Tribunal administratif N° 47662 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47662 5e chambre Inscrit le 7 juillet 2022 Audience publique du 18 septembre 2024 Recours formés par Madame X, … (Belgique) contre un bulletin d’appel en garantie et des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités, de l’impôt commercial communal et de l’impôt sur le revenu de capitaux mobiliers en matière d’appel en garantie
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 47662 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 7 juillet 2022 par la société en commandite simple BONN STEICHEN & PARTNERS SCS, établie et ayant son siège social à L-3364 Leudelange, 11, rue du Château d’Eau, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, représentée par son gérant commandité actuellement en fonctions, la société à responsabilité limitée BSP SARL, établie et ayant son siège social à L-3364 Leudelange, 11, rue du Château d’Eau, elle-
même représentée aux fins de la présente procédure par Maître Pol MELLINA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame X, demeurant B-… (Belgique), tendant, d’après son dispositif, 1) dans le cadre d’un recours en réformation, sinon en annulation, « incident » « ouvert en vertu du § 119, al.1 AO », à l’annulation sinon à la réformation des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités, de l’impôt commercial communal et de l’impôt sur le revenu de capitaux mobiliers pour les années d’imposition 2015, 2016 et 2017 émis le 20 mars 2019 à l’encontre de la société à responsabilité limitée A, ayant été établie et eu son siège social à L-…, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, déclarée en faillite, représentée par son curateur, « dans le sens de retenir l’absence de distributions cachées de bénéfices pour les exercices 2015 à 2017 inclus » ;
2) dans le cadre d’un recours en réformation, sinon en annulation, « principal », à l’annulation, sinon à la réformation d’un bulletin d’appel en garantie émis à l’encontre de Madame X le 29 septembre 2020, « dans le sens que l’appel en garantie […] n’est pas justifié et que [Madame X] est dès lors à décharger de l’impôt de la Société mis à sa charge » ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 24 novembre 2022 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 27 décembre 2022 par la société en commandite simple BONN STEICHEN & PARTNERS SCS, pour le compte de sa mandante, préqualifiée ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 26 janvier 2023 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les bulletins critiqués ;
Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Marc-Alexandre BIEBER, en remplacement de Maître Pol MELLINA, et Monsieur le délégué du gouvernement Steve COLLART en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 juin 2024.
Par courrier du 4 décembre 2018, le préposé du bureau d’imposition Sociétés … de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « bureau d’imposition », s’adressa, sur le fondement des §§ 170 et 205 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », à la société à responsabilité limitée A, ci-après désignée par la « société A », pour se voir communiquer un certain nombre de « renseignements » « avec les explications nécessaires » au sujet de ses déclarations pour l’impôt sur le revenu des collectivités et l’impôt commercial communal des années 2015 à 2017, pour le 21 décembre 2018 au plus tard, à savoir « 1) Une copie du contrat de bail », « 2) L’historique du compte rolling stock », « 3) L’historique du compte accountant and auditor fees », « 4) L’historique du compte management », « 5) L’historique du compte phones », « 6) L’historique du compte payments to forwarding agents », et « 7) L’historique du c/c associés ».
Par courrier du 13 décembre 2018, réceptionné le 17 décembre 2018, la société A fit parvenir, par l’intermédiaire de la société à responsabilité limitée B, ci-après désignée par la « société B », un certain nombre de documents au bureau d’imposition.
Par un premier courrier du 7 janvier 2019, le préposé du bureau d’imposition s’adressa à la société A, au sujet de sa déclaration pour l’impôt sur le revenu des collectivités et l’impôt commercial communal de l’année 2017, dans les termes suivants : « […] Etant donné qu’au cours des derniers exercices l’endettement de Mme X envers la société a augmenté considérablement, veuillez me faire parvenir le contrat de prêt y relatif. Si un tel contrat n’existe pas, Mme X est invité à manifester une intention claire ( au cours des exercices à venir) de procéder au remboursement de cette dette, faute de quoi les sommes prélevées seront considérées intégralement comme distribution cachée de bénéfices au sens de l’article 164(3) L.I.R. […] ».
Par un second courrier du 7 janvier 2019, le préposé du bureau d’imposition s’adressa à la société A, au sujet des déclarations pour l’impôt sur le revenu des collectivités et l’impôt commercial communal des années 2015, 2016 et 2017, sur le fondement des §§ 170 et 205 AO, pour se voir communiquer un certain nombre de « renseignements » « avec les explications nécessaires », pour le 28 janvier 2019 au plus tard, à savoir « 1) L’historique du compte buildings (avec une copie de contrats de bail) », « 2) La comptabilisation du loyer cf. votre courrier du 13/12/2018 (contrat de bail) », « 3) Compte Management 2015 : facture N° … …€ + facture N° … …€ », et « 4) Compte Management 2017 : facture N° … … ».
Par courrier du 14 janvier 2019, réceptionnée le 16 janvier 2019, la société B s’adressa au bureau d’imposition, par rapport au premier courrier du 7 janvier 2019, dans les termes suivants : « […] Un contrat de prêt n’existe pas entre Madame X et la société A. Suite à plusieurs appels téléphoniques, Madame X m’a confirmé qu’elle va faire des paiements en plusieurs tranches pour rembourser la dette envers la société.
Le compte courant de Madame X s’élève à la date du 31.12.2017 à … EUR. Comme elle souhaite procéder au remboursement au plus vite, elle envisage de réaliser un premier remboursement de … EUR en mars 2019. Un deuxième remboursement de … EUR sera fait en principe à la fin de l’année 2019.
Comme il y a encore des montants alloués dans son compte courant de la société dans l’année 2018, elle attend le solde exact pour voir qu’elle somme elle devra rembourser début l’année 2020 afin d’épurer la dette envers la société. […] ».
Par courrier du 16 janvier 2019, réceptionné le 28 janvier 2019, la société B fit parvenir un certain nombre de documents au bureau d’imposition en réponse au second courrier du 7 janvier 2019.
Par courrier du 29 janvier 2019, le préposé du bureau d’imposition informa la société A, sur le fondement du § 205, alinéa (3) AO, qu’il envisageait de s’écarter de ses déclarations pour l’impôt sur le revenu des collectivités et l’impôt commercial communal des années 2015 à 2017, tout en l’invitant à formuler ses objections pour le 20 février 2019 au plus tard, dans les termes suivants :
« […] Conformément aux dispositions du paragraphe 205 (3) de la loi générale des impôts, je vous communique ci-après les modifications essentielles que le bureau d’imposition Sociétés … se propose de faire à vos déclarations fiscales pour les exercices 2015-2017. […] Considérant que si en principe il incombe aux contribuables de fournir la preuve de la totalité des déplacements requise à des fins de détermination de la part de l’utilisation professionnelle au moyen notamment d’un carnet de bord, les contribuables doivent au moins, en l’absence de ce moyen de preuve, pouvoir présenter des annotations et autres pièces à l’appui pouvant être raisonnablement prises en considération pour étayer une quote-part professionnelle justifiée. (de même pour les autres comptes, il incombe aux contribuables de fournir la preuve du contraire) Il est sous-entendu que les montants en question seront liquidés par voie de distribution cachée de bénéfice (dcb) au sens de l’Art 164(3) LIR. Ils seront donc ajoutés, hors bilan, au résultat de l’exercice et soumis à une retenue d’impôt sur les revenus de capitaux de 15%.
[…] ».
En date du 20 mars 2019, le bureau d’imposition … émit, à l’égard de la société A, des :
- bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités relatif aux années 2015 à 2017 avec l’indication « Distribution cachée de bénéfices, voir explications sur le bulletin de la retenue sur les revenus de capitaux […] », - bulletins de l’impôt commercial communal relatif aux années 2015 à 2017, - bulletins de la valeur unitaire et de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2016, 2017 et 2018, et - bulletins de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux mobiliers relatif aux années 2015 à 2017 avec l’indication « imposition suivant lettre paragraphe 205 ao du 29 janvier 2019 [et] délai pour les objections éventuelles 20/02/19 […] » et « cf.
remarque sub. Bulletin 2015 » respectivement.
Par courrier du 18 juin 2019, réceptionné le 20 juin 2019, la société A introduisit une réclamation, signée par Madame X en sa qualité de « Gérante de la société », contre « les Bulletin[s] d’impôt sur le revenu, commercial, sur la fortune et sur le revenu de capitaux pour les exercices 2015, 2016 et 2017 tous établis […] en date du 20 mars 2019 », auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « directeur ».
Suivant jugement du 8 janvier 2020 rendu par le tribunal d’Arrondissement de et à Diekirch, siégeant en matière commerciale, référencé sous le numéro 2020TADCOMM/11, la société A fut déclarée en faillite.
En date du 29 septembre 2020, le bureau d’imposition émit un bulletin d’appel en garantie (« Haftungsbescheid ») sur le fondement du § 118 AO à l’égard de Madame X en sa qualité de gérante et « responsable de la gestion journalière dans le sens le plus large » de la société A, déclarée en faillite, ledit bulletin déclarant cette dernière redevable d’un montant de … euros en principal et intérêts au titre de l’impôt sur le revenu des collectivités relatif aux années 2015 à 2018, de l’impôt commercial communal relatif aux années d’imposition 2015 à 2017, de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2018, et de l’impôt sur le revenu de capitaux relatif aux années 2015 à 2017, qui seraient dus à l’administration, par la société A.
Ledit bulletin est libellé comme suit :
« […] Il est dû à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg par la société A en faillite ayant eu son siège social à L- …, immatriculée sous le dossier fiscal … à titre de :
l’impôt sur le revenu des collectivités Année 2015 Principal … € Année 2015 Intérêts …€ Année 2016 Principal …€ Année 2016 Intérêts …€ Année 2017 Principal …€ Année 2017 Intérêts …€ l’impôt sur la fortune Année 2018 Principal …€ Année 2018 Intérêts …€ l’impôt commercial communal Année 2015 Principal …€ Année 2015 Intérêts …€ Année 2016 Principal …€ Année 2016 Intérêts … € Année 2017 Principal …€ Année 2017 Intérêts …€ l’impôt sur le revenu de capitaux Année 2015 Principal …€ Année 2015 Intérêts …€ Année 2016 Principal …€ Année 2016 Intérêts …€ Année 2017 Principal …€ Année 2017 Intérêts …€ Il résulte du dépôt au registre de commerce en date du 29 avril 2015, N° de dépôt … que Madame X a été nommée gérante de la société A en faillite avec le pouvoir d’engager la société sous sa seule signature, responsable de la gestion journalière dans le sens le plus large.
