Tribunal administratif Numéro 47371 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47371 5e chambre Inscrit le 28 avril 2022 Audience publique du 18 septembre 2024 Recours formé par société à responsabilité limitée X, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes et des bulletins d’impôt en matière d’impôt sur le revenu
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 47371 du rôle et déposée le 28 avril 2022 au greffe du tribunal administratif par la société à responsabilité limitée NC ADVOCAT SARL, inscrite au tableau V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-1222 Luxembourg, 16, rue Beck, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B236962, représentée aux fins de la présente instance par Maître Nadia CHOUHAD, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée X, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par ses gérants actuellement en fonctions, tendant principalement à la réformation et subsidiairement l’annulation 1) d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 28 janvier 2022, référencée sous les numéros C 25101, C 25102, C 25103 et C 25104, ayant déclaré irrecevable ses réclamations introduites en date du 15 juin 2018 pour défaut de mandat ad litem, et 2) du bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2013, des bulletins de l’établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation, et de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2014 et au 1er janvier 2015, tous émis le 9 mai 2018, ainsi que des bulletins de l’établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation, et de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2016, tous les deux émis le 24 mai 2018 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 22 septembre 2022 ;
Vu le mémoire en réplique déposé le 26 octobre 2022 au greffe du tribunal administratif par la société à responsabilité limitée NC ADVOCAT SARL, préqualifiée, pour le compte de sa mandante, préqualifiée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Steve COLLART en sa plaidoirie à l’audience publique du 15 mai 2024, Maître Nadia CHOUHAD s’étant excusée.
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En date du 9 mai 2018, le bureau d’imposition Luxembourg Sociétés …, ci-après désigné par le « bureau d’imposition », émit à l’égard de la société à responsabilité limitée X, ci-après désignée par la « société X », le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2013, ainsi que les bulletins de l’établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation, et de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2014 et au 1er janvier 2015.
En date du 24 mai 2018, le bureau d’imposition émit encore à son égard les bulletins de l’établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation, et de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2016.
Par quatre courriers séparés datés du 11 juin 2018, réceptionnés les 15 juin 2018, la société dénommée « Y », ci-après désignée par la « société Y », d’une part, introduisit une réclamation contre le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2013, ainsi que les bulletins de l’établissement de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation au 1er janvier 2014, 2015 et 2016, précités, en y indiquant à chaque fois la mention de la société X, ainsi que son adresse postale dans l’objet des courriers, et, d’autre part, sollicita un sursis à exécution desdits bulletins (« Aussetzung des Bescheides »).
Par courrier du 19 juin 2018, ayant pour destinataire la « Y », la division Contentieux de l’administration des Contributions directes, ci-après désignée par l’« administration », s’adressa à « Herr B » dans les termes suivants : « […] Den Anfechtungen ist eine Prozessvollmacht vorzulegen (s. Anhang).
Eine Aussetzung der Vollziehung ist beim zuständigen Steuerbüro Société … zu beantragen. […]. », tout en y annexant un formulaire intitulé « Bestätigung der Erteilung einer Vollmacht ».
Par courrier du 5 juillet 2018, la société Y transmit la « angeforderte Prozessvollmacht » en y joignant le document, intitulé « Bestätigung der Erteilung einer Vollmacht » daté du 27 juin 2018 et rempli par un dénommé « A » en sa qualité de « Direktor » de la société X.
Par courrier séparé du 5 juillet 2018, la société Y introduisit une demande de sursis à exécution du bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2013 auprès du bureau d’imposition.
Par courrier du 7 août 2018, le bureau d’imposition rejeta la demande de sursis à exécution sur le fondement du § 251 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, appelée « Abgabenordnung », en abrégée « AO ».
Par courrier du 10 septembre 2021, ayant pour destinataire « Y zu Händen von Herrn B », le directeur procéda à une mise en état (« Aufforderung ») pour obtenir la communication de certains documents pour le 30 novembre 2021 au plus tard, dans les termes suivants :
« […] Nach Einsicht der am 15. Juni 2018 eingegangenen Rechtsmittelschriften mit welcher Herr B, der Steuerberatungsgesellschaft mit beschränkter Haftung Y, im Namen der Gesellschaft mit beschränkter Haftung X, mit Sitz in L-…, folgende Bescheide anficht :
− Körperschaftsteuerbescheid des Jahres 2013, − Einheitswertbescheid des Betriebsvermögens zum 1. Januar des Jahres 2014, − Einheitswertbescheid des Betriebsvermögens zum 1. Januar des Jahres 2015, allesamt ergangen am 9. Mai 2018, − Einheitswertbescheid des Betriebsvermögens zum 1. Januar des Jahres 2016 ergangen am 24. Mai 2018.
