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12/07/2024 | LUXEMBOURG | N°44865

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 juillet 2024, 44865


Tribunal administratif Nos 44865 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:44865 4e chambre Inscrit le 20 août 2020 Audience publique du 12 juillet 2024 Recours formé par Monsieur REQUERANT, …, contre une décision de la Commission de Surveillance du Secteur Financier en matière de surveillance prudentielle

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 44865 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 août 2020 par la société anonyme Wildgen SA, établie et ayant son siège social à L-2320 Luxembourg, 69, boulevard de la Pétrusse, i

mmatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numér...

Tribunal administratif Nos 44865 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:44865 4e chambre Inscrit le 20 août 2020 Audience publique du 12 juillet 2024 Recours formé par Monsieur REQUERANT, …, contre une décision de la Commission de Surveillance du Secteur Financier en matière de surveillance prudentielle

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 44865 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 août 2020 par la société anonyme Wildgen SA, établie et ayant son siège social à L-2320 Luxembourg, 69, boulevard de la Pétrusse, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B212946, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, représentée aux fins de la présente procédure par Maître François Brouxel, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur REQUERANT, demeurant à L-…, tendant, d’après son dispositif, à l’annulation d’une décision de la Commission de Surveillance du Secteur Financier du 26 février 2020 lui ayant retiré l’honorabilité professionnelle pour une durée de 10 ans, tout en décidant de rendre publique cette décision de manière nominative ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Nadine, dite Nanou, Tapella, demeurant à Esch-

sur-Alzette, du 24 août 2020, portant signification de la requête introductive d’instance à la Commission de Surveillance du Secteur Financier, établissement public, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro J26, représentée par son comité directeur actuellement en fonctions, établie et ayant son siège à L-1150 Luxembourg, 283, route d’Arlon ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 25 août 2020 par Maître Albert Rodesch, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la Commission de Surveillance du Secteur Financier, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 15 décembre 2020 par Maître Albert Rodesch, préqualifié, pour compte de la Commission de Surveillance du Secteur Financier, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 14 janvier 2021 par la société anonyme Wildgen SA, préqualifiée, au nom de son mandant ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 15 février 2021 par Maître Albert Rodesch, préqualifié, pour compte de la Commission de Surveillance du Secteur Financier, préqualifiée ;

Vu la constitution de nouvel avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif en date du 7 mars 2022 par la société anonyme Wildgen SA, préqualifiée, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Eric Perru, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, déclarant avoir repris le mandat pour la défense des intérêts de Monsieur REQUERANT ;

Vu la constitution de nouvel avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 août 2022 par Maître Eric Perru, préqualifié, déclarant avoir repris le mandat pour la défense des intérêts de Monsieur REQUERANT ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Eric Perru et Maître Virginie Verdanet, en remplacement de Maître Albert Rodesch, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 30 janvier 2024.

___________________________________________________________________________

Par courrier du 14 mars 2018, la Commission de Surveillance du Secteur Financier, dénommée ci-après « la CSSF », informa Monsieur REQUERANT de son intention de lui retirer son honorabilité professionnelle et de lui imposer une sanction administrative sur base des conclusions suivantes :

« (…) Nous nous référons au contrôle sur place effectué par la Commission de Surveillance du Secteur Financier (ci-après la « CSSF ») du 4 avril 2016 au 12 octobre 2016 auprès d'BANQUE 1(ci-après « BANQUE 1 » ou « BANQUE 1 », « BANQUE 1 » ou la « Banque ») et portant sur certains aspects du dispositif de gouvernance interne ainsi que sur certains aspects du dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme (ci-après « LBC/FT ») en place dans le cadre de l'affaire … (ci-

après « … » ou le «client ») (ci-après « … »).

Aux fins de la présente, nous nous référons aux dispositions légales en matière de gouvernance interne, à savoir : l'article 5, paragraphe (1bis), l'article 37-1, paragraphes (2), (4) et (6), l'article 37-2, paragraphe (1) et l'article 38-1 de la loi du 5 avril 1993 relative au secteur financier telle qu'elle a été modifiée (ci-après la « LSF »), ainsi qu'à la circulaire CSSF 12/552 portant sur l'administration centrale, la gouvernance interne et la gestion des risques, telle que modifiée par les circulaires CSSF 13/563, CSSF 14/597, CSSF 16/642, CSSF 16/647 et CSSF 17/655 (ci-après la « Circulaire 12/552»).

Nous nous référons aussi aux obligations professionnelles en matière de LBC/FT relatives à l'article 39 de la LSF, à la loi du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme (ci-après la « Loi du 12 novembre 2004 »), au règlement grand-ducal du 1er février 2010 portant précision de certaines dispositions de la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme (ci-après le « Règlement grand-ducal du 1er février 2010 ») ainsi qu'au règlement CSSF 12-02 du 14 décembre 2012 (ci-après le « Règlement CSSF 12-02 »).

Nous nous référons également à la réunion tenue dans les locaux de la CSSF en date du 17 mars 2016 au cours de laquelle vous nous avez fait part de vos commentaires concernant la résiliation de votre contrat en tant qu'agent lié entre BANQUE 1 et SOCIETE 1 S.A. ainsi que concernant le client ….

Enfin, nous nous référons à notre communiqué de presse du 22 juin 2017 par lequel nous avons publié notre décision d'infliger à la Banque une amende administrative d'un montant de 8.985.000 EUR sur base des articles 63, paragraphe (2) 3ème tiret et 63-2, paragraphe (2) e) de la LSF.

Afin de déterminer le montant de ladite amende, la CSSF a pris en considération l'importance des dispositions légales violées, de même que la durée, la récurrence et la persistance dans le temps de ces manquements qui ont mis en péril la bonne gouvernance de la Banque et son bon fonctionnement, garants d'une gestion saine, efficace et prudente de tout établissement de crédit.

En effet, au titre de l'article 5 paragraphe (1bis), la Loi du 5 avril 1993 relative au secteur financier telle qu'elle a été modifiée établit que « L'établissement de crédit doit disposer d'un solide dispositif de gouvernance interne, comprenant notamment une structure organisationnelle claire avec un partage des responsabilités qui soit bien défini, transparent et cohérent, des processus efficaces de direction, de gestion, de contrôle et de déclaration des risques auxquels il est ou pourrait être exposé, des mécanismes adéquats de contrôle interne,…» et paragraphe (3) que « Le dispositif de gouvernance interne, les processus, les procédures et les mécanismes visés au présent article sont exhaustifs et adaptés à la nature, à l'échelle et à la complexité « des risques inhérents au modèle d'entreprise et aux activités de l'établissement de crédit. » De ce fait, la CSSF considère que les manquements constatés et les dysfonctionnements que ces manquements ont engendrés dans le dispositif de gouvernance interne de la Banque sont très graves et justifient ainsi le montant élevé de l'amende qui lui a été infligée.

La mise en place d'un solide dispositif de gouvernance interne relève de la responsabilité de la Direction et du Conseil d'Administration. Dès lors, les manquements et dysfonctionnements y relatifs relèvent également de leur responsabilité.

(…) III. Conclusions et mesures que la CSSF a l'intention de prendre à votre égard Au vu de ce qui précède, la CSSF envisage dès lors prendre deux décisions à votre égard :

1) La décision que vous ne répondez plus à la condition de l'honorabilité professionnelle pour une durée limitée La CSSF considère que vous avez enfreint votre obligation de veiller au respect du cadre légal et réglementaire qui découle à la fois de votre fonction de dirigeant autorisé et de votre fonction de dirigeant autorisé - administrateur (occupée à partir de novembre 2012) en charge du pôle d'Ingénierie Financière et Patrimoniale au sein de la Banque Privée.

En outre, la CSSF considère que vous avez abusé de votre position de Directeur et membre du Conseil d'Administration afin de permettre une entrée en relation d'affaires pour un client à risque élevé qui s'est traduite par des entrées de fonds ne respectant pas les dispositions légales et réglementaires en matière de LBC/FT.

La CSSF estime que votre attitude a entaché la réputation et l'intégrité tant de la Banque que de la Place financière luxembourgeoise, et a eu pour conséquence une rupture de confiance en votre personne dans le chef de la CSSF de nature à remettre en cause votre honorabilité professionnelle au sens de l'article 7, paragraphe (1) de la LSF.

Dans ce contexte, nous vous rappelons l'article 7, paragraphe (1) de la LSF qui établit la condition de l'honorabilité professionnelle notamment dans le chef des membres de l'organe de Direction : « l'honorabilité professionnelle s'apprécie sur base des antécédents judiciaires et de tous les éléments susceptibles d'établir que les personnes visées jouissent d'une bonne réputation et présentent toutes les garanties d'une activité irréprochable. » L'honorabilité professionnelle est une exigence fondamentale qui s'apprécie non seulement au moment de l'entrée en fonction, mais également au cours de l'exercice des fonctions soumises à agrément.

L'exigence généralisée d'une activité irréprochable doit en particulier permettre d'assurer la confiance du public dans les entités autorisées ainsi que la réputation des entités surveillées et de toute la Place financière luxembourgeoise.

Le fait de présenter toutes les garanties d'une activité irréprochable englobe toutes les caractéristiques personnelles et professionnelles qui permettent à un individu de diriger correctement un professionnel surveillé par la CSSF. L'activité professionnelle passée et présente d'une personne sont des éléments substantiels pour apprécier et évaluer l'honorabilité de cette personne dans une perspective dirigée vers son activité sur la Place, que ce soit lors d'une procédure d'agrément ou dans le contexte d'informations sur des incidents ou irrégularités analysés par la CSSF lors de l'exercice de l'activité des personnes concernées.

Les Orientations sur l'évaluation de l'aptitude des membres de l'organe de Direction et des titulaires de postes clés de l'Autorité bancaire européenne du 22 novembre 2012 précisent notamment qu'un manque de transparence, d'ouverture et de coopération dans ses relations avec les autorités de réglementation ou de surveillance peut soulever des doutes quant à l'honorabilité d'une personne.

Ces positions furent récemment confirmées dans les orientations conjointes de l'Autorité bancaire européenne et de l'autorité européenne des marchés financiers publiées le 26 septembre 2017. Le défaut d'honorabilité professionnelle peut notamment découler d'un comportement répréhensible, supposant par exemple un comportement mettant en péril la gestion saine et prudente de l'établissement, sa réputation et la réputation notamment internationale de la Place financière de Luxembourg. La CSSF peut alors être amenée à remettre en question l'honorabilité professionnelle des personnes soumises à son agrément.

L'appréciation de l'honorabilité professionnelle ne diffère pas entre les différentes lois sectorielles du secteur financier dont la CSSF assume l'application, il s'agit d'une notion au même degré et avec la même rigueur dans toutes ces lois sectorielles. L'honorabilité professionnelle est par conséquent appréciée de manière horizontale. L'appréciation de l'honorabilité professionnelle par la CSSF constitue l'un des piliers sur lesquels repose la surveillance prudentielle.

A remarquer également qu'une décision de la CSSF qui établit qu'une personne ne respecte pas la condition de l'honorabilité professionnelle est dépourvue de tout objectif répressif. Au contraire, cette mesure a une vocation préventive en ce qu'elle s'inscrit dans le cadre des missions d'intérêt général poursuivies par la CSSF en vue de la sauvegarde de la stabilité et de l'intégrité financières, dans la mesure où cette condition sert à protéger les clients, déposants et investisseurs et à garantir la stabilité du système financier dans son ensemble. Par conséquent, au vu de l'ensemble des éléments qui précèdent, la CSSF envisage de considérer que vous ne respecteriez pas la condition de l'honorabilité professionnelle pour une durée de 10 ans.

Cette décision impliquerait que vous seriez considéré comme n'étant plus apte à exercer une fonction sujette à agrément de la CSSF pour une période de 10 ans et vous seriez invité, à démissionner de toute fonction qui demande le respect de la condition de l'honorabilité et à prendre les dispositions nécessaires à ce que vous ne déteniez plus de participation qualifiée dans des entités surveillées par la CSSF.

2) Imposition d'une mesure d'interdiction professionnelle limitée dans le temps Les manquements graves et répétés repris ci-dessus aux dispositions réglementaires que vous avez commis sont de nature à amener la direction de la CSSF à envisager de prononcer la sanction administrative consistant dans une interdiction professionnelle pour une durée de 5 ans, sur base de l'article 63 (2), 4ème tiret, lettre a) de la LSF.

Une interdiction professionnelle limitée dans le temps est justifiée dans votre chef dans la mesure où les manquements sont à qualifier comme étant graves alors qu'ils portent atteinte à des dispositions fondamentales encadrant certaines activités professionnelles sur la Place financière de Luxembourg.

De plus, la CSSF estime que ces manquements ont été commis à dessein, et ont contribué à votre enrichissement personnel. Dans la mesure où l'affaire de la fraude … a une dimension internationale évidente, vous avez accepté par votre comportement de mettre non seulement en péril la bonne gestion de la Banque, mais aussi sa réputation ainsi que celle de la Place financière de Luxembourg.

La sanction de l'interdiction professionnelle limitée dans le temps est également justifiée par la considération que cette sanction permettrait de vous exclure pour une période limitée de toute activité tombant dans le champ d'application de la Loi du 5 avril 1993 relative au secteur financier, et non seulement de fonctions au sein d'entités surveillées pour lesquelles la loi exige le respect de la condition légale d'honorabilité professionnelle.

Partant, l'interdiction professionnelle que la CSSF envisage de prononcer viserait toutes les activités professionnelles au sein des entités surveillées par la CSSF et/ou par la BCE, en application de la Loi du 5 avril 1993 sur le secteur financier.

La CSSF envisage également de rendre publique de manière nominative, le cas échéant, (i) la décision administrative que vous ne répondez plus à la condition de l'honorabilité professionnelle pour une durée limitée (voir III.1. ci-dessus) sur base de l'article 43, paragraphe (1) de la LSF, dans la mesure où la CSSF considère que l'intérêt public justifie une telle publicité à sa mesure dans le contexte du présent dossier. En effet, la publicité viserait ici à protéger la confiance du public envers la Place financière de Luxembourg et à sauvegarder sa bonne réputation, alors même que votre nom est apparu dans le contexte de l'affaire … dans la presse nationale et internationale.

(ii) la sanction administrative consistant en l'interdiction professionnelle (voir III.2. ci-dessus) sur base de l'article 63 (2) second alinéa de la LSF.

Avant que la CSSF ne prenne une décision définitive, et conformément au règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes (procédure administrative non-contentieuse), nous vous prions de nous faire parvenir vos commentaires et observations éventuels sur les éléments de fait et de droit mentionnés dans le présent courrier pour le 15 mars 2018, au plus tard. (…) ».

Suite à plusieurs demandes afférentes de Monsieur REQUERANT entre mars et mai 2018, par le biais de son mandataire de l’époque, la CSSF prolongea, à plusieurs reprises le délai de prise de position jusqu’au 29 mai 2018, date à laquelle les observations de Monsieur REQUERANT furent finalement adressées à la CSSF.

Par un courrier de son litismandataire de l’époque du 23 mars 2018, Monsieur REQUERANT avait encore sollicité la communication des pièces de son dossier administratif, demande à laquelle la CSSF fit droit en date du 6 avril 2018, lui communiquant le dossier administratif sous forme digitale en date du 17 avril 2018.

La demande de Monsieur REQUERANT du 27 avril 2018 de se voir transmettre certaines pièces spécifiques non incluses dans le dossier administratif lui communiqué, rappelé en date du 7 mai 2018, fut finalement rejetée par une décision de la CSSF du 9 mai 2018.

Par une décision du 26 février 2020, la CSSF décida de retirer l’honorabilité professionnelle de Monsieur REQUERANT pour une durée de 10 ans, ainsi que de publier cette mesure de manière nominative sur base notamment des motifs suivants :

« (…) Dans le cas présent, nous considérons que les griefs adressés à REQUERANT lui sont personnellement imputables et que sa responsabilité individuelle est engagée en raison du cumul des fonctions qu'il exerçait au moment des faits, tel que repris dans le tableau au point i) ci-dessus.

iii) Non-respect du cadre réglementaire applicable et mesures décidées • En résumé, et nonobstant les explications que vous nous avez fournies dans votre lettre du 29 mai 2018, en ce compris les 31 pièces annexées, il est incontestable qu'au moment des faits retenus dans le cadre de la présente procédure REQUERANT, dans l'exécution des différentes fonctions à un haut niveau de hiérarchie au sein de la Banque, en tant que directeur agréé par la CSSF et donc dans le cadre des responsabilités qui découlent de l'exercice de toutes ces fonctions, ne s'assurait pas du respect par la Banque des dispositions légales en matière de gouvernance interne que nous avons mentionnées dans notre courrier du 14 mars 2018, telles que requises par l'article 5, paragraphe (1bis), l'article 37-1, paragraphes (2), (4) et (6), l'article 37-2, paragraphe (1) et l'article 38-1 de la LSF, et dont les dispositions sont détaillées dans la circulaire CSSF 12/552 portant sur l'administration centrale, la gouvernance interne et la gestion des risques, telle que modifiée par les circulaires CSSF 13/563, CSSF 14/597, CSSF 16/642, CSSF 16/647 et CSSF 17/655 (ci-après la « Circulaire CSSF 12/552 ») • Le non-respect des obligations professionnelles par REQUERANT pour la période 2010-2015 porte également sur les aspects LBC/FT, et plus précisément par rapport à l'article 39 de la LSF, par rapport à la Loi du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme (ci-après la « Loi du 12 novembre 2004 ») ainsi que par rapport au Règlement grand-ducal du 1er février 2010.

Outre les manquements graves et manifestes au cadre réglementaire, la CSSF estime que REQUERANT n'a pas eu un comportement éthique et acceptable (pour un Directeur normalement prudent et diligent) dans la mesure où il a abusé de sa position de Directeur autorisé afin de faire procéder à l'entrée en relation d'affaires avec le client …, alors que son profil risque n'était pas en ligne avec les clients habituels de la Banque (en termes d'appétence de risque due notamment au risque pays représenté par les Emirats Arabes Unis). Les alertes compliance relatives aux principales entrées de fonds sur le compte du client … ont été clôturées sur base d'une note datée du 22 novembre 2012 mais remise par REQUERANT en date du 12 décembre 2012 afin de justifier l'origine des fonds de trois transactions représentant un total de 315 millions USD. Néanmoins, nous considérons que cette note était trop succincte principalement par rapport à l'importance des entrées de fonds, par rapport au fait que ces entrées de fonds ont eu lieu dans un laps de temps limité de quelques mois, que les fonds provenaient de deux sociétés à propos desquelles demeuraient sans réponse satisfaisante des questions auprès du département Compliance en lien avec les bénéficiaires économiques, mais également par rapport au statut PEP du client. Ce faisant, il a mis en péril la réputation de la Banque, mais également celle de la Place financière luxembourgeoise en permettant des entrées de fonds non justifiées et à tout le moins douteuses. Il est rappelé que la réputation de la place et d'une banque participent à la confiance du public dans la place financière qui est un garant de la stabilité financière du secteur bancaire et financier.

• En d'autres termes, il est retenu que REQUERANT n'a pas veillé au respect du cadre réglementaire en vigueur (en particulier les dispositions précitées) alors qu'il exerçait des fonctions au sein de la Banque dont l'objet était justement de veiller au respect de ce corps de règles. Ce manque de préoccupation et les manquements constatés sont révélateurs d'une attitude pour le moins peu respectueuse des lois réglementant précisément l'exercice des fonctions soumis à la condition de l'honorabilité professionnelle et mettent à mal le constat que les fonctions exercées par REQUERANT l'ont été de manière irréprochable, comme l'exige pourtant l'article 7 de la LSF afin de conclure qu'une personne jouit de son honorabilité professionnelle. Ceci amène donc la CSSF à considérer que la condition légale de l'honorabilité professionnelle visée à l'article 7 de la LSF n'est plus respectée dans le chef de REQUERANT.

I.

Réfutation des principaux axes de défense de REQUERANT (…) 1) Quant à la date d'entrée en relation d'affaires effective avec … La CSSF considère toujours que l'entrée en relation d'affaires a eu lieu dès février 2010, alors que vous considérez que cette dernière a été établie en septembre 2010, au moment de l'approbation du dossier par le Comité Exécutif (ci-après « Comex »).

(…) Il résulte de l'analyse qu'en application du critère prévu par la Loi du 12 novembre 2004 qui détermine le moment d'entrée en relation d'affaires effective, il ne peut être contesté que cette relation d'affaires a eu lieu dès février 2010 dans la mesure où … s'est vu proposer à ce moment-là les services de la Banque par REQUERANT.

REQUERANT a joué à cette époque un rôle essentiel dans l'entrée en relation avec …, par le biais de BANQUE 2tout en donnant priorité aux relations commerciales avec … au détriment du cadre réglementaire, des procédures internes de la Banque qui visent à assurer une gestion saine et prudente de la Banque, et en mettant donc in fine en péril la gestion saine et prudente de celle-ci.

2) Quant à la responsabilité individuelle de REQUERANT • Vous invoquez à plusieurs reprises la responsabilité collégiale de la Direction autorisée et du Conseil d'Administration dans les manquements et dysfonctionnements relevés à la suite de notre contrôle sur place. Vous réfutez ainsi la responsabilité individuelle de REQUERANT et considérez que, tout au plus, il s'agirait d'une responsabilité collégiale.

• Toutefois, vous omettez de considérer le cadre réglementaire dans lequel la procédure administrative de la CSSF se situe. Les décisions imposant une mesure prudentielle sur l'honorabilité professionnelle tiennent compte des qualités, comportements et agissements personnels de REQUERANT. Ainsi, comme indiqué plus haut, la condition de l'honorabilité professionnelle se vérifie nécessairement de manière personnelle et individuelle dans le chef d'un dirigeant donné. Le moyen de défense invoqué par REQUERANT essayant de se déculpabiliser en chargeant l'organe social collégial de la Banque pourrait être légitime dans une procédure visant la Banque, mais non dans une procédure visant spécifiquement, individuellement et personnellement REQUERANT.

La présente procédure s'adresse dès lors à REQUERANT qui, dans ses fonctions de directeur, est soumis à la condition légale d'honorabilité et d'expérience professionnelle. Et, comme indiqué plus haut, la question de l'honorabilité professionnelle étant individuelle, personnelle et spécifique à chaque personne, cette dernière ne s'apprécie pas par rapport à un collège et sa logique juridique est ainsi étrangère à une logique de dédommagement ou de réparation d'un quelconque préjudice.

3) Quant à votre moyen de défense selon lequel la CSSF se serait basée sur l'unique dossier … pour envisager sa sanction à l'encontre de REQUERANT • Dans notre courrier du 14 mars 2018, nous affirmons que: « les lacunes dans la mise en place et le contrôle des principes de gouvernance édictés par le Conseil d'Administration de la Banque ont été constatées dans le cadre de l'analyse du dossier …, mais ont également été relevées dans d'autres dossiers qui ont fait l'objet d'une revue externe mandatée par la Banque et pour lesquels M. A. était aussi le gérant de fait des relations d'affaires » (haut de la page 6/59), sans préciser toutefois de quels dossiers il pourrait s'agir.

Vous vous interrogez dès lors en page 7 de votre courrier du 29 mai 2018 sur la légitimité de notre décision d'infliger à REQUERANT et à lui seul des mesures respectivement des sanctions administratives consistant en un retrait de son honorabilité et une interdiction professionnelle, sur base de l'analyse du seul dossier ….

• Nous attirons votre attention sur le fait que, si en effet une revue externe des autres relations d'affaires pour lesquelles REQUERANT était également le gérant a été mandatée par la Banque, les conclusions de cette revue externe n'ont pas été utilisées dans le développement des griefs à l'encontre de REQUERANT dans le cadre de notre procédure administrative non contentieuse, raison pour laquelle les conclusions de cette revue externe n'ont pas été transmises en annexe à notre courrier du 14 mars 2018.

