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23/09/2024 | LUXEMBOURG | N°48638

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 septembre 2024, 48638


Tribunal administratif N° 48638 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:48638 2e chambre Inscrit le 3 mars 2023 Audience publique du 23 septembre 2024 Recours formé par Monsieur (A), …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48638 du rôle et déposée le 3 mars 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Thierry Reis

ch, avocat à la Cour, assisté par Maître Tisem Qedira, avocat, tous deux inscrits au t...

Tribunal administratif N° 48638 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:48638 2e chambre Inscrit le 3 mars 2023 Audience publique du 23 septembre 2024 Recours formé par Monsieur (A), …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48638 du rôle et déposée le 3 mars 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Thierry Reisch, avocat à la Cour, assisté par Maître Tisem Qedira, avocat, tous deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Tunisie), de nationalité tunisienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 6 février 2023 refusant de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale, ainsi qu’à la réformation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 mai 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en sa plaidoirie à l’audience publique du 3 juin 2024, Maître Thierry Reisch s’étant excusé.

Le 19 octobre 2020, Monsieur (A) se présenta au ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, désigné ci-après par « le ministère ».

En tant que mineur non accompagné, il se vit attribuer un administrateur ad hoc par ordonnance du 26 octobre 2020 du juge des tutelles délégué près le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg.

Le 19 novembre 2020, Monsieur (A) introduisit auprès du ministère une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, désignée ci-après par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Monsieur (A) fut entendu par un agent de la police grand-ducale, service de police judiciaire, section criminalité organisée - police des étrangers, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Les 10 février, 15 mars et 19 mars 2021, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 6 février 2023, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée expédiée le 8 février 2023, le ministre informa Monsieur (A) que sa demande de protection internationale avait été refusée comme étant non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de 30 jours. Ladite décision est libellée comme suit :

« […] J’ai l’honneur de me référer à votre demande en obtention d’une protection internationale que vous avez introduite en date du 19 novembre 2020 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-

après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 19 novembre 2020, votre fiche de motifs manuscrite du 10 février 2021, le rapport d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 10 février, 15 et 19 mars 2021 sur les motifs sous-

tendant votre demande de protection internationale, le rapport de police du 27 mai 2021, la réponse du Parquet du 31 janvier 2022, ainsi que les documents versés à l’appui de votre demande de protection internationale.

Il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire que vous prétendez vous nommer (A), être né le … à …/Tunisie. Vous auriez quitté la Tunisie en août 2020 à bord d’un bateau en direction de l’Italie. Après avoir séjourné en Sicile, à Rome et à Milan, vous auriez à deux reprises été refoulé en Italie par les gardes-frontière françaises et suisses. Lors de votre troisième tentative, vous auriez réussi à entrer à Nice. Vous auriez alors pris un train pour rejoindre Metz, avant de prendre un autre train pour le Luxembourg. Vous auriez choisi de venir au Luxembourg parce que ce pays serait le plus respectueux des droits des enfants. Vous avez introduit une demande de protection internationale parce qu’il n’y aurait aucun droit des enfants en Tunisie. Vous n’auriez jamais été menacé en Tunisie, mais « Rien n’est bon là-bas ». En plus, vos parents n’auraient pas voulu vous laisser aller à l’école, vous auraient privé d’argent de poche et vous auraient obligé d’aller travailler. En outre, vous auriez à plusieurs reprises été jeté de la maison parentale.

Il ressort de votre fiche de motifs manuscrite que vous avez quitté la Tunisie parce que vos parents seraient divorcés et que vous auriez arrêté l’école.

Il ressort du rapport d’entretien que vous seriez de nationalité tunisienne, célibataire et originaire de …, où vous auriez travaillé comme …. Vous n’auriez pas eu d’adresse fixe et auriez vécu dans un quartier populaire de « gens malfamés » (p. 2 du rapport d’entretien), en précisant que votre père vivrait loin de vous depuis que vos parents se seraient séparés, tandis que votre mère vivrait aussi à …. Vous avez introduit une demande de protection internationale parce que vous auriez été frappé par votre famille et parce que vous seriez désormais « devenu 2 homosexuel comme j’ai pris l’habitude et je ne peux donc plus vivre en Tunisie » (p. 9 du rapport d’entretien).

Depuis 2015, vous auriez été régulièrement frappé par vos parents qui ne se seraient pas intéressés à votre éducation, ni à l’endroit où vous dormiez. Vers 2019/2020, après avoir entendu ce que les « autres » vous auraient fait, votre père aurait tenté de vous tuer en vous attachant avec une corde pour vous baisser dans un puit, où il vous aurait délaissé. Juste avant de quitter la Tunisie, il aurait tenté de vous écraser avec son véhicule. Vous précisez par la suite que vos parents vous auraient, depuis des années, frappé parce qu’ils auraient été au courant du fait que d’autres gens vous auraient « touché » (p. 7 du rapport d’entretien).

Vous affirmez encore qu’au vu de ces violences subies, vous vous seriez souvent échappé de la maison et vous auriez séché les cours. Vous auriez du coup souvent traîné avec votre cousin (B) qui aurait alors été âgé de vingt-trois ans. Ce dernier aurait commencé à faire des « choses sexuelles » (p. 6 du rapport d’entretien) avec vous, lorsque vous auriez été âgé de onze ou de douze ans. Vous dites que « Cela a commencé petit à petit. Une fois que j’avais pris l’habitude, je n’allais plus à l’école mais j’allais chez lui » (p. 7 du rapport d’entretien).

Parfois, avec un autre cousin (C), également majeur, ils vous auraient amené sur le toit d’une maison et auraient fait des « choses » (p. 6 du rapport d’entretien) avec vous après qu’ils auraient pris des médicaments et qu’ils vous en auraient également administrés, tel le Subutex ou l’Artane, de sorte que vous vous seriez retrouvé dans un état altéré. Vous précisez ensuite qu’ils auraient pris des drogues et que vous en auriez vendues pour eux, de sorte que vous vous seriez plusieurs fois fait arrêter par la police. Vous ajoutez qu’(B) vous aurait aussi placé sur ses genoux pour vous faire « quelque chose » (p. 6 du rapport d’entretien). En outre, (C) vous aurait amené chez lui, respectivement « [Après relecture : Après j’habitais chez (C) ]» (p. 6 du rapport d’entretien), respectivement, entre vos treize et quatorze ans vous auriez vécu à l’adresse de vos cousins, où (C) aurait alors « commencé » (p. 6 du rapport d’entretien), avant que ses amis (D1), (D2), (D3), (D4) et (D5), voire, (D6), (D7), (D8) et (D9) ne se joignent à lui, tout en amenant d’autres jeunes du quartier. Vous dites que vous auriez souvent été battu par six ou sept personnes que vous qualifiez de « clochards et des criminelles, ils s’en foutent des conséquences de leurs actes » (p. 8 du rapport d’entretien). Vous dites qu’ils auraient pris l’habitude de faire cela et qu’à chaque fois qu’ils vous auraient trouvé, ils vous auraient frappé et amené avec. Lors de mariages ou de célébrations dans votre quartier, des amis de vos cousins seraient venus vous chercher pour pouvoir profiter de vous. Vous expliquez ces actes par le fait qu’en Tunisie, les femmes devraient rester vierges jusqu’au mariage de sorte qu’il serait difficile de trouver des filles pour des relations sexuelles et du coup, « ils font cela avec des enfants » (p. 6 du rapport d’entretien).

Vous ajoutez que vers l’âge de quatorze ans, vous auriez commencé à vous automutiler, alors que vous auriez eu peur parce que vous n’auriez rien pu dire. Vous auriez par la suite pu travailler comme … pendant deux mois. Vous auriez alors volé la caisse journalière de votre employeur et auriez par la suite réussi à négocier un prix pour une place sur un bateau. Vous affirmez que vous n’auriez plus réussi à vivre en Tunisie alors que les gens vous auraient détesté et que vous ne les auriez plus supportés non plus. Vous n’auriez jamais recherché de l’aide en Tunisie, alors que les gens n’y seraient pas humains et que vous n’auriez eu personne à qui vous joindre. Vous ne vous seriez jamais adressé à la police alors qu’elle n’aurait rien fait et qu’en plus, votre père « et après tout le monde » (p. 7 du rapport d’entretien) aurait fini par apprendre ce qui vous serait arrivé. Vous précisez avoir eu peur que votre famille ne soit mise au courant de vos soucis et confirmez que personne n’aurait été au courant de vos problèmes.

