Tribunal administratif N° 48000 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:48000 3e chambre Inscrit le 4 octobre 2022 Audience publique du 17 septembre 2024 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse en matière de reconnaissance des qualifications professionnelles
______________________________________________________________________
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 48000 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 4 octobre 2022 par Maître Laurent HARGARTEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation d’une décision du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse du 19 juillet 2022 refusant de reconnaître son « Attestation de fin de formation auxiliaire de vie » lui décernée le 17 août 2020 par l’« Ascor Communication SAS à Rennes (France) » comme assimilable au diplôme d’aptitude professionnelle luxembourgeois d’auxiliaire de vie ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 janvier 2023 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 27 janvier 2023 par Maître Laurent HARGARTEN au nom et pour le compte de sa mandante, préqualifiée ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 février 2023 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jeff RECKINGER en sa plaidoirie à l’audience publique du 21 mai 2024.
___________________________________________________________________________
Il se dégage du dossier administratif qu’en date du 29 septembre 2020, Madame … s’adressa au ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, ci-après désigné par « le ministre », en vue de voir reconnaître son « Attestation de fin de formation auxiliaire de vie » lui décernée le 17 août 2020 par l’« Ascor Communication SAS à Rennes (France) » comme assimilable au diplôme d’aptitude professionnelle (DAP) luxembourgeois d’auxiliaire de vie.
Par décision du 14 janvier 2021, le ministre refusa de faire droit à la prédite demande.
1 Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 25 mars 2021, Madame … fit introduire un recours tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de ladite décision du ministre du 14 janvier 2021, lequel fut déclaré fondé par un jugement du tribunal administratif du 6 juillet 2022, inscrit sous le numéro 45816 du rôle, lequel annula la décision ministérielle du 14 janvier 2021 et renvoya le dossier en prosécution de cause devant le ministre, au motif que la partie étatique avait omis de prendre position par rapport aux moyens développés par Madame … dans le cadre de sa requête introductive d’instance, mettant ainsi le tribunal dans l’impossibilité de vérifier la légalité de l’acte attaqué.
Suite audit jugement, le ministre refusa de faire droit à la prédite demande de Madame … par décision du 19 juillet 2022 libellée comme suit :
« […] Vu les articles 6 et 7 de la loi modifiée du 10 août 2005 portant création d'un Lycée technique pour professions éducatives et sociales ;
Vu l'article 1er du règlement grand-ducal du 29 août 2005 portant organisation de la formation de l'auxiliaire de vie ;
Vu la loi modifiée du 28 octobre 2016 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles ;
Vu le règlement grand-ducal du 17 février 2017 relatif à la reconnaissance des qualifications professionnelles ;
Vu l'arrêté ministériel du 15 juin 2020 portant nomination de la commission ad hoc d'experts chargée d'apprécier les titres et diplômes ainsi que les qualifications professionnelles afférentes des professions réglementées du secteur social ;
Vu la demande de reconnaissance présentée par Madame …, née le … à … (Luxembourg), portant sur l'Attestation de fin de formation auxiliaire de vie, délivré par l'Ascor Communication SAS à Rennes (France) en date du 17 août 2020 ;
Vu l'avis en date du 19 juillet 2022 de la commission susmentionnée ;
Considérant que le niveau de qualification requis au Luxembourg pour accéder à la profession d'auxiliaire de vie correspond au niveau b) de l'article 11 de la loi modifiée du 28 octobre 2016 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, et que le titre de formation de la requérante correspond au niveau b) du prédit article ;
Considérant que la formation de la requérante présente au niveau du contenu, des différences essentielles avec la formation luxembourgeoise de l'auxiliaire de vie ;
Considérant que la requérante ne peut pas se prévaloir d'une formation socio-éducative approfondie ;
Considérant que la requérante ne peut pas se prévaloir d'une formation pratique encadrée en milieux socio-éducatifs ;
