Tribunal administratif N° 50970 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50970 4e chambre Inscrit le 22 août 2024 Audience publique du 20 septembre 2024 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 28 (1), L.18.12.2015)
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 50970 du rôle et déposée le 22 août 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Naïma EL HANDOUZ, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, déclarant être née le … à … (Maroc) et être de nationalité marocaine, demeurant actuellement à L-…, tendant, d’après son dispositif, principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 6 août 2024, erronément attribuée au ministre de l’Immigration et de l’Asile, de la transférer vers l’Allemagne comme étant l’Etat membre responsable pour connaître de sa demande de protection internationale ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 août 2024 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Yannick GENOT en sa plaidoirie à l’audience publique du 17 septembre 2024, Maître Naïma EL HANDOUZ s’étant excusée.
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Le 22 avril 2024, Madame … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, désignée ci-
après par « la loi du 18 décembre 2015 ».
Le même jour, Madame … fut entendue par un agent du service police judiciaire de la police grand-ducale, section criminalité organisée, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.
Une recherche effectuée à la même date dans la base de données EURODAC révéla que Madame … avait franchi irrégulièrement la frontière espagnole le 5 novembre 2022 et avait déposé une demande de protection internationale en Allemagne, le 8 février 2023.
Le 24 avril 2024, Madame … fut entendue par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 1établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III ».
Le 26 avril 2024, les autorités luxembourgeoises adressèrent à leurs homologues allemands une demande de reprise en charge de Madame … sur base de l’article 18, paragraphe (1), point d) du règlement Dublin III, demande qui fut acceptée par ces derniers, par courrier du 2 mai 2024, sur le fondement de l’article 18, paragraphe (1), point c) dudit règlement.
Par décision du 6 août 2024, notifiée à l’intéressée par envoi recommandé du même jour, le ministre des Affaires intérieures, désigné ci-après par « le ministre », informa Madame … que le Grand-Duché de Luxembourg n’examinera pas sa demande de protection internationale et qu’elle sera transférée vers l’Allemagne, Etat membre responsable pour examiner cette demande, le ministre invoquant plus particulièrement les dispositions de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, ainsi que de l’article 18, paragraphe (1), point c) du règlement Dublin III, cette décision étant libellée comme suit :
« (…) Vous avez introduit une demande de protection internationale au Luxembourg en date du 22 avril 2024 au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après « la loi modifiée du 18 décembre 2015 »). En vertu des dispositions de l'article 28(1) de la loi précitée et des dispositions de l'article 18(1)c et du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 (ci-après « le règlement DIII »), le Grand-Duché de Luxembourg n'examinera pas votre demande de protection internationale et vous serez transférée vers l’Allemagne qui est l'Etat membre responsable pour traiter cette demande.
Les faits concernant votre demande, la motivation à la base de la présente décision, les bases légales sur lesquelles elle s'appuie, de même que les informations quant aux voies de recours ouvertes sont précisés ci-après.
En mains le rapport de Police Judicaire du 22 avril 2024, ainsi que le rapport d'entretien DIII du 24 avril 2024 établi dans le cadre de votre demande de protection internationale.
1. Quant aux faits à la base de votre demande de protection internationale En date du 22 avril 2024, vous avez introduit une demande de protection internationale au Luxembourg.
La comparaison de vos empreintes dactyloscopiques avec la base de données Eurodac a révélé que vous avez franchi de manière irrégulière la frontière espagnole en date du 5 novembre 2022 et que vous avez introduit une demande de protection internationale en Allemagne en date du 8 février 2023.
Sur base de ces éléments, une demande de reprise en charge en vertu de l'article 18(1)d du règlement DIII a été adressée aux autorités allemandes en date du 26 avril 2024, demande qui fut acceptée par lesdites autorités allemandes en date du 2 mai 2024 conformément à l'article 18(1)c du règlement DIII.
22. Quant aux bases légales En tant qu'Etat membre de l'Union européenne, l'Etat luxembourgeois est tenu de mener un examen aux fins de déterminer l'Etat responsable conformément aux dispositions du règlement DIII établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.
S'il ressort de cet examen qu'un autre Etat est responsable du traitement de la demande de protection internationale, la Direction générale de l'immigration rend une décision de transfert après que l'Etat requis a accepté la prise ou la reprise en charge du demandeur.