3 En cas d’un retour en Tunisie, vous auriez peur qu’« ils » (p. 9 du rapport d’entretien) ne puissent vous tuer à cause de l’argent que vous auriez volé, alors qu’ils vous auraient mis dans un groupe Facebook, qu’ils parleraient toujours de vous, qu’ils vous menaceraient ou encore vous enverraient des messages vocaux vous avertissant qu’ils s’en prendraient à votre petit frère. Confié à préciser ce que vous attendriez des autorités luxembourgeoises, vous répondez la « liberté des jeunes » (p. 9 du rapport d’entretien). Convié à expliquer ce que vous voulez concrètement dire, vous répondez « Comment ? » (p. 9 du rapport d’entretien), avant d’ajouter que vous voudriez vivre comme les autres jeunes et avoir le droit d’étudier. Dans le cadre de la relecture de votre entretien, vous vous rappelez alors que vous parliez en fait de « La sexualité, je veux la liberté concernant ce sujet et vivre tranquillement sans ce problème, manger tranquillement, m’assoir tranquillement, relax (p. 9 du rapport d’entretien). Vous ne connaitriez pas de détails législatifs, mais vous sauriez que l’homosexualité serait punie par la loi en Tunisie. Vous confirmez d’abord être homosexuel (p. 13 du rapport d’entretien), avant de confirmer tout aussi naturellement que vous seriez bisexuel (p. 13 du rapport d’entretien).

Vous précisez par la suite que vous préféreriez avoir des relations sexuelles avec des hommes, mais rappelez à plusieurs reprises à l’agente chargée de votre entretien que « Je le fais aussi avec les femmes » (p.13 du rapport d’entretien).

A l’appui de votre demande, vous versez les pièces suivantes, tout en prétendant ne jamais avoir possédé carte d’identité, ni passeport :

- La copie d’un certificat médical établi au Luxembourg le 18 mars 2021, à votre demande, alors que vous avez déclaré au médecin avoir été agressé à plusieurs reprises au Luxembourg, « il y a environ 1 an » ;

- la copie d’un extrait de naissance qui aurait été émis en septembre 2020 ;

- la copie d’un prononcé de divorce qui daterait du 19 août 2020 ;

- la copie d’une attestation du Consulat Général de Tunisie à Strasbourg qui, sur base de votre acte de naissance versé, informe en date du 8 octobre 2020, que « l’Age de Mr. (A) est … ans » en ajoutant que cette attestation aurait été délivrée à « l’intéressée ». Vous vous seriez procuré ce document pour prouver que vous seriez mineur.

Il ressort du rapport de police du 27 mai 2021, qu’en ce jour, un procès-verbal a été dressé contre vous pour coups et blessures, ainsi que pour menaces, après que vous auriez d’abord proféré des insultes racistes contre un demandeur de protection internationale soudanais se trouvant dans votre foyer d’accueil, avant que vous ne l’auriez agressé et ne seriez reparti dans votre chambre pour vous munir d’un couteau et de revenir sur les lieux de l’incident où vous avez alors été maîtrisé par un agent présent. De plus, il en ressort que vous êtes connu des autorités luxembourgeoises pour des multiples infractions liées à la loi sur les stupéfiants et pour des agressions.

Il ressort d’un rapport du Parquet du 31 janvier 2022, qu’en date du 17 novembre 2020, vous avez dû être placé dans le Centre socio-éducatif de l’Etat après avoir été mis en cause dans le cadre d’une affaire de tentative de viol et d’attentat à la pudeur à l’encontre d’une femme qui s’est trouvée dans votre foyer d’accueil. Après que l’enquête menée n’a pas permis de prouver les infractions retenues, votre mesure de garde a pris fin le 25 novembre 2020. Le 8 janvier 2021, un procès-verbal a été dressé contre vous pour une infraction liée à la loi sur les stupéfiants. Dans le cadre de l’affaire susmentionnée du 27 mai 2021, vous avez ensuite été mis en cause pour vol avec violences, menaces et coups et blessures. Enfin, il en ressort que vous présenteriez des troubles psychiatriques liés à votre consommation d’alcool et de stupéfiants.

4 A noter qu’il ressort encore de votre dossier administratif qu’au cours de l’été 2022, en attendant l’enquête du Parquet concernant les infractions qui vous ont été reprochées, vous vous êtes à de nombreuses reprises adressé à la Direction de l’immigration pour pouvoir retourner volontairement en Tunisie, votre inscription auprès de l’Organisation Internationale pour les Migrations ayant toutefois dû attendre la fin de l’enquête du Parquet. Finalement, en décembre 2022, après qu’il a été retenu en août 2022, qu’aucune suite pénale contre vous ne serait plus en cours d’instruction et que vous ne faites pas non plus l’objet d’une condamnation en suspens, vous avez informé la Direction de l’immigration avoir changé d’avis et ne plus être intéressé à retourner volontairement en Tunisie.

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l’article 2 point h) de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d’une part le statut de réfugié et d’autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

• Quant à la crédibilité de votre récit Avant tout autre développement, je suis amené à remettre en cause la crédibilité de votre récit, alors que celui-ci est rempli de contradictions et de d’incohérences.

En effet, ce constat doit en premier lieu être dressé au vu de vos motifs de fuite allégués qui varient avec le temps. Ainsi, vous avez d’abord signalé auprès de la Police Judiciaire que vous n’auriez jamais été menacé en Tunisie, mais que vous auriez tout de même décidé de quitter ce pays parce que « Rien n’est bon là-bas ». En plus, vos parents ne vous auraient pas laissé aller à l’école et vous auraient obligé de travailler. Ils vous auraient en outre jeté à plusieurs reprises de la maison. Enfin, vous avez prétendu avoir introduit une demande de protection internationale, parce qu’il n’y aurait pas de droits pour enfants en Tunisie. Or, vous avez ensuite précisé sur votre fiche de motifs manuscrite que vous avez quitté la Tunisie parce que vos parents seraient divorcés et que vous auriez arrêté l’école. Finalement, dans le cadre de votre entretien avec l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes, vous changez à nouveau de motifs de fuite en prétendant désormais être à la recherche d’une protection internationale parce que vous auriez été frappé par votre famille et parce que vous seriez désormais « devenu homosexuel comme j’ai pris l’habitude et je ne peux donc plus vivre en Tunisie ». Force est dès lors de constater que vous ne présentez pas moins de trois versions différentes censées justifier l’introduction d’une demande de protection internationale.

En plus, vous présentez à nouveau différentes versions dans le cadre de votre entretien concernant vos motifs de fuite. En effet, convié à préciser qu’est-ce que vous attendriez concrètement des autorités luxembourgeoises, vous répondez d’abord la « liberté des jeunes »..

Convié à préciser ces propos, vous finissez par expliquer que vous voudriez vivre comme les autres jeunes et avoir le droit d’étudier. Il est clair que vous faites par conséquent référence à la situation générale de la jeunesse en Tunisie ainsi qu’à votre prétendue envie de faire des études, dans le cadre de votre recherche d’une protection auprès des autorités luxembourgeoises. Dans le cadre de la relecture de cet entretien, vous vous rappelez toutefois de toute autre chose, en vous référant à votre orientation sexuelle et en précisant cette fois-ci en fait attendre des autorités luxembourgeoises « La sexualité, je veux la liberté concernant ce sujet et vivre tranquillement sans ce problème, manger tranquillement, m’assoir tranquillement, relax ».

5 Vous vous contredisez pareillement de manière flagrante quant aux prétendues violences domestiques subies. En effet, vous prétendez d’un côté que vous n’auriez certes jamais été menacé par qui que ce soit en Tunisie, mais que vous auriez plusieurs fois été jeté de la maison parentale et interdit d’aller à l’école. Or, de l’autre côté, vous prétendez le contraire, en précisant que vous auriez été agressé par votre famille depuis 2015 et que vous auriez du coup pris le choix de volontairement quitter la maison parentale et de ne pas aller à l’école, « je m’échappais de la maison. Je n’allais pas à l’école. Je séchais souvent les cours »..

De même, vous prétendez donc que vos parents vous auraient agressé depuis 2015, mais en même temps, vous expliquez que vos parents se seraient séparés en 2015 et que votre père n’aurait plus vécu sous le même toit. Surtout, vous aviez encore préalablement prétendu que vous auriez quitté le foyer familial lorsque vous auriez été âgé entre dix ou onze ans, donc vers 2014 ou 2015, et que vous auriez alors vécu sans adresse fixe dans un quartier populaire de « gens malfamés », de sorte qu’il ne fait plus aucun sens que vous prétendez que vos parents vous auraient frappé depuis 2015.

Dans ce contexte, il échet en outre de soulever que les publications de votre compte Facebook ou de ceux de votre mère ou de votre frère ne dégagent manifestement pas non plus l’image d’un adolescent qui aurait vécu l’« enfer » chez lui en étant constamment agressé ou abusé par des membres de famille et des habitants de son quartier, respectivement, l’image d’une personne homosexuelle qui aurait été « détestée » par tout le monde, aurait vécu une vie de « malfamé » et qui n’aurait plus de contact avec sa famille. Bien au contraire, ces publications datant de 2018 à 2020 montrent l’image d’un jeune homme qui aime s’amuser et traîner avec sa bande d’amis et démontrent notamment que vous seriez en bons termes avec votre famille et que votre mère a encore publié en octobre 2021 une photo actuelle de vous, de sorte à ce qu’on peut supposer que vous n’êtes à nouveau pas sincère en prétendant que votre mère ne saurait pas où vous vous trouvez, voire, que vous ne lui auriez jamais parlé de votre projet de départ.

