La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/07/2024 | LUXEMBOURG | N°48027

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 juillet 2024, 48027


Tribunal administratif N° 48027 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:48027 3e chambre Inscrit le 7 octobre 2022 Audience publique extraordinaire du 25 juillet 2024 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers

___________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48027 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 7 octobre 2022 par Maître Patrice R. MBONYUMU

TWA, avocat à la Cour, assisté de Maître Aminatou KONE, avocat, tous deux inscrits au tab...

Tribunal administratif N° 48027 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:48027 3e chambre Inscrit le 7 octobre 2022 Audience publique extraordinaire du 25 juillet 2024 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48027 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 7 octobre 2022 par Maître Patrice R. MBONYUMUTWA, avocat à la Cour, assisté de Maître Aminatou KONE, avocat, tous deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Sénégal), de nationalité sénégalaise, demeurant actuellement au Sénégal et élisant domicile en l’étude de son litismandataire sise à L-1611 Luxembourg, 1, avenue de la Gare, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 7 juillet 2022 portant interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de trois ans à son encontre ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 6 janvier 2023 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 3 février 2023 par Maître Patrice R. MBONYUMUTWA pour compte de son mandant, préqualifié ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Elias JEDIDI, en remplacement de Maître Patrice R. MBONYUMUTWA, et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel RUPPERT en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 14 mai 2024.

Le 2 novembre 2016, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère de l’Immigration et de l’Asile, direction de l’Immigration, désigné ci-après par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Par décision du 30 novembre 2018, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée envoyée le 4 décembre 2018, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre » rejeta la demande de protection internationale de Monsieur …, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Le recours introduit contre ladite 1décision du 30 novembre 2018 fut rejeté définitivement par un arrêt de la Cour administrative du 10 mars 2020, inscrit sous le numéro 43988C du rôle.

Il ressort ensuite d’une note au dossier du 22 juillet 2020 que Monsieur … ne s’est pas présenté au ministère à un rendez-vous le 21 juillet 2020.

En date du 23 novembre 2021, le ministre pria la police grand-ducale de procéder au signalement national de Monsieur … aux fins de découvrir sa résidence.

En date du 5 avril 2022, les autorités allemandes adressèrent à leurs homologues luxembourgeois une demande de reprise en charge de Monsieur … sur base de l’article 18, paragraphe (1), point b) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III », laquelle fut acceptée par ces derniers en date du 13 avril 2022.

Il ressort ensuite d’un rapport de la police grand-ducale, dit « Fremdennotiz », portant le numéro …, daté du 16 mai 2022, émanant du Commissariat de police Région Capitale, …, qu’en date du même jour l’épouse de Monsieur … appela la centrale de la police grand-ducale pour informer cette dernière, d’une part, de l’expiration de l’autorisation de séjour allemande de Monsieur … et, d’autre part, de l’adresse au Luxembourg à laquelle celui-ci résiderait audit moment, adresse à laquelle Monsieur … fit, le même jour, l’objet d’un contrôle d’identité de la police grand-ducale.

Par arrêté du même jour, notifié à l’intéressé à cette même date, le ministre ordonna le placement au Centre de rétention de Monsieur … pour une durée d’un mois à partir de la notification de l’arrêté en question. Le recours introduit contre ledit arrêté du 16 mai 2022 fut rejeté par un jugement du tribunal administratif du 9 juin 2022, inscrit sous le numéro 47515 du rôle.

Par arrêtés des 13 juin et 12 juillet 2022, le ministre prorogea la prédite mesure de placement à l’encontre de Monsieur … à chaque reprise pour une durée supplémentaire d’un mois à partir de la notification de l’arrêté en question, respectivement avec effet au 16 juillet 2022.

Par décision du 7 juillet 2022, notifiée en mains propres à l’intéressé en date du 20 juillet 2022, le ministre prononça à l’égard de Monsieur … une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée de trois ans, à partir de sa sortie du territoire luxembourgeois ou à partir de sa sortie de l’espace Schengen, ladite décision étant motivée comme suit :

« […] Vu l’article 124 (2) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu ma décision de retour du 30 novembre 2018, lui notifiée par courrier recommandé ;

Attendu que l’intéressé s’est néanmoins maintenu sur le territoire ; […]. » Par courrier de son litismandataire daté au 13 juillet 2022, Monsieur … demanda au ministre l’octroi d’un sursis à l’éloignement, demande qui fut refusée par décision du ministre du 19 juillet 2022.

