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20/09/2024 | LUXEMBOURG | N°47339

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 septembre 2024, 47339


Tribunal administratif N° 47339 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47339 4e chambre Inscrit le 21 avril 2022 Audience publique du 20 septembre 2024 Recours formé par Monsieur …, …, contre un arrêté du ministre de la Justice en matière de discipline

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 47339 du rôle et déposée le 21 avril 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Daniel NOEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats

à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant principalement à l’annulat...

Tribunal administratif N° 47339 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47339 4e chambre Inscrit le 21 avril 2022 Audience publique du 20 septembre 2024 Recours formé par Monsieur …, …, contre un arrêté du ministre de la Justice en matière de discipline

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 47339 du rôle et déposée le 21 avril 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Daniel NOEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation d’un arrêté du ministre de la Justice du 19 janvier 2022, erronément désigné dans la requête introductive d’instance comme portant la date du 21 janvier 2022, pris en exécution de la décision du Conseil de discipline du 22 décembre 2021 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 21 juin 2022 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 26 mars 2024, les parties s’étant excusées.

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Par courrier du 26 octobre 2021, le ministre de la Justice, désigné ci-après par « le ministre », saisit le commissaire du gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire, dénommé ci-après « le commissaire du gouvernement », afin de procéder à une instruction disciplinaire à l’encontre de Monsieur …, agent … au …, classé au grade 4, échelon 6, conformément à l’article 56, paragraphe 2 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, dénommée ci-après « le statut général ».

Par un courrier adressé au ministre en date du 29 octobre 2021, le commissaire du gouvernement accusa réception du courrier de saisine précité du 26 octobre 2021.

Par courrier du même jour, le commissaire du gouvernement informa Monsieur … qu’une instruction disciplinaire avait été ordonnée à son encontre tout en lui transmettant les pièces de son dossier disciplinaire et en l’invitant à se présenter au commissariat du gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire pour une audition devant se dérouler le 9 novembre 2021 afin de prendre position par rapport aux faits lui reprochés.

Suite à un procès-verbal de non-comparution du 9 novembre 2021, le commissaire du gouvernement invita une nouvelle fois Monsieur … à se présenter au commissariat dugouvernement chargé de l’instruction disciplinaire pour une audition devant se dérouler le 16 novembre 2021 afin de prendre position par rapport aux faits lui reprochés.

En date du 16 novembre 2021, le commissaire du gouvernement dressa à nouveau un procès-verbal de non-comparution et clôtura son instruction par l’émission d’un rapport d’instruction tout en informant Monsieur … par un courrier du même jour, qu’il envisagea de transmettre le dossier au Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat, ci-après dénommé le « Conseil de discipline », conformément à l’article 56, paragraphe 5 du statut général, sans préjudice de son droit de prendre inspection du dossier disciplinaire en vue, le cas échéant, de présenter ses observations, respectivement de demander un complément d’instruction.

Par courrier du 3 décembre 2021, le dossier disciplinaire de Monsieur … fut transmis au Conseil de discipline, pour attribution.

Le 22 décembre 2021, le Conseil de discipline prononça à l’égard de Monsieur … la sanction de la mise à la retraite d’office prévue à l’article 47 sub 9 du statut général En date du 19 janvier 2022, le ministre prit l’arrêté suivant :

« (…) Vu la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat et notamment ses articles 51, 52, 54, 58 et 70;

Considérant que Monsieur …, agent … auprès du … a fait l'objet d'une instruction disciplinaire conformément à l'article 56 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat;

Vu le dossier relatif à l'instruction disciplinaire établi en date du 16 novembre 2021 par Monsieur le Commissaire du Gouvernement adjoint chargé de l'instruction disciplinaire;

Vu la décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l'Etat du 22 décembre 2021;

Arrête :

Art. 1er. La sanction disciplinaire de la mise à la retraite d'office est appliquée à l'encontre de Monsieur … (…), agent … au …. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 21 avril 2022, inscrite sous le numéro 47339 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de l’arrêté précité du ministre du 19 janvier 2022, désigné erronément comme ayant été pris en date du 21 janvier 2022.

A titre liminaire, il y a, tout d’abord, lieu de cerner l’objet du litige, visant, selon les termes non équivoques du recours, le seul arrêté « du Ministre de la Justice » du 19 janvier 2022, erronément daté au 21 janvier 2022, les termes dudit arrêté étant intégralement cités tant dans le corps de la requête introductive d’instance que dans le dispositif de celui-ci, par lequel le ministre a exécuté la décision du Conseil de discipline du 22 décembre 2021 ayant prononcé à l’égard de Monsieur … la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office prévue à l’article 47 sub 9 du statut général.

Encore qu’un demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation. En effet, dans la mesure où l’article 2 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation lorsqu’un recours en réformation est prévu par la loi.

Aucun recours en réformation n’étant prévu contre un arrêté d’application d’une sanction disciplinaire prononcée par le Conseil de discipline à l’égard d’un fonctionnaire de l’Etat, seul un recours en annulation a pu être introduit contre l’arrêté litigieux du 19 janvier 2022, de sorte que le tribunal est incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation introduit à l’encontre de l’arrêté déféré.

