fait que ladite demande soit par la suite considérée comme ayant été retirée, à moins qu’il soit établi que le demandeur a entretemps quitté le territoire des Etat membres pendant une période d’au moins trois mois ou a obtenu un titre de séjour d’un autre Etat membre.
Le tribunal constate de prime abord qu’il est constant en cause que la décision de transférer Monsieur … vers la Croatie et de ne pas examiner sa demande de protection internationale a été adoptée par le ministre en application de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et de l’article 20, paragraphe (5) du règlement Dublin III, au motif que l’Etat tenu d’achever le processus de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale du demandeur serait la Croatie, en ce qu’il y avait introduit une demande de protection internationale le 28 avril 2023 et que les autorités croates ont accepté de le reprendre en charge en date du 11 mai 2024 sur le fondement de la même base réglementaire.
C’est, dès lors, a priori à bon droit que le ministre a décidé de transférer le demandeur vers ledit Etat et de ne pas examiner sa demande de protection internationale introduite au Luxembourg.
A cet égard, si, par son affirmation selon laquelle il aurait été forcé par les autorités croates de déposer une demande de protection internationale, Monsieur … entend contester la compétence de principe de la Croatie pour le traitement de sa demande de protection internationale, il y a lieu de relever qu’en application du mécanisme de détermination de l’Etat responsable prévu par l’article 20, paragraphe (5) du règlement Dublin III, la Croatie est désignée comme étant responsable précisément au motif de l’introduction par le demandeur de sa première demande de protection internationale auprès des autorités croates, cette information ressortant sans équivoque de la consultation de la base de données EURODAC, « système de comparaison des données dactyloscopiques pour aider à la mise en œuvre de la politique de l’Union en matière d’asile »1. Sur base de ces considérations et eu égard à l’acceptation expresse par les autorités croates de reprendre en charge le demandeur sur le fondement de l’article 20, paragraphe (5) du règlement Dublin III, celui-ci est, en tout état de cause, en défaut d’établir que les autorités luxembourgeoises auraient fait une application erronée des critères de responsabilité prévus au chapitre 3 du règlement Dublin III. En effet, le règlement Dublin III prévoit des critères objectifs de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale et ledit règlement a été, entre autres, adopté afin d’éviter le « forum shopping », de sorte que le fait que le demandeur affirme ne pas avoir eu l’intention de déposer une demande de protection internationale en 1 Considérant 37 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d’Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application efficace du règlement (UE) n° 604/2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride et relatif aux demandes de comparaison avec les données d’Eurodac présentées par les autorités répressives des États membres et Europol à des fins répressives, et modifiant le règlement (UE) n°1077/2011 portant création d’une agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice.
7Croatie, n’est pas à prendre en considération dans la procédure de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen de sa demande de protection internationale.
Force est ensuite de constater que le demandeur invoque l’existence, en Croatie, de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale au sens de l’article 3, paragraphe (2) du règlement Dublin III, ainsi que, de manière plus générale, le risque d’y subir des traitements inhumains et dégradants contraires aux articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte en cas de transfert.
A cet égard, le tribunal précise que les possibilités légales pour le ministre de ne pas procéder au transfert d’un demandeur de protection internationale, malgré la compétence de principe d’un autre Etat membre, et d’examiner, le cas échéant, sa demande sont prévues, d’une part, par l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin III, lequel présuppose l’existence de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte - corollaire à l’article 3 CEDH - , auquel cas le ministre ne peut pas transférer l’intéressé dans cet Etat tout en poursuivant la procédure de détermination de l’Etat membre responsable, ainsi que, d’autre part, par l’article 17, paragraphe (1), précité, du même règlement, accordant au ministre la simple faculté d’examiner la demande de protection internationale nonobstant la compétence de principe d’un autre Etat membre pour ce faire.
L’article 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin III prévoit ce qui suit :
« Lorsqu’il est impossible de transférer un demandeur vers l’État membre initialement désigné comme responsable parce qu’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’État membre procédant à la détermination de l’État membre responsable poursuit l’examen des critères énoncés au chapitre III afin d’établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. ».
Force est au tribunal de constater que cette disposition impose à l’Etat membre procédant à la détermination de l’Etat responsable de l’examen de la demande de protection internationale d’un demandeur d’asile de s’abstenir de transférer l’intéressé vers l’Etat membre initialement désigné comme responsable, en application des critères prévus par le règlement Dublin III, s’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte, corollaire de l’article 3 de la CEDH.