Nach Einsicht der §§ 228 und 235 sowie der §§ 243, 244 und 171 der Abgabenordnung wird die Reklamantin aufgefordert folgende Belege und Dokumente zu erbringen :
• Gesellschafterbeschlüsse betreffend die Jahresabschlüsse zum 31. Dezember der Jahre 2013, 2014 und 2015, • Anhänge zu den Jahresabschlüssen zum 31. Dezember der Jahre 2013, 2014 und 2015, • Berichte der Geschäftsleitung zu den Geschäftsjahren 2013, 2014 und 2015, • Berichte des internen Rechnungsprüfers gegebenenfalls des Wirtschaftsprüfers (Réviseur d’entreprises agréé) betreffend die Geschäftsjahre 2013, 2014 und 2015 in Übereinstimmung mit den in Luxemburg geltenden gesetzlichen Bestimmungen und Verordnungen, Erläuterungen darüber abzuliefern, aus welchem Grund seit dem Geschäftsjahr 2013 keine weiteren Bilanzen mit den dazugehörigen Anhängen bis zum heutigen Tag beim Handels-
und Firmenregister eingereicht wurden.
Die angeforderten Belege und, falls nötig, zusätzliche Erklärungen, sind zu richten an:
Directeur des Contributions directes Secrétariat du contentieux L-2982 Luxembourg. […]. ».
Par courrier du 19 octobre 2018, la société Y introduisit un recours hiérarchique formel (« Beschwerde ») contre la décision du bureau d’imposition datée du 7 août 2018.
Par courrier du 17 janvier 2022, la société Y s’adressa au directeur pour lui faire parvenir les éléments requis dans son courrier du 10 septembre 2021.
Par décision du 28 janvier 2022, référencée sous les numéros C 25101, C 25102, C 25103 et C 25104, le directeur déclara irrecevables les réclamations introduites en date du 15 juin 2018 pour défaut d’existence d’un mandat ad litem dans le chef de la société Y, respectivement de Monsieur B, dans les termes suivants :
« […] Nach Einsicht der am 15. Juni 2018 eingegangenen Rechtsmittelschriften mit welcher Herr B, der Steuerberatungsgesellschaft mit beschränkter Haftung Y, im Namen der Gesellschaft mit beschränkter Haftung X, mit Sitz in L-…, folgende Bescheide anficht − Körperschaftsteuerbescheid des Jahres 2013, − Einheitswertbescheid des Betriebsvermögens zum 1. Januar des Jahres 2014, − Einheitswertbescheid des Betriebsvermögens zum 1. Januar des Jahres 2015, allesamt ergangen am 9. Mai 2018, − Einheitswertbescheid des Betriebsvermögens zum 1. Januar des Jahres 2016 ergangen am 24. Mai 2018.
Nach Einsicht der Steuerakte ;
Nach Einsicht der Aufforderung des Steuerdirektors vom 10. September 2021, in Ausführung der §§ 243, 244 und 171 der Abgabenordnung (AO), und der Antwort der Reklamantin vom 17. Januar 2022 ;
Nach Einsicht der §§ 102, 107, 228, 238, 254, Absatz 2 und 301 AO ;
In Erwägung, dass zwar jede Verfügung einzeln geprüft werden muss und es dem Ermessen des Steuerdirektors vorbehalten ist, zusammenhängende Verfahren gegebenenfalls zu verbinden ; dass von daher sämtliche Anfechtungen in einer gemeinsamen Entscheidung verbunden werden ;
In Erwägung, dass § 254, Absatz 2 AO Folgendes vorsieht « Bevollmächtigte und gesetzliche Vertreter haben sich auf Verlangen als solche auszuweisen. » ; dass in allen Verfahrensarten, um andere zu vertreten, eine ausdrückliche und besondere Vollmacht ad litem erforderlich ist ;
In Erwägung, dass mangels einer den Rechtsmittelschriften beiliegenden Vollmacht, in Ergänzung des Verfahrens, die Steuerberatungsgesellschaft mit beschränkter Haftung Y per Schreiben vom 19. Juni 2018 aufgefordert wurde, ihre ausdrückliche und besondere Bevollmächtigung für die vorliegenden Streitsachen nachzuweisen ;
In Erwägung, dass laut ständiger Rechtssprechung, eine ausdrückliche und besondere Vollmacht vor dem Zeitpunkt der Einreichung einer Anfechtung bestanden haben muss ; dass das Verwaltungsgericht sich kürzlich in einem vergleichbaren Fall folgendermaßen ausgedrückt hat : « le mandataire d’un contribuable doit prouver l’existence d’un mandat spécial et exprès au moment de l’introduction de la réclamation pour le compte de son mandant, le tribunal, statuant dans le cadre d’un recours en réformation, peut prendre en compte des pièces qui n’étaient pas à la disposition du directeur au moment où ce dernier a pris sa décision, sous condition que le mandat versé pendant la phase contentieuse ait été antérieur à l’introduction de la réclamation » ;
In Erwägung, dass der Verwaltungsgerichtshof Folgendes festgehalten hat : « si le paragraphe 254 alinéa 2 de la loi générale des impôts (AO) porte que « Bevollmächtigte und gesetzliche Vertreter haben sich auf Verlangen als solche auszuweisen », disposition muette sur la date à laquelle devrait exister le pouvoir visé, il n’en est pas moins que l’invitation à verser une procuration doit être entendue en ce sens qu’il s’agit de communiquer à l’administration la procuration existante qui aura pu manquer au dossier, rendant ainsi incertaine l’existence de la qualité d’agir du mandataire et non pas de faire rédiger a posteriori une procuration, un mandataire n’ayant pu introduire la réclamation pour compte d’autrui qu’au cas où il était muni d’une procuration spéciale et expresse à cette fin » ;
In Erwägung, dass die Steuerberatungsgesellschaft mit beschränkter Haftung Y am 9.