Il est donc correct de dire que nous nous sommes basés uniquement sur le dossier … dans notre analyse des dysfonctionnements et autres manquements reprochés à REQUERANT, tels un non-respect des règles d'entrée en relation d'affaires avec une personne politiquement exposée (ci-après « PEP » ), la mise en place d'une structure dédiée pour le client … sans avoir obtenu les autorisations requises, qui plus est en présence de structures complexes, conflits d'intérêts nés du cumul des fonctions de REQUERANT, lacunes dans le monitoring des transactions, etc. Et c'est justement parce que ces derniers sont suffisamment graves de par leur nature et de par les fonctions occupées par REQUERANT à l'époque des faits (2010-2015) qu'ils pourraient justifier à eux seuls les mesures retenues par la CSSF.

En effet, il n'existe aucune disposition légale ou aucun principe général de droit qui interdirait à la CSSF de prendre une décision sur l'honorabilité et/ou une sanction administrative sur base d'un seul dossier, compte tenu de la gravité et de l'importance des manquements dans ce seul dossier. Aucune des dispositions légales à la base de la décision prise ne requiert ainsi de répétition de manquements. Au final, un seul fait d'une gravité suffisante peut entraîner une décision négative par l'autorité de surveillance sur l'honorabilité et/ou une sanction administrative telle que l'interdiction professionnelle.

La succession de manquements graves au cadre réglementaire relevés dans la présente affaire ne remplissent pas la condition d'une activité irréprochable et sont de nature à mettre en péril la Banque et la confiance dans le secteur financier. Ils ont également nui à la réputation de la place financière de Luxembourg, et ils justifient entièrement les décisions que la CSSF prend à l'égard de REQUERANT.

En résumé, nous considérons que la gravité des faits reprochés à REQUERANT dans le seul dossier … est telle qu'elle suffit à justifier d'envisager de lui imposer un retrait d'honorabilité professionnelle pour une durée de 10 ans.

4) Quant au statut de REQUERANT en tant que Directeur autorisé responsable de la fonction Compliance, ensemble avec les autres membres du Comex • Vous contestez formellement la responsabilité de REQUERANT en tant que « Directeur autorisé, responsable de la fonction compliance » pour les années 2010 et 2011 et vous indiquez qu' « il est tout au plus possible d'en conclure qu'il aurait été désigné à cette fonction pour l'année 2011, ensemble avec les autres membres du Comex […] ».

• La CSSF conclut que REQUERANT était responsable de la fonction Compliance pour les exercices 2010 et 2011, certes avec les autres membres du Comex. Il découle incontestablement du tableau B.4.6. transmis par la Banque en date du 31 décembre 2009 que REQUERANT faisait effectivement partie des membres de la Direction désignés responsables de la fonction Compliance et ce dès 2010, date de l'entrée en relation d'affaires avec le client …. Nous nous référons à l'Annexe 1 au présent courrier.

Contrairement à ce que vous avancez, nous ne considérons pas « REQUERANT comme le seul, unique et véritable « responsable de la fonction Compliance » au sein de la Banque pour les années 2010-2011 ». Néanmoins, il est un fait qu'il faisait partie du collège des Directeurs autorisés responsables de la fonction Compliance dès 2010. Il se devait dès lors de veiller à en faire respecter les obligations dans les fonctions qui étaient les siennes, telle celle de Directeur autorisé en charge de l'Ingénierie Financière et Patrimoniale (ci-après « IFP »). En conclusion, nous considérons que, même si cette responsabilité était également celle des autres membres du Comex, REQUERANT était bien Directeur autorisé en charge de la fonction Compliance pour les années 2010 et 2011 et ses manquements ont aujourd'hui un impact négatif sur la condition d'honorabilité professionnelle qui s'apprécie dans son chef.

Ainsi, nous avons bien pris note du fait que … serait prêt à témoigner du fait que REQUERANT n'était en rien responsable de la fonction Compliance au sein de la Banque (en page 29 de votre courrier du 29 mai 2018). Néanmoins, pour les raisons évoquées ci-dessus, force est de constater que REQUERANT était bien responsable de la fonction Compliance pour les exercices 2010 et 2011, conjointement avec les autres membres du Comex.

5) Quant à l'implication de REQUERANT dans la fonction Compliance au « day-to-

day » • En relation avec le point précédant portant sur le statut de REQUERANT en tant que Directeur autorisé responsable de la fonction Compliance, ensemble avec les autres membres du Comex, vous indiquez également en page 12 de votre courrier du 29 mai 2018 qu' « à la lecture de nombre de pièces contenues dans votre dossier, il ressort clairement que les fonctions Compliance au sein de la Banque étaient effectivement exercées par M …, Mme …, au cours des années 2010-2011, ou d'autres personnes.

De toutes ces pièces, il ressort clairement que REQUERANT ne disposait pas du pouvoir d'influencer les décisions de M … ou de Mme … à l'époque responsables de la fonction Risque-Compliance en « day to day » au sein de la Banque. » Cette affirmation est formellement contestée par la CSSF.

En effet, les pièces invoquées en pages 12 et 13 de votre courrier du 29 mai 2018 datent toutes au minimum de septembre 2010, à savoir des pièces datant au plus tôt de la préparation de la présentation de la relation d'affaires du client … qui a eu lieu le 15 septembre 2010 devant les instances du Comex.

Elles permettent dès lors tout au plus de démontrer que … et … ont exercé leurs fonctions Compliance dans le cadre normal de la présentation d'un dossier au Comex.

Ces pièces ne permettent pas de démontrer leur implication avant septembre 2010, alors que celle du Département IFP l'est, de façon indiscutable.

Nous ne prétendons à aucun moment dans notre courrier du 14 mars 2018 que REQUERANT ait pris part au « day to day » de la fonction Compliance, mais plutôt qu'il ait fait partie des membres de la Direction en charge de la fonction Compliance.

Tel que mentionné en page 10 de votre courrier du 29 mai 2018, le dossier étant un dossier « HNWI » (« High Net Worth Individual », il était primordial que le contact privilégié de ces clients « clés » soit entretenu au plus haut niveau hiérarchique de la Banque. Or c'est en raison de ce rôle clé que REQUERANT, en tant que Directeur autorisé en charge de la fonction Compliance, aurait dû promouvoir un respect irréprochable des politiques liées à l'entrée en relation d'affaires de tels clients.

Ce reproche d'un manque de respect des politiques liées à l'entrée en relation d'affaires est également adressé à REQUERANT, pour les mêmes raisons, dans le cadre des transactions effectuées pour compte du client ….

Finalement, vous soulignez à longueur de vos observations écrites du 29 mai 2018 que REQUERANT ne peut pas être la seule personne au sein de la Banque à porter la responsabilité personnelle et individuelle des manquements. Vous avancez ainsi en substance une violation du traitement égalitaire face à d'autres dirigeants. La CSSF considère à cet égard que le principe d'égalité de traitement n'est pas violé : d'une part. en raison de ses nombreuses fonctions (cumul), et de la nature de ces fonctions (responsable du Département IFP), REQUERANT ne se trouvait pas dans la même situation que d'autres dirigeants de sorte qu'un traitement différencié et adapté repose sur des critères objectivement vérifiables, d'autre part, le principe d'égalité ne peut être interprété dans le sens qu'il empêcherait la CSSF à agir successivement contre les membres des organes dirigeants à titre individuel.

II. Les obligations de REQUERANT en tant que Directeur autorisé et membre du Conseil d'Administration de la Banque (…) • Dans notre courrier du 14 mars 2018, nous considérons ainsi que le fait d'avoir procédé à la mise en place effective d'une structure complexe dédiée pour le client … dès février 2010, alors que cette structure n'a été approuvée par les instances compétentes de la Banque qu'en septembre 2010, ne respecte pas les exigences du point 52 de la Circulaire CSSF 12/552 (« les décisions prises par la Direction autorisée sont dûment documentées »), ainsi qu'en contradiction du critère d'une activité irréprochable tel que requis par l'article 7, paragraphe (1) de la LSF.

Nous considérons également que REQUERANT n'a pas non plus fait preuve d'un comportement loyal et transparent tel que requis par les procédures internes de la Banque et la Loi du 12 novembre 2004, à plus forte raison dans la mesure où il s'agissait d'un PEP qui requérait la mise en place de moyens de vigilance renforcée. Nous renvoyons à l'article 3-2, paragraphe (4) de la Loi du 12 novembre 2004, et plus spécifiquement la lettre b) qui requiert d'« obtenir l'autorisation d'un niveau élevé de la hiérarchie avant de nouer une relation d'affaires avec de tels clients ».

Par ailleurs, si le Code de déontologie confirme que des employés de la Banque pouvaient agir en tant qu'Administrateurs pour les sociétés établies au nom des clients de cette dernière, le Code de déontologie établit également que ces mandats doivent être déclarés afin d'éviter toute problématique de conflits d'intérêts. Nous nous référons également au point IV.3. de notre présent courrier.

En mettant en place une structuration complexe dédiée pour le client … dès février 2010 (fonds FONDS 1 dont l'Administrative Agreement a été signé le 22 février 2010), alors que cette dernière n'a été autorisée par les instances compliance et Comex qu'en septembre 2010, REQUERANT n'a pas permis à la Direction de la Banque, dans son ensemble, de respecter les dispositions du point 54 de la Circulaire CSSF 12/552, à savoir veiller à ce que les différents intervenants disposent en permanence des moyens nécessaires pour exécuter leurs missions respectives en conformité avec la réglementation applicable et de mettre en place les dispositifs de contrôle adéquats à cet effet. Dans cette optique, la Direction autorisée de la Banque doit prévoir des contrôles adéquats afin de garantir la conformité à la réglementation. Ce constat a été aggravé par la mise à disposition au client et à ses collaborateurs de téléphones portables et d'adresses Gmail dédiées en dehors du circuit officiel de la Banque. Nous renvoyons à la partie 111.4. du présent courrier pour cet aspect spécifique.

Ce faisant, REQUERANT n'a pas non plus permis le respect des principes directeurs édictés par le Conseil d'Administration et relatifs aux mécanismes de contrôle interne qui incluent les fonctions de contrôle interne et la politique de rémunération, les principes directeurs en matière d'escalade, de règlement et de sanctions visant à assurer que tout comportement non respectueux de règles applicables soit adéquatement poursuivi et sanctionné, ainsi que les principes directeurs en matière de déontologie (« code de conduite interne ») et de valeurs d'entreprise, y compris dans le domaine de la gestion des conflits d'intérêts (point 17 de la Circulaire CSSF 12/552).

Enfin, en l'absence de connaissance d'une telle structure dédiée à …, cette dernière n'a pas pu être intégrée à l'évaluation critique du dispositif de gouvernance interne à effectuer par le Conseil d'Administration au moins une fois par an, tel que requis par le point 20 de la Circulaire CSSF 12/552.

• Compte tenu de ce qui précède, nous considérons que les informations que vous nous avez fournies en réponse aux griefs relevés à la section I de notre courrier du 14 mars 2018 ne sauraient être prises en compte pour mitiger les constats formulés dans notre courrier.

En conséquence, REQUERANT n'a pas respecté les dispositions des articles 38-1 et 7, paragraphe (1) de la LSF, ainsi que les points 17, 20, 52 et 54 de la Circulaire CSSF 12/552.

Partant, REQUERANT manque à la condition d'honorabilité professionnelle dans la mesure où ces manquements indiquent que REQUERANT n'a pas exercé ses fonctions au sein de la Banque de manière irréprochable. Partant, ces faits imputables à REQUERANT entraînent la perte de l'honorabilité dans son chef.

III. Manquements en matière de gouvernance interne et en matière LBC/FT (…) 1) Entrée en relation d'affaires avec le client … i.

Non-respect des règles d'entrée en relation d'affaires avec le client … (…) • Etant donné ce qui précède, nous sommes d'avis que les informations que vous nous avez fournies en réponse aux griefs relevés à la section 11.1.a) de notre courrier du 14 mars 2018 ne sauraient valoir pour mitiger les constats formulés dans ce dernier courrier.

En conséquence, nous considérons que REQUERANT n'a pas respecté les dispositions suivantes :

o L'article 1er, paragraphe (13), l'article 3, paragraphe (4) et l'article 3-2, paragraphe (4), point (h) de la Loi du 12 novembre 2004 ainsi que le point 4.

Personne exerçant des fonctions publiques importantes (PEP) des Règles de Compliance Groupe BANQUE 1 (2008) pour ce qui est de l'initiation de l'entrée en relation d'affaires avec … sans impliquer préalablement les autres membres du Comité Exécutif (ci-après le « Comex ») et sans effectuer les diligences professionnelles requises par la LSF et la réglementation LBC/FT et transposées dans les procédures de la Banque ;

o les articles 3-2, paragraphe (4) de la Loi du 12 novembre 2004, l'article 3, paragraphe (4), alinéa 4 du Règlement grand-ducal du ter février 2010 ainsi que le point 4. Personne exerçant des fonctions publiques importantes (PEP) des Règles de Compliance Groupe BANQUE 1 (2008) pour ce qui est de l'habilitation de REQUERANT à engager la Banque, seul, dans une relation d'affaires avec un PEP ;

o le point 14.2. du Règlement interne BANQUE 1, le point 3.1.a) de la Circulaire CSSF 95/120, et les points 10 et 12 de la Circulaire CSSF 12/552 pour ce qui est de l'habilitation de REQUERANT à procéder à la mise en place de structures dédiées sans obtenir les autorisations préalables.

Partant, REQUERANT manque à la condition d'honorabilité professionnelle dans la mesure où ces manquements indiquent que REQUERANT n'a pas exercé ses fonctions au sein de la Banque de manière irréprochable. Partant, ces faits imputables à REQUERANT entraînent la perte de l'honorabilité dans son chef.

i. Lacunes dans la constitution et le suivi du dossier … du client … (…) • Compte tenu des développements qui précèdent, nous retenons REQUERANT comme responsable des manquements qui lui sont reprochés et nous sommes donc d'avis que les informations que vous nous avez fournies en réponse aux griefs relevés à la section II.1.b) de notre courrier du 14 mars 2018 ne sauraient être prises en compte pour mitiger les constats formulés dans notre courrier.

En conséquence, nous considérons que REQUERANT n'a pas respecté les dispositions suivantes :

o l'article 3-2, paragraphe (4) point c) de la Loi du 12 novembre 2004 ;

o l'article 3, paragraphe (4), alinéa 5 du Règlement grand-ducal du 1er février 2010 ;

o le point 3. Connaissance du client des Règles de Compliance Groupe BANQUE 1 (2008) ;

o le point 135, 5ème tiret, de la Circulaire CSSF 12/552 ;

o le point 137, paragraphe (1), de la Circulaire CSSF 12/552.

Partant, REQUERANT manque à la condition d'honorabilité professionnelle dans la mesure où les lacunes constatées dans la constitution et le suivi du dossier … du client … indiquent que REQUERANT n'a pas exercé ses fonctions au sein de la Banque de manière irréprochable. Partant, ces faits imputables à REQUERANT entraînent la perte de l'honorabilité dans son chef.

2) Mise en place d'une structure dédiée pour le client … (…) • Etant donné ce qui précède, et dans la mesure où REQUERANT revêt sa part de responsabilité pour les raisons évoquées ci-dessus, nous sommes d'avis que les informations que vous nous avez fournies en réponse aux griefs relevés à la section II.1.b) de notre courrier du 14 mars 2018 ne sauraient être prises en compte pour mitiger les constats formulés dans notre courrier.

En conséquence, nous considérons que REQUERANT n'a pas respecté les dispositions suivantes :

o Pour ce qui est de la constitution d'un fonds FONDS 1 en date du 22 février 2010 préalablement aux autorisations requises, le Règlement interne BANQUE 1, page 15, partie 13.2. ;

o Pour ce qui est de la signature de l'Administrative Agreement du fonds FONDS 2 exclusivement par des membres de l'équipe IFP, les dispositions suivantes applicables à l'IFP dont REQUERANT était pourtant le Directeur autorisé en charge, à savoir :

- la procédure « Création et suivi des sociétés offshore domiciliées à l'… » ;

- la procédure « Ouverture de comptes personnes morales » ;

- la Circulaire IML 96/126 en son point 4.1. ;

o Pour ce qui est de la complexité de la structure mise en place pour … et de la remontée des informations aux instances dirigeantes, les points 17, 20, 163 et 164 de la Circulaire CSSF 12/552 ;

o Pour ce qui est de l'octroi de crédits lombard aux sociétés de … avec pour nantissement les avoirs de SOCIETE 2 alors que certaines alertes du type compliance relatives aux entrées de fonds sur ce compte sont restées ouvertes, l'article 4, paragraphe (1) de la Loi du 12 novembre 2004, de même que le point 103 de la Circulaire CSSF 12/552 et enfin, le « Dispositif d'administration centrale et de gouvernance interne ».

Partant, REQUERANT manque à la condition d'honorabilité professionnelle dans la mesure où les lacunes constatées en lien avec la mise en place d'une structure dédiée pour le client … indiquent que REQUERANT n'a pas exercé ses fonctions au sein de la Banque de manière irréprochable. Partant, ces faits imputables à REQUERANT entraînent la perte de l'honorabilité dans son chef.

3) Conflits d'intérêts nés du cumul de vos fonctions de Directeur général-Président du Comex, membre du Conseil d'Administration et personne de contact principale du client … au sein de la Banque (…) • Etant donné ce qui précède, et dans la mesure où REQUERANT revêt sa part de responsabilité pour les raisons évoquées ci-dessus, nous sommes d'avis que les informations que vous nous avez fournies en réponse aux griefs relevés à la section III. de notre courrier du 14 mars 2018 ne sauraient être prises en compte pour mitiger les constats formulés dans notre courrier.

En conséquence, nous considérons que REQUERANT n'a pas respecté les dispositions suivantes :

o Pour ce qui est de l'existence de situations de conflits d'intérêts, les points 25, paragraphe (2), 137, paragraphe (1), 166 et 169 de la Circulaire CSSF 12/552 ainsi que le Code de déontologie de la Banque' ;

o Pour ce qui est des situations de conflits d'intérêts qui existaient en relation avec les fonctions exercées var REQUERANT de 2010 à 2015, les points 55, 165, 167 de la Circulaire CSSF 12/552 ainsi que le Code de déontologie de la Banque ;

o Pour ce qui est du respect de la séparation fonctionnelle et organisationnelle des activités incompatibles au sein des entités de la Banque, de même qu'aux vérifications à effectuer par chaque responsable dans le cadre de sa fonction et pour l'ensemble des activités sous sa responsabilité afin de gérer au mieux les risques de conflits d'intérêts, le point 71 de la Circulaire CSSF 12/552 ;

o Pour ce qui est de la réception de cadeaux et d'avantages d'une valeur significative d'un client ou d'un intermédiaire, le Code de déontologie, la Politique de conflits d'intérêts et le Code d'éthique du Groupe BANQUE 1 en ses points 2.12.1. Acceptation de cadeaux et avantages et 2.12.2. Octroi de cadeaux et avantages.

Partant, REQUERANT manque à la condition d'honorabilité professionnelle dans la mesure où la poursuite du pur intérêt commercial pour la Banque et la poursuite de l'intérêt personnel d'avoir établi … comme client affectent défavorablement les intérêts de l'entité soumise à la surveillance prudentielle dans sa capacité à respecter le cadre réglementaire imposant une gestion saine et prudente. Il s'avère aussi qu'il n'a pas mis en œuvre personnellement les mesures pour les éviter ni pour les atténuer dans une approche respectueuse des principes d'une gestion saine et prudente. Dès lors, ces comportements affectent négativement la condition de l'honorabilité professionnelle dans la mesure où il ne peut pas être question que REQUERANT ait eu un comportement irréprochable.

4) Utilisation de téléphones portables et d'adresses mail en dehors du circuit classique de la Banque (…) • Etant donné ce qui précède, nous estimons que les informations complémentaires que vous avez apportées au travers des pièces n° 29 et 30 en annexe de votre courrier du 29 mai 2018 permettent d'établir que la commande des téléphones portables était effectivement centralisée auprès du service téléphonie de la Banque et que dès lors la Banque ne pouvait ignorer de telles commandes. Le point relatif à l'utilisation de téléphones portables n'est dès lors pas maintenu dans le cadre de la présente procédure et n'affecte donc pas la condition de l'honorabilité professionnelle de REQUERANT.

Pour ce qui est de l'utilisation de messageries électroniques ainsi que la mise à disposition de clés USB pour le client …, nous sommes d'avis que les informations que vous nous avez fournies en réponse aux griefs relevés à la section 4. de notre courrier du 14 mars 2018 ne sauraient être prises en compte pour mitiger les constats formulés dans notre courrier.

o Pour ce qui est de la mise à disposition de clés USB pour le client … ou ses collaborateurs, sur lesquelles se trouvaient des informations en lien avec les comptes du client … auprès de la Banque, nous notons que, hormis le fait de le contester, vous n'apportez pas d'éléments supplémentaires qui puissent mitiger notre grief ;

o Pour ce qui est de l'utilisation de messageries électroniques basées sur des adresses Gmail en dehors du circuit de la Banque, nous considérons que vous n'avez pas respecté les dispositions du point 12 de la Circulaire CSSF 12/552.

Partant, REQUERANT manque à la condition d'honorabilité professionnelle dans la mesure où la mise à disposition de clés USB et l'utilisation de messageries électroniques de son propre fait et en dehors du circuit de la Banque affectent défavorablement la capacité de cette dernière à respecter le cadre réglementaire imposant une gestion saine et prudente. Dès lors, ces comportements affectent négativement la condition de l'honorabilité professionnelle dans la mesure où il ne peut pas être question que REQUERANT ait eu un comportement irréprochable.

5) Lacunes dans le monitoring des transactions dans le cadre du dossier … (période 2010-2015) A. Lacunes dans les procédures en place au niveau du Département IFP (…) • Etant donné ce qui précède, et dans la mesure où REQUERANT revêt sa part de responsabilité pour les raisons évoquées ci-dessus, nous sommes d'avis que les informations que vous nous avez fournies en réponse aux griefs relevés à la section V.A. de notre courrier du 14 mars 2018 ne sauraient être prises en compte pour mitiger les constats formulés dans notre courrier.

• En conséquence, nous considérons que REQUERANT n'a pas respecté les dispositions suivantes :

1) Obligations professionnelles en matière de LBC/FT :

o L'article 4, paragraphe 1, de la Loi du 12 novembre 2004 ;

o L'article 7, paragraphe 1, du Règlement grand-ducal du 1er février 2010 ;

o L'article 6, paragraphe 1, du Règlement CSSF 12-02 ;

o L'article 38, paragraphes (1) et (2), du Règlement CSSF 12-02 ;

o L'article 39, paragraphe 1 du Règlement CSSF 12-02.

2) Dispositions légales en matière de gouvernance interne :

o L'article 4.2.1. de la Circulaire IML 96/126, et par la suite le point 95 de la Circulaire CSSF 12/552 ;

o Le point 4, paragraphe (2), de la Circulaire IML 98/143 ;

o Le point 54 de la Circulaire CSSF 12/552 ;

o Le point 101 de la Circulaire CSSF 12/552 ;

o L'article 1, paragraphe (3) 1er alinéa du Règlement grand-

ducal du 1er février 2010.

Partant, REQUERANT manque à la condition d'honorabilité professionnelle dans la mesure où l'absence de procédures adéquates encadrant les contrôles à effectuer au sein du Département IFP affecte défavorablement la capacité de la Banque à instaurer une culture de conformité et ainsi à respecter le cadre réglementaire imposant une gestion saine et prudente. Dès lors, ces comportements affectent négativement la condition de l'honorabilité professionnelle dans la mesure où il ne peut pas être question que REQUERANT ait eu un comportement irréprochable.