Par conséquent, et conformément aux termes des §§ 108 et 103 AO vous êtes personnellement tenue à l’accomplissement de toutes les obligations fiscales incombant à la société A en faillite dont notamment le paiement des impôts dus par la société à l’aide des fonds administrés.
Votre faute personnelle consiste dans le fait de ne pas avoir accompli ou veillé à l’accomplissement des obligations qui incombent à la personne représentée, et notamment dans le manque de diligence ou de soin apporté à l’exécution des obligations fiscales de la société avec comme conséquence une insuffisance de l’impôt payé par rapport à l’impôt dû.
Notamment dépôt tardif des déclarations fiscales des années 2015 à 2018 et défaut de réponse à divers questionnaires adressés par l’administration à la société, ce qui a entrainé des distributions cachées de bénéfice pour les années 2015 à 2018.
Ceci constitue manifestement une faute grave de vos obligations en tant que gérante délégué à la gestion journalière de la société A en faillite.
Suite à l’inexécution fautive de vos obligations, le receveur de l’Administration des contributions directes n’a pas perçu les impôts d’un montant … €.
Ce montant de … euros se compose comme suit :
l’impôt sur le revenu des collectivités [montants repris ci-avant] l’impôt sur la fortune [montants repris ci-avant] l’impôt commercial communal [montants repris ci-avant] l’impôt sur le revenu de capitaux [montants repris ci-avant] En vertu du § 110 AO votre responsabilité pour les actes accomplis pendant la période de vos fonctions survit à l’extinction de votre pouvoir de représentation.
Considérant qu’en vertu du § 103 AO vous étiez tenu de remplir les obligations fiscales incombant à la société A en faillite.
Considérant que l’inexécution de ces obligations est à qualifier de fautive.
Considérant que dans la mesure où, par l’inexécution fautive de vos obligations, vous avez empêché la perception de l’impôt légalement dû, vous êtes constitué codébiteur solidaire de ce montant conformément au § 109 AO.
Considérant que le § 118 AO m’autorise à engager votre responsabilité.
Considérant le fait qu’en votre qualité de gérante, j’engage votre seule responsabilité, l’appel en garantie s’élève au montant de … euros, sans préjudice des intérêts de retard ultérieurs. […]. ».
Par courrier recommandé daté du 10 novembre 2021, réceptionné le lendemain par l’administration, Madame X introduisit, par l’intermédiaire de son litismandataire, une réclamation contre le bulletin d’appel en garantie, précité, auprès du directeur.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 7 juillet 2022, Madame X a fait introduire un recours tendant, d’après son dispositif, 1) dans le cadre d’un recours en réformation, sinon en annulation, « incident » « ouvert en vertu du § 119, al.1 AO », à l’annulation sinon à la réformation des bulletins d’impôt précités émis à l’encontre de la société A « dans le sens de retenir l’absence de distributions cachées de bénéfices pour les exercices 2015 à 2017 inclus », et 2) dans le cadre d’un recours en réformation, sinon en annulation, « principal », à l’annulation, sinon à la réformation du bulletin d’appel en garantie émis à son encontre le 29 septembre 2020, « dans le sens que l’appel en garantie […] n’est pas justifié et que [Madame X] est dès lors à décharger de l’impôt de la Société mis à sa charge ».
Par décision du 10 août 2022, référencée sous le numéro du rôle C 26603, le directeur reçut la réclamation de la société A en la forme, mais la rejeta comme non fondée dans les termes suivants :
« […] Vu la requête introduite le 20 juin 2019 par la dame X, agissant au nom de la société à responsabilité limitée en faillite A1, ayant eu son siège social à L-…, pour réclamer contre « les Bulletin (sic) d’impôt sur le revenu, commercial, sur la fortune et sur le revenu de capitaux pour les exercices 2015, 2016 et 2017 tous établis par votre Administration en date du 20 mars 2019 » ;
Vu le dossier fiscal ;
Considérant que la réclamante ne désigne pas de façon explicite quelle décision elle entend attaquer ; que par application du principe de l’effet utile selon lequel la jurisprudence tend, sur le fondement du § 249, alinéas 1er et 2 de la loi générale des impôts (AO), à interpréter les requêtes des contribuables selon l’intention qu’elles manifestent plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes employés, la requête est à considérer comme étant dirigée contre les bulletins suivants :
1 Jugement TAD • bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités des années 2015, 2016 et 2017, • bulletins de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2015, 2016 et 2017, • bulletins de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux des années 2015, 2016 et 2017, • bulletins de l’établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation au 1er janvier des années 2016, 2017 et 2018, • bulletins de l’impôt sur la fortune au 1er janvier des années 2016, 2017 et 2018, tous émis en date du 20 mars 2019 ;
Vu les §§ 228 et 301 AO ;
Considérant que si l’introduction de plusieurs instances par une seule et même requête n’est incompatible, en l’espèce, ni avec le secret fiscal, ni avec les règles de compétence et de procédure, elle ne dispense pas d’examiner chaque acte attaqué en lui-même et selon ses propres mérites et ne saurait imposer une jonction qu’il est loisible au directeur des contributions de prononcer lorsque les instances lui paraissent suffisamment connexes ; qu’il n’y a pas lieu de la refuser en la forme ;
Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu’elles sont partant recevables ;
Considérant que la réclamante fait grief au bureau d’imposition d’avoir admis des distributions cachées de bénéfices en relation avec des dépenses d’exploitation au titre des années 2015, 2016 et 2017 ;
Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens du réclamant, la loi d’impôt étant d’ordre public ;
qu’à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-
fondé ;
En ce qui concerne les bulletins de l’impôt sur la fortune au 1er janvier des années 2016, 2017 et 2018 Considérant que l’impôt sur la fortune de la réclamante a été établi, conformément au § 12 de la loi de l’impôt sur la fortune (VStG) par assiette annuelle au 1er janvier des années 2016, 2017 et 2018, valable pour les années 2016, 2017 et 2018 ;
Considérant que les valeurs unitaires de la fortune d’exploitation ont été établies séparément dans le chef de la réclamante en vertu du § 214, alinéa 1er AO et que les bulletins de l’impôt sur la fortune de la réclamante reposent justement sur les bulletins de fixation de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation établies au 1er janvier des années 2016, 2017 et 2018 ;
Considérant qu’une imposition qui est assise en tout ou en partie sur des bases fixées par établissement séparé ne peut être attaquée pour le motif que ces bases d’imposition seraient inexactes ; qu’une telle réclamation ne peut être formée que contre les bulletins portant établissement séparé, en l’espèce notamment contre les bulletins de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation au 1er janvier des années 2016, 2017 et 2018 (§ 232, alinéa 2 AO) ;
Considérant d’ailleurs que si le bulletin de l’établissement séparé a fait l’objet d’une réclamation, sa réformation entraînera d’office un redressement du bulletin d’impôt établi sur base dudit bulletin d’établissement (§ 218, alinéa 4 AO) ;
Considérant, tel qu’il vient d’être développé supra, que les réclamations contre les bulletins de l’impôt sur la fortune au 1er janvier des années 2016, 2017 et 2018 sont à rejeter comme non fondées ;
En ce qui concerne les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2015, 2016 et 2017 Considérant que les statuts de la réclamante prévoient que celle-ci « a pour objet, au Luxembourg ou à l’étranger, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui : - la consultance dans le domaine informatique notamment pour ce qui concerne le service mangement et le project management. - la mise à disposition sur site de ressources humaines et de moyens techniques afin d’assurer, le cas échéant, la réalisation de son objet social. La société pourra accomplir toutes opérations commerciales, industrielles ou financières, ainsi que tous transferts de propriété immobiliers ou mobiliers. La société a, en outre, pour objet toutes les opérations se rapportant directement ou indirectement à la prise de participations sous quelque forme que ce soit, dans toute entreprise, ainsi que l’administration, la gestion, le contrôle et le développement de ces participations. Elle pourra notamment employer ses fonds à la création, à la gestion, à la mise en valeur et à la liquidation d’un portefeuille se composant de tous titres et brevets de toute origine, participer à la création, au développement et au contrôle de toute entreprise, acquérir par voie d’apport, de souscription, de prise ferme ou d’option d’achat et de toute autre manière, tous titres et brevets, les réaliser par voie de vente, de cession, d’échange ou autrement, faire mettre en valeur ces affaires et brevets, accorder aux sociétés auxquelles elle s’intéresse tous concours, prêts, avances ou guaranties (sic). La société pourra, en general, faire toutes operations mobilières, immobilières, commerciales ou financières se rattachant directement ou indirectement à l’objet de la société ou susceptibles d’en assurer le développement. » ; que son objet réside principalement dans le conseil en informatique ;
Considérant qu’il ressort du dossier fiscal que les distributions cachées de bénéfices litigieuses concernent les charges suivantes :
Année 2015 Année 2016 Année 2017 Parc roulant … euros … euros … euros Téléphone … euros … euros … euros Management … euros … euros … euros Location … euros … euros … euros Vêtements … euros … euros … euros … euros qu’en établissant les bases d’imposition des années litigieuses, le bureau d’imposition a, d’une part, majoré les revenus imposables de distributions cachées de bénéfices des montants susénoncés, et d’autre part, a soumis ces derniers à la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux ;
Considérant que le paragraphe 171 AO retient dans son alinéa 1er que « Auf Verlangen (§ 205 Absätze 3 und 2) hat der Steuerpflichtige die Richtigkeit seiner Steuererklärung nachzuweisen. Wo seine Angaben zu Zweifeln Anlass geben, hat er sie zu ergänzen, den Sachverhalt aufzuklären und seine Behauptungen, soweit ihm dies nach den Umständen zugemutet werden kann, zu beweisen, zum Beispiel den Verbleib von Vermögen, das er früher besessen hat » ;
Considérant dès lors qu’en « cas de contestations émises par l’administration des Contributions sur la déclaration faite par le contribuable, celui-ci est légalement tenu à faire parvenir à l’administration des Contributions les renseignements et explications demandés, étant donné que la charge de la preuve de l’exactitude des déclarations faites pèse désormais sur le contribuable2 » ;
Considérant qu’il ressort du dossier fiscal que le bureau d’imposition a notifié deux mesures d’instruction à la requérante en dates du 4 décembre 2018 et du 7 janvier 2019 ; que ces mesures étaient destinées à recueillir des détails et pièces justificatives en relation avec certains postes de la comptabilité de la réclamante ; que la réclamante a fourni des pièces justificatives, ainsi que des renseignements par le biais de deux courriers datés au 13 décembre 2018 et au 16 janvier 2019 ;
Considérant que la dame X a été nommée gérante unique de la réclamante lors de l’assemblée générale extraordinaire du 20 mars 2015; qu’elle a détenu 80 parts sociales sur un total de 100 parts sociales de la réclamante ; qu’au vu de l’endettement de la dame X envers la réclamante, le bureau d’imposition l’a encore demandée si elle avait conclu un contrat de prêt avec son associée et gérante unique ; que dans sa réponse du 14 janvier 2019, la réclamante a répondu par la négative et a fait savoir que « Madame X m’a confirmé qu’elle va faire des paiements en plusieurs tranches pour rembourser la dette envers la société3 » ;
qu’elle rembourserait … euros en mars 2019, ainsi que … euros en fin d’année 2019 ; que toutefois le bureau d’imposition n’a plus eu l’occasion de vérifier les assertions de la réclamante étant donné qu’elle a été déclarée en état de faillite le 8 janvier 2020 et qu’elle n’a pas déposé les comptes annuels au 31 décembre 2019 au registre de commerce et des sociétés ;
Considérant qu’en date du 29 janvier 2019, en exécution du § 205, alinéa 3 AO, le bureau d’imposition a informé la réclamante que certaines dépenses d’exploitation seraient requalifiées en distributions cachées de bénéfices ;
Considérant qu’aux termes du § 205, alinéa 3 AO des divergences notables par rapport à la déclaration du contribuable doivent, pour autant qu’elles soient en sa défaveur, lui être communiquées pour observation préalablement à l’émission du bulletin ; que le but du § 205, 2 Tribunal administratif du 17 octobre 2007, n° 22366 du rôle.