La situation visée par ledit article 3, paragraphe (2) du règlement Dublin III est celle de l’existence de défaillances systémiques empêchant tout transfert de demandeurs d’asile vers un Etat membre déterminé2.
A cet égard, le tribunal relève que la Croatie est tenue au respect, en tant que membre de l’Union européenne et signataire de ces conventions, des droits et libertés prévus par la CEDH, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que du principe de non-refoulement prévu par la Convention de Genève, et dispose a priori d’un 2 CJUE, 16 février 2017, C. K., H. F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16, pt. 92.
8système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés. Il y a encore lieu de souligner, dans ce contexte, que le système européen commun d’asile a été conçu dans un contexte permettant de supposer que l’ensemble des Etats y participant qu’ils soient Etats membres ou Etats tiers, respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève, ainsi que dans la CEDH, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard3. C’est précisément en raison de ce principe de confiance mutuelle que le législateur de l’Union européenne a adopté le règlement Dublin III en vue de rationaliser le traitement des demandes d’asile et d’éviter l’engorgement du système par l’obligation, pour les autorités des Etats, de traiter des demandes multiples introduites par un même demandeur, d’accroître la sécurité juridique en ce qui concerne la détermination de l’Etat responsable du traitement de la demande d’asile et ainsi d’éviter le « forum shopping », l’ensemble ayant pour objectif principal d’accélérer le traitement des demandes tant dans l’intérêt des demandeurs d’asile que des Etats participants4.
Dès lors, comme ce système européen commun d’asile repose sur la présomption – réfragable – que l’ensemble des Etats y participant respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard, il appartient au demandeur de rapporter la preuve matérielle de défaillances avérées5.
Dans un arrêt du 16 février 2017, la CJUE a, d’ailleurs, expressément réaffirmé l’existence tant de ce principe de confiance mutuelle que de la présomption réfragable s’en dégageant du respect des droits fondamentaux par les Etats participant au système européen commun d’asile6, tout en apportant des précisions quant à l’interprétation de l’article 4 de la Charte et aux obligations en découlant pour les Etats membres.
Le tribunal est également amené à souligner que le système Dublin III est basé sur l’hypothèse que tous les Etats membres de l’Union européenne sont des Etats de droit dans lesquels les demandeurs de protection internationale peuvent faire valoir leurs droits et requérir l’aide des organes étatiques, notamment judiciaires, au cas où ils estiment que leurs droits ont été lésés. S’il est exact qu’il est admis qu’une acceptation de prise ou de reprise en charge par un Etat membre peut être remise en cause par un demandeur de protection internationale lorsqu’il existe des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale dans cet Etat membre, il n’en reste pas moins que suivant la jurisprudence des juridictions administratives7, reposant elle-même sur un arrêt de la CJUE8, des défaillances systémiques au sens de l’article 3, précité, requièrent, pour être de nature à s’opposer à un transfert, d’être qualifiées de traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 4 de la Charte. Telle est encore la conclusion à laquelle arrive la CJUE dans son arrêt, précité, du 16 février 20179.
Quant à la preuve à rapporter par le demandeur, il se dégage d’un arrêt de la CJUE du 3 CJUE, 21 décembre 2011, affaires jointes C-411/10, N.S. c. Secretary of State for the Home Department et C-493/10, M.E. et al. c. Refugee Applications Commissioner Minister for Justice, Equality and Law Reform., point 78.
4 Ibidem, point. 79 ; voir également : trib. adm., 26 février 2014, n° 33956 du rôle, trib. adm., 17 mars 2014, n°34054 du rôle, ainsi que trib. adm., 2 avril 2014, n° 34133 du rôle, disponibles sur www.jurad.etat.lu.
