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15/07/2024 | LUXEMBOURG | N°48554

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 juillet 2024, 48554


Tribunal administratif N° 48554 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:48554 2e chambre Inscrit le 20 février 2023 Audience publique du 15 juillet 2024 Recours formé par la société civile immobilière …, …, contre une décision du conseil communal de la commune de Lorentzweiler et une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement général

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48554 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 février 2023 par la société à responsabilité limitée Elvinger

Dessoy Marx SARL, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Lu...

Tribunal administratif N° 48554 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:48554 2e chambre Inscrit le 20 février 2023 Audience publique du 15 juillet 2024 Recours formé par la société civile immobilière …, …, contre une décision du conseil communal de la commune de Lorentzweiler et une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement général

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48554 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 février 2023 par la société à responsabilité limitée Elvinger Dessoy Marx SARL, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-1461 Luxembourg, 31, rue d’Eich, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B251584, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Serge Marx, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société civile immobilière …, établie et ayant son siège social à L-…, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, tendant à l’annulation 1) de la délibération du conseil communal de Lorentzweiler du 8 février 2022 portant adoption du projet de refonte du plan d’aménagement général de la commune de Lorentzweiler et 2) de la décision du ministre de l’Intérieur du 21 octobre 2022 approuvant la délibération du conseil communal de Lorentzweiler du 8 février 2022 portant adoption du projet de refonte du plan d’aménagement général de la commune de Lorentzweiler ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Laura Geiger, en remplacement de l’huissier de justice Martine Lisé, demeurant à Luxembourg, du 23 février 2023, portant signification de ce recours à la commune de Lorentzweiler, ayant sa maison communale à L-7373 Lorentzweiler, 87, route de Luxembourg, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions ;

Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif le 8 mars 2023 par Maître Steve Helminger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la commune de Lorentzweiler, préqualifiée ;

Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif le 14 mars 2023 par la société en commandite simple Kleyr Grasso SCS, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-2361 Strassen, 7, rue des Primeurs, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B220509, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Mélanie Trienbach, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse de Maître Steve Helminger, déposé au greffe du tribunal administratif le 25 avril 2023, au nom de la commune de Lorentzweiler, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse de la société en commandite simple Kleyr Grasso SCS, déposé au greffe du tribunal administratif le 22 mai 2023, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réplique de la société à responsabilité limitée Elvinger Dessoy Marx SARL, déposé au greffe du tribunal administratif le 5 juin 2023, au nom de la société civile immobilière …, préqualifiée ;

Vu le mémoire en duplique de la société en commandite simple Kleyr Grasso SCS, déposé au greffe du tribunal administratif le 5 juillet 2023, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu les pièces versées en cause ainsi que les décisions attaquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Serge Marx, Maître Adrien Kariger, en remplacement de Maître Steve Helminger, et Maître Mélanie Trienbach en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 mai 2024.

Lors de sa séance publique du 11 février 2020, le conseil communal de Lorentzweiler, ci-après dénommé le « conseil communal », fut saisi par le collège des bourgmestre et échevins de la même commune, ci-après dénommé le « collège échevinal », en vertu de l’article 10 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après désignée par la « loi du 19 juillet 2004 », d’un projet d’aménagement général pour la commune de Lorentzweiler qu’il mit sur orbite en conséquence à travers un vote positif, de sorte que le collège échevinal put procéder aux consultations prévues aux articles 11 et 12 de la loi du 19 juillet 2004.

Par courrier du 23 mars 2020, adressé au collège échevinal par l’intermédiaire de son litismandataire, la société civile immobilière …, ci-après désignée par « la société … », propriétaire d’une parcelle inscrite au cadastre de la commune de Lorentzweiler, section C de Bofferdange et de Helmdange, sous le numéro …, d’une contenance de … ares et … centiares, accueillant une maison d’habitation, soumit ses observations et objections à l’encontre du projet d’aménagement général.

Conformément aux dispositions de l’article 11 de la loi du 19 juillet 2004, la commission d’aménagement émit lors de sa séance du 22 juillet 2020 son avis quant à la conformité et la compatibilité du projet d’aménagement général avec les dispositions de ladite loi.

Lors de sa séance publique du 8 février 2022, le conseil communal décida d’adopter le projet d’aménagement général en y apportant des modifications tenant compte des avis ministériels et des objections. Pour ce qui est des objections de la société …, le conseil communal décida, suivant ce qui était indiqué dans le document annexé à sa délibération et comprenant un résumé des objections présentées au collège échevinal et du sort à y réserver, ce qui suit :

« Le conseil communal décide à l’unanimité de se rallier à la proposition du collège des bourgmestre et échevins :

de maintenir la zone REC-hô ;

de superposer un PAP NQ sur la zone REC-hô, conformément à l’avis de la CA, avec une ZAD, adapter la ZSU IP (8 mètres), entre la zone HAB 1 et REC-hô, le PAP QE REC-hô-

A est, en conséquence, supprimé ;

de limiter la hauteur admissible à 3 niveaux dans le schéma directeur ;

de maintenir la superposition des articles 17 et 21 puisqu’il s’agit d’une inscription à titre indicatif. ».

Par courrier du 11 février 2022, le collège échevinal informa le litismandataire de la société … de l’adoption par le conseil communal du projet d’aménagement général.

Par courrier de son litismandataire du 25 février 2022, la société … fit introduire auprès du ministre de l’Intérieur, ci-après désigné par « le ministre », une réclamation à l’encontre de la délibération du conseil communal du 8 février 2022 portant adoption du projet d’aménagement général, en demandant entre autres la suppression du classement de sa parcelle en secteur protégé de type « environnement construit – C » en général et de celui de son immeuble en tant que « construction à conserver » en particulier.

Par décision du 21 octobre 2022, le ministre approuva la délibération du conseil communal du 8 février 2022 portant adoption du projet de refonte du plan d’aménagement général (« PAG ») et déclara recevable, ainsi que partiellement fondée la réclamation de la société …. Les passages de la décision ministérielle précitée se rapportant à cette réclamation sont libellés comme suit :

« […] Ad réclamations … (rec 7) La réclamation porte sur la parcelle cadastrale n°…, sise à Lorentzweiler.

Dans un premier temps, la réclamante sollicite une modification ponctuelle de la partie écrite du « plan d’aménagement particulier "quartier existant" [PAP QE] ».

Or, il ressort de la partie graphique du plan d’aménagement général que la parcelle en question est classée en « zone soumise à un plan d’aménagement particulier "nouveau quartier" [PAP NQ] » et non pas en « zone soumise à un plan d’aménagement particulier "quartier existant" [PAP QE], comme le soutient la réclamante.

Les prescriptions dimensionnelles applicables au PAP NQ ne seront définies qu’à un stade ultérieur. Le plan d’aménagement général, quant à lui, ne se prononce pas sur ces prescriptions dimensionnelles.

Dans un deuxième temps, la réclamante sollicite la suppression de la servitude « construction à conserver » de laquelle se voit grevée la parcelle cadastrale en question.

3 La construction existante remplit les conditions de l’article 32 du règlement grand-

ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu du PAG d’une commune et se caractérise par l’authenticité de sa substance bâtie et l’exemplarité du type du bâtiment.

Finalement, la réclamante sollicite la suppression du classement de la parcelle cadastrale précitée en « secteur et élément protégés d’intérêt communal -"environnement construit - C" ».

La zone touchée n’est pas d’une envergure suffisante pour pouvoir justifier son classement en « secteur et élément protégés d’intérêt communal - "environnement construit -

C" ».

Il est pourtant suffisant de protéger les différents bâtiments individuellement et dès lors de faire droit à la réclamation en ce point.

La réclamation est donc partiellement fondée.

La partie graphique est adaptée en conséquence comme suit : […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 20 février 2023, la société … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de 1) de la délibération du conseil communal de Lorentzweiler du 8 février 2022 portant adoption du projet de refonte du PAG de la commune de Lorentzweiler et 2) de la décision du ministre du 21 octobre 2022 approuvant la délibération du conseil communal de la commune de Lorentzweiler du 8 février 2022 portant adoption du projet de refonte du PAG de la commune de Lorentzweiler.