2 Considérant que la requérante ne dispose pas des compétences multidimensionnelles et d'une approche différenciée à l'égard de tout public cible ;
Considérant que la formation de Madame … n'équivaut pas au diplôme d'aptitude professionnelle (DAP) luxembourgeois, qui trouve sa base légale dans la loi modifiée du 19 décembre 2008 portant réforme de la formation professionnelle;
Considérant que d'après les renseignements supplémentaires demandées en date du 28 octobre 2020 à la requérante, il s'ensuit que "la préparation à la formation d'auxiliaire de vie" n'a duré que du 2 mars au 17 août 2020 (350 heures), soit un sixième de la formation initiale de l'auxiliaire de vie luxembourgeois et qu'il y a lieu de constater qu'il s'agit d'une formation destinée à la préparation à la formation de l'auxiliaire de vie en France et point d'un cycle de formation complet ;
Considérant la décision prise par le Tribunal administratif (3ième chambre) du 6 juillet 2022 portant annulation de la décision ministérielle du 14 janvier 2021 tout en renvoyant l'affaire devant le Ministre de l'Education nationale, de l'Enfance et de la Jeunesse en prosécution de cause ;
Il est certifié que :
Art. 1er. L'Attestation de fin de formation auxiliaire de vie, décerné en date du 17 août 2020 par l'Ascor Communication SAS à Rennes (France), à Madame …, n'est pas assimilable au diplôme d'aptitude professionnelle (DAP) luxembourgeois d'd'auxiliaire de vie.
Art. 2. La présente est transmise à l'intéressée pour information. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 octobre 2022, Madame … a fait introduire un recours tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de la décision précitée du ministre du 19 juillet 2022.
Quand bien même une partie a formulé un recours en annulation à titre principal et un recours en réformation à titre subsidiaire, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation contre la décision critiquée, alors qu’en vertu de l’article 2, paragraphe (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, un recours en annulation n’est possible qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements.
Aucune disposition légale ne prévoyant un recours au fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation.
Le tribunal est, par contre, compétent pour connaître du recours principal en annulation, lequel est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours, la demanderesse retrace les faits et rétroactes exposés ci-avant et, après avoir cité la décision déférée, souligne que le ministre aurait reconnu la régularité de sa formation pour avoir retenu que son titre de formation correspondrait au niveau b) de l’article 11 de la loi modifiée du 28 octobre 2016 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, ci-après désignée par « la loi du 28 octobre 2016 ».
3 Elle donne ensuite à considérer que la décision ministérielle sous analyse ne contiendrait non seulement aucune précision sur la nature des différences entre sa propre formation et celle d’auxiliaire de vie au Luxembourg, mais resterait en outre muette sur les raisons empêchant d’assimiler son diplôme au diplôme d’aptitude professionnelle luxembourgeois d’auxiliaire de vie.
A cet égard, elle met encore en exergue que la Commission ad hoc du ministère de l’Education nationale et de la Jeunesse chargée d’apprécier les titres et diplômes ainsi que les qualifications professionnelles afférents des professions réglementées du secteur social, ci-après désignée par « la Commission ad hoc », aurait mentionné succinctement qu’elle ne pourrait se prévaloir d’une formation socio-éducative approfondie, et ce en dépit du fait qu’elle disposerait d’une attestation de formation reconnue par le « droit du travail français », laquelle comprendrait 350 heures de formation pour le métier d’auxiliaire de vie.
En se référant à un arrêt du Conseil d’Etat1, ainsi qu’aux articles 11 et 12 de la loi du 28 octobre 2016, la demanderesse fait valoir qu’une décision de « non-homologation » devrait être annulée si le texte légal ne prévoirait pas de spécificités, tel que ce serait le cas pour la formation d’auxiliaire de vie.
L’intéressée précise encore que la formation suivie par elle, malgré son intitulé de « préparation à la formation d’auxiliaire de vie » constituerait une formation diplômante de l’accès à la profession d’auxiliaire de vie et non pas une simple préparation, celle-ci étant, d’après elle, reconnue par l’Etat français et le Pôle emploi français.
