Tribunal administratif N° 47484 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47484 2e chambre Inscrit le 30 mai 2022 Audience publique du 23 septembre 2024 Recours formé par la société à responsabilité limitée (AA) SARL, …, contre une décision des ministres des Classes moyennes et des Finances en matière d’aides en faveur des petites et moyennes entreprises
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 47484 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 mai 2022 par Maître François Turk, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée (AA) SARL, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son gérant actuellement en fonctions, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du 28 septembre 2021 portant refus d’une demande en obtention d’une aide prévue par la loi modifiée du 9 août 2018 relative à un régime d’aides en faveur des petites et moyennes entreprises ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 août 2022 ;
Vu le mémoire en réplique de Maître François Turk déposé au greffe du tribunal administratif le 5 octobre 2022, au nom de la société à responsabilité limitée (AA) SARL, préqualifée ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 novembre 2022 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître François Turk et Madame le délégué du gouvernement Charline Radermecker en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 15 avril 2024.
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Il est constant en cause que la société à responsabilité limitée (AA) SARL, ci-après désignée par « la société (AA) », introduisit en date du 2 avril 2020 auprès du ministère de l’Economie, ci-après désigné par « le ministère », via un formulaire afférent réceptionné le 4 mai 2020, une demande d’aide étatique sur base de l’article 4 de la loi modifiée du 9 août 2018 relative à un régime d’aides en faveur des petites et moyennes entreprises, ci-après désignée par « la loi du 9 août 2018 ».
Par décision du 28 septembre 2021, les ministres des Classes moyennes et des Finances, ci-après désignés par « les ministres », refusèrent de faire droit à la demande en obtention d’une aide étatique de la société (AA), ladite décision étant motivée de la manière suivante :
« […] Par la présente, j’ai l’honneur de me référer à votre demande sous rubrique, qui a fait entre-temps l’objet d’une instruction administrative.
Après délibération, la commission consultative dont la composition et le fonctionnement sont déterminés par le règlement grand-ducal du 21 mai 2021 a émis un avis défavorable, étant donné que d’après l’article 2 du règlement grand-ducal du 12 octobre 2018, les entreprises actives dans le secteur de sylviculture et d’autres activités forestières sont exclues des aides prévues par la loi.
Sur base de ce qui précède, les Ministres des Classes Moyennes et des Finances ne peuvent réserver une suite favorable à votre demande. […] ».
Par courrier de son litismandataire du 22 décembre 2021, la société (AA) introduisit un recours gracieux à l’encontre de cette décision, précitée, lequel resta sans réponse.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 mai 2022, la société (AA) a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du 28 septembre 2021 refusant de faire droit à sa demande en obtention d’une aide étatique.
Dans la mesure où aucune disposition légale n’institue un recours au fond dans la présente matière, le tribunal doit se déclarer incompétent pour connaître du recours principal en réformation.
Le recours en annulation introduit à titre subsidiaire contre la décision ministérielle déférée est par contre recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Moyens et arguments des parties A l’appui de son recours et en fait, la société demanderesse indique avoir été constituée en date du 4 janvier 1994 et avoir pour objet social « l’exécution de tous travaux forestiers, bûcheronnage, débardage et fraisage, achat et vente de bois et toutes autres activités se rattachant directement ou indirectement à l’exploitation de forêts et à l’industrie du bois, ainsi que toutes autres opérations industrielles, commerciales ou financières, mobilières ou immobilières, se rattachant directement ou indirectement à son objet social ou qui sont de nature à en faciliter l’extension ou le développement ».
A travers sa demande du 2 avril 2020, elle aurait sollicité une aide gouvernementale à titre de subvention en capital, en vue d’obtenir plus particulièrement le remboursement d’un de ses investissements.
En droit, la société demanderesse estime, en premier lieu, entrer dans le champ d’application de la loi du 9 août 2018, dans la mesure où elle aurait employé « 20,79 personnes en moyenne » au cours de l’année 2020 et que son bilan pour la même année se serait élevé à … euros.
