Tribunal administratif N° 47367 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47367 5e chambre Inscrit le 28 avril 2022 Audience publique extraordinaire du 9 août 2024 Recours formé par A, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de retenue d’impôts sur le revenu de capitaux
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 47367 du rôle et déposée le 28 avril 2022 au greffe du tribunal administratif par Monsieur X, expert-comptable, agissant en sa qualité d’associé de la société anonyme B SA, établie et ayant son siège social à L-…, au nom de A, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 15 février 2022 portant rejet de sa réclamation introduite le 26 janvier 2022 à l’encontre des décisions de refus de remboursement de retenues à la source sur les revenus de capitaux émises par le Bureau d’imposition … ainsi que le Bureau d’imposition … de l’administration des Contributions directes les 16 respectivement 23 décembre 2021 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 septembre 2022 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision directoriale critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Tom KERSCHENMEYER en sa plaidoirie à l’audience publique du 28 février 2024, Monsieur X étant excusé.
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Par deux courriers séparés du 8 décembre 2021, la société anonyme B SA, ci-après désignée par « la société B », adressa au bureau d’imposition … ainsi qu’au bureau d’imposition … de l’administration des Contributions directes, ci-après désignés respectivement par « le bureau d’imposition …» et « le bureau d’imposition …», au nom et pour le compte de A des demandes de remboursement de retenues à la source prélevées sur des distributions de dividendes perçus par A en 2020 de la part de la société anonyme C SA, respectivement de la société anonyme D SA, de la société anonyme E SA et de la société anonyme F SA.
Par quatre décisions séparées des 16, respectivement 23 décembre 2021, le bureau d’imposition …, respectivement le bureau d’imposition …, refusèrent de faire droit à ces demandes de remboursement.
Par deux courriers séparés de son litismandataire du 20 janvier 2022, A fit introduire des réclamations auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, désigné ci-
après par « le directeur », à l’encontre des décisions de refus de remboursement des bureaux d’imposition, prémentionnées.
Par décision du 15 février 2022, portant les numéros du rôle C30554 et C30555, le directeur rejeta comme étant non fondées les réclamations introduites par A. Cette décision est libellée comme suit :
« […] Vu les deux requêtes introduites en date du 26 janvier 2022 par le sieur Y, de la société coopérative B, au nom de A, pour réclamer contre trois décisions du bureau d’imposition … datées du 16 décembre 2021 et une décision du bureau d’imposition … datée du 23 décembre 2021, rejetant à chaque fois une ou plusieurs demandes en restitution de retenue d’impôt sur les revenus de capitaux en relation avec des dividendes alloués par les sociétés anonymes suivantes ;
- C (bureau d’imposition …, date d’attribution : 23 avril 2020), - D (bureau d’imposition …, date d’attribution : 17 février 2020), - E (bureau d’imposition …, date d’attribution : 12 mai 2020), - F (bureau d’imposition …, dates d’attribution : 2 juillet 2020 et 4 décembre 2020) ;
Vu le dossier fiscal ;
Vu les §§ 102, 107, 228, 235, n° 5, 238, 254, alinéa 2 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;
Considérant que, les deux requêtes, portées au rôle sous les numéros respectifs C 30554 et C 30555, ayant un objet connexe, il y a lieu de les joindre dans l’intérêt d’une bonne administration de la loi ; que le fait de joindre les deux requêtes ne dispense pas d’examiner chaque acte attaqué en lui-même et selon ses propres mérites et ne saurait imposer une jonction qu’il est loisible au directeur des contributions de prononcer lorsque les instances lui paraissent suffisamment connexes ;
Quant à la recevabilité Considérant, étant donné les dispositions du § 252 AO, qu’il convient tout d’abord d’analyser la qualification à conférer aux requêtes introduites par le réclamant en date du 26 janvier 2022 ;
Considérant que le réclamant, débiteur de l’impôt, fait grief au bureau d’imposition de ne pas avoir donné une suite favorable à ses demandes en restitution des retenues d’impôt sur les revenus de capitaux en relation avec les dividendes susénoncés ;