Juli 2018 ein auf den 27. Juni 2018 datiertes Schreiben nachgereicht hat, mit welchem die Reklamantin, vertreten durch Herrn A, den Steuerberater B, sie « zur Einlegung des Rechtsmittels in seinem / ihren Namen gegen folgende Bescheide :
Bezeichnung des Bescheids Steuerjahr Einheitswertbescheid 01.01.2014 Einheitswertbescheid 01.01.2015 Einheitswertbescheid 01.01.2016 Körperschaftsteuerbescheid 2013 » bevollmächtigt hat ; dass demzufolge die Vollmacht nach dem Zeitpunkt des Einreichens der Anfechtungen datiert ist ;
In Erwägung, dass somit feststeht, dass keine Vollmacht ad litem zur Zeit der Einreichung der Rechtsmittelschriften am 15. Juni 2018 bestanden hat ;
AUS DIESEN GRÜNDEN ENTSCHEIDET die Anfechtungen sind unzulässig wegen fehlender Vertretungsbefugnis. […]. ».
Par décision séparée du même jour, référencée sous le numéro C 30526, le directeur déclara irrecevable « wegen fehlender Vertretungsbefugnis » le recours hiérarchique formel introduit contre la décision du bureau d’imposition portant rejet de sa demande de sursis à exécution pour les mêmes motifs Par requête déposée le 28 avril 2022 au greffe du tribunal administratif, la société X a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation 1) de la décision directoriale du 28 janvier 2022, précitée, ayant déclaré irrecevables les réclamations introduites le 15 juin 2018 pour défaut d’existence d’un mandat ad litem, et 2) du bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2013, des bulletins de l’établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation, et de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2014 et au 1er janvier 2015, tous émis le 9 mai 2018, ainsi que des bulletins de l’établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation, et de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2016, tous les deux émis le 24 mai 2018.
I) Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours Il résulte d’une lecture combinée des dispositions combinées du § 228 AO et de l’article 8, paragraphe (3), point 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par la « loi du 7 novembre 1996 », que le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre un bulletin de l’impôt.
Le tribunal est dès lors compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit à l’encontre de la décision directoriale précitée du 28 janvier 2022.
Le délégué du gouvernement fait valoir qu’en présence d’une décision du directeur ayant statué sur les mérites des réclamations dirigées contre des bulletins de l’impôt, un recours dirigé directement contre lesdits bulletins serait irrecevable.
Le tribunal relève qu’en vertu de l’article 8, paragraphe (3), point 3 de la loi du 7 novembre 1996, aux termes duquel « Lorsqu’une réclamation au sens du § 228 de la loi générale des impôts ou une demande en application du § 131 de cette loi a été introduite et qu’aucune décision définitive n’est intervenue dans le délai de six mois à partir de la demande, le réclamant ou le requérant peuvent considérer la réclamation ou la demande comme rejetées et interjeter recours devant le tribunal administratif contre la décision qui fait l’objet de la réclamation ou, lorsqu’il s’agit d’une demande de remise ou en modération, contre la décision implicite de refus. Dans ce cas le délai prévu au point 4, ci-après ne court pas », un bulletin d’impôt peut uniquement être directement déféré au tribunal administratif lorsqu’une réclamation au sens du § 228 AO ou une demande en application du § 131 AO a été introduite et qu’aucune décision directoriale définitive n’est intervenue dans le délai de six mois à partir de la demande. Par contre, lorsque le directeur a statué sur la réclamation par une décision définitive, le recours est à diriger contre la décision du directeur et est irrecevable pour autant qu’introduit directement contre les bulletins d’impôt en question1.
Dans la mesure où, en l’espèce, le directeur a pris position suite aux réclamations introduites en date du 11 juin 2018, le recours dirigé contre, d’une part, le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2013, ainsi que les bulletins de l’établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation, et de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2014 et au 1er janvier 2015, tous émis le 9 mai 2018, et, d’autre part, les bulletins de l’établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation, et de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2016, tous les deux émis le 24 mai 2018, est irrecevable, tel que soulevé par le délégué du gouvernement dans son mémoire en réponse.
En revanche, le recours principal en réformation dirigé contre la décision directoriale du 28 janvier 2022 est recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
II) Quant au fond Arguments et moyens des parties Dans sa requête introductive d’instance, la société demanderesse reprend, en substance, les faits et rétroactes relatés ci-avant et prend, d’abord, position quant au reproche du directeur suivant lequel son « mandataire fiscal » n’aurait pas disposé d’un mandat ad litem.