B. Qualité de la documentation du monitoring des transactions dans le dossier … (…) • Etant donné ce qui précède, et dans la mesure où REQUERANT revêt sa part de responsabilité pour les raisons évoquées ci-dessus, nous sommes d'avis que les informations que vous nous avez fournies en réponse aux griefs relevés à la section V.B. de notre courrier du 14 mars 2018 ne sauraient être prises en compte pour mitiger les constats formulés dans notre courrier.

En conséquence, nous considérons que REQUERANT n'a pas respecté les dispositions suivantes :

o Pour ce qui est des lacunes dans la documentation et les précisions apportées aux transactions sur le compte SOCIETE 2, la partie VI. Intégrité des marchés du Code de déontologie, l'article 1er, paragraphe (3) et (4) ainsi que l'article 3, paragraphe (4), alinéas 5 et 6 du Règlement grand-ducal du 1er février 2010 ;

o Pour ce qui est du cumul des fonctions de REQUERANT qui a affecté l'efficacité en toute indépendance et sans conflits d'intérêts des fonctions de contrôle, le point 110 de la Circulaire CSSF 12/552 et la partie III.

Comportement au travail, 4) Relations avec la clientèle, Obligations de vigilance et de prudence du Code de déontologie ;

o Pour ce qui est du fait aggravant que le client était un PEP, l'article 3-2, paragraphe (4) de la Loi du 12 novembre 2004 et le point 7. Clarifications complémentaires en cas de risques accrus des Règles de Compliance de la Banque.

Partant, REQUERANT manque à la condition d'honorabilité professionnelle dans la mesure où le manque d'informations et de justificatifs qu'il aurait dû veiller à apporter pour des transactions effectuées par un client PEP, et alors qu'il aurait dû agir de façon exemplaire en raison de ses fonctions de Directeur autorisé et membre du Conseil d'Administration, affectent défavorablement la capacité de la Banque à respecter le cadre réglementaire imposant une gestion saine et prudente. Dès lors, ces comportements affectent négativement la condition de l'honorabilité professionnelle dans la mesure où il ne peut pas être question que REQUERANT ait eu un comportement irréprochable.

C. Retard de la part des gérants dans les réponses à fournir (…) • Etant donné ce qui précède, et dans la mesure où REQUERANT revêt sa part de responsabilité pour les raisons évoquées ci-dessus, nous sommes d'avis que les informations que vous nous avez fournies en réponse aux griefs relevés à la section V.B. de notre courrier du 14 mars 2018 ne sauraient être prises en compte pour mitiger les constats formulés dans notre courrier.

En conséquence, nous considérons que REQUERANT n'a pas respecté les dispositions suivantes :

o L'article 3, paragraphe (2), point d), paragraphe (4) et paragraphe (5) de la Loi du 12 novembre 2004 ;

o L'article 1er, paragraphe (4) du Règlement grand-ducal du 1er février 2010 ;

o L'article 35, paragraphe (1) et paragraphe (2) du Règlement CSSF 12-02 ;

o Le point 5. Relations d'affaires comportant des risques accrus des Règles dans le domaine de la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et le financement de la prolifération des armes de destruction massive telles qu'approuvées par le Conseil d'Administration de Rothschild Holding S.A. le 23 novembre 2012.

Partant, REQUERANT manque à la condition d'honorabilité professionnelle dans la mesure où l'obtention tardive des informations et des justificatifs qu'il aurait dû veiller à obtenir dans le cadre d'importantes entrées de fonds en provenance d'un client PEP, et alors qu'il aurait dû agir de façon exemplaire en raison de ses fonctions de Directeur autorisé et membre du Conseil d'Administration, mais également en sa qualité de chargé de clientèle de …, affectent défavorablement la capacité de la Banque à respecter le cadre réglementaire imposant une gestion saine et prudente. Dès lors, ces comportements affectent négativement la condition de l'honorabilité professionnelle dans la mesure où il ne peut pas être question que REQUERANT ait eu un comportement irréprochable.

IV. Conclusions et mesures que la CSSF a l'intention de prendre à l'égard de REQUERANT • Il découle des développements qui précèdent, et donc des constats énoncés dans le présent courrier, ainsi que de ceux repris dans notre courrier du 14 mars 2018 auxquels vous n'avez pas pris position dans votre courrier du 29 mai 2018, que :

o REQUERANT n'a pas veillé lors de l'exercice des différentes fonctions et spécialement dans sa mission de directeur agréé de la Banque au bon respect des dispositions des articles 5, paragraphe (1bis), 37-1.

paragraphes (2), (4) et (6), 37-2. paragraphe (1) et de l'article 38-1 de la LSF requérant un solide dispositif de gouvernance interne, et dont les dispositions sont détaillées dans la circulaire CSSF 12/552 portant sur l'administration centrale, la gouvernance interne et la gestion des risques et il n'a pas contribué activement à la mise en place et au maintien ou respect d'une culture de conformité en matière des règles, en donnant priorité à la seule logique commerciale au détriment du souci d'une gestion saine et prudente de la Banque.

o REQUERANT n'a pas non plus respecté ni contribué à faire en sorte que la Banque respecte un certain nombre de ses obligations professionnelles en matière de LBC/FT par rapport à l'article 39 de la LSF, à la Loi du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme, au Règlement grand-ducal du 1er février 2010.

• Dans ce contexte, la CSSF rappelle l'article 7, paragraphe (1) de la LSF qui établit la condition de l'honorabilité professionnelle notamment dans le chef des membres de l'organe de Direction : « l'honorabilité professionnelle s'apprécie sur base des antécédents judiciaires et de tous les éléments susceptibles d'établir que les personnes visées jouissent d'une bonne réputation et présentent toutes les garanties d'une activité irréprochable ».

L'honorabilité professionnelle est une exigence fondamentale qui s'apprécie non seulement au moment de l'entrée en fonction, mais également au cours de l'exercice des fonctions soumises à agrément.

Un membre de l'organe de Direction autorisée doit à tout moment disposer de l'honorabilité nécessaire pour garantir une gestion saine et prudente de l'entité soumise à la surveillance prudentielle. Étant donné qu'une personne a soit une bonne, soit une mauvaise réputation, le principe de proportionnalité ne peut s'appliquer à l'exigence d'honorabilité sans qu'une gradation du respect de la condition ne puisse être faite.

Un membre de l'organe de la Direction autorisée est considéré comme étant honorable si rien n'atteste du contraire et s'il n'y a aucune raison d'avoir des doutes fondés sur son honorabilité (appréciation ex negativo). Il est généralement considéré que si la conduite professionnelle (ou voire personnelle) de la personne nommée suscite des doutes quant à sa capacité d'assurer une gestion saine et prudente de la Banque et n'est pas le reflet d'une activité irréprochable, il peut être justifié de considérer qu'une telle personne ne respecte plus pour l'avenir la condition de l'honorabilité et soit écartée des fonctions dirigeantes soumises à cette condition légale et qui sont soumises à une autorisation de la part de la CSSF.

Par ailleurs, l'exigence généralisée d'une activité irréprochable doit en particulier permettre d'assurer la confiance du public dans les entités autorisées, ainsi que la réputation des entités surveillées et celle de toute la Place financière luxembourgeoise. Le fait de présenter toutes les garanties d'une activité irréprochable englobe toutes les caractéristiques personnelles et professionnelles qui permettent à un individu de diriger correctement un professionnel surveillé par la CSSF. L'activité professionnelle passée et présente d'une personne sont des éléments substantiels pour apprécier et évaluer l'honorabilité de cette personne dans une perspective dirigée vers son activité sur la Place, que ce soit lors d'une procédure d'agrément ou dans le contexte d'informations sur des incidents ou irrégularités analysés par la CSSF lors de l'exercice de l'activité des personnes concernées.

Les Orientations de l'Autorité bancaire européenne du 22 novembre 2012 sur l'évaluation de l'aptitude des membres de l'organe de Direction et des titulaires de postes clés précisent notamment qu'un manque de transparence, d'ouverture et de coopération dans ses relations avec les autorités de réglementation ou de surveillance peut soulever des doutes quant à l'honorabilité d'une personne.

Ces positions furent récemment confirmées dans les orientations conjointes de l'Autorité bancaire européenne et de l'Autorité européenne des marchés financiers publiées le 26 septembre 2017. Le défaut d'honorabilité professionnelle peut notamment découler d'un comportement répréhensible, supposant par exemple un comportement mettant en péril la gestion saine et prudente de l'établissement, sa réputation et la réputation notamment internationale de la Place financière de Luxembourg. Ce comportement répréhensible peut également être lié à une attitude peu soucieuse d'assurer le respect de la réglementation en vigueur. La CSSF peut alors être amenée à remettre en question l'honorabilité professionnelle des personnes soumises à son agrément.

Il est encore rappelé que l'appréciation de l'honorabilité professionnelle ne diffère pas entre les différentes lois sectorielles du secteur financier dont la CSSF assume l'application, il s'agit d'une notion au même degré et avec la même rigueur dans toutes ces lois sectorielles. L'honorabilité professionnelle est par conséquent appréciée de manière horizontale. Par ailleurs, l'appréciation de l'honorabilité professionnelle par la CSSF constitue l'un des piliers sur lesquels repose la surveillance prudentielle.

A remarquer également qu'une décision de la CSSF qui établit qu'une personne ne respecte pas la condition de l'honorabilité professionnelle est dépourvue de tout objectif répressif. Au contraire, cette mesure a une vocation préventive (et elle a donc une nature prudentielle) en ce qu'elle s'inscrit dans le cadre des missions d'intérêt général poursuivies par la CSSF en vue de sauvegarder la stabilité et de l'intégrité financières, dans la mesure où cette condition sert à protéger les clients, déposants et investisseurs et à garantir la stabilité du système financier dans son ensemble.

• Outre les manquements repris et établis dans la présente lettre qui justifient à eux seuls la décision de la CSSF portant sur l'honorabilité de REQUERANT. il est encore rappelé que :

o La Banque a mis fin en date du 8 février 2016, unilatéralement, à son contrat d'agent lié qu'elle avait conclu avec la société SOCIETE 1 S.A.

(dont REQUERANT est l'actionnaire) et ce en raison de révélations additionnelles du blog Sarawak en lien avec … ;

o La Banque a également révoqué REQUERANT en date du 8 février 2016 de son mandat d'administrateur auprès de la Banque ;

o Il est connu publiquement que le Parquet a ouvert une enquête pénale en raison de possibles infractions pénales en relation avec les faits qui sont également à l'origine de l'amende administrative contre la Banque et qui constituent le contexte de la présente décision ayant trait à l'honorabilité de REQUERANT.

Bien qu'aucune décision coulée en force de chose jugée n'ait encore été prise dans le contexte pénal, et même en tenant compte du principe de la présomption d'innocence, la pratique généralement suivie par les régulateurs (dont la BCE) est de considérer que les circonstances sous-jacentes de la procédure peuvent rester pertinentes pour l'évaluation de toute incidence sur l'honorabilité, même si l'autorité judiciaire se prononce en faveur de la personne nommée.

• La CSSF considère que REQUERANT a enfreint son obligation de veiller au respect du cadre légal et réglementaire qui découlait à la fois de sa fonction de Directeur autorisé et de sa fonction de Directeur autorisé - administrateur (occupée à partir de novembre 2012) en charge du pôle d'Ingénierie Financière et Patrimoniale au sein de la Banque Privée.

En outre, la CSSF considère que REQUERANT a abusé de sa position de Directeur autorisé et membre du Conseil d'Administration afin de permettre une entrée en relation d'affaires pour un client à risque élevé qui s'est traduite par des entrées de fonds ne respectant pas les dispositions légales et réglementaires en matière de LBC/FT.

La CSSF estime que l'attitude de REQUERANT a entaché la réputation et l'intégrité tant de la Banque que de la Place financière luxembourgeoise, et a eu pour conséquence une rupture de confiance en sa personne dans le chef de la CSSF de nature à remettre en cause son honorabilité professionnelle au sens de l'article 7, paragraphe (1) de la LSF.

Par conséquent, au vu de l'ensemble des éléments qui précèdent, la CSSF considère que REQUERANT n'a pas agi de manière irréprochable de sorte qu'il ne respecte pas la condition de l'honorabilité professionnelle et prononce à l'égard de REQUERANT le retrait de son honorabilité professionnelle pour une durée limitée à 10 ans en tant que mesure prudentielle.

Cette décision implique que REQUERANT ne sera plus considéré comme étant apte à exercer une quelconque fonction sujette à agrément de la CSSF pour une période de 10 ans. Partant, REQUERANT devra démissionner de toute fonction qui demande le respect de la condition de l'honorabilité professionnelle ainsi qu'à prendre les dispositions nécessaires à ce qu'il ne détienne plus dc participation qualifiée, directement ou indirectement, dans des entités surveillées par la CSSF, participation qui doit également respecter une condition d'honorabilité professionnelle.

*** La CSSF décide également de rendre publique de manière nominative la décision administrative que REQUERANT ne répond plus à la condition de l'honorabilité professionnelle pour une durée limitée sur base de l'article 43, paragraphe (1) de la LSF dans la mesure où la CSSF considère qu'il existe un intérêt public qui justifie une telle publicité, dans le contexte du présent dossier.

En effet, la publicité de la mesure vise à protéger la confiance du public envers la Place financière de Luxembourg et à sauvegarder sa bonne réputation, alors même que le nom de REQUERANT est apparu dans le contexte de l'affaire … dans la presse nationale et internationale. La publicité de la mesure relative à l'absence d'honorabilité professionnelle permettra ainsi de donner une effectivité à une mesure prudentielle qui vise à écarter REQUERANT de toute fonction sujette à agrément de la CSSP pendant 10 ans. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 20 août 2020, inscrite sous le numéro 44865 du rôle, Monsieur REQUERANT a fait introduire un recours tendant, d’après son dispositif auquel le tribunal est seul tenu dans le cadre d’une requête introductive d’instance rédigée par un professionnel de la postulation, à l’annulation de la décision précitée de la CSSF du 26 février 2020 lui ayant retiré l’honorabilité professionnelle pour une durée de 10 ans, tout en décidant de rendre publique cette décision de manière nominative.

Force est d’abord de relever que la décision déférée est basée sur l’article 7, paragraphe (1) de la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier, dénommée ci-

après « la loi du 5 avril 1993 », en ce qui concerne le retrait de l’honorabilité professionnelle, respectivement sur l’article 43, paragraphe (1) de la même loi en ce qui concerne la publication de ladite décision.

Aucun recours au fond n’étant prévue en cette matière, seul un recours en annulation peut être introduit contre lesdites décisions.

Dans son mémoire en réponse et à titre liminaire, la CSSF se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours « en ce qui concerne l'existence d'une lésion, d'un intérêt né, actuel, personnel, direct et légitime du requérant à agir en réformation, sinon en annulation de la décision déférée. ».

Dans sa requête introductive d’instance, Monsieur REQUERANT donne à considérer qu’en l'empêchant d'exercer une fonction sujette à agrément de la part de la CSSF pour une période de 10 ans, en l'obligeant de démissionner de toute fonction qui demande le respect de la condition de l'honorabilité professionnelle, ainsi que de prendre toutes les dispositions nécessaires à ce qu'il ne détienne plus de participation qualifiée, directement ou indirectement, dans les entités surveillées par la CSSF et en décidant de rendre publique de manière nominative cette mesure prise à son encontre, la décision déférée aurait incontestablement porté atteinte à sa situation personnelle et patrimoniale, de sorte que son intérêt à agir serait amplement vérifié.

Force est au tribunal de préciser que s’il est exact que le fait, pour une partie, de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation, il n’en reste pas moins qu’une contestation non autrement étayée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer la carence des parties au litige et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions.

Dès lors, étant donné que la CSSF est restée en défaut de préciser dans quelle mesure Monsieur REQUERANT n’aurait pas d’intérêt à agir contre la décision déférée ayant nécessairement un impact négatif sur sa situation personnelle et patrimoniale, le moyen d’irrecevabilité afférent encourt le rejet, étant relevé que le tribunal n’entrevoit pas non plus de cause d’irrecevabilité d’ordre public qui serait à soulever d’office.

Il s’ensuit que le recours en annulation dirigé contre la décision déférée du 26 février 2020 est recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi, ce dernier ayant, en l’occurrence, été, au moment de l’introduction du recours sous examen, prorogé par l’article 6 de la loi du 20 juin 2020 portant 1° prorogation de mesures concernant - la tenue d'audiences publiques pendant l'état de crise devant les juridictions dans les affaires soumises à la procédure écrite, - certaines adaptations de la procédure de référé exceptionnel devant le juge aux affaires familiales, - la suspension des délais en matière juridictionnelle, et - d'autres modalités procédurales; 2° dérogation temporaire aux articles 74, 75, 76 et 83 de la loi modifiée du 9 décembre 1976 relative à l'organisation du notariat, 3° dérogation temporaire aux articles 15 et 16 de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat, et 4° modification de l'article 89 de la loi modifiée du 8 mars 2017 sur la nationalité luxembourgeoise.

Lors de l’audience des plaidoiries, la partie demanderesse a demandé le rejet de nouvelles pièces versées au débat par la CSSF seulement en date du 25 janvier 2024, soit à peine une semaine avant les plaidoiries, à savoir en l’occurrence un avis juridique du 12 juin 2023 sur l’honorabilité en matière financière émanant du professeur de l’Université de Luxembourg Madame …, ainsi qu’un arrêt de la Cour administrative du 23 août 2023, inscrit sous le numéro 47837C du rôle.

La CSSF estime que ces nouvelles pièces devraient être admises, alors qu’elles auraient été versées avant le rapport à l’audience, d’autant plus qu’elles se limiteraient à une jurisprudence de la Cour administrative de l’année précédente dans une affaire comparable, ensemble l’avis doctrinal citée par cette dernière dans le cadre de sa motivation.

Aux termes de l’article 8, paragraphe (6) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après dénommée « la loi du 21 juin 1999 », « Toute pièce versée après que le juge-rapporteur a commencé son rapport en audience publique est écartée des débats, sauf si le dépôt en est ordonné par le tribunal. », impliquant, a contrario, que les pièces versés avant le rapport présenté par le juge-rapporteur sont a priori recevables, sans préjudice du droit éventuel de la partie adverse d’y prendre position, le cas échéant par le biais d’un mémoire supplémentaire à autoriser par le tribunal, faculté qui, au-delà du constat qu’une telle mesure n’a pas été sollicitée par la partie demanderesse, ne s’impose pas en l’espèce, alors que la communication en question se limite à verser au débat une version écrite d’une jurisprudence de la Cour administrative, librement accessible, ainsi qu’un avis juridique versé à la Cour administrative dans l’espèce concernée et qui se trouve cité dans la motivation de l’arrêt en question, étant précisé que ledit avis juridique ne concerne pas la présente procédure, de sorte à ne pas pouvoir être considéré le cas échant comme un troisième mémoire de la part de la CSSF, lequel serait prohibé par l’article 7 de la même loi.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de rejet des pièces versées par la CSSF le 25 janvier 2024.

A l’appui de son recours et en fait, tout en rappelant certains faits et rétroactes tels que retranscrits ci-avant, la partie demanderesse expose sa version du déroulement des faits à l’origine de l’affaire sous examen, tout en soulignant qu’elle contesterait les développements factuels de la part de la CSSF, tels que figurant tant dans le courrier d’intention du 14 mars 2018 que dans la décision déférée du 26 février 2020, alors que les prétendus manquements lui reprochés constitueraient bien souvent davantage des manquements de la société anonyme de droit luxembourgeois Banque Privée Edmond de Rothschild (Europe), dénommée ci-après « la Banque », aux obligations incombant à cette dernière.

Elle explique être entrée aux services de la Banque, le 1er septembre 1997, sur base d'un contrat de travail à durée indéterminée signé en date du 30 juillet 1997, et avoir été nommée au poste de CEO (chief executive officer), président du Comité Exécutif, ci-après dénommée « le Comex », et administrateur de la Banque, en novembre 2012 après 15 ans d'une carrière interne irréprochable. Elle affirme également avoir été membre du Comité Exécutif du Groupe, …et Deputy CEO de la Banque ….

Après avoir décliné, en juillet 2015, la proposition de l'actionnaire / CEO du Groupe …, de travailler aux côtés de ce dernier à Genève, la Banque lui aurait proposé un contrat d'agent lié afin de conserver ses services et éviter qu'elle ne transfère tout ou partie des clients dont elle aurait eu la charge dans une entité concurrente. La partie demanderesse soutient qu’elle aurait accepté cette nouvelle collaboration le 15 septembre 2015 par le biais de sa société anonyme de droit luxembourgeois SOCIETE 1 SA, dénommée ci-après « la société SOCIETE 1 », dont elle aurait été actionnaire et administrateur unique et qui aurait été enregistrée par la CSSF sur le registre des agents liés en date du 3 novembre 2015.

La partie demanderesse fait relever que le 1er février 2016, elle aurait, en sa qualité d'administrateur de la société SOCIETE 1 et d'administrateur de la Banque, pris l'initiative d'organiser une réunion afin de discuter des articles parus dans la presse au sujet d'un gros client de la Banque, une personne politiquement exposée (PEP), dénommée …, dénommée ci-après « … », tout en expliquant à la Banque qu’elle-même serait prête à démissionner de ses mandats d'administrateurs / gérants des structures de ce client et en proposant à la Banque de dénoncer les sièges sociaux des sociétés de ce même client, réunion qui se serait tenue le 8 février 2016 et qui se serait transformée, à sa grande surprise, en un « réquisitoire de la Banque » à son encontre en ce qui concerne notamment la « gestion » du client faisant l’objet de la polémique. Le même jour, la Banque aurait résilié le contrat d'agent lié de la société SOCIETE 1, résiliation qu’elle aurait contestée en justice, dans le cadre d’une affaire actuellement tenue en suspens dans l'attente de la décision à intervenir au pénal dans le contexte global du scandale autour du fonds souverain malaisien « FONDS 3 », dénommé ci-après « FONDS 3 », lié au client ….

Etant donné que la Banque aurait été sanctionnée, dans ce contexte, pour défaut d’avoir eu un dispositif de gouvernance interne solide, dont la mise en place relèverait de la responsabilité de la direction et du conseil d'administration et que la CSSF aurait retenu que les manquements et dysfonctionnements y relatifs relèveraient de la responsabilité desdits organes, la partie demanderesse estime que les manquements et dysfonctionnements relevés lors du contrôle sur place seraient de la responsabilité collégiale de la direction et du conseil d'administration de la Banque et non pas seulement de la sienne, comme le laisseraient sous-entendre tant le courrier du 14 mars 2018 que la décision déférée du 26 février 2020, faisant d’elle une sorte de bouc-émissaire par le fait de la présenter comme un véritable chef d’orchestre, et ce malgré le constat que toutes les règles de fonctionnement de la Banque auraient été respectées et que les décisions auraient été prises collégialement, après de nombreux contrôles internes et externes.

La partie demanderesse en conclut que les responsabilités relatives aux manquements graves en matière de gouvernance interne ainsi qu'en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ne devraient pas être recherchées uniquement dans son seul chef, mais également dans le chef de tous les autres membres de la direction et du conseil d'administration de la Banque.

Quant à ses fonctions exercées au sein de la Banque, la partie demanderesse, donne d’abord à considérer qu’en février 2010, suite à une présentation théorique faite au client …, seule la réservation de diverses sociétés dédiées aurait été opérée, structures qui n’auraient été actives qu'après le passage en Comex, en septembre 2010, en vue des premières entrées de fonds, tout en relevant que tout ce processus aurait été parfaitement connu de la Banque et inhérent à son activité de fiduciaire, impliquant l’offre aux clients d’un panel de services complet en vue de constituer un point d'entrée unique de la Banque, services incluant notamment la mise à disposition d'administrateurs fournis par la Banque, choisis parmi son personnel, ainsi que par la mise en place de plusieurs sociétés offshore destinées à occuper la fonction de « Directors » des sociétés des clients.

