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17/07/2024 | LUXEMBOURG | N°46975

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 juillet 2024, 46975


Tribunal administratif N° 46975 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:46975 5e chambre Inscrit le 2 février 2022 Audience publique du 17 juillet 2024 Recours formé par la société à responsabilité limitée SOCIETE A, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu des collectivités, d’impôt commercial communal et d’impôt sur la fortune

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 469

75 du rôle et déposée le 2 février 2022 au greffe du tribunal administratif par la société anony...

Tribunal administratif N° 46975 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:46975 5e chambre Inscrit le 2 février 2022 Audience publique du 17 juillet 2024 Recours formé par la société à responsabilité limitée SOCIETE A, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu des collectivités, d’impôt commercial communal et d’impôt sur la fortune

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46975 du rôle et déposée le 2 février 2022 au greffe du tribunal administratif par la société anonyme ELVINGER HOSS PRUSSEN, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-1340 Luxembourg, 2, place Winston Churchill, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Elisabeth ADAM, avocat à la Cour, inscrite sur la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée SOCIETE A, ayant son siège social à L-…, représentée par son collège de gérance actuellement en fonctions, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 2 novembre 2021, référencée sous le numéro …, ayant rejeté sa réclamation à l’encontre du bulletin de l'impôt sur le revenu des collectivités pour l'année d'imposition 2015, du bulletin de la base d'assiette globale et de l'impôt commercial communal pour l'année 2015, du bulletin d’établissement de la valeur unitaire au 1er janvier 2016 ainsi que du bulletin de l'impôt sur la fortune au 1er janvier 2016, tous émis en date du 27 juin 2018 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 2 mai 2022 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 2 juin 2022 par la société anonyme ELVINGER HOSS PRUSSEN, préqualifiée, représentée par Maître Elisabeth ADAM, préqualifiée, pour le compte de sa mandante, préqualifiée ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 4 juillet 2022 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision directoriale critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Nadège LE GOUELLEC en remplacement de Maître Elisabeth ADAM, et Monsieur le délégué du gouvernement Tom KERSCHENMEYER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 28 février 2024.

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La société à responsabilité limitée SOCIETE A, ci-après désignée par la « requérante » fut constituée en 2010, année durant laquelle elle débuta son activité de financement intra-

groupe. Elle finança cette activité, d’une part, par l’émission de « Preferred Equity 1 Certificates », ci-après désignés par les « PECs » souscrits par sa société-mère, la société à responsabilité limitée SOCIETE A1, ci-après désignée par « la société SOCIETE A1 », dont les conditions générales – datant du … 2010 et modifiées par la suite à plusieurs reprises, ci-

après désignées par les « conditions générales des PECs » – prévoyaient le paiement d’intérêts, dénommé le Yield, et, d’autre part, par un financement bancaire, en participant à la centrale de trésorerie mise en place par la société SOCIETE A1, comme emprunteur principal, avec l’établissement bancaire BANQUE A, ci-après désignée par « BANQUE A ».

Le 12 avril 2013, la requérante octroya un premier prêt à la société SOCIETE B, ci-

après désignée par la « société SOCIETE B », qu’elle finança grâce à la facilité de trésorerie consentie par BANQUE A, désignée par la requérante comme le « Bank Overdraft ». À la suite du remboursement de ce prêt, la requérante octroya à la société SOCIETE B un nouveau prêt pour un montant en principal de GBP … en vertu d'un contrat de crédit daté du 30 octobre 2013. L'engagement de remboursement dudit prêt fut documenté par une « Promissory note » émise par la société SOCIETE B.

Par la suite, la requérante décida de coter en bourse ladite Promissory note auprès de la bourse des Îles Cayman. Pour ce faire, elle constitua le … 2014 la société SOCIETE C, ci-

après désignée par la « Filiale », ayant comme objet de réaliser des opérations de financement pour le GROUPE A, puis elle créa une succursale aux États-Unis d’Amérique (les « USA »), à savoir SOCIETE A - US BRANCH, ci-après désignée par la « succursale USA », afin de détenir et de gérer la participation dans sa Filiale.

Par résolutions circulaires de son conseil de gérance du 2 décembre 2014, la requérante décida d’apporter la Promissory note d'un montant total de GBP … à sa Filiale contre la souscription d'une action, puis d’allouer à sa « succursale USA » l’intégralité de sa participation dans la Filiale, et de conclure plusieurs contrats en relation avec la « succursale USA ».

Le 19 juin 2015, le conseiller fiscal de la requérante introduisit au nom et pour le compte de celle-ci une demande de décision anticipée en vue d’obtenir de l’administration des Contributions directes, ci-après désignée par l’« administration », qu’elle confirme que les revenus de la « succursale USA » ainsi que les plus ou moins-values sur ses actifs seraient exonérés d’impôt sur le revenu des collectivités (« IRC ») ainsi que de l’impôt commercial communal (« ICC ») au Grand-Duché de Luxembourg, et que les actifs alloués à la « succursale USA » seraient exonérés de l’impôt sur la fortune (« IF »).

Par courrier du 30 juin 2015, l’administration déclara irrecevable la demande de décision anticipée en question au motif qu’elle aurait été introduite après que l'opération eut produit ses effets, sans se prononcer sur le fond de la demande de la requérante, cette dernière ayant déposé ses déclarations de l'IRC et de l'ICC au titre de l’année 2014 ainsi que de l'IF au 1er janvier 2015, établies sur base d'un bilan fiscal tenant compte de l'existence de la « succursale USA » en tant qu'établissement stable, et par conséquent, de l'allocation des résultats, des actifs et des passifs à la « succursale USA ».

Le 29 septembre 2015, la Filiale distribua à la requérante, sur le compte bancaire de la « succursale USA », un dividende intérimaire pour un montant de GBP ….

Le 10 décembre 2015, la Filiale distribua un dividende intérimaire à la requérante pour un montant total de GBP …, toujours par le biais de la « succursale USA ».

2 Enfin, la Filiale transféra la Promissory note à la requérante via un contrat de transfert conclu en date du 29 janvier 2016 entre la Filiale et la requérante agissant par sa « succursale USA ».

Par lettre du 9 février 2016, le conseiller fiscal de la requérante, agissant au nom et pour le compte de cette dernière, informa le préposé du bureau d'imposition … de l’administration, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », des opérations de distributions et de transfert décrites ci-dessus, en précisant notamment le traitement fiscal devant être appliqué, selon la requérante, en raison de l'existence de la « succursale USA ».

En date du 14 février 2018, l’administration émit à l’encontre de la requérante, sur base du § 100a de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », les bulletins de l'IRC et de l'ICC pour l'année 2014, ainsi que les bulletins de l'établissement de la valeur unitaire au 1er janvier 2015 et de l'IF au 1er janvier 2015 en tenant compte de l'allocation des résultats, des actifs et des passifs à la « succursale USA » lesquels furent exonérés au Grand-Duché de Luxembourg.

Le 27 juin 2018, le bureau d’imposition émit les bulletins de l'IRC pour l'année 2015, de la base d'assiette globale et de l'ICC pour l'année 2015, de l'établissement de la valeur unitaire au 1er janvier 2016, ainsi que de l'IF au 1er janvier 2016 en procédant par voie de taxation d'office sur base du § 217 AO en raison de l’absence de dépôt de déclaration fiscale pour la période concernée.

En date du 23 octobre 2018, la requérante déposa sa déclaration de l'IRC et de l'ICC au titre de l'année 2015 ainsi que de l'IF au 1er janvier 2016.

Par courrier daté du 24 octobre 2018, réceptionné le 26 octobre 2018, la requérante introduisit une réclamation auprès du directeur de l’administration, ci-après désigné par le « directeur », pour réclamer contre les bulletins de l'IRC, de l’ICC pour l'année 2015, ainsi que de l’IF au 1er janvier 2016.

Par une décision du 29 janvier 2019, répertoriée sous le numéro du rôle …, le directeur déclara la réclamation irrecevable au motif qu’elle aurait été introduite tardivement.

Par requête déposée le 10 avril 2019 au greffe du tribunal administratif, la requérante fit introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision directoriale précitée du 29 janvier 2019.

Dans le jugement du 22 janvier 2021 inscrit sous le numéro 42654 du rôle, le tribunal administratif, tout en précisant qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation contre la décision directoriale précitée du 29 janvier 2019, reçut le recours principal en réformation en la forme, le déclara non justifié au fond et en débouta la requérante.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 3 mars 2021, la requérante fit relever régulièrement appel de ce jugement.

Par un arrêt rendu en date du 15 juillet 2021, inscrit sous le numéro 45739C du rôle, la Cour administrative, par réformation du jugement précité du 22 janvier 2021 du tribunal administratif, réforma la décision du directeur du 29 janvier 2019 en ce sens que la réclamation 3 n'était pas irrecevable pour tardiveté et renvoya l'affaire en prosécution de cause devant le directeur.

Par une décision du 2 novembre 2021, le directeur trancha le fond de l’affaire en rejetant les prétentions adverses.

Cette décision est libellée comme suit :

« […] Vu la requête introduite le 26 octobre 2018 par la dame …, au nom de la société à responsabilité limitée SOCIETE A, avec siège social à L-…, pour réclamer contre les bulletins de l'impôt sur le revenu des collectivités et de la base d'assiette de l'impôt commercial communal de l'année 2015, ainsi que contre le bulletin de l'impôt sur la fortune au 1er janvier 2016, tous émis en date du 27 juin 2018 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu la décision directoriale du 29 janvier 2019, répertoriée sous le numéro … du rôle ;

Vu le jugement du Tribunal administratif du 22 janvier 2021, répertorié sous le numéro 42654 du rôle ;

Vu l'arrêt de la Cour administrative du 15 juillet 2021, répertorié sous le numéro 45739C du rôle et libellé comme suit en ce qui concerne son dispositif :

« PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l'égard de toutes les parties en cause ;

reçoit l'appel en la forme ;

au fond, le déclare justifié;

partant, par réformation du jugement entrepris du 22 janvier 2021, réforme la décision du directeur de l'administration des Contributions directes du 29 janvier 2019 (n° … du rôle) en ce sens que la réclamation du 26 octobre 2018 de la société à responsabilité limitée SOCIETE A contre les bulletins d'impôts relatifs à l'année d'imposition 2015 n'est pas irrecevable comme étant tardive ;

renvoie l'affaire en prosécution de cause devant ledit directeur;

(…) » ;

Vu la mise en état du directeur des contributions du 23 juillet 2021 en vertu des §§ 243, 244 et 171 de la loi générale des impôts (AO) et la réponse de la réclamante reçue le 30 septembre 2021 ;

Vu les §§ 102, 107, 228, 238, 254, alinéa 2 et 301 AO ;