Elle donne encore à considérer qu’elle aurait, outre ladite formation, occupé en amont des postes d’aide-éducatrice et aide-socioéducative au sein d’une crèche au Luxembourg ainsi qu’auprès de … depuis près de cinq ans.
En ce qui concerne encore plus particulièrement les différences entre sa formation et la formation luxembourgeoise d’auxiliaire de vie mises en avant par le ministre, Madame … fait valoir qu’aucun nombre d’heures obligatoires de formation des cycles pédagogique et pratique ne ressortirait du site internet « beruffer.anelo.lu » en ce qui concerne la formation luxembourgeoise, de sorte que les 350 heures de cours réalisées par elle, ensemble son expérience professionnelle, devraient lui permettre l’accès à cette profession au Luxembourg.
Au vu de ces considérations, la demanderesse estime que sa formation serait conforme à celle visée par le règlement grand-ducal du 29 août 2005 portant organisation de la formation de l’auxiliaire de vie, de sorte que la décision ministérielle litigieuse devrait encourir l’annulation.
Dans son mémoire en réplique, la demanderesse explique que la profession d’auxiliaire de vie serait encadrée en France par l’article R451-76 du Code de l’action sociale et des familles français lequel aurait trait au « diplôme d’Etat d’auxiliaire de vie sociale » pour conclure que la formation suivie par elle constituerait un cycle de formation reconnu par l’Etat français, tel qu’en témoignerait la certification de son diplôme par la Préfecture de Bretagne. Elle précise, à cet égard, que la formation litigieuse figurerait sur le site internet du « GREF Bretagne » lequel serait un acteur régional au service de l’Etat français, de « la Région et de l’ensemble 1 Conseil d’Etat, n° 8635 du 11 mars 1992.
4 des professionnels intervenant sur les champs de l’emploi, de l’orientation et de la formation professionnelle » et qui exercerait des missions définies par « le décret 2021-792 » du 22 juin 2021. Elle en conclut que sa formation serait reconnue par ladite préfecture, ainsi que par l’Etat français et correspondrait au « certificat d’aptitude » prévu aux articles R451-91 et R451-92 du décret français n°2005-1135 du 7 septembre 2005, de sorte qu’elle constituerait une « formation assimilée » au sens de l’article 12 de la loi du 28 octobre 2016 et que son titre de formation, ensemble son expérience professionnelle, satisferaient aux conditions de l’article 13 de la même loi.
La partie étatique conclut, quant à elle, au rejet du recours sous analyse pour ne pas être fondé, en arguant, en substance, que contrairement à l’argumentation de la demanderesse, l’attestation litigieuse ne constituerait pas un « diplôme d’Etat d’auxiliaire de vie sociale » français, qu’elle n’en serait pas l’équivalent et que la formation ayant mené à sa délivrance présenterait des différences essentielles avec la formation menant au diplôme d’aptitude professionnelle luxembourgeois d’auxiliaire de vie.
Le juge administratif saisi d’un recours en annulation est appelé à vérifier, d’un côté, si, au niveau de la décision administrative querellée, les éléments de droit pertinents ont été appliqués et, d’un autre côté, si la matérialité des faits sur lesquels l’autorité de décision s’est basée est établie. Au niveau de l’application du droit aux éléments de fait, le juge de l’annulation vérifie encore s’il n’en est résulté aucune erreur d’appréciation se résolvant en un dépassement de la marge d’appréciation de l’auteur de la décision querellée. Le contrôle de légalité à exercer par le juge de l’annulation n’est pas incompatible avec le pouvoir d’appréciation de l’auteur de la décision qui dispose d’une marge d’appréciation. Ce n’est que si cette marge a été dépassée que la décision prise encourt l’annulation pour erreur d’appréciation. Ce dépassement peut notamment consister dans une disproportion dans l’application de la règle de droit aux éléments de fait. Le contrôle de légalité du juge de l’annulation s’analyse alors en contrôle de proportionnalité2.