3 Les comptes annuels au 31 décembre 2018 renseignent une créance à hauteur de … euros.
alinéa 3 AO, en tant que principe de bonne administration, consiste à vérifier les conclusions auxquelles tend une instruction en défaveur du contribuable et partant à éviter d’éventuels malentendus ;
Considérant qu’il ne se dégage pas du dossier fiscal que la réclamante ait répondu à la lettre du 29 janvier 2019 ; qu’il s’ensuit que le bureau d’imposition a procédé à l’imposition des années 2015, 2016 et 2017 en se référant aux redressements communiqués dans sa missive ; qu’il découle de ce qui précède, qu’en l’espèce la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;
Considérant qu’aux termes de l’article 45, alinéa 1er de la loi concernant l’impôt sur le revenu (L.I.R.) sont considérées comme dépenses d’exploitation déductibles les dépenses provoquées exclusivement par l’entreprise ; que toutefois, pour être déductibles il faut pouvoir documenter leur existence et leur quantum par des moyens probants ;
Considérant qu’il y a lieu d’analyser si les montants réintégrés dans le revenu imposable par le bureau d’imposition sont déductibles selon les prémisses de l’article 45 L.I.R. ; que « Pour qu’une dépense puisse être qualifiée de dépense d’exploitation, il faut qu’il existe un lien de causalité suffisamment étroit entre la dépense et le revenu actuel ou à naître, ce lien devant présenter un caractère d’exclusivité suffisant4 » ;
Considérant qu’aux termes de l’alinéa 3 de l’article 164 L.I.R., il y a distribution cachée de bénéfices notamment si un associé, sociétaire ou intéressé reçoit directement ou indirectement des avantages d’une société ou d’une association dont normalement il n’aurait pas bénéficié s’il n’avait pas eu cette qualité ; que la disposition de l’article 164, alinéa 3 L.I.R.
est l’application du principe suivant lequel il y a lieu, pour les besoins du fisc, de restituer aux actes leur véritable caractère et doit partant s’interpréter en fonction de cette finalités5 ;
Considérant que pour ce qui est de la première condition posée par l’article 164, alinéa 3 L.I.R. tenant à l’existence d’une relation particulière entre la réclamante et un associé, sociétaire ou intéressé, il échoit de relever que la quasi-intégralité des dépenses susmentionnées a été occasionnée par la dame X, associée et gérante unique de la réclamante6;
que cette condition est dès lors remplie en l’espèce ;
Considérant qu’un gestionnaire, même moyennement diligent et consciencieux, tendant à assurer la rentabilité d’une exploitation commerciale, n’aurait pas pris en charge des frais pour des tiers sans autre contrepartie ; que l’« administration peut supposer une diminution indue des bénéfices de l’entreprise si les circonstances la rendent probable, sans avoir à la justifier exactement. Il y a alors renversement de la charge de la preuve, le contribuable devant prouver qu’il n’y a pas diminution de bénéfice ou que celle-ci est économiquement justifiée, et non seulement motivée par des relations particulières entre deux entités liées7 » ;
Considérant, en ce qui concerne la seconde condition posée par l’article 164, alinéa 3 L.I.R., qu’il convient de vérifier, sur base des règles et principes relatifs à la charge de la 4 Tribunal administratif du 26 février 2020, n° 41932 du rôle, jurisprudence constante.
5 Conseil d’État du 13 janvier 1987, n° 6690 du rôle.
6 La dame a été nommée gérante unique lors de l’assemblée générale extraordinaire du 20 mars 2015. Elle a détenu 80 parts sociales sur un total de 100 parts sociales.
7 Tribunal administratif du 9 juin 2008 n° 23324 du rôle, Cour administrative du 11 février 2009, n° 24642C du rôle.
preuve et aux distributions cachées de bénéfices dégagées ci-avant, si l’associée et gérante unique a bénéficié d’avantages de la part de la réclamante qui s’analysent pour cette dernière en un emploi de revenus sans contrepartie effective ayant entraîné une diminution de son actif, avantages que l’associée et gérante unique n’aurait pas pu obtenir en l’absence de relation particulière existant entre elles ;
Considérant de prime abord que dans la présente requête, la réclamante ne conteste pas la requalification en distributions cachées de bénéfices des vêtements achetés ;
De « La reprise du Parc Roulant » Considérant que le bureau d’imposition a estimé que 80 pour cent de ces frais seraient à considérer comme distributions cachées de bénéfices, en l’occurrence (80% x … i.e.) … euros (année 2015), (80% x … i.e.) … euros (année 2016) et (80% x … i.e.) … euros (année 2017) ;
que les charges comptabilisées par la réclamante comprennent des frais de leasing et de carburant en relation avec trois voitures, en l’occurrence de la marque …8 et …9;
Considérant que les frais de voiture provoqués exclusivement par l’activité professionnelle constituent des dépenses d’exploitation en vertu de l’article 45 L.I.R. et sont partant à porter en déduction du résultat de cette activité ;
Considérant que dans sa lettre du 29 janvier 2019, le bureau d’imposition a sollicité de la part de la réclamante un carnet de bord afin de déterminer l’utilisation professionnelle de ses déplacements ;
Considérant que si en principe il incombe aux contribuables de fournir la preuve de la totalité des déplacements requise à des fins de détermination de la part de l’utilisation professionnelle au moyen notamment d’un carnet de bord, les contribuables doivent au moins, en l’absence de ce moyen de preuve, pouvoir présenter des annotations et autres pièces à l’appui pouvant être raisonnablement prises en considération pour étayer une quote-part professionnelle justifiée ;
Considérant qu’à ce jour, la réclamante n’a toujours pas pallié ce vice en fournissant un carnet de bord voire toute autre pièce corroborant l’usage professionnel des voitures en question ; qu’elle se limite à affirmer « que le pourcentage de 80 pourcents (sic) est des plus disproportionné » ;
Considérant que le § 217 AO prévoit le procédé de la taxation, lorsque les bases d’imposition ne peuvent pas être déterminées autrement ; que partant le pourcentage de la quote-part privée des frais de voiture dont question supra a été évalué par le bureau d’imposition à 80 pour cent ; qu’à défaut de disposer d’autres éléments de nature à départager les frais privés, qui ont bénéficié en réalité aux associées et gérante unique de la réclamante, et ceux qui sont en relation avec la génération de revenus dans le chef de la réclamante, il y a lieu de confirmer l’évaluation telle qu’effectuée par le bureau d’imposition ;
De « La reprise téléphone » 8 Utilisation par la dame X.
9 Utilisation par la dame … (associée de la réclamante) et le sieur ….
Considérant que le bureau d’imposition a estimé qu’une partie des frais de téléphone seraient à considérer comme distributions cachées de bénéfices, en l’occurrence (… - … (factures C) i.e.) … euros (année 2015), (… - … (factures D) i.e.) … euros (année 2016) et (… - … (factures D) i.e.) … euros (année 2017) ;
Considérant qu’en vérifiant les factures de téléphone remises par la réclamante, celle-
ci a comptabilisé des charges en relation avec plusieurs abonnements de téléphone fixe et portable ; que des abonnements de téléphone ont été contractés par la réclamante et la société de droit belge C, ainsi que la société anonyme D, alors que les autres abonnements ont été souscrits par la dame X auprès des sociétés de droit belge et français E et F. ;
Considérant, en ce qui concerne les deux abonnements contractés par la dame X, qu’il est sans équivoque que ceux-ci sont de nature privée et que les factures y afférentes ne peuvent être déduites en tant que dépenses d’exploitation des recettes de la réclamante ; que les frais y afférents sont à qualifier de distributions cachées de bénéfices et le traitement que leur a réservé le bureau d’imposition est à confirmer ;
Du « Management » Considérant que le bureau d’imposition a estimé que 80 pour cent des frais de « Management » seraient à considérer comme distributions cachées de bénéfices, en l’occurrence (80% x … i.e.) … euros (année 2015), (80% x … i.e.) … euros (année 2016) et (80% x … i.e.) … euros (année 2017) ;
Considérant qu’au sujet de ces frais la réclamante avance qu’il s’agirait de voyages d’affaires respectivement que ces dépenses auraient été occasionnées afin d’augmenter sa « clientèle au moyen de rencontres professionnelles au sein d’un club …10, ou bien encore des déplacements professionnels à l’étranger, comme à … par exemple » ;
Considérant, en ce qui concerne plus précisément les frais de repas et de boissons, que le dossier afférent aux pièces justificatives contient d’innombrables factures de restaurant, de brasserie et de café ; qu’il ne suffit pas de verser en vrac des pièces sans autre commentaire sans qu’elles ne soient utilement supportées par des explications concrètes quant à la nature exacte de ces frais, le simple renvoi à de tels documents n’étant pas à prendre en considération par la présente instance ;
Considérant qu’en analysant les factures versées par la réclamante, force est de constater que sur une partie des factures figure seul le nom de la dame X, alors que d’autres factures ainsi produites ne portent pas de nom du tout ; qu’à ce titre il échoit de rappeler en mémoire une jurisprudence retenant notamment que « le demandeur s’est contenté de verser en vrac à titre de justificatifs de ses frais de restaurant un certain nombre de factures, de reçus de paiement, respectivement d’extraits bancaires portant sur des frais de restaurant, sans toutefois qu’il ne soit possible – le demandeur étant resté en défaut de prendre position de manière circonstanciée et de produire des éléments probants – de déterminer, au regard des contestations de la partie étatique, premièrement, si les dépenses avaient effectivement été engagées par le demandeur ou par une tierce personne, deuxièmement, si le demandeur avait réglé l’ensemble de la facture, et, troisièmement, si les dépenses ainsi invoquées ont servi plutôt à l’exercice exclusif de sa profession ou plutôt à son train de vie, de sorte que c’est à bon droit 10 La réclamante a fourni une facture de la part du « … » renseignant les cotisations de carte de membre de la dame X pour la somme de … euros (années 2017 et 2018).