1. Quant à la compétence et la recevabilité du recours Le tribunal relève que les décisions sur les projets d’aménagement, lesquels ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des terrains qu’ils concernent et le régime des constructions à ériger, ont un caractère réglementaire. La décision d’approbation du ministre de l’Intérieur participe au caractère réglementaire de l’acte approuvé1, étant précisé qu’en ce qui concerne la procédure d’adoption du PAG, le caractère réglementaire ainsi retenu s’étend également au volet de la décision ministérielle du 21 octobre 2022 ayant statué sur la réclamation introduite par la société demanderesse, intervenue dans le processus général de l’élaboration de l’acte approuvé.

Conformément à l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, désignée ci-après par « la loi du 7 novembre 1996 », seul un recours en annulation est susceptible d’être introduit contre un acte administratif à caractère réglementaire.

Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en annulation introduit en l’espèce, lequel est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

1 Cour adm., 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Actes réglementaires, n° 59 et les autres références y citées.2. Quant à la loi applicable.

Le tribunal précise que la procédure d’adoption d’un PAG est prévue par la loi du 19 juillet 2004. Or, celle-ci a été modifiée à plusieurs reprises et dernièrement (i) par une loi du 28 juillet 2011 entrée en vigueur, en application de son article 45, en date du 1er août 2011, (ii) par la loi du 30 juillet 2013 concernant l’aménagement du territoire, publiée au Mémorial A, n° 160 du 6 septembre 2013, (iii) par la loi du 14 juin 2015 portant modification de l’article 108 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, publiée au Mémorial A, n° 113 du 17 juin 2015, (iv) par la loi du 3 mars 2017 dite « Omnibus », entrée en vigueur, en application de son article 76, le 1er avril 2017, (v) par la loi du 17 avril 2018 concernant l’aménagement du territoire, (vi) par la loi du 18 juillet 2018 portant modification de l’article 108 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, (vii) par la loi du 30 juillet 2021 relative au Pacte logement 2.0, dont l’entrée en vigueur est fixée au 1er janvier 2021, par l’article 16 de la loi en question et (viii) par la loi du 7 août 2023 relative au logement abordable.

Etant donné, d’une part, que le tribunal vient de retenir que seul un recours en annulation a pu être introduit à l’encontre des actes déférés et, d’autre part, que dans le cadre d’un tel recours, le juge administratif est amené à en apprécier la légalité en considération de la situation de droit et de fait ayant prévalu au jour où ils ont été pris2, les modifications apportées à la loi du 19 juillet 2004 par la loi précitée du 7 août 2023, entrée en vigueur postérieurement à la délibération du conseil communal du 8 février 2022 portant adoption du projet d’aménagement général ne sont pas à prendre en considération en l’espèce, étant plus particulièrement précisé à cet égard que les actes de tutelle administrative, tels que la décision ministérielle litigieuse, rétroagissent à la date de la décision approuvée et tombent dès lors sous le champ d’application des lois en vigueur à la date de la prise de décision de l’acte initial.

Il s’ensuit que la version de la loi du 19 juillet 2004 applicable au présent litige est celle résultant des modifications opérées par les lois des 28 juillet 2011, 30 juillet 2013, 14 juin 2015, 3 mars 2017, 17 avril 2018, 18 juillet 2018 et 30 juillet 2021.

3. Quant au fond A l’appui de son recours et après avoir rappelé les faits et rétroactes à la base des décisions prémentionnées, la société demanderesse se prévaut des moyens suivants :

- à titre principal, une violation de l’article 7, paragraphe (2) de la loi du 19 juillet 2004 et de l’article 3, point 5., litt. d), lu ensemble avec l’article 2, paragraphes (1) et (2) du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu de l’étude préparatoire d’un projet d’aménagement général, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal sur le contenu de l’étude préparatoire », et - à titre subsidiaire, l’absence de caractère justifié de la mesure individuelle de classement et de protection à laquelle a été soumise l’immeuble situé sur la parcelle en cause.

Dans son mémoire en réplique, et après que la commune ait expliqué dans son mémoire en réponse que, suite aux objections formulées par la société demanderesse, son intention aurait 2 Trib. adm., 27 janvier 1997, n° 9724 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en annulation, n° 22 et les autres références y citées.

été celle de lever le classement de l’immeuble litigieux en tant que « construction à conserver » et ce, « en symétrie avec le choix qui avait été fait pour la construction sise sur la parcelle voisine », mais qu’une erreur matérielle se serait glissée dans le tableau reprenant le résumé des objections et du sort à y réserver, suite à quoi elle aurait essayé de « rattraper le coup » dans le cadre de son avis émis par rapport à la réclamation portée par la société demanderesse devant le ministre en y indiquant sa volonté de voir supprimer le classement en cause, avis dont le ministre n’aurait toutefois pas tenu compte, la société … a encore invoqué :

- à titre principal, la violation, par le ministre, en tant qu’autorité de tutelle, de ses pouvoirs de tutelle lui attribués par l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004, en ayant posé de manière autonome une décision telle que celle de classer l’immeuble litigieux en tant que « construction à conserver », et - à titre subsidiaire, à supposer que le ministre ait pu prendre une telle décision de manière autonome, l’absence de motivation valable à la base de celle-ci.

Le tribunal rappelle tout d’abord qu’il n’est pas tenu par l’ordre des moyens, tel que présenté par la partie demanderesse, mais qu’il détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.

3.1. Quant à la violation alléguée de l’article 7, paragraphe (2) de la loi du 19 juillet 2004 et de l’article 3, point 5., litt. d), lu ensemble avec l’article 2, paragraphes (1) et (2) du règlement grand-ducal sur le contenu de l’étude préparatoire Arguments des parties A l’appui de ce moyen, la société demanderesse, après avoir relevé que l’article 7, paragraphe (2), alinéa 5 de la loi du 19 juillet 2004 exigerait que le projet de PAG soit obligatoirement élaboré sur base d’une étude préparatoire, fait valoir qu’il résulterait d’une lecture combinée de celui-ci avec les articles 3, point 5. et 2, paragraphes (1) et (2) du règlement grand-ducal sur le contenu de l’étude préparatoire que celle-ci devrait contenir, en substance, une description précise et détaillée, aussi bien graphique que textuelle, de tout immeuble susceptible de faire l’objet d’une mesure de protection. L’article 3, point 5. exigerait ainsi que toute étude préparatoire sur base de laquelle un projet de PAG est élaboré devrait impérativement contenir une analyse de la situation urbanistique existante des ensembles bâtis et des éléments isolés protégés ou dignes de protection. Une telle analyse serait, en effet, essentielle pour informer non seulement le public intéressé, mais également le conseil communal, sur les raisons amenant les autorités publiques à agir.

Elle continue en relevant que le règlement grand-ducal sur le contenu de l’étude préparatoire définirait exactement ce qu’il y a lieu d’entendre par le terme « analyse », de même qu’il exigerait à ce titre la confection d’une partie graphique, comprenant tous les plans nécessaires à la visualisation ou à la figuration des ensembles ou éléments isolés protégés, et d’une partie textuelle, contenant la description des différents aspects des éléments isolés protégés ou dignes de protection. Ce faisant, ledit règlement grand-ducal exigerait dès lors la présence, dans une étude préparatoire, d’un examen au cas par cas des ensembles ou éléments isolés à protéger.

Il s’ensuivrait encore que la publication de l’étude préparatoire poursuivrait le but de porter à la connaissance des intéressés et du conseil communal les critères concrets justifiantla sélection des constructions protégées, sans que cette sélection ne puisse être ni arbitraire, ni discrétionnaire. Elle devrait, au contraire, être justifiée par un ou plusieurs des critères fixés à l’article 32, alinéa 2 du règlement grand-ducal modifié du 8 mars 2017 concernant le contenu du plan d’aménagement général d’une commune, ci-après désigné par « le règlement grand-

ducal sur le contenu du PAG ».