Concernant ces prétendues violences parentales subies, force est en plus de constater que vous vous contredisez à nouveau en prétendant initialement avoir été frappé depuis des années par vos parents parce que ces derniers auraient été au courant des prétendus actes sexuels auxquels vous auriez participé. Or, vous prétendez par la suite que vous n’auriez jamais voulu dénoncer ces violences subies auprès de la police parce qu’alors, votre père « et après tout le monde » aurait fini par apprendre ce qui vous serait arrivé. Vous précisez dans ce contexte avoir eu peur que votre famille ne soit mise au courant de vos soucis et confirmez que personne n’aurait été au courant de vos problèmes. Or, vous basez justement, l’entièreté de votre récit sur le fait que tout le monde dans votre famille et votre quartier aurait été au courant des actes sexuels perpétrés sur vous et qu’à chaque mariage ou célébration d’autres habitants de votre zone se seraient servis de vous.

Il s’ensuit que vous présentez donc à nouveau deux versions totalement contradictoires qui ne font que confirmer davantage que votre sincérité doit être réfutée et que vous ne jouez manifestement pas franc jeu avec les autorités luxembourgeoises, de sorte que la version de vos motifs de fuite concernant votre prétendue homosexualité, voire, bisexualité, doit elle aussi être réfutée.

Ce constat vaut d’autant plus que vous vous prétendez donc à plusieurs reprises de votre entretien être homosexuel, seulement, pour aussi brièvement préciser que vous seriez en fait bisexuel et tout en voulant à tout prix convaincre l’agente chargée de votre entretien que 6 vous le « feriez » aussi avec des femmes. Force est en tout cas de constater que vous ne sauriez donc pas vous-même si vous devez vous qualifier d’homosexuel ou de bisexuel. Force est en outre de constater que tout au long de votre entretien, jusqu’à avoir été expressément prié tout à la fin de parler de manière claire et compréhensible, vous vous êtes limité à parler de « choses » vécues, respectivement, du fait qu’on aurait fait « quelque chose » avec vous.

A cela s’ajoute que vous présentez votre récit de manière totalement distancée et non émotive, respectivement, comme une personne qui n’aurait nullement vécu les incidents relatés, mais qui aurait appris une histoire ou préparé en avance un récit pour la présenter dans le cadre de sa demande de protection internationale en se servant de sujets sensibles et violents, aux fins de rendre votre vécu plus dramatique et ainsi augmenter les chances de vous faire octroyer une protection internationale.

Notons qu’il ne ressort pas non plus de vos dires, ni de votre dossier administratif que vous ayez à un moment quelconque en Tunisie, puis au Luxembourg, pays dans lequel vous seriez pourtant venu à cause de « La sexualité, je veux la liberté concernant ce sujet et vivre tranquillement sans ce problème, manger tranquillement, m’assoir tranquillement, relax », entrepris des démarches auprès d’associations LGBTI, respectivement, noué des contacts avec la communauté homosexuelle. Votre réponse selon laquelle vous ne vous seriez pendant deux ans au Luxembourg nullement occupé de ces sujets « Parce que je ne connais rien », fait par ailleurs preuve d’un désintérêt évident par rapport à votre prétendue cause. Il en est de même pour ce qui est de votre vécu en Tunisie, alors que vous n’auriez donc à aucun moment entrepris des recherches concernant les risques ou peines liés à l’homosexualité en Tunisie, mais vous sauriez uniquement que l’homosexualité y serait punie par la loi. Vous ne vous seriez donc même pas intéressé quant aux risques encourus, en n’ayant effectué aucune recherche à ce sujet et tout en préférant tout de suite quitter le continent africain pour venir vous installer au Luxembourg. Pour être complet sur ce sujet, notons qu’il n’en ressort pas non plus que vous ayez à un moment donné eu un petit-ami ou une relation homosexuelle de votre plein gré, ni au Luxembourg, ni en Tunisie.

Ajoutons à cela que vos prétendues craintes en cas d’un retour en Tunisie n’ont étonnement aucun lien avec votre prétendue homosexualité, voire, bisexualité. En effet, convié à préciser ce que vous craindriez concrètement en cas d’un retour en Tunisie, vous ne perdez mot sur des prétendues craintes en lien avec votre orientation sexuelle, mais vous vous limitez à parler de vos craintes en rapport avec la réaction de personnes suite au vol de la caisse que vous auriez commis avant de quitter votre pays, preuve de plus que votre récit en rapport avec votre orientation sexuelle, respectivement, les incidents mentionnés qui vous auraient fait devenir homosexuel doit être perçu comme étant inventé de toutes pièces.

A cela s’ajoute que vous restez également en défaut de corroborer ne serait-ce qu’une petite partie de vos dires par des preuves quelconques. En effet, vous n’êtes pas en mesure de présenter le moindre élément probant à l’appui de vos dires, ni en rapport avec les prétendues agressions subies, ni en rapport avec les violences domestiques subies, ni en rapport avec les menaces qui auraient été proférées, ni même en rapport avec votre identité, votre adresse ou votre situation familiale. Force est en tout cas de soulever que pendant l’ensemble de la durée de votre séjour au Luxembourg, vous n’auriez à aucun moment jugé utile ou opportun de vous procurer ou de vous faire parvenir des documents et preuves pertinents qui seraient en mesure de corroborer ne serait-ce qu’une infime partie de vos dires en rapport avec les problèmes que vous auriez rencontrés en Tunisie, ou en rapport avec les craintes exprimées et la prétendue situation de homosexuels en Tunisie. Après deux ans au Luxembourg, vous n’avez en tout cas 7 toujours pas jugé utile ou opportun de verser des quelconques pièces et preuves en lien avec votre identité ou votre situation familiale, vos adresses et domiciles en Tunisie, vos études, votre travail, les violences subies, les blessures subies, les menaces proférées sur Facebook par un groupe qui se serait créé, les arrestations subies par la police pour avoir prétendument vendu des drogues.

Considérant votre consommation de drogues au Luxembourg on peut d’ailleurs aussi estimer que vous étiez aussi déjà consommateur de drogues en Tunisie, d’autant plus que « le ministre de la santé Abderraouf Cherif a dernièrement annoncé que le nombre de jeunes tunisiens ayant consommé des drogues varie entre 300.000 et 400.000 dont 33.000 consommateurs de Subutex par voie injectable. Ce nombre qui représenterait la catégorie la plus vulnérable, est très faible par rapport aux observations de terrain des organisations actives : celles-ci couvrent en effet déjà 18.000 patients sur le Grand Tunis seul, pour un territoire qui compte 25% de la population Tunisienne. Pour sa part, la STADD a effectué des études sur près de 300 patients qui consomment des drogues injectables et se font suivre pour des sevrages, il s’agirait en majorité d’hommes jeunes ayant un niveau scolaire bas, chômeurs, célibataires, ayant eu un emprisonnement dans la grande majorité des cas et ayant un historique de migration illégale dans près de la moitié des cas.

Ces patients forment une population surexposée au système policier et judiciaire du fait de l’augmentation de la criminalité associée au comportement de recherche de produits addictifs. Ils font face également à un rejet par la société et par leurs familles. (…) Ceci les expose à une vulnérabilité accrue à cause de la perte de tout support familial et à un isolement croissant. L’inégalité statutaire comme décrite par Goffman ainsi que l’ensemble de ces risques sociaux, économiques et juridiques conduisent à une désaffiliation sociale et provoquent stigmatisation et rejet de la part de l’environnement. Quand ils ne sont pas au chômage, ces jeunes sont en général dans un travail précaire et en dehors des cadres réguliers et formels, ce qui en fait une population assez démunie exclue du système de sécurité sociale.

La consommation de drogues étant illégale, ils ne fréquentent pas ou très peu les structures publiques de peur d’être déclarés et emprisonnés ».

Au vu des informations qui précèdent, de votre âge, de votre appartenance à une basse classe sociale, de votre bas niveau scolaire et du fait que vous êtes célibataire et sans travail fixe, vous tombez donc parfaitement dans la catégorie des jeunes consommateurs de drogues tunisiens précités. Il s’ensuit que l’histoire des membres de famille qui vous auraient forcé à vous droguer et vous auraient administré du Subutex contre votre volonté, suivie de l’histoire de votre prétendue obligation de vendre des drogues pour eux, doit donc également être réfutée. Il doit dans ce contexte être conclu que vous avez décidé de raconter cette histoire dans le but évident de rendre votre vécu plus dramatique, respectivement, de jouer avec les émotions des personnes qui vont lire ces propos dans le cadre de votre demande de protection internationale, voire, pour tenter de justifier votre comportement délinquant et votre consommation de drogues au Luxembourg.