Aux termes de l'article 28(1) de la loi modifiée du 18 décembre 2015, le Luxembourg n'est pas responsable pour le traitement d'une demande de protection internationale si cette responsabilité revient à un autre Etat.
Dans le cadre d'une reprise en charge, et notamment conformément à l'article 18(1), point c) du règlement DIII, l'Etat responsable de l'examen d'une demande de protection internationale en vertu du règlement est tenu de reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29 le ressortissant de pays tiers ou l'apatride qui a retiré sa demande en cours d'examen et qui a présenté une demande dans un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre Etat membre.
Par ailleurs, un Etat n'est pas autorisé à transférer un demandeur vers l'Etat normalement responsable lorsqu'il existe des preuves ou indices avérés qu'un demandeur risquerait dans son cas particulier d'être soumis dans cet Etat à un traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (ci-après la « CEDH ») ou 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (ci-après « la Charte UE »).
3. Quant à la motivation de la présente décision de transfert En l'espèce, il ressort des résultats du 22 avril 2024 de la comparaison de vos empreintes dactyloscopiques avec la base de données Eurodac que vous avez franchi de manière irrégulière la frontière espagnole en date du 5 novembre 2022 et que vous avez introduit une demande de protection internationale en Allemagne en date du 8 février 2023.
Selon vos déclarations, vous auriez quitté le Maroc fin octobre 2022, lorsque vous seriez montée à bord d'une embarcation clandestine en partance pour le territoire des Etats membres en Espagne. L'embarcation sur laquelle vous vous trouviez aurait été sauvée en mer et les passagers déposés sur le territoire espagnol à Las Palmas.
Lors de votre entretien DIII, vous avez déclaré ne pas avoir introduit de demande de protection internationale en Espagne, car vous ne saviez pas que cela vous était permis.
Vous seriez restée à peu près deux mois sur le territoire espagnol, à Las Palmas et puis à Barcelone, avant de quitter l'Espagne pour vous rendre en France et puis une semaine plus tard en Allemagne.
En Allemagne, vous avez introduit une demande de protection internationale en date 3du 8 février 2023. Vous déclarez que votre demande aurait été rejetée et vous auriez eu un ordre de quitter le territoire allemand. Votre transfert vers l'Espagne dans le cadre d'une procédure DIII aurait été annoncé, mais vous vous seriez soustraite à la procédure d'éloignement à trois reprises. Vous auriez finalement quitté l'Allemagne pour vous rendre au Luxembourg fin février 2024.
Lors de votre entretien Dublin III en date du 24 avril 2024, vous n'avez pas fait mention d'éventuelles particularités sur votre état de santé ou fait état d'autres problèmes généraux empêchant un transfert vers l'Allemagne qui est l'Etat membre responsable pour traiter votre demande de protection internationale.
Rappelons à cet égard que l'Allemagne est liée à la Charte UE, et est partie à la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après « la Convention de Genève »), à la CEDH et à la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (« Conv. torture »).
Il y a également lieu de soulever que l'Allemagne est liée par la Directive (UE) n° 2013/32 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale [refonte] (« directive Procédure ») et par la Directive (UE) n° 2013/33 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale [refonte] (« directive Accueil »).
Soulignons en outre que l'Allemagne profite, comme tout autre Etat membre, de la confiance mutuelle qu'elle respecte ses obligations découlant du droit international et européen en la matière.
Par conséquent, l'Allemagne est présumée respecter ses obligations tirées du droit international public, en particulier le principe de non-refoulement énoncé expressément à l'article 33 de la Convention de Genève, ainsi que l'interdiction des mauvais traitements ancrée à l'article 3 CEDH et à l'article 3 Conv. torture.
Par ailleurs, il n'existe en particulier aucune jurisprudence de la Cour EDH ou de la CJUE, de même qu'il n'existe aucune recommandation de l'UNHCR visant de façon générale à suspendre les transferts vers l'Allemagne sur base du règlement (UE) n° 604/2013.