Après avoir relevé que la section 1, intitulée « Analyse », de la partie 1 de l’étude préparatoire à la base du PAG de la commune de Lorentzweiler consacrerait quelques paragraphes aux bâtiments que la commune entendrait protéger et cité les paragraphes afférents de ladite section, la société demanderesse critique le fait qu’il s’agirait d’un texte stérile qui, tout en faisant référence à l’existence d’une « Bestandsaufnahme », ne contiendrait aucune analyse des bâtiments dignes de protection, ni des mesures de protection concernant le secteur en général, ni des mesures individuelles venant frapper son immeuble en particulier. Elle estime qu’une telle énumération abstraite ne permettrait pas de comprendre les critères ayant amené les autorités communales à décider des mesures de protection concernant le secteur en général, ni les critères les ayant amenées à prononcer une mesure de protection individuelle venant frapper son immeuble en particulier.

En se référant ensuite à la partie 2 de l’étude préparatoire, elle fait valoir qu’étant donné que dans la commune de Lorentzweiler, comme partout ailleurs, le Service des sites et monuments nationaux (« SSMN »), actuellement l’Institut national pour le patrimoine architectural (« INPA »), aurait repéré, documenté et analysé le patrimoine à conserver, les mesures de protection imposées à travers le PAG trouveraient dès lors leur véritable origine dans des réflexions étatiques, qui seraient nécessairement fondées sur la loi modifiée du 18 juillet 1983 concernant la conservation et la protection des sites et monuments nationaux, ci-

après désignée par « la loi du 18 juillet 1983 », telle qu’en vigueur au moment de l’adoption du projet d’aménagement général en cause, seule base légale permettant aux autorités étatiques d’intervenir en matière de protection des sites et monuments. Elle souligne toutefois qu’il serait de jurisprudence constante que les mesures de protection étatique et communale poursuivraient des objectifs différents et que comme il s’agirait de deux régimes de protection distincts, la commune serait obligée de motiver de manière particulièrement renforcée les raisons pour lesquelles un immeuble identifié par le SSMN mérite une protection au niveau communal. Elle ne pourrait, en effet, pas se contenter de renvoyer à une « Bestandsaufnahme » établie en collaboration avec le SSMN, mais devrait motiver pour quelles raisons intrinsèques à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004 un immeuble co-listé par le SSMN mérite une protection communale.

La société demanderesse précise que s’il était de jurisprudence qu’un acte administratif à caractère réglementaire n’avait pas à indiquer les motifs se trouvant à sa base, sauf disposition légale ou réglementaire contraire, il n’en resterait pas moins qu’en matière de refonte d’un PAG, l’obligation de fournir une analyse graphique et textuelle à l’appui de la conservation d’une maison résulterait d’une lecture combinée des articles 2, paragraphes (1) et (2) et 3, point 5., litt. d) du règlement grand-ducal sur le contenu de l’étude préparatoire. Comme l’étude préparatoire serait donc le document fondamental devant indiquer ce qui motive les autorités communales à procéder à la conservation d’un immeuble, la communication d’une telle analyse serait une condition indispensable pour alimenter le dynamisme de la phase précontentieuse en favorisant la participation du public concerné.

Or, en l’espèce, l’étude préparatoire resterait muette quant à son immeuble et ce, alors même que ce dernier aurait dû figurer, ensemble avec l’analyse y relative, dans l’étudepréparatoire, tel qu’exigé par l’article 2 du règlement grand-ducal sur le contenu de l’étude préparatoire. Au vu de cette absence d’analyse de son immeuble et de sa publication, le classement de celui-ci en tant qu’immeuble à protéger devrait être annulé pour violation de la loi.

La société demanderesse ajoute que comme ni l’étude préparatoire ni la réunion d’aplanissement des différends ne permettraient de déceler les critères ayant amené les autorités communales à soumettre son immeuble à une mesure de protection, elle resterait dans l’ignorance la plus totale à ce sujet. Elle relève, à cet égard, que le collège échevinal ne définirait aucun critère légal de sauvegarde qui, selon lui, justifierait le classement litigieux, tout en ayant gardé vis-à-vis du conseil communal le même silence qu’à l’égard d’elle-même, ce qui aurait impliqué que la majorité du conseil communal aurait décidé de classer son immeuble en tant que « construction à conserver », sans disposer de la moindre analyse sur l’existence, la nature et le mérite des critères de sauvegarde. Par ailleurs, il découlerait de la remarque contenue dans la délibération du conseil communal suivant laquelle ce dernier avait décidé « de maintenir la superposition des articles 17 et 21 puisqu’il s’agit d’une inscription à titre indicatif », et en se référant donc à des articles « totalement étrangers à la présente matière », qu’il aurait décidé de mettre en place la mesure critiquée sans savoir sur quelle base, ni pour quel motif. A cela s’ajouterait de manière aggravante que le collège échevinal aurait transmis des informations erronées au conseil communal qui aurait en conséquence cru devoir se prononcer sur des zones superposées à titre indicatif selon les articles 17 et 21 de la législation en matière de protection de la nature et des ressources naturelles, ce qui n’aurait toutefois pas été « le propos dans le présent dossier ».

La société demanderesse estime que pour ces raisons les décisions seraient également à annuler.

La partie communale n’a pas pris position par rapport à ce moyen.

La partie étatique conclut, quant à elle, au rejet de ce moyen.

Analyse du tribunal L’article 7 de la loi du 19 juillet 2004, intitulé « Elaboration du plan d’aménagement général », dans sa version applicable en l’espèce, dispose dans son paragraphe (2) comme suit :

« […] Le projet d’aménagement général est élaboré sur base d’une étude préparatoire qui se compose :

a) d’une analyse de la situation existante ;

b) d’un concept de développement ;

c) de schémas directeurs couvrant l’ensemble des zones soumises à l’élaboration d’un plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » tels que définis à l’article 25.

[…] Un règlement grand-ducal précise le contenu de l’étude préparatoire. ».

L’article 2, paragraphes (1) et (2) du règlement grand-ducal sur le contenu de l’étude préparatoire, tel qu’invoqué par la société demanderesse, a, quant à lui, la teneur suivante :

« (1) L’élément graphique de l’étude préparatoire comprend tous les plans nécessaires à la visualisation ou à la figuration des éléments de l’étude préparatoire.

(2) L’élément textuel de l’étude, illustré par des esquisses, photos, graphiques, tableaux et schémas, constitue la description des différents aspects de l’étude préparatoire. […] », tandis que l’article 3, point 5. du même règlement grand-ducal dispose comme suit :

« L’analyse de la situation existante comporte au moins les points suivants :

[…] 5. Structure urbaine a) l’intégration des localités dans le paysage ;

b) les fonctions urbaines ;

c) les caractéristiques essentielles du tissu urbain existant, notamment les implantations et le nombre de niveaux des constructions principales ainsi que la typologie des logements ;

d) les ensembles bâtis et les éléments isolés protégés ou dignes de protection ;

e) les principaux espaces verts et places publics. ».

Dans cette mesure et conformément à une lecture combinée de l’article 7 de la loi du 19 juillet 2004 et 3, point 5., litt. d) du règlement grand-ducal sur le contenu de l’étude préparatoire, celle-ci doit contenir dans sa partie textuelle une analyse de la situation existante comportant notamment une rubrique relative à la structure urbaine comprenant « les ensembles bâtis et éléments isolés protégés ou dignes de protection » se trouvant sur le territoire communal.

Afin de comprendre la portée de l’analyse de la situation existante au sens des dispositions légale et réglementaire précitées, il convient tout d’abord de se référer à l’article 7 de la loi du 19 juillet 2004, dans sa version antérieure à celle applicable au litige sous analyse, qui était issue de sa modification opérée par la loi du 28 juillet 2011 et qui disposait, quant à lui, comme suit :

« Le projet d’aménagement général d’une commune est élaboré sur base d’une étude préparatoire portant sur l’ensemble du territoire communal et se composant :

a) d’une analyse globale de la situation existante basée sur un inventaire portant sur le cadre urbanisé existant, sur la structure socio-économique, sur les équipements publics ainsi que sur les paysages et les éléments constitutifs du milieu naturel et faisant état des données des plans d’action établis pour les zones spécifiées dans la cartographie stratégique du bruit; […] ».

