Tribunal administratif Numéro 47605 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47605 5e chambre Inscrit le 28 juin 2022 Audience publique extraordinaire 9 août 2024 Recours formé par la société à responsabilité limitée A SARL, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 47605 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 28 juin 2022 par Maître Georges SIMON, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée A SARL, établie et ayant son siège social à L-…, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par ses gérants actuellement en fonction, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 25 mars 2022, référencée sous le numéro …, ayant rejeté sa réclamation introduite en date du 4 février 2021 ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 28 novembre 2022 par le délégué du gouvernement ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 28 décembre 2022 par Maître Georges SIMON au nom de sa mandante, préqualifée ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Georges SIMON et Monsieur le délégué du gouvernement Tom KERSCHENMEYER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 avril 2024.
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Par contrat du 28 novembre 2016, intitulé « Advance Agreement », la société à responsabilité limitée A SARL, ci-après désignée par la « société A » accorda une prêt d’un montant total de USD … à sa filiale détenue à 100%, dénommée « B », ci-après désignée par la « société C », ayant son siège social à …, pour financer l’acquisition par cette dernière de métaux précieux auprès de deux sociétés, dénommées « D » et « E ».
En date du 27 décembre 2019, la société A introduisit sa déclaration pour l’impôt sur le revenu, l’impôt commercial et l’impôt sur la fortune des collectivités résidentes pour l’année 2018 en y déclarant ladite créance pour les besoins de la détermination de la valeur unitaire de sa fortune d’exploitation et de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2019. D’après les comptes annuels de la société A concernant l’exercice 2018, le solde restant dû de la créance s’éleva à USD … au 31 décembre 2018.
1 Par courrier du 16 septembre 2020, le préposé du bureau d’imposition …, ci-après désigné par le « bureau d’imposition », informa la société A qu’il envisageait de s’écarter de ses déclarations pour l’impôt sur le revenu des collectivités, de l’impôt commercial communal et l’impôt sur la fortune des années d’imposition 2015 à 2018 sur le fondement du § 205, alinéa (3) de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », tout en lui accordant un délai jusqu’au 9 octobre 2020 au plus tard pour formuler ses objections éventuelles, dans les termes suivants :
« […] En vertu du §205(3) de la loi générale des impôts je vous informe que le bureau d’imposition envisage de s’écarter de vos déclarations pour l’impôt sur le revenu et l’impôt commercial des années 2015 à 2018. Respectant le principe de l’instruction contradictoire dans le cadre de la procédure d’imposition, je vous soumets pour analyse le point en question :
Établissement stable déclaré Le bureau d’imposition estime que les pièces remises ne sont pas assez pertinentes afin de reconnaître l’établissement stable aux Etats-Unis déclaré.
D’abord, la société luxembourgeoise ne s’est pas fait enregistrer au registre de commerce des Etats-Unis, ce qui est expliqué dans le courrier du 25 mars 2020 avec le fait que « l’enregistrement auprès du registre de commerce s’applique uniquement à des sociétés ou succursales qui ont besoin d’une licence d’exploitation ou dans certains cas d’activités commerciales qui n’incluent pas l’activité de financement … Par conséquent, la Succursale n’est ni enregistrée ni assujettie à l’impôt aux Etats-Unis ».
Ensuite, il ressort de la convention tendant à éviter la double imposition conclue entre le Luxembourg et les Etats-Unis qu’une activité puisse être reconnue comme étant exercée par un établissement stable si cette « personne » qui agit pour le compte de l’entreprise ait les pouvoirs d’engager la société.
Cependant, la Succursale est déclarée entièrement gérée par le biais d’un contrat de services (« Global Service Agreement ») par la société F., qui détient les parts sociales du contribuable à travers de la société A S.à r.l.
Suivant les conditions énumérées dans le « Global Service Agreement » en date du 22 mars 2016, le prestataire de services met à la disposition de la société luxembourgeoise les localités et l’équipement de bureau ainsi que le personnel, qui reste employé du prestataire, pour la gestion de l’entité ; le détail des prestations étant précisé dans l’annexe. Le bureau doit constater que l’établissement stable déclaré n’a en fait aucun pouvoir décisionnel quant à la gestion des actifs, ni peut-il activement développer son activité. En fait, son « activité » est formellement limitée et l’activité elle-même est gérée du Luxembourg, de sorte que les démarches aux Etats-Unis sont à qualifier comme prestation de service accessoire qui est une dépense déductible au Luxembourg, sans toutefois que les actifs puissent être exonéré de l’impôt luxembourgeois.
Vu tous les éléments qui précèdent, le bureau doit conclure que la structure n’est pas à reconnaître comme établissement stable situé aux Etats-Unis, qu’il s’agit en fait d’une prestation de service rendu par l’entité américaine, et que les revenus tirés des actifs sont donc 2intégralement imposables au Luxembourg. De même, les créances et les intérêts éventuellement capitalisés doivent être mis en compte pour les besoins du calcul de l’impôt sur la fortune.
[…] ».
Par courrier du 9 octobre 2020, réceptionné le 12 octobre 2020, la société A fit parvenir ses observations écrites au bureau d’imposition quant à la question de l’existence d’un établissement stable aux Etats-Unis d’Amérique.