Elle poursuit en expliquant qu’en application de l’article 3 de la loi du 9 août 2018, toutes les entreprises régulièrement établies sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg pourraient profiter du régime d’aides étatiques prévu par cette loi. Le terme « entreprise », tel que défini à l’article 2, point 9 de la loi du 9 août 2018, viserait « toute personne physique ou morale qui exerce, à titre principal ou accessoire, une activité économique », tandis que les points 18 et 19 dudit article définiraient les termes de « moyenne entreprise » et « petite entreprise ». S’y ajouterait que suivant l’annexe I du règlement (UE) n°651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, ci-
après désigné par « le règlement n°651/2014 », serait considérée comme « entreprise », toute entité, indépendamment de sa forme juridique, exerçant une activité économique. Selon l’article 2, point 1 de cette annexe, la catégorie des micros, petites et moyennes entreprises (« PME ») serait constituée d’entreprises occupant moins de 250 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel n’excèderait pas 50 millions d’euros ou dont le total du bilan annuel n’excèderait pas 43 millions d’euros, tandis que le point 2 de cet article 2 de l’annexe I définirait une « petite entreprise » comme étant une entreprise occupant moins de 50 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel ou le total du bilan annuel n’excèderait pas 10 millions d’euros. La société demanderesse en conclut qu’elle entrerait non seulement dans le champ d’application de la loi et dans la catégorie des PME, mais également du règlement n°651/2014, et plus particulièrement dans la catégorie de « petite entreprise », de sorte à pouvoir prétendre à obtenir une aide étatique à ce titre.
En deuxième lieu, la société demanderesse fait plaider que si la loi du 9 août 2018 visait à définir l’objet et le champ d’application du régime d’aides en faveur des PME, le législateur aurait cependant choisi de « réserver » la définition détaillée des dépenses éligibles et des entreprises pouvant bénéficier d’une telle aide à un règlement grand-ducal d’exécution, à savoir le règlement grand-ducal du 12 octobre 2018 déterminant la nomenclature des dépenses et des entreprises éligibles au régime d’aides prévu par la loi du 9 août 2018 relative à un régime d’aides en faveur des petites et moyennes entreprises, ci-après désigné par « le règlement grand-
ducal du 12 octobre 2018 », lequel exclurait du bénéfice d’une telle aide, les entreprises actives dans le secteur de la sylviculture. Le projet de règlement grand-ducal du 12 octobre 2018 n’aurait toutefois pas été soumis pour avis à la Chambre de commerce et ce alors même que, pour des raisons évidentes de sécurité juridique et dans le but d’obtenir une vue générale et éclairée de l’objet et du champ d’application de la loi, il aurait dû être soumis – en même temps que le projet de loi ou, au plus tard, en même temps que les amendements y relatifs – aux avis des différentes chambres professionnelles.
En outre, et nonobstant le fait que l’annexe I du règlement n°651/2014 – norme hiérarchiquement supérieure – considèrerait comme entreprise « toute entité, indépendamment de sa forme juridique, exerçant une activité économique », de sorte à inclure une société comme la sienne dans son champ d’application, le règlement grand-ducal du 12 octobre 2018 exclurait du régime d’aides les « entreprises actives dans le secteur forestier », sans préciser la raison de leur exclusion du régime d’aides ni spécifier si la sylviculture est à considérer comme activité faisant partie du secteur forestier ainsi exclu. Il aurait, dès lors, été nécessaire de spécifier les exclusions à l’article 3 (2) de la loi du 9 août 2018 et non pas dans le règlement grand-ducal du 12 octobre 2018.
La société demanderesse donne à considérer, à ce sujet, que tant la Chambre de commerce que la Chambre des métiers auraient déjà insisté, dans leurs différents avis, sur la nécessité d’intégrer la nomenclature des dépenses et des entreprises éligibles dans la loi. Il appartiendrait, en effet, à la loi du 9 août 2018, et non pas à un règlement grand-ducal, d’exclure de son champ d’application les entreprises actives dans les domaines forestiers, et ce, d’autant plus qu’elle listerait, dans son article 3 (2), tout un ensemble d’entreprises qui seraient exclues de son champ d’application. Il n’appartiendrait dès lors pas au pouvoir exécutif de décider d’exclusions qui ne seraient prévues ni par la loi ni par le règlement communautaire.
Comme le courrier du 28 septembre 2021 ne ferait « l’objet d’aucune motivation », la société demanderesse s’interroge, par ailleurs, sur la justification à la base du rejet de sa demande en obtention d’une aide étatique, ce d’autant plus que, selon elle, son projet, tel que déposé auprès du ministère, aurait non seulement des mérites, mais présenterait également des garanties suffisantes de viabilité, de sorte qu’elle serait éligible à ce régime d’aides, « sans distinction liée à la nature de son activité ».
