Tribunal administratif N° 47350 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47350 3e chambre Inscrit le 26 avril 2022 Audience publique extraordinaire du 25 juillet 2024 Recours formé par Madame …, épouse …, …, et Madame …, épouse …, …, contre une délibération du conseil communal de la Ville d’Esch-sur-Alzette et contre une décision du ministre de l’Intérieur, en matière de plan d’aménagement général
___________________________________________________________________________
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 47350 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 avril 2022 par la société à responsabilité limitée ELVINGER DESSOY MARX SARL, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-1461 Luxembourg, 31, rue d’Eich, immatriculée au Registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B251584, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Serge MARX, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de Madame …, épouse …, demeurant à L-… et de Madame …, épouse …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation de 1) la délibération du conseil communal de la Ville d’Esch-sur-Alzette du 5 février 2021 portant adoption du projet de refonte du plan d’aménagement général de la Ville d’Esch-sur-
Alzette et 2) la décision du ministre de l’Intérieur du 29 octobre 2021 approuvant la prédite délibération du conseil communal de la Ville d’Esch-sur-Alzette du 5 février 2021 ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Kelly FERREIRA SIMOES, en remplacement de l’huissier de justice Carlos CALVO, demeurant tous deux à Luxembourg, du 29 avril 2022, portant signification de ce recours à l’administration communale de la Ville d’Esch-sur-Alzette, ayant sa maison communale à L-4138 Esch-sur-Alzette, Place de l’Hôtel de Ville, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 3 mai 2022 par la société anonyme ARENDT & MEDERNACH SA, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-2082 Luxembourg, 41A, avenue J.F. Kennedy, immatriculée au Registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B186371, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Christian POINT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 31 mai 2022 par Maître Brice OLINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de l’administration communale de la Ville d’Esch-sur-Alzette, préqualifiée ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 26 septembre 2022 par la société anonyme ARENDT & MEDERNACH SA, au nom de l’Etat du Grand-
1Duché de Luxembourg ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 29 septembre 2022 par Maître Brice OLINGER, au nom de l’administration communale de la Ville d’Esch-
sur-Alzette, préqualifiée ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 26 octobre 2022 par la société à responsabilité limitée ELVINGER DESSOY MARX SARL, au nom de Madame …, épouse …, et de Madame …, épouse …, préqualifiées ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 28 novembre 2022 par Maître Brice OLINGER, au nom de l’administration communale de la Ville d’Esch-
sur-Alzette, préqualifiée ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 28 novembre 2022 par la société anonyme ARENDT & MEDERNACH SA, au nom de l’Etat du Grand-
Duché de Luxembourg ;
Vu les pièces versées en cause ainsi que les décisions attaquées ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Serge MARX, Maître Gilles DAUPHIN, en remplacement de Maître Christian POINT, et Maître Brice OLINGER, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 mars 2024.
___________________________________________________________________________
Lors de sa séance publique du 8 mars 2019, le conseil communal de la Ville d’Esch-
sur-Alzette, ci-après dénommé le « conseil communal », fut saisi par le collège des bourgmestre et échevins de la même commune, ci-après dénommé le « collège échevinal », en vertu de l’article 10 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après désignée par la « loi du 19 juillet 2004 », d’un projet de refonte complète du plan d’aménagement général (« PAG ») de la Ville d’Esch-sur-Alzette qu’il mit sur orbite en conséquence à travers un vote positif, de sorte que le collège échevinal put procéder aux consultations prévues aux articles 11 et 12 de la loi du 19 juillet 2004.
Le projet de refonte ainsi mis sur orbite projetait de classer la parcelle sise à L-…, inscrite au cadastre de la Ville d’Esch-sur-Alzette, section A d’Esch-Nord, sous le numéro … et appartenant à Madame …, épouse …, et Madame …, épouse …, désignées ci-après par « les consorts … », en zone mixte urbaine (« MIX-u »), superposée d’une zone « secteur protégé de type « environnement construit » » et de grever l’immeuble implanté sur ladite parcelle d’une servitude « construction à conserver ».
Par courrier du 9 avril 2019, les consorts … firent valoir leurs objections à l’encontre dudit projet de refonte du PAG, conformément aux dispositions de l’article 13 alinéa 1er de la loi du 19 juillet 2004.
Suite à leurs objections, les consorts … furent entendus lors de deux réunions d’aplanissement des différends qui eurent lieu les 3 juin et 16 juillet 2019.
2En date du 7 octobre 2019, la commission d’aménagement émit son avis sur le projet de refonte du PAG de la Ville d’Esch-sur-Alzette, conformément aux dispositions de l’article 11, alinéa 2 de la loi du 19 juillet 2004.
Le collège échevinal donna son avis sur les objections des consorts … dans les termes qui suivent :
« D’après les explications circonstanciées, le CE est conscient du fait que les réclamantes considèrent le classement proposé comme injuste. Mais le CE reste d’avis que la maison unifamiliale est un type de logement à sauvegarder sur le territoire de la Ville d’Esch, afin de répondre à l’exigence d’une mixité de logements plus diversifiés. Le CE se tient alors au principe de ne pas autoriser un changement d’affectation de la maison concernée vers une maison plurifamiliale, et reste d’avis qu’une sauvegarde de la maison s’avère nécessaire, comme l’immeuble concerné répond à plusieurs des critères de sauvegarde définis dans l’art 32. de la loi modifiée du 19 juillet 2014. D’autant plus les réclamants ne sont pas confrontés à une diminution de leurs possibilités par rapport au PAG en vigueur. […] ».
Dans sa séance publique du 5 février 2021, le conseil communal se rallia, s’agissant des objections des consorts …, à la proposition du collège échevinal et décida d’adopter le projet de refonte du PAG, tel qu’adapté suite aux avis de la commission d’aménagement et du ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement Durable et à certaines objections.
Par courrier daté du 10 février 2021, le bourgmestre de la Ville d’Esch-sur-Alzette informa les consorts … de l’adoption par le conseil communal du projet de refonte du PAG.
Par courrier daté du 24 février 2021, les consorts … introduisirent auprès du ministre de l’Intérieur, ci-après désigné par le « ministre », une réclamation à l’encontre de la décision du conseil communal du 5 février 2021 portant adoption du projet de refonte du PAG.
Par décision du 29 octobre 2021, le ministre approuva la prédite délibération du conseil communal du 5 février 2021 et déclara la réclamation des consorts … comme étant non fondée.
Ladite décision ministérielle est libellée comme suit :
« […] Par la présente, j’ai l’honneur de vous informer que j’approuve la délibération du conseil communal du 5 janvier 2021 portant adoption du projet de la refonte du plan d’aménagement général (dénommé ci-après « PAG ») de la Ville d’Esch-sur-Alzette, présenté par les autorités communales.
La procédure d’adoption du projet d’aménagement général s’est déroulée conformément aux exigences des articles 10 et suivants de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain.
La Commission d’aménagement a donné son avis sur les réclamations introduites auprès du ministre de l’Intérieur en date du 27 septembre 2021.
Le conseil communal a donné son avis sur les réclamations introduites auprès du ministre de l’Intérieur en date du 11 juin 2021.
3 Conformément à l’article 18 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, j’ai fait droit à certaines objections et observations formulées par les réclamants à l’encontre du projet d’aménagement général.
Les modifications ainsi apportées à la partie graphique sont illustrées dans la présente décision et en font partie intégrante. Les autorités communales sont tenues de me faire parvenir les plans modifiés suite aux réclamations déclarées fondées par la présente décision, pour signature, ainsi que le schéma directeur.
Il est statué sur les réclamations émanant de […] Madame …-… […] Ad réclamation … (rec 18) La réclamante conteste la servitude « construction à conserver » et la qualification de maison unifamiliale dans le cadre du « plan d’aménagement particulier "quartier existant" [PAP QE] » du bâtiment érigé sur la parcelle cadastrale n° …, sise à Esch-sur-Alzette, classée en « zone mixte urbaine [MIX-u] » et en « secteur protégé de type "environnement construit" [C] ».
La réclamation en lien avec la qualification de maison unifamiliale est irrecevable en ce qu’elle porte sur le « plan d’aménagement particulier "quartier existant" [PAP QE] » pour lequel la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain ne prévoit aucune faculté de réclamation devant le ministre de l’Intérieur.
Concernant la servitude « construction à conserver », l’immeuble en question remplit les critères d’authenticité de la substance bâtie et d’exemplarité du type de bâtiment de l’article 32 du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu du plan d’aménagement général d’une commune.
En effet, les éléments d’encadrement, les corniches, les mansardes, les fenêtres sont autant de composantes de l’immeuble qui sont à conserver.
La superposition d’un « secteur protégé de type "environnement construit" [C] » est cohérente à cet endroit au vu des caractéristiques du quartier et de la nécessité d’intégrer toute nouvelle construction ou modification de manière harmonieuse avec les constructions existantes.
La réclamation est donc non fondée. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 26 avril 2022, les consorts … ont fait introduire un recours tendant à l’annulation de 1) la délibération du conseil communal du 5 février 2021 portant adoption du projet de refonte du PAG de la Ville d’Esch-sur-Alzette et 2) de la décision du ministre du 29 octobre 2021 approuvant la prédite délibération du conseil communal du 5 février 2021.
I. Quant à la compétence du tribunal 4Les décisions sur les projets d’aménagement, lesquelles ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des terrains qu’ils concernent et le régime des constructions à y ériger, ont un caractère réglementaire. La décision d’approbation du ministre, intervenue après réclamation de particuliers, comme c’est le cas en l’espèce, participe au caractère réglementaire de l’acte approuvé1, étant entendu que le caractère réglementaire ainsi retenu s’étend également au volet de la décision litigieuse ayant statué sur la réclamation introduite par les parties demanderesses, intervenue dans le processus général de l’élaboration de l’acte approuvé.
Conformément à l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, seul un recours en annulation est susceptible d’être introduit contre un acte administratif à caractère réglementaire.
Le tribunal est partant compétent pour connaître du présent recours en annulation.
II. Quant à la recevabilité du recours L’administration communale de la Ville d’Esch-sur-Alzette, ci-après désignée par « la commune », et la partie étatique se rapportent à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité du recours. S’il est exact que le fait, pour une partie, de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation2, il n’en reste pas moins qu’une contestation non autrement étayée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer à la carence des parties et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions3.
Dès lors et dans la mesure où les parties défenderesses sont restées en défaut d’expliquer en quoi le recours serait irrecevable, leurs contestations afférentes encourent le rejet.
Le tribunal conclut que le recours en annulation est à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi, étant encore précisé à cet égard, en ce qui concerne les développements de la partie étatique relatifs au caractère limitatif du recours s’agissant de la première demande afférente au classement urbanistique de l’immeuble, que c’est à bon droit que celle-ci fait valoir que l’ensemble des moyens invoqués par les consorts … ne concernent que leur propre immeuble et plus particulièrement sa protection comme « construction à conserver », de sorte qu’en cas d’annulation prononcée par le tribunal, celle-ci se limiterait tout au plus audit immeuble sans affecter pour le surplus le restant du PAG refondu. Il y a également lieu de relever que la seconde demande des consorts … vise uniquement l’article 5 de la partie écrite du PAG, lequel définit la zone MIX-u, de sorte qu’ici encore, en cas d’annulation prononcée par le tribunal, celle-ci se limiterait à cet article sans affecter pour le surplus le restant de la partie écrite du PAG refondu.
1 Cour adm., 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Actes réglementaires, n° 59 et les autres références y citées.
2 Trib. adm., 27 octobre 2004, n° 17634 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 905 et les autres références y citées.
3 Trib. adm., 23 janvier 2013, n° 30455 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 905 et les autres références y citées.
5III. Quant à la loi applicable La procédure d’adoption d’un plan d’aménagement général est prévue par la loi du 19 juillet 2004. Or, celle-ci a été modifiée à plusieurs reprises et dernièrement (i) par une loi du 28 juillet 2011 entrée en vigueur, en application de son article 45, en date du 1er août 2011, (ii) par la loi du 30 juillet 2013 concernant l’aménagement du territoire, publiée au Mémorial A, n° 160 du 6 septembre 2013, (iii) par la loi du 14 juin 2015 portant modification de l’article 108 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, publiée au Mémorial A, n° 113 du 17 juin 2015, (iv) par la loi du 3 mars 2017 dite « Omnibus », entrée en vigueur, en application de son article 76, le 1er avril 2017, (v) par la loi du 17 avril 2018 concernant l’aménagement du territoire, (vi) par la loi du 18 juillet 2018 portant modification de l’article 108 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, (vii) par la loi du 30 juillet 2021 relative au Pacte logement avec les communes en vue d’augmenter l’offre de logements abordables et durables, entrée en vigueur, en application de son article 16, le 1er janvier 2021 et (viii) par la loi du 7 août 2023 relative au logement abordable.
Etant donné, d’une part, que le tribunal vient de retenir que seul un recours en annulation a pu être introduit à l’encontre des décisions déférées et, d’autre part, que dans le cadre d’un tel recours, le juge administratif est amené à en apprécier la légalité en considération de la situation de droit et de fait ayant prévalu au jour où elles ont été prises, les modifications apportées à la loi du 19 juillet 2004 par la loi précitée du 7 août 2023, entrée en vigueur postérieurement à la décision d’approbation du conseil communal du 5 février 2021, ne sont pas à prendre en considération en l’espèce, étant plus particulièrement précisé à cet égard que les actes de tutelle administrative rétroagissent à la date de la décision approuvée et tombent dès lors sous le champ d’application des lois en vigueur à la date de la prise de décision de l’acte initial.