Quoi qu’il en soit, votre comportement totalement inactif et passif dans le contexte de la remise de pièces fait en tout cas preuve d’un désintérêt évident par rapport à vos demandes de protection internationale et ne fait que confirmer les doutes retenus concernant votre crédibilité, alors qu’on doit pouvoir attendre d’une personne réellement persécutée ou à risque d’être persécutée et vraiment à la recherche d’une protection internationale, qu’elles entreprenne au moins tout ce qui est dans son pouvoir pour se procurer des pièces concluantes 8 par rapport à ses dires et mette à disposition des autorités desquelles elle souhaite obtenir cette protection des preuves susceptibles de corroborer ses allégations.

De plus, le comportement dont vous avez fait preuve au Luxembourg, ne correspond a priori pas non plus à celui d’une personne en besoin réel de protection. En effet, à part vos troubles psychiatriques dus à votre consommation de stupéfiants et d’alcool et le fait que votre comportement au cours de ces deux dernières années ne correspond pas non plus à celui d’une personne qui, comme vous le prétendez à un moment donné, serait venue au Luxembourg, reconnaissant de pouvoir faires des études, il faut soulever qu’on peut attendre d’une personne persécutée ou à risque d’être persécutée, qu’elle tente plutôt de s’intégrer dans la société dans laquelle elle désirerait trouver refuge et d’être reconnaissante de l’accueil d’un pays sûr, plutôt que de se faire remarquer pour créer des troubles et commettre des infractions.

Surtout, rappelons qu’au cours de la période qu’a durée l’enquête du parquet suite à votre accusation pour tentative de viol et attentat à la pudeur, vous vous êtes à plusieurs reprises adressé à la Direction de l’immigration pour vous informer des modalités quant à un retour volontaire en Tunisie. Votre inscription auprès de l’Organisation Internationale pour les Migrations a toutefois dû attendre la fin de ladite enquête. Ensuite, après que vous avez été informé qu’aucune charge ne sera retenue contre vous, vous avez alors changé d’avis et informé la Direction de l’immigration que vous ne voudriez désormais plus retourner en Tunisie. Un tel comportement doit être perçu comme étant incompatible avec celui d’une personne réellement persécutée ou à risque d’être persécutée, qui ne désirerait évidemment pas retourner volontairement vers son pays d’origine.

Que vous n’êtes nullement persécuté en Tunisie ou à risque d’être persécuté, respectivement, que vous n’y craignez rien est en outre démontré par votre parcours adopté depuis votre départ de votre pays d’origine. Ainsi, alors qu’on peut attendre d’une personne persécutée ou à risque d’être persécutée qu’elle introduise sa demande de protection internationale dans le premier pays sûr rencontré et dans les plus brefs délais, il ressort de vos dires que vous auriez d’abord séjourné en Italie en n’y recherchant à aucun moment une protection tout en tentant en vain de gagner la Suisse et la France. Après avoir finalement réussi à entrer en France, le réflexe d’y rechercher une protection internationale ne vous est toujours pas venu, alors que vous avez préféré attendre vous trouver au Luxembourg pour demander une protection.

Or, tel n’est clairement pas le comportement d’une personne en besoin de protection mais bien le parcours et le comportement d’une personne qui serait guidée par des considérations économiques ou de convenance personnelle, respectivement, d’une personne qui aurait décidé de s’installer dans un pays qui pourrait lui garantir de bonnes prestations sociales ou matérielles, respectivement un cadre de vie plus élevé, contrairement, en apparence, aux pays dans lesquels elle aurait séjourné jusque-là. Dans ce contexte, il faudrait d’ailleurs aussi soulever que de telles considérations de convenance personnelle semblent expliquer le versement de ladite prétendue copie du consulat tunisien. Il faudrait en effet se demander pourquoi bien vous auriez eu le réflexe de demander l’émission d’un tel document, à le supposer authentique, auprès du consulat tunisien en France qui informerait du fait que « l’Age de Mr. (A) est … ans ».

A part le fait que l’authenticité de cette copie ne saurait évidemment pas être retenue, il semble évident que vous vous seriez procuré ledit document pour pouvoir être inscrit en tant que mineur dans le cadre de votre demande de protection internationale et ainsi bénéficier de 9 meilleures conditions et de plus de droits, respectivement, être mieux traité et réduire le risque de vous faire rapatrier dans votre pays d’origine.

Quoi qu’il en soit, au vu de tout ce qui précède, il doit être retenu que vous faites état d’une histoire sans tête ni queue dans laquelle vous tentez de manière manifestement non convaincante de vous servir du sujet de l’homosexualité, voire, de la bisexualité, pour pouvoir faite part d’un récit qui rentrerait a priori dans le champ d’application de la Convention de Genève et augmenterait par conséquent les probabilités de vous faire octroyer une protection internationale, respectivement, un titre de séjour sur le territoire de l’Union européenne. Il s’ensuit que votre sincérité doit évidemment être réfutée et qu’aucune suite positive à votre demande de protection internationale ne saurait être envisagée.

Quand bien même une once de crédibilité devrait être accordée à vos dires, ce qui n’est manifestement pas le cas, aucune protection internationale ne vous saurait être accordée pour les motifs étayés ci-dessous.

• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d’octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée la « Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l’article 2 point f de la Loi de 2015, qui reprend l’article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifiée de réfugié : « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de le protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 point f de la Loi de 2015, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l’article 39 de la loi susmentionnée.

Quant à votre prétendue homosexualité ou bisexualité, soulevons en premier lieu que vous faites exclusivement part de problèmes qui concerneraient votre enfance ou adolescence.

En effet, vous prétendez qu’après que vous auriez pris l’habitude de vous faire abuser sexuellement et d’être devenu homosexuel, vous auriez été frappé par vos parents qui auraient été au courant de ce qu’on aurait fait avec vous. Vous auriez à un moment donné quitté le foyer familial et vous précisez encore que vos parents auraient entretemps divorcé. Vous prétendez pareillement que vous auriez régulièrement souffert d’abus sexuels en tant qu’enfant, parce que les hommes tunisiens ne trouveraient pas de femmes pour avoir des relations sexuelles avant le mariage et que du coup, « ils font cela avec des enfants ». Il s’ensuit que vous faites donc clairement part de problèmes qui feraient partie du passé et qui ne devraient plus se reproduire alors que vous êtes donc désormais adulte, que vous ne vivriez manifestement plus 10 avec vos parents et que vous ne tomberiez donc plus dans le schéma de ces hommes tunisiens qui seraient à la recherche d’enfants.

Soulevons de plus qu’en tant qu’adulte, vous ne seriez manifestement pas non plus obligé de retourner vivre à votre ancienne adresse ou ne serait-ce que dans votre ancien quartier ou votre ancienne ville, respectivement, près de votre famille ou de connaissances qui seraient au courant de ce qui vous serait arrivé et qui vous « détesteraient », respectivement, que vous ne « supporteriez » plus. En effet, vous pouvez vous installer où bon vous semble, notamment à Tunis, capitale du pays et métropole plus libérale, respectivement un des centres touristiques du pays, où il vous serait notamment possible de vivre de façon plus anonyme, tout en y pouvant profiter de cafés et de clubs fréquentés par les homosexuels.

Dans ce contexte, il s’agit aussi de constater que, bien que l’homosexualité reste punie par la loi en Tunisie, des progrès réels ont été réalisés au cours de ces dernières années, comme démontré par exemple par le lancement de la première radio destinée aux homosexuels dans le monde arabe, et la situation pour la communauté LGBTI continue à évoluer favorablement :

« increased local LGBTQ+ activism and acceptance has risen up since the 2011 revolution, making Tunisia, one of the better places in the Arab world to be gay. The Tunisia gay scene is not easy to define but, thanks to the internet, it’s become ever easier to tap into its varying levels. From ‘straight’ unhappy husbands to ‘same-sex-not-gay’ liaisons between friends, the gay network certainly exists, allowing for discreet (yet cruisy) connections at any time. The lack of organisation and outward institutions however means hard to form a legitimate gay community, but ongoing work from organisations like ‘Association Shams’ and ‘Mawjoudin’ helps present a proud face for gay Tunisia. Of the handful of queer events usually hosted in Tunis, the Mawjoudin Queer Film Festival was the biggest, as the country’s first public LGBTQ film festival held back in 2018 ».

De même notons que : « Tunisia has gained a positive reputation amongst the LGBTI community of the Arab world, particularly due to the strong activism of organizations like “Association Shams” and "Mawjoudine”, who have been campaigning hard for LGBTQ minorities’ rights. On 18 May 2015, "Association Shams" even received government recognition to an official organization. More recently, an openly gay man, Mounir Baatour, is seeking to run for President ! Whether or not he’ll succeed, the very fact that he is able to run says a lot! In terms of gay events in Tunisia, small discreet Pride receptions have taken place in private, mainly in the capital, Tunis. Most impressive is the Mawjoudin’s Queer Film Festival, which successfully took place in January 2018. This was a big deal because it was the first-ever public film festival in Tunisia to celebrate the country’s LGBTQ community ». Il existe en outre pas moins de cinq ONG en Tunisie qui s’occupent du soutien de la communauté LGBTQ et de la défense de ses droits, dont SHAMS.