1 Trib. adm., 6 janvier 1999, nos 10357 et 10844, confirmés par Cour adm. 14 octobre 1999, n° 11126C, Pas. adm.
2023, V° Impôts, n° 1302 et les autres références y citées.
A cet égard, elle fait valoir qu’une réclamation contre un bulletin d’impôt déclencherait un réexamen de l’imposition par le directeur et que ce réexamen pourrait aboutir à une décision qui serait prise au détriment de la personne pour laquelle la réclamation aurait été introduite, de sorte que la réclamation exigerait un mandat exprès ayant dû préexister au recours. La société demanderesse se référère à deux arrêts de la Cour administrative des 18 juillet 2007 et 21 octobre 2021, inscrits respectivement sous les numéros 22680C et 45977C du rôle pour affirmer que l’introduction d’une réclamation ne constituerait pas un simple acte d’administration. Le directeur aurait ainsi valablement pu demander à son « mandataire fiscal », suivant le courrier du 19 juin 2018, de confirmer sa procuration en lui joignant un modèle à remplir à cet effet et que ce dernier aurait retourné, dûment complété, à l’administration par courrier du 5 juillet 2018. La société demanderesse donne à considérer que dans son courrier de mise en état du 10 septembre 2021, le directeur n’aurait fait aucune mention d’une absence de procuration dans le chef de Monsieur B, ni d’une absence de procuration dans son propre chef pour introduire, en son nom et pour son compte, une réclamation.
En déclarant les réclamations litigieuses irrecevables, le directeur n’aurait mis ni son « mandataire fiscal », ni elle-même dans une situation leur permettant de savoir quelle était la procédure à suivre concernant le mandat, ni d’avoir conscience qu’il souhaitait obtenir une copie du mandat ad litem et non une simple confirmation qu’elle aurait bien donné un mandat à son « mandataire fiscal », telle que la formulation du modèle à remplir le suggérerait (« Je soussigné(e) […] confirme avoir donné mandat à Madame / Monsieur : »).
Si le tribunal devait arriver à la conclusion que le directeur avait bien sollicité la production d’un mandat ad litem exprès, la société demanderesse indique solliciter la réformation de la décision directoriale déférée en ce sens que l’introduction du recours contentieux contre la décision d’irrecevabilité prise par le directeur confirmerait la réalité de l’existence d’un mandat exprès au jour de la réclamation. Elle se prévaut notamment d’un arrêt de la Cour administrative du 3 avril 2014, inscrit sous le numéro 22764C du rôle dont il ressortirait que la finalité du § 254 AO serait de protéger le contribuable envers les agissements d’un mandataire qui dépasserait ses pouvoirs en déposant une réclamation à l’insu de son mandant.
Elle en conclut que l’introduction du présent recours constituerait une nouvelle confirmation, en plus de celle fournie par courrier du 27 juin 2018, de l’existence de sa volonté de cautionner l’introduction des réclamations litigieuses et qu’admettre le contraire constituerait un formalisme excessif qui aurait pour effet que la mesure ayant pour but de protéger le contribuable se retournerait contre lui.
Pour le surplus, la société demanderesse prend position par rapport aux cotes d’impôts litigieuses dont elle conteste le bien-fondé.
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement explique que suite à l’introduction des réclamations litigieuses, l’administration aurait demandé la production d’un mandat ad litem en application du § 254, alinéa (2) AO. Cette procuration spéciale devrait être antérieure à l’introduction d’une réclamation et ne devrait pas être rédigée après coup, tel que cela se dégagerait d’un jugement du tribunal administratif du 18 juin 2021, inscrit sous le numéro 43678 du rôle. Il ressortirait d’un arrêt de la Cour administrative du 21 octobre 2021, inscrit sous le numéro 45977C du rôle, que le mandat devrait avoir existé dès l’introduction de la réclamation et que cette antériorité devrait ressortir clairement du libellé de la procuration émanant du contribuable concerné.
Le représentant étatique fait valoir que le « comptable » aurait été invité à produire une telle procuration, mais que l’écrit communiqué à l’administration porterait la date du 27 juin 2018, tandis que les réclamations antérieures seraient datées du 15 juin, respectivement 9 mai 2018. Il en conclut qu’au jour des réclamations, le « mandataire » n’aurait disposé d’aucun mandat exprès et spécial, de sorte que le recours sous examen serait à rejeter pour être non fondé.