Il s’ensuit que la version de la loi du 19 juillet 2004 applicable au présent litige est celle résultant des modifications opérées par les lois des 28 juillet 2011, 30 juillet 2013, 14 juin 2015, 3 mars 2017, 17 avril 2018, 18 juillet 2018 et 30 juillet 2021.
IV. Quant au fond Moyens des parties A titre liminaire, le tribunal relève que le recours des consorts … s’articule autour de deux volets, le premier portant sur la mesure de classement de leur immeuble en tant que « construction à conserver » et le second sur la définition de la zone MIX-u contenue à l’article 5 de la partie écrite du PAG refondu.
S’agissant du premier volet de leur recours, en fait, les parties demanderesses exposent être propriétaires d’une parcelle sise à L-…, inscrite au cadastre de la Ville d’Esch-sur-Alzette, section A d’Esch-Nord, sous le numéro …. Elles expliquent que sous l’empire de l’ancien PAG, leur parcelle aurait été classée en « secteur urbanisé I », tandis que le PAG refondu aurait classé leur parcelle en zone MIX-u, superposée d’une zone « secteur protégé de type "environnement construit" », et que l’immeuble implanté sur ladite parcelle aurait, en outre, été grevé d’une servitude « construction à conserver ».
6Elles indiquent en premier lieu que la réunion d’aplanissement des différends tenue le 3 juin 2019 suite à leurs objections aurait été « particulièrement houleuse » et qu’aucun échange n’aurait pu s’installer, de sorte qu’elles auraient été contraintes de contester le déroulement de cette réunion par courrier du 10 juin 2019, suite auquel une nouvelle réunion d’aplanissement des différends aurait été fixée au 16 juillet 2019. Au cours de cette seconde réunion, les édiles communaux auraient toutefois persisté à refuser tout échange, situation que les parties demanderesses auraient de nouveau déploré, par courrier adressé au conseil communal en date du 26 juin 2020.
Elles affirment ensuite que la commune aurait, préalablement à la mise sur orbite du projet de refonte du PAG, dressé discrètement et de concert avec le Service des sites et monuments nationaux, ci-après désigné par le « SSMN », une liste des éléments et bâtiments dignes de protection communale et ce, sans les informer personnellement, que ce soit oralement ou par écrit, de son intention de soumettre leur maison au « régime protectionniste » des « constructions à conserver ». Dans ce contexte, elles font valoir que les constructions à protéger au niveau communal, dont leur immeuble, auraient seulement été indiquées sur le « plan 5-3 » lequel aurait uniquement été reproduit à l’échelle 1/8.000 dans l’étude préparatoire et sans la moindre indication du nom des rues et numéros des immeubles visés. Elles en concluent que l’information purement graphique et sans texte explicatif des immeubles concernés par le projet de classement en tant que « construction à conserver », aurait été insuffisante, incomplète et impersonnelle.
Les parties demanderesses ajoutent que la liste des immeubles à protéger mentionnée dans l’étude préparatoire aurait été confectionnée à l’insu des propriétaires concernés et aurait toujours été gardée secrète par les autorités communales et continuerait de l’être.
Elles font par ailleurs valoir que les fonctionnaires et responsables politiques de la commune auraient affiché un comportement actif de rejet à leur égard, en refusant de leur apporter un quelconque concours pour leur permettre d’accéder aux informations relatives au classement projeté de leur immeuble comme « construction à conserver ». Les consorts … reprochent plus particulièrement à la commune de ne jamais avoir diffusé la liste des immeubles à protéger mentionnée dans l’étude préparatoire, ni les informations comprenant la description du site ou encore les caractéristiques physiques et techniques de la mesure de protection de leur immeuble. A cet égard, elles reprochent également au ministre de ne pas avoir répondu au moyen contenu dans leur réclamation et tiré « du refus de l’accès à l’information et du caractère vexatoire, sinon absurde, de la procédure de l’aplanissement des différends ».
En droit, les parties demanderesses se prévalent en premier lieu d’une violation de l’article 7 de la loi du 19 juillet 2004 et de l’article 3, point 5, ensemble avec l’article 2, paragraphes (1) et (2) du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu de l’étude préparatoire d’un plan d’aménagement général, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 mars 2017 EP-PAG ». A ce titre, elles font valoir que l’analyse des immeubles à protéger, dont le nombre se serait élevé à 1.389 suivant la fiche de présentation soumise à la délibération du conseil communal lors de sa séance du 8 mars 2019, aurait tenu sur une page seulement de la Section 1 de l’étude préparatoire, intitulée « Analyse de la situation existante » et sur quatre pages de la Section 2 de ladite étude préparatoire, intitulée « Concept de développement », ce qui n’aurait pas satisfait à l’obligation de la commune d’informer le public concerné de manière efficace pour garantir la transparence du processus décisionnel et favoriser l’appui du public dans la participation à la discussion. Les parties demanderesses 7affirment dans ce contexte qu’elles auraient dû connaître, dès le départ et au plus tard au moment de la mise sur orbite du projet de refonte du PAG, la justification du classement projeté de leur immeuble en « construction à conserver », ce qui n’aurait pas été le cas en l’espèce.
Les consorts … exposent encore que l’article 3, point 5 du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 EP-PAG exigerait que toute étude préparatoire comporte l’analyse de la situation urbanistique existante des ensembles bâtis et des éléments isolés protégés ou dignes de protection. L’article 2, paragraphes (1) et (2) de ce même règlement définirait en outre explicitement la notion d’analyse et exigerait la confection d’une partie graphique et d’une partie textuelle dans l’étude préparatoire : la partie graphique comprendrait tous les plans nécessaires à la visualisation ou à la figuration des ensembles ou éléments isolés protégés, tandis que la partie textuelle, illustrée par des esquisses ou des photos, contiendrait la description des différents aspects des éléments isolés protégés ou dignes de protection. La publication dans l’étude préparatoire de l’examen, au cas par cas, des ensembles ou éléments isolés à protéger serait indispensable et aurait pour but de porter à la connaissance des intéressés les critères concrets qui justifieraient la protection de ces ensembles ou éléments isolés et leur étendue. L’étude préparatoire élaborée par la commune dans le cadre du projet de refonte du PAG n’aurait pas satisfait à ces exigences, dans la mesure où elle ne contiendrait aucune analyse des bâtiments dignes de protection, les parties demanderesses insistant à plusieurs reprises sur le fait que la « liste de bâtiments dignes de protection communale » mentionnée dans la prédite étude aurait été dressée à leur insu, d’une part, et ne leur aurait jamais été communiquée, d’autre part.
Les parties demanderesses ajoutent que la sélection d’immeubles à protéger ne pourrait être ni arbitraire, ni discrétionnaire et devrait, conformément à l’article 32, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu du plan d’aménagement général d’une commune, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 mars 2017 PAG », être justifiée par un ou plusieurs des critères suivants : authenticité de la substance bâtie, de son aménagement, rareté, exemplarité du type du bâtiment, importance architecturale, témoignage de l’immeuble pour l’histoire nationale, locale, sociale, politique, religieuse, militaire, technique ou industrielle. Aucun de ces critères ne serait toutefois rempli en l’espèce.
Les consorts … argumentent de surcroît, en s’appuyant sur un extrait de la Section 2 de l’étude préparatoire, que le SSMN aurait repéré, documenté et analysé le patrimoine à conserver, de sorte que les mesures de protection imposées à travers le PAG refondu, dont la mesure litigieuse, seraient issues de réflexions étatiques, qui seraient nécessairement fondées sur la loi modifiée du 18 juillet 1983 concernant la conservation et la protection des sites et monuments nationaux, seule base légale qui aurait, en l’espèce, permis aux autorités étatiques d’intervenir. Les mesures de protection étatiques et communales poursuivraient cependant des objectifs différents et seraient soumises à des régimes de protection distincts, de sorte que la commune (i) aurait été obligée de motiver de façon renforcée les raisons pour lesquelles un immeuble identifié par le SSMN mériterait protection au niveau communal sur base des dispositions de l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004 et (ii) n’aurait pu se contenter de renvoyer à une liste établie en collaboration avec le SSMN, ce d’autant plus qu’un simple résumé exemplatif, tel que celui contenu dans l’étude préparatoire, ne serait pas légalement admissible.
Les parties demanderesses donnent encore à considérer que la fiche de présentation « RE-71 » jointe au courrier leur adressé en date du 10 février 2021 par la commune contiendrait une photo d’une partie de leur immeuble datée du 4 mai 2018 qui aurait obligatoirement dû figurer dans l’étude préparatoire, ensemble avec l’analyse détaillée de 8l’immeuble. S’y ajouterait que l’immeuble en cause n’aurait été ni analysé, ni même mentionné dans l’étude préparatoire, ce qui confirmerait le fait que son intérêt serait insignifiant.
Les parties demanderesses critiquent par ailleurs la décision du conseil communal du 5 février 2021 en ce qu’elle aurait frappé leur immeuble d’une mesure de protection en le classant comme « construction à conserver » et en l’inscrivant comme tel sur la partie graphique du PAG refondu sous le motif non autrement précisé « [qu’]une sauvegarde de la maison s’avère nécessaire comme l’immeuble concerné répond à plusieurs des critères de sauvegarde définis dans l’article 32 de la loi modifiée du 19 juillet 2014 ». La commune aurait en effet invoqué une base légale erronée à l’appui de sa décision de classement, ce qui confirmerait ses erreurs et déficiences, de même que l’absence de toute analyse sérieuse de l’immeuble en cause.
Dans ce contexte, les parties demanderesses argumentent que le collège échevinal n’aurait énoncé aucun critère de sauvegarde qui justifierait le classement litigieux et en déduisent que la majorité du conseil communal aurait décidé de classer l’immeuble sans en connaître la raison, respectivement sans disposer de la moindre analyse en relation avec la mesure critiquée et sans se poser des questions sur l’existence, la nature et le mérite des critères de sauvegarde.
Il n’appartiendrait finalement pas au ministre de remédier à l’absence d’analyse « redditionnelle » en produisant des éléments nouveaux, non discutés et tenus jusque-là secrets dans la décision finale de clôture de la phase précontentieuse, ni même de suppléer à la carence de l’étude préparatoire, qui devrait en soi impérativement contenir tous les motifs à la base de la protection d’un immeuble comme « construction à conserver ».
Les parties demanderesses se prévalent en second lieu d’une violation de l’article 13 alinéa 2 de la loi du 19 juillet 2004. Elles exposent à ce titre que le collège échevinal aurait refusé de leur adresser la parole lors des deux réunions d’aplanissement des différends des 3 juin et 16 juillet 2019 et se serait contenté d’écouter passivement leurs protestations sans les interrompre, sans leur poser de questions, ni même répondre à leurs questions, de sorte qu’aucun dialogue n’aurait pu s’installer, ce qui serait confirmé par les notes prises au cours desdites réunions et consignées dans la fiche de présentation « RE-71 (18) » versée en l’espèce.
Les parties demanderesses soutiennent plus particulièrement à ce sujet que le collège échevinal aurait été obligé de mettre en œuvre les moyens pour trouver une solution à l’amiable et n’aurait pu se cantonner dans une attitude purement passive, consistant à se limiter à prendre acte des réclamations répétées oralement devant lui, ceci sous peine de vider la réunion d’aplanissement des différends de tout sens.
Dans le même ordre d’idées, les parties demanderesses affirment que le collège échevinal (i) n’aurait fourni aucune explication destinée à clarifier le choix urbanistique de grever leur immeuble d’une mesure de protection, de préférence aux autres immeubles voisins, (ii) n’aurait pas révélé le moindre indice permettant de comprendre et de discuter les critères retenus à la base de la mesure litigieuse et (iii) se serait effacé devant l’architecte-directeur de la commune, les parties demanderesses reprochant dans ce même contexte une violation du principe de transparence et du devoir de collaboration aux autorités communales.
A titre subsidiaire, les parties demanderesses soutiennent que les motifs du classement litigieux invoqués pour la première fois dans la décision d’approbation du ministre du 29 octobre 2021 auraient été fournis de manière tardive, ce qui les aurait privées du droit de 9participer utilement au processus décisionnel. Finalement et même à admettre qu’elles auraient été valablement informées des raisons du classement de leur immeuble, les parties demanderesses sont d’avis qu’elles auraient été mises dans l’impossibilité de participer en amont au processus décisionnel, ce qui justifierait encore l’annulation des décisions attaquées.
Les consorts … reprochent encore au ministre d’avoir violé l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004 en omettant de statuer sur leur réclamation et en particulier sur les moyens tirés d’une violation des dispositions contenues dans la loi du 19 juillet 2004 et le règlement grand-
ducal du 8 mars 2017 EP-PAG, relatives aux obligations d’information, de consultation et de discussion.
Sur ce point, les parties demanderesses donnent à considérer que la décision ministérielle attaquée du 29 octobre 2021 reprendrait mot pour mot le texte de l’avis émis le 27 septembre 2021 par la commission d’aménagement sur base de l’article 17 de la loi du 19 juillet 2004, dont elle ne serait qu’un copier-coller. Le dossier aurait en outre été suivi par le même fonctionnaire, agissant d’abord pour le compte de la commission d’aménagement, puis pour le compte du ministre. Le ministre aurait toutefois omis de s’assurer que cet avis contenait des réponses à tous les moyens invoqués par leurs soins et n’aurait en particulier répondu à aucun des éléments de leur demande, ni à aucun chef de leur demande, moyen de défense au fond ou moyen de défense en la forme.
Les consorts … concluent par ailleurs au caractère injustifié, voire disproportionné de la mesure individuelle de protection de leur immeuble.