Considérant que si l'introduction de plusieurs instances par une seule et même requête n'est incompatible, en l'espèce, ni avec le secret fiscal, ni avec les règles de compétence et de 4 procédure, elle ne dispense pas d'examiner chaque acte attaqué en lui-même et selon ses propres mérites et ne saurait imposer une jonction qu'il est loisible au directeur des contributions de prononcer lorsque les instances lui paraissent suffisamment connexes ; qu'il n'y a pas lieu de la refuser en la forme ;

Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit (§ 238 AO) dans les forme (§ 249 AO) et, conformément à l'arrêt de la Cour précité, délai (§ 228 AO) de la loi, qu'elles sont partant recevables ;

Considérant que la réclamante fait grief au bureau d'imposition d'avoir établi les bases d'imposition par voie de taxation ;

Considérant qu'en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens du réclamant, la loi d'impôt étant d'ordre public ;

qu'à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-

fondé ; qu'en l'espèce la forme suivie par le bureau d'imposition ne prête pas à critique ;

Considérant tout d'abord que la réclamante n'avait réservé aucune suite aux divers rappels et sommations d'astreinte l'invitant au dépôt de sa déclaration fiscale de l'année 2015 de sorte que le bureau d'imposition était fondé à procéder par voie de taxation conformément au § 217 AO; que le § 217 AO constitue la base légale de la taxation, c'est-à-dire le moyen qui permet au bureau d'imposition qui a épuisé toutes les possibilités d'investigation sans pouvoir élucider convenablement tous les éléments matériels du cas d'imposition d'arriver néanmoins à la fixation de l'impôt, à laquelle les contribuables ne peuvent guère se soustraire (cf. Jean OLINGER, La procédure contentieuse en matière d'impôts directs, in études fiscales n° 81-85, novembre 1989, n°190, page 117 et Tribunal administratif du 26 avril 1999, n° 10156 du rôle) ; que la taxation ne constitue pas une mesure de sanction à l'égard du contribuable, mais un procédé de détermination des bases d'imposition qui est appliqué même à l'égard des contribuables soigneux et diligents (cf. Jean OLINGER, ibidem et Tribunal administratif du 26 avril 1999, n° 10156 du rôle) ;

Considérant que c'est finalement concomitamment à l'introduction de sa requête que la réclamante a remis sa déclaration d'impôt de l'année 2015 ;

Considérant que, tout comme le bureau d'imposition, le directeur doit instruire sur le revenu imposable ; que c'est par la consécration du principe du réexamen intégral et d'office de l'imposition litigieuse dans les dispositions combinées des §§ 204, 243 et 244 AO que le législateur a exprimé sa volonté qu'aucun impôt que celui qui est légalement dû ne puisse être réclamé au contribuable ; que rien ne s'oppose donc à ce que le réclamant présente dans le cadre de sa réclamation des éléments nouveaux, sous réserve d'abattements ou de bonifications à accorder sur demande, tendant à apporter des modifications à sa déclaration d'impôt ;

Considérant néanmoins qu'un contribuable réclamant contre une taxation conformément au § 217 AO due au fait de non remise d'une déclaration d'impôt au bureau d'imposition « ne saurait dans une telle hypothèse prospérer dans sa réclamation que s'il rapporte la preuve que ses revenus réels s'écartent de manière significative des bases d'imposition retenues dans le bulletin d'impôt. » (Cour administrative du 14 octobre 2008, 5 n° 24907C du rôle) ; que dans le cadre de la preuve à rapporter, ses déclarations ne bénéficient en effet d'aucune présomption de véracité ;

Considérant que la réclamante estime que les revenus et la fortune soumis à l'impôt fixé à travers les bulletins litigieux ne sont pas conformes aux résultats et à la fortune réels de la réclamante pour l'année litigieuse ; qu'elle invoque tout d'abord qu'une partie de ses activités serait exercée au travers d'un établissement stable situé aux Etats-Unis de sorte que les revenus ainsi que la fortune en relation avec cet établissement stable devraient être exonérés conformément à la convention fiscale conclue entre le Grand-Duché du Luxembourg et les Etats-Unis d'Amérique ; qu'elle invoque ensuite qu'une charge d'intérêts accrus sur certains instruments de dette par elle émis aurait été erronément comptabilisée au titre de l'exercice 2015 et qu'un ajustement devrait être fait par le biais de son bilan fiscal ;

Considérant qu'une imposition qui est assise en tout ou en partie sur des bases fixées par établissement séparé ne peut être attaquée pour le motif que ces bases d'imposition seraient inexactes ; qu'une telle réclamation ne peut être formée que contre le bulletin portant établissement séparé, en l'espèce notamment contre le bulletin de l'établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d'exploitation au 1er janvier de l'année 2016 ; que si le bulletin d'établissement séparé a fait l'objet d'une réclamation, sa réformation entraîne d'office un redressement du bulletin d'impôt établi sur base dudit bulletin d'établissement séparé (§ 218, alinéa 4 AO) ; qu'il en résulte que la réclamation dirigée contre le bulletin de l'impôt sur la fortune au 1er janvier de l'année 2016 doit être rejetée comme non fondée ;

Considérant qu'en application du paragraphe 5 de la 2e GewStVV du 16 novembre 1943 et de la GewStR 13 (cf. paragraphe 7 GewStG.), le bulletin de la base d'assiette de l'impôt commercial communal de l'année 2015 se trouve affecté d'office pour le cas où il résulte du recours une variation du bénéfice d'exploitation soumis à l'impôt commercial communal ;

Quant à l'établissement stable aux Etats-Unis Considérant que la réclamante expose que « le bulletin d'imposition a déterminé l'IRC et l'ICC pour 2015 ainsi que l'IF pour 2016 en ignorant l'établissement stable américain de la Société répondant aux critères de l'Article 5 de la Convention Fiscale entre le Grand-Duché de Luxembourg et les Etats-Unis d'Amérique. » ; qu'en l'occurrence, « la déclaration d'IRC et d'ICC pour 2015 [introduite en même temps que la réclamation] indique à juste titre que le profit réalisé par l'établissement stable américain, à hauteur de … livres sterling doit être exonéré d'IRC et d'ICC au Luxembourg » et que « la déclaration d'IF 2016 [introduite en même temps que la réclamation] indique ainsi à juste titre que les actifs de l'établissement stable américain, à hauteur de … livres sterling devraient être exonérés afin de déterminer la fortune nette de la Société au 1" janvier 2016. » ;

Considérant qu'il convient d'analyser, sur base des éléments de fait de l'espèce, si la réclamante disposait bien d'un établissement stable aux Etats-Unis au sens qui lui est donné par ladite convention ;

Considérant que l'article 7 de la convention conclue entre les Etats-Unis d'Amérique et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir la fraude fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune du 3 avril 1996 (la convention) prévoit que :

6 « 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un État contractant ne sont imposables que dans cet État, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre État contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre État mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable.

2. Sous réserve des dispositions du paragraphe 3, lorsqu'une entreprise d'un État contractant exerce son activité dans l'autre État contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé, il est imputé, dans chaque État contractant, à cet établissement stable les bénéfices qu'il aurait pu réaliser s'il avait constitué une entreprise distincte et indépendante exerçant des activités identiques ou analogues dans des conditions identiques ou analogues et traitant en toute indépendance avec l'entreprise dont il constitue un établissement stable (…). » Considérant, que l'article 23, alinéa 2 de la convention prévoit que « la fortune constituée par des biens mobiliers qui font partie de l'actif d'un établissement stable qu'une entreprise d'un État contractant a dans l'autre État contractant, ou par des biens mobiliers qui appartiennent à une base fixe dont un résident d'un État contractant dispose dans l'autre État contractant pour l'exercice d'une profession indépendante, est imposable dans cet autre État. » ;

Considérant que l'article 5 de la convention dispose que :

« 1. Au sens de la présente Convention, l'expression « établissement stable » désigne une installation fixe d'affaires par l'intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité.

2. L'expression « établissement stable » comprend notamment a) un siège de direction, b) une succursale, c) un bureau, d) une usine, e) un atelier et f) une mine, un puits de pétrole ou de gaz, une carrière ou tout autre lieu d'extraction de ressources naturelles.

3. Un chantier de construction ou de montage, une installation de forage ou un navire de forage utilisés pour l'exploration de ressources naturelles ne constitue un établissement stable que si la durée du chantier, ou la durée d'utilisation de l'installation ou du navire dépasse douze mois.

4. Nonobstant les dispositions précédentes du présent article, on considère qu'il n'y a pas « établissement stable » si :

7 a) il est fait usage d'installations aux seules fins de stockage, d'exposition ou de livraison de marchandises appartenant à l'entreprise ;

b) des marchandises appartenant à l'entreprise sont entreposées aux seules fins de stockage, d'exposition ou de livraison ;

c) des marchandises appartenant à l'entreprise sont entreposées aux seules fins de transformation par une autre entreprise ;

d) une installation fixe d'affaires est utilisée aux seules fins d'acheter des marchandises ou de réunir des informations, pour l'entreprise ;

e) une installation fixe d'affaires est utilisée aux seules fins d'exercer, pour l'entreprise, toute autre activité de caractère préparatoire ou auxiliaire ;

f) une installation fixe d'affaires est utilisée aux seules fins de l'exercice cumulé d'activités mentionnées aux alinéas a) à e), à condition que l'activité d'ensemble de l'installation fixe d'affaires résultant de ce cumul garde un caractère préparatoire ou auxiliaire.

5. Nonobstant les dispositions des paragraphes 1 et 2, lorsqu'une personne - autre qu'un agent jouissant d'un statut indépendant auquel s'applique le paragraphe 6 - agit pour le compte d'une entreprise et dispose dans un Etat contractant de pouvoirs qu'elle y exerce habituellement lui permettant de conclure des contrats au nom de l'entreprise, cette entreprise est considérée comme ayant un établissement stable dans cet Etat pour toutes les activités que cette personne exerce pour l'entreprise, à moins que les activités de cette personne ne soient limitées à celles qui sont mentionnées au paragraphe 4 et qui, si elles étaient exercées par l'intermédiaire d'une installation fixe d'affaires, ne permettraient pas de considérer cette installation comme un établissement stable selon les dispositions de ce paragraphe.

6. Une entreprise n'est pas considérée comme ayant un établissement stable dans un Etat contractant du seul fait qu'elle y exerce son activité par l'entremise d'un courtier, d'un commissionnaire général ou de tout autre agent jouissant d'un statut indépendant, à condition que ces personnes agissent dans le cadre ordinaire de leur activité.