Il convient encore de souligner que dans la mesure où le contentieux administratif est un contentieux objectif, il s’agit d’un procès fait à l’acte taxé d’illégalité en vue de le faire disparaître de l’ordre juridique : le tribunal administratif n’est dès lors pas saisi d’une situation, mais concrètement d’une décision, étant encore relevé que l’acte administratif individuel, et plus particulièrement celui qui est de nature à faire grief soit à son destinataire, soit à de tierces personnes, bénéficie de la présomption de légalité ainsi que de conformité par rapport aux objectifs de la loi sur base de laquelle il a été pris, de sorte qu’il appartient à celui qui prétend subir un préjudice ou des inconvénients non justifiés de l’acte administratif en question, et qui partant souhaite le voir réformer ou annuler en vue d’obtenir une situation de fait qui lui est plus favorable, d’établir concrètement en quoi l’acte administratif en question viole une règle fixée par une loi ou un règlement grand-ducal3, sans qu’il n’appartienne au tribunal de suppléer la carence de la partie demanderesse à cet égard4.
2 Cour adm., 9 décembre 2010, n° 27018C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en annulation, n° 56 et les autres références y citées.
3 Trib. adm., 26 avril 2019, n° 40810 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Actes administratifs, n°158 (1er volet) et les autres références y citées.
4 Trib. adm., 26 mars 2003, n°15115 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n°516 et les autres références y citées.
5 Force est tout d’abord au tribunal de constater que la demande adressée par Madame … au ministre en date du 29 septembre 2020, laquelle a été refusée par la décision déférée du 19 juillet 2022, constitue une demande de voir reconnaître l’« Attestation de fin de formation auxiliaire de vie » lui décernée le 17 août 2020 par l’« Ascor Communication SAS à Rennes (France) » comme assimilable au diplôme d’aptitude professionnelle luxembourgeois d’auxiliaire de vie, sans que ladite demande ne vise la reconnaissance de son expérience professionnelle en tant qu’auxiliaire de vie et sans qu’une telle demande de reconnaissance professionnelle n’a fait l’objet de la décision déférée. Il s’ensuit que l’ensemble des développements de la demanderesse relatifs à son expérience professionnelle au sein d’une crèche ou de … encourent d’ores et déjà le rejet pour défaut de pertinence par rapport à l’objet du recours sous analyse.
En ce qui concerne le refus du ministre de reconnaître l’équivalence entre le titre de formation litigieux et le diplôme d’aptitude professionnelle luxembourgeois d’auxiliaire de vie, il échet de relever qu’il ressort de l’article 2, paragraphe (1) de la loi du 28 octobre 2016 définissant son champ d’application que « La présente loi s’applique : a) à tout ressortissant, y compris aux membres des professions libérales, ayant acquis des qualifications professionnelles à l’étranger et voulant exercer une profession réglementée au Grand-Duché de Luxembourg, soit à titre indépendant, soit à titre salarié ; […] ».
Suivant l’article 3, point a) de la même loi, on entend par « profession réglementée » :
« […] une activité ou un ensemble d’activités professionnelles dont l’accès, l’exercice ou une des modalités d’exercice est subordonné directement ou indirectement, en vertu de dispositions législatives, réglementaires ou administratives, à la possession de qualifications professionnelles déterminées; l’utilisation d’un titre professionnel limitée par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives aux détenteurs d’une qualification professionnelle donnée constitue une modalité d’exercice. […].
Suivant l’article 3, point b) de la même loi, on entend par « qualifications professionnelles » : « […] les qualifications attestées par un titre de formation […] ou une expérience professionnelle ; ».
Ce même article définit le titre de formation sous son point c) comme « les diplômes, certificats et autres titres délivrés par une autorité d’un Etat membre désignée en vertu des dispositions législatives, règlementaires ou administratives de cet Etat membre et sanctionnant une formation professionnelle acquise principalement dans l’Union européenne. […] ».