que le directeur a retenu que l’intégralité des montants invoqués au titre des frais de restauration, pour les années d’imposition litigieuses, ne sont pas déductibles11 » ; qu’en principe, il y a lieu de conclure que lesdits frais ne sont pas à considérer comme des dépenses qui sont directement liées à la génération de recettes ; que force est toutefois d’admettre qu’il n’est pas inhabituel qu’une société couvre les coûts engendrés lors d’un repas d’affaires, raison pour laquelle le bureau d’imposition a évalué les frais de « Management » déductibles à hauteur de 20 pour cent en vertu du § 217 AO ; qu’en ce qui concerne les frais restants il est manifeste qu’en l’espèce il s’agit de frais privés dépensés par l’associée et gérante unique de la réclamante ; qu’il y a lieu de confirmer la taxation telle qu’effectuée par le bureau d’imposition ;
Des « Frais de location » Considérant qu’il ressort du dossier fiscal que la réclamante a loué le 20 mars 2015 un local administratif de 18 mètres carrés, composé de deux bureaux dont un bureau est réservé à la réclamante ; que bien que ledit contrat ne mentionne pas expressément le lieu du bureau, il appert qu’il coïncide avec le siège social de la réclamante, en l’occurrence au …, à L-… ; que le loyer mensuel a été fixé à … euros ;
Considérant que le 21 décembre 2015, la dame X a conclu, en nom privé, un contrat de bail de droit commun pour la location d’un appartement sis au …, à B-… ; que le loyer mensuel de base a été fixé à … euros ;
Considérant qu’en date du 2 août 2017, la dame X a encore une fois conclu, en nom privé, un contrat de bail pour la location d’une villa sise au …, à B-… ; que le loyer de base mensuel s’est chiffré à … euros ;
Considérant que dans sa réponse du 16 janvier 2019, la réclamante affirme que « Nous avons pris en compte que pendant le temps où elle [la dame X] a travaillé en Belgique avec ses clients belges elle n’avait pas besoin de prendre un hôtel mais par contre réclame le loyer en contrepartie » ;
Considérant que dans le contrat du 21 décembre 2015 est stipulé que « Le bien loué ne pourra en aucun cas tomber sous l’application de la loi du 30 avril 1951 sur les baux commerciaux12. Cette interdiction faite au preneur d’utiliser tout ou partie de l’immeuble loué à des fins professionnelles implique qu’il ne peut reprendre le loyer dans sa déclaration fiscale » ; que celui du 2 août 2017 prévoit expressément que « Le Bailleur n’autorise pas13 qu’une partie du bien soit affectée à l’exercice par le Preneur d’une activité professionnelle (…) » ;
Considérant qu’il se dégage de plusieurs factures de téléphone14 et de péage15 que celles-ci ont été envoyées au nom de la dame X avec adresse au …, à B-… ; qu’il n’y a pas l’ombre d’un doute que les appartement et villa ont constitué les résidences privées de la dame X, le siège social de la réclamante se situant au …, à L-… ;
11 Tribunal administratif du 19 octobre 2016, nos 35966 et 35967 du rôle.
12 Marqué en gras dans le contrat de bail.
13 Souligné dans le contrat de bail.
14 Voir factures … du 19 septembre 2016 respectivement n° … du 16 janvier 2017 de la part de la société anonyme de droit belge E 15 Voir facture n° … du 31 décembre 2016 de la part de la société anonyme de droit français G.
Considérant que pour les années litigieuses le bureau d’imposition a admis en tant que dépenses d’exploitation les montants mensuels de … euros payés en contrepartie de la location du bureau en vertu du contrat de bail commercial signé le 20 mars 2015 ; qu’il a dès lors considéré comme distributions cachées de bénéfices les montants de (… - (12 x …) i.e.) … euros (année 2015), (… - (12 x …) i.e.) … euros (année 2016) et (… - (12 x …) i.e.) … euros (année 2017), donc, les loyers résultant des contrats de bail contractés en nom privé par la dame X ; que le bureau d’imposition est encore une fois pleinement à confirmer dans sa manière d’agir ;
Considérant, en guise de conclusion, qu’il y a lieu de constater que tous les éléments en cause plaident, de façon concordante, pour une qualification des montants de … euros (2015), … euros (2016) et … euros (2017) en distributions cachées de bénéfices ;
En ce qui concerne les bulletins de la retenue d’impôt sur revenus de capitaux des années 2015, 2016 et 2017 Considérant qu’en vertu de l’article 146 L.I.R., les distributions de bénéfices tant ouvertes que cachées doivent faire l’objet d’une retenue d’impôt sur les revenus de capitaux ;
Considérant qu’aux termes de l’article 148, alinéa 1er L.I.R., le taux de la retenue d’impôt sur revenus de capitaux applicable pour les années litigieuses est de 15 pour cent, à moins que le débiteur des revenus ne prenne à sa charge l’impôt à retenir, ce qui, même en matière de distribution cachée de bénéfices n’est jamais présumé ;
En ce qui concerne les bulletins de l’établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation au 1er janvier des années 2016, 2017 et 2018 Considérant, nonobstant le § 243 AO, qu’il convient de constater que la réclamante ne formule aucun grief à l’encontre desdits bulletins ; qu’en l’espèce, la manière d’agir du bureau d’imposition, après vérification par l’instance contentieuse, n’est pas à critiquer ;
Considérant que pour le surplus, les impositions sont conformes à la loi et aux faits de la cause et ne sont d’ailleurs pas autrement contestées ;
PAR CES MOTIFS reçoit les réclamations en la forme, les rejette comme non fondées. […] ».
I) Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours A l’audience publique des plaidoiries, le tribunal a soulevé d’office la question de la recevabilité du recours sous examen pour autant qu’il est dirigé directement contre les bulletins d’impôt émis à l’encontre de la société A et, par ailleurs, compte tenu de l’existence de la décision directoriale précitée du 10 août 2022. Le litismandataire de Madame X a fait valoir que ce volet du recours serait recevable au regard des dispositions du § 119 AO. De son côté, le délégué du gouvernement a indiqué, en substance, qu’une éventuelle irrecevabilité de ce volet du recours ne porterait pas à conséquence sur la possibilité de contester directement lesdits bulletins dans le cadre du volet du recours dirigé contre le bulletin d’appel en garantie émis à l’encontre de Madame X, de sorte que la finalité serait la même.
Le § 119, alinéa (1) AO dispose comme suit: « Wer neben dem Steuerpflichtigen oder an dessen Stelle persönlich auf Zahlung einer Steuer in Anspruch genommen wird (§97 Absatz 2) kann gegen seine Heranziehung die Rechtsmittel geltend machen, die dem Steuerpflichtigen zustehen. Die Frist zur Einlegung des Rechtsmittels beginnt mit Ablauf des Tags, an dem ihm der Beschluss über seine Heranziehung zugestellt oder, wenn keine Zustellung vorgeschrieben ist, bekanntgemacht worden ist. ».
Force est de constater que si le § 119 AO pose ainsi le principe que le tiers appelé en garantie peut introduire les mêmes voies de recours et faire valoir les mêmes moyens que ceux dont dispose le débiteur principal de l’impôt, il n’en reste pas moins que son recours doit être dirigé directement et exclusivement contre le bulletin d’appel en garantie16 (« gegen seine Heranziehung ») à cette fin, et non pas contre les bulletins d’impôt émis à l’encontre du débiteur principal.
Il s’ensuit qu’en application du § 119, alinéa (1) AO, précité, Madame X n’avait, en tant que tiers appelé en garantie, pas qualité pour introduire son recours directement contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités, de l’impôt commercial communal et de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux mobiliers des années 2015, 2016 et 2017, de même que contre les bulletins d’établissement séparé de la valeur unitaire et de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2016, 2017 et 2018, tous émis le 20 mars 2019 à l’égard de la société A, de sorte que le recours sous examen est irrecevable pour autant qu’il est dirigé directement à leur encontre.
De plus, et indépendamment de toute considération quant à la question de la qualité de Madame X pour, en tant que tiers appelé en garantie, diriger son recours directement contre les bulletins d’impôt émis à l’encontre de la société A, le tribunal relève, ensuite, qu’il résulte d’une lecture combinée des dispositions du § 228 AO et de l’article 8, paragraphe (3), point 1.
de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », que le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre un bulletin d’impôt et qu’un recours contre un bulletin n’est prévu à l’article 8, paragraphe (3), point 3. de la même loi que dans l’hypothèse où une réclamation a été introduite par le contribuable et qu’aucune réponse n’est intervenue dans un délai de six mois à partir de la demande.
Dès que le directeur a statué, le recours dirigé directement contre le bulletin est irrecevable17.
Etant donné que c’est l’écoulement du délai de six mois qui donne ouverture au recours devant le tribunal administratif, l’observation de ce délai de six mois doit s’apprécier au jour de l’introduction du recours18.
16 Cour adm., 10 mars 2015, n° 35065C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 561 (1er volet) et les autres références y citées.
17 Trib. adm., 6 janvier 1999, nos 10357 et 10844, confirmés par Cour adm., 14 octobre 1999, n° 11126C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 1302 et les autres références y citées 18 Trib. adm., 7 juillet 1999, n° 10492 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 1253 et les autres références y citées ;
voir également Cour adm., 20 mars 2018, n° 39715 du rôle, disponible sur le site www.justice.public.lu.
Or, force est au tribunal de constater qu’au jour de l’introduction du recours sous examen en date du 7 juillet 2022, aucune réponse du directeur à la réclamation de la société n’était intervenue endéans le délai de six mois suivant son introduction le 20 juin 2019, mais que le directeur a depuis lors effectivement pris, en date du 10 août 2022, une décision par rapport à ladite réclamation lui soumise par la société A, en l’occurrence un mois et trois jours après l’introduction du présent recours contentieux.