En l'occurrence, vous ne rapportez pas la preuve que votre demande de protection internationale n'aurait pas fait l'objet d'une analyse juste et équitable, ni que vous n'auriez pas les moyens de faire valoir vos droits, notamment devant les autorités judiciaires allemandes.
Vous n'avez fourni aucun élément susceptible de démontrer que l'Allemagne ne respecterait pas le principe de non-refoulement à votre égard et faillirait à ses obligations internationales en vous renvoyant dans un pays où votre vie, votre intégrité corporelle ou votre liberté seraient sérieusement menacées.
Madame, vous n'avez pas non plus démontré que, dans votre cas concret, vos conditions d'existence en Allemagne revêtiraient un tel degré de pénibilité et de gravité qu'elles seraient constitutives d'un traitement contraire à l'article 3 CEDH ou encore à l'article 3 Conv. torture.
Il n'existe en outre pas non plus de raisons pour une application de l'article 16(1) du 4 règlement DIII pouvant amener le Luxembourg à assumer la responsabilité de l'examen au fond de votre demande de protection internationale.
Il convient encore de souligner qu'en vertu de l'article 17(1) du règlement DIII (clause de souveraineté), chaque Etat peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par le ressortissant d'un pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement, pour des raisons humanitaires ou exceptionnelles. Les autorités luxembourgeoises disposent d'un pouvoir discrétionnaire à cet égard, et l'application de la clause de souveraineté ne constitue pas une obligation.
Il ne ressort pas de l'ensemble des éléments de votre dossier que les autorités luxembourgeoises auraient dû faire application de la clause de souveraineté prévue à l'article 17(1) du règlement DIII. En effet, vous ne faites valoir aucun élément humanitaire ou exceptionnel qui ne serait pas couvert par les dispositions du règlement DIII et qui devrait amener les autorités luxembourgeoises à se déclarer responsables pour le traitement de votre demande de protection internationale.
Pour l'exécution du transfert vers l'Allemagne, seule votre capacité de voyager est déterminante et fera l'objet d'une détermination définitive dans un délai raisonnable avant le transfert.
Si votre état de santé devait temporairement constituer un obstacle à l'exécution de votre renvoi vers l'Allemagne, l'exécution du transfert serait suspendue jusqu'à ce que vous seriez à nouveau apte à être transférée. Par ailleurs, si cela s'avère nécessaire, la Direction générale de l'immigration prendra en compte votre état de santé lors de l'organisation du transfert vers l'Allemagne en informant les autorités allemandes conformément aux articles 31 et 32 du règlement DIII à condition que vous exprimiez votre consentement explicite à cette fin.
D'autres raisons individuelles pouvant éventuellement entraver la remise aux autorités françaises n'ont pas été constatées. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 22 août 2024, Madame … a fait introduire un recours tendant, d’après son dispositif auquel le tribunal est seul tenu, principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle, précitée, du 6 août 2024.
Dans son mémoire en réponse, la partie étatique soulève l’irrecevabilité du recours sous examen en ce qu’aucun « recours en réformation et en annulation » ne serait prévu par la loi.
Or, au vu de ce que le tribunal vient de retenir concernant le dispositif de la requête introductive d’instance du 22 août 2024, le moyen d’irrecevabilité de la partie étatique est à rejeter pour manquer de fondement, étant, par ailleurs, rappelé que l’indication, dans la requête introductive d’instance, du type de recours contentieux introduit n’est pas exigée à peine de nullité par la loi1 et que lorsque la requête introductive d’instance omet d’indiquer si le recours tend à la réformation ou à l’annulation de la décision critiquée, il y a lieu d’admettre que le 1 Trib. adm., 3 octobre 2016, n° 35161 du rôle, Pas. adm., 2023, V° Procédure contentieuse, n° 475 et l’autre référence y citée.
5 4 demandeur a entendu introduire le recours admis par la loi2.
Etant donné, ensuite, que l’article 35, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours de pleine juridiction contre les décisions de transfert visées à l’article 28, paragraphe (1) de la même loi, telle que la décision litigieuse, le tribunal est compétent pour statuer sur le recours principal en réformation, lequel est encore recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours, après avoir passé en revue les faits et rétroactes exposés ci-
avant, la demanderesse reproche au ministre une motivation insuffisante de la décision déférée, alors que l’article 34, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 exigerait que toute décision négative prise en matière de protection internationale ou de protection temporaire soit motivée en fait et en droit, le ministre n’ayant notamment pris position par rapport à aucun fait relatif à sa demande de protection internationale, omission empêchant la demanderesse de vérifier s’il avait correctement apprécié les motifs à la base du refus d’examen de sa demande de protection internationale.