L’article 3 du règlement grand-ducal du 28 juillet 2011 concernant le contenu de l’étude préparatoire d’un plan d’aménagement général d’une commune pris en exécution dudit article prévoyait, quant à lui, que « L’analyse globale de la situation existante comporte au moins les points suivants :

[…] 5. Structure urbaine :

• la forme urbaine des localités et leur intégration dans le paysage ;

9 • les fonctions urbaines notamment l’habitat, les activités économiques, les équipements collectifs ainsi que leurs interfaces et connexions ;

• le degré de mixité des fonctions urbaines ;

• les caractéristiques essentielles du tissu urbain existant notamment la typologie des logements, les gabarits, les implantations et le nombre de niveaux ;

• les ensembles bâtis et les éléments isolés protégés ou dignes de protection ;

• les éléments de l’espace public. ».

Il se dégage, à cet égard, des travaux préparatoires3 à la base de la loi du 3 mars 2017, dite « Omnibus », que, face au constat que dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de ladite loi, la loi du 19 juillet 2004 « prévoyait une étude préparatoire très fournie » et qu’en conséquence, il s’était « avéré en pratique que ce document présentait une exhaustivité et un degré de précision souvent excessif », les auteurs dudit projet ont estimé qu’il y avait lieu de « simplifier le contenu de l’étude préparatoire » et que cette « mesure de simplification se justifi[ait] d’autant plus que le développement urbain des communes [était] dorénavant largement encadré par les plans directeurs sectoriels primaires ».

Sur base de ces considérations et tel que son nom l’indique, l’étude préparatoire doit donc s’analyser comme consistant en un travail préparatoire d’un PAG dans le cadre duquel il appartient aux auteurs du projet de PAG de cibler, en fonction des caractéristiques et des spécificités du territoire communal concerné, les priorités à donner aux différents thèmes d’analyse.

L’article 3, point 5., litt. d), lu ensemble avec l’article 2, paragraphes (1) et (2) du règlement grand-ducal concernant le contenu de l’étude préparatoire, n’exige cependant pas, tel que le soutient la société demanderesse, qu’une étude préparatoire contienne, dans la partie textuelle afférente, une analyse individualisée et détaillée de chaque immeuble considéré comme étant digne de protection par une commune. Si ces dispositions règlementaires imposent certes aux communes, dans un souci de simplification administrative et d’harmonisation des instruments urbanistiques, de structurer leur étude préparatoire autour de trois piliers, à savoir l’analyse de la situation existante, le concept de développement et les schémas directeurs, et de les exposer à travers un élément graphique et un élément textuel, il est évident que, tel que relevé ci-avant, il appartient avant tout à chaque commune de cibler, en fonction des caractéristiques, des spécificités et de la taille de son propre territoire, les priorités à donner aux thèmes à analyser et le degré de précision à leur apporter, l’essentiel étant que les thèmes généraux énoncés dans le règlement grand-ducal concernant le contenu de l’étude préparatoire soient traités, même succinctement, dans une étude préparatoire, ce qui est le cas en l’espèce.

En effet, il y a lieu de constater que l’étude préparatoire à la base du projet de PAG de la commune de Lorentzweiler contient dans sa première partie, intitulée « Umfassende Analyse der bestehenden Situation » (« Analyse globale de la situation existante »), sous son article 5 intitulé « Städtebauliche Struktur » (« Structure urbaine »), un point 5.5. dédié aux « Denkmalgeschützte bzw. denkmalwürdige Gebäudeensembles und Einzelobjekte » (« Les ensemble batis et les éléments isolés protégés ou dignes de protection »), tandis que sa deuxième partie, intitulée « Entwicklungskonzept » (« Concept de développement »), comporte 3 Projet de loi n° 6704, commentaire des articles, ad. article 4 (venu modifier l’article 7, paragraphe (2) de la loi du 19 juillet 2004).sous son article 3 intitulé « Städtebauliches Entwicklungskonzept », un point 3.2.5. intitulé « Schutz und Entwicklung des baulichen Erbes ».

Le point 5.5. intitulé « Denkmalgeschützte bzw. denkmalwürdige Gebäudeensembles und Einzelobjekte » contenu dans la partie 1 de l’étude préparatoire prévoit plus particulièrement ce qui suit :

« Denkmalgeschützte und denkmalwürdige Gebäude Im Rahmen der Erarbeitung des PAG ist die Gemeinde verpflichtet ortstypische und denkmalwürdige Objekte zu erfassen, die auch zukünftig erhalten werden sollen. Für die Gemeinde Lorentzweiler wurde eine entsprechende Bestandsaufnahme in Zusammenarbeit mit dem Service des Sites et Monuments Nationaux (SSMN) erstellt.

Hierfür wurden Ortsbegehungen gemeinsam mit dem SSMN unternommen und schützenswerte städtebauliche Strukturen in drei Kategorien identifiziert:

» Gebäude (objets dignes de protection), » Volumen (Volume et alignement à préserver) und » Gebäudestellungen (alignement à préserver).

Dabei wurden nur Strukturen aufgenommen, welche innerhalb eines Ensembles – z.B.

einem historischen Ortskern – bedeutsam sind. Folgende Kriterien wurden bei dieser Bestandsaufnahme berücksichtigt:

» Authentizität der Bausubstanz, » besondere architektonisch oder kunsthistorische Elemente, » Seltenheit bzw. Repräsentativität des Gebäudes, » typische Gebäudeform, die sich aus der historischen und traditionellen Nutzung ergibt, » typisches Gebäude einer bestimmten historischen Epoche, » Zeugnisse einer technischen und industriellen Vergangenheit, » lokal- bzw. regionalhistorische oder -politische Bedeutung des Gebäudes, » sozialhistorische Bedeutung des Gebäudes, » militärhistorische Bedeutung des Gebäudes, » besonderes künstlerisch-architektonisches Werk, » orts- bzw. regional- oder landschaftstypische Gebäude, » siedlungsgeschichtliche Bedeutung, » besondere Gebäudetypologie, » besonderes kulturelles Erbe, » Zeugnisse einer multiepochalen baulichen Weiterentwicklung des Gebäudes.

Dabei können ein einzelnes oder mehrere Kriterien kumulativ und unterschiedlich gewichtet auf ein Gebäude bzw. ein Ensemble von Gebäuden, Nebenanlagen und den öffentlichen Raum zutreffen.

Innerhalb der Gemeinde Lorentzweiler konzentrieren sich die erfassten denkmalwürdigen und charakteristischen Gebäude insbesondere in den alten Ortskernen, die durch die vorhandenen landwirtschaftlichen Gebäudestrukturen geprägt werden.

11 Ziel dieser Bestandsaufnahme ist es eine Grundlage für den Erhalt des ortstypischen und historischen Charakters des jeweiligen Siedlungsgebiets zu schaffen. Im PAG sowie in den PAP „quartiers existants“ (PAP QE) wird diese Bestandsaufnahme über einen Denkmalschutzbereich (secteur protégé „environnement construit“) verbindlich umgesetzt.

Dabei werden spezifische Vorgaben für den Erhalt von Gebäuden, bzw. von den charakteristischen Eigenschaften des Ensembles (z.B. Gebäudehöhen, Dachformen, Materialien, Farbgebung, …) gesetzt. Um einen effektiven Schutz der Ensembles zu garantieren, ist in den secteurs protégés auch das Umfeld der identifizierten schützenswerten Strukturen (z.B. Baulücken) aufgenommen.

Innerhalb der Denkmalschutzbereiche werden auf der einen Seite Gebäude als Ganzes in ihrer aktuellen Form (bâtiment protégé) geschützt. Bauliche Maßnahmen, wie z.B. Um- und Ausbauten oder eine energetische Sanierung, können im Rahmen der Vorgaben des PAG sowie der PAP QE vorgenommen werden. Auf der anderen Seite werden nur bestimmte Charakteristika, wie z.B. Gebäudevolumen (gabarit protégé) oder die Gebäudestellung (alignement protégé) geschützt. In diesen beiden Fällen kann die bestehende Bausubstanz auch abgerissen und im Rahmen der Vorgaben des PAG und der PAP QE neu aufgebaut werden. ».