2Il ressort ensuite du dossier administratif que Monsieur … fut éloigné vers … au Sénégal en date du 20 juillet 2022 et que par courrier du 21 juillet 2022, le ministre pria la police grand-

ducale de procéder au signalement de Monsieur … dans le système d’information Schengen (SIS) pour « ENTREE A REFUSER », laquelle y procéda en date du même jour.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 7 octobre 2022, inscrite sous le numéro 48027 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation contre la décision précitée du ministre du 7 juillet 2022 prononçant à son égard une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée de trois ans, à partir de sa sortie du territoire luxembourgeois ou à partir de sa sortie de l’espace Schengen.

Dans la mesure où ni la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après « la loi du 29 août 2008 », ni aucune autre disposition légale n’instaure un recours au fond en matière de refus de séjour, d’ordre de quitter le territoire et d’interdiction de séjour, l’article 113 de la loi du 29 août 2008 prévoyant expressément un recours en annulation contre les décisions visées aux articles 109 et 112 de la même loi, le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation introduit, lequel est encore recevable pour avoir été, par ailleurs, introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur reprend les faits et rétroactes ci-avant, tout en faisant valoir qu’il serait arrivé au Luxembourg en 2016, qu’il y aurait travaillé en tant que concierge de juin 2018 à janvier 2020, moyennant un contrat de travail à durée indéterminée conclu avec la société « … », et qu’il aurait payé ses cotisations à la sécurité sociale et ses impôts durant cette période.

Il aurait ensuite travaillé à … dans le secteur de l’industrie jusqu’en mai 2021, avant de se rendre en Allemagne où il se serait marié à une ressortissante allemande et où il se serait vu délivrer une autorisation de séjour provisoire, laquelle aurait expiré en date du 16 mai 2022.

Le demandeur explique ensuite que suite à la dégradation de sa relation conjugale, son épouse l’aurait expulsé de leur domicile conjugal. Il se serait alors « réfugié » au Luxembourg chez un ami, puis au sein d’un foyer, puis chez son cousin.

En droit, l’intéressé conclut en premier lieu à un excès de pouvoir dans le chef du ministre, alors que la décision déférée serait, compte tenu de sa situation personnelle, pas proportionnée à l’objectif poursuivi et ce tant en ce qui concerne le principe d’une interdiction d’entrée sur le territoire, que la durée de trois ans de ladite interdiction.

A cet égard, le concerné fait valoir (i) qu’il aurait, depuis son entrée sur le territoire luxembourgeois, créé des attaches tant sociales que personnelles stables, dans la mesure où il aurait « participé à l’essor économique du pays » durant plusieurs années, (ii) qu’il aurait tenté de régulariser sa situation administrative après le refus de sa demande de protection internationale et (iii) qu’il aurait disposé d’une autorisation de séjour provisoire lors de son séjour en Allemagne.

Le demandeur conclut ensuite à une violation de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, désignée ci-après « la CEDH », en ce que le ministre aurait méconnu son droit au respect de sa vie privée et familiale.

3Après avoir cité la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, désignée ci-après par « la CourEDH », en la matière, le demandeur précise, dans ce contexte, qu’il aurait entretemps, au péril de sa vie, été éloigné vers le Sénégal, pays qu’il aurait dû fuir en 2016 par craintes de persécutions du fait de son homosexualité et où il n’aurait plus aucune attache.

Il explique que, depuis son arrivée au Luxembourg, il aurait développé des liens sociaux, professionnels et familiaux solides, notamment avec son cousin auprès duquel il aurait séjourné suite à la séparation de son épouse et lequel aurait également pris un engagement de prise en charge à son égard.

Le demandeur en conclut que la décision déférée constituerait une ingérence dans sa vie privée et familiale qui ne serait ni nécessaire, ni proportionnée, de sorte que celle-ci encourrait l’annulation de ce chef.

Dans son mémoire en réplique, Monsieur … entend réfuter l’argumentation de la partie étatique suivant laquelle il aurait travaillé de manière illégale au Luxembourg, en répliquant que cet élément serait sans pertinence par rapport au fait qu’il aurait établi des liens sociaux, professionnels et familiaux au Luxembourg.

Il fait, par ailleurs, plaider que le délégué du gouvernement n’établirait pas en quelle mesure le fait que son cousin serait marié et aurait des enfants aurait une influence sur l’intensité des liens familiaux entre lui et ce dernier, ces liens étant, d’après le demandeur, précisément démontrés par l’engagement de prise en charge de celui-ci.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

A titre liminaire, le tribunal relève que lorsqu’il est saisi d’un recours en annulation, il a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et de contrôler si cette décision n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger des intérêts privés1.

