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16/08/2024 | LUXEMBOURG | N°47747

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 août 2024, 47747


Tribunal administratif N° 47747 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47747 1re chambre Inscrit le 26 juillet 2022 Audience publique extraordinaire du 16 août 2024 Recours formé par Monsieur …, …, contre deux décisions du ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, en matière de protection de l’environnement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47747 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 juillet 2022

par Maître Claude CLEMES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à ...

Tribunal administratif N° 47747 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47747 1re chambre Inscrit le 26 juillet 2022 Audience publique extraordinaire du 16 août 2024 Recours formé par Monsieur …, …, contre deux décisions du ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, en matière de protection de l’environnement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47747 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 juillet 2022 par Maître Claude CLEMES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à …, tendant, aux termes de son dispositif, à l’annulation :

1) de la « […] décision de Madame le Minist[re] de l’Environnement, du Climat et du Développement durable portant le n° 101161 du 18 janvier 2022 en ce qu’elle a refusé l’autorisation de transformation/rénovation d’une construction existante […] » et 2) de la « […] décision de Madame le Ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable du 10 mai 2022, décision sur recours gracieux introduit […] en date du 5 avril 2022 et confirmant ainsi la première décision […] » ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 décembre 2022 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Claude CLEMES et Madame le délégué du gouvernement Corinne WALCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 26 juin 2024.

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Le 24 novembre 2021, Monsieur … introduisit auprès du ministère de l’Environnement, du Climat et du Développement durable une demande datée au 15 novembre 2021, tendant à se voir accorder dans le cadre de la loi modifiée du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, ci-après désignée par « la loi du 18 juillet 2018 », l’autorisation visant la parcelle inscrite au Cadastre de la commune de …, section … de …, sous le numéro …, et ayant l’objet suivant : « […] [r]emplacement du toit existant par un toit pergola bioclimatique […] », respectivement « […] [r]emplacement du toit de [la] terrasse déjà couverte par un toit bioclimatique pouvant s’ouvrir. Aucune surface supplémentaire […] ».

Par décision du 18 janvier 2022, le ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, ci-après désigné par « le ministre », refusa de faire droit à la demande de Monsieur ….

Par courrier recommandé avec accusé de réception de son litismandataire du 5 avril 2022, réceptionné le 15 avril 2022, ce dernier fit introduire auprès du ministre un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle, précitée, du 18 janvier 2022, lequel fut rejeté par le ministre par décision du 10 mai 2022.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 26 juillet 2022, Monsieur … fit introduire un recours tendant, aux termes de son dispositif, auquel le tribunal est seul tenu, à l’annulation des décisions ministérielles, précitées, des 18 janvier et 10 mai 2022.

Par décision du 8 novembre 2022, le ministre informa Monsieur … qu’il revenait sur sa décision de refus initiale et que l’autorisation sollicitée lui était accordée, ladite décision étant libellée comme suit :

« […] Au vu des récentes jurisprudences de la Cour administrative je reviens sur ma décision.

En réponse à votre demande d’autorisation concernant la modification d’une pergola sur un fonds inscrit au cadastre de la commune de … : Section … de …, sous le numéro …, j’ai l’honneur de vous informer qu’en vertu de la loi modifiée du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, je vous accorde l’autorisation aux conditions suivantes :

1. Les travaux seront réalisés sur la parcelle …, section … de … de la commune de … et ceci selon les plans soumis à la demande du 15 novembre 2021.

2. Les dimensions de la nouvelle pergola ne dépasseront pas les dimensions de la construction actuellement en place.

3. Toutes les mesures nécessaires seront prises pour éviter la pollution de l’air, du sol et de l’eau.

4. Le préposé de la nature et des forêts […] sera averti avant le commencement des travaux.

5. Les travaux seront achevés dans un délai de 2 ans à partir de la date de la présente.

L’autorisation expirera et la construction devra être enlevée dès que l’affectation autorisée aura cessé. A cette date, les fonds seront remis dans leur pristin état.

La présente vous est accordée sans préjudice d’autres autorisations et du droit de superficie éventuellement requis. […] ».

Dans la mesure où la loi du 18 juillet 2018 sur le fondement de laquelle les décisions ministérielles des 18 janvier et 10 mai 2022 ont été prises ne prévoit pas de recours au fond en la présente matière, l’article 68 de la loi du 18 juillet 2018 prévoyant, au contraire, un recours en annulation, le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation introduit en l’espèce.

A l’audience publique des plaidoiries du 26 juin 2024 et sur question afférente du tribunal, le litismandataire du demandeur et le délégué du gouvernement ont, en substance, reconnu que compte tenu de ladite décision du 8 novembre 2022 accordant à Monsieur … l’autorisation sollicitée, le recours avait perdu son objet.