En troisième et dernier lieu, la société demanderesse se prévaut d’une violation des principes constitutionnels d’égalité devant la loi et de non-discrimination dans la mesure où l’article 3 (2) de la loi du 9 août 2018 exclurait indirectement le domaine forestier de l’éligibilité à une aide étatique, alors que le législateur ne se serait jamais exprimé sur la raison pour laquelle il y avait, d’un côté, lieu d’exclure du bénéfice de cette aide étatique une société active dans le domaine forestier et, de l’autre côté, de l’accorder à une société active dans un autre secteur.
Au vu de cette restriction, elle serait discriminée par rapport à d’autres sociétés « actives ailleurs », sans qu’il existe de disparités objectives entre les différentes professions et leur accès au régime d’aides.
La société demanderesse verse encore en cause différents courriers du ministère lui accordant une aide étatique sur base de la loi modifiée du 30 juin 2004 portant création d’un cadre général des régimes d’aides en faveur du secteur des classes moyennes, dont les articles 2, 3, 4 et 6 auraient été abrogés par la loi du 9 août 2018. Le règlement grand-ducal du 9 mai 2010 portant modification du règlement grand-ducal du 19 février 2005 portant exécution de l’article 2 de cette loi du 30 juin 2004 et instituant un régime d’aides en faveur des PME n’aurait, quant à lui, pas exclu le secteur de la sylviculture de l’application de ce règlement et de l’éligibilité au titre du régime d’aides prévu par la loi. Ainsi, et dans la mesure où elle aurait bénéficié précédemment de ce régime d’aides, son exclusion actuelle serait d’autant plus incompréhensible.
Elle formule, dans ce contexte, une question préjudicielle à poser, le cas échéant, à la Cour constitutionnelle, dont la teneur est la suivante : « Les dispositions de l’article 3 (1) de la loi du 9 août 2018 relative à un régime d’aides en faveur de petites et moyennes entreprises, telle que modifiée et prévoyant un règlement grand-ducal qui fixe la nomenclature des entreprises exigibles est-il conforme à l’article 10 bis de la Constitution ? ».
Dans son mémoire en réplique, la société demanderesse maintient, en substance, ses développements antérieurs, tout en prenant position quant au reproche de la partie étatique selon lequel elle ne remplirait pas non plus les critères prévus par l’article 4 (3) de la loi du 9 août 2018, en précisant, après avoir cité le point a) de cet article, qu’il en ressortirait que tout investissement en vue de l’extension d’une entreprise « [ferait] l’objet » de la loi du 9 août 2018 et serait dès lors susceptible d’être remboursé par l’Etat. Or, la nature de son investissement aurait consisté en une « extension (augmentation de la capacité de production) » de son entreprise, tel qu’elle l’aurait indiqué dans sa demande d’aide étatique. En outre, dans la motivation et description détaillée de son projet, elle aurait renseigné que l’investissement en cause serait nécessaire afin d’augmenter sa capacité de production pour garder « au moins les niveaux actuels de chiffre d’affaires et de main-d’œuvre ». Ainsi, l’objectif de son investissement consisterait non seulement dans le remplacement d’une ancienne machine, mais surtout dans celui d’augmenter sa capacité de production pour garder « au moins les niveaux actuels ».
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours sous analyse pour n’être fondé dans aucun de ses moyens.
Analyse du tribunal Le tribunal relève qu’en présence de plusieurs moyens invoqués il n’est pas lié par l’ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant, l’examen de la légalité externe précédant celui de la légalité interne.
Quant à la légalité externe de la décision déférée, et s’agissant, plus particulièrement, du moyen fondé, de l’entendement du tribunal, sur un défaut de motivation de ladite décision, il y a lieu de constater que l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes prévoit que :
« Toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux.
La décision doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, lorsqu’elle :
- refuse de faire droit à la demande de l’intéressé ;
- révoque ou modifie une décision antérieure, sauf si elle intervient à la demande de l’intéressé et qu’elle y fait droit ;
- intervient sur recours gracieux, hiérarchique ou de tutelle ;
- intervient après procédure consultative, lorsqu’elle diffère de l’avis émis par l’organisme consultatif ou lorsqu’elle accorde une dérogation à une règle générale. […] ».