A cet égard, les parties demanderesses soutiennent que les quelques éléments décoratifs dont serait ornée la façade de leur immeuble seraient insuffisants pour justifier la mesure de protection critiquée et qu’une grande partie de leur immeuble correspondrait « à une construction somme toute banale datant des années 1950 ». L’immeuble tel qu’il existerait aujourd’hui aurait été construit successivement en 1908, 1951 et 1957 et ne se trouverait pas dans son état d’origine, ni dans un état représentatif de l’époque des travaux, mais ne constituerait qu’une bâtisse aux éléments hétéroclites assemblés au fil du temps.
Les consorts … dénient ainsi toute authenticité particulière, importance ou exemplarité architecturale ou historique à leur immeuble et concluent à une erreur d’appréciation dans le chef des parties défenderesses.
En dernier lieu, les parties demanderesses se prévalent d’une violation de l’article 10bis de la Constitution, telle qu’elle était en vigueur au moment de la prise des décisions litigieuses.
Sur ce point, elles affirment que d’autres immeubles de la rue …, sis aux numéros …, …, … et …, auraient également été construits en briques jaunes ou rouges ou comporteraient des éléments similaires à leur immeuble. Ces immeubles voisins, bien que présentant des aspects comparables ou équivalents et faisant partie du même îlot urbain que leur immeuble n’auraient toutefois pas été frappés d’une mesure de protection individuelle. Il en serait de même des immeubles sis aux numéros …, …, … et … de la rue …. Elles en concluent que les décisions litigieuses emporteraient un traitement inégalitaire de situations comparables et seraient donc contraires au principe d’égalité consacré par l’article 10bis de la Constitution, telle qu’en vigueur au jour de l’adoption des décisions déférées.
En ce qui concerne le second volet de leur recours relatif à la définition de la zone MIX-
10u, les parties demanderesses invoquent une violation de l’article 9 de la loi du 19 juillet 2004 et de l’article 9, paragraphe (2) du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 PAG.
A l’appui de cette demande, elles soutiennent plus particulièrement que l’article 5 de la partie écrite du PAG refondu, qui définit la zone MIX-u, s’écarterait à plusieurs égards de la définition de cette zone donnée à l’article 9, paragraphe (2) du prédit règlement.
La commune y aurait en effet (i) réduit la surface de vente réservée aux activités de commerce dans cette zone à 4.000 m2, alors que l’article 9, paragraphe (2) du prédit règlement autoriserait une telle surface jusqu’à 10.000 m2, (ii) ajouté la portion de phrase « dans des proportions qui varient en fonction de sa localisation et sa vocation », qui serait inexistante dans le prédit règlement et (iii) inséré des dispositions en relation avec la sécurité, la salubrité, la commodité et la tranquillité qui seraient sans rapport avec la définition de la zone MIX-u.
Dans leur mémoire en réplique, outre de se référer aux développements figurant dans leur requête introductive d’instance, les parties demanderesses argumentent en premier lieu que la commune continuerait de procéder à une confusion entre les notions de « construction à conserver » et de « maison unifamiliale » et que le classement de leur immeuble en « construction à conserver » s’expliquerait en réalité par une volonté de celle-ci d’interdire la transformation de leur immeuble en maison plurifamiliale, ce qui témoignerait d’un excès, voire d’un détournement de pouvoir.
Les parties demanderesses font ensuite valoir que les pièces intitulées « Inventaire architectural d’août 1990 » et « Analyse de l’immeuble litigieux par l’Institut national pour le patrimoine architectural et photographies de l’immeuble litigieux », versées respectivement par la commune et par la partie étatique à l’appui de leurs mémoires en réponse, n’auraient pas figuré dans le dossier d’adoption du projet de refonte du PAG, de sorte que leur communication serait tardive. La transmission par la commune, en phase contentieuse, d’un inventaire daté de 1990 témoignerait en particulier d’un défaut de transparence orchestré par le collège échevinal.
Les consorts … sollicitent en outre l’annulation des décisions litigieuses pour « violation de la compétence d’attribution basique au conseil communal », au motif que le classement de leur immeuble serait « intervenu à l’aveuglette », dans la mesure où le conseil communal n’aurait, au moment de délibérer, pas disposé du moindre élément d’appréciation pour imposer une mesure de protection sur l’ensemble de leur immeuble et n’aurait en particulier pas eu connaissance des pièces produites par la commune et la partie étatique à l’appui de leurs mémoires en réponse. La décision de classer l’ensemble de l’immeuble comme « construction à conserver » aurait exclusivement été basée sur la fiche « RE-71 » contenant une seule photo prise le 4 mai 2018 et qui serait tronquée pour ne représenter que le coin de la façade principale et de la façade latérale de l’immeuble tel que construit en 1908, sans pour autant visualiser les constructions postérieures ajoutées dans les années 1951 et 1957. Le conseil communal aurait ainsi pris une décision de classement sans avoir pu bénéficier d’une vue complète de la construction litigieuse dans son ensemble, ce qui l’aurait empêché de prendre une décision en toute connaissance de cause et aurait par conséquent entraîné une violation de sa compétence d’attribution de base.
Les parties demanderesses contestent par ailleurs la valeur des pièces et informations fournies par la commune et la partie étatique pour justifier le classement litigieux et insistent sur le fait que leur immeuble ne présenterait aucune signifiance digne de protection, aucune authenticité particulière, ni aucune exemplarité architecturale spécifique.
11 S’agissant ensuite de leur moyen basé sur la violation de l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004, les consorts … soutiennent que le silence de l’étude préparatoire aurait non seulement conduit à une situation où le conseil communal aurait adopté la mesure de protection litigieuse de façon stérile et abstraite, mais les aurait également mis dans l’impossibilité de discuter de façon contradictoire de cette mesure dans le cadre de la procédure d’adoption du PAG refondu. Après avoir cité les extraits des arrêts de la Cour administrative rendus les 19 mai 2022 et 21 octobre 2021 et inscrits respectivement sous les numéros 47070C et 45871C du rôle, les parties demanderesses concluent que l’absence de dialogue dont elles se plaignent en l’espèce constituerait une violation du principe à essence constitutionnelle de l’Etat de droit conduisant à entacher d’illégalité toute la procédure d’adoption du PAG.
En ce qui concerne leur moyen lié à la violation de l’obligation « redditionnelle » et au manque de transparence, les parties demanderesses réitèrent principalement leur argumentation relative au contenu d’une étude préparatoire et à l’absence de production par la commune de la « liste de bâtiments dignes de protection communale » mentionnée dans l’étude préparatoire tout en renvoyant à (i) la Convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, approuvée par une loi du 31 juillet 2005, désignée ci-après par la « Convention d’Aarhus », laquelle exigerait que la participation du public en matière environnementale commence dès le début de la procédure, soit à une époque où toutes les options et solutions seraient encore possibles et où le public pourrait exercer une réelle influence et (ii) la procédure administrative non contentieuse qui obligerait l’Etat et les communes à une transparence renforcée en cas de décision envisagée en dehors de l’initiative de la partie concernée.
Concernant finalement le second volet de leur recours, les consorts … arguent que l’expression « dans des proportions qui varient en fonction de sa localisation et de sa vocation » contenue à l’article 5 de la partie écrite du PAG refondu resterait « la porte d’entrée vers le plus pur arbitraire » et ouvrirait la porte « au trafic d’influence et au népotisme ».
Tant la commune que la partie étatique concluent au rejet du recours sous analyse dans son intégralité.
Appréciation du tribunal ➢ En ce qui concerne la demande d’annulation de la mesure de protection de l’immeuble en tant que « construction à conserver » A titre liminaire, le tribunal relève qu’il lui appartient de déterminer la suite du traitement des moyens et arguments des parties compte tenu de la logique juridique dans laquelle ils s’inscrivent, sans être lié par l’ordre dans lequel les moyens ont été présentés par les parties, l’examen des moyens tenant à la légalité externe devant précéder celui des moyens tenant à la légalité interne.
12A) Quant à la légalité externe des décisions attaquées i. Quant au moyen tiré de la violation de la Convention d’Aarhus et de la « procédure administrative non contentieuse » Pour étayer leur argumentation selon laquelle l’étude préparatoire aurait dû comporter une analyse détaillée de chaque immeuble visé par un projet de classement comme « construction à conserver », les parties demanderesses se prévalent de la Convention d’Aarhus, d’une part et de « la procédure administrative non contentieuse », d’autre part.
Cette argumentation, outre le fait qu’elle n’a pas été autrement développée, est à rejeter pour les raisons qui suivent.
La Convention d’Aarhus incite les Etats signataires à insérer dans leur ordonnancement juridique des règles relatives notamment à la participation du public à un « processus décisionnel touchant l’environnement » (article 6) ou à « l’élaboration des plans et des programmes relatifs à l’environnement » (article 7) ou encore durant la phase d’élaboration de « dispositions réglementaires et autres règles juridiquement contraignantes d’application générale qui peuvent avoir un effet important sur l’environnement » (article 8). Or, le classement de l’immeuble litigieux comme « construction à conserver » n’a pas trait à l’environnement, de sorte que la Convention d’Aarhus est inapplicable en l’espèce.
C’est en outre à juste titre que la partie étatique conclut à l’inapplicabilité du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », en matière réglementaire. A cet égard, le tribunal rappelle qu’il vient de préciser, dans le cadre de l’analyse de sa compétence pour connaître du recours sous examen, que les décisions sur les projets d’aménagement, lesquelles ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des terrains qu’ils concernent et le régime des constructions à y ériger, ont un caractère réglementaire. Or, il ressort de la jurisprudence constante des juridictions administratives que s’agissant d’actes administratifs à caractère réglementaire, les dispositions du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ne s’appliquent pas, étant donné qu’en vertu de la loi habilitante du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse, les règles établies par ledit règlement grand-ducal ne concernent que les décisions administratives individuelles pour lesquelles un texte particulier n’organise pas de procédure spéciale présentant au moins des garanties équivalentes pour l’administré. Etant donné qu’il suit de ces considérations que le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 est inapplicable en l’espèce, l’argument tiré de la méconnaissance de la procédure administrative non contentieuse encourt le rejet.
Il s’ensuit que le moyen tiré d’une prétendue violation de la Convention d’Aarhus et de la procédure administrative non contentieuse est à rejeter.
ii. Quant au moyen tiré de la violation des articles 7 de la loi du 19 juillet 2004 et 3, point 5 ensemble avec l’article 2, paragraphes (1) et (2) du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 EP-PAG Aux termes de l’article 7 de la loi du 19 juillet 2004 :
13« (1) Chaque commune est tenue d’avoir un plan d’aménagement général couvrant l’ensemble de son territoire. Deux ou plusieurs communes peuvent s’associer pour élaborer un projet commun, celui-ci tenant lieu pour chacune d’elles de plan d’aménagement général.
(2) Le projet d’aménagement général d’une commune est élaboré à l’initiative du collège des bourgmestre et échevins, par une personne qualifiée. […] Le projet d’aménagement général est élaboré sur base d’une étude préparatoire qui se compose :
a) d’une analyse de la situation existante ;
b) d’un concept de développement ;
c) de schémas directeurs couvrant l’ensemble des zones soumises à l’élaboration d’un plan d’aménagement particulier «nouveau quartier» tels que définis à l’article 25. Les dépenses engendrées par l’élaboration de schémas directeurs sont préfinancées par la commune et sont récupérées auprès des initiateurs des projets d’aménagement particulier «nouveau quartier» dans le cadre de la convention prévue à l’article 36.
Un règlement grand-ducal précise le contenu de l’étude préparatoire. ».
L’article 3 du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 EP-PAG précise que « L’analyse de la situation existante comporte au moins les points suivants :
[…] 5. Structure urbaine a) l’intégration des localités dans le paysage ;
b) les fonctions urbaines ;
c) les caractéristiques essentielles du tissu urbain existant, notamment les implantations et le nombre de niveaux des constructions principales ainsi que la typologie des logements ;
d) les ensembles bâtis et les éléments isolés protégés ou dignes de protection ;
e) les principaux espaces verts et places publics […] ».
L’article 2 du prédit règlement décrit, quant à lui, les éléments constitutifs de l’étude préparatoire d’un plan d’aménagement général comme suit :
« (1) L’élément graphique de l’étude préparatoire comprend tous les plans nécessaires à la visualisation ou à la figuration des éléments de l’étude préparatoire.
(2) L’élément textuel de l’étude, illustré par des esquisses, photos, graphiques, tableaux et schémas, constitue la description des différents aspects de l’étude préparatoire. […] ».
Force est au tribunal de constater que la Section 1 « Analyse de la situation existante » de l’étude préparatoire litigieuse contient expressément une partie dédiée aux « Ensembles bâtis et aux éléments isolés protégés ou dignes de protection » sous son point 5 intitulé « Structure urbaine », tandis que sa Section 2 « Concept de développement » comporte un article 1.9.3 intitulé « Erhaltung und Inwertsetzung von schutzwürdigen Gebäuden und Einzelelementen ».
14L’article 5.4 « Ensembles bâtis et éléments isolés protégés ou dignes de protection » contenu dans la Section 1 de l’étude préparatoire prévoit plus particulièrement ce qui suit :
« PROTECTION COMMUNALE La Ville d’Esch-sur-Alzette a établit une liste de bâtiments dignes de protection communale.
Pour la Ville d’Esch-sur-Alzette, ont été identifiés les éléments à protégés suivant :
− les constructions à conserver, − le petit patrimoine à conserver, − le gabarit et/ou élément d’une construction existante à préserver, − les murs à conserver.