Surtout, ajoutons pour être complet sur ce sujet qu’encore tout récemment, un tribunal de grande instance tunisien a jugé que la loi sur l’homosexualité serait anticonstitutionnelle et que la décision finale sur ce sujet revient désormais à la Cour constitutionnelle, dont la création a été prévue dans la Constitution de 2014. Notons sur ce sujet que « Mounir Baatour, founder of the LGBTQ rights organization Shams, explained the situation : "Article 230 remains in force, but what has changed is that now any defendant who is tried under Article 230 can cite the ruling of the Court of Cassation to the court before which he is tried…. There is a great chance that people will be acquitted of charges of homosexuality because the Court of Cassation has undercut Article 230.” ».

11 Au vu de tout ce qui précède, il n’est en tout cas nullement établi qu’il ne vous serait pas possible de vivre en Tunisie, ce d’autant plus que jusqu’à ce jour, vous n’auriez en fait jamais tenté de vivre en tant qu’adulte et de façon indépendante en Tunisie, alors que vous auriez donc préféré immédiatement opter pour un départ vers l’Europe en tant que prétendu mineur. Rappelons en plus que vos craintes exprimées dans l’hypothèse d’un retour en Tunisie concerneraient uniquement des menaces proférées dans le cadre du vol d’argent que vous auriez commis, de sorte qu’elles ne suffisent donc manifestement pas non plus pour justifier dans votre chef une crainte fondée d’être victime d’actes de persécution dans votre pays d’origine. Enfin, notons à toutes fins utiles dans le contexte de ce vol, des menaces proférées ou de vos craintes de vous faire agresser, qu’il n’est pas non plus établi que vous n’auriez pas pu vous défendre en Tunisie et faire valoir vos droits par rapport aux agressions ou menaces subies dans ce contexte, qui sont bien punissables en vertu de la législation tunisienne et notamment des articles 218-229 du code pénal.

Quant aux motifs de convenance personnelle et économiques qui sous-tendent votre demande de protection internationale, notons qu’ils ne sauraient pas non plus justifier l’octroi du statut de réfugié alors qu’ils ne rentrent aucunement dans le champ d’application de la Convention de Genève et de la Loi de 2015, textes qui prévoient une protection pour toute personne persécutée ou à risque d’être persécutée dans son pays d’origine à cause de sa race, de sa nationalité, de sa religion, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social.

Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l’article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L’article 48 définit en tant qu’atteinte grave « la peine de mort ou l’exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

L’octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’article 39 de cette même loi. Or, en l’espèce, force est de constater que ces conditions ne sont pas remplies cumulativement.

Il y a lieu de retenir qu’il n’existe manifestement pas davantage d’éléments susceptibles d’établir, sur la base des mêmes faits que ceux exposés en vue de vous voir reconnaître le statut de réfugié, qu’il existerait des motifs sérieux et avérés de croire que courriez, en cas de retour 12 dans votre pays d’origine, un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi de 2015.

Outre les conclusions ci-dessus retenues quant aux doutes évidents relatives à la crédibilité de vos déclarations, il y a encore lieu de retenir qu’il n’existe manifestement pas davantage d’éléments susceptibles d’établir, sur la base des mêmes faits que ceux exposés en vue de vous voir reconnaître le statut de réfugié, qu’il existerait des motifs sérieux et avérés de croire que courriez, en cas de retour dans votre pays d’origine, un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi de 2015.

En effet, vous omettez d’établir qu’en cas de retour en Tunisie, vous risqueriez la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre votre vie ou votre personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. Votre seule allégation selon laquelle vous auriez peur qu’« ils » ne puissent vous tuer à cause de l’argent que vous auriez volé dans la caisse de votre employeur avant de quitter le pays, ne saurait en tout cas clairement pas suffire pour retenir que vous seriez victime d’une telle atteinte grave en cas d’un retour chez vous. En effet, vos craintes, à les supposer réelles, sauraient tout au plus être définies comme étant totalement hypothétiques. A cela s’ajoute qu’il ne serait donc manifestement pas non plus établi que vous n’ayez pas pu compter sur l’aide et la protection offertes par les autorités tunisiennes.

Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Votre demande en obtention d’une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée.

Suivant les dispositions de l’article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination de la Tunisie, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 3 mars 2023, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 6 février 2023 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Etant donné que l’article 35 (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale et contre celles portant ordre de quitter le territoire prononcées subséquemment, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision du ministre du 6 février 2023, prise dans son double volet, telle que déférée, ledit recours, étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

1) Quant au recours visant la décision portant refus d’une protection internationale A l’appui de son recours et en fait, le demandeur indique être né le … à … en Tunisie.

En août 2020, il aurait embarqué à bord d’un bateau afin de quitter la Tunisie vers l’Italie. Il aurait séjourné en Sicile, à Rome et à Milan, et aurait été refoulé à deux reprises aux frontières françaises et suisses avant de parvenir à passer la frontière française et se rendre à Nice. Il aurait ensuite rejoint Metz afin de prendre un train pour le Luxembourg. Il y serait venu pour fuir un environnement familial violent, des abus sexuels à répétition, des actes de torture qui auraient été réalisés par des proches, des menaces de mort, ainsi qu’un risque d’emprisonnement lié à son homosexualité. Il précise avoir choisi le Luxembourg car le droit des enfants y serait plus respecté.

En droit, quant à la crédibilité de son récit, le demandeur reproche au ministre d’avoir considéré qu’il avait présenté trois versions différentes à l’appui de sa demande de protection internationale, en comparant les déclarations faites devant la police judiciaire, celles dans la fiche manuscrite et celles réalisées devant l’agent du ministère. Ainsi, le ministre décontextualiserait des éléments de son récit afin de relever des distorsions entres eux, notamment en omettant de prendre en compte qu’il aurait précisé devant les agents de police que ses parents se seraient mal comportés. Or, il aurait développé plus amplement ce point devant l’agent du ministère, en détaillant les violences familiales dont il aurait été victime, notamment le fait que son père aurait essayé de le renverser avec sa camionnette, qu’il l’aurait enfermé dans la maison, qu’il l’aurait attaché avec une corde avant de le descendre dans un puits, que sa mère l’aurait frappé dès qu’elle l’aurait vu et lui aurait cassé une assiette sur la tête et que son frère l’aurait frappé avec un objet en terre cuite. En renvoyant aux déclarations faites lors de ses auditions concernant les évènements relatifs au travail forcé et à l’arrêt de sa scolarité, ainsi que sur les raisons de sa venue au Luxembourg, le demandeur soutient que son récit serait cohérent.

Le demandeur critique encore le fait que la décision ministérielle aurait retenu que ses motifs de fuite varieraient. Il précise, à cet égard, que s’il peut lui être reproché de ne pas avoir étayé sa situation auprès de la police et dans ses déclarations manuscrites, ainsi que d’avoir déclaré qu’il n’était pas menacé en Tunisie, sa situation psychologique et ses réticences auprès des forces de l’ordre ne lui auraient pas permis de faire des révélations sur son homosexualité, sur ses abus sexuels et sur les violences physiques qu’il aurait subis. Il aurait, en effet, toujours affirmé ne pas avoir parlé aux autorités tunisiennes des violences subies par les membres de sa famille pour les préserver « d’une guerre entre famille », de sorte qu’il aurait une méfiance générale envers les forces de l’ordre, ce qui expliquerait ou du moins justifierait ses déclarations devant les policiers, notamment celles selon lesquelles il n’aurait pas été menacé.

Il ajoute que son état psychologique suite aux sévices subis et à la « dureté du voyage » ne lui aurait pas permis de faire, spontanément et exhaustivement, état de son désarroi et de sa détresse. Celle-ci se serait d’ailleurs manifestée au Luxembourg, où il aurait réalisé sa quatrième tentative de suicide.

En ce qui concerne les motifs fournis dans la fiche manuscrite remplie au moment du dépôt de sa demande de protection internationale, le demandeur affirme que, sur la première lettre manuscrite, il aurait été indiqué qu’il ne sait pas écrire, ce qui permettrait de démontrer son incapacité à rédiger correctement son récit. Par ailleurs, les premiers éléments déclarés auraient été précisés avec clarté lors de son récit devant l’agent du ministère.

Quant à la véracité des violences physiques subies, il fait valoir que dans le certificat médical versé, les conséquences de ces violences, notamment les nombreuses cicatrices, y seraient constatées à suffisance. Il serait en effet couvert de nombreuses cicatrices notammentau ventre, aux avant-bras, lesquels présenteraient encore des points de suture, à la jambe ainsi que des cicatrices de brûlure aux fesses. Il aurait également des troubles psychologiques, le poussant à s’automutiler, comportement qui s’expliquerait par le sentiment de honte qu’il ressentirait, et à tenter de se suicider, ce qu’il aurait essayé à trois reprises en Tunisie et à une reprise au Luxembourg. En ce qui concerne sa consommation de drogues, il affirme avoir été contraint d’en prendre, ce qui aurait créé une addiction non désirée. Il en conclut que le ministre ne pourrait pas valablement remettre en question l’existence des violences subies, alors que son récit serait largement corroboré par les séquelles psychologiques, addictologiques et physiques dont il souffrirait. Il ajoute, à cet égard, qu’il aurait été mineur à son arrivée sur le sol luxembourgeois et qu’il aurait été du devoir de ses parents de réaliser la détresse physique et psychologique de leur enfant en Tunisie, ce qu’ils auraient manqué de faire, de sorte que tant les violences subies que la défaillance parentale seraient avérées et circonstanciées.