7. Le fait qu'une société qui est un résident d'un Etat contractant contrôle ou est contrôlée par une société qui est un résident de l'autre Etat contractant ou qui y exerce son activité (que ce soit par l'intermédiaire d'un établissement stable ou non) ne suffit pas, en lui-

même, à faire de l'une quelconque de ces sociétés un établissement stable de l'autre. » ;

Considérant que la réclamante a été constituée le … 2010 et a pour objet la prise de participations, sous quelque forme que ce soit, dans des entreprises luxembourgeoises ou étrangères, l'acquisition par achat, souscription ou de toute autre manière, ainsi que l'aliénation par vente, échange ou de toute autre manière de titres, obligations, créances, billets et autres valeurs de toutes espèces, la possession, l'administration, le développement et la gestion de son portefeuille, la participation à la création et au développement de n'importe quelle entreprise financière, industrielle ou commerciale ; qu'elle peut également prêter tous concours, que ce soit par des prêts, garanties ou de toute autre manière à des sociétés filiales ou affiliées et emprunter sous toutes les formes et procéder à l'émission d'obligations ; que d'une façon générale, elle peut prendre toutes mesures de contrôle et de surveillance et faire 8 toutes opérations financières, commerciales et industrielles qu'elle jugera utiles à l'accomplissement ou au développement de son objet ;

Considérant qu'il ressort d'une copie de résolutions circulaires du conseil de gérance de la réclamante datées du 2 décembre 2014, que le 26 novembre 2014, la réclamante a constitué la société SOCIETE C, une société exemptée des îles Caïmans, avec comme objet la réalisation d'activités financières (« undertaking of financing activities ») pour le compte d'autres entités du GROUPE A ainsi que la détention d'une créance (intitulée « loan receivable ») envers une autre société du groupe dénommée SOCIETE B ; qu'il a été décidé que la réclamante apporterait à SOCIETE C deux créances (intitulées « revolving credit facility » et « Promissory note ») qu'elle détenait à l'encontre de SOCIETE B, pour un montant total de … livres sterling, en échange de l'émission par SOCIETE C d'une action d'une valeur nominale de … livres sterling, la partie restante étant allouée au compte de prime d'émission de cette dernière ; que ces opérations sont reflétées dans les comptes annuels de la réclamante pour l'année 2015 ; que la réclamante explique, dans son courrier du 30 novembre 2021 en réponse à la mise en état du directeur, que le GROUPE A avait décidé de simplifier la gestion des prêts accordés à SOCIETE B pour les rendre plus largement disponibles et plus attractifs aux investisseurs ; que, dans ce cadre, il aurait été décidé de coter un instrument qu'elle intitule « loan note » à la Bourse des îles Caïmans ; que la société SOCIETE C aurait alors été constituée en tant que véhicule de cotation (« loan listing vehicle ») ;

Considérant qu'il ressort ensuite des mêmes résolutions circulaires que la réclamante prit la décision d'ouvrir une succursale aux Etats-Unis à dénommer « SOCIETE A Sàrl - US Branch » et d'y allouer les actions par elle détenues dans le capital de la société SOCIETE C ; que l'objet de la succursale serait de détenir la participation dans SOCIETE C et d'effectuer certaines fonctions administratives en relation avec les activités financières de cette dernière ;

Considérant que le même jour, la réclamante conclut un contrat de détachement à temps partiel (« part-time secondment agreement ») avec SOCIETE D, la société mère du groupe aux Etats-Unis, au titre duquel cette dernière acceptait de mettre à disposition un de ses employés, le sieur …, afin d'agir en tant que gérant de la succursale aux Etats-Unis ; qu'il ressort de ce contrat que le sieur … continuerait d'être employé et rémunéré par SOCIETE D, mais que les frais encourus seraient facturés par SOCIETE D à la réclamante ; que, suite à la demande du directeur de fournir les factures relatives à ces services ainsi que les extraits du compte bancaire de la succursale démontrant leur paiement, la réclamante déclara qu'aucune facture n'a jamais été ni émise ni payée en vertu du contrat de détachement ; que partant l'exécution effective du contrat n'est pas formellement démontrée ;

Considérant que, toujours le 2 décembre 2014, la réclamante conclut un contrat de sous-location (« sublease agreement ») avec SOCIETE D, par lequel cette dernière acceptait de sous-louer à la réclamante un espace (« space ») de 160 pieds carrés dans ses propres locaux situés au …, pour un montant de … dollars américains ; que sur base de ce contrat, dont les annexes n'ont pas été fournies, il n'est pas possible de déterminer si l'espace en question serait indépendant des locaux utilisés par la société mère ; que l'annexe 1 du contrat de détachement susmentionné précise toutefois que le lieu du détachement serait le siège du GROUPE A ou tout autre endroit tel que requis par SOCIETE D (« … and such other location as may be reasonably required by SOCIETE D ») ; que dans cette configuration, il n'est pas 9 démontré que la réclamante avait de manière permanente la libre disposition d'une installation fixe d'affaires pour effectuer son activité ;

Considérant plus avant que la réclamante conclut à cette même date un accord de services de soutien à la succursale (« branch support services arrangements »), par lequel elle acceptait d'apporter son support à sa succursale en matière de comptabilité, finance, planification, gestion de trésorerie, opérations de trésorerie et assistance professionnelle, les services en question étant amplement précisés et détaillés à l'article 1 dudit contrat ; que selon les articles 3 et 4 de ce contrat, la réclamante devait recharger les frais encourus à la succursale et les justifier par le biais de livres et registres nécessaires à l'identification des coûts ; que suite à la demande du directeur de fournir les factures en relation avec cet arrangement, la réclamante ne versa aucune pièce, déclarant que la rémunération, d'un montant de … livres sterling pour l'année 2015, a été établie sur base d'un rapport de prix de transfert et que les honoraires dus ont été directement alloués à la succursale par le biais de sa déclaration fiscale de l'année 2015 de la réclamante ; qu'elle versa le rapport de prix de transfert en question, selon lequel la rémunération devra être calculée selon la méthode transactionnelle de la marge nette, mais n'apporte pas le moindre document ou élément permettant de chiffrer ou de soutenir le calcul de la rémunération mise en compte ou des frais exposés en relation avec les services rendus ; que l'exécution effective de ce contrat n'est pas démontrée ;

Considérant que, sur base de l'annexe 1 du contrat de détachement susvisé, le sieur …, en tant que gérant de succursale, était en charge de gérer les investissements de la réclamante dans SOCIETE C, de revoir et d'approuver les comptes mensuels de cette filiale, d'agir comme signataire sur le compte bancaire aux Etats-Unis de la réclamante pour les activités de la succursale, de conseiller la réclamante sur les dividendes et autres formes de rapatriement de numéraire qui pourrait découler de la succursale ; que, suite à la demande du directeur de fournir un descriptif détaillé des actions effectivement entreprises par le gérant de la succursale ainsi qu'une copie des procès-verbaux des décisions prises et des rapports préparés par ce dernier au cours de la période litigieuse, la réclamante versa seulement trois documents, à savoir le contrat de sous-location susvisé, signé par le sieur …, ainsi qu'une copie de 2 courriels, datés des 24 juillet et 21 septembre 2015, par lesquels le sieur …, approuvait laconiquement les comptes mensuels de SOCIETE C au 30 juin et au 30 juillet 2015 ;

Considérant qu'eu égard aux activités en relation avec le compte bancaire, la réclamante indique qu'un compte fut ouvert auprès de BANQUE B, au Royaume-Uni ; que les documents d'ouverture font apparaître que quatre personnes avaient pouvoir de signature conjointe (« dual signature ») sur ce compte, le sieur …, la dame …, le sieur … et le sieur …, ces trois dernières personnes étant gérants de la réclamante à Luxembourg au cours de l'année litigieuse ; qu'ainsi, en raison du pouvoir de signature conjointe, les opérations sur le compte bancaire pouvaient théoriquement être effectuées sans même que le sieur … n'en soit informé ; qu'aucun document ne faisant état d'opérations effectuées sur ledit compte bancaire par le sieur … n'a été versé par la réclamante ;

Considérant enfin qu'aucun document n'a non plus été versé relativement au profit de … livres sterling réalisé, selon la réclamante, à travers son établissement stable aux Etats-

Unis ; qu'il ressort de résolutions circulaires du conseil de gérance de la réclamante datées du 29 janvier 2016 que SOCIETE C a distribué un dividende et remboursé sa prime 10 d'émission, à la succursale de la réclamante, par la cession de la créance qui lui avait été apportée par la réclamante en décembre 2014; que cependant, le seul document fourni par la réclamante en relation avec ces opérations est le contrat de cession de la créance, signé par un sieur … en tant que gérant de la succursale ; que la réclamante, ayant uniquement mentionné le sieur …, n'a fourni aucune information relativement à cette personne ;

Considérant qu'en conclusion de ce qui précède, les seules activités qui semblent avoir été exercées par la réclamante aux Etats-Unis sont la conclusion d'un contrat de sous-location et l'envoi de deux emails par le sieur …, dont il n'est d'ailleurs pas clair à quel titre il agissait, approuvant les comptes d'une filiale ;

Considérant que la notion d'activité n'est pas définie par la convention de sorte à avoir le sens que lui attribue le droit national (article 3(2) de la convention) ; qu'il n'est toutefois pas litigieux que l'activité y visée est nécessairement commerciale ou industrielle, tout autre type d'activités ne tombant pas sous les dispositions de cet article ; qu'en vertu du §16 de la loi d'adaptation fiscale (StAnpG), dans sa version applicable à l'année litigieuse, la reconnaissance d'un établissement stable est soumise à la condition d'une exploitation de l'entreprise (« Betriebstätte im Sinn der Steuergesetze ist jede feste örtliche Anlage oder Einrichtung, die der Ausübung des Betriebs eines stehenden Gewerbes dient. ») ; que dans ce contexte, la jurisprudence constante dispose qu'une activité commerciale se caractérise entre autres par sa permanence ; qu'un nombre limité d'opérations constitue un critère du caractère non commercial d'une activité tant qu'une intention de répétition dans le futur ne se dégage pas des éléments du cas d'espèce (Pasicrisie 2020, V° Impôts, n°116 et suivants) ;

Considérant qu'en l'espèce, les interventions de la réclamante qui semblent avoir été exercées sur le sol américain (signature d'un contrat et revue de comptes à deux reprises) sont en tout état de cause à qualifier d'actes isolés et ne présentent aucun degré, même limité, d'activité régulière et continue ; qu'aucun élément du dossier ne laisse suggérer la poursuite d'une quelconque activité effective aux Etats-Unis d'Amérique que ce soit par le biais du gérant de la succursale ou d'une autre personne ; que la simple conclusion des contrats de l'espèce n'emporte pas la preuve d'une activité réelle dans la mesure où ceux-ci n'ont clairement pas été suivis d'effet ; qu'il convient d'en conclure que la réclamante n'a en réalité pas poursuivi une activité aux Etats-Unis d'Amérique au cours de la période litigieuse ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'en l'absence d'une installation fixe d'affaires par l'intermédiaire de laquelle la réclamante exerce tout ou partie de son activité pendant la période litigieuse, la réclamante ne disposait pas d'un établissement stable aux Etats-Unis d'Amérique de sorte que c'est à tort qu'elle entend bénéficier des dispositions de l'article 5 de la convention pour exclure une partie de ses revenus et de sa fortune de sa base imposable au Luxembourg ;