Considérant qu’en vertu des dispositions de l’alinéa 1er de l’article 149 de la loi concernant l’impôt sur le revenu (L.I.R.), le débiteur des revenus doit opérer la retenue d’impôt pour compte du bénéficiaire et est personnellement responsable de l’impôt qu’il a retenu ou qu’il aurait dû retenir ; que suivant l’alinéa 2 du même article, le bénéficiaire des revenus est le débiteur de l’impôt ; que le bénéficiaire des revenus ne peut pas introduire une réclamation contre le bulletin non formel (« nicht förmlicher Steuerbescheid » suivant le § 212 AO) portant fixation d’une retenue à la source sur revenus de capitaux qui seul est destiné au débiteur des revenus ;
Considérant que l’alinéa 1er du § 150 AO vise les cas où le remboursement d’impôts peut être exigé, partant où le droit au remboursement est établi et n’a qu’à être invoqué par le 2 contribuable ; qu’en vertu de l’alinéa 2 du même paragraphe, le bureau d’imposition compétent est obligé de matérialiser son refus de remboursement de l’impôt par un bulletin ;
qu’il s’ensuit que « l’existence du droit à restitution ne doit pas être établie à suffisance de droit au moment de la soumission de la demande de restitution par le contribuable, mais qu’il incombe au bureau d’imposition de statuer sur la réalité de ce même droit » (Tribunal administratif du 23 juillet 2003, n° 15907 du rôle) ;
Considérant que les droits des créanciers de revenus de capitaux sont réglés par le § 152, alinéa 2, n° 1 AO (études fiscales, Jean Olinger, n° 81/82/83/84/85, page 73) ; qu’en l’occurrence, le réclamant, qui est en principe le bénéficiaire des revenus de capitaux, peut contester la retenue opérée en soumettant une demande de restitution ;
Considérant qu’en l’espèce, le réclamant a soumis aux bureaux d’imposition compétents de telles demandes de restitution pour les dividendes susmentionnés ;
Considérant dès lors et en matière de principe notamment qu’il s’agit du bulletin communiquant la décision du refus de restitution de la part de chaque bureau d’imposition qui ouvre le droit à une réclamation devant le directeur des contributions sur base des §§ 228 et 235, n° 5 AO ;
Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu’elles sont partant recevables ;
Quant au fond Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens du réclamant, la loi d’impôt étant d’ordre public ;
qu’à cet égard le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-
fondé ; qu’en l’espèce la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;
Considérant qu’en date du 8 décembre 2021 (dividendes attribués par les sociétés anonymes D, E et F) et du 15 décembre 2021 (dividendes attribués par la société anonyme C), le réclamant a adressé les demandes en restitution ci-avant énoncées, demandes ayant donné lieu aux décisions litigieuses ;
Considérant que l’article 147 L.I.R. prévoit l’exemption de la retenue d’impôt prévue à l’article 146 L.I.R. des revenus alloués par un organisme à caractère collectif résident pleinement imposable et revêtant une des formes énumérées à l’annexe de l’article 166, alinéa 10 L.I.R., ou par une société de capitaux résidente pleinement imposable non énumérée à l’annexe de l’article 166, alinéa 10, à certains organismes à caractère collectif limitativement énumérés à l’article 147, numéro 2, lettres a) à h) L.I.R. ;
Considérant qu’il n’est pas litigieux que A n’est pas un organisme à caractère collectif expressément visé par l’article 147, numéro 2, lettres a) à h) L.I.R. ;
Considérant qu’à l’appui de ses requêtes, le réclamant estime « que la législation luxembourgeoise applicable quant au prélèvement d’une retenue à la source sur les dividendes distribués à des personnes morales de droit public étrangères, sans possibilité de 3 remboursement, constitue une infraction au droit communautaire, plus précisément à l’article 63 du traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) » ;
Considérant qu’il expose qu’une « restriction aux libertés fondamentales existe lorsqu’une différence de traitement entre une situation purement domestique et une situation transfrontalière peut-être mise en évidence. La situation des contribuables résidents et non-
résidents sujets à cette différence doit être objectivement comparable.