Quant à la légalité interne de la décision déférée, la demanderesse soutient qu’elle craindrait, en cas de son transfert en l’Allemagne, de subir des menaces et pressions, alors qu’elle y aurait fait connaissance de plusieurs individus de sexe masculin lesquels auraient tenté d’obtenir de sa part des faveurs sexuelles en échange d’une régularisation de sa situation administrative et des promesses d’un bel avenir.
La demanderesse invoque, ensuite, les articles 37, paragraphes (3) et (5), et 42 de la loi du 18 décembre 2015 pour reprocher au ministre d’avoir estimé que les motifs qu’elle aurait indiqués lors de son entretien mené dans le cadre du règlement Dublin III ne constituent pas des problèmes généraux empêchant son transfert en l’Allemagne et demande qu’il soit ordonné au ministre de procéder à l’examen au fond de sa demande de protection internationale.
Quant à la décision de transfert, la demanderesse estime que ce serait à tort que le ministre aurait décidé de la transférer en Allemagne, alors que sa vie s’y trouverait menacée, de sorte qu’elle en conclut que les autorités luxembourgeoises devraient examiner sa demande de protection internationale.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.
Il y a d’abord lieu de rappeler que le tribunal n’est pas tenu par l’ordre des moyens, tel que présenté par la demanderesse, mais qu’il détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.
S’agissant d’abord de la légalité externe de la décision déférée et pour autant que la demanderesse a entendu reprocher un défaut de motivation, voire une motivation insuffisante à la décision ministérielle déférée, le tribunal relève qu’en vertu de l’article 34, paragraphe (1) 2 Trib. adm., 18 janvier 1999, n° 10760 du rôle, Pas. adm., 2023, V° Recours en réformation, n° 8, 2e volet, et les autres références y citées.
6de la loi du 18 décembre 2015, « (…) Toute décision négative est motivée en fait et en droit (…) ».
Force est au tribunal de constater qu’en l’espèce, la décision déférée est motivée tant en fait qu’en droit, en ce qu’elle indique, en se basant sur les articles 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et 18, paragraphe (1), point c) du règlement Dublin III, les raisons ayant amené le ministre à prendre la décision de ne pas examiner la demande de protection internationale de Madame … et de la transférer vers l’Allemagne, à savoir le fait que la demanderesse a introduit une demande de protection internationale en Allemagne le 8 février 2023 et que les autorités allemandes ont accepté sa reprise en charge le 2 mai 2024 sur le fondement de l’article 18, paragraphe (1), point c) du règlement Dublin III. Le ministre a, en outre, retracé, sur base des déclarations de la demanderesse, l’itinéraire suivi par cette dernière pour venir au Luxembourg et a, par ailleurs, relevé que lors de son entretien mené dans le cadre du règlement Dublin III en date du 24 avril 2024, la demanderesse n’a pas fait mention d’éventuelles spécificités relatives à son état de santé, ni fait état de quelconques autres problèmes généraux empêchant son transfert vers l’Allemagne.
Au vu de ce qui précède, le tribunal est amené à retenir que cette motivation suffit aux exigences de l’article 34, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que moyen de la demanderesse tiré de l’illégalité externe de la décision déférée est rejeté.
En ce qui concerne la légalité interne de ladite décision, le tribunal relève qu’en vertu de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, « Si, en application du règlement (UE) n°604/2013, le ministre estime qu’un autre Etat membre est responsable de la demande, il sursoit à statuer sur la demande jusqu’à la décision du pays responsable sur la requête de prise ou de reprise en charge. Lorsque l’Etat membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge du demandeur, le ministre notifie à la personne concernée la décision de la transférer vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner sa demande de protection internationale ».