Par courrier du 21 octobre 2020, le bureau d’imposition informa la société demanderesse que ses « objections ont été jugées comme n’étant pas assez pertinentes et que par la suite celles-ci n’ont pas affecté notre décision au niveau du contrôle ultérieur pur les années susmentionnées. Ainsi le bureau va procéder à l’imposition en vertu du §205(3) de la loi générale des impôts comme décrit dans notre courrier du 16 septembre 2020. […]. ».
En date du 4 novembre 2020, le bureau d’imposition émit à l’égard de la société A le bulletin d’établissement de la valeur unitaire au 1er janvier 2019 avec la mention « Imposition dans le cadre d’un contrôle ultérieur suite à notre lettre du 16 septembre 2020. Taux de change EUR/USD applique : … », ainsi que le bulletin de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2019 avec la mention « L’imposition diffère de la déclaration sur les points suivants [:] Imposition dans le cadre d’un contrôle ultérieur suite à notre lettre du 16 septembre 2020 ».
Par un courrier recommandé 4 février 2021, réceptionné le lendemain, la société A introduisit, par l’intermédiaire de la société à responsabilité limitée G SARL, une réclamation contre les prédits bulletins d’impôt auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « directeur ».
Par décision du 25 mars 2022, référencée sous le numéro …, le directeur rejeta comme non fondée la réclamation de la société A, dans les termes suivants :
« […] Vu la requête introduite le 4 février 2021 par les sieurs X et Y, de la société à responsabilité limitée G, au nom de la société à responsabilité limitée A, avec siège social à L-
…, pour réclamer contre les bulletins de l’établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation et de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2019, émis en date du 4 novembre 2020 ;
Vu le dossier fiscal ;
Vu les §§ 102, 107, 228, 238, 254, alinéa 2 et 301 AO ;
Considérant que si l’introduction de plusieurs instances par une seule et même requête n’est incompatible, en l’espèce, ni avec le secret fiscal, ni avec les règles de compétence et de procédure, elle ne dispense pas d’examiner chaque acte attaqué en lui-même et selon ses propres mérites et ne saurait imposer une jonction qu’il est loisible au directeur des contributions de prononcer lorsque les instances lui paraissent suffisamment connexes ; qu’il n’y a pas lieu de la refuser en la forme ;
Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit (§ 238 AO) dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 228 AO) de la loi, qu’elles sont partant recevables ;
3Considérant que la réclamante fait grief au bureau d’imposition d’avoir refusé de prendre en compte, lors de l’établissement de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation au 1er janvier 2019, un escompte appliqué sur une créance que la réclamante détenait envers la société B ;
Du bulletin de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2019 Considérant qu’une imposition qui est assise en tout ou en partie sur des bases fixées par établissement séparé ne peut être attaquée pour le motif que ces bases d’imposition seraient inexactes ; qu’une telle réclamation ne peut être formée que contre le bulletin portant établissement séparé, en l’espèce notamment contre le bulletin de l’établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation au 1er janvier 2019 ;
Considérant qu’il en résulte que la réclamation dirigée contre le bulletin de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2019 doit être rejetée comme non fondée ;
Considérant que si le bulletin d’établissement séparé a fait l’objet d’une réclamation, sa réformation entraîne d’office un redressement du bulletin d’impôt établi sur base dudit bulletin d’établissement séparé (§ 218, alinéa 4 AO) ;
Du bulletin de l’établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation au 1er janvier 2019 Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens du réclamant, la loi d’impôt étant d’ordre public ; qu’à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-fondé ; qu’en l’espèce la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;
Considérant qu’en date du 28 novembre 2016, la réclamante avait accordé un prêt ne portant pas intérêt à la société B, une société résidente de …, pour un montant de … dollars américains ;
Considérant que ce prêt doit être pris en compte pour déterminer la valeur unitaire de la fortune d’exploitation de la réclamante au 1er janvier 2019 ; qu’à cette date, le montant principal restant dû sur ce prêt s’élève à …. dollars américains ;
Considérant qu’à l’appui de sa requête, la réclamante invoque « qu’en application de l’article 14(3) de la loi luxembourgeoise d’évaluation (Bewertungsgesetz vom 16.10.1934, telle que modifiée (BewG) et de l’article 75 de l’ordonnance d’exécution correspondante (Durchführungsverordnung zum Bewertunsgesetz vom 2.2.1935) (BeWGDV, l’IFL a été entièrement escompté aux fins du calcul de la VU et de l’IF correspondant de la Société au 1er janvier 2019. » ; qu’elle explique que « les prêts à échéance fixe, ne portant pas d’intérêts, sont soumis à une déduction aux fins de l’IF. En conséquence, leur valeur fiscale correspond à la différence entre leur valeur nominale et le montant de la déduction applicable à ce prêt à échéance fixe ne portant pas d’intérêts. Conformément à l’article 75 BewGDV, la déduction doit être de 5,5% sur le montant principal du prêt, multiplié par le nombre d’années d’échéance, de sorte que les prêts ne portant pas d’intérêts dont l’échéance dépasse 18 ans sont évalués à 0. » ; qu’en conséquence, selon elle, le prêt litigieux, compte tenu de ses 4caractéristiques, doit être évalué à 0 euro pour les besoins de la détermination de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation et non pas, comme l’a fait le bureau d’imposition, à sa valeur nominale ;
