Tribunal administratif N° 47137 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47137 5e chambre Inscrit le 7 mars 2022 Audience publique du 25 septembre 2024 Recours formé par la société anonyme X, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôts
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 47137 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 mars 2022 par la société anonyme ELVINGER HOSS PRUSSEN SA, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des Avocats à Luxembourg, ayant son siège social à L-1340 Luxembourg, 2, place Winston Churchill, immatriculée au registre de commerce et des sociétés sous le numéro B209469, représentée par Maître Elisabeth ADAM, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme X, établie et ayant son siège social à L-…, immatriculée au registre de commerce et des sociétés sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 9 décembre 2021, portant le numéro C29436 ayant rejeté sa réclamation contre le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2016 et contre le bulletin de l’impôt commercial de l’année 2016, tous les deux émis le 24 février 2021 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 juin 2022 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 7 juillet 2022 par la société anonyme ELVINGER HOSS PRUSSEN SA, préqualifiée, au nom de la société anonyme X, préqualifiée ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision directoriale critiquée ;
Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Tom KERSCHENMEYER et Maître Nadège LE GOUELLEC en remplacement de Maître Elisabeth ADAM en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique extraordinaire du 2 février 2024 ;
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En date du 24 février 2021, le bureau d’imposition Sociétés …, désigné ci-après par « le bureau d’imposition », émit à l’égard de la société anonyme X, désignée ci-après par « la société X », le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2016 indiquant que l’imposition divergeait de la déclaration de l’impôt sur les points suivants : « (…) Y :
1 Amortissement non déductible : … (…) », ainsi que le bulletin de l’impôt commercial de l’année 2016.
Par courrier de son mandataire de l’époque du 17 mai 2021, la société X fit introduire une réclamation contre les prédits bulletins émis le 24 février 2021, auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur ».
Par une décision du 9 décembre 2021, référencée sous le numéro C 29436, le directeur déclara ladite réclamation partiellement fondée et, par réformation, « fixa l'impôt sur le revenu des collectivités de l'année 2016, y compris la contribution au fonds pour l'emploi, à … euros », « établit la base d'assiette de l'impôt commercial communal de l'année 2016 à … euros », fixa « l'impôt commercial communal de l'année 2016 à … euros » et, renvoya le dossier « au bureau d'imposition pour exécution, notamment pour imputation des bonifications d'impôt et avance des années d'imposition antérieures ». La décision est fondée sur les considérations et motifs suivants :
« (…) Vu la requête introduite le 20 mai 2021 par le sieur A, de la société anonyme Z, au nom de la société anonyme X, avec siège social à L-…, pour réclamer contre les bulletins de l'impôt sur le revenu des collectivités et de la base d'assiette de l'impôt commercial communal de l'année 2016, tous les deux émis en date du 24 février 2021 ;
Vu le dossier fiscal ;
Vu les §§ 102, 107, 228, 238, 254, alinéa 2 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;
Considérant que si l'introduction de plusieurs instances par une seule et même requête n'est incompatible, en l'espèce, ni avec le secret fiscal, ni avec les règles de compétence et de procédure, elle ne dispense pas d'examiner chaque acte attaqué en lui-même et selon ses propres mérites et ne saurait imposer une jonction qu'il est loisible au directeur des contributions de prononcer lorsque les instances lui paraissent suffisamment connexes ; qu'il n'y a pas lieu de la refuser en la forme ;
Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 228 AO) de la loi, qu'elles sont partant recevables ;
Considérant que la réclamante constitue la société intégrante d'un groupe de sociétés ayant opté pour le régime d'intégration fiscale tel qu'instauré par l'article 164bis de la loi concernant l'impôt sur le revenu (L.I.R.) ; que depuis le 1er janvier 2016, la société anonyme Y est une filiale intégrée à ce groupe ; que le résultat de la société intégrée est à intégrer dans celui de la société intégrante pour une période couvrant au moins 5 exercices d'exploitation ;
Considérant que la réclamante fait grief au bureau d'imposition d'avoir redressé les amortissements déclarés dans le chef de sa filiale intégrée, la société anonyme Y ;
Considérant qu'en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, la loi d'impôt étant d'ordre public ; qu'à cet égard le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-fondé ;