Il s’ensuit que si le ministre estime qu’en application du règlement Dublin III, un autre pays est responsable de l’examen de la demande de protection internationale et si ce pays accepte la prise, respectivement la reprise en charge de l’intéressé, le ministre décide de transférer la personne concernée vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner la demande de protection internationale introduite au Luxembourg.
L’article 18, paragraphe (1), point c) du règlement Dublin III, sur base duquel les autorités allemandes ont accepté de reprendre en charge la demanderesse en tant que Etat responsable pour examiner sa demande de protection internationale, prévoit que « 1. L’Etat membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (…) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29 le ressortissant de pays tiers ou l’apatride qui a retiré sa demande en cours d’examen et qui a présenté une demande dans un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre État membre ».
En l’espèce, le tribunal constate de prime abord qu’il est constant en cause que la décision ministérielle déférée a été adoptée par le ministre en application de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et de l’article 18, paragraphe (1), point c) du règlement Dublin III, au motif que l’Etat responsable de l’examen de la demande de protection internationale de Madame … est l’Allemagne, en ce que la demanderesse y avait introduit une 7demande de protection internationale en date du 8 février 2023 et que les autorités allemandes ont accepté sa reprise en charge en date du 2 mai 2024.
C’est dès lors a priori à bon droit que le ministre a décidé de transférer la demanderesse vers cet Etat membre et de ne pas examiner sa demande de protection internationale introduite au Luxembourg, étant souligné que la demanderesse ne conteste pas la compétence de principe des autorités allemandes, ni l’incompétence de principe de l’Etat luxembourgeois.
Le tribunal relève ensuite que les possibilités légales pour le ministre de ne pas procéder au transfert d’un demandeur de protection internationale et d’examiner, le cas échéant, sa demande sont prévues, d’une part, par l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin III lequel présuppose l’existence de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs dans le pays de transfert qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte, auquel cas le ministre ne peut pas transférer l’intéressé dans cet Etat et doit poursuivre la procédure de détermination de l’Etat membre responsable, ainsi que, d’autre part, par l’article 17, paragraphe (1) du même règlement, accordant au ministre la faculté d’examiner la demande de protection internationale en passant outre la compétence de principe d’un autre Etat membre pour ce faire.
Quant aux défaillances systémiques, l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2, du règlement Dublin III dispose que « Lorsqu’il est impossible de transférer un demandeur vers l’Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’Etat membre procédant à la détermination de l’Etat membre responsable poursuit l’examen des critères énoncés au chapitre III afin d’établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ».
Cette disposition impose à l’Etat membre procédant à la détermination de l’Etat responsable de l’examen de la demande de protection internationale d’un demandeur d’asile de s’abstenir de transférer l’intéressé vers l’Etat membre initialement désigné comme responsable, en application des critères prévus par le règlement Dublin III, s’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 de la CEDH, respectivement de l’article 4 de la Charte – corollaire de l’article 3 de la CEDH –, une telle situation empêchant tout transfert de demandeurs d’asile vers cet Etat membre3.
A cet égard, le tribunal relève que l’Allemagne est tenue au respect, en tant que membre de l’Union européenne et signataire de ces conventions, des droits et libertés prévus par la CEDH, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que du principe de non-refoulement prévu par la Convention de Genève et dispose a priori d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés. Il y a encore lieu de souligner, dans ce contexte, que le système européen commun d’asile a été conçu dans un contexte permettant de supposer que l’ensemble des Etats y participant qu’ils soient Etats membres ou Etats tiers, respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant 3 CJUE, 16 février 2017, C. K., H. F., A.S. c. Republika Slovenija, C-578/16 PPU, pt. 92.
8leur fondement dans la Convention de Genève, ainsi que dans la CEDH, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard4. C’est précisément en raison de ce principe de confiance mutuelle que le législateur de l’Union européenne a adopté le règlement Dublin III en vue de rationaliser le traitement des demandes d’asile et d’éviter l’engorgement du système par l’obligation, pour les autorités des Etats, de traiter des demandes multiples introduites par un même demandeur, d’accroître la sécurité juridique en ce qui concerne la détermination de l’Etat responsable du traitement de la demande d’asile et ainsi d’éviter le « forum shopping », l’ensemble ayant pour objectif principal d’accélérer le traitement des demandes tant dans l’intérêt des demandeurs d’asile que des Etats participants5.