En ce qui concerne tout d’abord le principe de l’édiction d’une interdiction d’entrée sur le territoire à l’encontre du concerné, il y a lieu de constater que l’article 124 de la loi du 29 août 2008 dispose, dans sa version applicable au jour de la prise de la décision litigieuse, comme suit : « (1) Les décisions de retour qui comportent pour l’étranger un délai tel que prévu à l’article 111, paragraphe (2) pour satisfaire volontairement à une obligation de quitter le territoire ne peuvent être exécutées qu’après expiration du délai imparti […]. Si l’étranger ne satisfait pas à l’obligation de quitter le territoire dans le délai lui imparti, l’ordre de quitter le territoire peut être exécuté d’office et l’étranger peut être éloigné du territoire par la contrainte. […] (2) Passé le délai visé au paragraphe (1) qui précède, une interdiction d’entrée sur le territoire conforme aux conditions prévues à l’article 112, paragraphe (1) est prononcée par 1 Cour. adm., 4 mars 1997, n° 9517C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en annulation, n° 39 et les autres références y citées.

4le ministre à l’encontre de l’étranger qui se maintient sur le territoire et notifiée dans les formes prévues à l’article 110. […] ».

L’article 112, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, auquel il est renvoyé à l’article 124 précité, quant à lui prévoit que « (1) Les décisions de retour peuvent être assorties d’une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée maximale de cinq ans prononcée soit simultanément à la décision de retour, soit par décision séparée postérieure. Le ministre prend en considération les circonstances propres à chaque cas. Le délai de l’interdiction d’entrée sur le territoire peut être supérieur à cinq ans si l’étranger constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale. […] ».

En l’espèce, le tribunal constate qu’il est constant en cause que la demande de protection internationale de Monsieur … a été rejetée par une décision du ministre du 30 novembre 2018, décision dans laquelle il lui a été enjoint de quitter le territoire dans un délai de 30 jours à partir du jour où celle-ci est devenue définitive, en l’occurrence à partir du 10 mars 2020, date de l’arrêt précité de la Cour administrative confirmant définitivement ladite décision et l’ordre de quitter le territoire y contenu.

Il ressort encore des propres développements du demandeur que celui-ci qu’il n’a, suite audit arrêt, pas quitté le territoire, mais s’y est maintenu tout en y travaillant jusqu’en mai 2021, de sorte qu’il est établi qu’il s’est maintenu sur le territoire luxembourgeois au-delà du délai lui accordé par la décision de retour précitée.

Or, conformément à l’article 124, paragraphe (2) de la loi du 29 août 2008, le maintien, par un étranger, sur le territoire luxembourgeois au-delà du délai lui accordé par une décision de retour pour quitter volontairement le territoire a pour conséquence automatique la prise d’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire à son encontre, le ministre, investi d’une compétence liée, ne disposant d’aucun pouvoir d’appréciation quant au principe de la prise d’une telle décision, contrairement à la fixation de la durée de l’interdiction d’entrée prononcée, pour laquelle il dispose d’un pouvoir discrétionnaire, sous réserve du respect du maximum légal de cinq ans2.

Ce constat n’est pas énervé par l’affirmation du demandeur suivant laquelle il aurait « participé à l’essor économique du pays » en cotisant à la sécurité sociale et en payant des impôts, qu’il aurait tenté de régulariser sa situation administrative, ou encore qu’il aurait disposé d’une autorisation de séjour provisoire en Allemagne, alors que, tel que relevé à bon droit par la partie étatique, le concerné ne disposait d’aucune autorisation de séjour au Luxembourg pendant lesdites périodes, de sorte que son séjour y était illégal.

Il s’ensuit qu’au regard des conditions de l’article 124 de la loi du 29 août 2008, aucun excès de pouvoir ne saurait être reproché au ministre en ce qu’il a prononcé une interdiction d’entrée sur le territoire à l’égard de Monsieur …, étant relevé que la proportionnalité de la durée de ladite mesure fera l’objet d’une analyse ci-dessous.

Quant à l’argumentation fondée sur l’article 8 de la CEDH, celui-ci dispose que « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2 Trib. adm., 3 décembre 2015, n° 35823 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 732 et les autres références y citées.

5 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

Dans ce contexte, il convient de relever que l’étendue de l’obligation des Etats contractants d’admettre des non-nationaux sur leur territoire dépend de la situation concrète des intéressés mise en balance avec le droit des Etats à contrôler l’immigration.