Dans son mémoire en réplique, la société demanderesse indique maintenir son argumentation et ajoute que c’est à bon droit que le délégué du gouvernement a indiqué que le mandat ad litem devrait exister avant l’introduction d’une réclamation. En revanche, elle fait valoir que l’administration ne pourrait pas, en l’espèce, être considérée comme ayant sollicité la remise d’un tel mandat ad litem préexistant au motif que dans son courrier du 19 juin 2018, l’administration se serait adressée à son « mandataire fiscal » en indiquant que les réclamations nécessiteraient la remise d’une « Prozessvollmacht », soit une procuration. Elle ajoute que la forme de cette demande aurait induit en erreur son « mandataire fiscal » au regard de son intitulé (« Bestätigung der Erteilung einer Vollmacht » et « Confirmation de mandat ») qui aurait laissé penser à son « mandataire fiscal » qu’elle-même devait « simplement remplir » le document fourni aux fins de confirmer le mandat préexistant les réclamations. Ceci serait d’autant plus vrai que le document en question aurait été retourné à l’administration le 5 juillet 2018 et qu’il aurait porté la date du 27 juin 2018.
Elle réitère que dans son courrier de mise en état du 10 septembre 2021, le directeur n’aurait fait aucune mention de l’absence d’un mandat ad litem dans le chef de son « mandataire fiscal » et que le directeur aurait répondu, trois ans et demi plus tard, soit le 28 janvier 2022, à ses réclamations en les déclarant irrecevables pour défaut de mandat ad litem de son « mandataire fiscal ».
La société demanderesse donne à considérer qu’une demande de « confirmation de mandat » ne constituerait pas une invitation à communiquer une procuration préexistante aux réclamations et reproche à l’administration de ne pas être en mesure de produire un courrier suffisamment clair et compréhensible de demande d’un mandat ad litem. Elle estime que le directeur ne pourrait pas se prévaloir de sa propre turpitude, d’autant plus lorsque sa décision serait intervenue de façon extrêmement tardive par rapport à la date de transmission du document de confirmation de mandat.
Elle indique que le délégué du gouvernement n’aurait pas contesté que l’introduction du présent recours contentieux confirmerait la réalité de l’existence d’un mandat exprès au jour de l’introduction des réclamations litigieuses.
Si le tribunal devait arriver à la conclusion que l’introduction du présent recours ne pourrait établir une telle existence, la société demanderesse indique qu’il y aurait lieu de considérer que son « mandataire fiscal » aurait bien disposé d’un mandat ad litem antérieur à l’introduction du présent recours. A cet égard, elle se réfère à un « mandat » qu’elle aurait établi pour la société Y en date du 7 juin 2018 aux fins d’introduire les réclamations litigieuses contre le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2013 et les bulletins de l’établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation, et de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2014, au 1er janvier 2015 et 1er janvier 2016, toutes en date du 11 juin 2018. Prenant appui sur un jugement du tribunal administratif du 12 juillet 2021, inscrit sous le numéro 43979 du rôle, la société demanderesse fait valoir que la seule circonstance qu’une procuration écrite serait produite après l’introduction d’une réclamation n’entraînerait pas ipso facto l’irrecevabilité d’une réclamation, étant donné que le contribuable serait alors admis à établir ex post l’existence de ce mandat au jour de l’introduction de la réclamation.
Analyse du tribunal Force est au tribunal de constater que le directeur a conclu à l’irrecevabilité des réclamations introduites par la société demanderesse au motif que la société Y n’aurait pas produit de mandat ad litem pour ce faire.
Aux termes du § 238 AO, « Befugt, ein Rechtsmittel einzulegen, ist der, gegen den der Bescheid oder die Verfügung ergangen ist. Für seine Vertretung gelten der §102 Absatz 2 und die §§103 bis 110. Stirbt jemand, der berechtigt ist, ein Rechtsmittel einzulegen, während eine Rechtsmittelfrist läuft, bevor er das Rechtsmittel eingelegt hat, so kann jeder Erbe das Rechtsmittel einlegen. ». Il en ressort que le destinataire d’un bulletin d’impôt désirant introduire une réclamation contre celui-ci peut se faire représenter conformément au § 102, alinéa (2) AO.
Ledit § 102 AO dispose comme suit : « (1) Für die Geschäftsfähigkeit von Privatpersonen gelten in Steuersachen die Vorschriften des bürgerlichen Rechts.
(2) Das gleiche gilt von der Vertretung und Vollmacht, soweit in den §103 bis 111 nichts anderes vorgeschrieben ist. ».
Cette disposition prévoit que les règles du droit civil sont applicables quant à la capacité d’agir des personnes privées et que ce même renvoi s’applique également en matière de mandat, sauf les dérogations établies aux §§ 103 à 111 AO.
Compte tenu des articles 1987, 1988 et 1989 du Code civil qui distinguent entre, d’une part, le mandat spécial pour une affaire ou certaines affaires seulement, et, d’autre part, le mandat général pour toutes les affaires du mandant, et précisent les pouvoirs du mandataire en fonction du mandat choisi2, le tribunal relève qu’un mandat visant les seules affaires fiscales du contribuable dans ses rapports avec les différentes instances fiscales tant administratives que juridictionnelles couvre non pas d’une manière générale toutes les affaires de la personne concernée, mais s’analyse en un mandat spécial au sens du Code civil. L’établissement d’un mandat spécial est, dès lors, requis pour l’introduction d’une réclamation qui est à considérer comme excédant un simple acte d’administration3.