Dès lors, comme ce système européen commun d’asile repose sur la présomption – réfragable – que l’ensemble des Etats y participant respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard, il appartient à la demanderesse de rapporter la preuve matérielle de défaillances avérées6.
Dans un arrêt du 16 février 2017, la CJUE a, d’ailleurs, expressément réaffirmé l’existence tant de ce principe de confiance mutuelle que de la présomption réfragable s’en dégageant du respect des droits fondamentaux par les Etats participant au système européen commun d’asile7, tout en apportant des précisions quant à l’interprétation de l’article 4 de la Charte et aux obligations en découlant pour les Etats membres.
Le tribunal est également amené à souligner que le système Dublin III est basé sur l’hypothèse que tous les Etats membres de l’Union européenne sont des Etats de droit dans lesquels les demandeurs de protection internationale peuvent faire valoir leurs droits et requérir l’aide des organes étatiques, notamment judiciaires, au cas où ils estiment que leurs droits ont été lésés. S’il est exact qu’il est admis qu’une acceptation de prise ou de reprise en charge par un Etat membre peut être remise en cause par un demandeur de protection internationale lorsqu’il existe des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale dans cet Etat membre, il n’en reste pas moins que suivant la jurisprudence des juridictions administratives8, reposant elle-même sur un arrêt de la CJUE9, des défaillances systémiques au sens de l’article10, précité, requièrent, pour être de nature à s’opposer à un transfert, d’être qualifiées de traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 4 de la Charte. Telle est encore la conclusion à laquelle arrive la CJUE dans son arrêt, précité, du 16 février 201711.
Quant à la preuve à rapporter, en l’espèce, par la demanderesse, il se dégage d’un arrêt de la CJUE du 19 mars 201912 que pour relever de l’article 4 de la Charte, auquel l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2, précité, du règlement Dublin III renvoie, des défaillances existant dans 4 CJUE, 21 décembre 2011, affaires jointes C-411/10, N.S. c. Secretary of State for the Home Department et C-
493/10, M.E. et al. c. Refugee Applications Commissioner Minister for Justice, Equality and Law Reform., point 78.
5 Ibidem, point. 79 ; voir également : Trib. adm., 26 février 2014, n° 33956 du rôle, Trib. adm., 17 mars 2014, n° 34054 du rôle, ainsi que Trib. adm., 2 avril 2014, n° 34133 du rôle, disponibles sur ww.jurad.etat.lu.
6 Voir aussi Verwaltungsgerichtshof Baden-Württemberg, 8 janvier 2015, n° A11 S 858/14.
7 CJUE, 16 février 2017, C. K., H. F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16, pt. 95.
8 Trib. adm., 26 avril 2016, n° 37591 du rôle, disponible sur: www.jurad.etat.lu.
9 CJUE, 10 décembre 2013, C-394/12, Shamso Abdullahi c. Bundesasylamt, point 62.
10 CJUE, 16 février 2017, C.K., H.F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16.
11 CJUE, 16 février 2017, C.K., H.F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16.
12 CJUE, grande chambre, 19 mars 2019, affaire C-163/17, Abubacarr Jawo c. Bundesrepublik Deutschland, pt.
91.
9l’Etat membre responsable, au sens dudit règlement, doivent atteindre un seuil particulièrement élevé de gravité, qui dépend de l’ensemble des données de la cause. Aux termes de ce même arrêt, ce seuil particulièrement élevé de gravité serait atteint lorsque l’indifférence des autorités d’un Etat membre aurait pour conséquence qu’une personne entièrement dépendante de l’aide publique se trouverait, indépendamment de sa volonté et de ses choix personnels, dans une situation de dénuement matériel extrême, qui ne lui permettrait pas de faire face à ses besoins les plus élémentaires, tels que notamment ceux de se nourrir, de se laver et de se loger, et qui porterait atteinte à sa santé physique ou mentale ou la mettrait dans un état de dégradation incompatible avec la dignité humaine13. Ledit seuil ne saurait donc couvrir des situations caractérisées même par une grande précarité ou une forte dégradation des conditions de vie de la personne concernée, lorsque celles-ci n’impliquent pas un dénuement matériel extrême plaçant cette personne dans une situation d’une gravité telle qu’elle peut être assimilée à un traitement inhumain ou dégradant14.