Il ressort de cette disposition réglementaire que toute décision administrative doit reposer sur des motifs légaux et que certaines catégories de décisions, énumérées à l’alinéa 2 de ladite disposition, doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base.
En l’espèce, le tribunal constate que la décision litigieuse du 28 septembre 2021 est motivée tant en fait qu’en droit, les ministres ayant, disposition légale à l’appui, indiqué les raisons les ayant amenés à refuser de faire droit à la demande de l’intéressée, à savoir l’avis défavorable de la commission consultative selon lequel l’article 2 du règlement grand-ducal du 12 octobre 2018 exclurait du champ d’application de la loi du 9 août 2018 les entreprises actives dans le secteur de la sylviculture et d’autres activités forestières.
Par ailleurs, il est de jurisprudence constante que la sanction de l’absence de motivation ne consiste de toute façon pas dans l’annulation de l’acte visé, mais dans la suspension des délais de recours et que celui-ci reste a priori valable, l’administration pouvant produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois pendant la phase contentieuse1.
Or, en l’espèce, la partie étatique a complété la motivation fournie par les ministres en prenant position quant aux contestations afférentes de la société demanderesse, tout en indiquant qu’indépendamment des éléments figurant dans la décision litigieuse du 28 septembre 2021, la demande d’aide étatique introduite par la société demanderesse serait encore à rejeter en ce qu’elle ne remplirait pas les critères d’éligibilité prévus à l’article 4 (3) de la loi du 9 août 2018. En effet, selon la partie étatique, le simple remplacement d’une machine, tel que l’aurait renseigné la société demanderesse dans sa demande d’aide étatique du 4 mai 2020, ne serait pas à qualifier de « coût admissible ».
La motivation ainsi fournie par les ministres et complétée par la partie étatique au cours de la phase contentieuse est suffisamment précise pour permettre à la société demanderesse d’exercer la défense de ses intérêts en connaissance de cause et au tribunal d’exercer son contrôle de légalité.
Le moyen tiré d’un défaut de motivation est, dès lors, à rejeter pour ne pas être fondé.
En ce qui concerne la légalité interne de la décision litigieuse, il échet de relever que, dans le cadre d’un recours en annulation, le juge administratif est appelé à vérifier, d’un côté, si, au niveau de la décision administrative querellée, les éléments de droit pertinents ont été appliqués et, d’un autre côté, si la matérialité des faits sur lesquels l’autorité de décision s’est basée est établie. Au niveau de l’application du droit aux éléments de fait, le juge de l’annulation vérifie encore s’il n’en est résulté aucune erreur d’appréciation se résolvant en dépassement de la marge d’appréciation de l’auteur de la décision querellée, dans les hypothèses où l’auteur de la décision dispose d’une telle marge d’appréciation, étant relevé que le contrôle de légalité à exercer par le juge de l’annulation n’est pas incompatible avec le pouvoir d’appréciation de l’auteur de la décision qui dispose d’une marge d’appréciation. Ce n’est que si cette marge a été dépassée que la décision prise encourt l’annulation pour erreur d’appréciation. Ce dépassement peut notamment consister dans une disproportion dans l’application de la règle de droit aux éléments de fait. Le contrôle de légalité du juge de l’annulation s’analyse alors en contrôle de proportionnalité2 appelant le juge administratif à opérer une balance valable et équilibrée des éléments en cause et à vérifier plus particulièrement si l’acte posé est proportionné à son but3.
Il convient encore de rappeler que l’acte administratif individuel, et plus particulièrement celui qui est de nature à faire grief soit à son destinataire, soit à de tierces personnes, bénéficie de la présomption de légalité ainsi que de conformité par rapport aux objectifs de la loi sur base de laquelle il a été pris, de sorte qu’il appartient à celui qui prétend subir un préjudice ou des inconvénients non justifiés de l’acte administratif en question, et qui partant souhaite le voir réformer ou annuler en vue d’obtenir une situation de fait qui lui est plus favorable, d’établir concrètement en quoi l’acte administratif en question viole une règle fixée par une loi ou un règlement grand-ducal4, sans qu’il n’appartienne au tribunal de suppléer 1 Cour adm., 20 octobre 2009, n° 25738C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 93 et les autres références y citées.