L’étude préparatoire à la base du PAG en cause contient dès lors non seulement un descriptif des types de protection dont peuvent être grevés des ensembles bâtis ou des éléments isolés, mais également une liste des critères sur base desquels ont été recensés, en collaboration avec le SSMN, les bâtiments considérés comme étant dignes de protection au niveau communal. Comme, par ailleurs, aucune disposition légale n’interdit aux communes de collaborer avec le SSMN en vue de déterminer les immeubles dignes de protection au niveau communal, une telle démarche leur permettant, au contraire, d’assurer leur mission d’intérêt général de protection du patrimoine, leur conférée par l’article 2, point e) de la loi du 19 juillet 2004, en s’appuyant sur le savoir-faire de spécialistes en la matière du service en question4 et qu’il se dégage clairement de l’étude préparatoire que le SSMN n’est intervenu qu’en tant que consultant externe afin d’assister l’autorité communale dans le recensement des éléments bâtis dignes de protection au niveau communal, le reproche de la société demanderesse suivant lequel, en raison de l’intervention du SSMN, la mesure de protection imposée à son immeuble trouverait nécessairement son fondement dans la loi du 18 juillet 1983 et non pas dans des raisons intrinsèques à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004 reste à l’état de pure allégation.

En tout état de cause, le seul fait que l’immeuble de la société demanderesse ne soit ni mentionné ni a fortiori décrit dans l’élément textuel de l’étude préparatoire en cause ne saurait rendre cette dernière lacunaire ou illégale ni a fortiori entraîner de ce chef l’annulation du classement litigieux pour violation de la loi.

Ce constat s’impose d’autant plus qu’il se dégage en l’espèce de l’étude préparatoire que celle-ci comporte en-dessous de son point 5.5. une carte n° 11 intitulée « Denkmalgeschützte und denkmalwürdige Gebäude – Helmdange, Bofferdange » permettant de visualiser les bâtiments protégés ou dignes de protection qui ont été recensés dans les localités de Helmdange et de Bofferdange. Or, cette carte a nécessairement permis à la société demanderesse d’y identifier son propre immeuble et de constater que la commune envisageait de le grever d’une mesure de protection en tant qu’« objet digne de protection ». Le tribunal ne saurait dès lors suivre la société demanderesse dans son reproche suivant lequel la commune 4 Trib. adm., 6 juillet 2020, n° 40569 du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.aurait en quelque sorte manqué de transparence à son égard lors de la mise en procédure du projet de PAG.

Enfin et pour être tout à fait complet, les contestations de la société demanderesse tournant autour d’une absence de raisons intrinsèques à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004 permettant de justifier le classement de son immeuble en tant que « construction à conserver » seront analysées ci-dessous sous l’angle du bien-fondé du recours à la mesure de protection litigieuse.

Au vu des considérations qui précèdent, le moyen d’annulation articulé autour de la violation de l’article 7 de la loi du 19 juillet 2004 et de l’article 3, point 5., litt. d), lu ensemble avec l’article 2, paragraphes (1) et (2) du règlement grand-ducal sur le contenu de l’étude préparatoire, encourt dès lors le rejet pour ne pas être fondé.

Si la société demanderesse conclut encore à l’annulation des décisions déférées au motif que, faute pour le collège échevinal d’avoir défini le moindre critère légal de sauvegarde justifiant, selon lui, le classement querellé, il devrait être admis que la majorité du conseil communal aurait décidé de classer son immeuble sans disposer d’une quelconque analyse sur l’existence, la nature et le mérite des critères de sauvegarde, il s’agit là également de contestations visant en réalité à critiquer l’absence de raisons intrinsèques à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004 permettant de justifier le classement litigieux qui, tel que retenu ci-avant, seront analysées sous l’angle du bien-fondé du recours à la mesure de protection litigieuse.

3.2. Quant au reproche tenant à la violation, par le ministre, en tant qu’autorité de tutelle, de ses pouvoirs de tutelle lui attribués par l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004, en ayant posé de manière autonome une décision telle que celle de classer l’immeuble litigieux en tant que « construction à conserver », respectivement à l’absence de motivation de cette décision Arguments des parties A la suite du mémoire en réponse de la commune à travers lequel celle-ci a expliqué que le classement de l’immeuble litigieux serait le résultat d’une erreur matérielle et que son souhait aurait été celui de lever, à la suite des objections présentées par la société …, le classement en tant que « construction à conserver » dudit immeuble, la société demanderesse fait valoir à titre principal que l’attitude ministérielle ayant consisté à vouloir défendre une position contraire à la décision des autorités communales serait non seulement difficilement compréhensible, mais encore contraire au principe de l’autonomie communale, tout en reprochant, à titre subsidiaire, à la décision ministérielle ainsi prise de manière autonome de ne pas être suffisamment motivée.

Elle précise que l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004 reconnaîtrait un double pouvoir de tutelle au ministre en ce que, d’un côté, il serait appelé à approuver le projet d’aménagement général et que, de l’autre côté, il devrait statuer sur les réclamations portées devant lui et dirigées contre la délibération du conseil communal portant adoption du projet d’aménagement général. Ce serait dans les limites de ce deuxième pouvoir et de celles de la réclamation valablement portée devant lui qu’il disposerait d’un pouvoir de réformation.

Or, comme en l’espèce, la commune admettrait que la mesure de classement litigieuse serait le résultat d’une erreur matérielle, la décision communale afférente serait inexistante et ne pourrait a fortiori être réformée dans le cadre du deuxième pouvoir du ministre.

Au vu de ce constat, il resterait donc la question de savoir si le ministre, dans le cadre de son pouvoir de tutelle d’approbation, pourrait se substituer à la commune et prendre de manière autonome une décision de classement que la commune n’aurait pas prise. La société demanderesse estime, en effet, que le fait d’exercer un pouvoir de tutelle par rapport à un acte que la commune qualifie elle-même comme étant le résultat d’une erreur matérielle reviendrait à poser, en tant qu’autorité centrale, un acte administratif autonome et non pas à exercer un contrôle tutélaire. Selon elle, toute autre interprétation des règles de tutelle, qui devrait se faire de manière restrictive, reviendrait à violer l’article 8.3. de la Charte européenne de l’autonomie locale.

Au vu des considérations qui précèdent, il faudrait constater que le ministre, en tant qu’autorité de tutelle, ne pourrait pas, sans violer les pouvoirs de tutelle qui lui sont attribués par l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004, poser de manière autonome des décisions telles que celle litigieuse de classement d’un immeuble en tant que « construction à conserver ». De ce fait, la décision ministérielle serait à annuler.

A titre subsidiaire, la société demanderesse fait valoir que même à admettre que l’autorité de tutelle ait été admise à prendre une décision telle que celle de l’espèce, il n’en resterait pas moins que, dans ce cas, la décision ainsi prise devrait reposer sur des motifs légaux et être motivée. Or, en l’espèce, le ministre aurait choisi d’adopter une attitude purement passive en affirmant, essentiellement et en substance, qu’il appartiendrait à la société demanderesse de démontrer que l’immeuble en cause ne présente pas les caractéristiques justifiant la mesure de classement litigieuse. Elle ajoute que si certes en matière de contentieux administratif, la charge de la preuve était partagée et que le régime administratif de la preuve faisait en premier lieu peser le fardeau de la preuve sur le demandeur, il n’en resterait pas moins que l’administration, donc la partie défenderesse, ne pourrait pas rester purement passive.

La société demanderesse fait, à cet égard, valoir qu’alors même qu’elle aurait expliqué et démontré de manière cohérente et détaillée dans sa requête introductive d’instance qu’il n’existerait aucun motif légal justifiant la mesure de classement litigieuse, la partie étatique se contenterait de lui opposer qu’elle n’aurait pas démontré que son immeuble ne présenterait aucune authenticité particulière ni une exemplarité architecturale.

Il s’ensuivrait que même à admettre que la partie étatique puisse défendre une mesure de classement de manière indépendante de la commune, il n’en resterait pas moins que comme la commune admettrait elle-même qu’aucun motif ne justifie ce classement, la partie étatique devrait se prévaloir d’une motivation d’autant plus forte pour persuader du bien-fondé de sa décision. Une telle obligation de motivation renforcée s’imposerait également en raison du fait que la mesure de classement litigieuse constituerait une atteinte grave au droit de propriété protégé à travers l’article 16 de la Constitution, dans sa version applicable en l’espèce, et l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Cette obligation de motivation renforcée dans le chef de la partie étatique serait encore requise au vu du caractère muet de l’étude préparatoire quant aux motifs ayant conduit au classement de son immeuble.