En l’espèce, force est au tribunal de constater que si la demanderesse indique avoir subi des menaces et pressions en Allemagne, elle ne fait cependant valoir, dans ce contexte, aucun élément ayant trait à la défaillance systémique dans la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale dans ce pays, alors qu’elle n’a pas soutenu que ce seraient les autorités allemandes qui seraient à l’origine des menaces et pressions qu’elle craint de subir en cas de son transfert vers l’Allemagne, ni fait état d’agissements qu’elle aurait personnellement subis de la part desdites autorités lors du traitement de sa demande de protection internationale ou encore à l’occasion de l’exécution de la mesure de transfert vers l’Espagne et qui permettraient d’appuyer son argumentation dans le sens de l’existence en Allemagne de défaillances systémiques.
Il ressort, par ailleurs, de ses déclarations actées lors de son entretien mené dans le cadre du règlement Dublin III en date du 24 avril 2024 que suite au dépôt de sa demande de protection internationale en Allemagne, la demanderesse y serait restée pendant une année, ledit entretien ne comportant, par ailleurs, aucune mention concernant un quelconque problème que la demanderesse aurait rencontré en matière de procédure d’asile et de conditions d’accueil dans ce pays.
Le tribunal relève, encore, que la demanderesse n’invoque aucune jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, désignée ci-après par « la CourEDH », relative à une suspension générale des transferts vers l’Allemagne, voire une demande en ce sens de la part de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés. Elle ne fait pas non plus état de l’existence d’un rapport ou avis émanant de la prédite agence, ou d’autres institutions ou organismes internationaux, interdisant ou recommandant l’arrêt des transferts vers l’Allemagne de ressortissants marocains dans le cadre du règlement Dublin III en raison plus particulièrement de la politique d’asile allemande qui l’exposerait à un traitement inhumain ou dégradant au sens des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte.
Au vu des considérations qui précèdent, le tribunal conclut que la demanderesse n’a pas rapporté la preuve de l’existence, en Allemagne, de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale, qui entraîneraient pour elle un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte, empêchant tout transfert de demandeurs de protection internationale vers ce pays.
13 Ibidem, pt. 92.
14 Ibidem, pt. 93.
10 Le tribunal relève encore qu’en vertu notamment de la jurisprudence de la CourEDH, dans certains cas, il ne peut être exclu que l’application des règles prescrites par le règlement Dublin III puisse être de nature à entraîner un risque sérieux qu’un demandeur de protection internationale soit, en cas de transfert vers un Etat, traité d’une manière incompatible avec les droits fondamentaux, étant relevé que la présomption selon laquelle les Etats participant au système instauré par le règlement Dublin III respectent les droits fondamentaux prévus par la CEDH est réfragable15.
Afin d’apprécier s’il y a des motifs sérieux et avérés de croire que le demandeur encourt un risque réel de traitement prohibé par l’article 4 de la Charte, respectivement l’article 3 de la CEDH, la CourEDH a jugé que pour vérifier l’existence d’un risque de mauvais traitements, il y a lieu d’examiner les conséquences prévisibles de l’éloignement du requérant dans le pays de destination, compte tenu de la situation générale dans ce pays et des circonstances propres au cas de la partie requérante16.
Il se dégage de la jurisprudence de la CourEDH17 que le transfert d’un demandeur de protection internationale par le Grand-Duché de Luxembourg vers l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale et des suites à y donner, en application du règlement Dublin III, ne pourrait constituer une violation de l’article 3 de la CEDH, qu’à la condition que l’intéressé démontre, soit qu’il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’il encourt un risque réel de subir la torture ou des traitements inhumains ou dégradants dans cet Etat, soit qu’il ne bénéficierait pas d’une protection contre le non-refoulement vers son pays d’origine dans l’Etat intermédiaire responsable du traitement de sa demande de protection internationale, à savoir en l’occurrence la Suisse.
Force est au tribunal de constater que la demanderesse reste en défaut d’apporter le moindre élément tendant à établir une telle situation dans son chef en cas de retour en Allemagne, conclusion qui n’est pas remise en cause par l’allégation non autrement circonstanciée de la demanderesse ayant trait à des menaces et pressions subies de la part des hommes rencontrés lors de son séjour en Allemagne.