2 Cour adm., 9 décembre 2010, n° 27018C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en annulation, n° 56 et les autres références y citées.
3 Cour adm., 12 janvier 2021, n° 44684C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en annulation, n° 32 et les autres références y citées.
4 Trib. adm., 26 avril 2019, n° 40810 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Actes administratifs, n° 158 et les autres références y citées.
à la carence de la partie demanderesse à cet égard5.
Suivant son article 1er, la loi du 9 août 2018 poursuit comme objet la promotion de « la création, la reprise, l’extension, la modernisation et la rationalisation d’entreprises offrant les garanties suffisantes de viabilité, sainement gérées et s’insérant dans la structure des activités économiques du pays » à travers l’instauration d’un « régime d’aide aux petites et moyennes entreprises […] qui feront des efforts d’investissements répondant aux objectifs et critères déterminés dans la présente loi ».
Il y a ensuite lieu de relever qu’aux termes de l’article 3 (1) de la loi du 9 août 2018, « [s]ont visées par la présente loi, les entreprises régulièrement établies sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, dans la mesure où elles se conformeront aux conditions prévues par la présente loi ou les règlements grand-ducaux s’y rattachant. Un règlement grand-ducal fixe la nomenclature des dépenses et des entreprises éligibles. ».
L’article 3 (2) de la loi du 9 août 2018 énumère de manière limitative les aides qui sont exclues de son champ d’application.
L’article 4 de la loi du 9 août 2018, quant à lui, fixe le régime des aides à l’investissement en faveur des PME en disposant comme suit :
« (1) Des aides à l’investissement en faveur des PME peuvent être accordées pour autant que les conditions énoncées aux paragraphes suivants soient remplies.
(2) Les coûts admissibles sont l’un ou l’autre des types de coûts suivants, ou les deux à la fois:
a) les coûts des investissements dans des actifs corporels et incorporels;
b) les coûts salariaux estimés des emplois directement créés par le projet d’investissement en faveur d’un établissement d’hébergement, calculés sur une période de deux ans.
Les emplois directement créés par un projet d’investissement remplissent les conditions suivantes:
i.
les emplois sont créés dans un délai de trois ans à compter de l’achèvement de l’investissement;
ii.
une augmentation nette du nombre de salariés de l’établissement concerné est constatée par rapport à la moyenne des douze mois précédents; et iii.
les emplois créés sont maintenus pendant au moins trois ans à compter de la date à laquelle les postes ont été pourvus pour la première fois.
(3) Pour être considéré comme un coût admissible aux fins du présent article, un investissement consiste:
a) en un investissement dans des actifs corporels et/ou incorporels se rapportant à la création d’un établissement, à l’extension d’un établissement existant, à la diversification de la production d’un établissement vers de nouveaux produits supplémentaires ou à un changement fondamental de l’ensemble du processus de production d’un établissement existant; ou b) en l’acquisition des actifs appartenant à un établissement, lorsque les conditions 5 Trib. adm., 26 mars 2003, n° 15115 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 516 et les autres références y citées.
suivantes sont remplies:
i.
l’établissement a fermé ou aurait fermé s’il n’avait pas été racheté, ii.
les actifs sont achetés à un tiers non lié à l’acheteur, et iii.
l’opération se déroule aux conditions du marché.
Lorsqu’un membre de la famille du propriétaire initial, ou un salarié, rachète une petite entreprise, la condition concernant l’acquisition des actifs auprès d’un tiers non lié à l’acheteur n’est pas exigée. La simple acquisition des actions d’une entreprise n’est pas considérée comme un investissement.
(4) Les actifs incorporels remplissent toutes les conditions suivantes:
a) ils sont exploités exclusivement dans l’établissement bénéficiaire de l’aide;
b) ils sont considérés comme des éléments d’actif amortissables;
c) ils sont acquis aux conditions du marché auprès d’un tiers non lié à l’acheteur;
d) ils figurent à l’actif de l’entreprise pendant au moins trois ans.