Au sujet des photos publiées sur le réseau social Facebook de 2018 à 2020, le demandeur fait valoir que les conclusions du ministre à ce propos seraient erronées et quelques peu naïves puisque l’attitude qu’il aurait affichée sur ces clichés ne démontrerait en rien son état moral et psychologique, étant donné que les utilisateurs de ce réseau social publieraient majoritairement des photos flatteuses de leur personne. En outre, la publication de sa mère ne prouverait pas qu’il lui aurait parlé de son projet de départ ou qu’elle connaitrait le lieu où il se trouverait. Par ailleurs, il aurait clairement mentionné devant l’agent du ministère qu’il serait toujours en contact avec son frère.

Quant aux violences parentales, celles-ci auraient toujours existé : il aurait craint son père depuis l’âge de 6 ans et sa mère l’aurait constamment frappé. Il n’aurait jamais souhaité révéler les abus subis à la police tunisienne, pour notamment « éviter une guerre entre famille » craignant que les abus sexuels dont il aurait été victime soient officiellement reconnus.

D’ailleurs, tout le monde aurait eu connaissance des abus sexuels subis, mais ils auraient été considérés « comme une rumeur ». Seuls les auteurs de ces actes et les témoins en auraient eu véritablement connaissance et auraient agi lors de célébrations et de mariages « comme des rabatteurs de futurs agresseurs sexuels » afin de profiter de lui. Il ajoute que son père aurait déjà procédé à de graves intimidations, en l’attachant par les pieds au-dessus d’un puits et en fonçant sur lui en voiture dans l’unique dessein de le renverser et ce après avoir appris, par l’intermédiaire d’une amie, des abus sexuels subis par son fils, ce qui lui aurait fait honte. Le demandeur souligne avoir dit la vérité en indiquant craindre pour sa vie au cas où son père avait connaissance de son statut de victime d’abus sexuels.

A propos de son orientation sexuelle, contestée par le ministre, le demandeur précise qu’il lui serait difficile de prouver son homosexualité et d’en convaincre le ministère alors que sa sexualité aurait évolué à l’âge de ses 14-15 ans, âge auquel il serait devenu homosexuel. Il aurait pourtant tenté d’expliquer le plus clairement possible cette évolution. Il aurait, en outre, eu des relations sexuelles consenties avec un dentiste belge et aurait montré leur échange de messages à l’agent ministériel. Il aurait d’ailleurs toujours des contacts avec cette personne et échangerait régulièrement des vidéos à caractère charnel avec lui. Il ajoute qu’il aurait envie de faire l’amour avec des hommes, ce qui confirmerait son orientation sexuelle. Dans ce contexte, il donne à considérer que la situation légale et sociale actuelle en Tunisie ne serait pas sécuritaire pour les homosexuels, où leur protection ne serait pas effective et serait insuffisante. En outre, l’article 230 du code pénal tunisien consacrerait la pénalisation des actes homosexuels dans ce pays et les « délinquants » faisant l’objet de cette infraction vivraient dans des conditions de détention désastreuses, le demandeur s’appuyant sur un communiqué du 29 mars 2016 de l’organisation Human Rights Watch relatif à la pénalisation de la sodomiedans lequel elle émettrait diverses recommandations envers les autorités tunisiennes, demandant notamment au gouvernement d’enquêter sur les mauvais traitements délivrés aux détenus arrêtés sur la base de leur orientation sexuelle et proposerait la mise en place d’une « plainte confidentielle » pour les cas d’abus commis par les membres de la police. Il y serait également proposé d’interdire les traitements discriminatoires sur les présuppositions à propos de l’orientation sexuelle, sur l’identité ou encore sur le genre et y serait préconisé de sanctionner les policiers violents. Dans ce communiqué, ladite organisation demanderait encore au ministère de la Justice de prohiber les examens anaux sur des hommes accusés de sodomie, suggérerait au Conseil national de l’ordre des médecins de Tunisie d’émettre une circulaire empêchant les médecins de prendre part à ces examens, et requerrait de l’Assemblée des représentants du peuple l’abrogation du prédit article 230. Ainsi, le demandeur précise, qu’en tant qu’homosexuel, il ferait partie d’un groupe vulnérable, de sorte qu’une très grande prudence s’imposerait dans l’examen de sa demande de protection internationale. Par ailleurs, dans le contexte tunisien exposé, il ne pourrait lui être reproché de ne pas avoir cherché la protection auprès d’associations de défense des droits des homosexuels dans son pays d’origine. Il rappelle que seuls ses partenaires et le ministère seraient au courant de son orientation sexuelle, alors qu’il aurait longtemps craint de divulguer cette orientation, en raison du sentiment de honte qu’une partie de la société tunisienne aurait voulu imposer aux personnes homosexuelles. Il aurait depuis pu écouter ses envies et ce n’est que dans un environnement sécurisant, comme au Luxembourg, qu’il aurait pu récemment en parler à son éducatrice, ce qui constituerait à l’évidence une évolution notable, possible uniquement dans un pays « garant de la protection de son orientation sexuelle ».

Quant aux preuves des agressions et des menaces subies, il rappelle avoir fourni, pendant l’entretien avec l’agent du ministère, un enregistrement audio de l’un des auteurs des abus sexuels, à savoir un dénommé (E) faisant partie d’un groupe Facebook dénommé « … », dans lequel il l’aurait insulté et l’aurait violemment menacé. En outre, il aurait donné le nom de ses agresseurs et aurait relaté avec précision son calvaire, de sorte qu’il craindrait à raison de faire l’objet d’un « passage à tabac et de mise à mort » en cas de retour dans son pays d’origine, où il aurait déjà subi des actes de torture et des menaces à l’aide d’armes.

Le demandeur reproche ensuite au ministre de l’avoir assimilé à « un jeune consommateur de drogue tunisiens » à partir de critères vagues et généraux liés notamment à l’âge, à l’appartenance à une basse classe sociale, au niveau scolaire et au fait qu’il soit célibataire et sans « travail fixe », pour discréditer son récit.

En ce qui concerne la fourniture de pièces à l’appui de ses affirmations, il estime important de noter qu’il serait arrivé au Luxembourg dans le contexte de la pandémie mondiale du COVID-19. Par ailleurs, il aurait connu des difficultés pour s’en procurer, étant donné qu’il n’aurait eu qu’un échange cordial avec sa mère et que son frère ne coopèrerait pas à la remise des éléments de preuve. Il aurait coopéré à mesure des pièces dont il aurait disposé et il aurait réalisé les démarches utiles pour prouver son âge. Il aurait également remis des preuves évidentes des menaces subies et se serait soumis à un examen médical pour prouver les sévices qu’il aurait subis.

Ainsi, il ne serait pas venu au Luxembourg pour des considérations économiques, pays qu’il n’aurait pas connu. Il n’y serait venu qu’après qu’un ami lui aurait indiqué que ce pays protégerait les droits des « enfants ». D’ailleurs, il ne serait pas dans l’attente d’une aide matérielle des autorités luxembourgeoises, alors qu’il effectuerait un apprentissage au sein de l’établissement « … » et à la « … », dans le cadre duquel il percevrait une rémunérationmensuelle suffisante. Enfin, il critique le ministre qui tenterait de le dépeindre comme un criminel. Après avoir invoqué le principe de la présomption d’innocence, il affirme avoir été accusé à tort d’agression sexuelle et d’atteinte à la pudeur, de sorte qu’il serait inconcevable que le ministre puisse se servir de ces accusations pour motiver la décision litigieuse.

En conclusion, il estime que le ministre ne pourrait remettre en cause l’entièreté de la crédibilité de son récit alors que ses allégations ne s’appuieraient que sur des éléments qui n’impacteraient pas ses déclarations, pour lesquelles il aurait d’ailleurs remis des preuves. A cet égard, il s’appuie sur la position du Conseil de l’Europe du 4 mars 1996 au sujet de la preuve des faits, qui serait totalement favorable au bénéfice du doute, ainsi que sur le chapitre II, article 4, point 5 de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection, ci-après désignée par la « directive 2011/95 ». Dès lors, ses réponses aux questions de l’agent ministériel lors de ses entretiens seraient cohérentes et ne pourraient être contredites, de sorte que la crédibilité générale de son récit ne pourrait être ébranlée.