Cette solution se justifie par le fait que l’acte d’introduire une réclamation devant le directeur emporte pour le contribuable le risque inhérent de voir son imposition revue, le cas échéant, in pejus conformément au § 243 AO, qui dispose que « Sie [die Rechtsmittelbehörden] können die Entscheidung auch zum Nachteil dessen, der das Rechtsmittel eingelegt hat, ändern. », autrement dit de voir modifier de manière permanente et irrévocable la situation de l’intéressé4.
Une telle procuration en vue d’introduire une réclamation devant le directeur devant être expresse et spéciale elle doit renseigner clairement l’intention du mandant d’investir le 2 Cour adm., 30 novembre 2023, n° 49092C du rôle, disponible sur le site www.justice.public.lu.
3 Trib. adm., 20 juillet 2009, n° 25156 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 1141 et les autres références y citées.
4 Cour adm., 30 novembre 2023, n° 49092C du rôle, disponible sur le site www.justice.public.lu.
mandataire du pouvoir d’agir par la voie d’une réclamation à l’encontre d’une décision déterminée avec toute la précision requise5.
Le tribunal relève, ensuite, qu’une réclamation n’est pas ipso facto irrecevable lorsqu’elle n’est pas accompagnée d’un tel mandat exprès et spécial au moment de son dépôt.
En revanche, un mandataire désigné par le contribuable a l’obligation de justifier de son mandat sur demande afférente de l’administration, sous peine d’irrecevabilité de la réclamation, tel que cela se dégage du § 254 AO qui dispose que « (1) Der Steuerpflichtige, oder wer sonst das Rechtsmittel eingelegt hat, kann sich im Rechtsmittelverfahren durch Bevollmächtigte vertreten lassen. Geschäftsmäßige Vertreter können zurückgewiesen werden; dies gilt nicht für die im §107 Absatz 3 genannten Personen. Die Vorschriften des §107 Absätze 6 und 7 finden Anwendung.
(2) Bevollmächtigte und gesetzliche Vertreter haben sich auf Verlangen als solche auszuweisen. ».
Le contribuable est d’ailleurs admis à rapporter la preuve de l’existence d’un mandat exprès et spécial conféré à son présumé mandataire en cours de phase contentieuse, alors que la finalité du mandat est de permettre aux instances saisies de contrôler que la décision d’introduire une réclamation en matière fiscale a été cautionnée par le contribuable, l’exigence de la justification d’un mandat par le mandataire étant une mesure destinée à protéger le contribuable envers les agissements d’un mandataire qui dépasserait, le cas échéant, ses pouvoirs en déposant une réclamation à son insu6.
Par ailleurs, le tribunal siégeant en tant que juge de la réformation peut prendre en compte des pièces qui n’étaient pas à la disposition du directeur au moment où ce dernier a pris sa décision, sous condition que le mandat versé pendant la phase contentieuse ait été antérieur à l’introduction de la réclamation litigieuse7 et que cette antériorité ressorte clairement du libellé de la procuration émanant du contribuable concerné.
En l’espèce, il ressort des éléments soumis à l’appréciation du tribunal que la société Y a introduit quatre réclamations en date du 15 juin 2018 contre le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2013, ainsi que les bulletins de l’établissement de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation au 1er janvier 2014, 2015 et 2016, émis respectivement les 9 et 24 mai 2018, sans y joindre un mandat exprès et spécial de la société demanderesse.
Dans son courrier du 19 juin 2018, l’administration a, en substance, fait application du § 254, alinéa (2) AO, précité, pour exiger une « Prozessvollmacht » de la part de la société Y, en y joignant une pièce-jointe (« s. Anhang ») consistant en un formulaire pré-imprimé à lui retourner dûment remplie, cette pièce-jointe comprenant deux documents identiques, l’un rédigé en Français, intitulé « Confirmation de mandat », l’autre rédigé en Allemand, intitulé « Bestätigung der Erteilung einer Vollmacht ».
5 Trib. adm., 8 mai 2000 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 1134 et les autres références y citées.
6 Trib. adm., 13 novembre 2013, n° 31962 du rôle, confirmé par Cour adm., 3 avril 2014, n° 33764C du rôle. Pas.
adm. 2023, V° Impôts, n° 1139 (1er volet) et l’autre référence y citée.
7 Trib. adm., 12 juillet 2021, n° 43979 du rôle. Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 1139 (2e volet) ; voir également Trib. adm., 18 juin 2021, n° 43678 du rôle, disponible sur le site www.jurad.etat.lu.
Il n’est pas contesté par la partie étatique que ledit document rédigé en Allemand dûment rempli et signé par un « Direktor » de la société demanderesse a été retourné à l’administration par courrier du 5 juillet 2018, soit endéans le délai de réclamation de trois mois visé au § 245 AO8.
Il n’est pas non plus contesté par la partie étatique que ni l’administration, ni le directeur n’ont formulé une quelconque observation écrite par rapport à la « Bestätigung der Erteilung einer Vollmacht » en cours de phase contentieuse et préalablement à la prise de la décision directoriale déférée sous analyse.