(5) L’intensité de l’aide n’excède pas:
a) 20 pour cent des coûts admissibles pour les petites entreprises;
b) 10 pour cent des coûts admissibles pour les moyennes entreprises. » Il ressort de ce qui précède que les aides aux PME prévues à l’article 4 sont des aides destinées à promouvoir la création, la reprise, l’extension, la modernisation et la rationalisation d’entreprises offrant les garanties suffisantes de viabilité, sainement gérées et s’insérant dans la structure des activités économiques du pays6. La loi du 9 août 2018 prévoit plusieurs conditions cumulatives pour qu’une PME puisse solliciter et obtenir une aide à l’investissement au sens de son article 4, dont notamment celles (i) que l’entreprise entre dans le champ d’application de la loi du 9 août 2018, tel que défini à son article 3 et (ii) que les coûts des investissements pour lesquels elle sollicite l’aide étatique soient considérés comme étant des « coûts admissibles », dont les critères d’éligibilité sont fixés à l’article 4 (3) de la loi du 9 août 2018.
En outre, et en raison du caractère cumulatif de ces conditions, le fait qu’une seule d’entre elles n’est pas remplie est suffisant pour justifier un refus de l’octroi de l’aide à l’investissement.
Dans ce contexte, il y a lieu de relever qu’indépendamment de la question de savoir si, compte tenu de la nature de son activité, la société demanderesse peut ou non être considérée comme tombant dans le champ d’application de la loi du 9 août 2018, l’article 4 de la loi du 9 août 2018 – sur base duquel la demande d’aide étatique du 2 avril 2020, réceptionnée le 4 mai 2020 a été formulée en vue d’obtenir le remboursement d’un de ses investissements –, et plus particulièrement son paragraphe (3) a), définit la notion de « coût admissible » comme étant :
« un investissement dans des actifs corporels et/ou incorporels se rapportant à la création d’un établissement, à l’extension d’un établissement existant, à la diversification de la production d’un établissement vers de nouveaux produits supplémentaires ou à un changement fondamental de l’ensemble du processus de production d’un établissement existant ».
Or, le tribunal constate que les parties sont, en l’espèce, justement, entre autres, en désaccord sur la question de savoir si l’investissement pour lequel la société demanderesse sollicite une aide étatique, lequel permettrait de remplacer une ancienne machine, peut ou non être considéré comme se rapportant à « l’extension d’un établissement existant » et, de ce fait, 6 Doc. parl n° 7140, commentaire des articles, Ad Articles 4 à 8 – Régimes d’aides aux PME, p.17.
être qualifié de « coût admissible » au sens de l’article 4 (3) a) de la loi du 9 août 2018, étant relevé que comme la société demanderesse n’a à aucun moment rattaché l’investissement litigieux à la création d’un établissement, à la diversification de la production d’un établissement vers de nouveaux produits supplémentaires, ni à un changement fondamental de l’ensemble du processus de production d’un établissement existant, l’analyse du tribunal se limitera à la question de savoir si l’aide à l’investissement litigieuse peut être considérée comme se rapportant à « l’extension d’un établissement existant ».
Il ressort, dans ce contexte, du dossier administratif que la société demanderesse a introduit sa demande d’aide étatique sur base de l’article 4 de la loi du 9 août 2018 afin d’obtenir le remboursement de son investissement consistant dans l’achat d’un « … » d’une valeur de … euros.
S’il ressort de la demande litigieuse que la nature du projet consiste dans l’« Extension (augmentation la capacité de production) », il y a lieu de constater que sous la rubrique « Motivation et description détaillée du projet », dans laquelle le demandeur d’aide est prié d’« exposer la situation actuelle et dans quelle mesure l’investissement permet à l’entreprise d’évoluer » – cette description devant « mettre en évidence la nature du projet » – et de « précise[r], le cas échéant, le lien entre le projet d’investissement et les emplois créés », la société demanderesse a renseigné que son investissement « permett[rait] de remplacer une ancienne machine. Ainsi, l’entreprise espère au minimum garder le niveau actuel (chiffre d’affaires et emploi) vu les quotas et la vitesse de travail demandés par le marché. », tout en précisant que cette nouvelle machine serait moins polluante que la précédente. En ce qui concerne les « [e]ffets sur la production, les ventes, la productivité, les résultats », la société demanderesse s’est limitée à indiquer que « Comme énoncé ci-dessus, l’entreprise espère conserver un chiffre d’affaire similaire aux années précédentes. Il n’y aura pas d’éffet sur l’emploi ».