Il serait, en tout état de cause, incompréhensible pour quelles raisons, au vu des circonstances de l’espèce et surtout de la position communale, l’Etat continuerait à vouloir frapper l’immeuble litigieux d’une mesure hautement attentatoire à son droit de propriété alors même qu’il ne présenterait aucun intérêt et que le classement ne serait basé sur aucun motif valable. Il serait d’autant plus étonnant qu’au lieu de simplement reconnaître que la mesure de classement critiquée n’est pas justifiée et de la supprimer purement et simplement, la partie étatique continue à défendre une mesure manifestement illégale portant gravement atteinte au droit de propriété. Si la partie étatique affirmait dans son mémoire en réponse que l’immeuble daterait du début des années 1950 et serait resté authentique depuis lors, cet état de fait ne serait certainement pas suffisant pour justifier la mesure de classement litigieuse.

La partie étatique conclut, quant à elle, au rejet de ce moyen pris en ses deux branches pour ne pas être fondé.

Analyse du tribunal Il y a lieu de relever que le moyen de la société demanderesse, pris en ses deux branches, repose sur la prémisse qu’à défaut de délibération communale ayant décidé de frapper son immeuble d’une mesure de protection, le ministre devrait être considéré comme ayant, à travers sa décision d’approbation, non pas exercé un contrôle tutélaire en conformité avec l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004, mais posé un acte administratif autonome et ce, en violation du principe de l’autonomie communale.

Le tribunal se doit de constater que certes, en cours de procédure contentieuse, l’autorité communale a expliqué qu’elle se serait rendue compte qu’une erreur matérielle s’était glissée dans le document annexé à la délibération du conseil communal du 8 février 2022 et comprenant un résumé des objections présentées au collège échevinal et du sort à y réserver par le conseil communal, en ce qu’elle aurait en réalité voulu faire droit aux objections de la société demanderesse en levant le classement de son immeuble en tant que « construction à conserver », tout en précisant que telle aurait d’ailleurs été la décision qui aurait été prise par le conseil communal lors de la délibération sur les objections. Certes encore la commune a précisé qu’après s’être rendue compte de son erreur ayant mené à une « mention inadéquate du maintien de la superposition sur la parcelle d’une indication afférente à la présence de biotopes », le conseil communal aurait tenté « de rattraper le coup » à la suite de la réclamation portée par la société demanderesse devant le ministre en avisant cette réclamation en y indiquant sa volonté de voir supprimer le classement du bâtiment en tant que « construction à conserver ».

Il n’en reste pas moins que la décision ministérielle litigieuse a bien été prise à la suite de la réclamation introduite par la société demanderesse, conformément à l’article 16 de la loi du 19 juillet 2004, contre la délibération du conseil communal du 8 février 2022 « par laquelle le conseil communal de Lorentzweiler a approuvé le projet d’aménagement général […], tel que mis sur orbite en date du 11 février 2020 conformément à l’article 10 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 », dont il se dégageait, suivant le tableau y annexé et ayant repris le vote du conseil communal concernant les objections, que ledit conseil s’était rallié à l’unanimité, pour ce qui est des objections présentées par la société demanderesse, à la proposition du collège échevinal et que, ce faisant, il n’avait pas fait droit à ses objections, étant précisé que comme le projet de PAG mis sur orbite prévoyait notamment le classement de l’immeuble litigieux en tant que « construction à conserver », le conseil communal a nécessairement, en procédant à l’adoption du projet de PAG et en l’absence de décision expresse en sens contraire, adopté leditclassement. Il se dégage, à cet égard, de la réclamation de la société demanderesse que celle-ci est elle-même partie du principe qu’à travers sa délibération du 8 février 2022, le conseil communal avait refusé de supprimer aussi bien le classement de sa parcelle en secteur protégé de type « environnement construit – C » que celui de son immeuble en tant que « construction à conserver ».

Au vu de ces considérations, le tribunal se doit de conclure que le simple fait pour l’autorité communale de soutenir en cours de procédure contentieuse que le maintien du classement de l’immeuble litigieux en tant que « construction à conserver » serait le résultat d’une erreur matérielle et qu’elle n’aurait jamais eu l’intention de maintenir le classement litigieux ne saurait impliquer que la délibération communale initiale est à considérer comme étant « inexistante », tel que le plaide la société demanderesse, mais elle a, au contraire, continué à exister et à produire ses effets. C’est donc bien sur base de la délibération qui a été formellement prise par le conseil communal en date du 8 février 2022 et transmise au ministre ensemble avec le tableau reprenant le vote du conseil communal concernant les objections de la société demanderesse que le ministre a statué entre autres sur la réclamation portée devant lui par la société demanderesse conformément à l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004.

Le moyen de la société demanderesse, en ce qu’il est basé tant en sa branche principale que subsidiaire sur la prémisse erronée de l’inexistence d’une décision communale de frapper son immeuble d’une mesure de protection laquelle impliquerait que le ministre aurait pris un acte administratif autonome, est dès lors à rejeter in globo pour manquer de fondement.

3.3. Quant au moyen tiré de l’absence de justification à la base du classement de l’immeuble litigieux en tant que « construction à conserver » A l’appui de ce moyen, la société demanderesse fait valoir que l’immeuble litigieux ne présenterait pas la moindre authenticité particulière, ni une importance, voire une exemplarité architecturale ou historique.

Comme il ne figurerait pas sur la carte topographique historique de l’année 1950 mais qu’il apparaîtrait pour la première fois sur celle de l’année 1954, il devrait en être conclu qu’il aurait été construit entre 1950 et 1954. Il s’agirait, en tout état de cause, d’une banale construction pavillonnaire.

Elle continue en précisant que comme une mesure de classement en tant que « construction à conserver » impliquerait une grave atteinte au droit de propriété, il faudrait que les motifs sous-jacents à un tel classement soient particulièrement prononcés sous peine de basculer dans une mesure disproportionnée. Elle relève, à cet égard, que depuis un arrêt de la Cour constitutionnelle du 22 janvier 2021, inscrit au registre sous le n°00152, la Cour administrative ferait systématiquement application du principe de proportionnalité à essence constitutionnelle pour sanctionner des décisions administratives disproportionnées. La société demanderesse estime que la motivation d’une décision de classement serait plus particulièrement à apprécier « sur cette toile de fond de proportionnalité ».

Or, il s’avérerait, au regard des différents motifs visés par le règlement grand-ducal sur le contenu du PAG pour justifier une mesure de classement, qu’aucun de ceux-ci ne résisterait en l’espèce à une analyse approfondie.

En effet, si le ministre justifiait le classement de son immeuble par la prétendue « authenticité de sa substance bâtie », il ne préciserait toutefois pas pour quelle raison concrète il estime que l’immeuble serait à tel point authentique qu’il mériterait d’être soumis à une mesure de conservation particulièrement attentatoire au droit de propriété.

Ensuite, la société demanderesse fait valoir que son immeuble ne pourrait certainement pas non plus être qualifié de rare.

Si le ministre invoquait encore la prétendue « exemplarité du type de bâtiment », il ne préciserait toutefois pas quelle raison concrète l’amène à un tel constat.

La société demanderesse relève enfin que son immeuble ne se caractériserait par aucune importance architecturale, ni ne pourrait-il s’analyser comme étant un témoin de l’histoire nationale, locale, sociale, politique, religieuse, militaire, technique ou industrielle.

En conclusion, il devrait être admis que l’immeuble en question ne présenterait aucun particularisme architectural, artistique, esthétique ou encore historique digne de protection.

La partie communale rejoint, pour sa part, la société demanderesse dans son argumentation en ce sens que le classement litigieux ne se justifierait pas pour être le fruit d’une erreur que le ministre, en dépit de l’avis du conseil communal en ce sens, n’aurait pas voulu résorber. Le classement litigieux découlerait donc de la seule décision étatique dont il n’appartiendrait pas à la commune de défendre la légalité.