Considérant qu’en ce qui concerne les entreprises commerciales clôturant leurs comptes annuels à la fin de l’année civile, les bilans arrêtés au 31 décembre de chaque année servent de base à l’évaluation de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation ; qu’en l’occurrence, le bilan arrêté au 31 décembre 2018 a servi de base à l’évaluation de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation au 1er janvier 2019 ;
Considérant que la valeur unitaire de la fortune d’exploitation constitue la valeur unitaire de l’entreprise (§§ 20 et 21 de la loi sur l’évaluation des biens et valeurs (BewG)) ;
que pour les sociétés de capitaux résidentes, la fortune d’exploitation des entreprises commerciales comprend en principe tous les éléments formant une unité économique et destinés principalement à l’entreprise (§ 54 BewG) ; que la valeur totale d’une entreprise commerciale est obtenue par la somme de toutes les valeurs individuelles des biens susceptibles d’évaluation, diminuée par les dettes et les provisions de l’entreprise (§§ 62 et 66 BewG) ;
Considérant que le § 10 BewG (« Bewertungsgrundsatz, gemeiner Wert ») dispose comme suit :
« (1) Bei Bewertungen ist, soweit nichts anderes vorgeschrieben ist, der gemeine Wert zugrunde zu legen.
(2) Der gemeine Wert wird durch den Preis bestimmt, der im gewöhnlichen Geschäftsverkehr nach der Beschaffenheit des Wirtschaftsguts bei einer Veräußerung zu erzielen wäre. Dabei sind alle Umstände, die den Preis beeinflussen, zu berücksichtigen.
Ungewöhnliche oder persönliche Verhältnisse sind nicht zu berücksichtigen.
(3) Als persönliche Verhältnisse sind auch Verfügungsbeschränkungen anzusehen, die in der Person des Steuerpflichtigen oder eines Rechtsvorgängers begründet sind. Das gilt insbesondere für Verfügungsbeschränkungen, die auf letztwilligen Anordnungen beruhen. » ;
Considérant qu’en ce qui concerne notamment l’évaluation des créances et dettes, le § 14 BewG (« Kapitalforderungen und Schulden ») dispose comme suit:
« (1) Kapitalforderungen, die nicht im § 13 bezeichnet sind, und Schulden sind mit dem Nennwert anzusetzen, wenn nicht besondere Umstände einen höheren oder geringeren Wert begründen.
(2) Forderungen, die uneinbringlich sind, bleiben außer Ansatz.
(3) Der Wert unverzinslicher befristeter Forderungen oder Schulden ist der Betrag, der nach Abzug von Jahreszinsen in von 5,5 vum Hundert des Nennwerts bis zur Fälligkeit verbleibt.
(4) Noch nicht fällige Ansprüche aus Lebens-, Kapital- oder Rentenversicherungen werden mit zwei Dritteln der eingezahlten Prämien oder Kapitalbeträge bewertet. Weist der Steuerpflichtige den Rückkaufswert nach, so ist dieser maßgebend. Rückkaufswert ist der 5Betrag, zu dem das Versicherungsunternehmen nach seiner Satzung oder nach den Versicherungsbedingungen den Versicherungsschein zurückkaufen würde. » ;
Considérant qu’il résulte des dispositions qui précèdent que les créances doivent en principe être évaluées à leur valeur nominale, à moins que des circonstances particulières ne justifient une valeur supérieure ou inférieure ; que « la loi ne donne pas d’exemples de circonstances particulières susceptibles d’être à l’origine d’un abattement ou d’une majoration de la valeur nominale. La jurisprudence y a, par contre, abondamment pourvu. Elle retient surtout la probabilité de non remboursement et les taux d’intérêt anormalement bas ou élevés » et que « même pour les créances non productives d’intérêt dont la valeur imposable est fixée conformément au 3e alinéa du § 14 (…), il peut y avoir lieu à application du 1er alinéa en cas de circonstances spéciales. » (Edmond Maquil, L’évaluation des biens et des droits, études fiscales n° 24/25/44, p. 44) ; qu’en outre, les circonstances anormales ou personnelles ne sont pas à prendre en compte, étant précisé que les circonstances personnelles « sont celles qui découlent de la situation personnelle de l’acheteur ou du vendeur, par ex. l’existence d’un lien de parenté entre le vendeur et l’acheteur qui a pour conséquence la fixation d’un prix anormalement faible ou élevé (…) » (Edmond Maquil, L’évaluation des biens et des droits, études fiscales n° 24/25/44, p. 30) ;
Considérant qu’il ressort du dossier fiscal de la réclamante que la société B, société emprunteuse au titre du prêt litigieux, est une filiale détenue à 100% par la réclamante ; que le prêt litigieux était destiné à permettre à la filiale d’acquérir des métaux précieux d’autres sociétés affiliées ; qu’il ressort du contrat de prêt en cause que, malgré l’importance des sommes avancées, aucune garantie n’a été demandée par la réclamante à l’emprunteuse ; que force est de constater qu’aucun tiers n’aurait accordé un prêt de plus de …millions de dollars américains sans s’assurer une rémunération adéquate ni sans prendre la moindre garantie ;