Il s’ensuit que, malgré la formulation précise, dans le formulaire relatif à une demande d’aide à l’investissement sur base de l’article 4 de la loi du 9 août 2018, des renseignements à fournir par la partie intéressée, afin de permettre aux ministres compétents d’apprécier si l’aide à l’investissement sollicitée peut être qualifiée de « coût admissible » en application des critères prévus à cet article 4, la société demanderesse s’est contentée d’expliquer de manière succincte (i) que l’investissement, objet de sa demande, consiste dans le remplacement d’une ancienne machine et (ii) qu’elle souhaite garder, grâce à cet investissement, le « niveau actuel » du chiffre d’affaires et du nombre d’emplois. Elle est dès lors restée en défaut d’étayer sa situation financière et d’expliquer de manière circonstanciée de quelle manière l’aide étatique sollicitée lui permettrait d’évoluer dans le sens plus particulièrement d’une extension de l’établissement existant, ainsi que la nature concrète du projet qu’elle souhaite réaliser grâce à ladite aide, ces informations étant cependant dûment sollicitées dans le cadre du formulaire relatif à la demande d’aide étatique en question afin justement de permettre à l’administration de déterminer si l’investissement en cause, consistant dans l’achat d’un « … », peut être qualifié de « coût admissible » pour se rapporter, tel que soutenu en l’espèce, à une extension de l’établissement existant et si l’aide étatique peut a fortiori être accordée à la société demanderesse.
Le tribunal constate que la société demanderesse est restée en défaut de combler ce manque de précisions dans le cadre de son mémoire en réplique, et ce alors même que la partie étatique a contesté que son investissement puisse être qualifié de « coût admissible » au sens de l’article 4 (3) a) de la loi du 9 août 2018. Elle se limite, en effet, à reprendre les explications qu’elle a fournies dans le formulaire de demande, tel qu’exposées ci-dessus.
Or, à défaut d’expliquer dans quelle mesure le remplacement de son « ancienne » machine par une nouvelle est, en l’espèce, à considérer comme un investissement se rapportant à l’extension de l’établissement existant, la société demanderesse ne démontre pas la conformité de l’investissement, pour lequel une aide a été sollicitée, aux critères prévus à l’article 4 (3) de la loi du 9 août 2018, et plus particulièrement à celui de « l’extension d’un établissement existant ». En effet, à part le fait d’indiquer que la nouvelle machine est un « … », la société demanderesse ne précise pas autrement la nature exacte de son investissement, en ne fournissant aucune explication relative aux caractéristiques de cette machine « … » ni de celle qu’elle est censée remplacer. Elle ne fournit, d’ailleurs, pas non plus la date d’achat de l’« ancienne » machine, ni ne démontre-t-elle que sa production aurait diminué en raison de l’âge de celle-ci ou encore que la nouvelle machine « … » permettra de remplacer, de manière effective, l’« ancienne » machine, de sorte à garantir au moins la même productivité.
C’est, dès lors, à bon droit que les ministres ont refusé l’octroi de l’aide à l’investissement à la société demanderesse faute pour celle-ci de démontrer que son investissement peut être qualifié de « coût admissible » au sens de l’article 4 de la loi du 9 août 2018.
Etant donné que, tel que relevé ci-avant, les conditions, prémentionnées, de la loi du 9 août 2018 sont prévues de manière cumulative afin de pouvoir bénéficier en tant que PME d’une aide à l’investissement, il devient surabondant d’examiner les autres conditions, dont celle de savoir si la société demanderesse est ou non éligible à l’aide sollicitée au regard de la nature de ses activités, y compris la question préjudicielle formulée par la société demanderesse.
Au vu des considérations qui précèdent, la décision ministérielle refusant à la société demanderesse l’octroi d’une aide à l’investissement n’encourt aucune critique et le recours sous analyse est, par conséquent, à rejeter pour être non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;
se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;
reçoit en la forme le recours subsidiaire en annulation ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
condamne la société demanderesse aux frais et dépens.
Ainsi jugé par :
Alexandra Castegnaro, vice-président, Annemarie Theis, premier juge, Caroline Weyland, premier juge, et lu à l’audience publique du 23 septembre 2024 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.
s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 24 septembre 2024 Le greffier du tribunal administratif 11