En raison de son riche passé notamment industriel, la Ville d’Esch-sur-Alzette recense de nombreuses constructions qu’il est important de conserver et de protéger. Les constructions concernées répondent à un ou plusieurs des critères suivants :
• authenticité de la construction et de son aménagent, • rareté et exemplarité du type de bâtiment, • importance architecturale, • témoignage de l’immeuble pour l’histoire nationale, communale, sociale, politique, industrielle, religieuse, militaire ou technique.
Les éléments protégés de type « environnement construit » sont définis par la Ville d’Esch-sur-
Alzette. Ils peuvent être situés à l’intérieur du périmètre du secteur protégé de type environnement construit ou à l’extérieur. Les éléments protégés à conserver ou à préserver sont indépendants du secteur protégé de type « environnement construit ».
La localisation des constructions protégées par l’Etat (SSMN) et des constructions protégées par la Ville d’Esch-sur-Alzette est repris dans le plan 5-3 Ensembles bâtis et éléments isolés protégés ou dignes de protection ».
Ces observations étant faites, il y a lieu de relever que les articles 3, point 5 et 2, paragraphes (1) et (2) du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 EP-PAG n’exigent pas, contrairement à ce que soutiennent les parties demanderesses, qu’une étude préparatoire contienne, dans la partie textuelle afférente, une analyse individualisée et détaillée de chaque immeuble considéré comme étant digne de protection par une commune. Si ces dispositions règlementaires imposent certes aux communes, dans un souci de simplification administrative et d’harmonisation des instruments urbanistiques, de structurer leur étude préparatoire autour de trois piliers, à savoir l’analyse de la situation existante, le concept de développement et les schémas directeurs, et de les exposer à travers un élément graphique et un élément textuel, il appartient toutefois à chaque commune de cibler, en fonction des caractéristiques, des spécificités et de la taille de son propre territoire, les priorités à donner aux thèmes à analyser et le degré de précision à leur apporter, l’essentiel étant que les thèmes généraux énoncés dans le règlement grand-ducal du 8 mars 2017 EP-PAG soient traités, même succinctement, dans une étude préparatoire. Le fait que l’exposé consacré aux immeubles destinés à bénéficier d’un régime de protection tienne sur une demi-douzaine de pages seulement de l’étude préparatoire n’est dès lors pas constitutif, en tant que tel, d’une violation des articles 3, point 5 et 2, paragraphes (1) et (2) du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 EP-PAG.
A contrario, les dispositions règlementaires précitées n’interdisaient pas davantage à la commune de se limiter à énumérer dans la Section 2 de l’étude préparatoire les constructions qu’elle considérait comme des « besonders herausragende Gebäude4 ».
4 Page 82 de l’étude préparatoire.
15Le fait que l’immeuble des consorts … ne soit ni mentionné, ni a fortiori décrit dans l’élément textuel de l’étude préparatoire en cause ne saurait par conséquent rendre cette dernière lacunaire ou illégale.
S’agissant de l’élément graphique, le tribunal relève en premier lieu que les consorts … ne contestent pas le fait que le document intitulé « plan 5-3 Ensembles bâtis et éléments isolés protégés ou dignes de protection » figure dans la Section 1 de l’étude préparatoire et en fait ainsi partie intégrante.
Le tribunal souligne en outre que les parties demanderesses, après avoir contesté l’échelle de ce plan qui rendrait sa lecture prétendument illisible, reconnaissent néanmoins avoir pu identifier leur immeuble et constater que la commune envisageait de le grever d’une mesure de protection « construction à conserver ». Le tribunal ne saurait partant suivre les affirmations des consorts … selon lesquelles la commune aurait manqué de transparence à leur égard et aurait tenté de tenir secret le projet de classement de leur immeuble comme « construction à conserver ».
Les parties demanderesses reprochent encore à la commune de ne pas avoir rendu publique la « liste de bâtiments dignes de protection communale » mentionnée à l’article 5.4 de la Section 1 de l’étude préparatoire et dont les extraits pertinents ont été reproduits ci-dessus.
La commune a expliqué sur ce point ne pas avoir « connaissance d’une telle liste; les immeubles protégés figurent dans la partie graphique du PAG et ne sont pas listés dans un document séparé: c’est la partie graphique du PAG qui matérialise la liste.5 ».
Le fait que cette « liste », bien que mentionnée dans l’étude préparatoire, n’existe pas ou n’ait, à supposer qu’elle existe, pas été communiquée aux parties demanderesses, ne permet pas de conclure à une violation par la commune des articles 3, point 5 et 2, paragraphes (1) et (2) du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 EP-PAG.
En effet et comme le relève à juste titre la partie étatique, il importe peu que les immeubles considérés comme étant dignes de protection par la commune figurent sur une liste ou sur un plan, l’essentiel étant que les immeubles visés soient clairement identifiables pour les personnes concernées. Or, de l’aveu même des parties demanderesses, celles-ci ont pu identifier, sur base du « plan 5-3 Ensembles bâtis et éléments isolés protégés ou dignes de protection » et plus généralement de la partie graphique du projet de refonte du PAG, le classement projeté de leur immeuble, ce qui leur a permis de présenter en temps utile leurs observations et objections contre le projet de classement, puis de réclamer par la suite contre le projet de refonte du PAG auprès du ministre.
Il convient dès lors également de rejeter l’ensemble des développements des parties demanderesses relatifs à un défaut d’information individuelle et préalable.
Le moyen d’annulation articulé autour de la violation des articles 7 de la loi du 19 juillet 2004 et 3, point 5 ensemble avec l’article 2, paragraphes (1) et (2) du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 EP-PAG et de l’obligation « redditionnelle » des pouvoirs publics, outre le fait que ce terme n’a pas autrement été défini, ni expliqué par les parties demanderesses, est partant à rejeter.
5 Page 9 du mémoire en réponse de Maître Brice OLINGER.
16iii. Quant au moyen tiré de la violation de l’article 13, alinéa 2 de la loi du 19 juillet 2004 L’article 13 de la loi du 19 juillet 2004 dispose que :
« Dans le délai de trente jours de la publication du dépôt du projet dans les quatre quotidiens publiés et imprimés au Grand-Duché de Luxembourg, les observations et objections contre le projet doivent être présentées par écrit au collège des bourgmestre et échevins sous peine de forclusion.
Au cas où une ou plusieurs réclamations écrites ont été présentées dans le délai, le collège des bourgmestre et échevins convoque les réclamants qui peuvent, en vue de l’aplanissement des différends, présenter leurs observations. ».
Il ressort des travaux parlementaires ayant précédé la loi du 28 juillet 2011 que ce libellé « permet de respecter le droit de réclamation des citoyens en ce que tous ceux qui ont présenté une réclamation dans le délai prévu sont convoqués. En même temps, il tient compte de l’objectif de la simplification administrative en remplaçant « doit entendre » par le mot « convoque », puisque tous les réclamants sont convoqués, mais uniquement ceux qui donnent suite à cette convocation sont entendus. Le terme « différends » est jugé plus correct que le terme « difficultés » : il ne s’agit en général pas de résoudre des difficultés, mais de présenter des réclamations, des vues divergentes au sujet du projet d’aménagement général.
»6.
Ainsi, la réunion d’aplanissement des différends prévue à l’article 13 de la loi du 19 juillet 2004 n’impose pas au collège échevinal une obligation de résultat avec le but d’atteindre à tout prix une solution acceptable tant pour le réclamant que pour le collège échevinal, mais une obligation de moyens engendrant que le réclamant puisse de son côté présenter son point de vue par rapport au projet d’aménagement général et les incidences dudit projet sur sa propriété et que le collège échevinal présente au réclamant des éclaircissements afin d’écarter des malentendus, des explications destinées à justifier le choix urbanistique retenu, voire des propositions tenant compte dans une certaine mesure des objections ou critiques formulées7.
Le but ultime du mécanisme de l’aplanissement des différends est de rapprocher les parties sinon même de les concilier8. La réunion d’aplanissement des différends a partant lieu pour établir le dialogue entre l’administré et les autorités publiques.
En ce qui concerne l’audition des opposants proprement dite, si celle-ci autorise un comportement en partie passif de la part du collège échevinal, en ce sens que celui-ci n’est pas appelé à prendre immédiatement et concomitamment à l’audition une décision sur la position à arrêter en vue du vote par le conseil communal, elle comporte néanmoins également une part de discussion et de négociation, le collège échevinal pouvant le cas échéant être appelé à rencontrer les arguments des opposants, à discuter et négocier avec ceux-ci et éventuellement à leur soumettre des propositions de modification, le tout sur la toile de fond du but de l’audition des opposants, à savoir celui de solutionner à un niveau non contentieux, pour autant que possible, les différends existants - sans que toutefois une obligation de résultat ne pèse sur le collège échevinal. Cette recherche nécessaire d’une solution non contentieuse, si elle ne saurait 6 Doc. parl. n° 6023/7, p. 10.
7 Dans ce sens : trib. adm., 21 novembre 2007, n° 22633 du rôle, confirmé sur ce point par Cour adm., 29 mai 2008, n° 23891C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 128.
8 Cour adm., 15 novembre 2018, nos 41200C et 41210C du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.
17comme retenu ci-avant imposer au collège échevinal ou à tout autre organe communal une obligation de résultat, relève cependant d’une obligation de moyens qui résulte non seulement du texte même de la loi, qui mentionne l’aplanissement des différends, mais encore du fait que le législateur ait imposé l’audition des opposants en sus de la possibilité pour ces derniers d’introduire une réclamation écrite. Une telle obligation exclut que le collège échevinal puisse se cantonner dans une attitude purement passive, consistant à se limiter à prendre acte des réclamations réitérées oralement devant lui, puisqu’une telle attitude reviendrait à vider l’audition des opposants voulue par le législateur de tout sens, le seul « enregistrement » de réclamations au cours de l’audition faisant double emploi avec l’introduction préalable obligatoire de réclamations écrites, mais impose au collège des bourgmestre et échevins des efforts concrets en vue de l’aplanissement des différends, pouvant, comme indiqué ci-avant, consister en des éclaircissements destinés à écarter des malentendus, des explications destinées à justifier le choix urbanistique retenu, voire en des propositions tenant compte dans une certaine mesure des objections ou critiques formulées9.
En l’espèce, il ressort du dossier administratif que les parties demanderesses ont été convoquées à une première réunion d’aplanissement des différends qui s’est tenue en date du 3 juin 2019. Par courrier daté du 10 juin 2019, les parties demanderesses se sont plaintes du déroulement de cette réunion en reprochant en particulier au collège échevinal d’avoir refusé « d’entrer en discussion avec [elles] ». Suite à ce courrier, le bourgmestre de la commune a, par courrier du 9 juillet 2019, convoqué les consorts … à une réunion « complémentaire » d’aplanissement des différends qui s’est tenue le 16 juillet 2019. Il en ressort également que lors desdites réunions, les parties demanderesses ont notamment demandé la suppression de la mesure projetée de protection de leur immeuble comme « construction à conserver », revendication dont le collège échevinal a pris note et à l’égard de laquelle il a pris position en expliquant que ledit immeuble « répond à plusieurs critères de sauvegarde définis dans l’article 32. de la loi modifiée du 19 juillet 2014 ».
Les affirmations des parties demanderesses selon lesquelles la commune (i) aurait adopté une attitude purement passive à leur égard qui ne pouvait conduire à un aplanissement des différends, (ii) aurait refusé de leur adresser la parole, (iii) ne leur aurait fourni aucune explication destinée à clarifier le choix urbanistique de la mesure envisagée de protection individuelle de leur immeuble de préférence à d’autres immeubles voisins et (iv) n’aurait pas révélé le moindre indice permettant de comprendre et de discuter les critères retenus à la base de la mesure litigieuse ne sont dès lors pas établies.
Comme le relève à juste titre la partie étatique, le fait que les parties demanderesses n’aient pas prospéré dans leur demande de voir lever le projet de classement de leur immeuble comme « construction à conserver » ne permet en outre pas de conclure, ipso facto, à un dysfonctionnement de la procédure d’aplanissement des différends.
Il s’ensuit que le moyen relatif à la prétendue violation de l’article 13, alinéa 2 de la loi du 19 juillet 2004 est à rejeter pour ne pas être fondé.
9 Voir notamment, Trib. adm., 9 juillet 2018, n° 39668 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 131 et les autres références y citées.
18iv. Quant au moyen tiré de la violation du principe de transparence et du devoir de collaboration de l’administration Les parties demanderesses reprochent en premier lieu aux fonctionnaires communaux de ne pas leur avoir fourni d’informations en relation avec le classement projeté de leur immeuble comme « construction à conserver », respectivement de ne pas leur avoir montré la « liste » mentionnée à la page 119 de la Section 1 de l’étude préparatoire, comportement qui aurait au demeurant été encouragé par le collège échevinal.
Indépendamment ici encore de la question de savoir si cette liste a réellement existé ou non, ce qui est contesté par la commune, le tribunal rappelle que le projet de classement litigieux a été porté à la connaissance des parties demanderesses à travers le « plan 5-3 Ensembles bâtis et éléments isolés protégés ou dignes de protection » contenu dans la Section 1 de l’étude préparatoire et la partie graphique du projet de refonte du PAG, étant souligné à cet égard que ces dernières ont reconnu avoir pu identifier la mesure de protection litigieuse sur base de ces données graphiques, ce qui leur a permis de présenter leurs objections contre le projet de classement, puis de de formuler une réclamation contre le projet de refonte du PAG auprès du ministre.
Les arguments développés par les consorts … en relation avec cette « liste » et son défaut de communication sont partant à écarter dans leur intégralité pour être dénués de pertinence et de fondement.