La partie étatique, après avoir relevé que les autorités communales seraient habilitées à procéder à la création de secteurs protégés de type « environnement construit » et que, par ailleurs, l’article 32 du règlement grand-ducal sur le contenu du PAG prévoirait expressément que les secteurs protégés de type « environnement construit » comprennent des « immeubles ou parties d’immeubles dignes de protection », fait valoir qu’il relèverait de la logique du système mis en place par le législateur pour assurer le respect du patrimoine culturel que les autorités communales seraient autorisées à désigner de manière individuelle à l’intérieur des secteurs protégés de type « environnement construit » tout immeuble ou partie d’immeuble digne de protection. Elle renvoie ensuite à la partie 2 de l’étude préparatoire, intitulée « Entwicklungskonzept » et plus particulièrement au contenu du point 3.2.5 intitulé « Schutz und Entwicklung des baulichen Erbes », pour soutenir que « [d]ans ces circonstances », aucune violation de l’article 2, point e) de la loi du 19 juillet 2004, respectivement de l’article 32 du règlement grand-ducal sur le contenu du PAG ne serait établie.

Elle continue en donnant à considérer que, conformément à ce qu’expliquerait la société demanderesse elle-même, l’immeuble litigieux daterait du début des années 1950 et serait resté authentique depuis lors. A cela s’ajouterait que conformément à l’article 21.4 de la partie écrite du PAG, relatif aux constructions à conserver, le classement litigieux n’empêcherait pas la densification du secteur ni ne s’opposerait-il à l’utilisation rationnelle du sol, de sorte que sa démolition n’apporterait aucune valeur ajoutée.

Dans son mémoire en duplique, la partie étatique souligne encore que la protection communale aurait vocation à s’appliquer à des immeubles « qui peuvent être intéressants car ils sont « typiques » d’une région ou d’une période donnée, sans pour autant correspondre à l’idée que l’on peut se faire d’un monument historique ».

Analyse du tribunal Il y a lieu de relever que les autorités communales, lorsqu’elles initient des modifications de leurs plans d’aménagement doivent être mues par des considérations légales d’ordre urbanistique ayant trait à l’aménagement des agglomérations et d’ordre politique tirées de l’organisation de la vie en commun sur le territoire donné, tendant les unes et les autres à une finalité d’intérêt général et dans ce contexte, lesdites autorités doivent veiller tant à la conservation de l’esthétique urbaine qu’au développement rationnel des agglomérations5.

Dans ce contexte, il convient de rappeler que la mission du juge de la légalité conférée au tribunal à travers l’article 7 de la loi du 7 novembre 1996 exclut le contrôle des considérations d’opportunité et notamment d’ordre politique, à la base de l’acte administratif attaqué et inclut la vérification, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, de ce que les faits et considérations sur lesquels s’est fondée l’administration sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute. Au niveau de l’application du droit aux éléments de fait, le juge de l’annulation vérifie encore s’il n’en est résulté aucune erreur d’appréciation se résolvant en un dépassement de la marge d’appréciation de l’auteur de la décision querellée. Le contrôle de la légalité à exercer par le juge de l’annulation n’est pas incompatible avec le pouvoir d’appréciation de l’auteur de la décision qui dispose d’une marge d’appréciation. Ce n’est que si cette marge est dépassée que la décision prise encourt l’annulation pour erreur d’appréciation. Ce dépassement peut notamment consister dans une disproportion dans l’application de la règle de droit aux éléments de fait. Le contrôle de légalité du juge de l’annulation s’analyse alors en contrôle de proportionnalité6.

S’il est certes vrai que le choix d’entériner ou de ne pas entériner la modification d’un plan d’aménagement relève d’une dimension politique et échappe comme tel au contrôle des juridictions de l’ordre administratif saisies d’un recours en annulation, il n’en demeure pas moins que tout acte administratif doit reposer sur un motif dont le juge administratif vérifie tant l’existence que la légalité. Cette exigence découle du fait que le juge administratif a l’obligation de vérifier si les autorités administratives compétentes n’ont pas violé la loi, commis un excès de pouvoir ou un détournement de pouvoir et cette obligation de motivation existe également pour les actes à caractère réglementaire qui, quoique discrétionnaires, doivent être pris dans l’intérêt général, de sorte qu’il importe que les autorités administratives compétentes fassent connaître le ou les motifs qui les ont guidées dans leur décision, le contrôle exercé par le juge de l’annulation ne portant dès lors pas sur l’opportunité, mais sur la réalité et la légalité des motifs avancés7.

Quant aux objectifs devant guider les autorités communales lorsqu’elles initient des modifications de leurs plans d’aménagement, ainsi que l’autorité ministérielle, dans le cadre de l’exercice de son contrôle tutélaire, il y a lieu de se référer à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004, aux termes duquel : « Les communes ont pour mission de garantir le respect de l’intérêt général en assurant à la population de la commune des conditions de vie optimales par une mise en valeur harmonieuse et un développement durable de toutes les parties du territoire communal par:

5 Trib. adm., 20 octobre 2004, n°17604 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 217 et les autres références y citées.

6 Cour adm., 9 novembre 2010, n°26886C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en annulation, n° 40 et les autres références y citées.

7 Trib. adm., 23 mars 2005, n°18463 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 847 et les autres références y citées.(a) une utilisation rationnelle du sol et de l’espace tant urbain que rural en garantissant la complémentarité entre les objectifs économiques, écologiques et sociaux ;

(b) un développement harmonieux des structures urbaines et rurales, y compris les réseaux de communication et d’approvisionnement compte tenu des spécificités respectives de ces structures, et en exécution des objectifs de l’aménagement général du territoire ;

(c) une utilisation rationnelle de l’énergie, des économies d’énergie et une utilisation des énergies renouvelables ;

(d) le développement, dans le cadre des structures urbaines et rurales, d’une mixité et d’une densification permettant d’améliorer à la fois la qualité de vie de la population et la qualité urbanistique des localités ;

(e) le respect du patrimoine culturel et un niveau élevé de protection de l’environnement naturel et du paysage lors de la poursuite des objectifs définis ci-dessus ;

(f) la garantie de la sécurité, la salubrité et l’hygiène publiques. ».

L’article 6 de la loi du 19 juillet 2004 prévoit, quant à lui, que « Le plan d’aménagement général a pour objectif la répartition et l’implantation judicieuse des activités humaines dans les diverses zones qu’il arrête aux fins de garantir le développement durable de la commune sur base des objectifs définis par l’article 2 de la loi. ».

Il convient encore de noter que la décision d’adopter, respectivement de modifier un PAG est, dans son essence même, prise dans l’intérêt général, cette caractéristique étant présumée jusqu’à preuve du contraire8.

Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que la mutabilité des PAG relève de leur essence même, consistant à répondre à des contraintes variables à travers le temps concernant à la fois les aspects urbanistiques de l’aménagement des agglomérations et le volet politique de la vie en commun sur le territoire donné9. Il s’ensuit qu’en se fondant sur des considérations d’ordre urbanistique correspondant à une finalité d’intérêt général, les autorités communales peuvent procéder à des modifications de leur règlementation urbanistique, pourvu toutefois que la décision soit proportionnelle à son objectif et qu’elle soit dépourvue d’un dépassement dans le chef des autorités compétentes de leur marge d’appréciation, analyse qui sera effectuée ci-

après.

En l’espèce, il est constant en cause que le projet d’aménagement général, tel qu’issu de la mise en procédure, prévoyait le classement de la parcelle de la société demanderesse en zone d’habitation 1 [HAB-1], avec la superposition d’un secteur protégé de type « environnement construit – C », et qu’il était prévu de classer l’immeuble se trouvant sur ladite parcelle en tant que « construction à conserver ».

Tel que relevé ci-avant, lors de sa séance publique du 8 février 2022, le conseil communal a adopté le projet d’aménagement général et du propre aveu de la commune, suivant le tableau reprenant le vote du conseil communal relatif aux objections portées par la société demanderesse contre le projet tel que mis sur orbite, la superposition sur la parcelle de la société demanderesse d’un secteur protégé de type « environnement construit – C » et le classement de son immeuble en tant que « construction à conserver » avaient été maintenus, raison pour laquelle la société demanderesse a introduit auprès du ministre une réclamation contre la 8 Trib. adm., 23 juillet 1997, n° 9658 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en annulation, n°10 et les autres références y citées.