Il s’ensuit que le recours de Madame X a, pour autant qu’il est dirigé directement contre les bulletins d’impôt précités émis à l’encontre de la société A, en tout état de cause, perdu son objet du fait que le directeur a pris le 10 août 2022 une décision sur sa réclamation, laquelle doit être considérée comme traduisant seule la position de l’autorité compétente pour toiser la réclamation lui soumise19. Ledit volet du recours est partant irrecevable.
Pour le surplus, le tribunal relève qu’il ne ressort pas des éléments soumis à son appréciation, ni des explications du délégué du gouvernement, que le directeur aurait statué par rapport à la réclamation introduite en date du 10 novembre 2021 par Madame X contre le bulletin d’appel en garantie émis à son encontre le 29 septembre 2020 auprès du directeur.
Il s’ensuit qu’au jour de l’introduction du recours sous examen en date du 7 juillet 2022, Madame X a valablement pu introduire un recours principal en réformation directement contre ledit bulletin d’appel en garantie. Ledit volet du recours sous examen est à déclarer recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les forme et délai prévus par la loi.
Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
II) Quant au fond A) Quant à la question de l’admissibilité des moyens soulevés par la demanderesse visant à contester les cotes d’impôts de la société A, débiteur principal Moyens et arguments des parties A l’appui de son recours, la demanderesse, en tant que tiers appelé en garantie, entend se prévaloir de son droit de faire valoir les mêmes moyens contre le bulletin d’appel en garantie que ceux dont dispose la société A en tant que débiteur principal pour contester la dette d’impôt.
La demanderesse se prévaut, à cet égard, en premier lieu, d’une violation du § 205, alinéa (3) AO au motif que la société A n’aurait pas eu la possibilité de formuler des observations par rapport aux redressements envisagés et ce préalablement à son imposition, de sorte que ses droits de la défense auraient été substantiellement violés. En second lieu, la demanderesse conclut à l’absence d’indices d’une distribution cachée de bénéfices dans le chef de la société A au sens de l’article 164, alinéa (3) de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après désignée par la « LIR ».
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement indique, en substance, que la demanderesse serait en droit de réclamer contre les bulletins d’impôts émis à l’encontre de la société A en date du 20 mars 2019 « dans le cadre de son recours dirigé contre le bulletin https://ja.public.lu/35001-40000/39715C.pdf 19 Voir en particulier en matière de bulletin d’appel en garantie : Cour adm., 20 mars 2018, n° 39715 du rôle, disponible sur le site www.justice.public.lu.
d’appel en garantie litigieux » au motif qu’aucune décision directoriale ne serait intervenue avant la faillite de la société A en date du 8 janvier 2020, date à partir de laquelle les organes sociaux de la société auraient été dessaisis. Il ajoute que dans la mesure où la demanderesse n’aurait pas eu, à défaut de qualité, la possibilité d’introduire un recours devant le tribunal administratif contre la décision directoriale émise en date du 10 août 2022 à l’égard de la société, le § 119, alinéa (1) AO s’appliquerait en l’espèce.
Analyse du tribunal A l’audience publique des plaidoiries, le tribunal a soulevé d’office, au regard des dispositions du § 119 AO, la question de l’admissibilité des moyens de la demanderesse visant à contester les cotes d’impôts de la société A en tant que débiteur principal. Si le délégué du gouvernement s’est, en substance, rapporté à ses écrits, le litismandataire de la demanderesse a fait valoir que la décision directoriale du 10 août 2022 aurait été adressée directement au curateur de la société A, de sorte que cette dernière n'aurait pas eu la possibilité de contester cette décision au motif que seul le curateur aurait eu qualité pour ce faire.
En l’espèce, il ressort du dossier fiscal et plus particulièrement d’un extrait du registre de commerce et de sociétés (« RCS »), intitulé « Détail d’une personne », daté du 23 septembre 2020, que la demanderesse détenait 80% des parts sociales de la société A, qu’elle a été nommée gérant unique de la société A le 20 mars 2015 pour une durée indéterminée, et que la société était valablement engagée en toutes circonstances par la signature d’un seul gérant.
Cette dernière information ressort également d’un autre extrait du RCS datée du 29 avril 2015, référencé sous le numéro …, mentionné dans le bulletin d’appel en garantie litigieux et qui précise plus particulièrement que la demanderesse était, en cette qualité, responsable de la gestion journalière de la société A dans le sens le plus large.
Il s’ensuit qu’en sa qualité de gérant unique20 de la société A, la demanderesse doit être considérée comme ayant été, à partir du 20 mars 2015 et ce jusqu’au 8 janvier 2020, date de la faillite de la société A et à laquelle un curateur a été nommé, tel que cela ressort d’un troisième extrait du RCS daté du 20 janvier 2020 fourni par la demanderesse à l’appui de son recours, de jure en charge de la gestion de la société A et partant personnellement tenue, en vertu des dispositions légales précitées, à l’accomplissement de toutes les obligations fiscales incombant à la société.
Aux termes du § 119 AO, alinéa (2) AO, « (2) Ist die Steuerschuld dem Steuerpflichtigen gegenüber unanfechtbar festgestellt, so hat dies gegen sich gelten zu lassen, wer als Rechtsnachfolger des Steuerpflichtigen haftet oder wer in der Lage gewesen wäre, den gegen den Steuerpflichtigen erlassenen Bescheid als dessen Vertreter, Bevollmächtigter oder kraft eigenen Rechts anzufechten. ».
Le tribunal a relevé ci-avant que le § 119 AO pose le principe que le tiers appelé en garantie peut introduire les mêmes voies de recours et faire valoir les mêmes moyens contre le bulletin d’appel en garantie que ceux dont dispose le débiteur principal de l’impôt. Toutefois, cette disposition excepte l’hypothèse où le bulletin émis à l’égard du débiteur principal a autorité de chose décidée et où le tiers appelé en garantie aurait eu la possibilité de réclamer contre ce bulletin en tant que représentant légal du contribuable principal, cas dans lequel ce bulletin est définitif également à l’égard de la personne appelée en garantie.
20 Cour adm., 28 mai 2020, n° 44228C du rôle, disponible sur le site www.justice.public.lu.
La faculté de faire valoir les mêmes moyens contre le bulletin d’appel en garantie que ceux à disposition du débiteur principal de l’impôt implique ainsi que la personne appelée en garantie est en droit de soulever tant des moyens dirigés contre la décision de l’appeler en garantie, en ce que les conditions afférentes ne se trouveraient pas réunies dans son chef, que des moyens tendant à contester la soumission du débiteur principal à l’impôt ou à la cote d’impôt fixée à son égard.
Le § 119 AO est sous cet aspect une application de l’assimilation de la personne appelée en garantie au débiteur même de l’impôt posée par le § 97, alinéa (2) AO.
Il n’est dérogé à cette étendue des voies de recours à disposition de la personne appelée en garantie que dans les hypothèses prévues par le § 119, alinéa (2) AO dont notamment celle où la personne appelée en garantie était représentant du débiteur principal en temps utile, de manière à avoir été en mesure d’introduire en cette qualité une voie de recours contre le bulletin d’impôt émis à l’égard du débiteur principal, mais que l’absence de recours a emporté l’autorité de chose décidée dans le chef dudit bulletin21.
Il ressort encore de la logique inhérente au § 119, alinéa (2) AO que la même exception s’applique lorsque le débiteur principal a exercé les voies de recours prévues contre son bulletin d’impôt, mais que l’imposition est devenue définitive en raison du rejet définitif de son recours22.
En l’espèce, il est constant en cause, tel que relevé ci-avant, que la société A a, en tant que débiteur principal, introduit une réclamation, signée par la demanderesse en sa qualité de gérant unique de la société, en date du 20 juin 2019 contre les bulletins d’impôts précités émis à l’encontre de la société en date du 20 mars 2019. Par ailleurs, le tribunal vient de préciser que la société A a été déclarée en faillite par jugement du 8 janvier 2020. Le tribunal a également relevé ci-avant que le directeur a, par décision du 10 août 2022, vidé cette réclamation quant au fond. Cette décision est revêtue de l’autorité de la chose décidée, dans la mesure où, d’une part, il ressort des explications de la demanderesse qu’elle n’a pas introduit de recours contentieux contre la décision directoriale du 10 août 2022, précitée et non déférée, au motif qu’elle n’aurait pas eu qualité pour ce faire, et, d’autre part, aucun élément soumis à l’appréciation du tribunal ne permet de conclure que le curateur aurait introduit un tel recours contre ladite décision.
Certes, l’ouverture de la procédure de faillite d’une société à travers le jugement déclaratif de faillite entraîne notamment, conformément à l’article 444 du Code de commerce23, les conséquences légales, premièrement, du dessaisissement des organes sociétaires de l’administration de la société et de leur remplacement par le curateur nommé par le jugement 21 Cour adm., 10 mars 2015, n° 35065C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 561 (1er volet) et les autres références y citées.
22 Serge Schroeder, « L’appel en garantie des dirigeants de sociétés en matière d’impôts directs, Legitech, 2020, page 160.
23 Article 444 du Code de commerce : « Le failli, à compter du jugement déclaratif de la faillite, est dessaisi de plein droit de l'administration de tous ses biens, même de ceux qui peuvent lui échoir tant qu'il est en état de faillite.
Tous paiements, opérations et actes faits par le failli, et tous paiements faits au failli depuis ce jugement sont nuls de droit. ».
déclaratif de faillite qui est chargé, au vœu de l’article 470 du Code de commerce24, de gérer la faillite en bon père de famille et, deuxièmement, d’après le prescrit de l’article 452 du Code de commerce, qu’ « à partir du même jugement, toute action mobilière ou immobilière, toute voie d'exécution sur les meubles ou sur les immeubles ne pourra être suivie, intentée ou exercée que contre les curateurs de la faillite ». Il en découle que le curateur est, à partir de la date de la faillite, le représentant exclusif de la société faillie mis en place sur base de la loi25.
C’est d’ailleurs effectivement au curateur que la décision directoriale du 10 août 2022 a été notifiée le même jour par courrier recommandé, tel que cela se dégage du récépissé du dépôt de la décision figurant au dossier administratif.
Or, la limitation des moyens pouvant être opposée au tiers appelé en garantie en application du § 119, alinéa (2) AO s’applique dès lors que, notamment, le débiteur principal a eu la possibilité d’introduire un recours et que son imposition est devenue définitive au motif que ledit recours a été définitivement rejeté. Cette imposition est définitive soit à travers une décision de justice revêtue de l’autorité de la chose jugée26, soit lorsqu’un bulletin d’impôt est revêtu de l’autorité de la chose décidée à défaut d’avoir fait l’objet d’une réclamation27. A fortiori, la même conclusion s’impose en présence d’une décision directoriale revêtue de l’autorité de la chose décidée du fait de l’absence de recours contentieux dirigé à son encontre après l’expiration du délai légal de trois mois28.