Il convient ensuite de relever que les parties demanderesses ont indiqué, dans leur requête introductive d’instance, s’être rendues « dans les locaux du Service de M. l’Architecte-
Directeur des Travaux Municipaux pour inspecter les dossiers de la refonte du PAG mis sur orbite ». Sur base de leurs propres déclarations, les parties demanderesses ont ainsi pu consulter le dossier auprès de la commune, de sorte que leur argumentation liée à une prétendue absence de concours des fonctionnaires communaux ou une entrave à l’accès au dossier qui aurait été encouragée par le collège échevinal est à rejeter.
Pour être complet, l’argument selon lequel les parties demanderesses auraient ignoré sur base de quels critères leur immeuble aurait été sélectionné comme « construction à conserver » sera analysé ci-dessous sous l’angle du bien-fondé de la mesure litigieuse.
Finalement, dans la mesure où les parties demanderesses ont (i) inspecté « les dossiers de la refonte du PAG mis sur orbite », (ii) présenté leurs observations et objections contre le projet de classement de leur immeuble, (iii) assisté à deux réunions d’aplanissement des différends avec le collège échevinal et (iv) amplement fait valoir leur position dans le cadre de leur réclamation adressée au ministre, le tribunal ne saurait souscrire à leur thèse selon laquelle elles auraient été mises dans l’impossibilité de participer au processus décisionnel.
Le moyen tiré de la prétendue violation du principe de transparence et du devoir de collaboration de l’administration est partant à rejeter.
v. Quant au moyen tiré de la « violation de la compétence d’attribution basique au conseil communal » En ce qui concerne les critiques selon lesquelles le conseil communal n’aurait pas disposé du moindre élément d’appréciation pour imposer une mesure de protection sur 19l’ensemble de l’immeuble litigieux, ce qui l’aurait empêché, selon les parties demanderesses, de prendre une décision en toute connaissance de cause et aurait par conséquent entraîné une violation de sa compétence d’attribution de base, il échet de rappeler que suivant l’article 14, alinéas 1er et 3 de la loi du 19 juillet 2004, « Le projet d’aménagement général ensemble avec toutes les pièces mentionnées à l’article 10 est soumis avec l’avis de la commission d’aménagement et, le cas échéant, avec l’avis du ministre ayant dans ses attributions l’environnement, le rapport sur les incidences environnementales, les réclamations et les propositions de modifications du collège des bourgmestre et échevins, au conseil communal. », et « [le conseil communal] peut approuver le projet dans sa forme originale ou y apporter des modifications qui soit sont proposées par la commission d’aménagement, soit répondent en tout ou en partie à l’avis émis par le ministre ayant l’Environnement dans ses attributions, soit prennent en compte en tout ou en partie des observations et objections présentées. ».
Suivant la délibération du conseil communal du 5 février 2021 portant approbation du projet de refonte du PAG, tel que modifié suite aux réclamations et aux avis ministériels reçus, « le collège des bourgmestre et échevins, après avoir entendu les réclamants en vue de l’aplanissement des difficultés a soumis au conseil communal le résultat de cette mesure ensemble avec toutes les pièces et les plans modifiés ».
Il ressort en outre du dossier administratif que le conseil communal s’est rallié, lors de sa séance publique du 5 février 2021, à la proposition du collège échevinal pour ce qui concerne les objections des consorts … et que le document intitulé « Fiche propositions de modifications p/r aux observations et objections des réclamants » contenant notamment la fiche « RE-71 » relative aux objections des consorts … a été annexée à la délibération afférente.
Conformément aux explications fournies par la commune, les « fiches RE » visent en pratique à résumer les informations relatives à un immeuble pour permettre aux membres du conseil communal de disposer d’un document synthétique renseignant les caractéristiques essentielles de l’immeuble visé (localisation, situation, etc.) et le résumé des réclamations et des notes prises lors des réunions d’aplanissement des différends avec les réclamants.
Contrairement aux affirmations des parties demanderesses, la fiche synthétique en relation avec leurs revendications ne permet pas de conclure que le conseil communal n’aurait pas été valablement renseigné sur les caractéristiques de leur immeuble et les raisons de son projet de classement comme « construction à conserver ».
Dans la mesure où le conseil communal disposait d’éléments pour apprécier le projet litigieux de classement, le moyen tiré d’une prétendue « violation de la compétence d’attribution basique au conseil communal » est à rejeter.
vi. Quant au moyen tiré du défaut de motivation et de la violation de l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004 Il y a lieu de rappeler que les décisions sur les projets d’aménagement ont un caractère réglementaire. La décision d’approbation du ministre participe au caractère réglementaire de l’acte approuvé10. Le fait qu’un acte est susceptible d’avoir des effets sur un nombre indéterminé de personnes suffit à lui seul pour lui conférer le caractère d’un acte règlementaire, même s’il n’établit pas de mesure générale et abstraite. Les projets d’aménagement ont pour 10 Cour adm., 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 88 et les autres références y citées.
20but et pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des agglomérations qu’ils concernent et les régimes des constructions à y ériger. Ces dispositions s’imposent indistinctement à toutes les propriétés foncières comprises dans le rayon des plans11. Or, contrairement à ce qui est imposé pour les décisions administratives individuelles par l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, inapplicable en matière réglementaire conformément aux explications fournies ci-dessus, aucun texte n’oblige l’administration à formuler de manière expresse et explicite les motifs gisant à la base d’un acte à caractère réglementaire12.
Les allégations des parties demanderesses suivant lesquelles ces dernières auraient, au plus tard au moment de la mise sur orbite du projet de refonte du PAG, dû connaître la justification du projet de classement de leur immeuble comme « construction à conserver » sont dès lors à écarter. Il en va de même de leurs développements selon lesquels le défaut de communication de la « liste » mentionnée dans l’étude préparatoire serait constitutif d’un défaut de motivation et suffirait à entraîner l’annulation des décisions attaquées.
S’agissant en second lieu de la motivation de la décision d’approbation d’un projet d’aménagement général par le ministre, aux termes de l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004 :
« Le ministre statue sur les réclamations dans les trois mois qui suivent le délai prévu à l’article 16 alinéa 1, respectivement dans les trois mois suivant la réception des avis de la commission d’aménagement et du conseil communal prévus à l’article qui précède, en même temps qu’il décide de l’approbation définitive du projet d’aménagement général, qui prend dès lors la désignation de plan d’aménagement général. Avant de statuer, le ministre vérifie la conformité et la compatibilité du projet de plan d’aménagement général avec les dispositions de la loi, et notamment les objectifs énoncés à l’article 2, avec ses règlements d’exécution ainsi qu’avec les plans rendus obligatoires en vertu de la loi précitée du 17 avril 2018 et avec les objectifs énoncés à l’article 1er de la prédite loi. ».
Le ministre est partant investi d’une double compétence lorsqu’il statue dans le cadre de l’élaboration d’un PAG. Ainsi, d’une part, il statue sur les réclamations lui adressées contre la décision du conseil communal ayant adopté le projet d’aménagement général et, d’autre part, il décide de l’approbation définitive du projet d’aménagement général.
En ce qui concerne la motivation à indiquer pour justifier la prise d’un tel acte, les actes administratifs à caractère réglementaire doivent reposer sur de justes motifs légaux devant avoir existé au moment où ils ont été respectivement pris, motifs dont le juge administratif est appelé à vérifier tant l’existence que la légalité. Ces motifs doivent être retraçables, à la fois par la juridiction saisie et par les administrés intéressés, afin de permettre l’exercice effectif du contrôle juridictionnel de légalité prévu par la loi13.
Si le ministre n’a certes pas pris position par rapport aux arguments tirés de diverses irrégularités dans le cadre de la procédure d’adoption du projet de refonte du PAG, tels qu’invoqués par les parties demanderesses dans leur réclamation du 24 février 2021, il échet néanmoins de conclure qu’en rejetant la réclamation des parties demanderesses comme non 11 Cour adm., 17 juin 1997, n° 9481C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 89 et les autres références y citées.
12 Cour adm., 7 décembre 2004, n° 18142C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 120 et les autres références y citées.
13 Cour adm., 23 février 2006, n° 20173C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Actes réglementaires, n° 36 et les autres références y citées.
21fondée, le ministre a nécessairement rejeté l’ensemble des moyens avancés à l’appui de ladite réclamation.
Il y a en outre lieu de constater en l’espèce que la partie étatique a amplement motivé, dans le cadre de ses mémoires en réponse et en duplique, le rejet des arguments avancés par les parties demanderesses dans leur réclamation et réitérés en phase contentieuse.
Dès lors, indépendamment de toute considération quant au bien-fondé de l’argumentation ainsi avancée par la partie étatique, le tribunal est amené à conclure que la décision déférée du 29 octobre 2021 comporte une indication suffisante de la motivation à sa base pour permettre aux parties demanderesses de défendre leurs intérêts en connaissance de cause dans le cadre du présent recours en annulation et, corrélativement, pour permettre au tribunal d’exercer son contrôle de légalité.
La motivation du classement projeté d’un immeuble pouvant être fournie et complétée ultérieurement au cours de la procédure d’adoption d’un projet d’aménagement général, voire même au cours de la phase contentieuse, l’ensemble de l’argumentation développée par les consorts … en relation avec le caractère prétendument insuffisant, sinon tardif de la motivation du classement de leur immeuble est partant à rejeter.
Pour ces mêmes raisons, leur argumentation selon laquelle les documents transmis par les parties défenderesses à l’appui de leurs mémoires en réponse et en relation avec la motivation du classement de l’immeuble en cause devraient être écartés, faute d’avoir été communiqués en phase précontentieuse, est également à rejeter.
Cette conclusion n’est pas énervée par la référence faite par les parties demanderesses aux arrêts de la Cour administrative rendus les 21 octobre 2021 et 19 mai 2022 et inscrits respectivement sous les numéros 45871C et 47070C du rôle, alors que si la Cour administrative a, certes, dans le cadre du premier arrêt, rendu dans le cadre d’une affaire portant sur le droit de préemption, réaffirmé l’importance du respect des exigences de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, et a rappelé, dans le second arrêt, que le mécanisme de résorption des difficultés dans le cadre de la procédure d’adoption et d’approbation d’un PAG était appelé à s’étaler par étapes et se prolongeait jusqu’à l’arrêt de la Cour administrative qui statuera définitivement et résorbera en principe les difficultés, elle n’a toutefois pas érigé le « principe du dialogue » comme étant un principe général du droit en matière d’adoption d’un acte administratif à caractère réglementaire, tel qu’un PAG.
Les consorts … reprochent par ailleurs au ministre d’avoir repris dans sa décision le texte de l’avis de la commission d’aménagement émis en date du 27 septembre 2021.
Il échet à cet égard de rappeler que si, à la suite de l’émission d’un avis par la commission d’aménagement, le ministre partage les conclusions de cet avis, la décision ministérielle n’encourt aucune critique si elle reprend textuellement l’avis de la commission d’aménagement, à condition bien entendu d’avoir vérifié la conformité et la compatibilité du projet d’aménagement général avec notamment les dispositions de la loi du 19 juillet 200414.
Dans la mesure où les parties demanderesses se bornent à conclure que « la décision ministérielle entreprise reprend le texte de l’avis, dont elle est une copie collée », sans alléguer, 14 Trib. adm, 20 septembre 2021, n° 43747 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.
22ni a fortiori prouver que le ministre n’aurait pas procédé aux vérifications lui imposées par l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004, cette argumentation est également à rejeter.
Le moyen d’annulation tiré du défaut de motivation et de la violation de l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004 est partant à rejeter.
B) Quant à la légalité interne des décisions attaquées i. Quant au moyen tiré du caractère injustifié, voire disproportionné du classement litigieux En ce qui concerne le moyen des parties demanderesses relatif au caractère injustifié, voire disproportionné du classement opéré, le tribunal relève à titre liminaire que les autorités communales, lorsqu’elles initient des modifications de leurs plans d’aménagement, doivent être mues par des considérations légales d’ordre urbanistique ayant trait à l’aménagement des agglomérations et d’ordre politique tirées de l’organisation de la vie en commun sur le territoire donné, tendant les unes et les autres à une finalité d’intérêt général et dans ce contexte, lesdites autorités doivent veiller tant la conservation de l’esthétique urbaine qu’au développement rationnel des agglomérations15.
Dans ce contexte, il y a lieu d’insister sur le fait que, saisi d’un recours en annulation, le juge administratif est appelé à vérifier, d’un côté, si, au niveau de la décision administrative querellée, les éléments de droit pertinents ont été appliqués et, d’un autre côté, si la matérialité des faits sur lesquels l’autorité de décision s’est basée est établie. Au niveau de l’application du droit aux éléments de fait, le juge de l’annulation vérifie encore s’il n’en est résulté aucune erreur d’appréciation se résolvant en dépassement de la marge d’appréciation de l’auteur de la décision querellée. Le contrôle de légalité à exercer par le juge de l’annulation n’est pas incompatible avec le pouvoir d’appréciation de l’auteur de la décision qui dispose d’une marge d’appréciation. Ce n’est que si cette marge est dépassée que la décision prise encourt l’annulation pour erreur d’appréciation. Ce dépassement peut notamment consister dans une disproportion dans l’application de la règle de droit aux éléments de fait. Le contrôle de légalité du juge de l’annulation s’analyse alors en contrôle de proportionnalité16.