En ce qui concerne la recevabilité du recours en annulation sous examen, le délégué du gouvernement a soulevé l’irrecevabilité de ce dernier au motif qu’il ne serait pas dirigé contre un acte administratif de nature à faire grief, mais contre un acte d’exécution. Il soutient, dans ce contexte, en s’appuyant sur un jugement du tribunal administratif du 22 mai 2006, inscrit sous le numéro 20419 du rôle, que le recours contre une sanction disciplinaire est obligatoirement dirigé contre la décision prononcée par le Conseil de discipline et non pas contre l’arrêté ministériel qui ne fait qu’exécuter la décision prise par ledit conseil.

Le litismandataire de la partie de demanderesse n’a pas pris position par rapport à ce moyen.

Force est, effectivement, de relever qu’il est constant en cause pour ressortir des pièces versées par Monsieur … à l’appui de son recours, ainsi que du dossier administratif, que l’acte déféré au tribunal, à savoir l’arrêté du 19 janvier 2022 pris par le ministre, s’analyse en une décision d’application prise en exécution de la décision du Conseil de discipline du 22 décembre 2021 ayant prononcé à l’égard de Monsieur … la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office prévue à l’article 47 sub 9 du statut général.

Le tribunal doit constater qu’en l’espèce, l’acte qui est a priori de nature à faire grief au requérant est la décision du Conseil de discipline du 22 décembre 2021 ayant prononcé à son égard la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office prévue à l’article 47 sub 9 du statut général et que l’arrêté ministériel litigieux du 19 janvier 2022 n’a été pris qu’en son application.

Dans la mesure où Monsieur … n’allègue et a fortiori n’établit pas avoir introduit un recours contentieux contre la décision du Conseil de discipline du 22 décembre 2021 ayant prononcé à son égard la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office, celle-ci doit actuellement être considérée comme étant coulée en autorité de chose décidée.

Si l’arrêté d’exécution a son existence propre du fait de faire grief à son destinataire, de sorte qu’il constitue un acte attaquable per se, dont la légalité interne ou externe peut toujours être mise en cause séparément de l’acte qu’il exécute1, la recevabilité d’un recours est conditionnée par l’existence d’un acte de nature à faire grief et ayant produit cet effet sur la 1 Trib. adm. 12 juillet 2019, nos 40837 et 41256 du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.personne du demandeur. Il importe donc que l’intérêt soit non pas impersonnel et général mais personnel2.

Force est toutefois de constater qu’à travers son recours contentieux, Monsieur … se limite à contester la sanction disciplinaire prononcée à son égard par le Conseil de discipline, décision non visée par le présent recours, et ne formule aucun moyen direct à l’encontre de l’arrêté ministériel du 19 janvier 2022, faisant pourtant seul l’objet du présent litige.

Il en va de même du moyen formulé par le demandeur tenant à une prétendue violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, alors que ce moyen de légalité externe critique l’absence de motivation « de la décision », sans autrement préciser l’acte visé, étant relevé que la motivation relative à la sanction disciplinaire prononcée à l’égard de Monsieur … est contenue dans la décision du Conseil de discipline du 22 décembre 2021 et non pas dans l’arrêté d’application du ministre du 19 janvier 2022 qui s’y réfère, de sorte que ce moyen tendant à critiquer le manque de motivation vise lui aussi nécessairement la décision du Conseil de discipline du 22 décembre 2021.

En effet, le seul moyen au fond développé par Monsieur … consiste en effet à faire état de l’absence de toute faute disciplinaire commise par lui dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, moyen visant nécessairement la motivation de la décision du Conseil de discipline du 22 décembre 2021, pourtant coulée en force de chose décidée.

A défaut de toute explication circonstanciée de Monsieur … quant au prétendu grief subi du fait du seul arrêté ministériel du 19 janvier 2022, ainsi qu’à défaut de tout moyen juridique dirigé directement contre ledit arrêté, lequel ne constitue qu’une décision d’application de la décision du Conseil de discipline du 22 décembre 2021 ayant prononcé la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office à son égard, il y a lieu d’accueillir le moyen d’irrecevabilité pour défaut d’intérêt à agir dans le chef de Monsieur …, tel que soulevé par le délégué du gouvernement, et de déclarer en conséquence le recours sous examen dirigé contre l’arrêté ministériel du 19 janvier 2022 irrecevable.

Eu égard à l’issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 2.500 euros formulée par Monsieur … sur le fondement de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;

déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par Monsieur … ;

2 Trib. adm. 7 novembre 2016, nos 36132 et 36133 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 14 et les autres références y citées.

condamne Monsieur … aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 20 septembre 2024 par :

Paul Nourissier, premier vice-président, Olivier Poos, vice-président, Emilie Da Cruz De Sousa, premier juge, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20 septembre 2024 Le greffier du tribunal administratif 5


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 47339
Date de la décision : 20/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-09-20;47339 ?

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