que ces éléments suffisent à considérer que le prêt n’a pas été conclu dans des conditions normales de marché mais bien en raison du lien sociétal entre les parties ;
Considérant que les circonstances particulières de la conclusion du prêt litigieux, et en particulier l’absence de mise en compte d’intérêt, sont à qualifier d’anormales ou personnelles et sont dès lors à ignorer conformément aux dispositions du § 10, alinéa 2 BewG ; qu’en conséquence, la dérogation prévue au § 14, alinéa 3 BewG n’a pas vocation à s’appliquer de sorte que le prêt litigieux est à évaluer à sa valeur nominale conformément au § 14, alinéa 1er BewG ;
Considérant qu’il ressort d’ailleurs des comptes annuels de la réclamante qu’en date du 3 décembre 2019, le prêt litigieux, d’un montant restant de … dollars américains, a été finalement intégralement apporté, à sa valeur nominale, au capital de la société B ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de confirmer le redressement litigieux ;
Considérant que pour le surplus l’imposition est conforme à la loi et aux faits de la cause et n’est d’ailleurs pas autrement contestée ;
PAR CES MOTIFS reçoit les réclamations en la forme, 6 les rejette comme non fondées. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 28 juin 2022, la société A a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation de la décision directoriale précitée du 25 mars 2022.
I) Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours Conformément aux dispositions combinées du § 228 AO et de l’article 8, paragraphe (3), point 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par la « loi du 7 novembre 1996 », le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre un bulletin d’imposition.
Le tribunal est, dès lors, compétent pour connaître du recours en réformation introduit à l’encontre de la décision directoriale susmentionnée du 25 mars 2022, recours qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.
Il n’y a, dès lors, pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
II) Quant au fond La société demanderesse sollicite la réformation de la décision directoriale en se prévalant :
- d’une violation du § 205, alinéa (3) AO et plus généralement du principe du contradictoire, - d’une application erronée du § 14 de la loi du 16 octobre 1934 concernant l’évaluation des biens et valeurs, telle que modifiée, communément appelée « Bewertungsgesetz », en abrégé « BewG », par le directeur en ce qu’il aurait évalué le prêt qu’elle a octroyé à la société C, non pas à une valeur équivalente à zéro euro en application de la dérogation visée à l’alinéa (3) dudit § 14 BewG, mais à sa valeur nominale en application de son alinéa (1), ainsi que du § 10, alinéa (2) BewG dont la société demanderesse conteste, par ailleurs, l’applicabilité, et - subsidiairement, d’une requalification du prêt litigieux en tant qu’instrument de capital dans l’hypothèse où la dérogation prévue au § 14, alinéa (3) BewG serait jugée inapplicable à ladite avance.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours dans son intégralité et à la confirmation de la décision directoriale.
A) Quant à la violation alléguée du § 205, alinéa (3) AO et du principe du contradictoire Arguments et moyens des parties Dans sa requête introductive d’instance, la société demanderesse se prévaut d’une violation du § 205, alinéa (3) AO qui devrait entraîner l’annulation des bulletins d’établissement 7de la valeur unitaire et de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2019, litigieux, au motif que la procédure d’instruction aurait été viciée et qu’une garantie fondamentale destinée à protéger ses intérêts, en tant que contribuable, n’aurait pas été respectée. Elle se réfère à cet égard à la jurisprudence des juridictions administratives en ajoutant que la consultation préalable du contribuable serait requise avant l’émission d’un bulletin d’impôt, dès lors que l’administration des Contributions directes, ci-après désignée par l’« administration », entendrait s’écarter de façon significative de la déclaration fiscale remise par ledit contribuable en fixant une obligation patrimoniale plus lourde que celle escomptée par lui à travers sa déclaration, la société demanderesse citant un extrait d’un jugement du tribunal administratif au sujet de la notion de « wesentliche Abweichung ».
La société demanderesse fait valoir qu’en évaluant le prêt litigieux à sa valeur nominale pour les besoins de la détermination de sa valeur unitaire au 1er janvier 2019, le bureau d’imposition aurait divergé de la position qu’elle aurait retenue dans sa déclaration fiscale pour l’année d’imposition 2018 et qu’il aurait, en conséquence, dû l’informer de cette divergence avant l’émission des bulletins d’impôt litigieux, en lui donnant l’opportunité de prendre position par rapport à cette divergence envisagée.
Etant donné que le courrier du 16 septembre 2020, auquel font référence les bulletins d’impôts litigieux, ne mentionnerait pas les redressements envisagés par le bureau d’imposition quant à l’évaluation du prêt, la société demanderesse estime que la communication de ce courrier ne permettrait pas de satisfaire aux exigences du § 205, alinéa (3) AO et ajoute qu’adopter un avis contraire reviendrait à vider cette disposition de sa substance.
L’administration aurait, dès lors, méconnu le principe du contradictoire y ancré.