Il convient, par ailleurs, de souligner que si la demanderesse devait estimer que le système d’aide allemand était à tel point avilissant qu’il impliquerait per se un traitement inhumain et dégradant contraire à l’article 4 de la Charte, respectivement à l’article 3 de la CEDH, il lui appartiendrait de faire valoir ses droits directement auprès des autorités allemandes, en usant des voies de droit adéquates, respectivement devant les instances européennes adéquates. Il en va de même si la demanderesse devait estimer que le système allemand ne serait pas conforme aux normes européennes.
Au vu de ce qui précède et compte tenu des éléments soumis au tribunal, il échet de conclure que Madame … n’a pas démontré que son transfert vers l’Allemagne serait contraire 15 CEDH, grande chambre, 4 novembre 2014, Tarakhel c. Suisse, n° 29217/12 ; CEDH, grande chambre, 21 janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce, n° 30696/09.
16 CEDH, 4 décembre 2008, Y./Russie, n°20113/07, point 78 ; CEDH, 28 février 2008, Saadie/Italie, n°37201/06, points 128-129 ; CEDH, 30 octobre 1991, Vilvarajah et autres/Royaume-Uni, n°13448/87, point 108 in fine.
17 CEDH, grande chambre, 4 novembre 2014, Tarakhel c. Suisse, n° 29217/12 ; CEDH, grande chambre, 21 janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce, n° 30696/09 ; CEDH, 4 décembre 2008, Y./Russie, n°20113/07, point 78 ;
CEDH, 28 février 2008, Saadie/Italie, n°37201/06, points 128-129 ; CEDH, 30 octobre 1991, Vilvarajah et autres/Royaume-Uni, n°13448/87, point 108 in fine ; CEDH, grande chambre, 21 janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce, n°30696/09, point 286.
11aux articles 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin III, 3 de la CEDH et 4 de la Charte, de sorte que le moyen afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.
Quant aux moyens de la demanderesse basés sur les articles 37, paragraphes (3) et (5) et l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015, il échet de relever qu’ils ont trait à l’examen au fond d’une demande de protection internationale. Or, le ministre s’étant justement, par décision du 6 août 2024 et en application de l’article 28, paragraphe (1) de la loi susmentionnée, déclaré incompétent pour procéder audit examen, les développements afférents de la demanderesse sont à écarter pour manquer de pertinence.
S’agissant, enfin, de la demande de la demanderesse tendant à faire ordonner par le tribunal que le ministre devrait procéder à l’examen au fond de la demande de protection internationale qu’elle a déposée au Luxembourg en date du 22 avril 2024, le tribunal a soulevé d’office, à l’instance publique des plaidoiries, la question de sa compétence pour accéder à une telle demande, question par rapport à laquelle le délégué du gouvernement s’est rapporté à prudence de justice. Il échet de rappeler que si le tribunal, investi du pouvoir de statuer en tant que juge du fond, peut remplacer une décision administrative viciée, dans les limites de l’objet du recours, par une décision nouvelle, conforme à la loi, il ne lui est, en l’absence d’une disposition légale spécifique, pas possible de formuler des injonctions à l’encontre de l’administration18.
Le tribunal est partant incompétent pour connaître de la demande de Madame … tendant à voir « ordonner au Ministre d’examiner la demande de protection internationale de la requérante ».
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, que le recours en réformation est à rejeter pour n’être fondé en aucun de ses moyens.
Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;
se déclare incompétent pour ordonner au ministre de devoir procéder à l’examen de la demande de protection internationale de Madame … ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
condamne la demanderesse aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 20 septembre 2024 par :
Paul Nourissier, premier vice-président, 18 Trib. adm., 11 mars 2015, n° 33444 du rôle, Pas. adm., 2023, V° Recours en réformation, n° 36, et les autres références y citées.
12Emilie Da Cruz De Sousa, premier juge, Anna Chebotaryova, attachée de justice déléguée.
en présence du greffier Marc Warken.
s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20 septembre 2024 Le greffier du tribunal administratif 13