Dans le cas présent, A est une personne morale de droit public assimilable à l’Etat luxembourgeois dans sa fonction étatique. A exerce en l’espèce une activité d’investissement en portefeuille d’actions, comme peut le faire l’Etat luxembourgeois.
En outre, l’Etat luxembourgeois ne tombant pas dans le champ d’application de la LIR, ses revenus sont de facto exemptés d’impôts. A est de façon similaire exempté d’impôts au ….
La situation des deux Etats est par conséquence objectivement comparable. » ;
Considérant que, s’appuyant sur certains arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne, le réclamant invoque qu’ « une personne résidente (i.e., l’Etat luxembourgeois) et une personne non-résidente (i.e., A) se trouvant dans une situation objectivement comparable sont donc soumises à un traitement différent, caractéristique d’une restriction discriminatoire aux droits et libertés garantis par l’article 63 du TFUE » et que « tout impôt prélevé sur base de dispositions législatives contraires au droit communautaire doit être remboursé à la société ayant indûment subi l’impôt. » ;
Considérant qu’il échet de rappeler au réclamant que la question de l’espèce, consistant à déterminer si le prélèvement d’une retenue à la source sur des dividendes distribués par des sociétés luxembourgeoises au réclamant constitue une restriction contraire à la libre circulation des capitaux instituée par l’article 63 TFUE, a déjà été tranchée par la Cour administrative dans le cadre de recours qu’il a lui-même introduits à l’encontre de décisions de rejet de ses réclamations contre des décisions de refus de remboursement de retenues à la source émises en 2012 ; qu’ainsi, par trois arrêts du 5 mai 2015, inscrits sous les nos 34319C, 34320C et 34321C, du rôle, la Cour administrative statua comme suit :« (…) si … est prima facie dans une situation comparable à celle de l’Etat luxembourgeois, s’agissant de deux Etats nationaux ayant investi dans les mêmes sociétés résidentes, cette comparabilité cesse nécessairement face à l’impôt luxembourgeois. En effet, l’Etat luxembourgeois revêt la double qualité d’investisseur dans des sociétés luxembourgeoises qui perçoit les revenus produits par ses investissements, en l’occurrence les dividendes du chef de ses participations dans des sociétés luxembourgeoises, et de puissance publique nationale jouissant de la souveraineté fiscale pour taxer toute matière imposable présentant un lien avec le pays, dont notamment les dividendes distribués par des sociétés luxembourgeoises en faveur des investisseurs à travers une retenue à la source. Or, dans la mesure où les dividendes lui alloués par des sociétés luxembourgeoises lui reviennent de toute façon intégralement, l’Etat luxembourgeois peut valablement décider de ne pas percevoir ces mêmes dividendes à hauteur de 85% sous cette qualification et à hauteur de 15% sous forme d’une retenue à la source, mais de les recevoir intégralement sous le qualificatif de dividendes en dispensant la société débitrice luxembourgeoise de l’obligation de prélever la retenue à la source, d’autant plus que l’Etat luxembourgeois n’est pas tenu de s’assujettir lui-même à une imposition de ses revenus en sa qualité de bénéficiaire de l’impôt sur le revenu des collectivités. Par contre, comme il le soutient lui-même, A agit similairement à un investisseur étranger qui, de ce fait, subit la 4 retenue d’impôt luxembourgeoise et qui pourra imputer cette dernière sur sa charge d’impôt définitive dans son pays de résidence seulement d’après les conditions prévues par la convention préventive de double imposition applicable ou de la législation interne de l’Etat de résidence. Tout comme une exonération d’impôt en faveur d’un investisseur privé, le fait que A ne s’est pas lui-même assujetti à une imposition de ses revenus d’investissement, de manière que la retenue d’impôt luxembourgeoise a l’effet d’une imposition définitive, n’est pas de nature à obliger l’Etat de la source des dividendes, en l’occurrence le Luxembourg, à faire abstraction du prélèvement de la retenue d’impôt dans la mesure où celle-ci correspond à l’exercice d’une compétence fiscale propre à l’Etat de source sur toutes les distributions qui ne sont pas attribuées à lui-même.