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen en se prévalant de la jurisprudence des juridictions administratives dont il ressortirait que le contribuable n’aurait pas le droit d’être entendu préalablement à l’émission d’un bulletin d’impôt, dès lors que la divergence de vues mise en avant par le contribuable s’analyserait en substance purement en une question d’application de la loi qui relèverait de la compétence du bureau d’imposition. Il conclut que le § 205, alinéa (3) AO aurait été pleinement respecté au motif que l’application des dispositions du BewG, et plus particulièrement du § 14 BewG, relèverait de la compétence du bureau d’imposition.
Dans son mémoire en réplique, la société demanderesse maintient son argumentation et conteste les explications du représentant étatique en faisant valoir que le § 205, alinéa (3) AO constituerait une application du principe général du droit pour le contribuable d’être entendu, tel qu’il résulterait du § 204, alinéa (1) AO.
Elle ajoute que le bureau d’imposition se serait écarté de façon substantielle de sa déclaration fiscale et ce en sa défaveur. Il ne serait pas question en l’espèce d’une qualification juridique résultant de l’application d’une disposition non-équivoque, mais il s’agirait de déterminer l’évaluation du prêt litigieux sur base de documents qu’elle aurait fournis et en tenant compte des caractéristiques de ce prêt.
La société demanderesse reproche à la partie étatique d’avoir procédé à l’application du § 10 BewG en invoquant des circonstances anormales pour contester que le prêt aurait été conclu dans des conditions normales de marché, tout en soutenant que ledit prêt aurait été conclu en raison du lien sociétal entre elle et la société C, sans avoir préalablement pris 8connaissance du contrat à la base du prêt litigieux qui n’aurait été fourni à l’administration qu’à l’appui de sa réclamation.
La société demanderesse estime que le bureau d’imposition aurait dû la solliciter avant de pouvoir déterminer si l’évaluation qu’elle aurait effectuée et déclarée était justifiée et qu’il aurait dû lui fournir « le cas échéant de manière sommaire » l’ensemble des éléments de la déclaration fiscale par rapport auxquels il envisageait de diverger.
Elle ajoute qu’admettre que la position divergente prise par le bureau d’imposition par rapport à l’analyse des caractéristiques du prêt litigieux ne requerrait pas une information préalable dans son chef avant l’émission des bulletins d’impôt litigieux reviendrait à vider de sa substance le § 205, alinéa (3) AO et à la priver d’un droit fondamental.
Analyse du tribunal Le § 205, alinéa (3) AO dispose comme suit: « Wenn von der Steuererklärung abgewichen werden soll, sind dem Steuerpflichtigen die Punkte, in denen eine wesentliche Abweichung zu seinen Ungunsten in Frage kommt, zur vorherigen Äußerung mitzuteilen ».
Cette disposition met en substance à charge du bureau d’imposition, préalablement à l’émission du bulletin d’impôt, une obligation positive de communication des éléments au sujet desquels il envisage de ne pas s’en tenir à la déclaration du contribuable, pour autant que ces éléments représentent une « wesentliche Abweichung » en défaveur du contribuable par rapport à sa déclaration.
La notion de « wesentliche Abweichung » en défaveur du contribuable doit être interprétée de façon objective en ce sens qu’elle englobe toutes les hypothèses dans lesquelles le bureau d’imposition envisage de retenir un élément de droit ou de fait de nature à influer sur la décision d’imposition et qui s’écarte de la situation telle que déclarée par le contribuable, pourvu que cet élément soit de nature à affecter le principe d’imposabilité ou la cote d’impôt tels qu’envisagés par le § 232, alinéa (1) AO1.
Le droit du contribuable d’être entendu avant la prise d’une décision administrative lui fixant une obligation patrimoniale plus lourde que celle par lui escomptée à travers sa déclaration, doit être considéré comme un droit élémentaire face à l’administration, destiné à protéger les droits de la défense du contribuable. Dans l’hypothèse où la violation de ce droit est invoquée et prouvée devant le tribunal dans le cadre d’un recours ayant pour objet une cote d’impôt ou le principe d’imposabilité, elle entraîne l’annulation des bulletins d’impôt émis au terme de la procédure ainsi viciée2.
Néanmoins, le droit d’information et de prise de position du contribuable ne doit pas aboutir à un formalisme excessif et l’envergure des indications à fournir au contribuable doit être définie d’après les spécificités de chaque cas d’imposition3.
1 Trib. adm., 7 janvier 1998, n° 10112 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 947 et les autres références y citées.
2 Trib. adm., 7 janvier 1998, n° 10112 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 925 (1er volet) et les autres références y citées.
3 Cour adm., 29 juillet 2010, n° 25536C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 942 (1er volet), et les autres références y citées.
9Le droit du contribuable d’être entendu préalablement à l’établissement du bulletin d’imposition ne s’applique d’ailleurs pas aux erreurs purement matérielles, notamment de calcul, dans les déclarations du contribuable4.
Ce droit ne s’applique pas non plus lorsque la divergence de vues mise en avant par le contribuable s’analyse en substance purement en une question d’application de la loi qui relève de la compétence du bureau d’imposition5.