Ainsi, la soi-disante structuration complexe mise à disposition du client … aurait toujours été faite en toute transparence des instances de la Banque et des autorités de contrôle, tout en répondant aux pratiques habituelles de la Banque.

Si la partie demanderesse concède qu’elle aurait effectivement occupé des fonctions importantes au sein de la Banque, elle fait cependant souligner que l'organisation interne de cette dernière ne lui aurait conféré aucun pouvoir pour procéder seule ou faire procéder seule à l'entrée en relation avec un client, qui plus est, s'agissant d'un PEP.

Etant donné qu’il ressortirait de la déclaration faite annuellement par la Banque à la CSSF, reprenant les fonctions/responsabilités au sein du Comex au 31 décembre 2010, que la fonction « Responsable(s) de la fonction Compliance » aurait incombé à l'ensemble des membres du Comex de la Banque avant sa nomination individuelle à cette fonction pour l'année 2011, il serait impossible, en l'absence de toute preuve contraire, d'affirmer qu’elle aurait été prétendument nommée à la fonction de « responsable Compliance » pour l'année 2010 à titre individuel.

La partie demanderesse invoque encore, à ce sujet, plusieurs pièces et notamment un « PV Comex 2010 », selon lequel ce seraient les dénommés … et … qui auraient été chargés de faire les différents rapports Compliance au Comex, ce qui prouverait qu'il y aurait bien eu un contrôle spécifique du Comité Compliance Clientèle Privée de la Banque, sur les clients gérés par elle, et qu’elle n’aurait pas disposé du pouvoir d'influencer les décisions de … ou de …, à l'époque responsables de la fonction Risque-Compliance en « day to day » au sein de la Banque.

La partie demanderesse fait relever que seul le Comex, agissant collégialement, aurait pu déroger aux règles d'acceptation de clients non parfaitement conformes à la typologie client habituellement accepté.

Il faudrait également considérer que les actifs du client … ne seraient arrivés qu’à partir de septembre 2012, date à laquelle la fonction compliance n'aurait plus été dévolue au Comex de façon solidaire et même avant qu’elle ne soit nommée CEO de la Banque en novembre 2012.

La partie demanderesse fait souligner qu’elle n’essayerait pas de se décharger de ses responsabilités sur d'autres personnes, mais voudrait simplement montrer qu'il se serait agi d'une responsabilité collective des instances Comex, conseil d'administration, dans leur ensemble, ne reposant pas sur elle seule.

Contrairement à ce que la CSSF affirmerait dans sa décision, la question de l'appétence de risque due notamment au risque pays, représenté par les Emirats Arabes Unis, aurait été connue de la Banque, car le dénommé … l'aurait mentionnée lors de la présentation du dossier … dans le cadre du Comex. Malgré cette mention, le dossier aurait été accepté nonobstant cette problématique, de sorte qu’il serait faux d'affirmer qu’elle n'aurait pas respecté ses obligations professionnelles pour la période 2010-2015 au regard des aspects de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. En effet, elle n'aurait pas abusé de sa position de directeur autorisé afin de faire procéder à l'entrée en relation d'affaires avec le client …, pas plus que dans la gestion de ladite relation.

Si la CSSF donnerait encore à considérer que la note explicative de novembre 2012 justifiant les entrées de fonds à hauteur de 315 millions USD aurait été « trop succincte principalement par rapport à l'importance des entrées de fonds, par rapport au fait que ces entrées de fonds ont eu lieu dans un laps de temps limité de quelques mois […] », il n'en demeurerait pas moins que la Banque se serait pourtant basée sur les seuls éléments obtenus à l'époque.

Que s'agissant du fait que ces fonds « provenaient de deux sociétés à propos desquelles demeuraient sans réponse satisfaisante des questions auprès du département Compliance en lien avec les bénéficiaires économiques », il faudrait noter que cette question aurait trouvé réponse, lorsque la presse aurait révélé en 2015 qu’un certain … aurait été le bénéficiaire économique de ces entités.

La partie demanderesse réfute encore avoir été à l’origine de l’entrée en relation d’affaires avec le client …, qui aurait été introduit auprès de la Banque par la société française du Groupe …, avec accord de rétrocession intra-groupe, à un moment où elle-

même n'aurait pas encore été CEO et président du Comex de la Banque.

Il serait donc faux de prétendre que cela aurait été elle qui aurait « initié l'entrée en relation d'affaires avec … sans initier les autres membres du Comex et sans effectuer les diligences professionnelles requises par la législation », alors qu'en tout état de cause en juin 2010, l'ensemble du Groupe … aurait été informé de la possible entrée en relations d'affaires avec ce nouveau client lors du séminaire de … de juin 2010, tel que cela ressortirait clairement des interventions filmées et enregistrées lors dudit séminaire.

Ainsi, si cela n'aurait certes pas été acté, la partie demanderesse affirme que dès le premier contact avec ce nouveau prospect, le Comex en aurait été informé.

La partie demanderesse donne encore à considérer qu’il ressortirait du dossier de la CSSF que les entrées de fonds auraient été documentées sur base des informations reçues de la part du client et acceptées par tous les organes de contrôle de la Banque et du Groupe …, dénommé ci-après « le Groupe … ». Mis à part le fait qu’elle-même et la Banque auraient été abusées par les informations reçues de ce client, rien n'aurait empêché, à l’époque, les responsables de la fonction Compliance de la Banque de refuser ces entrées de fonds s'ils les avaient estimées insuffisamment documentées.

Si défaillances il y avait eu, la partie demanderesse considère que cela aurait bien été de la responsabilité de la Banque ou du Groupe …, alors qu’elle-même aurait respecté les procédures d'entrée en relation d'affaires du Groupe … et les dispositions réglementaires applicables en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, dénommée ci-après « LBC/FT », ainsi qu'en matière de gouvernance interne.

Néanmoins, aucune alerte n'aurait été déclenchée lors de l'entrée en relation avec le client …, c'est-à-dire à l'ouverture des comptes, à la réception des fonds, ou lors des divers investissements réalisés, alors qu’il aurait, d’après la partie demanderesse, appartenu à la Banque ou au Groupe …, grâce à leurs moyens d'investigation et de contrôle renforcés, de l’alerter, elle, dès l'entrée en relations d'affaires et lors de la gestion de la relation d'affaires avec ce client classé PEP, des dangers graves auxquels elle pourrait être exposée.

La partie demanderesse concède qu’il serait parfaitement exact que le client … aurait donné des accords de principe sur les restructurations proposées dans le cadre de la visite à Abu Dhabi le 14 février 2010, puis lors d'une réunion à Paris le 19 mars 2010, tout en précisant que dans le cadre du suivi hebdomadaire des dossiers importants effectués en comité de direction Private Banking, dénommée ci-après « le comité PB », en comité Ingénierie Financière et Patrimoniale, dénommée ci-après « le comité IFP » et en Comex, les avancées sur ces dossiers auraient été présentées.

Le fait de réserver des structures sociétaires luxembourgeoises ou Offshore serait resté soumis, avant l’activation de ces structures, à la validation de l'entrée en relation (ouverture de comptes bancaires) par les divers organes de la Banque, en l’occurrence le Comité Compliance, le comité de direction, le comité BP, ainsi que le Comex).

Ainsi, la création du fonds FONDS 1 en février 2010 n’aurait constitué qu'une étape préparatoire à la relation d'affaires qui n’aurait été formalisée que par l'ouverture de comptes bancaires après la décision du Comex du 15 septembre 2010 qui aurait été parfaitement au courant du dossier … dès les premières démarches engagées pour présenter les services de la Banque.

Si la CSSF aurait pu constater des lacunes de la Banque dans le formalisme permettant de vérifier que la validation des projets des structures de sociétés proposées par le département IFP soit remontée au comité BP et au Comex, il n'en demeurerait pas moins que les validations du comité IFP n'auraient pas emporté acceptation d'une ouverture de compte, pouvoir qui n’aurait ni été dévolu au Comité IFP ni à elle-même.

La partie demanderesse rappelle que le dossier … aurait été présenté les 7 et 8 juin 2010 en tant que projet quasi abouti dans le cadre du séminaire de … des 7 et 8 juin 2010, regroupant le top 200 des entités du Groupe et bien évidemment, les comités de direction et Comex. Cet événement, qui aurait été présidé par Monsieur et Madame …, aurait rassemblé bon nombre d'administrateurs du Groupe …, les employés non présents ayant pu suivre les interventions en streaming.

Il serait donc faux de prétendre que les autres membres du Comex n'auraient pas été informés des décisions qui auraient été prises et qui auraient engagées la responsabilité de la Banque de façon collégiale, de sorte qu’il ne saurait lui être reproché, aujourd’hui, ensemble avec les autres membres de l'IFP, d'avoir commencé à travailler sur ce dossier, alors que l'ouverture des comptes de ce client n'avait pas encore été décidée.

La vision de la CSSF de l'entrée en relation d'affaires avec le client … serait complètement faussée, alors que l'implication préalable des instances dirigeantes de la Banque serait largement démontrée, étant relevé que la Banque et les autres établissements de crédit de la place financière n’auraient, en 2010, pas forcément retenu en pratique la même acceptation concernant l'entrée en relation d'affaires que la CSSF en 2020.

La partie demanderesse affirme également, dans ce contexte que l’entrée en relation d'affaires n’aurait été accompagnée d'aucune pression de sa part.

Quant aux prétendues lacunes dans la constitution et le suivi du dossier KYC (Know Your Customer) du client …, la partie demanderesse fait plaider qu’elle ne saurait être tenue pour responsable de la disparition de certains documents de la Banque, alors qu’elle n’aurait plus fait partie des employés de la Banque depuis le 15 septembre 2015 et qu’elle n’aurait jamais conservé de copies des documents d'ouvertures de comptes, ou de documents transmis par les clients, conformément aux procédures internes de la Banque.

La partie demanderesse souligne que Monsieur Groupe …, CEO de la Banque lors de la réunion dans les locaux de la CSSF du 24 mars 2016 à propos du dossier …, aurait expressément reconnu que s'agissant des clients du Moyen-Orient, la qualité et la mise à disposition de la documentation servant de support serait souvent lacunaire pour ce type de clients.

La partie demanderesse fait relever, dans ce contexte, qu’elle aurait, en tout état de cause, remis à la Banque toutes les preuves justifiant la provenance des fonds qu'elle aurait reçues du client ….

Il serait encore totalement erroné de la part de la CSSF d’affirmer qu’elle aurait fait procéder seule à la création d'un fond FONDS 1 en date du 22 février 2010, alors qu'elle n'en aurait pas eu l'habilitation, étant relevé qu’en vertu du règlement interne de la Banque, toutes les autorisations de constitution d'un fonds relèveraient du comité de direction Organismes de Placement Collectif, dénommé ci-après « le comité OPC ».

Ce serait finalement le comité OPC qui aurait, en définitive, validé le montage consistant en la création du fonds FONDS 1.

Ce serait encore à sa propre demande et bien avant l'entrée en relation avec … que des assurances spécifiques couvrant ces mandats auraient été contractées.

La partie demanderesse souligne que les équipes de la Banque, en ce y compris le Comex et le conseil d’administration, dénommé ci-après « CA », auraient été habitués à ce genre de structure, sans que le dossier …, comme pour tous les autres dossiers, n'auraient jamais été soumis dans le détail au CA, auquel il aurait cependant été loisible de solliciter toutes les informations nécessaires.

Ainsi, la partie demanderesse rappelle qu’elle ne pourrait clairement pas être considérée comme seule responsable, alors que le point 17 de la Circulaire CSSF 12/552 préciserait explicitement que le CA aurait la responsabilité globale de l'établissement.

Dans ce contexte, la partie demanderesse donne à considérer qu’elle aurait été le seul membre à présenter en Comex et en CA un projet outsourcing de l'activité fiduciaire, en raison des évolutions juridiques et fiscales pour éviter, d’une part, de passer « de la connivence passive à la complicité active » et, d'autre part, des conflits d'intérêts.

Il n'en demeurerait pas moins qu’elle aurait tout mis en œuvre pour obtenir du client … plus d'éléments dès 2010, tout en insistant sur le fait que le dossier aurait pourtant été accepté comme tel par la Banque.

Si elle ne conteste pas qu’une alerte pour compléter la documentation justificative de l'entrée de fonds de 20,75 millions USD en 2013 lui aurait bien été transmise, la partie demanderesse explique que le client … aurait donné à l'époque des informations verbales transmises au département Compliance et que le contrat formel n'aurait été obtenu qu'en septembre 2015.

La partie demanderesse retient, qu’en tant que membre du Comex du Groupe, elle pourrait témoigner du fait que le dossier … y aurait également été abordé dans le cadre de la volonté du Groupe de développer le marché du Conseil de coopération du Golfe, dénommé ci-après « le GCC », sans qu’une mention de dysfonctionnements ou de problématiques quelconques dans le cadre du dossier … n'aurait été abordée dans ce comité, ce qui prouverait qu’elle n'aurait pas été en position d'influencer l'un ou l'autre des membres du Comex de la Banque, respectivement du Comex du Groupe, comme le retiendrait faussement la CSSF dans sa décision du 26 février 2020.

Elle relève que les pouvoirs du Comex auraient été limités à 15 millions d'euros, de sorte que le dossier …, bien supérieur à cela, en termes d'encours crédits, aurait été du ressort décisionnel du CA. Ainsi, il apparaîtrait purement théorique de considérer qu’il lui aurait personnellement incombé d’aviser le CA de l'existence d'une entrée de fonds, minime par rapport aux actifs du client, laquelle n’aurait pas été suffisamment documentée.

La partie demanderesse fait encore souligner que jusqu'aux révélations de presse débutées à l'été 2015 (…), fin 2015 et début 2016, aucun lien n'aurait été fait concernant le client … avec le scandale financier « FONDS 3 », de sorte que la Banque ou le Groupe …, dans leur rôle de contrôle et de surveillance, ne l’auraient jamais avisée, ni fait de déclaration de soupçon avant octobre 2015, ces derniers n'ayant pas cru bon pousser davantage leurs investigations par rapport à ce client, alors même que d'importants signaux d'alerte auraient été déclenchés.

N'ayant jamais été avertie des liens avérés avec l'affaire « FONDS 3 », malgré le contrôle renforcé de la Banque sur le dossier de … dès 2014, la partie demanderesse soutient ne jamais avoir disposé au sujet de ce client « PEP » d'informations que la Banque n'aurait pas eues.

La partie demanderesse fait encore souligner que lorsqu'une décision aurait dû être prise par le CA au sujet d'un dossier lié au client …, elle n’aurait pas participé au vote pour éviter toute suspicion de conflit d'intérêts, de sorte à contester avoir commis une quelconque infraction aux dispositions de l'article 4, paragraphe (1) de la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme, dénommée ci-après « la loi du 12 novembre 2004 », ni au point 103 de la Circulaire CSSF 12/552, ni au « Dispositif d'administration centrale et de gouvernance interne » de la Banque.

Quant aux prétendus conflits d'intérêts nés du cumul des fonctions de directeur général - Président du Comex, membre du CA et personne de contact principale du client … au sein de la Banque, la partie demanderesse rappelle que la mise à disposition de personnel pour occuper des postes de dirigeants aurait été parfaitement connue, de même que la liste de ses mandats aurait été transmise en interne aux instances de la Banque, même si elle-

même aurait considéré, à juste titre, que cette activité, pourtant prestée à l'époque en interne par de nombreuses banques, serait par elle-même incompatible avec l'activité bancaire et source de potentiels conflits d'intérêts.

La partie demanderesse concède être restée le contact privilégié du client …, ceci en toute transparence avec les instances de la Banque, même après sa nomination en tant que directeur général de la Banque en novembre 2012, tout en étant, à partir d'octobre 2015, restée dirigeant de certaines des structures … dans le but d'obtenir le remboursement des crédits octroyés, alors même qu'elle n’aurait pourtant plus fait partie des employés de la Banque.

En tout état de cause, la partie demanderesse estime que le défaut d’annotation du registre des conflits d'intérêts ne serait qu'une omission de formalisme propre à la Banque et non à elle-même, d’autant plus que le conflit d'intérêts potentiel ne résulterait pas de l’absence d’annotation formelle du registre en question, mais du fait de disposer en interne d'une activité fiduciaire.

Comme précédemment indiqué, ce serait à sa demande expresse et bien avant l'entrée en relation avec le client … que des assurances spécifiques couvrant les mandats auraient été contractées.

Dans ce contexte, la partie demanderesse fait souligner qu’elle n’aurait en tout cas pas enfreint le Code de Conduite de la Banque en omettant de soumettre, pour approbation préalable par le CA, tout mandat externe qu’elle aurait accepté, mandats qu’elle n’aurait d’ailleurs nullement cachés à qui que ce soit.

Concernant le refus de la recommandation de l'audit interne en 2010 de fixer les mécanismes de contrôle et de mesure des risques afférents à l'activité de l'ingénierie financière ainsi que de les mettre en pratique, la partie demanderesse explique que cette recommandation aurait été jugée inappropriée, voire inapplicable en pratique du fait d’avoir amené un second membre du Comex à se prononcer sur des éléments loin de son domaine de compétence. Par ailleurs, il ne saurait être considéré qu’elle aurait refusé seule une recommandation d'audit, la partie demanderesse faisant encore souligner, dans ce contexte, qu’en tout état de cause le rôle du comité IFP n'aurait été que consultatif, puisque ces rapports auraient été traités en Comex, en comité d'audit et en CA.

La partie demanderesse en conclut que les prétendues lacunes constatées au niveau de la séparation fonctionnelle et organisationnelle des activités incompatibles au sein de la Banque, de même que les prétendues lacunes quant aux vérifications à effectuer par chaque responsable dans le cadre de sa fonction, auraient manifestement relevé de la responsabilité du CA, et non personnellement de la sienne.

Quant au véhicule de luxe d'occasion de marque Aston Martin d'une valeur approximative de 110.000.- euros que le client … lui aurait vendu, la partie demanderesse affirme que la Banque aurait été parfaitement informée de cette acquisition et qu’il n’aurait jamais été question d'un « cadeau » du client, devant figurer au registre des conflits d'intérêts potentiels détectés par la Banque, mais bien d'un acte de vente, la voiture ayant été achetée avec ses fonds propres, comme en attesterait la facture d'acquisition du 8 avril 2014, ainsi que le récépissé de paiement, datée du 3 août 2014.

Tout en acceptant que les modalités de paiement en espèces du véhicule puissent être considérées comme un manque de rigueur de sa part, la partie demanderesse renvoie à ses relevés bancaires auprès de la Banque, pour la période de 2010 à 2014, montrant que les retraits en cash auraient largement été suffisants pour couvrir le paiement de l'Aston Martin.

Ainsi, rien que pour ses comptes auprès de la Banque, sur la période de juillet 2013 à juillet 2014, un montant de 135.000 € aurait été retiré en espèces, de quoi couvrir l'acquisition du véhicule.

Finalement, cette affaire serait apparue début 2014 en comité d'audit et au CA, sans qu’une faute n’aurait été relevée dans son chef, alors qu’au cas contraire, des sanctions immédiates auraient été prises.

Quant à la prétendue utilisation de téléphones portables et d'adresses mail en dehors du circuit classique de la Banque, la partie demanderesse relève qu’il ressortirait de la documentation figurant au dossier que la Banque aurait passé la commande de téléphones portables et demandé l'ouverture de lignes téléphoniques portables luxembourgeoises, au nom du client, la société anonyme … SA, en avril et septembre 2010, alors que la mise à disposition de téléphone par la Banque à ses principaux clients aurait été une pratique en place depuis plus de 10 ans.

Il en aurait été de même concernant le fait de recevoir des mails professionnels sur une boîte personnelle, la partie demanderesse soulignant qu’elle les aurait systématiquement redirigés sur sa boîte professionnelle ou à ses collaborateurs à la Banque, tout en soulignant que cette pratique aurait seulement été nécessaire en raison de la difficulté d'accès à sa boîte professionnelle, lorsqu'elle aurait été en déplacement à l'étranger, et non pour contourner les contrôles de la Banque.

Concernant enfin la mise à disposition de clés USB pour le client …, clefs sur lesquelles se seraient trouvées des informations en lien avec les comptes de ce dernier auprès de la Banque, la partie demanderesse soutient que cette manière de faire aurait été expressément demandée par ledit client.

Quant aux prétendues lacunes dans le monitoring des transactions dans le cadre du dossier …, notamment dans les procédures en place au niveau du département IFP, la partie demanderesse estime que la CSSF ne pourrait pas retenir la responsabilité dans son seul chef, alors que l'audit interne n’aurait rien relevé à ce sujet.

Quant à la qualité de la documentation du monitoring des transactions du client …, la partie demanderesse fait souligner l’existence de difficultés de recevoir les pièces justificatives de ce client, tout en insistant sur le fait qu’elle aurait toujours, en toute loyauté et transparence, transmis aux instances et organes de contrôle de la Banque et du Groupe … l'intégralité des informations qu'elle aurait pu obtenir du client …, sans que son rôle combiné de dirigeant des structures mises en place pour le client … et de dirigeant de la Banque n’aurait eu d’impact à ce sujet, alors que la mise à disposition d'employés pour les structures des clients n’aurait changé en rien le niveau de contrôle, d'objectivité, d'indépendance et de déontologie de la part de la Banque.

Elle fait souligner qu’elle n'aurait jamais eu d'intérêts personnels dans le cadre du dossier … en raison de ses fonctions de dirigeant de ces structures.

Le Comité Compliance aurait été chargé, entre autres, d'examiner toutes les ouvertures de comptes, de s'assurer que l'identification des clients et des ayants-droit économiques aurait bien été effectuée et que les informations sur l'origine des fonds auraient été suffisantes.

Si une responsabilité devait être recherchée pour manquement à ces dispositions, ce serait davantage celle de la Banque, plus précisément du Comité Compliance qui aurait agi en délégation du comité de direction, la partie demanderesse relevant que toutes les entrées de fonds dont les informations, documents, justificatifs seraient aujourd'hui jugés insuffisants, auraient eu lieu après 2012, soit à un moment où elle n’aurait plus exercé aucun rôle au sein de l'équipe Compliance de la Banque.

En ce qui concerne le retard dans les réponses à fournir au service Compliance et les lacunes dans la mise à jour du dossier client, la partie demanderesse explique que ces retards auraient été dus aux difficultés rencontrées pour obtenir et convaincre le client … de fournir des justificatifs appropriés.

Elle estime qu’en conséquence les services Compliance de la Banque auraient pu et auraient dû, eu égard notamment à leur appartenance à la ligne de métier Compliance du Groupe …, mettre des blocages sur le dossier …, décision à laquelle elle n’aurait, même en sa qualité de CEO, pas pu s'opposer.

La partie demanderesse fait souligner que le défaut de « culture de conformité » au sein de la Banque que la CSSF lui reprocherait aujourd'hui semblerait entrer en totale contradiction avec la politique de la Banque, la « culture … » qui aurait consisté, au moment des faits incriminés, à tout faire pour assurer la satisfaction des clients, tel que cela ressortirait également de la présentation faite au Séminaire de … en juin 2010. Elle donne à considérer que le fait qu’elle se serait inscrite à cette politique de la Banque lui aurait valu des éloges très flatteurs d' … lors de son départ en septembre 2015, de sorte qu’elle ne saurait être tenue comme seule et unique responsable des prétendus manquements et défauts de conformité au sein de la Banque.