Quant aux intérêts sur les PECs Considérant que la réclamante expose que les comptes annuels pour l'année 2015 comportent une erreur dans le calcul des intérêts dus au titre des Preferred Equity Certificates (« PEC ») qu'elle a émis ; qu'afin de rectifier cette erreur, il a été procédé à un ajustement, en l'espèce une augmentation, d'un montant de … livres sterling dans le bilan fiscal de la réclamante au titre de l'année 2015 correspondant à « la différence entre les intérêts encourus au titre des PECs enregistrés dans les comptes annuels et le montant de ces intérêts qui 11 auraient dû être correctement enregistré (sic) dans les comptes annuels pour 2015 » ; qu'elle explique encore que « cet ajustement du bilan fiscal de la Société a été reflété (dans le sens inversé) dans les comptes annuels de la Société pour 2017 ainsi que dans la déclaration d'impôt de la Société pour l'année 2017» ;

Considérant qu'à titre d'explications techniques de ces rectifications, la réclamante se réfère à des résolutions circulaires du conseil de gérance datées du 10 juillet 2018 auxquelles est attachée une note interne ; qu'il ressort de cette note que l'erreur en question provient du fait qu'aucune comptabilité distincte de celle de la réclamante n'était tenue relativement à la succursale aux Etats-Unis d'Amérique de sorte que, lors du calcul des intérêts accrus au titre de « series D PECs » pour la période, le résultat total de la réclamante a été pris en compte alors que le résultat attribuable à l'établissement stable aux Etats-Unis d'Amérique n'avait pas été retiré (« whilst the Yield calculation followed the terms of the PECs it did not consider the need to exclude the result of the US PE which if a separate SAP ledger had been created would have been visible in the accounting system ») ;

Considérant que, comme démontré ci-avant, la réclamante ne disposait pas d'un établissement stable aux Etats-Unis d'Amérique pendant l'année litigieuse ; qu'en outre, le montant des intérêts accrus comptablement est conforme aux termes et conditions des PECs qui prévoient que les intérêts accrus au titre de cet instrument sont calculés sur la totalité du résultat financier net de la réclamante, de sorte qu'aucun ajustement n'est à effectuer fiscalement ; que la demande de la réclamante est partant à rejeter ;

Considérant qu'un contribuable réclamant contre une taxation conformément au § 217 AO due au fait de non remise d'une déclaration d'impôt au bureau d'imposition « ne saurait dans une telle hypothèse prospérer dans sa réclamation que s'il rapporte la preuve que ses revenus réels s'écartent de manière significative des bases d'imposition retenues dans le bulletin d'impôt. » (Cour administrative du 14 octobre 2008, n° 24907C du rôle) ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction menée par la présente instance que la réclamante reste en défaut de prouver un quelconque écart entre les revenus et la fortune soumis à l'impôt fixé à travers les bulletins litigieux et les revenus et la fortune réels par des pièces probantes ; qu'il résulte de tout ce qui précède que les bulletins litigieux, émis sur base du § 217 AO, sont à confirmer ;

Considérant que pour le surplus les impositions sont conformes à la loi et aux faits de la cause et ne sont d'ailleurs pas autrement contestées ;

PAR CES MOTIFS reçoit les réclamations en la forme, les rejette comme non fondées […]. » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 2 février 2022, inscrite sous le numéro 46975 du rôle, la requérante a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du directeur du 2 novembre 2021, précitée.

I) Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours 12 Conformément aux dispositions combinées du § 228 AO et de l’article 8, paragraphe (3), point 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, dénommée ci-après la « loi du 7 novembre 1996 », le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation introduite contre un bulletin d’impôt.

Le tribunal est dès lors compétent pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre la décision directoriale susmentionnée du 2 novembre 2021.

Dans son mémoire en réponse, la partie étatique se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité en la pure forme du recours. S’il est exact que le fait pour une partie de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation, il n’en reste pas moins qu’une contestation non autrement étayée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer la carence des parties au litige et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions.

Dès lors, étant donné que la partie étatique est restée en défaut de préciser dans quelle mesure la forme pour introduire le recours litigieux n’aurait pas été respectée en l’espèce, le moyen d’irrecevabilité afférent encourt le rejet, étant relevé que le tribunal n’entrevoit pas non plus de cause d’irrecevabilité d’ordre public qui serait à soulever d’office.

Le recours principal en réformation dirigé contre la décision directoriale du 2 novembre 2021 est, partant, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

II) Quant à la portée du recours Dans sa requête introductive d’instance, la requérante indique qu’elle exerce un recours contre la décision du directeur du 2 novembre 2021 ayant rejeté sa réclamation qu’elle aurait introduite contre (i) le bulletin de l’IRC pour l’année 2015 ; (ii) le bulletin de la base d’assiette globale et de l’ICC pour l’année 2015 ; (iii) le bulletin d’établissement de la valeur unitaire au 1er janvier 2016 et (iv) le bulletin de l’IF au 1er janvier 2016. Il ressort par ailleurs du dispositif de la requête introductive d’instance que la requérante sollicite l’émission de nouveaux bulletins d’imposition conformes à ses déclarations fiscales de l’IRC et de l’ICC au titre de l’année 2015, ainsi que de l’IF au 1er janvier 2016.

Dans le cadre de la décision déférée, le directeur a retenu que la requérante avait introduit une réclamation contre les bulletins de l’IRC et de l’ICC pour l’année 2015 et de l’IF de l’année 2016 et, après avoir énoncé que les bases fixées par établissement séparé devraient faire l’objet d’une réclamation contre le bulletin portant établissement séparé, « en l’espèce notamment contre le bulletin d’établissement de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation au 1er janvier 2016 », il a conclu que « la réclamation dirigée contre le bulletin de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2016 doit être rejetée comme non fondée ».

Force est de constater que la requérante n’a avancé aucun moyen pour contester cette conclusion du directeur, de sorte qu’à travers le recours sous examen, le tribunal n’est saisi que du volet de la décision déférée concernant l’IRC, l’ICC de l’année 2015, ainsi que l’IF au 13 1er janvier 2016.

Il y a ensuite lieu de relever que les parties au présent litige sont en désaccord sur deux questions distinctes : premièrement, celle de l’existence d’un établissement stable aux USA, et deuxièmement, celle du bien-fondé de l’ajustement du Yield que la requérante entend opérer du fait d’une erreur comptable qui aurait été commise en 2015.

III) Quant à la question de la reconnaissance d’un établissement stable aux USA Moyens et argument des parties En droit, la requérante conclut à la réformation de la décision déférée, en premier lieu en ce qu’il ressortirait de l’ensemble des faits exposés ci-avant et des pièces produites qu’elle prouverait à suffisance l’existence d’un établissement stable aux USA, au sens de l’article 5 de la Convention entre le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir la fraude fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Luxembourg, le 3 avril 1996, telle qu'elle a été modifiée par l'échange de lettres entre les deux Gouvernements du 28 août 1996, approuvée par la loi du 5 mars 1999, ci-après désignée par la « Convention », et des dispositions du droit fiscal interne luxembourgeois.

Outre qu’elle ne tomberait dans aucun des cas d’exclusion de l’article 5, paragraphe (4) de la Convention, sa « succursale USA » disposerait librement et de manière permanente d’une installation fixe d’affaire aux USA pour exercer tout ou partie de son activité.

Concernant la condition relative à l’existence d’une installation fixe d’affaires, il serait indiqué dans le contrat de sous-location conclu le 2 décembre 2014 entre SOCIETE D, la société mère du groupe aux Etats-Unis, ci-après désigné par la « Société mère », en tant que locataire principal, et la requérante, en tant que sous-locataire, qu’un local de 160 pieds carrés compris dans les bureaux loués par la Société mère aurait été mis à la disposition exclusive de la « succursale USA » au 18ème étage d’un immeuble situé au …, USA. En effet, selon le plan figurant en annexe du contrat « EXHIBIT B Subtenant Premises », la « succursale USA » disposerait bien d'un bureau individualisé lui permettant d'exercer son activité de détention et de gestion administrative de la participation dans la Filiale. L’administration ne disposerait d'aucune indication contraire et se contenterait d'affirmations non justifiées.

Elle donne également à considérer que depuis son ouverture le 2 décembre 2014 et jusqu'à sa fermeture avec effet au 1er janvier 2017, la « succursale USA » aurait été établie de manière fixe et permanente dans l’immeuble susmentionné et que le commentaire du directeur relatif à la liberté de détermination des locaux laissés au preneur du fait des stipulations contractuelles serait non pertinent en l’espèce.

Quant à la gérance de la Filiale, la requérante indique avoir signé un contrat de détachement avec la Société mère pour les besoins de l'exercice des activités de sa succursale aux USA ; dans le cadre de ce contrat, Monsieur … aurait été initialement détaché et Monsieur … l'aurait remplacé à compter d'octobre 2015 en tant que gérant de la « succursale USA », comme cela serait indiqué dans les résolutions de son conseil de gérance du 4 décembre 2015.

14 Elle précise que le gérant de la « succursale USA » aurait eu comme attribution la gestion des actifs de celle-ci. L'activité de la « succursale USA » aurait consisté en la détention et la gestion de la Filiale, tandis que l'activité de la Filiale aurait essentiellement consisté en la détention de la Promissory note admise à la cotation à compter du 22 décembre 2014, soit une activité de financement. Le gérant de la « succursale USA » aurait notamment eu la charge de la revue et de la validation des comptes de la Filiale. Les deux gérants successifs susmentionnés seraient tous deux spécialisés en gestion de trésorerie, ce qui serait en lien avec l'activité de la Filiale.

S’agissant de l’activité de la « succursale USA », la requérante réfute l’appréciation directoriale consistant à dire qu’aucun élément du dossier ne suggérerait la poursuite d’une quelconque activité effective et permanente aux USA pour la période litigieuse, que ses interventions exercées sur le sol américain seraient à qualifier d'actes isolés et ne présenteraient aucun degré, même limité, d'activité régulière et continue, et que la simple conclusion des contrats de l'espèce n'emporterait pas la preuve d'une activité réelle dans la mesure où ceux-ci n'auraient pas été suivis d'effet.