En l’espèce, le tribunal constate que le courrier émis en date du 16 septembre 2020 par le bureau d’imposition en application du § 205, alinéa (3) AO, cité in extenso ci-avant, ne mentionne aucunement l’intention du bureau d’imposition de diverger des déclarations fiscales de la société demanderesse quant à la question de l’évaluation du prêt litigieux, étant donné que ledit courrier porte exclusivement sur la question, étrangère au présent litige, de la reconnaissance d’un établissement stable à l’étranger.
A défaut d’autres explications du représentant étatique, le tribunal retient que les bulletins d’établissement de la valeur unitaire et de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2019, ont ainsi été émis en date du 4 novembre 2020 sans que la société demanderesse n’ait pu préalablement prendre position par rapport à la position du bureau d’imposition consistant à retenir une évaluation du prêt litigieux à la valeur nominale, contrairement à la position de la société demanderesse ayant déclaré une valeur à zéro euro.
Il se pose dès lors la question de savoir si la société demanderesse aurait dû être entendue préalablement à l’établissement des bulletins en question ou si, au contraire, elle n’aurait pas dû être entendue au motif que ses divergences de vues avec l’administration s’analysent en une question de pure application de la loi.
Sur cette toile de fond, le tribunal constate que la décision directoriale déférée et les explications du délégué du gouvernement révèlent que la position de la partie étatique justifiant l’évaluation du prêt litigieux à sa valeur nominale repose sur une application conjointe des §§ 10, alinéa (2) et 14, alinéa (1) BewG. Plus particulièrement, le directeur s’est prévalu de l’existence de « [u]ngewöhnliche oder persönliche Verhältnisse » au sens du § 10, alinéa (2) BewG pour justifier une évaluation du prêt litigieux à sa valeur nominale (« Nennwert ») en application du § 14, alinéa (1) BewG, tout en excluant l’existence de « besondere Umstände » qui justifieraient une évaluation différente conformément à cette dernière disposition et, en conséquence, l’application du § 14, alinéa (3) BewG.
De son côté, la société demanderesse estime, en substance, que le § 10, alinéa (2) BewG ne serait pas applicable et que le prêt en question serait à évaluer, non pas au « Nennwert », mais à zéro euro en application du § 14, alinéa (3) BewG.
Au regard des divergences de points de vue des parties à l’instance, le tribunal est amené à retenir que la question de savoir laquelle de ces deux dispositions légales s’applique en l’espèce constitue une question de pure application de la loi relevant de la compétence exclusive du bureau d’imposition, étant donné que cette divergence de points de vue des parties porte sur une question de droit. Le bureau d’imposition n’était, dès lors, pas tenu de recueillir les 4 Trib. adm., 7 janvier 1998, n° 10112 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 947 et les autres références y citées.
5 Cour adm., 14 juillet 2015, n° 35428C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 930 (2e volet) et les autres références y citées.
10observations de la société demanderesse à ce sujet préalablement à l’émission des bulletins d’établissement de la valeur unitaire et de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2019, litigieux.
Il s’ensuit qu’aucune violation du § 205, alinéa (3) AO et du principe du contradictoire ne saurait être constatée par le tribunal sous cet aspect.
En revanche, le tribunal ne saurait suivre le délégué du gouvernement en ce que la question de l’évaluation du prêt litigieux à sa valeur nominale ou à zéro euro n’aurait pas requis une prise de position de la société demanderesse avant l’émission desdits bulletins d’impôt.
La détermination de la valeur effectuée par le bureau d’imposition n’est, en effet, pas fondée sur un point de droit, mais repose une appréciation factuelle tirée de l’existence alléguée de circonstances justifiant, selon lui, une évaluation à la valeur nominale, tant au regard du § 10, alinéa (2) BewG qui vise des « besondere Umstände », qu’au regard du § 14, alinéa (1) AO qui vise des « [u]ngewöhnliche oder persönliche Verhältnisse ». Dans les deux cas, l’analyse porte sur une question de fait.
Cette conclusion s’impose d’autant plus que le directeur, confirmant le bureau d’imposition, justifie l’existence de « circonstances particulières » qui justifieraient l’évaluation du prêt litigieux à sa valeur nominale par l’absence alléguée (i) de garanties demandées par la société demanderesse à la société C, en sa qualité d’emprunteuse, et (ii) d’une rémunération adéquate en contrepartie de la mise à disposition des fonds, en vue de conclure que le prêt litigieux n’aurait pas été conclu « dans des conditions de marché, mais en raison du lien sociétal entre les parties ». Ce sont ces mêmes « circonstances particulières » qui ont amené le directeur, d’une part, à en déduire qu’elles seraient « à qualifier d’anormales ou personnelles », de sorte qu’elles devraient être ignorées sur le fondement du § 10, alinéa (2) BewG, et, d’autre part, à exclure l’application de la dérogation visée au § 14, alinéa (1) BewG et in fine de son alinéa (3), lequel permettrait, selon la société demanderesse, une évaluation de l’avance litigieuse à … euros, déclarée comme tel dans sa déclaration fiscale. Le directeur a également tenu compte d’informations incluses dans les comptes annuels de la société demanderesse, en l’occurrence que le prêt litigieux aurait été apporté intégralement à sa valeur nominale au capital de la société C, pour motiver sa décision.