S’il est certes vrai que le choix d’entériner ou de ne pas entériner la modification d’un plan d’aménagement relève d’une dimension politique et échappe comme tel au contrôle des juridictions de l’ordre administratif saisies d’un recours en annulation, il n’en demeure pas moins que tout acte administratif doit reposer sur un motif dont le juge administratif vérifie tant l’existence que la légalité. Cette exigence découle du fait que le juge administratif a l’obligation de vérifier si les autorités administratives compétentes n’ont pas violé la loi, commis un excès de pouvoir ou un détournement de pouvoir et cette obligation de motivation existe également pour les actes à caractère réglementaire qui, quoique discrétionnaires, doivent être pris dans l’intérêt général, de sorte qu’il importe que les autorités administratives compétentes fassent connaître le ou les motifs qui les ont guidées dans leur décision, le contrôle 15 Trib. adm., 20 octobre 2004, n° 17604 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 217 et les autres références y citées.
16 Cour adm., 9 novembre 2010, n° 26886C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en annulation, n° 40 et les autres références y citées.
23exercé par le juge de l’annulation ne portant dès lors pas sur l’opportunité, mais sur la réalité et la légalité des motifs avancés17.
Quant aux objectifs devant guider les autorités communales lorsqu’elles initient des modifications de leurs plans d’aménagement, ainsi que l’autorité ministérielle, dans le cadre de l’exercice de son contrôle tutélaire, il y a lieu de se référer à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004, aux termes duquel : « Les communes ont pour mission de garantir le respect de l’intérêt général en assurant à la population de la commune des conditions de vie optimales par une mise en valeur harmonieuse et un développement durable de toutes les parties du territoire communal par:
(a) une utilisation rationnelle du sol et de l’espace tant urbain que rural en garantissant la complémentarité entre les objectifs économiques, écologiques et sociaux;
(b) un développement harmonieux des structures urbaines et rurales, y compris les réseaux de communication et d’approvisionnement compte tenu des spécificités respectives de ces structures, et en exécution des objectifs de l’aménagement général du territoire;
(c) une utilisation rationnelle de l’énergie, des économies d’énergie et une utilisation des énergies renouvelables;
(d) le développement, dans le cadre des structures urbaines et rurales, d’une mixité et d’une densification permettant d’améliorer à la fois la qualité de vie de la population et la qualité urbanistique des localités;
(e) le respect du patrimoine culturel et un niveau élevé de protection de l’environnement naturel et du paysage lors de la poursuite des objectifs définis ci-
dessus;
(f) la garantie de la sécurité, la salubrité et l’hygiène publiques. ».
L’article 6 de la loi du 19 juillet 2004 prévoit, quant à lui, que « Le plan d’aménagement général a pour objectif la répartition et l’implantation judicieuse des activités humaines dans les diverses zones qu’il arrête aux fins de garantir le développement durable de la commune sur base des objectifs définis par l’article 2 de la loi. ».
Il convient encore de noter que la décision d’adopter, respectivement de procéder à la refonte d’un PAG est, dans son essence même, prise dans l’intérêt général, cette caractéristique étant présumée jusqu’à preuve du contraire18.
Par ailleurs, il échet de rappeler que la mutabilité des PAG relève de leur essence même, consistant à répondre à des contraintes variables à travers le temps concernant à la fois les aspects urbanistiques de l’aménagement des agglomérations et le volet politique de la vie en commun sur le territoire donné19. Il s’ensuit qu’en se fondant sur des considérations d’ordre urbanistique correspondant à une finalité d’intérêt général, les autorités communales peuvent procéder à des modifications de leur règlementation urbanistique, pourvu toutefois que la décision soit proportionnelle à son objectif et qu’elle soit dépourvue d’un dépassement dans le 17 Trib. adm., 23 mars 2005, n° 18463 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Actes réglementaires, n° 35 et les autres références y citées.
18 Trib. adm., 23 juillet 1997, n° 9658 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en annulation, n° 10 et les autres références y citées.
19 Trib. adm., 7 mars 2001, n° 12233 du rôle, confirmé par Cour adm., 20 décembre 2001, n° 13291C du rôle, Pas.
adm. 2023, V° Urbanisme, n° 231 (1er volet) et les autres références y citées.
24chef des autorités compétentes de leur marge d’appréciation, analyse qui sera effectuée ci-
après.
En l’espèce, il est constant en cause que sous l’ancien PAG, la parcelle litigieuse était classée en « secteur urbanisé I ». Dans le cadre de la refonte complète du PAG, cette parcelle a été classée en zone MIX-u, superposée d’une zone « secteur protégé de type "environnement construit" » et l’immeuble implanté sur ladite parcelle a, en outre, été grevé d’une servitude « construction à conserver ».
Si les parties demanderesses ne contestent pas l’affectation de base de leur parcelle, à savoir son classement en zone MIX-u, ni sa superposition par un « secteur protégé de type "environnement construit" », elles contestent toutefois le classement de leur immeuble en « construction à conserver ».
Le régime de protection applicable à l’immeuble litigieux est défini comme suit à l’article 32.1 de la partie écrite du PAG refondu :
« Les secteurs et éléments protégés de type « environnement construit - C » constituent des zones superposées qui comprennent les quartiers ou parties de quartiers qu’il faut préserver afin de conserver leur identité, les caractéristiques propres de ces quartiers et l’histoire architecturale et urbanistique de la Ville d’Esch-sur-Alzette.
Ces secteurs comprennent des immeubles ou parties d’immeubles qui sont soumis à des règles particulières en raison de leur caractère historique et/ou esthétique.
Les secteurs et éléments protégés de type « environnement construit » sont marqués de la surimpression « C » dans la partie graphique du PAG.
Les règles particulières sont précisées dans la présente partie écrite et sont complétées dans les parties écrite et graphique du plan d’aménagement particulier « quartier existant ».
Pour les rues, parties de rue ou cités ouvrières dont la valeur architecturale est due surtout à leur caractère stylistique d’ensemble, c’est l’ensemble harmonieux du site qui déterminera les mesures protectrices à prendre pour garantir l’esthétique du site à l’occasion de travaux de construction ou de restauration à l’extérieur.
Les travaux à réaliser sur les constructions se trouvant dans le secteur protégé, ainsi que la construction de nouveaux immeubles doivent s’intégrer dans la structure caractéristique du bâti existant traditionnel. Les éléments caractéristiques à respecter sont le parcellaire, l’implantation, le gabarit, le rythme des façades, les murs et clôtures d’enceinte ainsi que les matériaux et teintes traditionnelles de la région. Ces éléments caractéristiques à respecter sont à transposer dans les constructions nouvelles ou transformations en ayant recours à une architecture contemporaine de qualité.
Les nouvelles constructions ou transformations qui pourraient porter préjudice au site peuvent être interdites.
Une Commission de femmes et d’hommes de métier, nommé par le Conseil Communal, peut être chargé sur demande du bourgmestre, d’aviser les demandes d’autorisation 25introduites pour des démolitions, des transformations et des constructions dans le secteur protégé de type « environnement construit ». ».
L’article 32.2 de la partie écrite du PAG refondu, poursuit, en ce qui concerne les constructions à conserver, que :
« […] Avant tout projet de travaux, l’élément protégé inscrit en tant que « construction à conserver », […] est confirmé par un levé établissant précisément l’emplacement, l’alignement, la profondeur, les hauteurs à la corniche et au faîtage et par reportage photographique (extérieur voire intérieur). Le levé et le reportage photographique accompagnent toute demande d’autorisation de construire.
Toute modification, transformation, agrandissement ou rénovation d’un élément protégé peut faire l’objet d’un avis à la Commission de femmes et d’hommes de métier.
Constructions à conserver :
Les constructions à conserver sont des bâtiments ou ensembles de bâtiments qui répondent à un ou plusieurs des critères suivants : authenticité de la substance bâtie, de son aménagement, rareté, exemplarité du type de bâtiment, importance architecturale, témoignage de l’immeuble pour l’histoire nationale, locale, sociale, politique, religieuse, militaire, technique ou industrielle. Ces bâtiments, y compris l’entourage qui les encadre, sont à conserver respectivement à restaurer dans leur état originel.
La démolition d’une construction à conserver est interdite et ne peut être autorisée uniquement pour des raisons de sécurité, de stabilité et de salubrité dûment constatées par un homme de l’art. La reconstruction doit respecter les servitudes relatives au secteur protégé de type environnement construit.
Des transformations et des agrandissements peuvent être admis à condition de s’intégrer harmonieusement dans le site et la structure urbaine et de ne pas nuire à la valeur artistique, historique, esthétique, archéologique ou à l’aspect architectural de la construction à conserver ». […] ».
Quant au cadre légal et règlementaire dans lequel s’insèrent ces dispositions, il échet de rappeler qu’aux termes du point (e) de l’article 2, précité, de la loi du 19 juillet, 2004, « Les communes ont pour mission de garantir le respect de l’intérêt général en assurant à la population de la commune des conditions de vie optimales par une mise en valeur harmonieuse et un développement durable de toutes les parties du territoire communal par […] le respect du patrimoine culturel […]. ».
Le règlement grand-ducal du 8 mars 2017 PAG, qui a été adopté en application de l’article 9 de la loi du 19 juillet 2004, dispose dans son article 32, intitulé « Secteurs et éléments protégés d’intérêt communal », comme suit :
« […] Les secteurs et éléments protégés de type « environnement construit » constituent les parties du territoire communal qui comprennent des immeubles ou parties d’immeubles dignes de protection et qui répondent à un ou plusieurs des critères suivants : authenticité de la substance bâtie, de son aménagement, rareté, exemplarité du type de bâtiment, importance architecturale, témoignage de l’immeuble pour l’histoire nationale, locale, sociale, politique, religieuse, militaire, technique ou industrielle. […] 26Ces secteurs et éléments sont soumis à des servitudes spéciales de sauvegarde et de protection. Les secteurs protégés de type « environnement construit » sont marqués de la surimpression « C ». Les secteurs protégés de type « environnement naturel et paysage » sont marqués de la surimpression « N ». Les secteurs protégés de type « vestiges archéologiques » sont marqués de la surimpression « A ». ».
A travers ces dispositions relatives aux « Secteurs et éléments protégés d’intérêt communal », le règlement grand-ducal du 8 mars 2017 PAG ne fait ainsi que préciser l’exercice, par les communes, de la faculté de définir, par voie réglementaire communale, les servitudes urbanistiques destinées à garantir le respect du patrimoine culturel20, étant relevé que la mise en place de telles servitudes urbanistiques, en ce qu’elles permettent le maintien de l’immeuble en son état, est justement indispensable pour atteindre l’objectif poursuivi de protection de l’immeuble en question.
Etant donné que suivant l’article 32, précité, les autorités communales sont habilitées à procéder à la création non seulement de secteurs, mais également d’éléments protégés de type « environnement construit », il relève de la logique du système mis en place par le législateur pour assurer le respect du patrimoine culturel, que les autorités communales sont autorisées à désigner un ou des éléments pris individuellement, correspondant à un immeuble ou à une partie d’immeuble digne de protection, sans devoir faire porter le régime de protection prévu à l’article 32 du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 PAG sur tout un secteur.
S’agissant du reproche des parties demanderesses selon lequel la mesure de protection litigieuse trouverait sa véritable source dans des réflexions émanant du SSMN, et ainsi de nature étatique, il convient de rappeler que le législateur a mis en place deux régimes distincts de protection des sites et monuments en adoptant, d’une part, la loi du 18 juillet 1983 concernant la conservation et la protection des sites et monuments nationaux21, applicable au présent litige, et en insérant, d’autre part, à l’article 2, point (e) de la loi du 19 juillet 2004, parmi les missions mises à charge des communes le « respect du patrimoine culturel ». Ces deux régimes de protection sont distincts comme relevant de la compétence d’autorités différentes et répondant à des critères spécifiques inscrits de part et d’autre dans des corps de textes différents à appliquer respectivement, chacun dans son contexte propre concerné22.
Ainsi, tandis que l’article 2, point (e) de la loi du 19 juillet 2004 vise à assurer une protection des sites et monuments culturels et historiques au niveau communal, les dispositions de la loi du 18 juillet 1983 s’inscrivaient dans un contexte général et tendaient au niveau national à la protection du patrimoine culturel et historique23. Il s’ensuit que le ministre, voire le Gouvernement en Conseil, au niveau de la procédure prévue par la loi du 18 juillet 1983 et le 20 Par analogie : trib. adm., 25 mai 2020, n° 40602 du rôle, c. par Cour adm., 6 mai 2021, n° 44738C du rôle, Pas.
adm. 2022, V° Urbanisme, n° 315 et les autres références y citées.
21 Abrogée entretemps par la loi du 25 février 2022 relative au patrimoine culturel.
22 Trib. adm., 26 février 2003, n° 14987 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n°487 et les autres références y citées.
23 V. à ce sujet l’exposé des motifs du projet de loi ayant abouti à la loi du 18 juillet 1983, énonçant l’objectif dudit projet comme suit : « la préservation de la continuité historique dans l’environnement est essentielle pour le maintien ou la création d’un cadre de vie qui permette à l’homme de trouver son identité et d’éprouver un sentiment de sécurité face aux mutations brutales de la société : un nouvel urbanisme cherche à retrouver les espaces clos, l’échelle humaine, l’interprétation des fonctions et la diversité socio-culturelle qui caractérisent les tissus urbains anciens". (Déclaration d’Amsterdam adoptée en 1975 à l'issue du Congrès sur le patrimoine architectural européen). ». Doc. parl. 2191, Rapport de la Commission de l’Education nationale et des Affaires culturelles du 24 mars 1983.
27conseil communal, au niveau de la procédure mise en place par la loi du 19 juillet 2004, statuent chacun dans sa propre sphère de compétence24.