Au contraire, il se dégage des éléments soumis à l’appréciation du tribunal que pendant plus de 3 ans, la société demanderesse n’a reçu aucune communication écrite de la part du directeur au sujet des réclamations litigieuses et du mandat afférent. Force est de constater que ce n’est que par courrier du 10 septembre 2021 que le directeur s’est adressé à la société Y, non pas au sujet du mandat litigieux, mais pour procéder à une mise en état en lui demandant la production de certains documents, courrier auquel la société Y a répondu le 17 janvier 2022, certes après la date limite du 30 novembre 2021 fixée par le directeur. Dans ledit courrier de mise en état du 10 septembre 2021, le directeur n’a fait aucune référence au mandat conféré par la société demanderesse à la société Y. Il mentionne d’ailleurs expressément les « Rechtsmittelverfahren mit welcher Herr B, der Steuerberatungsgesellschaft mit beschränkter Haftung Y, im Namen9 der Gesellschaft mit beschränkter Haftung X […] anficht ».
Dans ces conditions, le tribunal ne saurait avaliser l’attitude du directeur ayant déclaré irrecevables les réclamations introduites par la société Y pour défaut de mandat ad litem plus de trois ans et demi après la réception non contestée du mandat et ce endéans le délai de réclamation de trois mois. A partir du moment où l’administration fait usage du § 254, alinéa (2) AO, reçoit un mandat endéans le délai de réclamation et s’adresse ensuite au mandataire désigné, dans le cadre d’une mise en état, plus de trois ans plus tard pour solliciter des documents en vue d’instruire la réclamation litigieuse quant au fond, il n’est pas admissible que le directeur rejette la réclamation en question quant à la forme pour défaut de mandat ad litem, encore moins près de 6 mois après avoir procédé à cette mise en état10.
La seule justification avancée par le directeur dans sa décision pour arriver à cette conclusion, à savoir que le mandat exprès et spécial porterait une date postérieure à l’introduction des réclamations litigieuses (« dass […] Vollmacht nach dem Zeitpunkt des Einreichens der Anfechtungen datiert ist »), encourt, quant à elle, le rejet.
La formulation employée dans le courrier de l’administration portant « Bestätigung der Erteilung einer Vollmacht » amène, tel que relevé en substance par la société demanderesse, inévitablement le contribuable (« Der/die Unterzeichnete ») devant confirmer avoir donné une procuration (« bestätigt, Vollmacht erteilt zu haben an Frau/Herr ») pour introduire une réclamation en son nom contre des bulletins d’imposition (« zur Einlegung des Rechtmittels in seinem / ihrem Namen gegen folgende Steuerbescheide »), à inscrire la date à laquelle il remplit ledit formulaire – soit une date par essence postérieure à l’introduction de la réclamation par son mandataire désigné –, et non pas la date à laquelle le contribuable a effectivement donné le 8 § 245, alinéa (1) AO : « Le délai de recours est de trois mois pour les réclamations (§228 AO) et de trois mois au contentieux des actes détachables (§237 AO) ».
9 Souligné par le tribunal.
10 Egalement en ce sens : Cour adm., 15 juillet 2021, n° 45739C du rôle, disponible sur le site www.justice.public.lu.
mandat litigieux – qui elle serait antérieure à la date d’introduction de sa réclamation. Cette conclusion s’impose au regard de l’emploi, en bas du document, de la formulation « ……. (Ort), den11 ……. (Datum) », en lieu et place d’une formulation qui solliciterait la confirmation du contribuable d’avoir donné une procuration « am » suivie de la date en question. La même analyse s’impose à la lecture du formulaire rédigée en Français.
Il n’est, dès lors, pas étonnant que le « Direktor » de la société demanderesse, en tant que contribuable mandant, ait rempli le formulaire litigieux en y apposant la date du 27 juin 2018 qui est effectivement postérieure à l’introduction des réclamations en date du 15 juin 2018.
C’est, dès lors, à tort que le directeur a estimé pouvoir déclarer, en 2022, irrecevables les réclamations introduites par la société Y au nom de la société demanderesse après avoir obtenu la communication de son mandat en 2018 sans jamais remettre en cause sa validité et, surtout, après s’être adressé audit mandataire pour obtenir des documents visant à instruire le cas d’imposition de la société demanderesse, mandant, quant au fond.
Il s’ensuit que c’est de manière superfétatoire que la société demanderesse a dû être amenée à produire en 2024, en cours de phase contentieuse, à l’appui de son mémoire en réplique, un second mandat portant la date du 7 juin 2018, soit antérieure à l’introduction des quatre réclamations litigieuses du 15 juin 2018. Le délégué du gouvernement n’a d’ailleurs formulé aucune contestation par rapport à ce second mandat, que ce soit par le dépôt d’un mémoire en duplique ou oralement à l’audience des plaidoiries.
Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est à déclarer fondé.