La partie étatique ne peut pas raisonnablement soutenir que ces éléments porteraient sur une divergence dans l’application ou l’interprétation de dispositions légales qui n’aurait pas nécessité une prise de position du contribuable avant l’émission des bulletins d’impôt litigieux.
Toutefois, la situation est particulière en l’espèce, étant donné qu’il ne ressort ni des éléments du dossier fiscal, ni de la réclamation de la société demanderesse qu’elle aurait, au cours de la phase précontentieuse, formulé un quelconque reproche à l’attention du bureau d’imposition ou du directeur pour ne pas avoir été invitée à prendre position par rapport à la question de l’évaluation du prêt litigieux. Il n’est, en effet, pas contesté que la société demanderesse a soulevé, pour la première fois, une violation de son « Anspruch auf Gehör » dans le cadre du recours sous examen, la réclamation de la société demanderesse incluant uniquement une « Analyse technique » comprenant une argumentation visant à retenir une évaluation du prêt litigieux à une valeur de zéro euro, sans aucune référence directe, voire implicite aux dispositions du § 205, alinéa (3) AO et plus généralement au principe du contradictoire.
11 Dans ces conditions, le moyen de la société demanderesse sous analyse tend en réalité à obtenir, dans le cadre du recours en réformation sous examen, l’annulation de la décision directoriale – seul acte déféré au tribunal – au seul motif que des décisions sous-jacentes – en l’occurrence les bulletins d’établissement de la valeur unitaire et de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2019 – auraient été prises en violation du § 205, alinéa (3) AO, sans que la société demanderesse n’ait mis le directeur en mesure d’apprécier cette question en cours de phase précontentieuse et qu’a fortiori le directeur n’ait a priori pu prendre une quelconque décision quant à cette violation jusqu’alors non contestée par la société demanderesse.
Cela étant, dans le cadre de l’instance de réclamation, le directeur statue toujours quant au fond du dossier. En d’autres termes, une fois saisi d’une réclamation, il se voit attribuer, à travers le § 243, alinéa (1) AO6, la mission d’instruire d’office le cas d’imposition lui soumis et la situation factuelle à sa base, autrement dit il doit d’office procéder au réexamen global de la situation du contribuable et à l’établissement de l’impôt en lieu et place du bureau d’imposition. Le § 244 AO7 lui confère à cette fin les mêmes prérogatives, dans le cadre de l’instruction de la réclamation, que celles revenant au bureau d’imposition. En procédant au réexamen global de la situation du contribuable, le directeur est ainsi tenu de prendre en considération tous les éléments de fait, dont il n’a pas été tenus compte par le bureau d’imposition, y compris des éléments de fait dont le bureau d’imposition ne disposait pas encore lors de la détermination de la base imposable et qui ne se sont présentés que durant l’instance de réclamation8.
Ainsi, et au-delà de toute question relative à la manière dont le directeur doit remédier à un éventuel non-respect du § 205, alinéa (3) AO par le bureau d'imposition avant l’émission du bulletin objet de la réclamation, le directeur est obligé, dans le cadre de son propre examen de la réclamation, d’accorder au contribuable le droit d’être entendu lorsqu’il entend modifier l’imposition retenue par le bureau d’imposition dans un sens défavorable sur base d’éléments qui diffèrent de ceux, premièrement, que le contribuable a soumis à travers à sa déclaration de l’impôt ou en exécution de son obligation de collaboration et qui ont été acceptés par le bureau d'imposition dans le cadre de l’imposition, deuxièmement, qui ont été retenus par le bureau d’imposition à la base de redressements par rapport à la déclaration du contribuable et, troisièmement, ceux complémentaires que le contribuable a soumis au directeur à l’appui de sa réclamation9.
En l’espèce, il est constant que le bureau d’imposition a pris sa décision de diverger de l’évaluation du prêt litigieux, telle que déclarée par la société demanderesse, sans disposer du contrat gisant à sa base, alors qu’il ressort des explications non contestées de la société demanderesse que cette dernière n’a fourni, pour la première fois, ce document qu’à l’appui de sa réclamation pour contester l’évaluation du bureau d’imposition, sous l’intitulé « Annexe II :
Convention de prêt en date du 28 novembre 2016 entre B et A S.à r.l. ».
6 § 243, alinéa (1) AO : « Soweit die Rechtsmittelbehörden zur Nachprüfung tatsächlicher Verhältnisse berufen sind, haben sie den Sachverhalt von Amts wegen zu ermitteln. ».
7 § 244 AO : « Die Rechtsmittelbehörden haben die Befugnisse, die den Steuerkontrollstellen im Besteuerungsverfahren gegeben sind. Soweit die Ausübung dieser Befugnisse an die Genehmigung des Steuerdirektors gebunden ist, bedarf es dieser nur, wenn Steuerkontrollstellen als Rechtsmittelbehörden tätig werden. ».
8 Trib. adm., 13 juillet 2009, n° 25174 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 1156 (1er volet) et les autres références y citées.