Le fait que le recours, qui a pu être introduit, n’a pas été couronné du succès escompté n’est pas de nature à infirmer la conclusion que les bulletins de l’impôt émis à l’égard du débiteur principal sont, du fait de l’exercice de cette voie de recours, définitifs et leur légalité ne saurait être itérativement remise en discussion29 par la suite.
En l’occurrence, la société A a non seulement eu la possibilité d’exercer un recours contentieux, mais effectivement exercé ce droit à travers l’introduction de sa réclamation en date du 20 juin 2019. Cette réclamation a été, tel que relevé ci-avant, définitivement rejetée à travers la décision directoriale du 10 août 2022.
La circonstance que la demanderesse n’ait pas, du fait de son dessaisissement consécutif au jugement d’ouverture de faillite du 8 janvier 2020, eu la possibilité d’introduire un recours contentieux contre la décision directoriale du 10 août 2022, et qu’elle ait été dessaisie au profit du curateur avant même que le directeur ne rende sa décision, ne remet pas en cause le fait pour la société A, en tant que débiteur principal, d’avoir eu la possibilité d’exercer un recours contentieux à l’encontre de la décision directoriale susvisée. Le dessaisissement en question n’a emporté qu’un changement d’organe sans impact sur la possibilité pour la société A d’exercer des voies de recours ouverts en tant que débiteur principal.
24 Article 470 du Code de commerce : « Les curateurs nommés entreront en fonctions immédiatement après le jugement déclaratif ; […] ils géreront la faillite en bons pères de famille, sous la surveillance du juge-
commissaire, et, s’il y a lieu, ils requerront sur le champ l’apposition des scellés. […] ».
25 Cour adm., 12 juillet 2018, n° 39985C du rôle, disponible sur le site www.justice.public.lu.
26 Cour adm., 23 janvier 2018, nos 40142C et 40143C du rôle, disponibles sur le site www.justice.public.lu.
27 Cour adm., 17 janvier 2019, n° 4158C, disponible sur le site www.justice.public.lu.
28 Article 8, paragraphe (3) de la loi du 7 novembre 1996 : « 1. Le tribunal administratif connaît comme juge du fond des recours dirigés contre les décisions du directeur de l’Administration des contributions directes dans les cas où les lois relatives aux matières prévues au paragraphe (1) prévoient un tel recours. […] 4. Le délai pour l’introduction des recours visés aux points 1. et 2. ci-avant est de trois mois. ».
29 Cour adm., 17 janvier 2019, n° 41583C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 561 (2e volet) et l’autre référence y citée.
A défaut de recours contentieux introduit par le curateur, organe en charge de la société A au jour où la décision directoriale a été rendue, soit le 10 août 2022, contre cette même décision, le constat demeure que l’imposition de la société est devenue définitive par l’effet de l’autorité de la chose décidée dont elle est désormais revêtue, indépendamment de la question, étrangère au présent litige, de l’opportunité du choix opéré par le curateur de ne pas introduire de recours contentieux contre ladite décision et in fine imposition sous-jacente.
En conséquence, la demanderesse n’est admise, dans le cadre du recours sous examen dirigé contre le bulletin d’appel en garantie émis à son encontre en tant que tiers appelé en garantie, à soulever exclusivement des moyens propres à remettre en cause la légalité et le bien-
fondé dudit bulletin, à l’exclusion des moyens visant à remettre en cause la dette d’impôt principale sous-jacente de la société A en tant que débiteur principal. Concrètement, tant la question du respect du principe du contradictoire au niveau de la procédure précontentieuse ayant concerné la société A, que la question de l’existence de distributions cachées de bénéfices dans le chef de la société échappe à l’analyse du tribunal dans le cadre du recours sous examen, de sorte que les contestations afférentes de la demanderesse sont à écarter.
B) Quant à la question de la mise en œuvre de la responsabilité de Madame X Moyens et arguments des parties Dans sa requête, la demanderesse se prévaut des dispositions des §§ 103 et 109, alinéa (1) AO pour expliquer que la responsabilité d’un dirigeant de société appelé en garantie des impôts par la société exigerait la réunion de trois conditions cumulatives, à savoir l’existence d’une faute, d’un dommage et d’un lien de causalité entre la faute et le dommage, tout en se référant à la jurisprudence des juridictions administratives pour expliciter ces trois éléments constitutifs. La demanderesse est d’avis que ces conditions ne seraient pas remplies en l’espèce, de sorte que sa responsabilité ne pourrait pas être engagée sur cette base.
Elle fait valoir que l’administration aurait justifié l’émission du bulletin d’appel en garantie en lui reprochant, d’une part, le non-paiement des impôts dus par la société A, et, d’autre part, le dépôt tardif de ses déclarations fiscales au titre des années 2015 à 2018.
La demanderesse affirme que le non-paiement des impôts dus par la société A ne pourrait pas qualifier d’inexécution fautive au sens du § 109 AO et que le bureau d’imposition aurait la charge de la preuve d’établir un tel défaut de paiement. Elle reproche au bureau d’imposition de ne pas avoir détaillé en quoi le fait de ne pas avoir payé l’impôt dû constituerait « dans la situation particulière d’espèce » une faute d’une gravité telle qu’un dirigeant normalement diligent n’aurait jamais pu commettre. Le bulletin d’appel en garantie se limiterait à constater un manquement à l’obligation de paiement des impôts dus sans pour autant définir son comportement fautif, ni apporter d’élément de preuve de son comportement fautif qui permettraient la mise en œuvre d’un appel en garantie, ce qui serait constitutif d’une erreur de droit devant entraîner l’annulation dudit bulletin, faute de qualification d’un quelconque comportement fautif dans son chef qui tiendrait compte « des circonstances particulières de l’espèce » et de la possibilité de retracer les raisons susceptibles, en raison et en équité, de justifier de l’appeler en garantie.
Par rapport au reproche tenant à un dépôt tardif des déclarations fiscales des années 2015 à 2018 et à un défaut de réponse à divers questionnaires qu’aurait adressés le bureau d’imposition à la société A, ce qui aurait entraîné la qualification de distributions cachées de bénéfices pour les mêmes années, la demanderesse donne à considérer qu’il n’existerait aucun lien de causalité entre la non-perception des d’impôts litigieux, le dommage, et le dépôt tardif des déclarations, respectivement le défaut de réponse aux questionnaires du bureau d’imposition.
A cet égard, la demanderesse précise que le reproche tenant à une absence de réponse ne serait pas fondé au motif qu’elle aurait, en tant que gérant de la société A, répondu au courrier émis dans le cadre du § 205 AO en fournissant tous les documents demandés, tel que cela ressortirait des courriers datés du 13 décembre 2018 et du 16 janvier 2019. Ces réponses auraient d’ailleurs été fournies dans les délais impartis par le bureau d’imposition, à savoir avant les 21 décembre 2018 et 28 janvier 2019.
Quant au reproche tenant à un dépôt tardif de déclarations fiscales qui aurait entraîné la qualification de distributions cachées de bénéfices, la demanderesse donne à considérer qu’elle aurait certes déposé les déclarations fiscales de la société A en dehors des délais légaux, à savoir le 31 mars suivant chaque année fiscale en cause, mais qu’elle aurait toujours déposé lesdites déclarations fiscales endéans le « délai de tolérance » accordé par les bureaux d’imposition, à savoir au plus tard au 31 décembre de l’année suivant l’année d’imposition concernée. La demanderesse précise que la déclaration fiscale de l’année 2015 aurait été déposée le 7 octobre 2016, tandis que les déclarations fiscales des années 2016 et 2017 auraient été déposées respectivement les 4 mai 2017 et 13 novembre 2018, soit à chaque fois avant le 31 décembre et avant toute fixation d’astreinte. La demanderesse conteste également dans ce contexte le défaut d’existence de lien de causalité entre le dommage allégué de l’administration en admettant la validité des bulletins émis à l’égard de la société A et le dépôt tardif des déclarations fiscales et ce d’autant plus au motif qu’aucune astreinte n’aurait été prononcée à l’égard de la société A. Elle se réfère à un jugement du tribunal administratif du 25 septembre 2019, inscrit sous le numéro 41186 du rôle, qui aurait, en substance, conclut au caractère injustifié d’un bulletin d’appel en garantie en raison du dépôt tardif de déclarations fiscales.
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement affirme que la demanderesse aurait « manifestement entremêlé » le patrimoine de la société A avec son patrimoine privé. Il reproche à la demanderesse d’avoir payé des dépenses privées en utilisant les comptes de la société, ainsi que d’avoir prélevé pour son propre compte un montant total de … euros au cours des années 2013 à 2018, montant que la demanderesse n’aurait pas encore remboursé en date du 16 janvier 2019. Le représentant étatique ajoute que le remboursement « de ce prêt » à lui seul aurait pu permettre à la société A de payer l’intégralité des impôts dus et que ce « détournement de fonds » justifierait pleinement l’appel en garantie de la demanderesse, le délégué du gouvernement se référant à un arrêt de la Cour administrative du 17 janvier 2019, inscrit sous le numéro 41583C du rôle. Il ajoute encore que les agissements de la demanderesse relèveraient non seulement du régime de responsabilité visé aux §§ 103 et suivants AO, mais également de la qualification d’abus de bien sociaux sans préjudice de toute autre qualification pénale.
Le délégué du gouvernement poursuit en faisant valoir qu’en tant que représentant légal de la société A, la demanderesse aurait été en charge de veiller à ce que les impôts dus soient payés à l’aide des fonds administrés, ce qu’elle aurait néanmoins omis de faire, malgré les extraits de compte lui envoyés de façon régulière et automatique et malgré le commandement lui signifié en date du 28 novembre 2019, ensemble avec la contrainte n°…, émise en date du 15 octobre 2019 par le bureau de recette …. Il lui aurait ainsi été rappelé à maintes reprises que des impôts dus restaient impayés. Le représentant étatique fait encore valoir qu’aucun sursis à exécution au sens du § 251 AO n’aurait été sollicité par la demanderesse. Il conclut que la demanderesse aurait omis d’accomplir ses obligations fiscales.
Dans son mémoire en réplique, la demanderesse prend position par rapport au reproche du délégué du gouvernement suivant lequel elle aurait fait une confusion entre le patrimoine de la société A et le sien, en argumentant que les distributions cachées de bénéfices des années 2015 à 2017 n’auraient pas eu lieu et reproche à l’administration de n’avancer aucune inexécution fautive de sa part qui serait de nature à justifier l’émission du bulletin d’appel en garantie. Elle donne encore à considérer que le délégué du gouvernement n’aurait avancé aucune faute supplémentaire, outre celle avancée dans le bulletin d’appel en garantie litigieux, quant à l’année 2018 au cours de laquelle la société A aurait été représentée par son curateur et dont l’imposition aurait été établie suivant le § 100a AO.
Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement fait valoir qu’une distribution cachée de bénéfices équivaudrait à un comportement fautif justifiant un appel en garantie et se réfère encore au découvert du « compte associé » à hauteur de … euros, tel que cela ressortirait des comptes annuels de la société A concernant l’exercice 2018. Il ajoute que la demanderesse aurait « vidé » la société A de tous ses actifs pour financer son train de vie à l’aide des fonds de la société. L’argent, qui aurait été « détourné » via le « compte associé », aurait largement suffi à permettre un apurement complet du « débit fiscal ». Ce « détournement de fonds » aurait également pu faire l’objet d’une qualification en distribution cachée de bénéfices, sans préjudice de l’infraction pénale d’abus de bien sociaux.
Analyse du tribunal Le § 109 AO dispose dans son alinéa (1) que « Die Vertreter und die übrigen in den §§§103 bis 108 bezeichneten Personen haften insoweit persönlich neben dem Steuerpflichtigen, als durch schuldhafte Verletzung der ihnen in den §§ 103 bis 108 auferlegten Pflichten Steueransprüche verkürzt oder Erstattung oder Vergütung zu Unrecht gewährt worden sind ».
Cette disposition légale, ensemble les §§ 103 et 108 AO, précités, mettent ainsi une obligation personnelle à charge des représentants légaux de la société.
Néanmoins, le simple constat d’un manquement à une obligation fiscale découlant du § 103 AO, précité, n’est pas suffisant pour engager la responsabilité personnelle des dirigeants d’une société en application du § 109, alinéa (1) AO et pour voir émettre à leur encontre un bulletin d’appel en garantie, le législateur ayant en effet posé à cet égard l’exigence supplémentaire d’une inexécution fautive (« schuldhafte Verletzung ») des obligations du représentant de la société, outre celles de l’existence d’un dommage et d’un lien de causalité entre la faute et le dommage en question.
Le pouvoir du bureau d’imposition d’engager une poursuite contre un tiers responsable, et, plus particulièrement, contre le représentant d’une société, ne relève pas d’une compétence liée, mais constitue un pouvoir d’appréciation dans son chef et ce à un double titre, d’abord en ce qui concerne l’appréciation du degré fautif du comportement de la personne visée, et ensuite, le cas échéant, en ce qui concerne le choix du ou des codébiteurs contre lesquels l’émission d’un bulletin d’appel en garantie est décidée, chaque fois compte tenu des circonstances particulières de l’espèce. L’administration investie d’un pouvoir d’appréciation doit procéder selon des considérations d’équité et d’opportunité et partant se livrer à une appréciation effective et explicite des circonstances particulières susceptibles en raison et en équité de fonder sa décision30 conformément au § 2 StAnpG qui dispose dans ses alinéas (1) et (2) que « (1) Entscheidungen, die die Behörden nach ihrem Ermessen zu treffen haben (Ermessens-
Entscheidungen), müssen sich in den Grenzen halten, die das Gesetz dem Ermessen zieht. (2) Innerhalb dieser Grenzen sind Ermessensentscheidungen nach Billigkeit und Zweckmässigkeit zu treffen ».
En l’espèce, le tribunal a retenu ci-avant que la demanderesse était, en sa qualité de gérant unique, personnellement tenue à l’accomplissement de toutes les obligations ayant incombé à la société A à partir du 20 mars 2015 jusqu’au 8 janvier 2020, en l’occurrence au prompt dépôt des déclarations fiscales des années d’imposition 2015 à 2017, ainsi qu’au paiement des créances d’impôts afférentes31, mais également de ne pas s’adonner à des activités de nature à réduire artificiellement les recettes effectives de la société dont elle avait la charge de la gestion à travers des distributions cachées de bénéfices.
Quant à la première condition relative à l’existence d’une inexécution fautive de ses obligations au cours des années 2015 à 2017, litigieuses, le tribunal relève que le bureau d’imposition a imputé, en substance, la commission de trois fautes à la demanderesse dans l’exercice de ses fonctions de gérant unique de la société A.
Par rapport au premier comportement fautif imputé à la demanderesse portant sur le dépôt tardif des déclarations fiscales de la société A, le tribunal relève qu’il ressort des explications non contestées de la demanderesse que les déclarations fiscales de la société A relatives aux années 2015, 2016 et 2017, dont le délai légal pour le dépôt a expiré le 31 mars des années 2016, 2017 et 2018 respectivement32, ont été déposées après cette date limite, mais toujours avant le 31 décembre de chaque année, en l’occurrence les 7 octobre 2016, 4 mai 2017 et 13 novembre 2018.
Toutefois, cette circonstance n’est pas de nature à remettre en cause l’existence d’une faute dans le chef de la demanderesse pour ne pas avoir veiller au dépôt des déclarations fiscales endéans le délai légal, mais seulement de nature à relativiser la gravité de cette faute33.
S’il n’est pas non plus contesté par le délégué du gouvernement qu’aucune sanction, telle qu’une astreinte, n’a jamais été prononcée à l’égard de la demanderesse pour un dépôt tardif des déclarations fiscales de la société A, la demanderesse n’est pas fondée à se prévaloir d’une prétendue pratique administrative admettant le dépôt de déclarations fiscales au-delà du délai légal sans appliquer les sanctions prévues dans cette hypothèse, étant donné qu’une renonciation à des sanctions ne saurait emporter l’annihilation du non-respect de l’obligation légale et empêcher l’administration de tirer sous un autre aspect les conséquences légales de ce non-respect34.
Il s’ensuit que le comportement fautif de la demanderesse pour le dépôt tardif des déclarations fiscales de la demanderesse se trouve vérifié en l’espèce.
30 Trib. adm., 31 mai 1999, n° 10808 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 575 et les autres références y citées.
31 Cour adm., 8 décembre 2016, n° 38378C du rôle, disponible sur le site www.justice.public.lu.
32 § 167, alinéa (3) AO : « Les déclarations pour l’impôt sur le revenu, l’impôt sur le revenu des collectivités et l’impôt commercial d’une année doivent être remises au plus tard pour le 31 décembre de l’année qui suit. […] ».
33 Cour adm., 23 mai 2017, n° 38415C du rôle, disponible sur le site www.justice.public.lu.
34 Cour adm., 23 mai 2017, n° 38415C du rôle, disponible sur le site www.justice.public.lu.
Par rapport au second comportement fautif imputé à la demanderesse, le tribunal relève que le non-paiement des impôts qualifie incontestablement d’inexécution fautive dans le chef de la demanderesse. Les bulletins d’impôts ont été mis à l’égard de la société A en date du 20 mars 2019, date à laquelle la demanderesse était encore la seule représentante légale de la société, étant donné que la société n’a été déclarée en faillite que par jugement du tribunal d’Arrondissement de et à Diekirch, siégeant en matière commerciale, le 8 janvier 2020. La demanderesse disposait d’un délai d’un mois35, soit jusqu’au 22 avril 2019 – le 20 avril 2019 ayant été un samedi36 – pour procéder au paiement des montants d’impôts dus par la société A dont elle avait la charge d’administrer les fonds au titre des années d’imposition 2015 à 2017, litigieuses.
Contrairement à ce que soutient la demanderesse, un dirigeant normalement prudent et diligent se serait assurément chargé de veiller au paiement des sommes d’impôts dus endéans le délai légal, étant précisé qu’il n’est ni allégué, ni a fortiori établi que la demanderesse aurait, en sa qualité de gérant unique, sollicité un sursis à exécution au sens du § 251 AO ou obtenu un délai de paiement. Un dirigeant normalement prudent et diligent aurait pareillement entrepris des démarches concrètes à la suite de l’envoi et de la réception, non contestés par la demanderesse, (i) d’extraits de comptes indiquant une dette d’impôt à payer, ainsi que (ii) de la signification le 28 novembre 2019 d’une contrainte comportant commandement de payer datée du 15 octobre 2019, soit près de 6 mois après l’expiration du délai légal pour procéder au paiement des impôts dus.
La tentative de la demanderesse de s’affranchir de ses responsabilités sous ce rapport encourt par conséquent le rejet et le comportant fautif de la demanderesse sous analyse se trouve, dès lors, vérifié.
Par rapport au troisième comportement fautif imputé à la demanderesse tenant à un défaut de réponse à des questionnaires du bureau d’imposition qui aurait conduit à la reconnaissance de distributions cachées de bénéfices pour les années d’imposition 2015 à 2017 litigieuses, le tribunal relève, d’abord, qu’il ressort des éléments du dossier fiscal que la demanderesse a effectivement répondu, en sa qualité de gérant unique de la société A, à des demandes de renseignements du bureau d’imposition formulées en cours de phase précontentieuse dans le cadre des §§ 170 et 205 AO, à travers ses courriers réceptionnés par le bureau d’imposition les 17 décembre 2018 et 28 janvier 2019. Toutefois, tant le courrier du 13 décembre 2018, que le second courrier du 7 janvier 2019 émanant du bureau d’imposition auxquels la demanderesse a ainsi répondu, par l’intermédiaire de la société B, étaient sans rapport avec le troisième reproche sous analyse, étant donné qu’il n’en ressort aucune manifestation d’intention du bureau d’imposition de qualifier des frais déclarés par la société A comme étant des dépenses d’exploitation en distributions cachées de bénéfices.
La réponse de la demanderesse adressée, toujours par l’intermédiaire de la société B, à travers son courrier réceptionné par le bureau d’imposition le 16 janvier 2019, est également étrangère au reproche actuellement formulé à son encontre. En effet, il s’agissait d’une réponse 35 Article 154, alinéa (2) LIR : « Lorsque la créance d’impôt sur le revenu est supérieure à la somme des déductions prévues à l’alinéa premier, le solde d’impôt, préalablement arrondi au multiple inférieur d’un euro, est à verser dans le mois de la notification du bulletin d’impôt, le jour de la notification n’étant pas compté. ».