Ledit litismandataire a cependant insisté sur la demande d’octroi d’une indemnité de procédure de 3.000 euros, telle que formulée dans la requête introductive d’instance, en soulignant que son client aurait dû faire face à des frais en vue d’assurer la défense de ses intérêts dans le cadre du présent litige.

Le tribunal précise d’abord que la recevabilité d’un recours est conditionnée en principe par l’existence et la subsistance d’un objet, qui s’apprécie du moment de l’introduction du recours jusqu’au prononcé du jugement, cette exigence de la subsistance de l’objet du recours étant en général liée à l’exigence du maintien de l’intérêt à agir, et plus particulièrement de l’intérêt à voir sanctionner l’acte faisant l’objet du recours.1 Si, au moment de l’introduction du recours en date du 26 juillet 2022, celui-ci avait certes un objet, à savoir l’annulation des décisions déférées des 18 janvier et 10 mai 2022 en ce qu’elles refusaient l’autorisation sollicitée par Monsieur …, il n’en reste pas moins que comme lesdites décisions ont été implicitement mais nécessairement remplacées par le ministre par une nouvelle décision, à savoir celle du 8 novembre 2022, elles ont disparu de l’ordonnancement juridique.

Dès lors, et étant donné qu’à travers cette dernière décision, Monsieur … a reçu satisfaction en obtenant l’autorisation sollicitée, le tribunal arrive à la conclusion que le recours en annulation sous analyse est à rejeter pour défaut d’objet.

Nonobstant le caractère sans objet du recours, il appartient encore au tribunal de toiser la demande d’indemnité de procédure formulée par Monsieur … sur base de l’article 33 de loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », aux termes duquel « Lorsqu’il paraît inéquitable de laisser à la charge d’une partie les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, le juge peut condamner l’autre partie à lui payer le montant qu’il détermine. ».

En effet, une demande en obtention d’une indemnité de procédure n’est pas atteinte par les effets de la disparition de l’objet du recours, dès lors que ladite demande, procédant d’une cause juridique particulière et autonome, à savoir l’article 33 de la loi du 21 juin 1999, a une individualité propre et doit être toisée à la demande du demandeur. Ainsi, la renonciation au recours, respectivement la disparition de l’objet du recours ne rend pas le demandeur non recevable à réclamer une telle indemnité.2 1 Trib. adm., 20 octobre 2010, n° 26758 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 33 et les autres références y citées.

2 Trib. adm., 15 juillet 2015, n° 34244 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 1264 et les autres références y citées.

En l’espèce, il n’est cependant pas établi qu’il serait inéquitable de laisser à l’unique charge du demandeur les sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens.

Le seul fait que postérieurement à l’introduction du recours de Monsieur …, le ministre est revenu sur sa décision de refus initiale et a finalement accordé à ce dernier l’autorisation sollicitée est insuffisant à cet égard. En effet, il ne se dégage pas des éléments soumis à l’appréciation du tribunal que ce changement d’attitude du ministre serait la conséquence d’une quelconque faute ou négligence de la part de l’administration. Au contraire, il ressort tant du libellé de la décision ministérielle du 8 novembre 2022 que des explications fournies par le délégué du gouvernement dans son mémoire en réponse, à l’égard desquelles le litismandataire du demandeur n’a pris position ni par écrit à travers un mémoire en réplique, ni oralement à l’audience des plaidoiries, que le ministre est revenu sur son refus initial afin de tenir compte des récentes jurisprudences de la Cour administrative en la présente matière.

La condition d’iniquité telle qu’inscrite à l’article 33, précité, de la loi du 21 juin 1999 n’étant pas remplie, le demandeur est à débouter de sa demande d’octroi d’une indemnité de procédure.

Etant donné que la demande d’autorisation de Monsieur … a finalement été acceptée par le ministre, le tribunal retient, en application de l’article 32 de la loi du 21 juin 1999, aux termes duquel « Toute partie qui succombera sera condamnée aux dépens, sauf au tribunal à laisser la totalité, ou une fraction des dépens à la charge d’une autre partie par décision spéciale et motivée », qu’il y a lieu de faire masse des frais et des dépens pour les imposer pour moitié à chacune des parties.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours sans objet, partant le rejette ;

déboute le demandeur de sa demande en allocation d’une indemnité de procédure ;

fait masse des frais et dépens de l’instance et les impose pour moitié à chacune des parties.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 16 août 2024 par :

Daniel WEBER, vice-président, Michèle STOFFEL, vice-président, Michel THAI, juge, en présence du greffier en chef Xavier DREBENSTEDT.

s. Xavier DREBENSTEDT s. Daniel WEBER Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 16 août 2024 Le greffier du tribunal administratif 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 47747
Date de la décision : 16/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 27/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-08-16;47747 ?

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