9 Trib. adm., 7 mars 2001, n° 12233 du rôle, confirmé par Cour adm., 20 décembre 2001, n°13291C du rôle, Pas.

adm. 2023, V° Urbanisme, n° 231 (1er volet) et les autres références y citées.délibération en question afin de solliciter la suppression de ces deux classements. Il se dégage, à cet égard, de la décision ministérielle déférée que le ministre a approuvé la délibération du conseil communal du 8 février 2022 portant adoption du projet de PAG, tout en déclarant néanmoins la réclamation de la société demanderesse partiellement fondée en supprimant le classement de la parcelle de celle-ci en secteur protégé de type « environnement construit – C », mais en maintenant, en revanche, le classement de l’immeuble en tant que « construction à conserver ». C’est le maintien de ce dernier classement qui est critiqué par la société demanderesse pour manquer de justification.

L’article 21 de la partie écrite du PAG, intitulé « Le secteur et éléments protégés de type « environnement construit – C » », définit dans son point 21.1 les « secteurs et éléments protégés d’intérêt communal de type « environnement construit - C » comme suit :

« Les secteurs et éléments protégés d’intérêt communal de type « environnement construit – C » constituent les parties du territoire communal qui comprennent des immeubles ou parties d’immeubles à protéger, répondant à un ou plusieurs des critères suivants :

authenticité de la substance bâtie, de son aménagement, rareté, exemplarité du type de bâtiment, importance architecturale, témoignage de l’immeuble pour l’histoire nationale, locale, sociale, politique, religieuse, militaire, technique ou industrielle.

[…] Les secteurs et éléments protégés de type « environnement construit » englobent les :

- immeubles et objets classés monuments nationaux, et les - immeubles et objets inscrits à l’inventaire supplémentaire (loi du 18 juillet 1983 concernant la conservation et la protection des sites et monuments nationaux) - constructions à conserver, surface violette - gabarit d’une construction existante à préserver, contour violet - alignement d’une construction existante à préserver, trait bleu - mur à conserver, trait discontinu bleu - petit patrimoine à conserver, triangle violet - autres bâtiments.

[…] ».

Pour ce qui est de la justification du classement de l’immeuble en tant que « construction à conserver » au niveau communal, il y a lieu de rappeler que la commune admet que ledit classement serait le résultat d’une erreur matérielle et qu’elle aurait, en réalité, voulu lever ledit classement suite aux objections formulées par la société demanderesse dans le but de garantir une symétrie avec le choix urbanistique ayant été fait pour la construction se trouvant sur la parcelle voisine et appartenant à la société civile immobilière …. Aucune justification à la base du classement litigieux n’est dès lors fournie en cours de procédure contentieuse par l’autorité communale.

A travers sa décision du 21 octobre 2022, le ministre a, quant à lui, retenu, en ce qui concerne le classement de l’immeuble litigieux en tant que « construction à conserver » que « [l]a construction existante remplit les conditions de l’article 32 du règlement grand-ducal du 20 8 mars 2017 concernant le contenu du PAG d’une commune et se caractérise par l’authenticité de sa substance bâtie et l’exemplarité du type du bâtiment. ».

Il convient, à cet égard, de relever que le classement d’un immeuble en tant que « construction à conserver » doit remplir au moins l’un des critères énumérés de manière alternative à l’article 32 du règlement grand-ducal précité, à savoir « authenticité de la substance bâtie, de son aménagement, rareté, exemplarité du type de bâtiment, importance architecturale, témoignage de l’immeuble pour l’histoire nationale, locale, sociale, politique, religieuse, militaire, technique ou industrielle. ».

Le tribunal se doit, dans ce contexte, de rejoindre la société demanderesse dans ses critiques suivant lesquelles il ne se dégage en l’espèce pas des éléments produits en cause quelles seraient concrètement les caractéristiques spécifiques justifiant que l’immeuble litigieux est à considérer comme étant digne de protection au niveau communal, la commune admettant, au contraire, tel que relevé ci-avant, que, selon elle, l’immeuble litigieux n’est pas digne de protection, tandis que la partie étatique n’a fourni en cours de procédure contentieuse pas le moindre élément de nature à sous-tendre l’affirmation péremptoire contenue dans la décision ministérielle suivant laquelle il s’agirait d’un immeuble se caractérisant « par l’authenticité de sa substance bâtie et l’exemplarité du type du bâtiment ». En effet, la seule circonstance qu’il s’agit d’un immeuble à deux niveaux et que l’étude préparatoire a retenu dans sa partie dédiée au « Entwicklungskonzept », auquel renvoie la partie étatique, que « [d]as kulturhistorische und bauliche Erbe und der teils noch dörfliche Charakter der gewachsenen Ortskerne der verschiedenen Ortschaften der Gemeinde, insbesondere auch mit den 2-

geschossigen Bauformen, sollen auch weiterhin erhalten und inwertgesetzt werden. », n’est à l’évidence pas suffisante pour justifier, en l’absence d’autres caractéristiques spécifiques, la mise en place d’une mesure de protection telle que celle en cause. Ce constat s’impose d’autant plus que la partie étatique passe sous silence qu’il se dégage de l’étude préparatoire elle-même que « [d]ie Auswahl der zu erhaltenden Objekte erfolgt gemäβ den Kriterien der Typizität, der Authentizität, der Gebäudetypen, des Gebäudevolumens, der Gebäudestellung und der durch die Bebauung gebildeten Raumkanten sowie der Maβstäblichkeit der ortstypischen Bausubstanz, die bei der Erhaltung des gewachsenen Ortskerns eine wesentliche Rolle spielen. ».

Il doit dès lors être conclu que c’est à bon droit que la société demanderesse affirme qu’il n’est pas démontré dans quelle mesure l’immeuble litigieux peut être considéré comme remplissant un ou plusieurs des critères énoncés aussi bien à l’article 21 de la partie écrite du PAG qu’à l’article 32, alinéa 2 du règlement grand-ducal sur le contenu du PAG, à savoir l’authenticité de la substance bâtie, l’exemplarité du type du bâtiment, l’importance architecturale et le témoignage de l’immeuble pour l’histoire nationale, locale, sociale, politique, religieuse, militaire, technique ou industrielle. En effet, le seul fait que l’immeuble litigieux daterait du début des années 1950 et serait resté authentique depuis lors ne permet certainement pas de conclure qu’il remplit l’un de ces critères ni plus particulièrement qu’il se caractérise par « l’authenticité de sa substance bâtie et l’exemplarité du type du bâtiment », tel que soutenu par la partie étatique.

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le tribunal arrive à la conclusion que le classement de l’immeuble litigieux en tant que « construction à conserver » n’est pas valablement justifié, de sorte qu’il y a lieu d’annuler tant la décision du conseil communal du 8 février 2022 que la décision du ministre du 21 octobre 2022 pour dépassement de la marge d’appréciation dans le chef des autorités publiques en question et dans l’uniquemesure du classement de l’immeuble de la société demanderesse en tant que « construction à conserver ».

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare justifié, partant annule la délibération du conseil communal de la commune de Lorentzweiler du 8 février 2022 portant adoption du projet de refonte du PAG de la commune de Lorentzweiler, ainsi que la décision du ministre de l’Intérieur du 21 octobre 2022 ayant approuvé la délibération, précitée, du conseil communal du 8 février 2022, dans l’unique mesure où elles ont retenu le classement de l’immeuble de la société demanderesse sis sur une parcelle inscrite au cadastre de la commune de Lorentzweiler, section C de Bofferdange et de Helmdange, sous le numéro …, en tant que « construction à conserver » ;

fait masse des frais et dépens et les impose pour moitié à l’administration communale de Lorentzweiler et pour moitié à l’Etat.

Ainsi jugé par :

Alexandra Castegnaro, vice-président, Annemarie Theis, premier juge, Caroline Weyland, juge, et lu à l’audience publique du 15 juillet 2024 par le vice-président en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 15 juillet 2024 Le greffier du tribunal administratif 22


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 48554
Date de la décision : 15/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-07-15;48554 ?

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