L’article 13 de la même loi, lequel fixe les conditions de la reconnaissance des qualifications professionnelles en général prévoit quant à lui que :
« (1) Lorsqu’au Grand-Duché de Luxembourg, l’accès à une profession réglementée ou son exercice est subordonné à la possession de qualifications professionnelles déterminées, l’autorité compétente luxembourgeoise permet aux demandeurs d’accéder à cette profession et de l’exercer, dans les mêmes conditions que pour ses nationaux, s’ils possèdent une attestation de compétences ou un titre de formation visé à l’article 11 qui est requis par un autre Etat pour y accéder à cette même profession sur son territoire ou l’y exercer.
6 (2) L’accès à la profession et son exercice, tels que décrits au paragraphe 1er, sont également accordés aux demandeurs qui ont exercé la profession en question à temps plein pendant une année ou à temps partiel pendant une durée totale équivalente au cours des dix années précédentes dans un autre Etat membre qui ne réglemente pas cette profession et qui possèdent une ou plusieurs attestations de compétences ou preuves de titre de formation délivré par un autre Etat qui ne réglemente pas cette profession.
Les attestations de compétences ou les titres de formation remplissent les conditions suivantes:
a) être délivrés par une autorité compétente, désignée conformément aux dispositions législatives, réglementaires ou administratives de l’Etat dont elle dépend ;
b) attester la préparation du titulaire à l’exercice de la profession concernée.
L’expérience professionnelle d’un an visée au premier alinéa ne peut cependant être requise si le titre de formation que possède le demandeur certifie une formation réglementée.
[…] ».
L’article 12 de la même loi prévoit « Est assimilé à un titre de formation visé à l’article 11, y compris quant au niveau concerné, tout titre de formation ou ensemble de titres de formation qui a été délivré par une autorité compétente dans un Etat membre ou un pays tiers, sur la base d’une formation à temps plein ou à temps partiel, dans le cadre de programmes formels ou non, dès lors qu’il sanctionne une formation acquise, reconnue par cet Etat comme étant de niveau équivalent et qu’il confère à son titulaire les mêmes droits d’accès à une profession ou d’exercice de celle-ci, ou qui prépare à l’exercice de cette profession.
Est également assimilée à un tel titre de formation, dans les mêmes conditions que celles prévues au premier alinéa, toute qualification professionnelle qui, sans répondre aux exigences prévues par les dispositions législatives, réglementaires ou administratives de l’Etat d’origine pour l’accès à une profession ou son exercice, confère à son titulaire des droits acquis en vertu de ces dispositions. En particulier, ceci s’applique dans le cas où l’Etat d’origine relève le niveau de formation requis pour l’accès à une profession ou son exercice et où une personne ayant suivi la formation antérieure, qui ne répond pas aux exigences de la nouvelle qualification, bénéficie de droits acquis en vertu de dispositions législatives, réglementaires ou administratives; dans un tel cas, la formation antérieure est considérée, aux fins de l’application de l’article 13, comme correspondant au niveau de la nouvelle formation. ».
Au vu des dispositions légales qui précèdent, une personne peut prétendre à la reconnaissance de ses qualifications professionnelles aux fins d’accès à une profession réglementée au Luxembourg, si elle dispose respectivement d’un titre de formation ou d’une attestation de compétences, le paragraphe (1) de l’article 13 précité étant applicable si la profession est également réglementée dans l’Etat membre ayant délivré l’attestation de compétences ou le titre de formation dont la reconnaissance est demandée, tandis que le paragraphe (2) du même article est applicable si la profession concernée n’est pas réglementée par ledit Etat membre.