9 Cour adm., 20 décembre 2022, n° 47189C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 1165 ; trib. adm., 24 janvier 2024, n° 47168 du rôle, disponible sur le site www.justice.public.lu.
12 Il s’ensuit qu’en prenant en considération le contrat de prêt litigieux, tel que cela se dégage de la décision directoriale déférée, le directeur a pris en considération une situation factuelle du cas d’imposition de la société demanderesse plus complète que celle dont disposait le bureau d’imposition.
Or, le directeur aurait dû, après s’être vu mettre à disposition le contrat en question, inviter la société demanderesse à prendre position avant de prendre sa décision, étant donné qu’il s’est fondé sur cet élément de fait nouveau lui soumis pour procéder à son appréciation factuelle sur base de laquelle il a retenu l’existence des « circonstances particulières » précitées justifiant, suivant son analyse, de retenir une évaluation du prêt litigieux à sa valeur nominale.
Une telle façon de faire aurait ainsi permis au directeur d’épuiser pleinement son pouvoir d’instruire à charge et à décharge du cas d’imposition de la société demanderesse conformément aux §§ 204, alinéa (1)10 et 243 AO11.
Par voie de conséquence, en rejetant comme non fondée la réclamation de la société demanderesse après avoir décidé que « la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique », le directeur a ainsi entériné le manquement du bureau d’imposition aux prescriptions du § 205, alinéa (3) AO, auquel il lui aurait appartenu, compte tenu de l’élément nouveau lui soumis par la société demanderesse, de remédier en invitant la société demanderesse à faire valoir ses observations écrites, cette conclusion s’imposant indépendamment de la question – non soulevée par la société demanderesse – de savoir si le directeur était tenu, en l’absence de cet élément nouveau et en tout état de cause, de l’inviter à formuler ses observations par rapport à l’évaluation du prêt litigieux sur le fondement du § 205, alinéa (3) AO au seul motif que le bureau d’imposition n’avait, en amont, lui-même pas respecté cette disposition et alors même que la société demanderesse ne s’est prévalue d’aucune violation de son droit à être entendue au cours de la phase précontentieuse.
Etant donné que le § 205, alinéa (3) AO consacre une formalité destinée à protéger les intérêts des contribuables, elle doit être considérée comme substantielle et le non-respect de cette disposition doit entraîner l’annulation de la décision au terme de la procédure d’instruction ainsi viciée12.
Le recours est partant justifié, sans qu’il n’y ait lieu d’examiner les autres moyens présentés par la société demanderesse, cet examen devenant surabondant.
En conséquence, la décision directoriale du 25 mars 2022 est, dans le cadre du présent recours en réformation, à annuler pour avoir entériné une procédure d’instruction viciée dès l’origine et le dossier est à renvoyer devant le directeur en prosécution de cause en vue de recueillir les observations écrites de la société demanderesse au sujet de la question de l’évaluation du prêt litigieux, telle que débattue dans le cadre du présent recours.
10 § 204, alinéa (1) AO: « Die Steuerkontrollstelle hat die steuerpflichtigen Fälle zu erforschen und von Amts wegen die tatsächlichen und rechtlichen Verhältnisse zu ermitteln, die für die Steuerpflicht und die Bemessung der Steuer wesentlich sind. Sie hat Angaben der Steuerpflichtigen auch zugunsten der Steuerpflichtigen zu prüfen. ».
11 § 243 AO: « (1) Soweit die Rechtsmittelbehörden zur Nachprüfung tatsächlicher Verhältnisse berufen sind, haben sie den Sachverhalt von Amts wegen zu ermitteln.
(2) Sie sind an die Anträge dessen, der das Rechtsmittel eingelegt hat, nicht gebunden.
(3) Sie können die Entscheidung auch zum Nachteil dessen, der das Rechtsmittel eingelegt hat, ändern. ».
12 Par analogie : Cour adm., 10 décembre 2002, n° 15261C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 945 et les autres références y citées.
13 III) Quant à l’indemnité de procédure La société demanderesse sollicite une indemnité de procédure sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, à laquelle s’oppose le délégué du gouvernement.
Toutefois, dans les circonstances particulières de l’espèce et compte tenu de l’attitude de la société demanderesse n’ayant formulé des reproches quant à l’irrégularité de la procédure pour la première fois en cours de phase contentieuse, le tribunal est amené à retenir qu’il n’est pas inéquitable de laisser à charge de la société demanderesse les frais non compris dans les dépens, de sorte que la demande sous analyse est à rejeter.
Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le déclare fondé ;
partant, dans le cadre du recours en réformation, annule la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 25 mars 2022, portant la référence C 30159, et lui renvoie le dossier en prosécution de cause ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
rejette la demande en obtention d’une indemnité de procédure formulée par la société demanderesse ;
condamne l’Etat aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 9 août 2024 par :
Françoise EBERHARD, premier vice-président, Benoît HUPPERICH, juge, Nicolas GRIEHSER SCHWERZSTEIN, attaché de justice délégué, en présence du greffier Lejila ADROVIC.
s.Lejila ADROVIC s.Françoise EBERHARD Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 9 août 2024 Le greffier du tribunal administratif 14