À cet égard, la requérante soutient que le directeur ferait référence à la signature d'actes isolés en se focalisant essentiellement sur des actes relatifs à l'infrastructure, comme le contrat de sous-location ou le contrat de détachement, alors que les transactions et confirmations opérées par les gérants de la « succursale USA » seraient pourtant directement en lien avec l’activité de la Filiale et ne pourraient par conséquent qu'être appréhendées dans leur ensemble.

L'activité de la « succursale USA » consisterait à détenir et administrer la Filiale, ainsi qu’à recevoir, contrôler et gérer les revenus. Aussi, les justificatifs remis prouveraient à suffisance l'activité effective des gérants successifs de la « succursale USA » en lien avec celle-ci. Les documents produits feraient état de la prise de décision des divers gérants, à savoir (i) deux courriers électroniques de Monsieur …, dont l’un concernerait l'approbation des comptes de la Filiale en date du 24 juillet 2015, et l’autre, l’approbation des comptes de la Filiale en date du 21 septembre 2015, (ii) une résolution du conseil de gérance de la Filiale en date du 29 septembre 2015 relative au paiement du dividende de GBP …, faisant également état de l'approbation des comptes de la Filiale, et (iii) le contrat de transfert de la Promissory note en date du 29 janvier 2016.

La requérante ajoute à cet égard que, ces décisions liées à la Filiale et son activité ne pourraient constituer des actes isolés et la condition de permanence relative à la qualification de l'établissement stable serait remplie. Au vu de l'activité de la « succursale USA », à savoir la détention et la gestion de la Filiale, l'activité déployée serait en relation avec la gestion d'une participation de ce type. De plus, un gérant unique ne documenterait pas nécessairement l'ensemble de ses décisions par un procès-verbal.

Ensuite, la requérante répond à l’argumentation du directeur selon laquelle elle n’aurait pas été en mesure de lui fournir les factures relatives au contrat de détachement à temps partiel avec la Société mère, ainsi que les extraits du compte bancaire de la « succursale USA » démontrant leur paiement. À ce titre, elle argue que si la preuve des paiements n'aurait pu être remise, notamment du fait que ces opérations auraient été effectuées juste avant la reprise du GROUPE A par le GROUPE B, un ensemble d'éléments de preuve démontrant les prises de décisions effectives par les gérants successifs de la « succursale USA » susvisés aurait été mis à disposition. De plus, la preuve des paiements ne serait pas une condition requise pour démontrer l’effectivité de l’activité.

15 La requérante soutient que le directeur ne pourrait reprocher utilement le fait que le gérant de la « succursale USA » ne dispose pas d'un pouvoir de signature unique sur le compte bancaire de celle-ci auprès de la BANQUE B. Il s’agirait d’un mécanisme basique de gestion des risques, notamment de trésorerie, que de prévoir une double signature sur l'utilisation de comptes bancaires.

Enfin, elle prétend que le directeur appliquerait les nouvelles dispositions du § 16, alinéa (5) de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934, telle que modifiée, appelée « Steueranpassungsgesetz », en abrégé « StAnpG », introduites par la loi du 21 décembre 2018 dans le cadre de la réforme fiscale 2019, à une situation clairement préexistante, de sorte que les dispositions susmentionnées seraient inapplicables au cas d’espèce.

La requérante soulève également l’entorse faite selon elle par l’administration au principe de sécurité juridique, et plus particulièrement au principe de confiance légitime.

En effet, elle argumente que l’administration ne se serait certes pas prononcée sur le bien-fondé de la demande de décision anticipée et par conséquent sur la qualification de la « succursale USA » en tant qu’établissement stable au sens de la convention, mais elle aurait implicitement reconnu une telle qualification dans le cadre de son imposition et plus particulièrement dans les bulletins de l’IRC et de l’ICC pour l’année 2014, ainsi que dans les bulletins d’établissement de la valeur unitaire et de l’IF au 1er janvier 2015, tous émis en date du 14 février 2018. Certes, les bulletins susvisés auraient été émis sur base de la procédure du § 100a AO, mais si l’administration estimait que la « succursale USA » ne pouvait être qualifiée d' « établissement stable », elle aurait pu et dû revenir sur les impositions précitées à la suite de sa réclamation en date du 24 octobre 2018.

Dès lors, ces bulletins d’impôt auraient créé dans son chef une confiance légitime relative à la décision d'imposition tenant compte de la « succursale USA », et le changement de comportement de l’administration violerait le principe de la confiance légitime. Toujours dans le contexte de la reconnaissance de son « établissement stable » aux USA, la requérante reproche à l’administration une violation de l’obligation de ne pas se contredire ou principe de l’estoppel, en ce qu’elle aurait reconnu la qualification d’établissement stable d’une succursale américaine dans « l'affaire … », mais refuserait en l'espèce de qualifier sa « succursale USA » en tant que tel.

Dans son mémoire en réplique, la requérante insiste sur le fait qu’elle aurait produit toutes les preuves dont elle aurait disposé, compte tenu du contexte particulier de l'espèce, et notamment de la reprise du GROUPE A, dont elle fait partie, par le GROUPE B dans le cadre d'une fusion finalisée le … 2016, afin de prouver à suffisance la qualification d'établissement stable de la « succursale USA ».

Elle indique que le délai de rétention des documents serait limité aux obligations légales propres aux Iles Cayman, à savoir cinq ans, et qu'une demande de production de documents en ce sens n'aurait été opérée que le 23 juillet 2021 pour l'année d'imposition 2015. Elle explique que si certains courriers électroniques relatifs à la validation des comptes de la Filiale auraient pu être retrouvés, ces documents seraient par nature des documents propres à celle-ci uniquement et non à son actionnaire, la « succursale USA ».

De plus, elle prétend que la documentation des décisions de la « succursale USA » en relation avec la Filiale ne serait ni nécessaire ni systématique, s'agissant d'un gérant unique en droit luxembourgeois.

16 En outre, le délégué du gouvernement passerait sous silence des éléments de preuve signés par le gérant de la « succursale USA » qu’elle aurait produits, à savoir notamment le contrat de transfert et d’affectation du billet à ordre de tirage émis par la société SOCIETE B.

Ce serait à tort que le délégué du gouvernement affirmerait qu’il serait impossible de déterminer avec certitude l'espace ayant réellement été affecté aux activités de la « succursale USA » au motif que le bureau en question serait seulement indiqué par une mention manuscrite sur le plan de l'annexe « EXHIBIT B Subtenant Premises » au contrat de sous-location.

Comme cela serait démontré dans le contrat, la « succursale USA » disposerait bien d'un local fixe mis à sa disposition afin d'exercer son activité. Le plan de l’« Exhibit B » annexé au contrat de sous-location ferait partie intégrante de celui-ci contrairement aux allégations du délégué du gouvernement et identifierait clairement l'un des bureaux au sein des locaux loués par la Société mère. Le fait que le plan de l’« Exhibit B » mentionnerait des « open offices » ne serait aucunement pertinent en l'espèce.

La requérante réfute par ailleurs l’affirmation du directeur consistant à dire qu’elle n’aurait versé aucune pièce afin de justifier la rémunération d'un montant de GBP … qu’elle aurait facturée à la « succursale USA » au titre des services de support effectués durant l'année 2015. En effet, elle aurait versé le rapport de prix de transfert ayant permis de déterminer la rémunération susmentionnée.

Il ressortirait de la clause 2 des accords de services de support à la « succursale USA » que des frais égaux aux coûts supportés par le prestataire, plus une rémunération de pleine concurrence devaient être retenus. Le rapport de prix de transfert retiendrait qu'un « FCMU (full cost mark-up) which is close to the median of the interquartile range (i.e. 5%) can be considered to satisfy the arm's length principle ».

Le montant de … euros correspondrait à cette rémunération déterminée par le rapport, à savoir … euros auquel on devrait ajouter 5% du montant précité.

Elle précise par ailleurs qu'au vu de l'inclusion desdits frais dans le compte de profits et pertes de la « succursale USA » en tant que dépense et de son inclusion comme un revenu dans son compte de profits et pertes, ces frais auraient matériellement été payés par le biais d’une compensation au niveau du capital de dotation.

Quant aux tâches effectuées par le gérant de la « succursale USA » durant l’année litigieuse, la requérante maintient avoir fourni assez d’éléments démontrant que celui-ci aurait effectivement pris des décisions en lien avec l'activité aux USA. Elle conteste donc la qualification de contrat fictif ou entaché de nullité pour absence de cause du fait de l’absence de preuve de paiements des faits avancée par la partie étatique.

Quant au critère de la réalité de l’activité commerciale, le délégué du gouvernement indiquerait à tort et sans fonder ses déclarations sur une quelconque base légale ou jurisprudentielle que « le critère de la réalité d'une activité commerciale à exercer par le biais d'une installation fixe existait tant avant qu'après la modification législative puisqu'il constitue nécessairement une des conditions pour la reconnaissance ou non d'un établissement stable ».

Selon la requérante, les concepts d'activité considérée isolément et de participation à la vie économique générale auraient été introduits lors de la modification législative du § 16, 17 alinéa (5), StAnpG par la loi du 21 décembre 2018 dans le cadre de la réforme fiscale 2019, afin « d'éviter les cas de défaut de dualité de qualification en matière d'établissement stable ».

Quant à la violation du principe de confiance légitime, la requérante fait valoir que les circonstances factuelles et juridiques seraient restées les mêmes au cours des années d’imposition 2014, 2015 et 2016 ; elle ne comprend dès lors pas pourquoi la qualification d’établissement stable serait retenue pour les années 2014 et 2016 mais pas pour l’année 2015.

Elle ajoute encore que l'imposition pour les années antérieures et postérieures à l'année litigeuse aurait été rendue sous l’égide du § 100a AO ; il conviendrait donc de relever que l’administration avait tout loisir de revenir sur ces impositions pour une période de 5 ans mais ne l’aurait pas fait nonobstant les discussions sur l'année 2015. Ainsi, l'inaction de l’administration dans ce contexte particulier démontrerait son acceptation de la « succursale USA » en tant qu’établissement stable.

En conclusion, en conséquence de la reconnaissance d’un établissement stable aux USA, la décision directoriale déférée devrait être annulée en ce qu’elle a confirmé l’imposition litigieuse, et de nouveaux bulletins d’impôt devraient être émis en « excluant de la base d’imposition » la « succursale USA », en application des articles 7 et 23, paragraphe (2), de la Convention.

Le délégué du gouvernement maintient que la « succursale USA » ne devrait pas être considérée comme un établissement stable aux USA et conclut au rejet des moyens afférents.

Analyse du tribunal Force est au tribunal de constater que les parties en cause ne contestent pas l’applicabilité de la Convention.