7 Il échet en premier lieu de constater qu’il est constant en cause que la profession de l’auxiliaire de vie est une profession réglementée au Luxembourg, la formation donnant lieu à la délivrance du diplôme d’aptitude professionnelle luxembourgeois d’auxiliaire de vie étant, par ailleurs, prévue au règlement grand-ducal du 29 août 2005 portant organisation de la formation de l’auxiliaire de vie.
Le tribunal relève ensuite qu’il est également constant en cause que la profession d’auxiliaire de vie est aussi réglementée en France, Etat dans lequel est établie l’institution « Ascor Communication SAS à Rennes (France) », les articles R451-76 à R451-81 du Code de l’action sociale et des familles français règlementant le « diplôme d’Etat d’auxiliaire de vie sociale », de sorte que l’article 13, paragraphe (1) de la loi du 28 octobre 2016 est applicable et que la demanderesse doit tout d’abord établir que l’attestation dont elle demande la reconnaissance de son équivalence lui permettrait, en France, d’accéder à la profession d’auxiliaire de vie, ce soit alors que l’attestation litigieuse constituerait le « diplôme d’Etat d’auxiliaire de vie sociale », soit alors que celle-ci serait reconnue par l’autorité compétente française comme étant l’équivalent de celui-ci, tel que visé à l’article 12 de la loi du 28 octobre 2016.
Le tribunal constate que Madame … se prévaut à cet égard (i) de son « Attestation de fin de formation » lui délivrée en date du 17 août 2020 par « Ascor Communication SAS à Rennes (France) », (ii) de l’attestation établie par la même institution en date du 21 janvier 2021 spécifiant le contenu de la formation suivie par elle, ainsi que (iii) de l’existence en France d’un « diplôme d’Etat d’auxiliaire de vie sociale » lequel y permettrait l’accès à la profession d’auxiliaire de vie et auquel correspondrait l’« Attestation de fin de formation » litigieuse.
Or, force est de constater, indépendamment du constat que l’attestation litigieuse n’est pas intitulée « diplôme d’Etat d’auxiliaire de vie sociale », qu’il ne ressort d’aucun des éléments invoqués par la demanderesse que l’attestation litigieuse correspondrait audit diplôme, ni à un quelconque autre diplôme délivré en France et y donnerait accès à la profession réglementée d’auxiliaire de vie. En effet, alors qu’il est constant en cause que l’attestation litigieuse a été délivrée par une institution d’enseignement privé, à savoir « Ascor Communication SAS à Rennes (France) » qui est, d’après ses statuts, une société de droit français, la demanderesse reste en défaut d’établir que l’attestation litigieuse aurait été délivrée par une autorité compétente « désignée conformément aux dispositions législatives, réglementaires ou administratives» françaises au sens de l’article 13, paragraphe (2), point a) de la loi du 28 octobre 2016.
Ce constat n’est pas énervé par les développements de la demanderesse par rapport à la reconnaissance de son attestation par la Préfecture de Bretagne, alors que la concernée reste également en défaut d’établir en droit, que celle-ci serait à qualifier d’« autorité compétente, désignée conformément aux dispositions législatives, réglementaires ou administratives de l’Etat dont elle dépend » au sens de l’article 13 de la loi du 28 octobre 2016.
Il s’ensuit que les développements de la demanderesse tendant à établir que l’attestation litigieuse constituerait le « diplôme d’Etat d’auxiliaire de vie sociale » permettant en France l’accès à la profession d’auxiliaire de vie sont à rejeter pour manquer de fondement.
8 Dans la mesure où l’article 12 de la loi du 28 octobre 2016 prévoit la possibilité de reconnaître des titres de formation assimilés, il échet de vérifier si, tel que soutient la demanderesse, ladite attestation est reconnue par l’Etat français comme étant équivalent au « diplôme d’Etat d’auxiliaire de vie sociale ».
Or, il échet de constater que la demanderesse reste en défaut d’établir une telle équivalence.