Force est au tribunal de constater que si le SSMN a certes joué un rôle actif dans la détermination des immeubles à protéger à travers le PAG refondu, ce qui n’est pas contesté par la commune et résulte d’ailleurs de l’article 1.9.1. « Erhaltenswerte Gebäudeensembles und Einzelelemente gemäß der kommunalen Planung » de la Section 2 « Concept de développement », de l’étude préparatoire25, il n’en demeure pas moins que ce rôle s’est limité à l’émission de conseils et de recommandations, la décision finale étant en effet revenue aux autorités communales, sous l’approbation du ministre. Or, aucune disposition légale n’interdit aux communes de collaborer avec le SSMN, en vue de déterminer les immeubles dignes de protection au niveau communal, une telle démarche leur permettant d’assurer leur mission d’intérêt général de protection du patrimoine, leur conférée par l’article 2, point e) de la loi du 19 juillet 2004, en s’appuyant sur le savoir-faire spécialisé en la matière du service en question26. Les contestations des demandeurs quant à l’intervention du SSMN sont, dès lors, à rejeter.
En ce qui concerne ensuite la justification même du classement de l’immeuble litigieux en « construction à conserver » avancée par la commune, il y a lieu de rappeler que le conseil communal a décidé de suivre l’avis du collège échevinal suivant lequel ledit classement se justifierait par le fait que « Le bâtiment est dans la majorité de sa construction dans son état d’origine voire dans un état représentatif de l’époque des travaux. Ainsi l’immeuble concerné répond à plusieurs des critères de sauvegarde définis dans l’art. 32 de la loi modifiée du 19 juillet 2014 […] ».
A travers sa décision du 29 octobre 2021, le ministre a, de son côté, retenu que « […] l’immeuble en question remplit les critères d’authenticité de la substance bâtie et d’exemplarité du type de bâtiment de l’article 32 du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu du plan d’aménagement général d’une commune. En effet, les éléments d’encadrement, les corniches, les mansardes, les fenêtres sont autant de composantes de l’immeuble qui sont à conserver ».
Le document intitulé « INVENTAIRE ARCHITECTURAL DE LA VILLE D’ESCH/ALZETTE » d’août 1990, versé par la commune à l’appui de son mémoire en réponse, décrit les caractéristiques architecturales de l’immeuble des consorts … comme suit :
« Maison d’habitation unifamiliale avec un pignon libre où se trouve l’entrée et une partie de la maison en retrait. La façade en briques et pierre de taille compte une travée pour le corps de bâtiment aligné sur les autres constructions de cette rue. Une large baie en anse-
de-panier à encadrement en pierre de taille se trouve au r.-de-ch. La lucarne-pignon et la fenêtre du 1er étage sont réunies par un décor plastique. Détails particuliers : le socle avec parement à bossages, le rez-de-chaussée en pierre de taille, le bâtiment est couvert partiellement par des plantes grimpantes (pignon, annexe, cf. aussi cour de la maison no …).
24 V. en ce sens : Cour adm., 14 juillet 2011, n° 28102C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Sites et monuments, n°31 et l’autre référence y citée.
25 « Im Rahmen mehrerer Ortsbegehungen, die in Zusammenarbeit mit dem Service des Sites et Monuments Nationaux durchgeführt worden sind, wurden schutzwürdige Gebäude und Gebäudeensembles in der Stadt Esch identifiziert. […] ».
26 Trib. adm., 6 juillet 2020, n° 40569 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.
28La maison adjacente no … est le pendant (même traitement de la façade jusque dans les détails), mais celle-ci a été exhaussée malheureusement ».
Dans un avis - non daté - versé par la partie étatique, l’Institut national pour le patrimoine architectural (anc. SSMN) a également précisé ce qui suit :
« L’immeuble sis …, rue … à Esch-Alzette, tel qu’il se présente encore de nos jours, est un témoin authentique du début du XXe siècle.
A cette époque, Esch-sur-Alzette se trouvait en pleine expansion économique et connaissait une forte croissance démographique et urbaine. Dans ce contexte, il y a également lieu de noter qu’Esch-sur-Alzette s’est officiellement fait attribuer la qualification de ville en 1906. La maison en question date en effet de l’année 1908.
En ce qui concerne la rue …, celle-ci est une rue étroite et rectiligne qui s’est développée à plusieurs coups, à partir de la rue … de Sud-Ouest en Nord-Est pour finalement rejoindre ….
A sa période de construction, la maison sise …, rue … représentait l’extrémité d’un pâté de maisons contigües du côté nord d’une rue sans issue (cul-de-sac).
Le développement urbanistique de la rue était dirigé par un alignement obligatoire de chaque côté qui avait déterminé l’implantation rectiligne des maisons en bande. La maison sise …, érigée sur un plan irrégulier, a été planifiée comme le point final d’un groupe de maisons en bande et forme ainsi une exception à l’alignement imposé, car il ne suit l’alignement sur rue qu’en partie, tandis que l’autre partie de l’immeuble présente un recul avant et même un recul latéral.
Le plan de l’immeuble ainsi que son implantation avaient une influence sur la conception des façades. Les façades bien visibles du domaine public ont été mises en évidence par une architecture prestigieuse, contrairement à la façade postérieure qui est moins représentative en ce qui concerne ses modénatures et éléments décoratifs.
[…] L’immeuble sis …, rue … présente une architecture typique pour sa période de construction et constitue un véritable témoin de la Belle Epoque qui se met en évidence par son parement en briques colorées, en combinaison avec des surfaces enduites et des surfaces et éléments en pierre de taille. Il reflète donc aussi le développement économique de la ville à l’époque et témoigne des moyens existants pour rassembler des architectes, entrepreneurs et tailleurs de pierre d’un certain niveau.
Couronnée d’une toiture à la Mansart avec couverture en ardoises, la maison affiche une composition de façade harmonieuse, ordonnée par des chainages d’angle et des bandeaux horizontaux. Les baies de façade présentent des encadrements et éléments décoratifs bien et richement travaillés en ce qui concerne leur moulures et détails.
Il est possible d’identifier une hiérarchisation des parties de façades de la maison, en commençant par une travée plus richement décorée et très dominante sur rue qui veut se mettre 29en concurrence avec les façades dans son voisinage, suivie des autres parties, du côté latéral, qui deviennent de moins en moins dominantes en direction de la façade postérieure.
En même temps, toutes les parties du côté avant et latéral sont réunies par un socle, par un cordon profilé au premier niveau ainsi que par une corniche à denticules soutenue d’un bandeau à profil multiple, et forment ainsi une composition architecturale remarquable et à conserver.
Du côté avant, la maison affiche une seule travée qui présente une enfilade d'ouvertures axées de la cave jusqu’à la pièce mansardée de la toiture. Les ouvertures sont verticalement reliées entre elles et sont garnies par des éléments décoratifs.
Au rez-de-chaussée, la baie présente un encadrement à piédroits harpés et à arc surbaissé, couronné par un entablement profilé et par une clé de voûte avec motif de guirlande.
L’entablement et le cordon au premier niveau forment d’ailleurs un ensemble. La partie inférieure de la baie est marquée par une tablette profilée et par une allège avec motif floral.
Au premier étage, la baie est cadrée, dans sa partie inférieure, par une tablette profilée, posée sur modillons à goûtes et, dans sa partie supérieure, par un arc segmentaire avec clé de voûte intégrant un motif floral et avec des consoles à volutes et à gouttes sur lesquelles se pose l’encadrement de la baie de la toiture mansardée.
Au niveau de la toiture mansardée, la baie présente un encadrement à arc surbaissé qui est, entre autres, garni de volutes et d’un entablement profilé à gouttes.
Du côté latéral, une seconde travée aligne entrée principale, baie du premier étage et baie de la toiture mansardée. Ces baies sont aussi cadrées par des éléments décoratifs en pierre, mais moins dominants que ceux de la travée principale. L’entrée principale présente un encadrement à arc segmentaire avec clé de voûte; la baie du premier étage présente dans sa partie inférieure une tablette profilée avec table à gouttes et dans sa partie supérieure un arc segmentaire avec clé de voûte à surface rentrante. L’ouverture en toiture est matérialisée par un œil de bœuf à volutes.
Dans la partie en parement à briques de la façade latérale, une cartouche avec entablement profilé indique l’année de construction 1908.
En outre, la maison présente encore un bon nombre de menuiseries traditionnelles telles que des fenêtres en bois montrant des subdivisions bien adaptées ou la porte d’entrée en bois aux motifs floraux avec baie d’imposte et panneau principal vitré avec grille en fer forgé, inspirée du style art nouveau.
Le revêtement du passage vers l’entrée principale ainsi que les escaliers devant celle-
ci ont été modifiés. Il s’agit d'une intervention malheureuse survenue lors de travaux de rénovation qui ne remet cependant nullement en question l’authenticité architecturale de l’immeuble qui a été globalement conservée.
Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, deux annexes ont été rajoutées à la maison de 1908, ceci dans le recul postérieur. Il s’agit d’un garage avec pièce aménagée au-dessus et d’une extension adossée à la façade postérieure de la maison historique.
30Le garage, juxtaposé à la maison, a été réalisé dans l’esprit architectural de l’époque et il présente lui-même ainsi que dans ses alentours un ensemble de finitions formant une unité de style et de matériaux.
Il s’agit en effet du portail de garage à panneaux vitrés, du garde-corps de balcon au-
dessus du garage, du portail d’entrée sur rue à panneaux pleins, de la porte à grille sur rue et du garde-corps menant vers la porte d'entrée, tous réalisés en fer forgé.
Cet ensemble, composé du garage et des aménagements à l’entrée au terrain, est représentatif et exemplaire pour sa période de construction et coexiste paisiblement avec la maison historique sans avoir un impact négatif. Cette architecture typique pour la période de l’après-guerre se qualifie par une certaine sobriété et par sa matérialité. En effet, un grand nombre de bâtiments ont, à partir des années 1950 et 1960, été dotés de portes, portails et garde-corps en fer forgé.
En outre, il est encore à indiquer que le garage dispose d’une caractéristique commune avec la maison historique qui est le parement partiel en briques colorées. Dans le présent cas, elle peut être vue comme un trait d’union entre l’architecture classique et l’architecture moderne.
La seconde annexe, située derrière la maison, n’est pas visible du domaine public. En se référant aux photographies versées par la partie adverse, il y a lieu de constater que la façade postérieure, non visible du domaine public, est bien plus sobre que les façades tournées vers le domaine public en affichant, au premier étage, des encadrements de baies à arc segmentaire sans autres éléments décoratifs distinctifs. La façade postérieure fait bien évidemment partie de l’immeuble historique à conserver, bien que son importance est subordonnée.
Dans ce contexte, il est à indiquer que les maisons en bande ont assez souvent reçu une extension du côté postérieur qui permettait de répondre à des besoins spécifiques tels qu’une augmentation des surfaces habitables ou la création d’infrastructures nouvelles ou plus modernes.
L’INPA estime que cette extension présente probablement aucun intérêt de sauvegarde et qu'elle pourrait alors même être remplacée par une nouvelle extension.
La protection communale en tant que construction à conserver, mise en place par le plan d’aménagement général de la Ville d’Esch-sur-Alzette, pour la maison sise …, rue … est parfaitement justifiée, car l'immeuble en question répond au moins aux critères de l’« authenticité de la substance bâtie » et de l’« exemplarité du type de bâtiment ». Il en est de même pour le garage datant de 1957. En revanche, la protection de l’annexe adossée à la façade postérieure du bâtiment de 1908 peut être remise en question ».
Au vu de ce qui précède, le tribunal constate, à l’instar de la partie étatique, que l’immeuble litigieux se distingue par plusieurs éléments typiques d’une construction du début du XXème siècle, à savoir une toiture mansardée ornée d’une lucarne-fronton du côté de la rue …, un œil-de-bœuf du côté latéral, des ornements à denticules au niveau de la corniche, de nombreux éléments décoratifs finement travaillés, un parement en briques colorées, etc. Les encadrements et décors des fenêtres, de même que les éléments décoratifs ornant la façade sont exemplaires et présentent un niveau de conservation remarquable, le tribunal relevant dans ce 31contexte que les photographies communiquées par les parties demanderesses ne sauraient infirmer ce constat, alors que ces dernières se sont contentées de verser des photographies des seuls garage et annexe.
Force est également de constater que la construction principale n’a pas subi de modifications substantielles depuis son édification en 1908, soit il y a plus d’un siècle, et a été maintenue essentiellement dans son style d’origine. Dans leur courrier adressé le 9 avril 2019 au collège échevinal, les consorts … ont d’ailleurs indiqué que « l’immeuble construit en 1908 se trouve dans un état d’entretien général à qualifier de faible. Des travaux de transformation, de réhabilitation et de modernisation sont à prévoir » et ont partant elles-mêmes confirmé le fait que leur immeuble se trouvait, dans la majorité de sa construction, dans son état d’origine, respectivement dans un état représentatif de l’époque des travaux.
Au vu des qualités architecturales indéniables de l’ensemble de l’immeuble en cause et de ses nombreux éléments caractéristiques d’époque toujours intacts et préservés, le tribunal ne saurait suivre les affirmations des parties demanderesses suivant lesquelles leur immeuble serait sans intérêt historique, culturel, artistique ou architectural, étant encore relevé à cet égard que le simple fait que l’immeuble en question se soit vu adjoindre des annexes au courant des années 1950 n’est pas de nature, à lui seul, à affecter de manière notoire, l’authenticité de la substance bâtie et son importance architecturale dans son intégralité.