Il est vrai que la CJUE a déjà décidé que si les sociétés bénéficiaires résidentes d’un autre Etat membre ne se trouvent en principe pas nécessairement dans une situation comparable à celle des sociétés bénéficiaires résidentes de l’Etat de source à l’égard des mesures prévues par ce dernier afin de prévenir ou d’atténuer l’imposition en chaîne, la situation desdites sociétés non résidentes se rapprocherait de celle des sociétés résidentes à partir du moment où un Etat membre, de manière unilatérale ou par voie conventionnelle, assujettit à l’impôt sur le revenu non seulement les sociétés résidentes, mais également les sociétés non résidentes, de manière qu’un actionnaire non résident recevant une distribution de dividendes serait dans une situation comparable à celle d’un actionnaire résident notamment dans le cas où ils exercent une activité économique comparable. Or, en premier lieu, l’Etat luxembourgeois ne peut pas être considéré comme exerçant exclusivement une activité économique comparable à celle de A en ce qu’il est également titulaire de la souveraineté fiscale nationale par rapport à des distributions de bénéfices à partir de sociétés luxembourgeoises. Pour le surplus, l’article 147 LIR ne prévoit des exemptions de la retenue d’impôt sur les dividendes que dans le cadre du régime d’exemption entre sociétés mères et filiales, en cas d’identité de personne entre le débiteur et le bénéficiaire des revenus et en faveur de certains organismes d’investissement collectifs, de manière que A ne peut pas non plus utilement prétendre à être assimilé à l’un des bénéficiaires de ces exemptions. Il s’y ajoute que l’article 150 LIR limite les droits de restitution de la retenue d’impôt sur les dividendes à des organismes, œuvres ou collectivités poursuivant des buts considérés globalement comme relevant de l’intérêt général, condition qui ne se trouve pas vérifiée dans le chef de A.
L’argument de l’appelant relatif à l’assimilation de l’Etat luxembourgeois à un acteur économique par l’article 147 (2) c) LIR ne saurait pas non plus être accueilli. En effet, les travaux parlementaires relatifs à la LIR précisent que « l’exonération s’applique par analogie aux participations de l’Etat » (projet de loi sur l’impôt sur le revenu, doc. part. 5714, commentaire des articles, p. 293). Or, une analogie est d’une manière générale le rapport existant entre des choses ou entre des personnes qui présentent certains caractères communs, mais qui ne sont pas identiques, voire similaires par ailleurs. Ainsi, l’article 147 (2) c) LIR ne peut pas être interprété comme ayant entièrement assimilé l’Etat luxembourgeois à un investisseur privé, mais doit être compris comme ayant étendu le régime d’exemption de retenue à son profit en raison de certaines similitudes de sa situation par rapport à la finalité d’une exemption. En effet, alors que l’investisseur privé bénéficie sous certaines conditions de l’exemption afin de prévenir une double imposition économique, l’Etat profite de la même mesure afin de prévenir une division artificielle du revenu des dividendes dont il est appelé à bénéficier entièrement. Ces deux situations ont ainsi pour point commun l’inopportunité du prélèvement de la retenue d’impôt quoique pour des motifs différents et ne sont pas assimilables pour le surplus.
5 Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que A ne peut pas utilement invoquer à son profit la libre circulation des capitaux consacrée par l’article 63 TRIE pour contester le refus de lui restituer les retenues d’impôt litigieuses. » ;
Considérant que les conclusions de la Cour administrative précitées sont parfaitement transposables au cas d’espèce de sorte que le moyen du réclamant est à rejeter sur ce fondement ; que c’est partant à juste titre que les demandes de restitution des retenues en cause ont été rejetées par les bureaux d’imposition compétents ;
PAR CES MOTIFS reçoit les réclamations en la forme, les rejette comme non fondées. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 28 avril 2022, A a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du directeur, précitée, du 15 février 2022.