En conséquence, la décision directoriale encourt la réformation en ce sens que la société Y disposait bien d’un mandat ad litem au moment de l’introduction des quatre réclamations introduites au nom de la société demanderesse en date du 15 juin 2018 et le dossier est à renvoyer au directeur en prosécution de cause.
III) Quant à l’indemnité de procédure La société demanderesse sollicite une indemnité de procédure d’un montant de 2.500 euros sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par la « loi du 21 juin 1999 ».
Elle tente de justifier cette demande en insistant sur la considération que le directeur n’aurait jamais explicitement demandé la procuration initiale à son mandataire fiscal et que le modèle envoyé par le directeur aurait créé une confusion quant à ses intentions dans son esprit et dans celui de son mandataire. Elle ajoute que le directeur aurait attendu plus de 2 ans pour prendre sa décision d’irrecevabilité.
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement conclut au rejet de cette demande au motif que la société demanderesse serait restée en défaut de démontrer en quoi il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais exposés par elle.
11 Souligné par le tribunal.
Aux termes de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999, « lorsqu’il paraît inéquitable de laisser à la charge d’une partie les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, le juge peut condamner l’autre partie à lui payer le montant qu’il détermine ».
Au regard du caractère inéquitable visé par la loi conditionnant directement l’allocation d’une indemnité de procédure, il y a lieu de prendre en considération les éléments tenant directement à l’issue du litige et au caractère bien, sinon mal fondé des moyens et arguments invoqués de part et d’autre, tandis que, sauf exception, les conséquences préjudiciables engendrées le cas échéant par l’acte administratif déféré au fond sont essentiellement de nature à se résoudre en dommages et intérêts, question hors du champ de compétence des juridictions de l’ordre administratif12.
Une demande d’allocation d’une indemnité de procédure qui omet de spécifier la nature des sommes exposées non comprises dans les dépens et qui ne précise pas en quoi il serait inéquitable de laisser des frais non répétibles à charge de la partie gagnante est à rejeter13.
En l’espèce, le tribunal est amené à faire droit, dans son principe, à l’indemnité de procédure sollicitée par la société demanderesse eu égard non seulement à l’issue du litige, mais également à l’attitude du directeur ayant décidé d’instruire le cas d’imposition de la société demanderesse quant au fond pour finalement se raviser, à tort, trois ans et demi plus tard en déclarant les réclamations irrecevables quant à la forme sans ne jamais avoir contesté le mandat lui communiqué endéans le délai de réclamation. Cette décision a notamment eu pour conséquence qu’un délai substantiel s’est écoulé entre l’introduction par la société Y des quatre réclamations litigieuses le 15 juin 2018 et la décision directoriale déférée du 28 janvier 2022 ayant abouti à une situation dans laquelle la société demanderesse n’a, au jour du présent jugement, toujours pas vu son cas d’imposition portant sur les années 2013, 2014, 2015 et 2016 traité quant au fond.
La société demanderesse a produit, à l’appui de son mémoire en réplique, des mémoires d’honoraires de son litismandataire portant sur la préparation du présent recours contentieux d’un montant de 1.170 euros dont la preuve de paiement a également été versée en cause.
A défaut pour la société demanderesse d’avoir spécifié autrement le montant de 2.500 euros sollicité, le tribunal est amené à évaluer le montant de l’indemnité de procédure ex aequo et bono, c’est-à-dire en équité, au seul montant spécifié par elle, en l’occurrence 1.170 euros.
L’Etat du Grand-Duché de Luxembourg est partant condamné à verser à la société demanderesse le montant de 1.170 euros à titre d’indemnité de procédure.
Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;
déclare irrecevable le recours principal en réformation pour autant qu’il est dirigé contre le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2013, les bulletins de l’établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation, et de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2014 et au 1er janvier 2015, tous émis le 9 mai 2018, ainsi que contre les 12 Cour adm., 13 février 2007, n° 22258C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 1273.
13Cour adm., 1er juillet 1997, n° 9891C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 1287 et les autres références y citées.
bulletins de l’établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation, et de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2016, tous les deux émis le 24 mai 2018 ;
se déclare compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit contre la décision directoriale du 28 janvier 2022, référencée sous les numéros C 25101, C 25102, C 25103 et C 25104 ;
reçoit ledit recours en réformation en la forme pour le surplus ;
au fond, le déclare justifié, partant, par réformation de la décision directoriale du 28 janvier 2022, dit que la société Y disposait d’un mandat ad litem pour introduire les quatre réclamations au nom de la société demanderesse en date du 15 juin 2018 et que c’est à tort que le directeur les a déclarées irrecevables de ce chef ;
renvoie le dossier au directeur en prosécution de cause ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
condamne l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg au paiement d’indemnité de procédure de 1.170 euros à la société demanderesse ;
condamne l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 18 septembre 2024 par :
Françoise EBERHARD, premier vice-président, Benoît HUPPERICH, premier juge, Caroline WEYLAND, premier juge, en présence du greffier Lejila ADROVIC.
s.Lejila ADROVIC s.Françoise EBERHARD Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 18 septembre 2024 Le greffier du tribunal administratif 14