En effet, s’il ressort, certes, de l’attestation litigieuse du 17 août 2020 qu’« Ascor Communication SAS à Rennes (France) » est enregistrée auprès du Préfet de la Région Bretagne, il n’en ressort pas pour autant que la formation suivie par la concernée et l’attestation délivrée à son issue soit de ce fait reconnu comme l’équivalent du « diplôme d’Etat d’auxiliaire de vie sociale », permettant l’accès en France à ladite profession, une formation pouvant être reconnue par un Etat sans pour autant donner accès à une profession réglementée. Ce même constat vaut pour la mention sur l’attestation de « Ascor Communication SAS à Rennes (France) » suivant laquelle l’attestation litigieuse « est reconnue par les employeurs et vous permet ainsi d’exercer dans le domaine de l’aide à la personne », alors qu’il n’en ressort pas pour autant que la demanderesse serait autorisée, sur base de la seule attestation lui délivrée en date du 17 août 2020 par cette institution française, d’exercer en qualité d’auxiliaire de vie en France, étant donné que, d’une part, le « domaine de l’aide à la personne » n’est pas l’équivalent de l’exercice en tant qu’auxiliaire de vie et que, d’autre part, cette mention ne provient pas d’une autorité française publique, mais tel que relevé ci-avant, d’une société de droit privé français, sans que la demanderesse n’ait versé un document émanant des autorités françaises reconnaissant l’équivalence de l’attestation litigieuse à un « diplôme d’Etat d’auxiliaire de vie sociale » français, tel que soutenu par elle.
Dans la mesure, par ailleurs, où les articles 13, paragraphe (1) et 12 de la loi du 28 octobre 2016 prévoient que le titre de formation ou le titre assimilé dont la reconnaissance d’équivalence est demandée doit être reconnu, dans l’Etat membre l’ayant délivré, comme donnant accès à la profession concernée dans ledit Etat membre et que la condition que ledit titre de formation ou titre assimilé doit être visé par l’article 11 de la loi du 28 octobre 2016 constituent des conditions cumulatives, il suffit qu’une seule de ces conditions n'est pas remplie pour rejeter une demande en reconnaissance d’équivalence présentée dans ce cadre, de sorte qu’en l’absence d’établissement par la concernée du fait que l’attestation en question lui donne accès en France à la profession d’auxiliaire de vie suffit à lui seul pour refuser la reconnaissance de l’attestation litigieuse comme étant équivalente au diplôme d’aptitude professionnelle luxembourgeois d’auxiliaire de vie.
Il s’ensuit que les développements de la partie demanderesse relatifs à une prétendue violation par la décision déférée de l’article 11 de la loi du 28 octobre 2016 sont à rejeter pour défaut de pertinence et que c’est à bon droit que le ministre a, sans commettre un excès de pouvoir et sans méconnaître la portée des articles 12 et 13 de la loi du 28 octobre 2016, pu refuser sa demande de reconnaissance de l’« Attestation de fin de formation » lui délivrée par l’institut « Ascor Communication SAS à Rennes (France) » en date du 17 août 2020 comme étant équivalent au diplôme d’aptitude professionnelle luxembourgeois d’auxiliaire de vie.
Au vu des considérations qui précèdent, et à défaut de tout autre moyen, le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.
9 S’agissant de la demande en paiement d’une indemnité de procédure de 2.500 euros formulée par la partie demanderesse dans sa requête introductive d’instance sur le fondement de l’article 240 du Nouveau Code de Procédure civile (NCPC), celle-ci est rejetée. En effet, au-delà du constat que l’article 240 NCPC n’est pas applicable devant les juridictions administratives, la demande est encore à rejeter sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, et cela eu égard à l’issue du recours.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;
se déclare incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation ;
reçoit en la forme le recours en annulation introduit à titre principal ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par la demanderesse ;
condamne la demanderesse aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 17 septembre 2024 par :
Thessy Kuborn, premier vice-président, Laura Urbany, premier juge, Sibylle Schmitz, premier juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 17 septembre 2024 Le greffier du tribunal administratif 10