La partie demanderesse soutient encore que le lien entre la présente instance avec le scandale FONDS 3 devrait être nettement relativisé, alors que ni elle ni la Banque n'auraient eu connaissance du dénommé … jusqu'au moment de la révélation du scandale en 2015. Si le client …, qui serait vraisemblablement le prête-nom du prince héritier Mansour, avait reçu les fonds du dénommé …, ces fonds, entrés dans la Banque en 2012, auraient servi à acquérir des immeubles, de sorte à ne pas avoir disparu et rester susceptibles d’être saisis dans le cadre de commissions rogatoires internationales.

Autrement dit, il n'y aurait pas eu de blanchiment d'argent au Luxembourg, dans le cadre du scandale FONDS 3, puisque les fonds entrés existeraient toujours et seraient probablement saisis, la partie demanderesse soulignant que seules des opérations d'ingénierie patrimoniales seraient finalement reprochées à elle et à la Banque.

Contrairement à ce qu'affirmerait faussement la CSSF dans sa décision du 26 février 2020, la partie demanderesse estime que son comportement prétendument reprochable dans l'obtention des informations et des justificatifs d'importantes entrées de fonds en provenance d'un client PEP, en raison de ses fonctions de directeur autorisé et de membre du CA, mais également en sa qualité de chargé de clientèle du client …, n'aurait pas été de nature à affecter défavorablement la capacité de la Banque à respecter le cadre réglementaire lui imposant une gestion saine et prudente.

Dans son mémoire en réplique, la partie demanderesse se réfère quant à la présentation des faits à la base du litige sous examen en substance à ses développements y relatifs faites dans sa requête introductive d’instance, tout en contestant la version des faits telle que présentée par la CSSF dans son mémoire en réponse, alors que celle-ci ne reflèterait pas la réalité.

En droit, le demandeur conclut en premier lieu à une violation de l’article 6, alinéa 1er de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, dénommée ci-après « la CEDH », portant sur le droit à un procès équitable, alors que la CSSF, en tant qu’autorité administrative indépendante en raison de ses compétences et de ses pouvoirs de surveillance du secteur financier, soumise au respect de la disposition précitée du fait de ses prérogatives très étendues et quasi-juridictionnelles d’investigation, d’injonction et de sanction, (i) n’aurait pas respecté le principe de l'égalité des armes, (ii) n’aurait pas été impartiale, (iii) ne lui aurait pas laissé assez de temps pour se défendre, (iv) n’aurait pas fait droit à sa demande d’audition de témoins et finalement (v) aurait détourné la procédure.

En ce qui concerne la soumission de principe de la CSSF à l’article 6, paragraphe 1er de la CEDH, le demandeur se réfère à des informations communiquées par cette dernière sur son propre site internet et invoque un arrêt du Conseil d’Etat français du 3 décembre 1999, dans une affaire « Didier », imposant l’application des garanties de l’article 6, paragraphe 1er de la CEDH déjà au stade précontentieux, soit au cours la phase administrative, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, dénommée ci-après « la CourEDH », ayant d’ailleurs, dans un arrêt « du 27 août 2002, Didier c/ France », qualifié de « tribunal », le conseil des marchés financiers en France.

Dans son mémoire en réplique, la partie demanderesse réfute encore les développements de la CSSF selon lesquels cette dernière estime que l'article 6 de la CEDH ne lui serait pas applicable en l'espèce, au motif que la décision déférée ne concernerait pas une sanction, mais une « mesure prudentielle » qu’elle aurait prise en tant qu’autorité administrative et laquelle serait susceptible de recours devant un tribunal qui, lui, devrait trancher sur la base de normes de droit et à l'issue d'une procédure organisée.

En effet, toutes les autorités administratives de régulation économique seraient dotées non seulement d'un pouvoir de police qu'elles exerceraient soit en amont pour prévenir une atteinte, en édictant des normes et en procédant à des enquêtes ou des contrôles, soit en aval pour mettre fin à une atteinte, mais également d'un pouvoir de commandement, sous forme de mises en garde et de mises en demeure ou d'injonctions, qu'elles pourraient exercer tant en amont qu'en aval des faits incriminés.

En ce qui concerne la délimitation entre sanction et mesure de police ou mesure prudentielle, la partie demanderesse donne à considérer que la distinction se serait traditionnellement faite par rapport à la finalité de l'acte : répressive, pour la sanction administrative, et préventive, pour la mesure de police. Or, un tel critère finaliste ne serait pas fiable, dans la mesure où la frontière entre ces différents actes serait difficilement délimitable.

En se basant sur plusieurs auteurs de doctrine et une jurisprudence du Conseil d'État français, la partie demanderesse souligne que les mesures de police, prises dans l'intérêt de l'ordre, de la santé ou de la sécurité publics, viseraient à mettre fin à un désordre ou à un danger et à l'empêcher de se reproduire à l'avenir, tandis que les sanctions au contraire, fondées sur des griefs ou sur des fautes reprochées, procèderaient d'une intention de punir des infractions soit à une réglementation précise, soit à des principes de morale professionnelle. Ainsi, un retrait d'agrément devrait être considéré comme une sanction du fait de la volonté de punir le titulaire de l'autorisation en raison d’un manquement à la loi ou à son autorisation, alors même que toute punition tendrait également à empêcher la réitération des agissements reprochés.

En l’espèce, la partie demanderesse estime que la mesure litigieuse, prononcée par la CSSF, par ailleurs après les faits reprochés, procèderait de l’intention non équivoque de cette dernière de la punir pour des infractions prétendument commises soit à une réglementation précise, soit à des principes de morale professionnelle, comme le prétendu « défaut de culture de conformité » lui reproché.

En ce qui concerne l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, dénommée ci-

après « la CJUE », du 13 septembre 2018, dans une affaire UBS Europe SE, inscrit sous le numéro C-358/16, ci-après dénommé « l’arrêt UBS de la CJUE », tel qu’invoqué par la CSSF, la partie demanderesse fait remarquer que ledit arrêt n'exclurait pas systématiquement la qualification de « sanction » en cas de retrait d'agrément, mais admettrait, par la formulation qu’elle aurait adoptée, que, dans certains cas, la qualification de sanction pourrait être retenue. Ce serait dès lors à tort que la CSSF invoquerait ledit arrêt pour conclure que la décision de retrait de l'honorabilité, prise sur base de l'article 7, paragraphe (1) de la loi du 5 avril 1993 ne serait pas une sanction, mais bien une mesure prudentielle.

La partie demanderesse fait relever que selon le Conseil d'État français, il faudrait distinguer entre trois types de retraits : les retraits préventifs, sous forme de mesures de police administrative ; les retraits sanctions, sous forme de décisions prises en considération du comportement de la personne afin de punir tout manquement à ses obligations ; enfin, les retraits symétriques ou automatiques, qui n'auraient ni caractère préventif ni caractère répressif, dans le cadre desquels l'administration se bornerait, en situation de compétence liée, à constater que l'une des conditions ayant permis l'octroi de l'agrément ne serait plus remplie, toute qualification devant se faire sur base d’une analyse menée in concreto en prenant en considération l'ensemble des circonstances de fait accompagnant la décision de retrait, ainsi que les motifs retenus et l'intention même de l'autorité sanctionnatrice.

En l’espèce, la partie demanderesse considère que, dans la décision déférée du 26 février 2020, la CSSF n’affirmerait nullement se trouver dans une situation de compétence liée, mais prendrait soin, dans un but de sanction, de rappeler exhaustivement les circonstances de fait pour apprécier son comportement et lui imputer des prétendues fautes et manquements par rapport aux dispositions que la CSSF aurait elle-même édictées.

Le retrait de l'honorabilité professionnelle litigieux se distinguerait encore nettement du retrait en tant que mesure de police administrative préventive, alors qu'il viserait à sanctionner des faits passés et n’aurait pas comme unique but de protéger l'ordre public.

La partie demanderesse invoque encore, dans ce contexte, une décision du Conseil d'État français du 20 décembre 2000 dans une affaire « Sté A Conseils Finance », laquelle aurait requalifié en sanction le retrait d'agrément que la Commission des Opérations en Bourse française aurait prononcé en vertu de ses pouvoirs de police, alors que les motifs, pris globalement et compte tenu de leur importance respective, auraient donné à la décision attaquée le caractère d'une sanction, alors même qu’elle aurait également visé à sauvegarder la libre concurrence et à assurer le bon fonctionnement du marché et la sécurité des investisseurs.

Ainsi, la partie demanderesse estime que le retrait de son honorabilité professionnelle serait, légitimement et à juste titre, perçu par elle comme une véritable sanction, puisque prononcée à la suite d’un prétendu manquement lui reproché, visant à éviter la réitération de telles prétendues fautes et prononcée pour une durée de 10 ans avec une publication nominative afférente.

Tout en rappelant ses développements repris dans sa requête introductive d’instance, la partie demanderesse fait préciser, dans son mémoire en réplique, qu’au vu de la qualification de la décision déférée en « retrait-sanction », la Cour européenne des droits de l’Homme, dénommée ci-après « la CourEDH », qualifierait de « tribunal », au sens de l'article 6, paragraphe (1) de la CEDH, une autorité administrative de régulation économique, telle que la CSSF en l’espèce, ayant, en droit interne, la nature d'une autorité administrative, dotée du pouvoir de sanctionner des manquements aux lois et règlements dont elle assurerait le respect.

Etant donné que l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, dénommé ci-

après « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », serait applicable à toute décision devant être motivée aux termes de l'article 6 du même règlement grand-ducal, y compris les mesures de police administrative, il faudrait retenir qu’en tout état de cause et peu importe que la décision attaquée soit justement qualifiée de sanction ou faussement de mesure prudentielle, le principe du contradictoire et de l'égalité des armes prévu par l'article 6 paragraphe (1) de la CEDH s'imposerait à la CSSF.

C’est à bon droit que la CSSF s’oppose à l’applicabilité de l’article 6, paragraphe (1) de la CEDH à la décision déférée et conclut au rejet du moyen afférent.

En effet, aux termes de l’article 6 de la CEDH, « 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (…) ».

Au-delà du constat qu’il est de jurisprudence constante que la CSSF ne constitue, en droit national, pas une juridiction au sens de l’article 6 de la CEDH1, de sorte que ledit article 6 n'a pas vocation à s'appliquer au niveau d'une procédure purement administrative, mais seulement à un stade ultérieur, au niveau des juridictions devant lesquelles les décisions prises par la CSSF peuvent être attaquées avec un double degré de juridiction, dont il n’est pas allégué qu’elles ne répondraient pas aux exigences de l’article 6 de la CEDH, c’est encore à bon droit que la partie défenderesse a relevé qu’il ressort, de manière non équivoque, de l’arrêt UBS de la CJUE que le retrait de l’honorabilité professionnelle dans le secteur financier par la CSSF ne saurait être considéré comme une sanction, voire comme une mesure relevant du droit pénal.

En effet, dans l’arrêt précité, la CJUE a retenu, dans son considérant 46 qu’ « indépendamment de leur qualification au regard du droit national, (…) les mesures que les autorités compétentes doivent prendre à la suite du constat qu’une personne ne remplit plus les exigences en matière d’honorabilité prévues à l’article 9 de la directive 2004/39, font partie des « procédures relatives au retrait d’un agrément » visées à l’article 51, paragraphe 1, de cette directive, sans qu’elles constituent pour autant des sanctions, au sens de cette disposition, ni que leur application ait trait à des cas relevant du droit pénal, au sens de l’article 54, paragraphes 1 et 3, de ladite directive. » Si cette solution a été prise par rapport à la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, concernant les marchés d’instruments financiers, modifiant les directives 85/611/CEE et 93/6/CEE du Conseil et la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 93/22/CEE du Conseil et par rapport à l’article 19 de la loi du 5 avril 1993, cette solution est cependant parfaitement 1 Trib. adm. 23 novembre 2021, n° 43855 du rôle ; trib. adm. 24 janvier 2023, nos 44904 + 46090 du rôle, confirmé par Cour adm. 19 juillet 2023, n° 48647C du rôle ; trib. adm. 21 novembre 2023, n° 40878 du rôle, disponibles sous www.jurad.etat.lu transposable au cas d’espèce, alors que l’article 7, paragraphe (1) de la loi du 5 avril 1993, invoqué par la CSSF en tant que base légale du retrait de l’honorabilité professionnelle de la partie demanderesse, relative à l’exigence d’honorabilité professionnelle des membres des organes de direction des banques ou établissements de crédit de droit luxembourgeois, est rédigé de manière similaire à l’article 19 de la même loi relative à l’honorabilité professionnelle des personnes physiques, respectivement des membres des organes de direction des autres professionnels du secteur financier.

Il s’ensuit que les développements de la partie demanderesse, en vue d’une qualification du retrait de son honorabilité professionnelle en tant que sanction, encourent le rejet, sans que cette conclusion ne soit énervée par le fait que la décision déférée est motivée de manière exhaustive par des circonstances de fait permettant d’apprécier le comportement personnel de la partie demanderesse, alors que tel que souligné à juste titre par la partie défenderesse, la décision de retrait de l’honorabilité professionnelle d’une personne physique exerçant certaines activités économiques vise à acter juridiquement la rupture du lien de confiance entre la personne concernée et l'autorité publique compétente, dont le maintien est essentiel dans le cadre de la surveillance prudentielle du secteur financier incombant à la CSSF visant à garantir la réputation de la place financière luxembourgeoise.

Il suit dès lors de ce qui précède que l’article 6 de la CEDH n’est pas applicable à la CSSF, de sorte que le moyen afférent encourt le rejet, ensemble les développements subséquents par rapport aux différents volets couverts par ladite disposition et ce, peu importe que la CSSF affirme respecter le principe de proportionnalité dans ses statuts et qu’elle soit, par ailleurs soumis, au respect de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, disposition qu’elle a en plus respectée par l’envoi, à la partie demanderesse, d’une lettre d’intention visant à permettre à cette dernière de prendre position quant à la décision envisagée d’être prise par la CSSF à son encontre.

En deuxième lieu, la partie demanderesse conclut à une violation de l’article 12 de la Constitution, sinon des articles 9, 11 et 12 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, en ce que la CSSF refuserait la communication de pièces se trouvant à la base de la décision déférée.

La partie demanderesse fait plaider, dans ce contexte, que le principe du contradictoire aurait valeur processuelle en droit constitutionnel luxembourgeois, étant donné que l'article 12 de la Constitution, protégeant la liberté individuelle, impliquerait le respect des droits de la défense.

Tout en présentant un panorama de jurisprudences y relatives, la partie demanderesse rappelle qu’au vœu de l'article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 l’administration serait obligée d'informer l'administré sur les éléments de fait et de droit à la base de la décision envisagée et de l’entendre en ses observations chaque fois qu'elle se proposerait de prendre d'office une décision affectant ses droits ou ses intérêts.

En outre, dans le cadre de la procédure contradictoire précontentieuse, les articles 11 et suivants du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 aménageraient le droit pour l'administré d'accéder au dossier administratif concernant la décision envisagée ainsi qu'aux éléments d'information dont dispose l'administration.

Si l'article 13 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 prévoirait certes des exceptions au droit de l'administré à ce que le dossier administratif lui soit communiqué, ces exceptions seraient cependant d’interprétation stricte et seraient soumises au contrôle du juge.

En l'espèce, certaines pièces qu’elle aurait réclamées, notamment par le biais de son conseil, après avoir reçu le courrier de notification des griefs le 14 mars 2018, ne lui auraient pas été communiquées.

Ainsi, par courrier de son litismandataire du 23 mars 2018, il aurait été demandé à la CSSF de communiquer toutes les pièces du dossier sur lesquelles elle se serait appuyée pour préparer sa lettre de notification des griefs, demande à laquelle la CSSF aurait affirmé, par retour de courrier du 6 avril 2018 seulement, vouloir accéder. Or ce ne serait que le 17 avril 2018 que la CSSF aurait remis une clé USB « contenant 1'ensemble des pièces constitutives du dossier relatif à l'honorabilité de Monsieur REQUERANT. ».

La partie demanderesse fait relever que par un courrier de son litismandataire du 27 avril 2018, il aurait été demandé à la CSSF de verser un certain nombre de pièces qui n’auraient pas figuré au dossier, mais qui seraient utiles à sa défense, à savoir notamment :

- les déclarations faites annuellement par la Banque à la CSSF reprenant les fonctions/responsabilités au sein du Comex, censé établir sa prétendue fonction de responsable compliance en 2010/2011 ;

- les rapports d'audit interne sur la fonction Compliance sur les années 2010 à 2015 ;

- les rapports de synthèse annuels d'audit interne sur les années 2010 à 2015 ;

- les rapports d'audit externe PwC, notamment les rapports spécifiques sur les PEP entre 2010 et 2015 ;

- les rapports Risk & Compliance au Comité d'audit, notamment les présentations Compliance et PEP et pas seulement les procès-verbaux de ces rapports, sur les années 2010 à 2015;

- les rapports d'intelligence externes complémentaires sur les PEP en 2013, 2014 et 2015 ;

- les rapports annuels Compliance et PEP au Groupe … sur les années 2010 à 2015 ;

- les rapports annuels de la Banque à la CSSF sur le Compliance et les PEP entre 2010 et 2015.

Après une relance en date du 7 mai 2018, la CSSF se serait limitée à répondre en date du 9 mai 2018, qu’elle ne se serait aucunement basée ni directement, ni indirectement sur les pièces précitées, lesquelles se rapporteraient à la Banque, soit à un tiers, de sorte à ne pas faire partie du dossier administratif.

Finalement, à l'appui de la décision déférée, la CSSF aurait versé de nouvelles pièces n’ayant pas pu être discutées préalablement.

La partie demanderesse en conclut que ses droits de la défense auraient été bafoués en l’espèce, rappelant qu’il aurait été jugé que la communication intégrale du dossier administratif toucherait au droit fondamental de l'administré à une protection juridique effective et que par conséquent l'irrégularité résultant de l'absence de communication du dossier administratif dans la phase précontentieuse ne saurait être couverte par le dépôt du dossier administratif en cours d'instance.

La partie demanderesse s’offusque encore de l’absence, dans son dossier administratif, de la décision de la CSSF du 21 juin 2017 prononcée à l'encontre de la Banque, alors même que la décision déférée y ferait systématiquement référence, ensemble le contrôle sur place. Ainsi, il ne lui serait pas possible d’avoir connaissance de ces éléments ainsi que des arguments qui auraient pu être avancés par la Banque, respectivement des raisons pour lesquels la Banque n'aurait pas formé de recours à l'encontre de ladite décision.

Dans l’hypothèse où la décision déférée ne s’en trouverait pas annulée, la partie demanderesse réclame, à titre subsidiaire, la communication de la décision de la CSSF du 21 juin 2017, ensemble toutes les pièces et documents produits à son appui, et ce, afin que ses droits de la défense soient sauvegardés.

Dans son mémoire en réplique, la partie demanderesse se réfère encore, dans ce contexte, à l’arrêt UBS de la CJUE, lequel aurait rappelé que le droit d'accès au dossier constituerait le corollaire nécessaire à l'exercice effectif des droits de la défense et que la personne, visée par un acte lui faisant grief, devrait avoir la possibilité de procéder à un examen de la totalité des documents figurant au dossier d'instruction qui seraient susceptibles d'être pertinents pour sa défense.

Etant donné qu’en matière administrative, la charge de la preuve serait partagée, l'administration ne pourrait se confiner dans une attitude purement passive, alors qu’il lui appartiendrait d’établir la légalité de l'acte dans le cadre de son obligation de collaboration.

Ainsi, le juge administratif serait doté de pouvoirs inquisitoriaux lui permettant de demander aux autorités publiques compétentes la production de tous dossiers et documents qu'il jugerait nécessaires pour son information et l'administration serait tenue, sous peine d’annulation de l’acte déféré, de déposer au greffe le dossier administratif contenant toutes les pièces y relatives.

En l'occurrence et contrairement à ce qu’elle soutiendrait, la CSSF serait restée en défaut de verser toutes les pièces relatives à l'acte attaqué, respectivement la totalité des documents figurant au dossier d'instruction.

La partie demanderesse rappelle, à ce titre, qu’après la lettre d'intention du 14 mars 2018, il aurait fallu attendre le 17 avril 2018 pour recevoir communication des premières pièces du dossier administratif, complétées, le 9 mai 2018, par les seules déclarations faites annuellement par la Banque à la CSSF reprenant les fonctions/responsabilités au sein du Comex, sans que les autres pièces réclamées dans le courrier précité du 27 avril 2018 n’aient été communiquées sous prétexte qu’elles ne feraient pas partie du dossier.

La partie demanderesse fait également relever que la décision déférée ferait également référence à la revue externe mandatée par la Banque pour les autres dossiers qu’elle aurait traités dans le cadre de ses fonctions.

Si dans son mémoire en réponse, la CSSF invoquerait certes son obligation au secret professionnel figurant à l'article 16 de la loi modifiée du 23 décembre 1998 portant création d'une commission de surveillance du secteur financier, dénommée ci-après « la loi du 23 décembre 1998 », la partie demanderesse estime que ce motif légitime du secret professionnel serait loin d'être absolu et qu’il appartiendrait au juge, disposant de l'intégralité du dossier, de décider si le refus est justifié, sur base d’un double contrôle, consistant en premier lieu dans l'analyse de savoir si les informations présentent un lien objectif avec les éléments de motivation et, dans l'affirmative et dans un deuxième stade, de mettre en balance l'intérêt de ces personnes en cause à disposer des informations nécessaires, d'un côté, et les intérêts liés au maintien de la confidentialité des informations couvertes par l'obligation du secret professionnel, de l'autre côté, tel que cela aurait été rappelé par l'arrêt UBS de la CJUE.

En l'occurrence, la partie demanderesse estime qu’il ne ferait aucun doute que les informations et documents sollicités présenteraient un lien objectif avec les griefs retenus à son égard.

En ce qui concerne le secret professionnel invoqué, dans ce contexte, par la CSSF, la partie demanderesse se prévaut de l'exception prévue à l'article 16, alinéa 3 de la loi du 23 décembre 1998, à savoir l'accès à l'information confidentielle à l'occasion d'un recours contre une décision prise dans l'accomplissement de la mission de la CSSF. L'exercice effectif de ses droits de la défense justifierait qu'elle devrait notamment avoir accès à la décision de la CSSF prise à l'encontre de la Banque le 21 juin 2017, rendue dans le cadre de la mission de la CSSF, et dont les nombreux liens avec la présente procédure seraient établis à suffisance.

La partie demanderesse donne encore à considérer, à ce sujet, que le caractère confidentiel de la décision du 21 juin 2017 pourrait être contesté du fait qu’elle aurait fait l'objet d'un communiqué de la CSSF en date du 22 juin 2017 et qu’elle aurait largement été relayée dans la presse nationale et internationale, ce qui aurait d’ailleurs porté gravement préjudice à sa réputation, alors même qu’elle n'aurait pourtant pas été personnellement visée par cette procédure.

Etant donné que la décision déférée portant retrait de son honorabilité professionnelle serait à considérer comme une sanction administrative, la partie demanderesse fait plaider qu’il s’agirait en l’espèce d’un cas relevant de la matière pénale dérogeant au principe général d'interdiction de divulgation des informations confidentielles détenues par la CSSF.

La CSSF conclut au rejet de ce moyen.

Force est d’abord de rejeter le volet du moyen non autrement développé tenant à une violation de l’article 12 de la Constitution, alors qu’au-delà du fait qu’il n’appartient pas au tribunal de pallier la carence des parties dans la présentation de leurs moyens, la disposition précitée ne concerne pas directement la communication du dossier administratif dans le cadre d’une décision administrative prise ou à prendre, étant donné qu’elle dispose, dans sa version applicable au jour de la décision déférée, que : « La liberté individuelle est garantie. – Nul ne peut être poursuivi que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu'elle prescrit. – Nul ne peut être arrêté ou placé que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu'elle prescrit. – Hors le cas de flagrant délit, nul ne peut être arrêté qu'en vertu de l'ordonnance motivée du juge, qui doit être signifiée au moment de l'arrestation, ou au plus tard dans les vingt-quatre heures. – Toute personne doit être informée sans délai des moyens de recours légaux dont elle dispose pour recouvrer sa liberté. ».