Conformément aux dispositions combinées des §§ 228 et 235, alinéa (5) de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8, paragraphe (3), point 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre un bulletin portant refus d’un remboursement sollicité.
Le tribunal est dès lors compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit à l’encontre de la décision directoriale, précitée, du 15 février 2022.
Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
Moyens des parties Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement soulève l’irrecevabilité du recours, (i) à titre principal, pour absence de qualité à agir dans le chef de A, et (ii) à titre subsidiaire, pour absence d’un mandat ad litem valable.
En ce qui concerne l’absence de qualité à agir dans le chef de A, le délégué du gouvernement met en avant que le recours serait introduit par A pour solliciter le remboursement de retenues à la source prélevées en 2020 sur des titres détenus par la G, ci-
après désigné par « le G », et le H, ci-après désigné par « le H ».
Il fait valoir que si, selon A, ces dernières autorités « [seraient] responsables de la gestion de nombreux actifs représentant la réserve nationale de A » et qu’ « aucun transfert de propriété juridique ou économique n’[aurait] lieu et que les actifs reste[raient] à tout moment la propriété juridique et économique directe de A », le simple fait d’alléguer avoir la qualité de propriétaire juridique et économique ne serait pas suffisant pour justifier la qualité à agir de A en l’espèce.
Il donne dans ce contexte à considérer qu’il ressortirait des certificats de retenues à la source versés en cause que ceux-ci seraient adressés à la G ou à la « I », respectivement au « G J » et que les dividendes seraient versés sur des comptes appartenant « à ce dernier ». D’autres certificats se limiteraient à indiquer « K » ou « L » sans indication quelconque quant à l’identité du propriétaire des titres. Eu égard au fait que le G constituerait une personne morale de droit public autonome comportant une personnalité juridique propre, il existerait un doute substantiel sur la qualité de propriétaire des titres et de bénéficiaire des dividendes versés, de sorte que l’existence de la qualité à agir dans le chef de A resterait à établir.
En ce qui concerne ensuite le moyen tiré de l’absence d’un mandat at litem, le délégué du gouvernement fait, en premier lieu, valoir que A ne serait pas mandant du « mandat ad litem » versé en cause, lequel émanerait, en effet, de la part de « la personne morale de droit public G, constituée en vertu de l’article 2 de la loi n° 47/1982 du 13 juin 1982 sous la forme d’une autorité publique d’investissement autonome, représentée par Mr. Z ».
Il met en avant que l’article 1er de la « … » du 13 juin 1982, ci-après designee par « la loi n°47/1982 », disposerait que « An independent public authority shall be established with juridical status to be named the "MM" and be attached to the Minister of Finance. The seat of the authority shall be in … and it may set up offices outside …. », tout en soulignant, à cet égard, que le recours sous analyse confirmerait que la G serait « une autorité publique d’investissement autonome, distincte de A ».
Il s’ensuivrait que la G disposerait d’une personnalité juridique propre qui se différencierait de celle de A.
Toutefois, dans la mesure où, en l’espèce, le mandat ad litem serait émis par la G et non pas par A, le recours serait irrecevable, à défaut de mandat de la part de A pour introduire un recours à l’encontre de la décision directoriale litigieuse.
En deuxième lieu, le délégué du gouvernement soutient que le mandat ad litem ne serait pas valable faute de pouvoir de représentation de son signataire, en se prévalant, à cet égard, de l’article 6 de la loi n°47/1982, lequel déterminerait le mode de fonctionnement de la G et de ses organes, ainsi que ses pouvoirs de représentation à l’égard des tiers en stipulant à ce titre que « The Chairman of the Board of Directors shall represent the Authority before the judiciary and in its relations with third parties. He will also supervise the management of its business, and in so doing he shall have the powers vested in him in accordance with the regulations of the Authority, and he may delegate some of these powers to the Managing Director of the Authority ».