36 Article 1260 du Nouveau Code de Procédure Civile : « Les jours fériés sont comptés dans les délais. Tout délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche, un jour férié légal ou un jour férié de rechange, est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant. […] Pour l’application de la présente disposition, le samedi est assimilé à un jour férié. ».
au premier courrier du bureau d’imposition daté du 7 janvier 2019 dans lequel ce dernier avait sollicité la communication d’un « contrat de prêt » et à défaut, une manifestation d’intention claire de la part de la demanderesse qu’elle entendait rembourser ledit prêt, faute de quoi les sommes en question seraient intégralement considérées comme distributions cachées de bénéfices. Ledit courrier ne faisait lui non plus aucune mention de distributions cachées de bénéfices en rapport avec les dépenses privées de son gérant-associé – la demanderesse – déclarées, à tort selon le directeur, comme des dépenses d’exploitation de la société A. Le reproche relatif à un défaut de réponse qui aurait entraîné la qualification de distribution cachée de bénéfice ne concerne d’ailleurs pas le « contrat de prêt » en question, eu égard aux explications qui se dégagent du bulletin d’appel en garantie litigieux et de la décision directoriale du 10 août 2022.
La demanderesse ne saurait, dès lors, se retrancher derrière ces trois courriers de réponse pour argumenter qu’elle aurait satisfait à son obligation de collaboration avec l’administration.
Au contraire, force est au tribunal de constater qu’il ressort des explications du délégué du gouvernement, ainsi que de la décision directoriale du 10 août 2022, précitée, non déférée, que le reproche d’un défaut de réponse opposé à la demanderesse concerne un tout autre courrier du bureau d’imposition, à savoir celui émis en date du 29 janvier 2019 en application du § 205, alinéa (3) AO.
Or, la demanderesse ne conteste pas que la société A est restée en défaut de faire valoir ses observations écrites par rapport au courrier du 29 janvier 2019, précité, dans lequel le bureau d’imposition a justement informé la société A de son intention de requalifier en distributions cachées de bénéfices certains frais déclarés comme des dépenses d’exploitation par la société A. C’est dans cette optique que le bureau d’imposition a valablement pu mentionner dans le bulletin d’appel en garantie que le défaut de réponse de la demanderesse, pourtant gérant unique en charge de la gestion de la société, avait entraîné la qualification de distributions cachées de bénéfices, faute d’explications afférentes de sa part.
En effet, étant donné que la décision directoriale du 10 août 2022 est revêtue de l’autorité de la chose décidée, tel que relevé ci-avant, il est constant qu’à défaut de réponse de la société A au courrier du 29 janvier 2019, la demanderesse a, en sa qualité de gérant unique de la société A, qualifié, à tort, ses propres dépenses privées pour les années d’imposition 2015 à 2017 en tant que dépenses d’exploitation dans le chef de la société, et que le bureau d’imposition les a requalifiées en distributions cachées de bénéfices, à savoir, en substance :
- des frais relatifs au « Parc Roulant » à hauteur de … euros représentant 80% du total des frais afférents déclarés, - des frais de téléphone à hauteur de … euros, - des frais de « Management » en lien avec des « voyages d’affaires » comprenant des « frais de repas et de boissons » à hauteur de … euros représentant 80% du total des frais afférents déclarés, - des frais de location d’un appartement et d’une villa qui constituent des résidences privées de la demanderesse, à hauteur de … euros, et - des vêtements d’un montant de … euros dont la société A n’a pas contesté la qualification de distribution cachées de bénéfices devant le directeur.
Force est de constater que le comportement fautif de la demanderesse est patent, alors que le fait pour un gérant de faire supporter la charge de ses dépenses privées à la société, qui plus est d’un montant substantiel de … euros, qu’il est pourtant censé gérer notamment pour que cette société réalise son objet social en vue de dégager un profit et dont il est censé administrer les fonds, constitue un manquement évident aux obligations ayant incombé à un tel gérant et qui est caractéristique d’une inexécution fautive au sens du § 109 AO. En effet, dès lors qu’un gérant unique d’une société a activement contribué à réduire les recettes effectives de la société moyennant des distributions occultes de bénéfices à son profit personnel, des déductions de frais à caractère privé, son comportement en tant que gérant unique de la société doit être considéré comme fautif au sens du § 109 AO37.
Il résulte des considérations qui précèdent que le troisième reproche de comportement fautif de la demanderesse se trouve également vérifié. Cette conclusion s’impose indépendamment des explications du délégué du gouvernement relative au découvert du « compte courant associé » de la demanderesse à l’égard de la société A au sujet d’un « contrat de prêt », alors qu’aucun élément soumis à l’appréciation du tribunal ne vient établir que le bureau d’imposition ou le directeur se seraient basés sur de tels faits pour en dégager un comportement fautif de la demanderesse.
Sur base des considérations qui précèdent, le tribunal retient que le triple comportement fautif de la demanderesse matérialisé par un dépôt tardif des déclarations fiscales de la société A au titre des années 2015 à 2017, un défaut de paiement des impôts dus par la société A à hauteur de … euros, et, enfin et surtout, le bénéfice de multiples distributions cachées d’un montant substantiel ayant contribué à une réduction des recettes effectives de la société A, se trouve vérifié en l’espèce.
C’est, ensuite, à tort que la demanderesse conclut à l’absence de dommage pour la partie étatique. Le dommage pour l’Etat consiste dans l’insuffisance de l’impôt effectivement perçu par rapport à celui légalement dû conformément aux bulletins d’impôt émis à l’égard du débiteur principal, en l’occurrence les bulletins émis à l’encontre de la société A en date du 20 mars 2019. Ce sont partant ces bulletins ayant fixé des cotes d’impôt qui constituent, à côté des paiements accomplis ou non par le débiteur principal, le facteur à la base du montant d’impôts pouvant donner lieu à un appel en garantie à l’égard d’un représentant du débiteur principal38. Les contestations afférentes sont, dès lors, à rejeter.
Quant à l’existence du lien de causalité, le tribunal retient que le triple comportement fautif de la demanderesse est à l’origine du dommage actuellement subi par l’Etat.
Par rapport au manquement fautif concernant le dépôt tardif des déclarations fiscales de la société A au titre des années 2015 à 2017, le tribunal relève qu’il a certes été jugé qu’un lien causal ne peut pas être admis en ce qui concerne le manquement fautif concernant les retards des dépôts des déclarations fiscales dans une situation où les déclarations fiscales de la société ont été déposées après le délai légal mais toujours avant la fin de l’année civile suivant l’année d’imposition respective, lorsque l’émission des bulletins d’impôts relatifs à ces années d’imposition par le bureau d’imposition est intervenue après l’écoulement des délais de presqu’un an à plus de quatre ans. Dans une telle hypothèse, en l’absence de tout élément particulier invoqué à cet égard par l’Etat, le lien de causalité doit être considéré comme ayant annihilé en effet que les retards des dépôts des déclarations auraient pu avoir sur la possibilité pour le bureau d’imposition de procéder aux impositions de la société au titre de ces années39.
37 Cour adm., 29 juillet 2015, n° 35562C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 588.
38 Cour adm., 10 mai 2016, n° 37313C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 622.
39 Cour adm., 23 mai 2017, n° 38415C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 626.
En l’espèce, le tribunal a relevé ci-avant qu’il ressortait des explications non contestées de la demanderesse que les déclarations fiscales avaient été déposées après le délai légal mais toujours avant la fin de l’année civile suivant l’année d’imposition respective, en l’occurrence les 7 octobre 2016, 4 mai 2017 et 13 novembre 2018 au titre des années d’imposition 2015, 2016 et 2017 litigieuses. Or, contrairement à l’écoulement d’un délai de presqu’un an à plus de quatre ans avant que des bulletins d’impôts afférents ne soient émis, l’écoulement, en l’espèce, des délais de quatre mois à moins de deux ans et demi entre le dépôt tardif des déclarations fiscales et l’émission des bulletins d’impôts à l’égard de la société A le 20 mars 2019, ne saurait être considéré comme ayant annihilé le lien de causalité entre la faute commise, soit le dépôt tardif des déclarations fiscales, et le dommage subi par l’Etat. Cette conclusion s’impose également au regard de la prompte réaction du bureau d’imposition qui, à travers son courrier daté du 4 décembre 2018 émis moins d’un mois après le dépôt de la déclaration fiscale relative à l’année 2017, dernière année d’imposition litigieuse, s’est adressé à la société A en vue d’obtenir un certain nombre de renseignements au sujet de toutes les déclarations fiscales litigieuses des années 2015 à 2017.
Même à admettre l’absence de lien de causalité par rapport à ce premier comportement fautif de la demanderesse, le tribunal retient que le défaut de paiement des impôts par la demanderesse lorsqu’elle était gérant unique de la société A, de même que les distributions cachées de bénéfices dont elle a largement bénéficié sont, quant à eux, directement à l’origine du dommage actuellement subi par l’Etat. Contrairement à ce que soutient la demanderesse, il est en effet évident que le fait que l’Etat n’ait pas perçu le montant de … euros est la conséquence directe de ces deux comportements fautifs de la demanderesse, alors que si la demanderesse avait, lorsqu’elle était gérant unique de la société A, d’une part, veillé au paiement des montants d’impôts dus, et, d’autre part, exclusivement déclaré des dépenses d’exploitation remplissant les conditions de l’article 45, alinéa (1) LIR, ce qui aurait écarté toute qualification de distribution cachée de bénéfices dans son chef, elle ne serait actuellement pas appelée en garantie du paiement des impôts afférents.
La troisième condition de mise en œuvre de la responsabilité personnelle de la demanderesse se trouve, dès lors, également vérifiée à son égard.
Force est, ensuite, au tribunal de constater que les éléments dépeints ci-avant justifient amplement le choix du bureau d’imposition, en termes d’équité et d’opportunité, de poursuivre, la demanderesse conformément au § 2 StAnpG, la demanderesse n’ayant d’ailleurs pas formulé de contestations circonstanciées à cet égard.
En conséquence, il y a lieu de retenir que toutes les conditions de mise en œuvre de la responsabilité personnelle de la demanderesse fondées sur les §§§103, 108 et 109 AO, ainsi que sur le § 2 StAnpG sont remplies.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent, et à défaut d’autres contestations, que le recours est à déclarer non fondé.
III) Quant à l’indemnité de procédure Au vu de l’issue du litige, la demanderesse est à débouter de sa demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de 3.000 euros sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le tribunal n’entrevoyant, par ailleurs, pas en quoi il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais non compris dans les dépens.
Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;
déclare irrecevable le recours introduit par Madame X le 7 juillet 2022 pour autant qu’il est dirigé directement contre les bulletins d’impôts émis à l’égard de la société A ;
pour le surplus, reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
rejette la demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de 3.000 euros, telle que formulée par Madame X ;
condamne Madame X aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 18 septembre 2024 par :
Françoise EBERHARD, premier vice-président, Benoît HUPPERICH, premier juge, Nicolas GRIEHSER SCHWERZSTEIN, juge, en présence du greffier Lejila ADROVIC.
s.Lejila ADROVIC s.Françoise EBERHARD Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 18 septembre 2024 Le greffier du tribunal administratif 28