En revanche, les parties sont en désaccord en ce qui concerne la qualification d’établissement stable de la « succursale USA », question conditionnant l’application de l’article 7, paragraphe (1), de la Convention, en vertu duquel « [l]es bénéfices d’une entreprise d’un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l’entreprise n’exerce son activité dans l’autre Etat contractant par l’intermédiaire d’un établissement stable qui y est situé. Si l’entreprise exerce son activité d’une telle façon, les bénéfices de l’entreprise sont imposables dans l’autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable ».

Quant à la charge de la preuve, l’article 59 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par la « loi du 21 juin 1999 », dispose que : « [l]a preuve des faits déclenchant l’obligation fiscale appartient à l’administration, la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la cote d’impôt appartient au contribuable. ». En l’espèce, la requérante sollicite l’exonération au Luxembourg de revenus qu’elle entend allouer à un établissement stable aux USA. Par conséquent, il lui appartient de prouver que les conditions de cette exonération sont remplies, partant, de démontrer qu’elle avait bien un établissement stable aux USA pendant l’année d’imposition 2015, respectivement au 1er janvier 2016.

A cet égard, il convient d’ores et déjà de constater que la partie étatique a relevé à bon escient que le délai de rétention des documents applicable aux Iles Cayman n’est pas pertinent, étant donné qu’il incombe à la requérante de démontrer la réalité d’un établissement stable américain et donc, de prouver la réalité de l’activité qui aurait été réalisée par sa « succursale 18 USA ». Or, une telle preuve devrait logiquement être rapportée en fournissant la documentation établie par sa « succursale USA », l’argumentation afférente est donc à rejeter.

Quant à la qualification d’établissement stable, le tribunal relève tout d’abord que c’est à bon droit que la requérante conteste l’applicabilité du § 16, alinéa (5), StAnpG, auquel s’est référé le directeur, alors qu’une disposition de droit interne ne saurait imposer des conditions dont la réunion conditionnerait l’existence d’une établissement stable sis à l’étranger. Seules les dispositions de la convention sont pertinentes en l’espèce.

À cet égard, il convient de relever qu’en vertu de l’article 5 de la Convention :

« 1. Au sens de la présente Convention, l'expression ,,établissement stable“ désigne une installation fixe d’affaires par l’intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité.

2. L’expression ,,établissement stable“ comprend notamment:

a) un siège de direction b) une succursale, c) un bureau, d) une usine, e) un atelier et f) une mine, un puits de pétrole ou de gaz, une carrière ou tout autre lieu d’extraction de ressources naturelles.

3. Un chantier de construction ou de montage, une installation de forage ou un navire de forage utilisés pour l’exploration de ressources naturelles ne constitue un établissement stable que si la durée du chantier, ou la durée d’utilisation de l’installation ou du navire dépasse douze mois.

4. Nonobstant les dispositions précédentes du présent article, on considère qu’il n’y a pas ,,établissement stable“ si:

a) il est fait usage d’installations aux seules fins de stockage, d’exposition ou de livraison de marchandises appartenant à l’entreprise;

b) des marchandises appartenant à l’entreprise sont entreposées aux seules fins de stockage, d’exposition ou de livraison;

c) des marchandises appartenant à l’entreprise sont entreposées aux seules fins de transformation par une autre entreprise;

d) une installation fixe d’affaires est utilisée aux seules fins d’acheter des marchandises ou de réunir des informations, pour l’entreprise;

e) une installation fixe d’affaires est utilisée aux seules fins d’exercer, pour l’entreprise, toute autre activité de caractère préparatoire ou auxiliaire;

f) une installation fixe d’affaires est utilisée aux seules fins de l’exercice cumulé d’activités mentionnées aux alinéas a) à e).

5. Nonobstant les dispositions des paragraphes 1 et 2, lorsqu’une personne - autre qu’un agent jouissant d’un statut indépendant auquel s’applique le paragraphe 6 - agit pour le compte d’une entreprise et dispose dans un Etat contractant de pouvoirs qu’elle y exerce habituellement lui permettant de conclure des contrats au nom de l’entreprise, cette entreprise est considérée comme ayant un établissement stable dans cet Etat pour toutes les activités que 19 cette personne exerce pour l’entreprise, à moins que les activités de cette personne ne soient limitées à celles qui sont mentionnées au paragraphe 4 et qui, si elles étaient exercées par l’intermédiaire d’une installation fixe d’affaires, ne permettraient pas de considérer cette installation comme un établissement stable selon les dispositions de ce paragraphe.

6. Une entreprise n’est pas considérée comme ayant un établissement stable dans un Etat contractant du seul fait qu’elle y exerce son activité par l’entremise d’un courtier, d’un commissionnaire général ou de tout autre agent jouissant d’un statut indépendant, à condition que ces personnes agissent dans le cadre ordinaire de leur activité.

7. Le fait qu’une société qui est un résident d’un Etat contractant contrôle ou est contrôlée par une société qui est un résident de l’autre Etat contractant ou qui y exerce son activité (que ce soit par l’intermédiaire d’un établissement stable ou non) ne suffit pas, en lui-

même, à faire de l’une quelconque de ces sociétés un établissement stable de l’autre. ».

Dès lors, pour être qualifié d’établissement stable, outre de ne pas tomber dans un des cas d’exclusion expressément prévus au paragraphe (4) de l’article 5 précité, trois éléments doivent être réunis : premièrement, il faut une installation d’affaires, c’est-à-dire une installation matérielle quelconque à l’instar de celles énumérées à titre d’illustration par l’article 5, paragraphe (2), de la Convention ; deuxièmement, cette installation doit être fixe, c’est-à-dire qu’elle doit, d’une part, avoir un lien avec un point géographique déterminé et, d’autre part, être caractérisée par une certaine permanence ; troisièmement, l’activité de l’entreprise doit avoir été exercée entièrement ou partiellement à partir ou à travers cette installation fixe d’affaires1.

L’expression « installation d’affaires » couvre tout local, matériel ou installation utilisé pour l’exercice des activités de l’entreprise, qu’il serve ou non exclusivement à cette fin2. Dès lors, un établissement stable au sens de la Convention est une installation fixe d’affaires dans un État contractant par l’intermédiaire de laquelle une entreprise résidente dans l’autre État contractant exerce tout ou partie de son activité dans l’État contractant de l’installation fixe d’affaires.

En l’espèce, au regard des pièces à sa disposition et des explications fournies de part et d’autre, le tribunal relève que la requérante est restée en défaut de soumettre des éléments probants suffisants de nature à démontrer l’existence effective d’un établissement stable à travers sa « succursale USA » et à exclure son caractère fictif.

En effet, le tribunal peut certes suivre la requérante dans son argumentation selon laquelle elle dispose d’une installation d’affaires au sens de l’article 5 de la Convention et que cette installation d’affaires a eu un caractère fixe.

Par rapport à l’identification géographique de l’installation d’affaires à partir duquel la prétendue activité de l’établissement stable aurait été exercée, il y a tout d’abord lieu de relever que l’adresse de la « succursale USA » est identifiable en l’espèce. Il est constant que la requérante a conclu le 2 décembre 2014 avec la Société mère, un contrat de sous-location d'un local à usage de bureaux se trouvant au …, USA, pour y installer sa « succursale USA ». En 1 Cf. Jean Schaffner, Droit fiscal international, Promoculture Larcier 2014, pp. 161-165.

2 Cf. Oliver R. Hoor, Le Modèle OCDE de Convention fiscale, Analyse technique détaillée, Legitech Editions juridiques et fiscales, p. 113.

20 effet, le plan « EXHIBIT B Subtenant Premises » en annexe dudit contrat de sous-location, fait bien état d’un espace de 160 pieds carrés mis à disposition de la « succursale USA » au sein des locaux loués par la Société mère au 18ème étage de l’immeuble situé à l’adresse précitée.

À cet égard, la requérante, argumente sans être critiquée sur ce point par le délégué du gouvernement dans son mémoire en duplique, que les annexes font partie intégrante dudit contrat de sous-location et que ce dernier opère un renvoi au plan « EXHIBIT B Subtenant Premises » en préambule du troisième paragraphe par la mention « B. Subtenant desires to sublease approximately 160 rentable square feet of the Premises from Sublandlord as more particularly depicted on Exhibit B attached hereto », de sorte qu’à défaut d’éléments supplémentaires soulevés par la partie étatique, il y a lieu de conclure que la condition tenant à l’identification d’une installation d’affaires est remplie en l’espèce.

De surcroît, il ressort encore du contrat de sous-location susvisé et plus précisément de la clause « 1.4 Lease Term a) » que « The primary term (the « Primary Term ») for the sublease shall commence on the Sublease Commencement Date and expire on the date two (2) years after the Sublease Commencement Date ». Ledit contrat de sous-location octroie ainsi à la « succursale USA » l’utilisation d’un espace dans les bureaux à une adresse déterminée pour une durée initiale de deux ans. Il s’ensuit que, au regard de ce qui est stipulé dans le contrat de sous-location conclu en date du 2 décembre 2014, l’installation d’affaires dont dispose la requérante aux USA a un lien avec un point géographique déterminé tout en étant caractérisée par une certaine permanence, ce qui permet au tribunal de conclure que la condition de fixité est également remplie en l’espèce.

Si la requérante a, dès lors, rapporté la preuve qu'elle dispose d'une installation fixe d'affaires aux USA contrairement à ce que le directeur a décidé, force est toutefois de constater qu’elle n’a pas démontré l'exercice réel et effectif d'une activité par l’intermédiaire de la « succursale USA ».

La requérante a conclu avec la Société mère un contrat de détachement à temps partiel de Monsieur …. Ce dernier a été nommé gérant de la « succursale USA » par les résolutions circulaires du 2 décembre 2014 et a été chargé de la gestion journalière des activités de la « succursale USA » jusqu'à son remplacement par Monsieur … le 17 octobre 2015.

Afin de témoigner d’une activité effective et réelle de la « succursale USA », la requérante se limite à verser ledit contrat de détachement à temps partiel de Monsieur … conclu avec la Société mère, deux courriels respectivement du 24 juillet 2015 et du 21 septembre 2015 par lesquels Monsieur … approuve les comptes annuels de la Filiale, et une résolution du conseil de gérance de la Filiale datant du 29 septembre 2015 faisant également état de l’approbation des comptes de la Filiale, étant précisé que le contrat de transfert de la Promissory note est étranger à l’année litigeuse, puisque conclu en date du 29 janvier 2016.