5 Voir aussi Verwaltungsgerichtshof Baden-Württemberg, 8 janvier 2015, n° A11 S 858/14.
6 CJUE, 16 février 2017, C. K., H. F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16, pt. 95.
7 Trib. adm., 26 avril 2016, n° 37591, disponible sur: www.jurad.etat.lu.
8 CJUE, 10 décembre 2013, C-394/12, Shamso Abdullahi c. Bundesasylamt, point 62.
9 CJUE, 16 février 2017, C.K., H.F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16.
919 mars 201910 que pour relever de l’article 4 de la Charte, auquel l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2, précité, du règlement Dublin III renvoie, des défaillances existant dans l’Etat membre responsable, au sens dudit règlement, doivent atteindre un seuil particulièrement élevé de gravité, qui dépend de l’ensemble des données de la cause. Aux termes de ce même arrêt, ce seuil particulièrement élevé de gravité serait atteint lorsque l’indifférence des autorités d’un Etat membre aurait pour conséquence qu’une personne entièrement dépendante de l’aide publique se trouverait, indépendamment de sa volonté et de ses choix personnels, dans une situation de dénuement matériel extrême, qui ne lui permettrait pas de faire face à ses besoins les plus élémentaires, tels que notamment ceux de se nourrir, de se laver et de se loger, et qui porterait atteinte à sa santé physique ou mentale ou la mettrait dans un état de dégradation incompatible avec la dignité humaine11. Ledit seuil ne saurait donc couvrir des situations caractérisées même par une grande précarité ou une forte dégradation des conditions de vie de la personne concernée, lorsque celles-ci n’impliquent pas un dénuement matériel extrême plaçant cette personne dans une situation d’une gravité telle qu’elle peut être assimilée à un traitement inhumain ou dégradant12.
Le tribunal relève que pour sous-tendre son affirmation selon laquelle il existerait en Croatie des dysfonctionnements graves dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale entraînant pour lui un risque réel et avéré de subir des traitements contraires aux articles 3 CEDH et 4 de la Charte, le demandeur s’appuie sur un rapport du 13 septembre 2022 émanant de l’OSAR. Force est cependant au tribunal de constater - outre le fait que ledit rapport date de 2022, de sorte à se baser sur des informations qui ne reflètent plus nécessairement la situation telle qu’elle existe actuellement en Croatie - que le demandeur s’en prévaut pour établir la commission de refoulements systématiques à la frontière croate de personnes interceptées après avoir traversé celle-ci et des violences policières perpétrées à cette occasion par les autorités croates, incidents dont il n’a toutefois lui-même pas eu à connaître et dont il reste en défaut de démontrer qu’il risque d’y être confronté, le demandeur étant placé dans une situation différente de celle de ces migrants en cas d’exécution de la décision déférée, en ce qu’il fera l’objet d’un transfert dans le cadre du règlement Dublin III, suite à l’acceptation expresse de sa reprise en charge par les autorités croates. Le rapport en question n’est dès lors pas suffisant pour retenir qu’il existerait en Croatie, de manière générale, des défaillances systémiques au sens de l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin III.
Le tribunal se doit encore de relever que si, certes, certaines des pratiques des autorités croates dénoncées dans le rapport invoqué sont condamnables, il n’en reste pas moins qu’au regard du seuil de gravité fixé par la CJUE, le rapport en question n’est pas suffisant pour permettre de retenir de manière générale l’existence, à l’heure actuelle, de défaillances systémiques en Croatie, à savoir que les conditions matérielles d’accueil des demandeurs de protection internationale y seraient caractérisées par des carences structurelles d’une ampleur telle qu’il y aurait lieu de conclure d’emblée, et quelles que soient les circonstances du cas d’espèce, à l’existence de risques suffisamment réels et concrets, pour l’ensemble des demandeurs de protection internationale, indépendamment de leur situation personnelle, d’être systématiquement exposés à une situation de dénuement matériel extrême, qui ne leur permettrait pas de faire face à leurs besoins les plus élémentaires, tels que notamment ceux de se nourrir, de se laver et de se loger, et qui porterait atteinte à leur santé physique ou mentale 10 CJUE, grande chambre, 19 mars 2019, affaire C-163/17, Abubacarr Jawo c. Bundesrepublik Deutschland, pt.
91.
11 Ibid., pt. 92.
12 Ibid., pt. 93.
10ou les mettrait dans un état de dégradation incompatible avec la dignité humaine, au point que leur transfert dans ce pays constituerait en règle générale un traitement prohibé par les articles 4 de la Charte et 3 de la CEDH.
Par ailleurs, le tribunal constate que le demandeur n’invoque aucune jurisprudence de la CourEDH relative à une suspension générale des transferts vers la Croatie, voire une demande en ce sens de la part du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (« UNHCR »). Il ne fait pas non plus état de l’existence d’un rapport ou avis émanant de l’UNHCR, ou d’autres institutions ou organismes internationaux, interdisant ou recommandant l’arrêt des transferts vers la Croatie de ressortissants tunisiens dans le cadre du règlement Dublin III en raison plus particulièrement de la politique d’asile croate qui l’exposerait à un traitement inhumain ou dégradant au sens des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte.