Le tribunal est partant amené à retenir que l’immeuble litigieux, pris dans son ensemble, remplit plusieurs des critères énoncés à l’article 31.2 de la partie écrite du PAG refondu et de l’article 32, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 PAG, à savoir l’authenticité de la substance bâtie, l’exemplarité du type du bâtiment, l’importance architecturale et le témoignage de l’immeuble pour l’histoire locale.
Le fait que l’immeuble en cause ne remplisse pas le critère de rareté n’a aucune incidence en l’espèce et ne saurait justifier l’annulation de la mesure de protection. Si la rareté figure certes parmi les critères de classement énumérés à l’article 32 du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 PAG, le tribunal ne saurait en effet suivre les affirmations des parties demanderesses suivants lesquelles l’importance du critère de rareté dans le contexte d’une mesure de protection aurait été soulignée par la Cour administrative qui exigerait « qu’une telle mesure ne puisse s’appliquer qu’à l’égard d’une construction qui « constituerait un exemplaire représentatif d’un genre ou d’un type de construction devenant rare et dont la perte entraînerait non seulement sa disparition, mais aussi la disparition du genre de bâti lui-
même » ». Les critères énoncés par l’arrêt de la Cour administrative du 8 mai 2018, inscrit sous le numéro 40542C du rôle, tel que cité ci-dessus par les parties demanderesses, ne sont toutefois pas applicables en l’espèce, dans la mesure où l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt visait les critères à remplir en vue du classement d’un immeuble en application de la loi modifiée du 18 juillet 1983 concernant la conservation et la protection des sites et monuments et non de deux à remplir en vue du classement d’un immeuble en application du règlement grand-ducal précité du 8 mars 2017.
Les contestations des parties demanderesses en relation avec l’absence de rareté de leur immeuble sont donc dépourvues de fondement et de pertinence.
Cette même conclusion s’impose en ce qui concerne l’argument des parties demanderesses suivant lequel elles devront, en raison du classement de leur immeuble comme « construction à conserver », informer le ministre compétent de tout projet de démolition, totale 32ou partielle, et des transformations de leur immeuble au plus tard au moment de la demande d’autorisation de construire ou de démolir.
Au vu des considérations qui précèdent, la mise en place du régime de « construction à conserver » se trouve justifiée à suffisance de droit au regard de l’objectif d’intérêt général du respect du patrimoine culturel, au sens de l’article 2, point e) de la loi du 19 juillet 2004. Il s’ensuit que le tribunal ne saurait déceler un dépassement de la marge d’appréciation de la commune, ni un quelconque excès ou détournement de pouvoir, de sorte que le moyen afférent encourt également le rejet pour être non fondé.
ii. Quant au moyen tiré de la violation du principe d’égalité S’agissant du moyen afférent au principe d’égalité, il y a d’abord lieu de rappeler que le principe constitutionnel de l’égalité devant la loi, tel qu’inscrit à l’article 10bis de la Constitution, dans sa version applicable au présent litige, suivant lequel tous les Luxembourgeois sont égaux devant la loi, applicable à tout individu touché par la loi luxembourgeoise si les droits de la personnalité, et par extension les droits extrapatrimoniaux sont concernés, ne s’entend pas dans un sens absolu, mais requiert que tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit soient traités de la même façon. Le principe d’égalité de traitement est compris comme interdisant le traitement de manière différente de situations similaires, à moins que la différenciation soit objectivement justifiée. Il appartient par conséquent aux pouvoirs publics, tant au niveau national qu’au niveau communal, de traiter de la même façon tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit. Par ailleurs, lesdits pouvoirs publics peuvent, sans violer le principe de l’égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents, à condition que les différences instituées procèdent de disparités objectives, qu’elles soient rationnellement justifiées, adéquates et proportionnées à leur but27. Pour que le principe d’égalité devant la loi puisse être valablement mis en œuvre, il convient partant de pouvoir dégager deux situations comparables par rapport auxquelles une inégalité de traitement puisse être utilement invoquée.
Force est au tribunal de constater que les consorts … restent en défaut de soumettre des éléments suffisants de nature à faire admettre qu’ils se trouveraient dans une situation comparable à celle des propriétaires des immeubles cités dans leur requête introductive d’instance et leur mémoire en réplique.
Conformément aux développements qui précèdent, l’immeuble des parties demanderesses présente en effet des éléments typiques et remarquables de l’architecture du début du 20ème siècle. Il revêt manifestement une qualité et une importance architecturale supérieures à celles des immeubles sis sous les numéros … à … de la rue …, dont les façades ne sont pas ornées d’éléments décoratifs remarquables et ne présentent aucun cachet particulier.
S’y ajoute que l’immeuble des parties demanderesses n’a pas subi de modifications substantielles, contrairement à l’immeuble qui lui est directement accolé, sis sous le numéro …. Dans le document intitulé « INVENTAIRE ARCHITECTURAL DE LA VILLE D’ESCH/ALZETTE » et daté d’août 1990, la commune avait d’ailleurs pris soin de déplorer le fait que « la maison adjacente no … est le pendant (même traitement de la façade jusque dans les détails), mais celle-ci a été exhaussée malheureusement ». La fiche technique annexée à ce 27 Trib. adm., 6 décembre 2000, n° 10019 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Lois et règlements, n° 9 et les autres références y citées.
33document renseigne également, au titre des dégradations subies par l’immeuble sis au numéro … un « [e]xhaussement gênant », ainsi que des transformations opérées au niveau de la façade au rez-de-chaussée (revêtement escalier) et des portes.
L’immeuble sis au numéro … a, suivant toute vraisemblance, également subi des modifications substantielles et récentes, de sorte à ne pas être authentique, et contient au demeurant des éléments insignifiants, sans comparaison possible avec les éléments décoratifs ornant la façade de l’immeuble litigieux.
Les immeubles sis aux numéros … à … de la rue …, outre le fait que leur date de construction et partant leur histoire sont inconnues, n’ont finalement pas de façade traditionnelle en briques jaunes et ne comportent pas d’éléments sculptés ou tout autre élément décoratif remarquable, de sorte qu’ils ne présentent pas les mêmes caractéristiques architecturales que celles de l’immeuble litigieux.
C’est partant à bon droit que la commune a traité de manière différente les immeubles sis aux numéros …, …, …, …, …, …, … et … de la rue …, en raison du fait que les immeubles en question ne présentent pas des qualités esthétiques ou architecturales similaires, comparables ou équivalentes à celles de l’immeuble litigieux. Le fait que la commission d’aménagement ait, dans son avis du 7 octobre 2019, pu recommander à la commune d’envisager de protéger les immeubles précités ne change rien à cette conclusion.
Le moyen afférent encourt dès lors le rejet.
Au vu de ces développements, les contestations des parties demanderesses relatives au classement de leur immeuble en « construction à conserver » sont à rejeter dans leur intégralité.
➢ Quant à la demande relative à la définition de la zone MIX-u contenue à l’article 5 de la partie écrite du PAG refondu L’article 9, paragraphe (1) alinéa 2 de la loi du 19 juillet 2004 prévoit, entre autres, que les définitions des diverses zones sont arrêtées par règlement grand-ducal.
L’article 9, paragraphe (2) du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 PAG, adopté en application de la prédite disposition légale, définit la zone MIX-u comme suit :
« La zone mixte urbaine couvre les localités ou parties de localités à caractère urbain.
Elle est destinée à accueillir des habitations, des activités de commerce dont la surface de vente est limitée à 10.000 m2 par immeuble bâti, des activités de loisirs, des services administratifs ou professionnels, des hôtels, des restaurants et des débits de boissons, des équipements de service public, des établissements de petite et moyenne envergure, ainsi que des activités de récréation.
Pour tout plan d’aménagement particulier « nouveau quartier », la part minimale de la surface construite brute à réserver à l’habitation ne pourra être inférieure à 25 pour cent.
La commune peut déroger au principe des 25 pour cent si les caractéristiques ou les particularités du site l’exigent ».
34La zone MIX-u a été définie de la manière suivante à l’article 5 de la partie écrite du PAG refondu :
« La zone mixte urbaine couvre les parties de la Ville d’Esch-sur-Alzette à caractère urbain. Elle est destinée à accueillir, dans des proportions qui varient en fonction de la localisation et de sa vocation, des habitations, des activités de commerce et d’artisanat dont la surface de vente est limitée à 4.000 m2 par immeuble bâti, des services administratifs ou professionnels, des hôtels, des restaurants et des débits de boisson, des établissements scolaires ainsi que des activités de récréation.
De manière générale, y sont interdits les constructions et les établissements qui par leur nature, leur aspect, leur volume, leur importance et/ou leurs émissions olfactives et/ou sonores seraient incompatibles avec la sécurité, la salubrité, la commodité et la tranquillité d’un quartier mixte.
Pour tout plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » exécutant une zone mixte urbaine, la part minimale de la surface construite brute à réserver à l’habitation ne pourra être inférieure à 25%. ».
Le tribunal est amené à constater, à l’instar des parties demanderesses, que l’article 5 de la partie écrite du PAG refondu diffère de l’article 9, paragraphe (2) du prédit règlement grand-ducal du 8 mars 2017 PAG en ce que ledit article 5 comporte (i) une limitation de la surface de vente réservée aux activités de commerce à 4.000 m2 et (ii) les ajouts suivants par rapport au texte règlementaire : « dans des proportions qui varient en fonction de sa localisation et de sa vocation » et « De manière générale, y sont interdits les constructions et les établissements qui par leur nature, leur aspect, leur volume, leur importance et/ou leurs émissions olfactives et/ou sonores seraient incompatibles avec la sécurité, la salubrité, la commodité et la tranquillité d’un quartier mixte. ».
Si le libellé de l’article 5 de la partie écrite du PAG refondu n’est certes pas identique, à la lettre, à celui de l’article 9, paragraphe (2) du prédit règlement grand-ducal du 8 mars 2017 PAG, c’est toutefois à juste titre que la partie étatique invoque l’article 7 du prédit règlement, inscrit sous la section 3 intitulée « Indications complémentaires », aux termes duquel : « Pour chaque zone ou partie de zone, les modes d’utilisation du sol peuvent être précisés en fonction des particularités et des caractéristiques propres du site. Exceptionnellement, si les caractéristiques ou les particularités du site l’exigent, la création de nouvelles zones dénommées « zones spéciales » est admise. ».
Il ressort de cette disposition qu’en dehors des hypothèses exceptionnelles dans lesquelles la création de nouvelles zones est permise, les autorités communales disposent d’une certaine marge d’appréciation dans la détermination du mode d’utilisation du sol des différentes zones, par rapport aux dispositions du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 PAG, sous condition que les éventuelles divergences soient dictées par les particularités et les caractéristiques propres du site en question.
A cet égard, la partie étatique explique que (i) la zone MIX-u est constituée principalement du centre historique de la Ville d’Esch-sur-Alzette et concerne notamment la voie piétonne de la rue de l’Alzette qui accueille de nombreux commerces de petite ou de moyenne taille, (ii) la majeure partie de la zone est visée par le classement en zone superposée « secteur protégé de type "environnement construit" » et (iii) de nombreux immeubles au sein 35de cette zone sont classés comme « construction à conserver » ou comme « construction avec des éléments identitaires à conserver ». La partie étatique en conclut que le tissu urbain existant ne se prête pas à l’implantation d’immeubles d’une surface de vente de plus de 4.000 m2 et que la volonté de protéger le patrimoine bâti du centre historique de la commune et d’y maintenir des commerces de petite et de moyenne taille est de nature à justifier la limitation de la surface de vente à 4.000 m2.
Compte tenu de ces explications, qui n’ont pas été autrement contestées par les parties demanderesses, le tribunal est amené à retenir que la limitation querellée n’est pas disproportionnée et s’inscrit dans la marge d’appréciation des autorités communales, telle qu’elle a été consacrée par l’article 7 du règlement grand-ducal précité du 8 mars 2017 PAG.
Les parties demanderesses affirment ensuite que les règles relatives à la sécurité, la salubrité, la commodité et la tranquillité n’auraient pas leur place dans l’article 5 de la partie écrite du PAG. Elles restent toutefois en défaut d’étayer cette affirmation de manière suffisamment concrète pour permettre au tribunal de prendre position, étant rappelé, dans ce contexte, qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer la carence d’une partie dans la présentation d’un moyen.
S’agissant finalement de la portion de phrase « dans des proportions qui varient en fonction de sa localisation et de sa vocation » ajoutée à l’article 5, alinéa 1er de la partie écrite du PAG, le tribunal relève que les parties demanderesses se contentent en substance d’affirmer que cette disposition ne figure pas à l’article 9, paragraphe (2) du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 PAG, sans pour autant expliquer dans quelle mesure un tel ajout resterait « la porte d’entrée vers le plus pur arbitraire » ou conduirait au « trafic d’influence et [au] népotisme ».
De tels développements, purement abstraits et non autrement établis, sont par conséquent à rejeter.
Le moyen tiré d’une prétendue illégalité de l’article 5 de la partie écrite du PAG refondu est partant à rejeter pour ne pas être fondé.
Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent et à défaut de tout autre moyen, le recours en annulation sous analyse est à déclarer non fondé.
V. Quant à la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure Les parties demanderesses sollicitent la condamnation tant de l’Etat que de la commune à leur payer à chacune une indemnité de procédure de 3.000,- euros sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives. Cette demande est à rejeter au vu de l’issue du litige.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
36rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure de 3.000,- euros, telle que formulée par les parties demanderesses ;
condamne les parties demanderesses aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 25 juillet 2024 par :
Thessy Kuborn, premier vice-président, Annemarie Theis, premier juge, Caroline Weyland, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 25 juillet 2024 Le greffier du tribunal administratif 37