A cet égard, c’est à bon droit que le délégué du gouvernement affirme qu’aucune de ces pièces n’est de nature à prouver à suffisance le travail effectif des gérants successifs de la « succursale USA » durant l’année litigeuse, dans la mesure où la requérante reste en défaut d’expliquer et de démontrer concrètement que des activités auraient été effectivement exercées, à un quelconque moment au cours de l’année 2015, par l’intermédiaire de son installation fixe d’affaires. Une telle preuve n’est d’ailleurs pas à considérer comme une exigence déraisonnable, même lorsque l’activité de la succursale est limitée à la mission de détenir et d’administrer une Filiale, de recevoir ses revenus et de les contrôler.

21 En effet, les résolutions circulaires du 2 décembre 2014 adoptées par le conseil de gérance de la requérante incluent la mention selon laquelle « [l]e gérant de la succursale devra consacrer environ 1 à 2 heures par mois à la gestion des affaires de la succursale pour le compte du siège au Luxembourg » (« Branch Manager will be expected to spend approximately 1-2 hours per month administering the affairs of the Branch on behalf of the head office in Luxembourg. »). Or, la requérante n’a pas fourni des pièces démontrant l’exercice concret d’une activité correspondant au volume de travail – certes faible – mentionné ci-avant.

En outre, selon l’annexe au contrat de détachement, le gérant de la « succursale USA » était censé exercer au moins les activités suivantes : gérer l’investissement de la requérante dans la Filiale, revoir et approuver les comptes mensuels de la Filiale, agir comme signataire par rapport au compte bancaire américain de la requérante pour ce qui relevait des activités de la « succursale USA », et conseiller la requérante au sujet des dividendes et autres formes de rapatriement des fonds en provenance de la Filiale. Or, la requérante n’a pas soumis de pièces démontrant l’exercice effectif de ces diverses tâches, les deux seuls courriers électroniques extrêmement succincts de Monsieur … étant insuffisants à cet égard.

Le tribunal relève encore, à l’instar de la partie étatique, que la requérante n’a pas établi l’effectivité des paiements des frais en relation avec le détachement de Monsieur … facturés par la Société mère, ce qui corrobore la considération de l’absence d’une effectivité dudit contrat de détachement tel que relevé par le directeur. Le tribunal constate également que la requérante n’a pas produit d’élément probant relatif aux tâches qui auraient été effectuées par Monsieur … à l’occasion de sa gérance durant l’année litigieuse.

Enfin, la requérante a conclu en date du 2 décembre 2014 avec sa « succursale USA » un accord de services de support par lequel elle a accepté d’apporter son support à celle-ci en matière de comptabilité, finance, planification, gestion de trésorerie, gestion des risques et autres besoins d’assistance professionnelle.

S’agissant de ces accords de services de support, il y a lieu de constater encore une fois qu’aucune preuve pertinente de l’effectivité de cet arrangement ou d’un paiement effectif du montant de GBP … n’est produite par la requérante. Seul un rapport de prix de transfert permettant de justifier que le montant facturé est conforme au principe de pleine concurrence, mais non pas prouver de l’effectivité du paiement ou même une quelconque facturation de ce service, est produit.

Dans le même contexte, l’affirmation de la requérante selon laquelle le montant afférent aurait été inclus en tant que dépense dans le compte de profits et pertes de la « succursale USA » et comme un revenu dans son propre compte de profits et pertes, de sorte que les frais en question auraient « matériellement été payés par le biais d’une compensation au niveau du capital de dotation », constitue une simple allégation, à défaut d’avoir versé les comptes de la « succursale USA » dans la mesure où les comptes de la requérante ne permettent pas de vérifier le bien-fondé de cette affirmation. L’existence de tels comptes séparés n’est d’ailleurs pas établie, puisqu’il ressort de la note interne annexée aux résolutions circulaires du 10 juillet 2018 du conseil de gérance de la requérante qu’en raison de contraintes en matière de ressources au niveau du département informatique, des comptes séparés n’ont pas été tenus.

22 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le tribunal est amené à conclure que la preuve d’une réelle activité de la « succursale USA » – nécessairement à travers ses gérants successifs – n’est pas rapportée en l’espèce.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le directeur a valablement pu retenir que la requérante n’a pas établi que pendant l’année litigieuse, elle aurait disposé d’un établissement stable aux USA au sens de l’article 5 de la Convention.

En ce qui concerne l’argumentation de la requérante fondée sur une violation des principes généraux de droit de la sécurité juridique et de la confiance légitime, au motif que l’administration aurait tenu compte de l’existence de la « succursale USA » en tant qu’établissement stable à travers les bulletins de l’IRC et de l’ICC pour l’année 2014, ainsi qu’à travers les bulletins d’établissement de la valeur unitaire et de l’IF au 1er janvier 2015, tous émis en date du 14 février 2018, le tribunal rappelle que le principe de confiance légitime protège l’administré contre les changements brusques et imprévisibles de l’administration en lui reconnaissant le droit de se fier à un comportement habituellement adopté par cette dernière ou à des engagements pris par elle3.

En cas d’existence d’une relation étroitement personnelle entre le contribuable et l’administration, notamment à l’occasion d’une demande de renseignements individuels dans le cadre d’un cas d’imposition, le contribuable peut requérir de la part de l’autorité compétente ayant fourni, suite à cette demande, une réponse quant au traitement fiscal de la situation factuelle décrite dans la demande, le respect de ce « pré-comportement » objectif de la personne publique auquel il s’est raisonnablement fié, et la légitimité de sa confiance subjective peut être présumée, et ce avec d’autant plus de force lorsqu’il existe des dispositions concrètes et objectives indéniablement prises dans la confiance. En effet, pour des raisons tenant au respect du principe de sécurité juridique, il faut que les autorités fiscales qui ont donné des assurances ou fait une promesse soient tenues d’honorer les expectatives ainsi créées. Dans cette hypothèse, la réponse personnelle que l’administration fiscale aura donné, le cas échéant, au contribuable liera celle-ci à ce dernier si des conditions déterminées sont réunies4.

En l’espèce, il est constant en cause que la requérante n’a pas bénéficié de décision anticipée quant au traitement fiscal de la situation actuellement litigieuse en relation avec sa « succursale USA », de sorte qu’elle ne saurait se prévaloir, de ce chef, d’une violation des principes généraux de droit de la sécurité juridique et de la confiance légitime.

En tout état de cause, en application du principe de l’annualité de l’impôt, l’imposition des revenus de l’année 2014, même si le bureau d’imposition avait été informé de l’existence d’une succursale et s’il n’avait pas par la suite modifié l’imposition de l’année en question, ne saurait être qualifiée d’accord quant à l’existence d’un établissement stable aux USA, qui lierait l’administration par rapport aux années fiscales subséquentes.

Il y a en outre lieu de rejeter l’affirmation de la requérante selon laquelle un autre contribuable aurait pu bénéficier du traitement fiscal actuellement réclamé par elle, étant donné que ladite argumentation se base sur la prémisse non vérifiée que le contribuable en question aurait été dans une situation factuelle identique à la sienne. Il n’est en effet pas établi que l’autre 3 Trib. adm., 9 juin 1997, n° 9781, Pas. adm. 2023, V° Lois et Règlements, n° 61 et autres références y citées.

4 Cour adm. 12 juillet 2016, n° 37448C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Législation concernant les impôts – Principes d’imposition , n° 30 et autres références y citées.

23 contribuable se serait trouvé dans la même situation que celle de la requérante, à savoir une absence de preuve de substance au niveau de son établissement stable.

Enfin, le tribunal ne conçoit pas en quoi « l’affaire … » devrait impliquer une obligation pour l’administration de reconnaître l’existence d’un établissement stable dans le chef de la requérante, qui, tel que cela a été retenu ci-avant, ne répond pas aux conditions de qualification d’un tel établissement.

Eu égard aux considérations qui précèdent, le moyen de réformation afférent à la reconnaissance d’un établissement stable aux USA est à rejeter pour ne pas être fondé.

C’est dès lors à juste titre que le directeur a dénié à la requérante l’existence d’un établissement stable aux USA et partant, l’exonération de l’IRC et de l’ICC des profits alloués à la « succursale USA » au titre de l’année d’imposition 2015, ainsi que de l’IF au 1er janvier 2016 quant à la fortune afférente.

IV) Quant à l’ajustement du Yield relatif aux PECs Moyens et arguments des parties En second lieu, la requérante demande la réformation de la décision déférée, en ce que l’administration lui refuserait à tort l’ajustement sur le Yield qu’elle souhaite déduire pour l’année 2015.

La requérante donne à considérer que l’administration aurait refusé de prendre en compte, pour les besoins de l’IRC et l’ICC de l’année 2015 et de l’IF au 1er janvier 2016, l'ajustement du montant du Yield au motif qu’elle n’aurait pas disposé d'un établissement stable.

Or, selon elle, ce refus résulterait d’une mauvaise interprétation factuelle. En effet, la modification du montant du Yield ne serait pas liée à la présence ou non d’un établissement stable aux USA et de l’allocation comptable qui en résulterait, mais proviendrait d’une erreur de calcul dans l’application de la formule prévue aux sein des conditions des PECs.

La requérante explique que le Yield se calculerait en ajoutant le « fixed Yield » – représentant 0,1% du montant du principal des « Series D PECs » – a son résultat financier net.

Il serait prévu dans les conditions générales des PECs que pour déterminer le résultat financier net, il serait notamment nécessaire de déduire le revenu net provenant de participations. Or, les revenus qu’elle aurait perçus depuis l’apport de la Promissory note à sa Filiale seraient des dividendes, soit des revenus de participation qu’il faudrait dès lors soustraire pour respecter la formule du calcul du résultat financier net. Il faudrait encore retrancher du revenu brut de la participation susvisée, les dépenses en lien avec celle-ci, puisqu’il serait question de revenu « net », en l’espèce, les dépenses d’intérêts en lien avec la facilité de trésorerie octroyée par BANQUE A et liées au revenu de la participation de la Filiale, à savoir un montant de GBP ….

Il résulterait de ce qui précède que le montant du Yield aurait dû s'élever à GBP … au lieu du montant de GBP … initialement déclaré, ce qui représenterait une différence d'un montant de GBP ….

La requérante fait valoir qu’il lui aurait, dès lors, été nécessaire de corriger l’erreur dans le montant du Yield afin de respecter les conditions générales des PECs, mais aussi le principe 24 de prudence prévu à l’article 51 de la loi modifiée du 19 décembre 2002 concernant le registre de commerce et des sociétés ainsi que la comptabilité et les comptes annuels des entreprises.

La mention apparaissant dans une note interne annexée aux résolutions circulaires de son conseil de gérance en date du 10 juillet 2018, selon laquelle l'erreur proviendrait de l'absence de comptabilité distincte de la « succursale USA », aurait été mal interprétée par le directeur. Par le biais de cette mention, elle aurait simplement voulu mettre en exergue qu’une comptabilité distincte aurait permis de rendre l’erreur immédiatement visible pour la détermination du revenu net de participation.