Il y a ensuite lieu de relever que le demandeur n’apporte pas non plus d’éléments de nature à établir qu’il risquerait personnellement des mauvais traitements en cas de transfert en Croatie, de même qu’il n’apporte pas la preuve que, personnellement, ses droits n’y seront pas garantis, ni qu’il n’aurait aucune possibilité de les faire valoir.
Le demandeur n’a pas non plus avancé ni lors de l’entretien Dublin III ni dans le recours sous analyse des éléments suffisamment concrets et plausibles tenant à sa situation personnelle de nature à démontrer qu’en cas de transfert, il serait personnellement exposé au risque que ses besoins existentiels minimaux ne soient pas satisfaits et ce, de manière durable, sans perspective d’amélioration, au point qu’il aurait fallu renoncer à son transfert ou bien demander des garanties individuelles auprès des autorités croates avant de le transférer. Au contraire, il ressort du dossier administratif, et plus particulièrement du rapport d’entretien du 22 avril 2024, que Monsieur … a indiqué avoir été logé dans un centre pour réfugiés durant son séjour en Croatie, et que, questionné sur les conséquences d’un transfert vers ledit pays dans son chef, il a répondu que « ce ne serait pas un grand problème »13.
A cela s’ajoute qu’il ne se dégage pas non plus des éléments soumis au tribunal que les autorités croates refuseraient de traiter sa demande de protection internationale, lesdites autorités ayant, au contraire, accepté la reprise en charge du demandeur sur le fondement de l’article 20, paragraphe (5) du règlement Dublin III. Il ne se dégage pas davantage des éléments de la cause que les autorités croates compétentes risquent de violer le droit du demandeur à l’examen, selon une procédure juste et équitable, de sa demande de protection internationale ou qu’elles risquent de refuser de lui garantir une protection conforme au droit international et au droit européen, notamment et en particulier au vu des risques éventuellement encourus par lui dans son pays d’origine, le demandeur n’ayant, en effet, avancé aucun élément concret permettant de conclure que sa procédure d’asile n’y serait pas conduite conformément aux normes imposées par la directive n° 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale (« directive Accueil »).
Outre le fait qu’il n’a, ainsi, pas établi que, dans son cas précis, ses droits ne seraient pas garantis en cas de retour en Croatie, il n’a pas non plus prouvé que, de manière générale, les droits des demandeurs ou des bénéficiaires d’une protection internationale en Croatie ne seraient automatiquement et systématiquement pas respectés, ou encore que ceux-ci n’auraient en Croatie aucun droit ou aucune possibilité de les faire valoir auprès des autorités croates en 13 Rapport d’entretien Dublin III page 5.
11usant des voies de droit adéquates14 étant relevé que la Croatie est signataire de la Charte, de la CEDH, du Pacte international des droits civils et politiques, de la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que de la Convention de Genève et devrait, à ce titre, en appliquer les dispositions.
Il convient, par ailleurs, de souligner que si le demandeur devait estimer que le système d’asile croate est à tel point avilissant qu’il impliquerait per se un traitement inhumain et dégradant contraire aux articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte, il lui appartiendrait de faire valoir ses droits directement auprès des autorités croates en usant des voies de droit adéquates, respectivement devant les instances européennes adéquates. Il en va de même si le demandeur devait estimer que le système d’accueil et d’aide croate n’était pas conforme aux normes européennes.
Dans ces circonstances, le tribunal est amené à conclure que le demandeur reste en défaut d’établir l’existence de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil en Croatie de nature à être qualifiés de traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 3, paragraphe (2) du règlement Dublin III ensemble les articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte.
Enfin, si le demandeur citer encore les termes de 17, paragraphe (1) du règlement Dublin III, force est de constater qu’il reste en défaut de préciser concrètement en quoi cette disposition aurait été violée par la décision ministérielle déférée. Or, les moyens simplement suggérés, sans être soutenus effectivement, ne sont pas à prendre en considération par le tribunal, étant donné qu’il n’appartient pas à celui-ci de suppléer à la carence du demandeur et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en réformation est à rejeter pour n’être fondé en aucun de ses moyens.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
condamne le demandeur aux frais et dépens.
Ainsi jugé par :
Alexandra Castegnaro, vice-président, Annemarie Theis, premier juge, Caroline Weyland, juge, 14 Voir, pour les demandeurs de protection internationale : article 26 de la directive n°2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale.
12 et lu à l’audience publique du 11 juillet 2024 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.
s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 11 juillet 2024 Le greffier du tribunal administratif 13