Concernant la décision ministérielle lui refusant le statut de réfugié, le demandeur, après avoir cité l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, ainsi que les trois conditions à remplir pour bénéficier dudit statut, indique qu’il aurait une orientation sexuelle réprimée pénalement et qu’il pourrait faire l’objet d’un emprisonnement. Par ailleurs, les personnes emprisonnées en raison de leur homosexualité subiraient dans son pays d’origine des atteintes physiques graves tant des détenus que des services de police. Ainsi, en lui refusant le statut de réfugié, le ministre aurait commis une erreur manifeste d’appréciation au sujet du caractère fondé des craintes et de la gravité des persécutions exprimées, de sorte qu’il devrait se voir octroyer ledit statut.

Quant à la décision lui refusant le bénéfice de la protection subsidiaire, en s’emparant des articles 2 g) et 48 de la loi du 18 décembre 2015, le demandeur fait valoir qu’un retour en Tunisie le contraindrait à vivre dans la crainte en raison de son passé, lié notamment aux abus sexuels dont il aurait été victime et pour lesquels il n’aurait jamais déposé plainte. Ainsi, ces abus « ne [seraient] pas pris en considération », d’autant plus qu’il ne pourrait pas rechercher de protection auprès des autorités tunisiennes, dans la mesure où cela équivaudrait à leur dévoiler son orientation sexuelle. Son retour équivaudrait également à une renonciation de sa part à une activité sexuelle. Il en conclut qu’il devrait se voir accorder une protection subsidiaire.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet de ce volet du recours pour ne pas être fondé.

Le tribunal relève qu’en vertu de l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de la même loi comme étant « […] tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et 17 qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] », tandis que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » est définie par l’article 2 g) de la même loi comme « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

Force est au tribunal de constater que tant la notion de « réfugié » que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » impliquent nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou à tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine.

Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent:

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales;

ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] ».

Quant aux atteintes graves, l’article 48 de loi du 18 décembre 2015 les énumère sous ses points a), b) et c), comme étant respectivement « la peine de mort ou l’exécution ; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. ».

Dans les deux hypothèses, les faits dénoncés doivent être perpétrés par un acteur de persécutions ou d’atteintes graves au sens de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, lesquels peuvent être :

« […] a) l’Etat;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. » Aux termes de l’article 40 de la même loi « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. […] ».

Il suit des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 précitée, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 (1) de la même loi, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine. Cette dernière condition s’applique également au niveau de la demande de protection subsidiaire, conjuguée avec les exigences liées à la définition de l’atteinte grave reprises à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 et rappelées précédemment.

Ces conditions devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Le tribunal, statuant en tant que juge du fond en matière de demandes de protection internationale, doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur de protection internationale, tout en prenant en considération la situation générale, telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance. Cet examen ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

A cet égard, il y a lieu de rappeler que si, comme en l’espèce, des éléments de preuve manquent pour étayer les déclarations du demandeur de protection internationale, celui-ci doit bénéficier du doute en application de l’article 4, point 5 de la directive 2011/95, repris en droit national à l’article 37 (5) de la loi du 18 décembre 2015, si, de manière générale, son récit peut être considéré comme crédible, s’il s’est réellement efforcé d’étayer sa demande, s’il a livré tous les éléments dont il disposait et si ses déclarations sont cohérentes et ne sont pas en contradiction avec l’information générale et spécifique disponible, le principe du bénéfice du doute étant, en droit des réfugiés, d’une très grande importance alors qu’il est souventimpossible pour les réfugiés d’apporter des preuves formelles à l’appui de leur demande de protection internationale et de leur crainte de persécution ou d’atteintes graves1.

Or, le tribunal partage les doutes du ministre et du délégué du gouvernement quant à la crédibilité du récit du demandeur concernant son orientation sexuelle.

En effet, force est, tout d’abord, de constater que le demandeur fournit différents motifs de fuite à l’appui de sa demande de protection internationale. Dans un premier temps, dans la fiche remplie au moment du dépôt de sa demande de protection internationale, il a indiqué qu’il avait quitté la Tunisie au motif que ses parents seraient divorcés et qu’il aurait arrêté l’école.

Dans un deuxième temps, devant les agents de police, il a affirmé, concernant les raisons pour lesquelles il souhaitait introduire une demande de protection internationale, qu’ « Il n’y a aucun droit des enfants en Tunisie. Rien n’est bon là-bas. Je n’ai pas été menacé mais mes parents ne se comportaient pas bien avec moi. Ils ne veulent pas m’envoyer à l’école. Je ne recevais aucun argent de poche et ils me forçaient à aller travailler depuis mon tout jeune âge. J’ai d’ailleurs été expulsé de ma maison à plusieurs reprises. »2. Ils l’auraient en outre jeté à plusieurs reprises de la maison. Il aurait introduit une demande de protection internationale au motif que, dans son pays d’origine, les enfants n’auraient pas de droits. Enfin, lors de son entretien devant un agent du ministère, il a soutenu être « devenu homosexuel comme j’ai pris l’habitude et je ne peux donc plus vivre en Tunisie »3.

A cet égard, force est également de constater que le demandeur se définit comme homosexuel, puis informe l’agent en charge de ses entretiens, qu’il serait bisexuel4, tout en restant assez vague dans ses déclarations. Il ne fournit, en outre, aucune preuve de ses relations, bien qu’il affirme, tant devant l’agent du ministère que dans sa requête introductive d’instance, qu’il aurait échangé des messages avec un homme dénommé (F)5 avec lequel il aurait entretenu une relation.

A cela s’ajoute que Monsieur (A), qui soutient pourtant être venu au Luxembourg à cause de « La sexualité, je veux la liberté concernant ce sujet et vivre tranquillement sans ce problème, manger tranquillement, m’assoir tranquillement, relax »6, ne s’est nullement intéressé à cette cause. Il n’a, par ailleurs, apporté aucun élément permettant de penser qu’il serait homosexuel, tel qu’il le prétend avec insistance dans sa requête introductive d’instance.

En effet, le comportement adopté au Luxembourg laisse penser le contraire, étant donné qu’il ressort d’un rapport médical du 23 janvier 2024, établi par le Dr. (G), médecin spécialiste en psychiatrie, que Monsieur (A) a eu « un comportement inadéquat envers le personnel féminin de son foyer d’accueil », ainsi qu’envers celui de l’unité psychiatrique du … à …, et d’un courrier électronique d’un assistant social de … du 2 mai 2024 que le demandeur fait preuve d’« une impulsivité sexuelle sur le personnel féminin ».

En outre, alors que son orientation sexuelle serait la raison pour laquelle il demanderait une protection internationale au Luxembourg, le demandeur répond, à la question de l’agent concernant ses craintes en cas de retour, cependant qu’il craindrait être tué « pour l’argent.

1 Trib. adm., 16 avril 2008, n° 23855, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 140 et les autres références y citées.

2 Page 2 du rapport de police.

3 Page 9 du rapport d’audition.

4 Page 13 du rapport d’audition.

5 Page 12 du rapport d'audition.

6 Page 9 du rapport d’audition.Problème d’argent. »7 en réaction aux vols de la caisse qu’il aurait commis avant de quitter son pays d’origine, omettant d’indiquer les craintes qui seraient liées à son homosexualité qui serait, selon ses affirmations, pourtant pénalement réprimée en Tunisie.

Ainsi, le tribunal est amené à constater que le récit du demandeur concernant son orientation sexuelle n’emporte pas sa conviction et qu’il doit être déclaré comme étant non crédible.

Cette conclusion est confortée par le fait que les déclarations de Monsieur (A) sur les violences qu’il aurait subies de la part de ses parents sont également contradictoires.

En effet, il affirme en premier lieu, devant les agents de police luxembourgeois, que ses parents se seraient mal comportés envers lui, sans jamais mentionner que son père aurait tenté de le renverser et qu’il l’aurait pendu par les pieds au-dessus d’un puits, faits qui sont pourtant d’une gravité telle qu’il ne peut prétendre les avoir oubliés. Il a également précisé, lors de son entretien avec la police, qu’il aurait été jeté de la maison et que ses parents l’auraient empêché d’aller à l’école, avant de soutenir devant l’agent du ministère en charge de ses auditions, qu’il aurait volontairement quitté le domicile familial et aurait décidé de ne plus aller à l’école8.

Par ailleurs, ses déclarations selon lesquelles ses parents l’auraient frappé depuis 20159 sont réfutées par le fait (i) qu’il a expliqué que ses parents se seraient séparés en 2015 et que son père n’aurait plus vécu au domicile familial et (ii) qu’il aurait quitté ledit domicile à l’âge de … ou … ans10, soit en 2014 ou 2015, pour rester « chez des gens malfamés »11. Force est de constater, à cet égard, que le demandeur reste en défaut de prendre position sur ce point, de sorte que ses dires sur les violences familiales qu’il aurait subies sont également ébranlés.