Il en va de même de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 invoqué dans ce contexte, alors que ce dernier ne concerne pas non plus la communication du dossier administratif relatif à une décision administrative prise ou en voie de l’être, étant donné qu’il se limite à obliger l’administration, se proposant notamment de prendre une décision en dehors d´une initiative de la partie concernée, d’informer l’administré concerné de son intention, en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l´amènent à agir et de l’entendre en ses observations, ce que la CSSF a d’ailleurs fait en adressant à la partie demanderesse son courrier d’intention en date du 14 mars 2018.

En effet, contrairement à ce que suggère la partie demanderesse, le précité article 9 n’implique pas une obligation pour l’administration de faire parvenir une copie du dossier administratif à l’administré concerné2, la communication du dossier administratif nécessitant une demande spécifique de la part de ce dernier au sens des articles 11 et 12 du règlement grand-ducal du 8 juin 19793, ce que la partie demanderesse a d’ailleurs fait par son courrier du 23 mars 2018.

Quant à la communication du dossier administratif, ainsi que l’accès à ce dernier, le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 prévoit, en son article 11 que : « Tout administré a droit à la communication intégrale du dossier relatif à sa situation administrative, chaque fois que celle-ci est atteinte, ou susceptible de l´être, par une décision administrative prise ou en voie de l´être. (…) La décision prise par l´Administration sur sa demande est susceptible de recours devant la juridiction compétente. », ainsi qu’à son article 12 que « Toute personne concernée par une décision administrative qui est susceptible de porter atteinte à ses droits et intérêts est également en droit d´obtenir communication des éléments d´informations sur lesquels l´Administration s´est basée ou entend se baser. ».

Force est d’abord au tribunal de relever qu’il ressort des éléments lui soumis que sur demande du 23 mars 2018, la CSSF avait bien fait parvenir, en date du 17 avril 2018, une clef USB à la partie demanderesse, contenant, d’après elle, toutes les pièces du dossier administratif relatif à la décision envisagée. Si la partie demanderesse a ensuite sollicité, par un courrier de son litismandataire du 27 avril 2018, de la part de la CSSF de lui verser un certain nombre d’autres pièces jugées utiles pour sa défense, c’est à bon droit que la CSSF a relevé que cette dernière demande a essuyé un refus par le biais du courrier de la CSSF du 9 mai 2018, refus qui est à considérer comme une décision faisant grief attaquable en justice, tel que cela ressort non seulement de la jurisprudence administrative et notamment de l’arrêt de la Cour administrative du 17 décembre 2019, inscrit sous le numéro 42666C du rôle, invoqué, dans ce contexte, par la CSSF, mais également de l’article 11 du règlement grand-

ducal du 8 juin 1979 lui-même.

Or, à l’instar de la CSSF, il échet de relever que la décision du 9 mai 2018 n’a pas fait l’objet d’un recours de la part de la partie demanderesse, de sorte que le moyen tenant à une violation de l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 est d’ores et déjà à rejeter dans le cadre du présent recours dirigé contre la seule décision du 26 février 2020, se limitant à retirer à la partie demanderesse son honorabilité professionnelle.

2 Trib. adm., 23 septembre 2022, n° 44505 du rôle, Pas. adm 2023, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 133.

3 Trib. adm., 9 octobre 2002, n° 14743 du rôle, Pas. adm 2023, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 150 et les autres références y citées.

Force est néanmoins de relever que le caractère complet ou non du dossier administratif dans le cadre d’un recours dirigé contre la décision prise sur base dudit dossier est une question incidente dans le cadre de l’analyse de la décision au fond4.

Il s’ensuit que le tribunal, même s’il n’est pas saisi de manière autonome par la décision de refus de communication du dossier administratif au cours de la procédure précontentieuse, pourra traiter ladite problématique comme un incident de procédure dans le cadre de l’affaire au fond, visant la mesure retenue à l’encontre de la demanderesse, et ce par rapport à l’article 8 de la loi du 21 juin 1999, aux termes duquel « (…) (5) L’autorité qui a posé l’acte visé par le recours dépose le dossier au greffe sans autre demande, dans le délai de trois mois à partir de la communication du recours. Les parties peuvent obtenir copie des pièces de ce dossier contre paiement des droits de copie fixés pour frais de justice. (…) ».

La notion de « dossier relatif à [l]a situation administrative » de l’administré doit être comprise par rapport à l’autorité administrative à laquelle la communication du dossier est demandée et par rapport à la compétence qu’elle met en œuvre à travers la décision administrative projetée ou déjà prise, de sorte que, lorsque l’autorité a informé l’administré de son intention de prendre une certaine décision à son égard, la demande en vue de la communication du dossier intégral vise nécessairement les éléments factuels et les documents qui peuvent être pertinents pour l’exercice de la compétence de l’autorité en question à l’égard de l’administré et de la décision concrètement envisagée5.

Au-delà du fait que tout dossier administratif est susceptible d’évoluer au fil du temps et qu’il ne saurait être exigé de la part de l’administration de communiquer à nouveau le dossier administratif lors de l’insertion de chaque nouvelle pièce6, de sorte qu’il n’est pas surprenant que depuis la communication du dossier administratif, au cours de la phase précontentieuse et après l’envoi de la lettre d’intention, de nouvelles pièces soient venues étoffer le dossier administratif, notamment en réaction aux observations de la partie demanderesse dans le cadre de sa prise de position du 29 mai 2018, il est constant en cause que la CSSF a bien fait déposer au greffe du tribunal administratif et transmettre au litismandataire de la partie demanderesse, concomitant avec son mémoire en réponse, une clef USB contenant le dossier administratif relatif à la décision envisagée. Si effectivement toutes les pièces énumérées sur l’inventaire produit par la CSSF ne figuraient initialement pas sur ledit support numérique, il ressort néanmoins des explications concordantes des parties, que cette erreur de transmission fut rectifiée par la suite, de sorte que la partie demanderesse a finalement bien été en possession de tous les éléments du dossier administratif déposé au tribunal administratif, étant encore relevé qu’il ressort des affirmations non autrement contestées de la CSSF que les pièces initialement manquantes du dossier administratif versé en cours d’instance faisaient déjà partie du dossier administratif communiqué au cours de la phase précontentieuse, de sorte que cette erreur de transmission n’a causé aucun grief à la partie demanderesse, qui, du fait d’avoir encore été en mesure de prendre position, en phase contentieuse dans la cadre de son mémoire en réplique, par rapport à tous les éléments du dossier administratif versé, n’établit pas que ses droits de la défense se trouveraient lésés par cet incident. En effet, il a été jugé qu’une communication partielle d’un 4 Cour adm., 28 février 2019, nos 37084CA et 37602CA du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 364.

5 Cour adm., 17 décembre 2019, n° 42666C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 147.

6 Trib. adm., 15 décembre 2016, n° 38820 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 836 et l’autre référence y citée.

dossier administratif peut être régularisée en phase contentieuse par la production de la pièce manquante au cours de la procédure contentieuse, à condition que la partie intéressée ait la possibilité de prendre position y relativement afin de garantir ses droits de la défense7.

Cette conclusion n’est pas énervée par les développements de la part de la partie demanderesse selon lesquels il lui manquerait toujours une copie de la décision prise par la CSSF contre la Banque en date du 21 juin 2017, ainsi que du dossier administratif y relatif.

Si la jurisprudence impose à l’administré, confronté, comme en l’espèce, à l’affirmation de l’autorité administrative selon laquelle le dossier administratif serait complet, de préciser concrètement quel élément lui aurait fait défaut dans le dossier administratif lui communiqué et qui l’empêcherait ainsi de pourvoir utilement à la défense de ses intérêts face à la décision litigieuse8, et si en l’espèce, la partie demanderesse désigne effectivement la décision de la CSSF prise à l’encontre la Banque en date du 21 juin 2017, force est de retenir qu’au vu du constat que la sanction administrative prononcée contre la Banque en date du 21 juin 2017 constitue une décision individuelle propre à cette dernière, une telle décision ne fait a priori pas partie du dossier administratif relatif à la décision actuellement déférée prise à l’encontre de la partie demanderesse.

En outre, la référence à la décision visant la Banque, même si ladite décision est certes citée à plusieurs reprises dans la motivation de la décision déférée du 26 février 2020, prise à l’encontre de la partie demanderesse, ne vise qu’à expliquer le contexte de la présente affaire, laquelle concerne une mesure prise en raison du comportement propre de la partie demanderesse et non pas en raison des agissements, respectivement omissions de la Banque lesquels ont justifié le prononcé d’une amende administrative à l’égard de cette dernière, et ce, même si, d’après la CSSF, c’est entre autres l’environnement juridique de la Banque qui a favorisé les agissements personnellement reprochés à la partie demanderesse. Il s’ensuit que la CSSF est à suivre en ce qu’elle soutient que la décision du 21 juin 2017 prise à l’encontre de la Banque, ensemble le dossier administratif afférent, ne font pas partie du dossier administratif relatif à la décision déférée prise à l’encontre de la seule partie demanderesse, quand bien même il ne peut pas être contesté que la CSSF est bien en possession de la décision prise contre la Banque en date du 21 juin 2017, ainsi que du dossier administratif afférent.

En tout état de cause, il a été jugé que si en principe la totalité des éléments tant à charge et à décharge doivent pouvoir être examinés par l’administré concerné et que la validité d’une restriction de l’accès à ces éléments pour des motifs de secret professionnel est susceptible de faire l’objet d’un contrôle judiciaire, l’autorité est cependant autorisée à exclure du dossier administratif les éléments qui n’ont aucun rapport avec les allégations de fait et de droit figurant dans la communication préalable du résultat d’une enquête, destinées à être mis à la base d’une future décision administrative, et qui sont dès lors sans aucune pertinence pour l’enquête9.

7 Trib. adm., 16 septembre 2015, n° 34229 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 160 et les autres références y citées.

8 Cour adm., 17 décembre 2019, n° 42666C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 147.

9 Cour adm., 17 décembre 2019, n° 42666C du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu En l’espèce, tel que relevé plus haut, la décision du 21 juin 2017 prise à l’encontre de la Banque ne fait pas partie du dossier administratif personnel de la partie demanderesse, laquelle reste en défaut d’établir que ladite décision serait « nécessaire » pour la solution du présent litige, étant donné qu’elle-même, souligne, à plusieurs reprises dans son recours que s’il y avait des fautes professionnelles en l’occurrence, il y aurait lieu à retenir une responsabilité collective à cet égard. Or, le fait qu’éventuellement d’autres personnes aient également affiché un comportement reprochable, n’est pas de nature à anéantir le comportement de la partie demanderesse, sur base duquel la décision déférée a été prise. De même, le souhait de comprendre pour quelle raison la Banque n’avait pas intenté de recours contentieux contre la décision du 21 juin 2017, au-delà du constat que de telles raisons, de nature inhérentes à la personne concernée, ne ressortent pas nécessairement de la motivation d’une telle décision, ne saurait justifier un intérêt suffisant pour se voir communiquer une copie de la prédite décision.

Cette conclusion n’est pas énervée par la circonstance selon laquelle la CSSF aurait publié un communiqué de presse suite à la décision du 21 juin 2017 prise à l’encontre de la Banque, alors que le fait, pour la CSSF, d’informer le public sur les amendes qu’elle a prononcées à l’encontre de banques placées sous sa surveillance, n’emporte pas le droit de quiconque, même indirectement intéressé à l’affaire, d’obtenir une copie de l’intégralité d’une telle décision, encore moins du dossier administratif y relatif.

Pour les mêmes considérations, la demande d’avoir accès à l’enquête de la CSSF sur les autres dossiers traités par la partie demanderesse au sein de la Banque, manque de pertinence dans le cadre du présent litige concernant uniquement les agissements de la partie demanderesse en relation avec un dossier précis, en l’occurrence la prise en charge du client ….

Au vu de la solution dégagée ci-avant, il devient superfétatoire de procéder à la mise en balance des intérêts respectifs en cause en ce qui concerne l’éventuelle levée de la confidentialité de la décision du 21 juin 2017.

Il suit ainsi de toutes les considérations qui précèdent que moyen tenant à une violation des droits de la défense et relatif à la demande en communication de la décision de la CSSF du 21 juin 2017, prise à l’encontre de la Banque, est à rejeter.

En troisième lieu, la partie demanderesse conclut à une violation de l’article 7 de la loi du 5 avril 1993 sur base duquel son honorabilité lui a été retirée, en ce que i) la CSSF aurait appliqué ledit article, en sa version en vigueur au jour de la décision, à des faits antérieurs, ce qui poserait une question de conflit de lois dans le temps, ii) ledit article viserait l’agréement à obtenir par les établissements bancaires et non par leurs administrateurs, iii) la CSSF aurait seulement vérifié une des conditions d’honorabilité y prévues et iv) la CSSF se contredirait en appliquant l’article 7 au fond sans garantir les voies de recours y expressément prévues.

Ainsi, en ce qui concerne la première branche de ce moyen, la partie demanderesse souligne que la CSSF lui aurait, pour des faits reprochés s’étant déroulés entre 2010 et 2015, appliqué l'article 7 de la loi du 5 avril 1993 dans sa version actuelle, issue de la modification opérée par une loi du 23 juillet 201510, précisant que les membres de l'organe de direction devraient disposer de l'honorabilité « à tout moment », de sorte à lui permettre de remonter à des faits antérieurs, alors que dans la version de l’article 7 de la loi du 5 avril 1993 applicable au moment des faits reprochés, les conditions de l'octroi de l'honorabilité n'auraient pas été appréciées « à tout moment ».

En application du principe de non-rétroactivité d'une loi nouvelle plus forte, renforçant les pouvoirs de contrôle de la CSSF, la partie demanderesse estime que la nouvelle version de l’article 7 de la loi du 5 avril 1993 ne saurait lui être appliquée pour des faits antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi modificative, se situant au 4 août 2015.

Elle se réfère, dans ce contexte aux travaux parlementaires de la loi du 23 juillet 2015 dans le cadre du projet de loi n° 6660, et notamment au commentaire de l'article 5 dudit projet de loi, selon lequel ces modifications auraient été introduites afin de permettre aux autorités compétentes ainsi qu'aux actionnaires ou aux associés d'un établissement de crédit d'examiner si les membres de l'organe de direction disposent des connaissances, des compétences et des aptitudes nécessaires pour garantir une gestion correcte et prudente de l'établissement de crédit en question.

Il s’ensuivrait que la nouvelle version de l'article 7 de la loi du 5 avril 1993 constituerait bien une disposition plus sévère à l'égard des membres de l'organe de direction de la Banque, alors qu'avant cette modification législative, ces derniers n'auraient eu à justifier que de l'honorabilité professionnelle, et non pas de compétences et de l'expérience nécessaires à l'exercice de leurs attributions et ce, « à tout moment ».

La partie demanderesse fait dès lors plaider que la CSSF, face à des faits lui reprochés antérieurs à la date du 4 août 2015, aurait dû lui appliquer l'article 7 de la loi du 5 avril 1993 dans sa rédaction antérieure à la loi du 23 juillet 2015, alors que cette version aurait été moins sévère du fait de ne pas prévoir un contrôle « à tout moment » et du fait de ne pas avoir exigé des administrateurs de disposer des compétences et de l'expérience nécessaires à l'exercice de leurs fonctions.

Elle rappelle à cet effet que les faits lui reprochés dans la décision déférée du 26 février 2020 seraient tous antérieurs à la date du 4 août 2015, étant donné que dès juillet 2015, elle aurait reçu la proposition de travailler à Genève, impliquant nécessairement sa démission de sa fonction de CEO de la Banque à Luxembourg, qui lui aurait finalement, en août 2015, proposé un statut d'agent lié.

Ainsi, la CSSF aurait violé le principe de non-rétroactivité de la loi nouvelle, édicté notamment à l'article 2 du Code civil, principe auquel il ne saurait être dérogé que par une disposition légale expresse, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

La partie demanderesse cite encore deux jurisprudences ayant retenu que tous les effets juridiques produits par la situation envisagée avant l'entrée en vigueur de la nouvelle 10 loi du 23 juillet 2015 portant transposition de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, transposition partielle de la directive 2011/89/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011, transposition de l'article 6, paragraphe 6 de la directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011, modification de la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier, la loi modifiée du 23 décembre 1998 portant création d'une commission de surveillance du secteur financier, la loi du 12 juillet 2013 relative aux gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs, loi feraient partie du domaine de la loi ancienne, respectivement que la constatation, lors de la mise en œuvre de la loi, des imperfections attachées au système et leur élimination par voie législative ultérieure, ne permettrait ni d'empêcher l'application de la première loi, ni de remplacer le système prévu par un autre.

La partie demanderesse fait encore relever à ce sujet que la même solution vaudrait en droit pénal par application de l'article 2 du Code pénal reprenant le principe que nulle infraction ne pourrait être punie de peines qui n'auraient pas été portées par la loi avant que l'infraction ne fût commise.

Dans son mémoire en réplique, la partie demanderesse fait encore relever que la CSSF ne contesterait pas, à proprement parler, le conflit de lois dans le temps au sujet de l'article 7, paragraphe (1) de la loi du 5 avril 1993 relative aux conditions d'honorabilité, et partant qu'elle aurait appliqué la version actuelle dudit article, au motif qu’il n'y aurait pas de différence « notable » entre les deux versions de cet article, et que les différences de rédaction ne seraient que de nature cosmétique.

Or, contrairement à ce qu'affirmerait la CSSF, la nouvelle rédaction de cet article serait plus contraignante, alors que comme la partie défenderesse l'admettrait elle-même, le cadre réglementaire aurait évolué en devenant bien plus complexe et bien plus contraignant, de sorte que les attentes vis-à-vis du respect de l 'article 7, paragraphe (1) de la loi du 5 avril 1993 auraient changé.

La partie demanderesse s’oppose encore à la théorie du « Kernbereich », invoquée par la CSSF dans ce contexte, alors que cette dernière théorie suffirait à elle-seule pour justifier qu’en application du principe de la non-rétroactivité de la loi nouvelle plus sévère, cette dernière ne devrait pas s'appliquer en l'espèce.

Elle rappelle, dans ce contexte, la valeur constitutionnelle du principe de non-

rétroactivité des peines en matière pénale, déjà formulé par l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, principe qui s'étendrait nécessairement à toute sanction ayant le caractère d'une punition, même prononcée par une autorité de nature non judiciaire, tel que cela aurait été souligné par le conseil constitutionnel français.

Contrairement à ce que soutiendrait la CSSF, les conditions de l'octroi de l'honorabilité n'auraient pas été appréciées « à tout moment », avant la modification de l'article 7, paragraphe (1) de la loi du 5 avril 1993 par la loi du 23 juillet 2015, de sorte que cette nouvelle disposition, venue renforcer les pouvoirs de contrôle de la CSSF, ne pourrait trouver à s'appliquer à des faits antérieurs à l'entrée en vigueur de cette loi du 23 juillet 2015.

Il en serait de même en ce qui concerne l’exigence pour les membres des organes d'administration, de gestion et de surveillance de présenter des compétences et l'expérience nécessaires à l'exercice de leurs attributions.

Cette conclusion ne serait pas non plus énervée par le recours, de la part de la CSSF, à une interprétation téléologique des dispositions nationales et européennes relatives à l'honorabilité professionnelle.

La partie demanderesse estime ensuite que ce serait encore par une fausse interprétation que la CSSF donnerait à considérer que « la situation factuelle et juridique de violation des règles de droit était toujours en cours de constitution du point de vue du droit administratif, et du point de vue des effets des infractions sur les intérêts que la CSSF est chargée de protéger en tant qu'autorité administrative », alors qu’au moment du contrôle sur place à partir de février 2016, elle n’aurait justement plus fait partie de la Banque depuis septembre 2015.

La CSSF conclut au rejet de cette première branche du troisième moyen.

Aux termes de l’article 7, paragraphe (1) de la loi du 5 avril 1993 dans sa version antérieure aux modifications de l’année 2015, « (1) L'agrément est subordonné à la condition que les membres des organes d'administration, de gestion et de surveillance ainsi que les actionnaires ou associés visés à l'article précédent, justifient de leur honorabilité professionnelle. L'honorabilité s'apprécie sur base des antécédents judiciaires et de tous les éléments susceptibles d'établir que les personnes visées jouissent d'une bonne réputation et présentent toutes les garanties d'une activité irréprochable. (…) ».

A l’heure de la décision déférée, l’article 7, paragraphe (1) de la loi du 5 avril 1993 est rédigé de la manière suivante :

« (…) (1) L'agrément est subordonné à la condition que les membres de l'organe de direction disposent à tout moment de l'honorabilité et des connaissances, des compétences et de l'expérience nécessaires à l'exercice de leurs attributions. Les actionnaires ou associés visés à l'article précédent, justifient de leur honorabilité professionnelle. L'honorabilité s'apprécie sur base des antécédents judiciaires et de tous les éléments susceptibles d'établir que les personnes visées jouissent d'une bonne réputation et présentent toutes les garanties d'une activité irréprochable. (…) ».

Force est d’abord de constater que si la décision déférée, expressément basée sur l’article 7, paragraphe (1) de la loi du 5 avril 1993, ne reprend cependant pas le texte intégral de ladite disposition, de sorte qu’il est mal aisé de définir, à la lecture de la décision litigieuse, quelle est la version concrète du texte finalement appliqué, la CSSF fait cependant préciser, dans ses mémoires, que ce serait nécessairement la version de la loi au moment de son contrôle ayant débuté en 2016 et de sa décision qui trouverait application, soit l’article 7, paragraphe (1) de la loi du 5 avril 1993, tel que modifié par la loi du 23 juillet 2015, ce qui est par ailleurs corroboré par les termes employés par la décision déférée elle-même selon lesquels la condition d’honorabilité devrait être rempli « à tout moment », faisant ainsi implicitement référence à la nouvelle mouture du texte.

C’est d’abord à bon droit que la CSSF a fait plaider qu’elle est censée appliquer le texte de loi tel qu’il est en vigueur notamment au jour de la prise de sa décision, alors que son appréciation de la perte d’honorabilité de la partie demanderesse doit se cristalliser au moment de sa décision y relative en fonction des dispositions applicables le jour en question, peu importe que cette appréciation se soit faite en prenant en considération des faits, respectivement des comportements de la partie demanderesse, s’étant manifestés dans le passé.

En effet, au-delà du constat que par l’invocation du principe de la non rétroactivité de la loi, la partie demanderesse soutient de facto que ses agissements dans le passé auraient pu se dérouler en toute impunité, une fois son honorabilité vérifiée dans le cadre de la procédure d’agrément de la Banque, il ne s’agit, en l’espèce pas de vérifier si des agissements du passé étaient ou non répréhensibles pénalement au moment de leur commission, voire même sur un plan administratif, alors que l’article 7, paragraphe (1) de la loi du 5 avril 1993 ne fournit pas de catalogue de faits repréhensibles, mais de juger, sur base d’un comportement affiché dans le passé si, à l’heure où la CSSF a pris sa décision, l’honorabilité de la partie demanderesse peut être remise en cause, ladite décision étant une mesure prudentielle de nature préventive en vue d’assurer la réputation de la place financière luxembourgeoise et non pas une sanction administrative, respectivement pénale.

Cette conclusion n’est pas énervée par le principe de la non-rétroactivité de la loi plus sévère, alors qu’en tout état de cause, c’est à tort que la partie demanderesse estime que la version de l’article 7, paragraphe (1) de la loi du 5 avril 1993 antérieure à la modification par la loi du 23 juillet 2015, aurait été plus clémente.