Elle donne à considérer que les déclarations fiscales au titre des années 2015, 2016 et 2017 auraient été préparées sur base du montant de Yield ajusté et que l'ajustement du Yield aurait été repris dans son bilan fiscal pour l'exercice 2015 en vertu de l'article 23 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l'impôt sur le revenu, ci-après désignée par la « LIR », et suivi dans le « report à nouveau » des bilans fiscaux pour les exercices 2016 et 2017, ce qui serait en adéquation avec le principe de continuité des bilans fiscaux. L’erreur ayant été corrigée dans les comptes commerciaux relatifs à l’année 2017, le décrochement entre bilan commercial et fiscal n'aurait plus été nécessaire par la suite.

La requérante fait enfin valoir que si l'article 41 LIR disposait que le contribuable ne peut rectifier, ni modifier un bilan qui aurait servi de base à une imposition, il en irait autrement lorsque l'imposition en cause est encore susceptible d'être modifiée.

Elle se fonde dans ce contexte sur un arrêt de la Cour administrative du 5 mars 2009, inscrit sous le numéro 24692C du rôle.

La requérante précise qu’en l'espèce, du fait du dépôt des déclarations fiscales au titre des années 2016 et 2017 sur base de bilans fiscaux prenant en compte l'ajustement du Yield, la modification de son bilan commercial au titre de l'année 2015, 2016 et 2017 n'aurait aucune incidence sur les bulletins de l’IRC et de l’ICC émis sur base des bilans fiscaux en relation avec les années 2016 et 2017.

Partant, le montant du Yield ajusté devrait être considéré comme déductible et il y aurait lieu de réformer la décision du directeur en ce sens.

Le délégué du gouvernement estime, quant à lui, que les explications de la requérante seraient en contradiction directe avec les pièces qu’elle aurait produites.

L’ajustement proviendrait, non pas d'une application erronée des conditions générales des PECs, mais de l'absence de prise en compte de la « succursale USA » au niveau de la comptabilité.

Le délégué du gouvernement se réfère à la mention, extraite d’une note interne de la requérante annexée aux résolutions circulaires de son conseil de gérance datées du 10 juillet 2018 selon laquelle : « whilst the Yield calculation followed the terms of the PECs it did not consider the need to exclude the result of the US PE which if a separate SAP ledger had been created would have been visible in the accounting System ».

Il en résulterait, selon lui, que lors du calcul du Yield au titre des « series D PECs » pour la période litigieuse, le résultat total de la requérante aurait été pris en compte alors que 25 le résultat attribuable à la « succursale USA » n'aurait pas été retiré. Eu égard à l'absence d'établissement stable aux USA pendant l'année litigieuse, le montant des intérêts accrus comptablement serait conforme aux termes et conditions des PECs qui prévoiraient que les intérêts accrus au titre de cet instrument sont calculés sur la totalité du résultat financier net de la requérante, de sorte qu'aucun ajustement ne serait à effectuer fiscalement.

Analyse du tribunal Le tribunal relève en premier lieu que le principe de la déduction du Yield n’est pas litigieux dans le cas d’espèce. Par ailleurs, l’Etat ne remet pas en cause la manière dont la requérante a procédé pour corriger l’erreur comptable qu’elle invoque, notamment à travers la rectification de ses comptes annuels. En revanche, l’administration, notamment par le biais de son directeur, remet en cause le montant ajusté du Yield qui serait injustifié.

L’ajustement du Yield revendiqué par la requérante aboutit à une augmentation du montant des intérêts qu’elle souhaite déduire de son résultat imposable. Etant donné qu’elle entend ainsi obtenir la diminution de sa charge fiscale, la preuve du bien-fondé du redressement sollicité lui incombe conformément à l’article 59 de la loi du 21 juin 1999, précité.

A cet égard, force est de constater, d’une part, qu’elle a non seulement fourni les conditions générales des PECs contenant la formule de calcul du Yield, ainsi qu’une feuille de calcul comprenant des données chiffrées détaillées reprenant l’ajustement dont elle sollicite l’application, et, d’autre part, que ces données chiffrées reflètent à priori fidèlement la formule de calcul du Yield.

Au contraire, la partie étatique reste en défaut de démontrer en quoi l’ajustement du Yield revendiqué serait injustifié et ne devrait pas être pris en compte pour l’année 2015, la seule mention dans la note interne annexée aux résolutions circulaires du conseil de gérance de la requérante datées du 10 juillet 2018 à laquelle s’est référé le délégué du gouvernement étant insuffisante à cet égard. Compte tenu des explications circonstanciées fournies par la requérante, la même conclusion s’impose au sujet de l’affirmation selon laquelle l'ajustement proposé par la requérante proviendrait non pas d'une application erronée des conditions des PECs, mais de l'absence de prise en compte du prétendu établissement stable au niveau de la comptabilité, à défaut d’explications techniques démontrant un défaut de conformité de l’ajustement sollicité avec la formule stipulée au sein des conditions générales des PECs.

Il s’ensuit qu’en l’état actuel de l’argumentation de la partie étatique, qui laisse de démontrer concrètement en quoi la non-prise en compte d’un établissement stable aux USA au niveau de la comptabilité influerait sur le calcul du montant du Yield, le directeur n’a pas valablement pu refuser l’ajustement litigieux relatif à l’année 2015, à savoir la déductibilité du Yield pour un montant de GBP … au lieu du montant de GBP … initialement déclaré.

Eu égard aux considérations qui précèdent, la décision déférée encourt la réformation en ce sens qu’il y a lieu de reconnaître l’ajustement du Yield sous les PECS et, en conséquence d’accepter, pour les besoins de l’IRC et de l’ICC de l’année 2015 ainsi que de l’IF au 1er janvier 2016, la déductibilité du Yield pour un montant de GBP … au lieu du montant de GBP … initialement renseigné.

V) Quant à la demande d’une indemnité de procédure et aux frais et dépens 26 Moyens et arguments des parties La requérante estime que, par application des dispositions de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999, il serait inéquitable de laisser à sa charge l'intégralité des frais et honoraires d'avocat non compris dans les frais de justice proprement dits. En effet, en raison du comportement de l’administration, elle aurait été contrainte d'introduire une procédure devant les juridictions administratives afin de protéger ses intérêts financiers.

Par conséquent, elle demande que la partie étatique soit condamnée à lui payer la somme de 5.000,00 euros, sous réserve de toute somme même supérieure à arbitrer ex aequo et bono par le tribunal, et à payer les frais et dépens de l’instance.

Le délégué du gouvernement conteste le principe et le quantum d'une telle demande.

En effet, la requérante ne démontrerait pas à suffisance en quoi il serait inéquitable de laisser à sa charge exclusive les frais exposés par elle dans la présente instance, ce qui serait une condition sine qua non de l'octroi d'une indemnité de procédure.

La requérante rétorque que l'iniquité se déduirait de plusieurs éléments, à savoir (i) de la durée anormalement longue avant d’obtenir une décision suite à sa première réclamation du fait d'une erreur de l’administration sur la notification des bulletins qui aurait été reconnue par la Cour administrative et (ii) du fait que la décision sur réclamation serait basée sur une lecture contraire à la doctrine administrative interne de l’administration.

De surcroît, il y aurait lieu de considérer la violation de l’obligation de communication spontanée du dossier administratif intégral, consacrée par l'article 8, paragraphe 5, de la loi du 21 juin 1999 et commise par le délégué du gouvernement qui n'aurait pas déposé le dossier fiscal au greffe dans le délai de trois mois à partir de la communication du recours de la requérante. Cela aurait indubitablement porté atteinte au bon déroulement du service public de la justice en général, en privant le tribunal de sa capacité de vérifier la production des documents en phase précontentieuse et contentieuse.

Quant à la violation alléguée de l’obligation de communication spontanée du dossier administratif soulevée par la requérante, le délégué du gouvernement précise que la requérante aurait d'ores et déjà pu consulter l’intégralité du dossier fiscal de la présente affaire, puisque celle-ci aurait déjà été portée une première fois par la requérante devant le tribunal administratif dans le cadre de son recours inscrit sous le numéro rôle n° 42654 puis devant la Cour administrative lors de son appel inscrit sous le numéro de rôle n° 45739C. Ce ne serait qu’à la suite de l'arrêt de la Cour administrative daté du 15 juillet 2021 que le dossier en question aurait été renvoyé auprès du directeur.

Il ajoute que le dossier fiscal aurait été déposé à l'appui de son mémoire en duplique et que la requérante aurait, pour la deuxième fois, été en mesure de le consulter.

Analyse du tribunal Comme relevé à juste titre par la partie étatique, la requérante a déjà pu prendre connaissance du dossier fiscal au cours des deux instances précédentes relatives à la présente affaire, puis à nouveau après le dépôt – certes tardif – dudit dossier dans le cadre de la présente instance. Surtout, elle n’a pas sollicité la possibilité de déposer un mémoire additionnel une 27 fois le dossier fiscal versé – possibilité expressément rappelée par la partie étatique dans son mémoire en duplique, qui a déclaré ne pas s’y opposer –, de sorte qu’il n’apparaît pas en quoi les droits de la défense de la requérante auraient été violés.

La demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter, étant donné que les conditions d’application de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999 ne sont pas remplies, la requérante n’ayant, par ailleurs, pas démontré à suffisance en quoi il serait inéquitable de laisser à sa charge une partie des frais non compris dans les dépens.

Enfin, eu égard à l’issue du litige, il y a lieu de faire masse des frais et dépens et de les imposer pour moitié à l’Etat et pour moitié à la requérante.

Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare partiellement fondé ;

partant, par réformation de la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 2 novembre 2021 (…), dit que le montant du Yield à déduire par la société à responsabilité limitée SOCIETE A pour les besoins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal de l’année 2015, ainsi que de l’IF au 1er janvier 2016 s’élève à … livres sterling au lieu de … livres sterling ;

pour le surplus, déclare le recours non fondé et en déboute ;

renvoie le dossier au directeur de l’administration des Contributions directes en prosécution de cause ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

rejette la demande d’une indemnité de procédure fondée sur l’article 33 de la loi du 21 juin 1999 ;

fait masse des frais et dépens et les impose pour moitié à la partie étatique et pour moitié à la société demanderesse.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 17 juillet 2024 par :

Françoise EBERHARD, premier vice-président, Sibylle SCHMITZ, juge, Nicolas GRIEHSER SCHWERZSTEIN, attaché de justice délégué, en présence du greffier Paulo ANICETO LOPES.

s. Paulo ANICETO LOPES s. Françoise EBERHARD 28 Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 17 juillet 2024 Le greffier du tribunal administratif 29


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : 46975
Date de la décision : 17/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-07-17;46975 ?

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