Il avance que dans la mesure où il ressortirait du site internet de la G que Monsieur Q, ministre des Finances de A, « was named the Chairman of the Board of Directors at the G on December 28, 2021 », seul celui-ci aurait le pouvoir d’engager valablement la G envers des tiers.
Force serait toutefois de constater que le mandat ad litem versé en cause aurait été signé en date du 30 janvier 2022 par Monsieur Z, en sa qualité d’« Executive Director » de « Operations & Administration » et non pas par le « … » du conseil d’administration de la G.
Il conclut qu’à défaut de pouvoir de représentation à l’égard des tiers dans le chef de Monsieur Z, la G n’aurait pas pu valablement mandater la société B pour le représenter en justice.
A n’a pas pris position par rapport aux moyens d’irrecevabilité soulevés par le délégué du gouvernement.
Appréciation du tribunal En l’espèce, force est de constater que par deux courriers séparés du 20 janvier 2022, la société B a introduit, au nom et pour le compte de A, deux réclamations auprès du directeur à l’encontre des décisions du bureau d’imposition 1 et du bureau d’imposition 6 des 16, respectivement 23 décembre 2021, rejetant les demandes en restitution de retenues d’impôt sur les revenus de capitaux en relation avec les dividendes alloués par certaines sociétés résidentes luxembourgeoises pour l’année 2020 et que par décision du 15 février 2022, le directeur a confirmé la position des deux bureaux d’imposition et rejeté les réclamations comme étant non fondées.
Le tribunal est ainsi amené à retenir, contrairement à ce que soutient la partie étatique, qu’au vu du fait que A est tant le réclamant que le destinataire de la décision directoriale en cause, c’est également lui seul qui peut introduire un recours contentieux à l’encontre de celle-
ci, et ce indépendamment de la question de la propriété juridique des titres et de celle du bénéficiaire des dividendes versés, respectivement de celle de la gestion desdits titres par la G, ces considérations relevant du fond de l’affaire.
En ce qui concerne la question de la validité du mandat ad litem conféré à Monsieur X, agissant en sa qualité d’associé de la société B, pour introduire le recours sous analyse au nom et pour compte de A, le tribunal relève que suivant l’article 2, paragraphe 1er, alinéa 1er de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d’avocat, ci-après désignée par « la loi du 10 août 1991 », les avocats seuls peuvent représenter les parties en justice devant les juridictions de quelque nature qu’elles soient et ceci sans devoir justifier de ce mandat de représentation par la production d’un mandat écrit. Cet article consacre formellement le principe ancien selon lequel l’avoué qui s’est constitué et a conclu pour une partie est présumé avoir reçu de celle-ci pouvoir suffisant pour la représenter, présomption qui s’impose à tous aussi longtemps qu’une manifestation de désaveu n’est intervenue.
Il convient ensuite de relever qu’aux termes de l’article 2, paragraphe 1er, alinéa 2, point c) de la loi du 10 août 1991, tel que modifié plus particulièrement par l’article 109 de la loi du 7 novembre 1996, les justiciables peuvent « agir par eux-mêmes ou […] se faire représenter ou assister par un expert-comptable ou un réviseur d’entreprises, dûment autorisé à exercer sa profession, devant le tribunal administratif appelé à connaître d’un recours en matière de contributions directes ».