Si la partie demanderesse explique que la version actuelle de l’article 7, paragraphe (1) de la loi du 5 avril 1993 serait plus sévère, cela s’explique, tel que relevé d’ailleurs par les travaux parlementaires cités à l’appui de son argumentation y relative, exclusivement par l’ajout de l’exigence, dans le chef des membres des organes d'administration, de gestion et de surveillance, des compétences et l'expérience nécessaires à l'exercice de leurs attributions et non par la précision que tant l’honorabilité que les compétences devraient pouvoir être vérifiés « à tout moment ».

Or, la décision déférée ne concerne d’abord pas un refus de reconnaissance des compétences et de l’expérience de la partie demanderesse, mais se limite à constater qu’il ne remplit plus la condition de l’honorabilité professionnelle, condition certes actuellement cumulative avec celle de l’exigence de compétences et d’expérience, mais ayant déjà été prévue par l’article 7, paragraphe (1) de la loi du 5 avril 1993 avant la réforme de 2015, sans que l’ajout de la mention « à tout moment », figurant dans la version actuelle du texte litigieux, n’ait la moindre pertinence à cet égard.

En effet, si l’ajout de la mention « à tout moment » vient effectivement préciser le texte en question pour ne laisser aucune marge d’interprétation quant à la période prise en compte pour l’appréciation de la condition de l’honorabilité professionnelle, force est cependant de retenir, à l’instar de la CSSF, que la logique de la disposition litigieuse ne laisse pas de doute que, même sans cette précision, la condition d’honorabilité doit être vérifiée tout au long de l’activité de la personne concernée, l’inverse aboutissant à la situation absurde qu’une fois l’agrément accordé à la Banque, ses représentants pourraient se dispenser de maintenir leur honorabilité, ce qui ne saurait pourtant avoir été l’objectif de l’article 7, paragraphe (1) de la loi du 5 avril 1993, avant sa modification par la loi du 23 juillet 2015, étant d’ailleurs relevé que cette interprétation visant le maintien de l’honorabilité dans la durée, est encore renforcée par l’exigence qu’en application du 3ième paragraphe de l’article 7 de la loi du 5 avril 1993, toute modification dans le chef des personnes visées au paragraphe 1er de cette disposition, doit obligatoirement être, au préalable, notifiée à la CSSF et accordé par cette dernière.

Il y a encore lieu de se référer, dans ce contexte, à un arrêt de la Cour administrative du 23 août 2023, inscrit sous le numéro 47837C du rôle, à propos de l’application de l’article 19 de la loi du 5 avril 1993 relatif à l’agrément des PSF, dont la rédaction, dans sa version applicable audit cas d’espèce, est comparable11 à l’ancien article 7 de la même loi, 11 Article 19 de la loi du 5 avril 1993 : « (1) En vue de l'obtention de l'agrément, les personnes physiques et, dans le cas de personnes morales, les membres des organes d'administration, de gestion et de surveillance ainsi que les actionnaires ou associés visés à l'article précédent, doivent justifier de leur honorabilité professionnelle.

actuellement litigieux, concernant les banques, arrêt qui a retenu que « l’exigence d’honorabilité dans le chef des dirigeants d’une entité surveillée ne doit pas seulement être satisfaite au moment de l’introduction de la demande d’agrément de cette entité, mais au contraire, qu’elle doit être respectée tant que l’entité surveillée entend exercer son activité. ».

Il suit partant des considérations qui précèdent que la première branche du moyen tenant à une violation de l’article 7, paragraphe (1) de la loi du 5 avril 1993 encourt le rejet.

Par rapport à la deuxième branche de ce moyen, la partie demanderesse fait plaider que l’article 7 de la loi du 5 avril 1993, invoqué comme base légale pour lui ôter son honorabilité professionnelle, n’envisagerait la condition de l'honorabilité professionnelle des administrateurs que dans le cadre spécifique de l'agrément donné par la CSSF à une « personne morale de droit luxembourgeois qui a la forme d'un établissement de droit public, d'une société anonyme, d'une société en commandite par actions ou d'une société coopérative », et que partant la seule sanction prévue par ce texte, lorsqu'une personne ne remplit plus les conditions de l'honorabilité professionnelle, serait le retrait de l'agrément de la personne morale soumise au contrôle de la CSSF, en application de l’article 11 de la loi du 5 avril 1993, lequel renverrait d’ailleurs expressément, dans son paragraphe 4bis, aux sanctions et mesures administratives pouvant être prononcées tant contre la personne morale que contre les dirigeants prévues à l’article 63-2, paragraphe (1) de la même loi.

Si la décision du 21 juin 2017, prise à l’égard de la Banque, aurait été précisément basée sur l'article 63 de la loi du 5 avril 1993, cette base légale n’aurait pas été invoquée dans la décision actuellement déférée du 26 février 2020, laquelle s'appuierait uniquement sur les dispositions des articles 7 et 43 de la loi du 5 avril 1993 au motif qu’il s’agirait d’une mesure prudentielle, et ce, alors même que la mesure litigieuse s'apparenterait davantage à une véritable sanction.

La partie demanderesse en conclut que l'article 7 de la loi du 5 avril 1993 ne prévoirait pas le retrait de l'honorabilité professionnelle pour une durée limitée dans le temps, ni dans sa version actuelle ni dans son ancienne version. Il s’en irait de même en ce qui concerne l'article 43 de la loi du 5 avril 1993, également invoqué dans ce contexte par la CSSF. Il s’ensuivrait que cette dernière lui aurait, sous couvert d'une mesure « prudentielle », en réalité, infligé une véritable sanction administrative, au sens de l'article 63, paragraphe (2) a) et b) de la loi du 5 avril 1993, prévoyant une « interdiction limitée dans le temps ou définitive d'effectuer une ou plusieurs opérations ou activités, ainsi que toutes autres restrictions à l'activité de la personne ou de l'entité ou d'interdiction professionnelle limitée dans le temps ou définitive des administrateurs, gérants ou dirigeants de fait ou de droit des personnes et entités soumises à la surveillance de la CSSF ».

Ainsi, la décision déférée manquerait de base légale, alors que la référence aux articles 7 et 43 de la loi du 5 avril 1993 serait inopérante. Il s’ensuivrait également une violation du principe de la légalité des délits et des peines, également applicable, selon le Conseil d’Etat français, aux sanctions administratives, tel qu’il serait consacré par l'article 7 de la CEDH, respectivement, en droit national, par l'article 14 de la Constitution.

L'honorabilité s'apprécie sur base des antécédents judiciaires et de tous les éléments susceptibles d'établir que les personnes visées jouissent d'une bonne réputation et présentent toutes les garanties d'une activité irréprochable. (…) ».

La partie demanderesse fait encore répliquer à ce sujet, que le seul argument avancé par la CSSF dans ce contexte, relevant de la théorie de droit administratif de « l'acte contraire », en vertu de laquelle l'autorité administrative qui octroierait un droit sur base d'une disposition légale pourrait prendre un acte en sens inverse en retirant ce même droit sur base de la même disposition, même si ladite disposition ne prévoirait pas explicitement cette possibilité, ne suffirait pas à justifier l'absence de base légale de la mesure lui infligée laquelle devrait dès lors être appréciée comme une sanction administrative répressive.

La partie demanderesse fait encore préciser, par rapport au principe de légalité des infractions et des peines, que ce principe s’opposerait à ce que le juge puisse créer des incriminations ou des peines ex nihilo, respectivement appliquer des incriminations et des peines en dehors des cas prévus par les textes, ce qui serait non seulement dicté par le principe de la séparation des pouvoirs, mais également en vue de prévenir tout arbitraire, ce qui impliquerait que le législateur serait tenu de définir les infractions dans des termes suffisamment clairs et précis, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce, où il lui serait reproché de manière floue des « manquements aux textes législatifs et réglementaires », respectivement le défaut de mise en place « d'une culture de la conformité ». Ce même principe interdirait à l'administration, en tant qu’autorité sanctionnatrice, de prononcer une peine autre que celle définie préalablement dans les textes légaux ou de dépasser les seuils y fixés, respectivement de procéder à une interprétation trop large desdites dispositions.

Ainsi, si un retrait d'autorisation, voire d'agrément pouvait être prononcé même en l'absence d'un texte légal sur la base de la règle du parallélisme des compétences, telle qu’invoquée par la CSSF, il n'en demeurerait pas moins que les textes légaux invoqués ne mentionneraient toujours pas la durée du retrait, de l'interdiction ou de la suspension prononcée, de sorte qu’il n’y aurait pas de limite à l'arbitraire de la CSSF.

C’est à bon droit que la CSSF a conclu au rejet de cette seconde branche du présent moyen, en soulignant que la décision de retrait d’honorabilité ne serait pas dépourvue de base légale, alors que le droit de retirer l’honorabilité à une personne ayant été acceptée sur base de l’article 7, paragraphe (1) de la loi du 5 avril 1993, trouve sa base légale formelle dans l’article 53, paragraphe (1) de la même loi, se trouvant sous la section 2, intitulée « Pouvoirs de la CSSF », disposant, qu’« Aux fins de l’application de la présente loi, (…) et des mesures prises pour leur exécution, la CSSF est investie de tous les pouvoirs de surveillance et d’enquête nécessaires à l’exercice de ses fonctions, y compris du pouvoir d’imposer des mesures correctives.

Les pouvoirs de la CSSF incluent le droit : (…) 9. d’adopter toute mesure nécessaire pour s’assurer que les personnes soumises à sa surveillance prudentielle continuent de se conformer aux exigences (…) de la présente loi et des mesures prises pour leur exécution ; (…) », tel que cela a été retenu par la Cour administrative dans son arrêt précité du 23 août 2023, également invoqué par la CSSF en cours d’instance, et dont la solution est parfaitement transposable au présent litige, la Cour ayant encore rappelé, dans ce cadre, que le droit de révoquer les membres de l’organe de direction s’ils ne satisfont pas aux exigences énoncées, tel que figurant, depuis une loi du 20 mai 2021, au 2e alinéa du paragraphe 1bis de l’article 19 de la loi du 5 avril 1993, respectivement au 3ième alinéa de l’article 7, paragraphe (1) de la loi du 5 avril 1993, ne serait que la consécration desdits pouvoirs de la CSSF dans ce contexte.

Il s’ensuit que la décision déférée de retirer l’honorabilité de la partie demanderesse, n’est pas dépourvue de base légale et n’a pas été pris en violation de l’article 7 de la loi du 5 avril 1993, étant rappelé qu’il a été retenu ci-avant que ladite mesure ne constitue ni sanction pénale, ni même sanction administrative, mais une mesure prudentielle, de sorte que les développements en relation avec le principe de la légalité des peines manquent de pertinence.

Au vu de ces considérations, la deuxième branche du moyen tenant à une violation de l’article 7 de la loi du 5 avril 1993 encourt également le rejet.

En ce qui concerne la troisième branche de son moyen, la partie demanderesse conclut à une mauvaise interprétation par la CSSF des dispositions de l’article 7, paragraphe (1) de la loi du 5 avril 1993, en ce qu’elle se limiterait, tout au long de la décision déférée, exemples cités à l’appui, à se référer, à chaque fois, aux garanties d'une activité irréprochable comme seule condition nécessaire à l'honorabilité professionnelle, alors même que le texte dudit article 7, paragraphe (1), préciserait que « L'honorabilité s'apprécie sur base des antécédents judiciaires et de tous les éléments susceptibles d'établir que les personnes visées jouissent d'une bonne réputation et présentent toutes les garanties d'une activité irréprochable ».

Ainsi, en se basant sur son seul comportement, jugé subjectivement comme n'étant pas irréprochable, pour conclure au retrait de son honorabilité professionnelle, la CSSF n’aurait pas tenu compte des autres conditions imposées cumulativement par ce texte, à savoir la condition objective de l'absence d'antécédents judiciaires et la bonne réputation.

En effet, le texte de l'article 7, paragraphe (1) de la loi du 5 avril 1993 énoncerait clairement, par l’emploi de la conjonction « et » entre chaque condition de l'honorabilité professionnelle, que ces différentes conditions devraient se trouver vérifiées cumulativement et non pas alternativement, comme le ferait pourtant la CSSF dans sa décision déférée du 26 février 2020, de sorte à procéder ainsi à une violation de la loi.

La partie demanderesse fait souligner, dans ce contexte, qu’à aucun moment, la CSSF ne serait en mesure de prouver qu’elle aurait des antécédents judiciaires, alors qu’aucune décision de condamnation pénale n'aurait été prononcée à son encontre, que ce soit dans le cadre de l'affaire … ou de toute autre affaire, de même qu’au moment de sa décision, la CSSF n’aurait pas été en mesure de fournir le moindre élément susceptible d'établir qu’elle ne jouirait pas d'une bonne réputation.

De plus, la CSSF, pour procéder au retrait de l’honorabilité professionnelle d’une personne sous son contrôle, se livrerait à une appréciation ex negativo, en se contentant de susciter un doute relatif à un comportement reprochable dont il ne serait pas possible de prouver le contraire.

En l’espèce, la CSSF citerait les Orientations de l'Autorité bancaire européenne du 22 novembre 2012 sur l'évaluation de l'aptitude des membres de l'organe de Direction et des titulaires de postes clés, lesquelles auraient notamment précisé qu'un manque de transparence, d'ouverture et de coopération dans ses relations avec les autorités de réglementation ou de surveillance serait susceptible de soulever des doutes quant à l'honorabilité d'une personne, ce qui ne pourrait cependant pas lui être reproché alors qu’il aurait, tout au long de sa carrière et à chaque fois que cela lui aurait été demandé, apporté son concours aux dirigeants de la CSSF.

La partie demanderesse fait encore répliquer à ce sujet que dans son mémoire en réponse, la CSSF ne prendrait pas position sur cette troisième branche du moyen.

Si la CSSF n’a effectivement pas spécialement pris position par rapport aux développements de la partie demanderesse sous cette branche du moyen, elle a néanmoins à bon droit conclu au rejet dudit moyen, en ce que le caractère cumulatif des conditions de la reconnaissance de l’honorabilité fait justement en sorte que le fait de ne pas remplir l’une des conditions figurant à l’article 7, paragraphe (1) précité de la loi du 5 avril 1993, suffit pour conclure à un défaut d’honorabilité, de sorte qu’il n’y a plus nécessairement lieu de vérifier si les autres conditions ne sont également pas ou plus remplies. Ainsi, du fait de ne pas avoir établi en l’espèce que la partie demanderesse aurait eu des antécédents judiciaires au moment de la décision déférée, respectivement qu’elle n’aurait pas joui d’une bonne réputation dans le secteur, la CSSF, en n’invoquant que des éléments susceptibles d'établir que la partie demanderesse n’a pas présenté toutes les garanties d'une activité irréprochable, n’a pas violé le texte de l’article 7, paragraphe (1) de la loi du 5 avril 1993, de sorte que ledit moyen, pris en sa troisième branche, encourt également le rejet, étant relevé que les considérations selon lesquelles l’appréciation de l’honorabilité est faite par la CSSF manquent de pertinence dans ce contexte.

Enfin, en ce qui concerne la quatrième et dernière branche de son moyen relatif à une violation de l’article 7 de la loi du 5 avril 1993, la partie demanderesse reproche à la CSSF de l’avoir informée de son droit d’introduire un recours contentieux dans le délai de 3 mois alors que l’article 7 précité, prévoirait expressément, dans son dernier alinéa, que « la décision de la CSSF peut être déférée, dans le délai d'un mois sous peine de forclusion, au tribunal administratif, qui statue comme juge du fond ».

Ainsi, la CSSF se contredirait en fondant, d’un côté, sa décision sur l'article 7 de la loi du 5 avril 1993, tout en écartant, d’un autre côté, la disposition in fine dudit article, pris en son 3ième paragraphe.

La partie demanderesse en conclut qu’il serait ainsi établi que la décision déférée ne serait justement pas fondée sur l'article 7 de la loi du 5 avril 1993.

C’est à bon droit que la CSSF conclut au rejet de cette dernière branche du moyen tenant à une violation de l’article 7 de la loi du 5 avril 1993, alors que le recours contentieux qui est prévu au 3ième alinéa du 3e paragraphe dudit article, ne concerne que les recours contre la décision de la CSSF prise en vertu du 2ième alinéa du même paragraphe, de s’opposer à la modification dans le chef des personnes visées au paragraphe 1er, si ces personnes ne jouissent pas d’une honorabilité professionnelle adéquate et, le cas échéant, d’une expérience professionnelle adéquate ou s’il existe des raisons objectives et démontrables d’estimer que le changement envisagé risque de compromettre la gestion saine et prudente de l’établissement de crédit, cas de figure non concerné en l’espèce, alors que la CSSF, dans la décision déférée, ne s’est pas opposé à un changement des membres de l’organe de direction proposé par la Banque, mais a retiré l’honorabilité à la partie demanderesse en application des articles 7 et 53 de la loi du 5 avril 1993, dispositions ne prévoyant pas de recours spécifique dans ce cas de figure, de sorte à ce que les dispositions générales de l’article 2 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, dénommée ci-après « la loi du 7 novembre 1996 », trouvent à s’appliquer, à savoir que « (1) Le tribunal administratif statue sur les recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, contre toutes les décisions administratives à l’égard desquelles aucun autre recours n’est admissible d’après les lois et règlements. (…) », en combinaison avec l’article 13 de la loi du 21 juin 1999, aux termes duquel « (1) Sauf dans les cas où les lois ou les règlements fixent un délai plus long ou plus court et sans préjudice des dispositions de la loi du 22 décembre 1986 relative au relevé de la déchéance résultant de l’expiration d’un délai imparti pour agir en justice, le recours au tribunal n’est plus recevable après trois mois du jour où la décision a été notifiée au requérant ou du jour où le requérant a pu en prendre connaissance. (…) ».

Il suit de ces considérations que cette dernière branche du troisième moyen est également à rejeter, de sorte que le moyen tenant à une violation de l’article 7 de la loi du 5 avril 1993 encourt le rejet pour n’être fondé en aucune de ses branches.

En quatrième lieu, la partie demanderesse conclut à une violation de l'article 43, paragraphe (1) de la loi du 5 avril 1993 au motif que la CSSF lui aurait, sous couvert d'une mesure « prudentielle », en faisant référence au prédit article, et sur base du défaut de l'honorabilité professionnelle au sens de l'article 7 de la même loi, infligé une véritable sanction administrative, correspondant aux « sanctions administratives et autres mesures administratives », telles que prévues par les articles 63 et suivants de la loi du 5 avril 1993, et notamment l'interdiction d'exercer certaines activités pour une durée limitée.

La partie demanderesse reprend, dans ce contexte, ses développements précédents relatifs à la qualification de la décision déféré en tant que sanction administrative.

Elle reproche à nouveau à la CSSF de lui avoir infligé une sanction ou une mesure qui ne serait prévue ni par le texte de l'article 7, paragraphe (1), ni par celui de l'article 43 de la loi du 5 avril 1993, partant une sanction sans base légale, en violation du principe de la légalité des délits et des peines.

Elle s’interroge sur la raison d’être de la sanction lui infligée, en soutenant qu’en raison du retrait de son honorabilité professionnelle, la CSSF aurait dû retirer l’agrément à la Banque sur base de l'article 11 de la loi du 5 avril 1993 et non pas condamner cette dernière à une amende. La partie demanderesse estime que le fait que la Banque n’ait pas contesté ladite amende, pourtant très importante, laisserait penser à l’existence d’un arrangement entre la Banque et la CSSF, le tout à ses frais.

La partie demanderesse met encore en doute la qualification de la mesure lui imposée en tant que mesure prudentielle, alors que la décision déférée du 26 février 2020 concernerait des faits remontant à plus de 10 ans, dont la CSSF aurait eu connaissance depuis 2016, mais que cette dernière ne lui aurait notifié ses griefs que deux ans plus tard, tout en attendant, encore une fois, plus de 21 mois pour rendre sa décision. Or, une véritable mesure prudentielle aurait nécessité une décision plus rapide, de sorte qu’il s'agirait, en l’espèce, davantage d’une véritable sanction. En l’occurrence, la CSSF se serait décrédibilisée du fait de ne pas pouvoir justifier son rôle de régulation ou d'assainissement du marché, en rendant une décision plus de 10 ans après les faits reprochés et 4 ans après le contrôle sur place dans la Banque.

En outre, la décision de rendre publique la décision déférée du 26 février 2020 sur base de l'article 43, paragraphe (1) de la loi du 5 avril 1993 serait encore critiquable, alors que cette publication aurait eu lieu par un communiqué de la CSSF du 27 mars 2020, avant même que le délai du présent recours ne soit expiré.

La partie demanderesse conteste encore, dans ce cadre, l’existence d’un intérêt public justifiant ladite publication, alors que ladite décision, concernant des faits remontant à plus de 10 ans et apparus dans la presse depuis plus de 5 ans, ne pourrait plus être motivée par la protection de la confiance du public envers la place financière du Luxembourg et par la sauvegarde de la bonne réputation de cette dernière, alors que le temps économique imposerait une réaction beaucoup plus rapide, adaptée aux nécessités du marché. Or, le délai pris par la CSSF pour rendre sa décision lui causerait indéniablement préjudice.

La partie demanderesse fait ensuite relever que l'article 43, paragraphe (1) de la loi du 5 avril 1993 n'envisagerait pas la possibilité d’une publication nominative, à laquelle la CSSF aurait pourtant procédé en l’espèce. Ainsi, la CSSF ferait clairement référence au texte de l'article 63-3 de la loi du 5 avril 1993 relatif à la publication des sanctions administratives et qui ferait la distinction entre la publication sur son site internet de sanctions de manière « nominative » ou de manière « anonyme », de sorte à confirmer qu'il s'agirait en réalité d’une véritable sanction déguisée prise par la CSSF.

La partie demanderesse estime que ladite publication n’aurait certainement pas été prise dans le but de régulation du secteur financier, ni dans l'intérêt public, mais uniquement dans le but de la sanctionner, respectivement de protéger davantage les intérêts de la Banque ou ceux des tiers.

La partie demanderesse fait encore répliquer à cet égard qu’étant donné que la CSSF prétendrait à tort que le retrait d’honorabilité serait à qualifier de mesure prudentielle, elle ne pourrait pas faire application du texte général de l’article 43 de la loi du 5 avril 1993 au motif qu’aucun régime de publication dédiée ne serait prévu par ladite loi, alors que le retrait de son honorabilité professionnelle s'analyserait en une véritable sanction administrative répressive, comprenant en pratique l'interdiction d'exercer certaines activités pour une durée de 10 ans, de sorte qu’à défaut d'invoquer la bonne base légale applicable, à savoir les dispositions des articles 63 et suivants de la loi du 5 avril 1993, la décision déférée serait à annuler. Elle réitère à ce sujet ses développements précédents relatifs à la qualification de la nature du retrait d’honorabilité professionnelle.

Ainsi, la publication du retrait de son honorabilité professionnelle aurait tout au plus pu être justifiée par les articles 63 et suivants de la loi du 5 avril 1993, comme cela aurait été le cas pour la Banque.

En ce qui concerne l’affirmation de la CSSF, selon laquelle l'intérêt public de la publicité de sa décision résiderait dans le fait qu’elle aurait fait elle-même des déclarations à la presse tendant à induire en erreur le grand public au Luxembourg et à l'étranger, la demanderesse explique que cette seule déclaration de sa part, faite en 2016, soit bien avant la procédure d'enquête diligentée à son encontre et à un moment où elle aurait été ouvertement en conflit avec la Banque du fait que cette dernière aurait cherché à trouver un bouc-

émissaire, aurait eu pour seul but de se défendre face aux graves accusations que la Banque aurait fait planer sur elle et sa réputation, et ne saurait en aucun cas justifier, plus de 4 ans après, la publication litigieuse de la décision déférée, d’autant plus que cette dernière serait intervenue plus de 10 ans après les faits.