Ainsi, l’article 8 de la CEDH ne confère pas directement aux étrangers un droit de séjour dans un pays précis. Pour pouvoir utilement invoquer ladite disposition, il faut que le demandeur puisse faire état de l’existence d’une vie familiale effective et stable que l’interdiction d’entrée sur le territoire perturberait de façon disproportionnée.

La notion de vie familiale ne se résume pas uniquement à l’existence d’un lien de parenté, mais requiert un lien réel et suffisamment étroit entre les différents membres dans le sens d’une vie familiale effective, c’est-à-dire caractérisée par des relations réelles et suffisamment étroites parmi ses membres, et existante, voire préexistante à l’entrée sur le territoire national3.

En l’espèce, le tribunal constate que le demandeur reste en défaut de verser un quelconque élément établissant une vie familiale effective et stable au Luxembourg, alors que non seulement il ne ressort pas de l’engagement de prise en charge signé le 9 juillet 2022 par un dénommé … que celui-ci serait lié au demandeur par un quelconque lien de parenté, mais que l’intéressé reste encore en défaut de verser un quelconque autre élément établissant des relations réelles et suffisamment étroites avec ce prétendu cousin, voire avec d’autres membres de famille sur le territoire luxembourgeois, ses affirmations quant aux attaches sociales au Luxembourg restant, par ailleurs, également à l’état de pures allégations.

Il s’ensuit que le ministre a, sans méconnaître l’article 8 de la CEDH, pu prononcer une interdiction d’entrée sur le territoire à l’encontre du demandeur et que le moyen tendant à un excès de pouvoir dans le chef du ministre encourt le rejet.

En ce qui concerne les contestations du demandeur concernant le caractère proportionné de la durée de l’interdiction d’entrée sur le territoire prononcée à son encontre se basant, en substance, sur les mêmes éléments de fait, il échet de rappeler que le ministre dispose, tel que mentionné dans les développements qui précèdent, d’un pouvoir discrétionnaire pour la fixation de la durée de l’interdiction d’entrée sur le territoire.

Le pouvoir discrétionnaire du ministre n’échappe toutefois pas au contrôle des juridictions administratives, en ce que le ministre ne saurait verser dans l’arbitraire. Ainsi, confronté à une décision relevant d’un pouvoir d’appréciation étendu, le juge administratif, saisi d’un recours en annulation, est appelé à vérifier, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, si les faits sur lesquels s’est fondée l’administration, sont matériellement établis 3 Cour adm., 12 octobre 2004, n° 18241C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 479 et les autres références y citées.

6à l’exclusion de tout doute et s’ils sont de nature à justifier la décision, de même qu’il peut examiner le caractère proportionnel de la mesure prise par rapport aux faits établis, en ce sens qu’au cas où une disproportion devait être retenue par le tribunal administratif, celle-ci laisserait entrevoir un usage excessif du pouvoir par l’autorité qui a pris la décision4.

Or, force est de constater que, contrairement à ce qu’affirme le demandeur, le fait qu’il s’est maintenu sur le territoire luxembourgeois malgré l’ordre de quitter le territoire prononcé à son égard par la décision ministérielle précitée du 30 novembre 2018, sans disposer d’une autorisation de séjour au Luxembourg, et d’y avoir travaillé de manière clandestine jusqu’en mai 2021 n’attestent pas de son intégration au Luxembourg, mais, au contraire, de son refus de donner suite à l’ordre de quitter le territoire précité et de se conformer aux lois en vigueur.

Dans la mesure où le tribunal vient, par ailleurs, de retenir que le demandeur reste en défaut d’établir une quelconque attache sociale ou familiale au Luxembourg, le tribunal ne saurait, tant au regard de l’article 124 de la loi du 29 août 2008, qu’au regard de l’article 8 de la CEDH, déceler un excès de pouvoir de la part du ministre en ce qu’il a fixé la durée de l’interdiction d’entrée sur le territoire à trois ans, celui-ci n’ayant en effet pas dépassé sa marge d’appréciation, étant encore relevé que la durée ne dépasse pas celle prévue à l’article 112, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 de sorte que le moyen du demandeur y afférent encourt le rejet pour être non fondé.

Au vu de ce qui précède et à défaut d’autres moyens, le recours en annulation est à rejeter pour être non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, déclare le recours non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 25 juillet 2024 par :

Thessy Kuborn, premier vice-président, Laura Urbany, premier juge, Sibylle Schmitz, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 25 juillet 2024 4 Trib. adm., 27 février 2013, n° 30584 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 729 et les autres références y citées.

7Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 48027
Date de la décision : 25/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-07-25;48027 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award