Si, dès lors, aux termes de la disposition légale précitée, les experts-comptables et réviseurs d’entreprise sont autorisés à représenter un justiciable en matière fiscale devant le tribunal administratif, et qu’ils peuvent partant également introduire aux noms de leurs mandants des recours contentieux devant cette juridiction, cette faculté est toutefois soumise à la condition de prouver l’existence d’un mandat spécial à cette fin en cas de contestation dudit mandat par la partie adverse, tel que c’est le cas en l’espèce. Dans ce contexte, il convient de rappeler que la régularisation de cette formalité, par le fait de verser en cours de procédurecontentieuse pareil mandat, est admise si le signataire de la requête introductive d’instance possédait au jour de l’introduction du recours le mandat pour signer cette requête, pareille façon de procéder étant censée régulariser la procédure rétroactivement au jour de l’introduction de la requête, étant relevé qu’il importe avant tout de vérifier que la décision d’introduire un recours contentieux en matière fiscale a été cautionnée par le contribuable1.
En l’espèce, tel que relevé ci-avant, suivant les termes de la requête introductive d’instance, Monsieur X, expert-comptable, agissant en sa qualité d’associé de la société B, a introduit au nom et pour compte de A un recours contentieux à l’encontre de la décision directoriale du 15 février 2022.
Quant à la question de savoir si A a valablement mandaté Monsieur X, agissant en sa qualité d’associé de la société B, pour introduire le recours sous analyse, il y a lieu de constater qu’à travers le mandat ad litem du 12 avril 2022 versé en cause, ce n’est pas A, pourtant non seulement seul destinataire de la décision directoriale déférée, mais également seul réclamant auprès du directeur, qui a donné mandat à la société B, représentée par l’associé, gérant et expert-comptable X, pour le représenter devant le tribunal administratif « […] dans la procédure de recours en contentieux en matière de contributions directes contre la décision du directeur des contributions en date du 15 février 2022 […] », mais la personne morale de droit public G, constituée en vertu de l’article 2 de la loi n°47/1982 sous la forme d’une autorité publique d’investissement autonome, représentée par Monsieur Z, n’étant intervenue à aucun moment au cours de la phase précontentieuse.
Or, il n’est pas contesté en cause et il ressort, par ailleurs, de l’article 1er de la loi n°47/1982 auquel A se réfère, aux termes duquel « An independent public authority shall be established with juridical status to be named the "…" and be attached to the Minister of Finance. The seat of the authority shall be in the State of … and it may set up offices outside the State of …. », de même que des explications ressortant de la requête introductive d’instance2, que la G est une autorité d’investissement autonome qui dispose d’une personnalité juridique propre, distincte de celle de A.
Il s’ensuit qu’à défaut de mandat ad litem de la part de A ayant existé au moment de l’introduction du recours sous examen, Monsieur X, respectivement la société B n’a pas disposé d’un mandat ad litem valable pour introduire au nom et pour le compte de A un recours contentieux devant le tribunal administratif à l’encontre de la décision directoriale du 15 février 2022.
Au vu de ce qui précède, le recours principal en réformation est, partant, irrecevable à défaut de mandat ad litem valable pour introduire ledit recours au nom et pour le compte de A.
Par ces motifs, 1 Cour adm., 28 juin 2012, n° 29913C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 1272 et les autres références y citées.
2 « […] Le G a été constitué par la loi n° 47/1982 du 13 juin 1982 sous la forme d’une autorité publique d’investissement autonome, distincte de ... Le G est placé sous la tutelle du Ministère des Finances … qui lui délègue la gestion des actifs détenus par … […].
Par conséquent, comme le dispose la Loi N° 47 de 1982 instituant G […] G ne dispose en aucun cas personnellement des actifs composant les réserves précitées, qui restent la propriété juridique et économique de A. La relation entre le G/H et A est similaire à la relation existante entre un gestionnaire d’actifs et un investisseur ayant placé ses actifs dans un compte dénué de personnalité juridique. », page 1 du recours.
9 le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;
déclare le recours principal en réformation irrecevable ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
condamne A aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 9 août 2024 par :
Françoise EBERHARD, premier vice-président, Benoît HUPPERICH, juge, Nicolas GRIEHSER SCHWERZSTEIN, attaché de justice délégué, en présence du greffier Lejila ADROVIC.
s.Lejila ADROVIC s.Françoise EBERHARD Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 9 août 2024 Le greffier du tribunal administratif 10