En outre, le tribunal constate que le demandeur reste en défaut de convaincre de la nature de ses relations avec sa mère. Il prétend en effet qu’elle l’aurait frappé à chaque fois qu’elle l’aurait vu12, se faisant ainsi passer pour un enfant battu et malaimé par sa mère, alors que la partie étatique a apporté la preuve qu’il était en bonne relation avec elle, ce dont témoigne notamment (i) la photo qu’il a publiée sur Facebook en date du 2 juin 2019 sur laquelle il est en compagnie de sa mère et (ii) une photo de Monsieur (A) que sa mère a postée sur le compte Facebook de celui-ci le 12 octobre 2021. S’y ajoute que les photos que le demandeur a postées sur son compte Facebook sont loin de démontrer qu’il aurait été détesté par tout le monde à cause de sa prétendue homosexualité et qu’il n’aurait plus aucun contact avec les membres de sa famille. A ce propos, les explications de ce dernier sur le fait que les personnes utilisant les réseaux sociaux se montreraient « sous leur meilleur jour » ne redressent pas le manque de crédibilité découlant des preuves matérielles versées par la partie étatique.

Il échet encore de relever que le demandeur soutient que ses parents l’auraient souvent frappé alors qu’ils auraient eu connaissance des actes sexuels qu’il aurait subis. Il insiste, dans sa requête introductive d’instance, sur le fait que son père aurait d’ailleurs essayé de le renverser après avoir appris « ce que les autres [lui] avaient fait »13 par une amie en raison du 7 Page 11 du rapport d'audition.

8 Page 5 du rapport d’audition.

9 Page 5 du rapport d’audition.

10 Page 2 du rapport d'audition.

11 Page 2 du rapport d'audition.

12 Page 7 du rapport d’audition.

13 Page 6 du rapport d'audition.fait qu’il n’aurait pas toléré que celui-ci lui fasse honte, le demandeur affirmant, dans ce même contexte, qu’il craindrait « pour sa vie si son père avait connaissance de son statut de victime d’abus sexuels »14, ce qui ne manque pas de rajouter de la confusion à ses dires. Par la suite, il prétend toutefois que sa famille et son entourage n’auraient pas été au courant des abus qu’il aurait subis et qu’il souhaitait qu’ils ne le sachent pas, raison pour laquelle il ne se serait pas adressé à la police15.

Partant, il ressort de toutes ces considérations que la crédibilité de l’ensemble du récit du demandeur, et plus particulièrement de l’élément essentiel sur lequel il base sa demande de protection internationale, à savoir son orientation sexuelle, est compromise, sans qu’il ne soit nécessaire de procéder à une analyse plus approfondie des autres éléments de crédibilité soulevés par la partie étatique.

Eu égard à ces constatations, le tribunal est amené à retenir que les conditions visées à l’article 37 (5) de la loi du 18 décembre 2015, pour pouvoir se prévaloir du bénéfice du doute sans avoir à étayer ses dires par des preuves probantes, à savoir que le demandeur s’est réellement efforcé d’étayer sa demande, qu’il a livré tous les éléments dont il disposait et que ses déclarations sont cohérentes, ne sont pas remplies, de sorte que son récit doit être considéré comme n’étant pas crédible dans son intégralité, sans qu’il ne soit nécessaire de prendre position sur les autres points soulevés par le ministre.

En effet, les incohérences de son récit ne peuvent pas s’expliquer par sa prétendue vulnérabilité ou par des difficultés psychologiques, dans la mesure où le demandeur ne verse aucun élément attestant que son état psychologique aurait été, au plus tard au moment de ses entretiens devant un agent du ministère, altéré au point qu’il ne pourrait pas tenir un discours cohérent et concordant avec ses précédentes déclarations.

Au vu des considérations qui précèdent, le tribunal retient que le récit du demandeur en relation avec son prétendu vécu en Tunisie, considéré dans sa globalité, n’est pas de nature à convaincre, l’intéressé apparaissant, au contraire, comme tentant d’ajouter des éléments pour augmenter la probabilité d’obtenir une protection internationale.

D’ailleurs, l’absence de craintes de persécution ou d’un risque de subir des atteintes graves dans le chef de Monsieur (A) en cas de retour dans son pays d’origine est confortée non seulement par le fait qu’il s’est renseigné à plusieurs reprises auprès des autorités ministérielles des modalités pour un retour volontaire en Tunisie, mais également par la lettre rédigée par ses soins en date du 16 février 2024, dans laquelle il indique « Je veux quitter le Luxembourg le plus rapidement possible pour retourner chez moi en Tunisie ».

C’est dès lors à bon droit que le ministre a refusé d’octroyer une protection internationale au demandeur, de sorte que le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle lui refusant ladite protection encourt le rejet pour être non fondé.

2) Quant au recours visant la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire Le demandeur estime principalement que ce volet de la décision ministérielle devrait encourir la réformation, en conséquence de la réformation du premier volet de la décision 14 Page 6 de la requête introductive d’instance.

15 Page 7 du rapport d’audition.portant refus de l’octroi d’une protection internationale dans son chef et, subsidiairement, il conclut à la réformation de la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire, en invoquant une violation de l’article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par la « loi du 29 août 2008 ».

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours, dans la mesure où l’ordre de quitter le territoire découlerait directement de la décision rejetant l’octroi d’une protection internationale.

Aux termes de l’article 34 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « […] Une décision du ministre vaut décision de retour […] », cette dernière notion étant définie par l’article 2 q) de la même loi comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire », étant encore relevé, à cet égard, que si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34 (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale du demandeur, il a a priori valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

En ce qui concerne l’article 129 de la loi du 29 août 2008 - qui est applicable à la décision de retour découlant d’une décision de rejet d’une demande de protection internationale, conformément à l’article 34 (2), alinéa 3 de la loi du 18 décembre 2015 - si celui-ci renvoie à l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après dénommée « la CEDH », qui proscrit la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants, encore faut-il que le risque de subir des souffrances mentales ou physiques présente une certaine intensité.

En effet, si une mesure d’éloignement - telle qu’en l’espèce consécutive à l’expiration du délai imposé au demandeur pour quitter le Luxembourg - relève de la CEDH dans la mesure où son exécution risquerait de porter atteinte aux droits inscrits à l’article 3, ce n’est cependant pas la nature de la mesure d’éloignement qui pose un problème de conformité à la CEDH, spécialement à l’article 3, mais ce sont les effets de la mesure en ce qu’elle est susceptible de porter atteinte aux droits que l’article 3 garantit à toute personne. C’est l’effectivité de la protection requise par l’article 3 qui interdit aux Etats parties à la CEDH d’accomplir un acte qui aurait pour résultat direct d’exposer quelqu’un à des mauvais traitements prohibés. S’il n’existe pas, dans l’absolu, un droit à ne pas être éloigné, il existe un droit à ne pas être soumis à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants, de sorte et a fortiori qu’il existe un droit à ne pas être éloigné quand une mesure aurait pour conséquence d’exposer à la torture ou à une peine ou des traitements inhumains ou dégradants.

Cependant, dans ce type d’affaires, la Cour européenne des droits de l’Homme, ci-après désignée par « la CourEDH », soumet à un examen rigoureux toutes les circonstances de l’affaire, notamment la situation personnelle du requérant dans l’Etat qui est en train de mettre en œuvre la mesure d’éloignement. La CourEDH recherche donc s’il existait un risque réel que le renvoi du requérant soit contraire aux règles de l’article 3 de la CEDH. Pour cela, la Cour évalue ce risque notamment à la lumière des éléments dont elle dispose au moment où elleexamine l’affaire et des informations les plus récentes concernant la situation personnelle du requérant.

Le tribunal procède donc à la même analyse de l’affaire sous examen.

Or, en ce qui concerne précisément les risques prétendument encourus en cas de retour en Tunisie, le tribunal a conclu ci-avant à l’absence, dans le chef du demandeur, de crédibilité de son récit lié à son vécu personnel et donc à l’absence de crainte fondée de subir des persécutions respectivement des atteintes graves au sens de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que le tribunal ne saurait se départir à ce niveau-ci de cette conclusion.

Au vu de ce qui précède et compte tenu du seuil élevé fixé par l’article 3 de la CEDH,16 le tribunal n’estime pas qu’il existe un risque suffisamment réel pour que le renvoi du demandeur dans son pays d’origine soit dans ces circonstances incompatible avec l’article 3 de la CEDH, de sorte que le moyen tiré d’une violation de l’article 129 de la loi du 29 août 2008 et de l’article 3 de la CEDH, encourt le rejet.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours en réformation introduit à l’encontre de l’ordre de quitter le territoire est à rejeter pour être également non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 6 février 2023 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 6 février 2023 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Alexandra Castegnaro, vice-président, Annemarie Theis, premier juge, Caroline Weyland, premier juge, et lu à l’audience publique du 23 septembre 2024 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro 16 CourEDH, arrêt Lorsé et autres c/ Pays-Bas, 4 février 2003, § 59. Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 24 septembre 2024 Le greffier du tribunal administratif 25


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 48638
Date de la décision : 23/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-09-23;48638 ?

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