La partie demanderesse conteste encore l’argumentation de la CSSF selon laquelle la publication de la décision déférée ne constituerait pas une deuxième sanction, ni même une sanction complémentaire.

Elle donne à considérer que selon l'article 43 de la loi du 5 avril 1993, il s'agirait d'une simple faculté, alors que la publicité des sanctions administratives dans le cadre de l'article 63-3 de la même loi serait plutôt obligatoire. Ainsi, le fait que la publicité de la décision soit facultative dans un cas, respectivement obligatoire dans un autre cas, militerait en faveur du caractère répressif de la mesure de publicité de la décision.

Si pour certains auteurs de doctrine, la mesure de publication obéirait plus à une stratégie pédagogique et préventive, s'inscrivant ainsi dans la mission d'intérêt public poursuivie par la CSSF, d’autres auteurs mettraient plutôt en avant le rôle répressif de ces mesures de publication qui auraient pour principal but la dissuasion et la punition, surtout quand elles se feraient de façon nominative.

En l’espèce, la publication d'une décision de façon nominative sur le site internet de la CSSF, largement relayée dans la presse, marquerait clairement la volonté de la CSSF de lui infliger une seconde peine et de dissuader les autres de commettre les mêmes faits. En effet, le recours à des injonctions de publication en matière économique et dans le domaine des affaires en général, découlerait de la conviction qu'une mauvaise publicité dans cette sphère pourrait avoir des répercussions négatives importantes, ce qui constituerait un moyen de dissuasion des plus efficaces.

La partie demanderesse s’oppose encore à l’affirmation de la CSSF, selon laquelle elle se serait épanchée dans la presse sur cette affaire, alors qu’elle ne s’appuierait, dans ce contexte, que sur un seul article de presse du Luxembourger Wort du …, dans le cadre duquel elle aurait été interviewée. Si son nom serait encore apparu à plusieurs reprises en lien avec ce scandale financier aux ramifications planétaires, cela aurait été contre son gré.

La partie demanderesse fait encore préciser, quant aux griefs subis, que depuis la publication de la décision déférée, elle subirait aujourd'hui, ensemble avec son épouse, des demandes de clôtures de relations avec ses banquiers luxembourgeois, en ce y compris le remboursement anticipé de ses crédits, qu’elle n'aurait plus la possibilité d'entrer en relation avec une autre banque ne serait-ce que pour y ouvrir un compte Ménage, qu’elle serait obligée de rentrer en France en clôturant ses sociétés luxembourgeoises, qui ne pourraient plus fonctionner sans compte bancaire, de même qu’elle n'aurait plus la possibilité de réaliser un quelconque investissement au Luxembourg ou tout simplement de récupérer les fruits de ses investissements passés.

Ainsi, la décision déférée et sa publication s'apparenteraient clairement à une volonté de lui nuire et de l’éloigner définitivement du Luxembourg.

A cela s’ajouterait encore la demande de l’administration des Contributions directes lui réclamant les impôts non payés par une société du client …, où il aurait pourtant démissionné de son poste de dirigeant.

La CSSF conclut au rejet dudit moyen.

Force est d’abord au tribunal de relever qu’au vu de la qualification, sur base des enseignements de la CJUE, dans son arrêt UBS, du retrait d’honorabilité professionnelle en tant que mesure prudentielle et non pas en tant que sanction administrative ou pénale, il y a lieu de rejeter d’emblée, pour défaut de pertinence, tous les développements afférents de la partie demanderesse se basant sur la prémisse que la décision déférée constituerait une sanction et partant également ceux relatifs à l'article 63 de la loi du 5 avril 1993.

Aux termes de l’article 43, paragraphe (1) de la loi du 5 avril 1993, « La CSSF exerce ses attributions de surveillance prudentielle exclusivement dans l'intérêt public. Si l'intérêt public le justifie, elle peut rendre ses décisions publiques. ».

C’est d’abord à tort que la partie demanderesse estime que faute de précision à cet égard, ledit article ne permettrait pas à la CSSF de procéder à une publication nominative de ses décisions, alors qu’au contraire, ledit article permet justement à la CSSF de rendre ses décisions publiques, telles quelles, ce qui implique nécessairement également des publications de manière nominative.

Si l’article 43 précité de la loi du 5 avril 1993 prévoit certes une simple faculté en ce qui concerne la publication de la mesure prise par la CSSF, le critère selon lequel cette dernière doit décider de son application réside dans l’intérêt public que la CSSF est censée protéger.

C’est à bon escient que la CSSF explique, dans ce contexte, qu’en raison du rayonnement, jugé d’ailleurs « planétaire » par la partie demanderesse elle-même, de l’affaire FONDS 3 à laquelle était lié le client …, ayant provoqué un scandale retentissant à plusieurs niveaux, largement relayé par la presse tant nationale qu’internationale, il était dans l’intérêt public, pour la CSSF, de communiquer sur les mesures prises par elle dans ce contexte, et ce notamment de rendre compte de ses actions prises dans le souci de protéger la bonne réputation du secteur financier luxembourgeois, la stabilité financière et la confiance du public dans la surveillance du secteur financier réglementé luxembourgeois.

A cela s’ajoute que la partie demanderesse, elle-même, s’est exprimée dans la presse, pour prendre position quant à l’affaire FONDS 3, bien avant la décision déférée, de sorte que ce n’est pas la publication litigieuse qui est à l’origine des désagréments subis par elle dus à une mauvaise presse et au scandale dans lequel elle a été impliquée.

A l’instar de la CSSF, le tribunal doit rappeler que la surveillance exercée par la CSSF n'a pas pour objet de garantir les intérêts individuels des entreprises ou des professionnels surveillés ou de leurs clients ou de tiers, mais elle se fait exclusivement dans l'intérêt public12, ce qui peut justifier pleinement la publication d'une mesure prudentielle afin d’assurer l'efficacité et l'effet dissuasif de la mesure administrative en question, en vue également de prévenir la commission de manquements ultérieurs par l'intéressé et d'asseoir la crédibilité de l'action de l'autorité prudentielle.

Au vu de la résonnance médiatique particulièrement forte de l'affaire FONDS 3 en lien avec le client …, un tel objectif ne serait manifestement pas atteint par la voie d'une 12 En ce sens : Cour adm. 29 novembre 2011, n° 28610C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Régulation économique, n° 21.

simple publication anonyme, étant relevé que la sanction prise à l’égard de la Banque, dans ce contexte, a également fait l’objet d’une publication, certes en vertu d’une autre base légale.

Il s’ensuit que le moyen tenant à une violation de l’article 43 de la loi du 5 avril 1993 est à rejeter.

En cinquième et dernier lieu, la partie demanderesse conclut à un excès de pouvoir, pour non-respect du principe de la proportionnalité, ayant qualité de principe général du droit, tel que mis en avant par la CSSF elle-même sur son site internet.

En effet, la décision déférée du 26 février 2020, en prononçant à son égard le retrait de son honorabilité professionnelle pour une durée de 10 ans, entraînerait qu’elle ne serait plus considérée comme étant apte à exercer une quelconque fonction sujette à agrément de la CSSF pendant ladite période de 10 ans, ce qui impliquerait, d’une part, qu’elle devrait démissionner de toute fonction soumise à la condition de l'honorabilité professionnelle ainsi que, d’autre part, elle devrait prendre les dispositions nécessaires afin qu'elle ne détienne plus de participation qualifiée, directement ou indirectement, dans des entités surveillées par la CSSF, participation qui devrait également respecter une condition d'honorabilité professionnelle.

De même, la CSSF aurait décidé de rendre publique de manière nominative la décision prise à son encontre.

Ainsi, la CSSF aurait non seulement dépassé ses pouvoirs, voire exercé un détournement de pouvoir, en lui infligeant une véritable sanction administrative non prévue par les textes, et ce, sous couvert d’une « mesure prudentielle », mais la sanction en elle-

même serait disproportionnée, alors que sur base des mêmes faits, la Banque aurait seulement été sanctionnée non pas par un retrait d'agrément, mais par une simple amende sur base des articles 63 et suivants de la loi du 5 avril 1993, tandis que la décision déférée prise à son égard se fonderait sur les articles 7 et 43 de la même loi.

La partie demanderesse fait plaider, dans ce contexte, qu’elle ne se serait pas vu reconnaître les mêmes droits de défense que la Banque, alors même qu’il s’agirait d’une même affaire, reposant sur les mêmes faits. Ainsi, la Banque aurait été informée de l'enquête et du contrôle sur place pour faire valoir ses moyens de défense en temps utile, alors qu’elle-

même n'en aurait pas eu connaissance du fait ne pas en avoir fait partie. De même, la Banque, avertie des résultats de l'enquête de la CSSF fin 2016, aurait été mise en mesure de faire valoir ses observations au mois de mars 2017, comprenant notamment un plan de remédiation afin de répondre aux griefs constatés par la CSSF, alors qu’elle-même aurait fait l’objet d’une décision administrative infâmante, sans avoir été en mesure d'y remédier et sans qu'elle n’ait pu bénéficier de la clémence ou de l'indulgence de la CSSF.

La partie demanderesse donne à considérer que l’interdiction d'exercer certaines activités pour une durée de 10 ans, accompagnée de la publicité de cette décision de condamnation, porterait irrémédiablement atteinte à sa réputation, ce qui, au vu de son âge, reviendrait à une interdiction définitive et illimitée, ce qui serait d’autant plus disproportionné qu’il s'agirait, en l’occurrence de la première condamnation, respectivement mesure disciplinaire ou autre, prononcée à son égard, et ce sur base d'un seul dossier et après près de 18 ans de carrière au sein de la Banque.

Elle fait relever que l’interdiction d'exercer certaines activités pendant une durée de 10 ans, correspondrait à la sanction la plus sévère pouvant être prononcée par la CSSF aux termes de l'article 63 de la loi du 5 avril 1993.

Ainsi, la mesure prudentielle prononcée à son égard constituerait une véritable sanction, puisque dans l'ordre de gravité, l'interdiction, limitée dans le temps ou définitive, d'effectuer une ou plusieurs opérations ou activités, ainsi que toutes autres restrictions à l'activité de la personne ou de l'entité concernée, serait plus grave qu'un avertissement, un blâme ou une amende.

En prononçant la condamnation la plus sévère pouvant être prononcée contre une personne physique, sans avertissement ni mise en garde préalable et sans possibilité offerte de remédier à la situation, la CSSF aurait ainsi ouvertement bafoué le principe de la proportionnalité de la sanction, en contradiction avec ses statuts et avec l’article 2-1 de la loi du 23 décembre 1998, prévoyant une obligation dans le chef de la CSSF d’enjoindre à la personne soumise à sa surveillance de remédier à la situation constatée dans un délai fixé à cet effet avant de pouvoir prononcer une sanction.

La partie demanderesse estime que par cette décision inique, totalement injustifiée en fait comme en droit, complètement disproportionnée, elle se trouverait clouée au pilori et livrée en pâture à la vindicte populaire, puisque la décision déférée publiée dans un communiqué de presse de la CSSF dès le 27 mars 2020, soit un mois seulement après son prononcé, aurait été largement relayée dans la presse nationale et internationale depuis.

Ainsi, la publication de la « sanction infligée » à son encontre, alors qu'un recours aurait toujours été possible, lui aurait causé un préjudice disproportionné en raison d’une atteinte injustifiée à son honneur et à sa réputation, ensemble des pertes économiques liées à cette interdiction professionnelle, et en raison du procès actuellement en cours devant la juridiction commerciale quant au caractère abusif et injustifié de la résiliation du contrat d'agent lié, sans parler de la procédure pénale ouverte sur base de la commission rogatoire internationale dans le cadre du scandale FONDS 3.

Le caractère disproportionné de la sanction résiderait encore dans la durée de 10 ans de l'interdiction prononcée, laquelle ne serait basée sur aucune justification spécifique dans la décision déférée du 26 février 2020, ce qui serait contraire aux considérations d’un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation française du 17 avril 2019.

En conclusion, le caractère disproportionné de la sanction prononcée serait avéré alors que les faits à la base de la décision déférée du 26 février 2020 seraient fermement contestés et non prouvés, que ses droits de la défense auraient été systématiquement bafoués, que les articles 7, paragraphe (1) et 43, paragraphe (1) de la loi du 5 avril 1993 n’auraient pas été applicables en l'espèce, alors que la mesure « prudentielle » serait en réalité une sanction administrative déguisée qui ne reposerait sur aucun texte, d’autant plus que les conditions de l'article 7, paragraphe (1) de la loi du 5 avril 1993 ne seraient pas réunies, que pour les mêmes faits la Banque continuerait de pouvoir exercer son activité alors que tel ne serait plus son cas à elle et qu'au final, elle serait le seul des dirigeants en place au moment des faits à avoir fait l'objet d'une pareille décision, alors que l’article 7 viserait les membres de l'organe de direction de manière indifférenciée, ce qui induirait que la sanction administrative prise à son encontre aurait également dû s'appliquer à tous les autres membres de l'organe de direction.

La partie demanderesse fait encore répliquer que dans son mémoire en réponse, la CSSF se contenterait d'objecter qu'elle aurait respecté le principe de proportionnalité, qu'elle n'aurait pas commis d'excès de pouvoir, ni d'erreur manifeste d'appréciation, sans pour autant soutenir cette affirmation par une argumentation étoffée.

Elle fait plaider que le principe de proportionnalité aurait pour but de pondérer la sévérité de la décision, en tenant compte de la gravité du comportement incriminé, de sorte à adapter la sanction à la gravité de l'infraction, ce qui permettrait au juge de contrôler la qualification des faits à la base de la décision, ainsi que de vérifier l'exactitude matérielle des motifs de fait et la proportionnalité des mesures prises par rapport à ces faits et à l'objectif poursuivi.

Après avoir passé en revue certaines jurisprudences prises en la matière, la partie demanderesse se réfère encore à un arrêt de la Cour administrative du 9 novembre 2010, inscrit sous le numéro 26886 C du rôle, selon lequel le juge de l'annulation devrait vérifier s'il n'y avait pas eu un dépassement de la marge d'appréciation de l'auteur de la décision querellée, alors que le contrôle de la légalité à exercer par le juge de l'annulation ne serait pas incompatible avec le pouvoir d'appréciation de l'auteur de la décision qui disposerait d'une marge d'appréciation. Ce ne serait que si cette marge avait été dépassée que la décision prise encourrait l'annulation pour erreur d'appréciation. Un tel dépassement pourrait notamment consister dans une disproportion dans l'application de la règle de droit aux éléments de fait.

La partie demanderesse fait finalement relever, dans ce contexte, que le fait pour la Cour administrative de ne plus se référer au caractère « manifeste » de l'erreur d'appréciation de l'administration, semblerait laisser une plus grande latitude au juge administratif.

La CSSF conclut au rejet dudit moyen.

Il a été jugé que la compétence du juge administratif, dans les hypothèses où il siège comme juge de l'annulation, implique le droit et même l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée et de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée, sans qu’il ne saurait, sous peine de méconnaître le pouvoir d’appréciation de l’auteur de la décision attaquée en ce que celui-ci dispose d’une marge d’appréciation, se placer tout simplement en lieu et place de l’administration et substituer son appréciation à celle de l’administration.

Cependant, au cours du contrôle de l’application du droit aux éléments de fait, le juge de l’annulation est appelé à vérifier s’il n’en est résulté aucune erreur d’appréciation se résolvant en dépassement de la marge d’appréciation de l’auteur de la décision attaquée. Ce n’est que si la marge d’appréciation de l’auteur de la décision a été dépassée, notamment du chef d’une disproportion dans l’application de la règle de droit aux éléments de fait, que la décision déférée est critiquable et encourt l’annulation pour erreur d’appréciation13.

Force est d’abord de constater que la partie demanderesse n’a pas présenté de moyen formel tenant à reprocher à la CSSF une erreur d’appréciation des faits de l’espèce, mais se contente, dans la partie « En fait » de son recours, de présenter sa version des faits par 13 Cour adm. 1er juillet 2014, n° 34122C du rôle, Pas. adm. 2023, v° Recours en annulation, n° 38 et l’autre référence y citée.

rapport aux reproches ayant mené au retrait de son honorabilité professionnelle par la décision déférée.

Il échet ensuite de constater que cette prise de position se limite, en substance, à présenter des contestations non valablement soutenues, respectivement à une relativisation des faits et à la mise en cause du manque de contrôle au niveau de la Banque, respectivement au partage de responsabilité avec les autres membres de la direction ou organes de la Banque, circonstances qui ne sont cependant pas de nature à faire disparaître ou à excuser le comportement reprochable de la partie demanderesse, tel que décrit dans la décision citée par extrait ci-avant, alors qu’il ressort des faits de l’espèce que la partie demanderesse, en tant que chargée du client …, s’est bien accommodée du manque de rigueur au sein de la Banque, ainsi que des pratiques y mises en place. Si elle affirme qu’elle n’aurait pas été seule à pouvoir prendre les décisions jugées non conformes au cadre légal applicable, respectivement qu’elle n’aurait pas eu le pouvoir de les imposer aux organes de la Banque, il ressort néanmoins des éléments du dossier qu’elle a généralement participé de manière plus ou moins directe, à l’un ou l’autre niveau, à la prise des décisions critiquables de la Banque dans la gestion du dossier …, lesquelles peuvent, en l’espèce, être considérées comme ayant été prises dans un esprit, tel qu’elle le considère elle-même, de « connivence passive », voir même de « complicité active », étant d’ailleurs relevé qu’il ressort de l’enregistrement vidéo qu’elle a elle-même versé aux débats, qu’elle a souligné, dans sa présentation, qu’il ne faudrait pas faire patienter certains clients importants, comme le client … en l’espèce, en attendant le feux vert de divers comités internes à la Banque14.

Il s’ensuit que la partie demanderesse ne saurait se dédouaner de sa responsabilité personnelle pour son comportement reprochable par le fait que ladite attitude aurait été partagée par d’autres personnes au sein des organes de la Banque, respectivement tolérée par les structures et pratiques de la Banque.

Quant au choix proprement dit du retrait d’honorabilité pour une durée de 10 ans, force est de retenir que la partie demanderesse manque d’établir un excès de pouvoir ou une erreur d’appréciation dans le chef de la CSSF de nature à devoir entraîner l’annulation de la décision déférée.

En effet, au regard de la conclusion retenue ci-avant concernant la qualification de la décision prise par la CSSF, telle que déférée, en tant que mesure prudentielle, force est d’ores et déjà de rejeter les conclusions de la partie demanderesse tenant à reprocher à la CSSF d’avoir commis un détournement de pouvoir, respectivement une erreur d’appréciation, en prononçant une sanction non prévue par un texte, respectivement d’avoir violé les articles 7 et 43 de la loi du 5 avril 1993. Dans ce même contexte, l’argumentation de la partie demanderesse selon laquelle l’interdiction professionnelle figurerait en haut de l’échelle de gravité des sanctions administratives que la CSSF est en droit de prononcer en vertu de l’article 63 de la loi du 5 avril 1993 manque de pertinence, de même que l’obligation de la CSSF, en vertu l’article 2-1 de la loi du 23 décembre 1998 de procéder par une injonction de remédier à la violation de certaines dispositions du règlement (CE) n° 1060/2009 du 14 Minute 5:18 de l’enregistrement vidéo du séminaire à … de juin 2010 : « Ce chargé de relation devra être impérativement une personne de haut niveau mais un senior Private Banker disposant de pouvoirs. Pouvoirs de déroger, pouvoirs de décider parce que sur ce type de clientèle, sur ce segment de clientèle, il n'est pas possible de les faire patienter trop longtemps. Il n'est pas possible de leur demander d'attendre les résultats de x nombre de comités. Il faut être efficace dans la décision et l'appréhender et l'assumer ».

Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 sur les agences de notation de crédit, tel que modifié, avant de pouvoir prononcer une sanction y relative.

Il s’ensuit également que la comparaison avec la situation de la Banque laisse d’être concluante, alors que nonobstant la considération que cette dernière, contrairement à la partie demanderesse, a effectivement été sanctionnée par une amende administrative, une éventuelle possibilité pour la partie demanderesse de proposer un plan de remédiation, au-

delà du constat que cette dernière manque de préciser en quoi un tel plan aurait pu consister, manque de pertinence, alors que la partie demanderesse ne travaillait déjà plus pour la Banque au moment de la notification des griefs.

La même conclusion s’impose en ce qui concerne, dans ce contexte, la mise en cause de la proportionnalité de la décision déférée, en raison d’une prétendue violation des droits de la défense de la partie demanderesse, alors que le moyen afférent a été rejeté ci-avant.

S’il n’est certes pas contesté que la décision du retrait de l’honorabilité professionnelle est basée sur la gestion d’un seul dossier, et que la partie demanderesse n’avait pas encore fait l’objet d’une quelconque procédure de la part de la CSSF, le retrait de son honorabilité pour une durée de 10 ans ne saurait être considéré comme disproportionné au regard de l’envergure du scandale FONDS 3, du comportement peu respectueux de la partie demanderesse par rapport aux règles applicables au secteur bancaire, de la gravité des manquements telle que relevée dans la décision déférée, et ce, malgré l’âge de la partie demanderesse au moment de la prise de la décision litigieuse, étant encore relevé que la mesure du retrait d’honorabilité n’emporte qu’une impossibilité d’occuper des postes soumis à agrément, et non pas une interdiction totale de continuer à travailler dans le secteur financier.

La circonstance non vérifiée qu’elle aurait été le seul dirigeant de la Banque à avoir fait l’objet d’un retrait de son honorabilité professionnelle n’est ni de nature à amoindrir le caractère reprochable de son propre comportement ni de nature à énerver le principe de la proportionnalité, alors qu’il n’est pas valablement contesté que la partie demanderesse a bien été le gestionnaire personnel du client …, impliqué dans le scandale FONDS 3.

Finalement en ce qui concerne la proportionnalité de la décision de la CSSF visant à rendre publique de manière nominative la décision déférée, il a été retenu ci-avant que cette faculté était largement justifiée par l’intérêt public invoqué par la CSSF.

Si la partie demanderesse estime que cette publication aurait causé un préjudice disproportionné à sa réputation et à sa carrière dans le secteur financier, force est de rappeler que ce préjudice avait d’ores et déjà été constitué du fait du traitement journalistique du scandale FONDS 3 dans le cadre duquel elle a elle-même officiellement pris position, et ce, bien avant la décision déférée, étant relevé que ni la rupture de son contrat d’agent lié, ni son implication dans une procédure pénale ne sont la conséquence directe ou indirecte de la décision déférée, alors que ces évènements sont antérieurs à cette dernière.

Il s’ensuit que ce moyen encourt également le rejet.

Au regard de toutes ces considérations et à défaut de tout autre moyen, le recours est rejeter dans son ensemble pour manquer de fondement.

Au vu de l’issue du litige, il y a lieu de rejeter la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 5.000,- euros, telle que présentée par la partie demanderesse conformément à l'article 33 de la loi du 21 juin 1999.

Il y a encore lieu de débouter la CSSF de sa demande en obtention d'une indemnité de procédure à hauteur de 3.000,- euros, alors qu’il n’est pas établi dans quelle mesure il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais non compris dans les dépens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

rejette la demande tendant à solliciter le rejet des deux pièces versées aux débats par la CSSF en date du 25 janvier 2024 ;

reçoit en la forme le recours en annulation dirigé contre la décision déférée de la CSSF du 26 février 2020 ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

rejette les demandes respectives tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure formulées par la partie demanderesse et par la CSSF ;

condamne la partie demanderesse aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 12 juillet 2024 par :

Paul Nourissier, vice-président, Olivier Poos, vice-président, Emilie Da Cruz De Sousa, premier juge, en présence du greffier Paulo Aniceto.

s. Paulo Aniceto s. Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 16 juillet 2024 Le greffier du tribunal administratif 63


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 44865
Date de la décision : 12/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-07-12;44865 ?

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