Considérant qu'aux termes de l'article 164bis L.I.R., les sociétés de capitaux résidentes pleinement imposables, dont 95% au moins du capital est détenu directement ou indirectement 2 par une autre société de capitaux résidente pleinement imposable ou par un établissement stable indigène d'une société de capitaux non résidente pleinement imposable à un impôt correspondant à l'impôt sur le revenu des collectivités, peuvent, sur demande, être intégrées fiscalement dans la société mère ou dans l'établissement stable indigène, de façon à faire masse de leurs résultats fiscaux respectifs avec celui de la société mère ou de l'établissement stable indigène ;
Considérant que la circulaire L.I.R. n° 164bis/1 du 27 septembre 2004 retient que le régime d'intégration fiscale ne vise pas à instaurer une base légale pour l'imposition du résultat consolidé au sens propre d'un groupe de sociétés, mais se limite à permettre aux sociétés intéressées de regrouper ou de compenser leurs résultats fiscaux pendant la période d'application du régime d'intégration fiscale ; que le résultat fiscal de la société filiale admise au régime d'intégration fiscale est ajouté à celui de la société intégrante, en l'occurrence de la réclamante ;
Considérant qu'aux termes de l'alinéa 4 de l'article 1er du règlement grand-ducal du 18 décembre 2015 portant exécution de l'article 164bis L.I.R., la société intégrante est passible de l'impôt sur le revenu des collectivités correspondant au revenu imposable du groupe établi, les revenus imposables des sociétés intégrées se chiffrant dorénavant et en toute logique à 0 (zéro) euro ;
Considérant qu'au niveau de la réclamante, le bureau d'imposition a émis les bulletins de l'impôt sur le revenu des collectivités et de la base d'assiette de l'impôt commercial communal de l'année 2016 en intégrant, entre autres, les résultats fiscaux de la société anonyme Y ;
Considérant qu'en ce qui concerne les résultats de la réclamante-même, il y a lieu de noter que le bureau d'imposition n'a pas effectué de quelconques redressements de sorte que les résultats correspondent à ceux déclarés par la réclamante ;
Considérant, quant à l'historique du dossier, que la société Y a acquis en 2015 un immeuble sis à … pour un prix d'acquisition de … euros auquel s'ajoutent … euros de frais d'acte ; que la valeur au bilan déclarée par la société anonyme Y se présente comme suit :
Terrain = … euros, Construction = … euros ;
Considérant que par courrier du 10 juillet 2019, le bureau d'imposition informa la société anonyme Y, alors qu'elle ne faisait pas encore partie du périmètre de consolidation, de son intention de diverger de la déclaration fiscale de l'année 2015 conformément au § 205, alinéa 3 AO comme suit :
« La ventilation du prix d'achat de l'immeuble sis à … à raison de … € pour la partie construction et de … € pour la partie terrain ne peut être acceptée. En effet, cette ventilation résulte du rapport d'évaluation immobilière de Monsieur B qui préconise une vétusté de 70% à déduire de la valeur à neuf du bâtiment il résulte cependant de l'avis technique relatif à la structure du bâtiment établi par le bureau d'études …, daté du 30 novembre 2015, qu'une exploitation des étages 1 et 2 du bâtiment s'avère impossible dans son état actuel, dû à des raisons de sécurité. Sur base de cet avis, nous considérons que les étages 1 et 2 sont vétustes à 100%.
3 En se basant sur le calcul du rapport de Monsieur B, la valeur de la construction est calculée comme suit :
Volume total du bâtiment 40.516 m3 Volume du rez-de-chaussée (1/3) 13.505 m3 Valeur à neuf du bâtiment (… €/m3) … € • Vétusté à raison de 70% -… € Valeur réelle du bâtiment … € Dont …/1000 millièmes … € La valeur de la construction à prendre en compte pour le calcul de l'amortissement s'avère à … (29% du prix d'achat), la valeur du terrain est de …€ (71% du prix d'achat).
Les droits d'enregistrement en relation avec l'achat sont à amortir à hauteur de … € x 29% … €.
L'amortissement de la construction et des droits d'enregistrement pour l'année 2015 s'élève dès lors à … €. » ;
Considérant que par courrier du 29 juillet 2019, la société anonyme Y, contesta la position prise par le bureau pour les raisons suivantes :
• « Votre ventilation considère implicitement qu'une partie du local technique au 3ième étage et du sous-sol sont également vétuste (sic) à 100%.
En effet, vous avez considéré que le volume du rez-de-chaussée correspond à un 1/3 du volume total de l'immeuble (à savoir 40.516 m3). Nous aimerions cependant vous rappeler que le volume total de l'immeuble comprend aussi un sous-sol d'un volume de 525 m3 et au 3ième étage un local technique de 700m3. Sans faire de jugement sur la pertinence de votre position en ce qui concerne la vétusté des étages 1 et 2, nous estimons que les volumes du sous-sol et du local technique du 3ième étage devraient dans tous les cas être exclus de votre calcul.
Finalement nous tenons à attirer votre attention sur le fait que compte tenu de la hauteur plus importante des fondations et de la canalisation, le volume du rez-de-
chaussée est légèrement plus important que le volume de chacun des étages 1 et 2.
Nous estimons que cette incohérence devrait aussi être prise en compte.
• Le fait d'attribuer la proportion du prix d'achat qui est relative aux étages 1, 2 et 3, ainsi qu'au sous-sol au terrain revient à prétendre que la valeur du terrain était à la date de l'achat de l'immeuble d'EUR ….
Or, le rapport B indique qu'à l'époque de l'achat du terrain, celui-ci ne valait qu'EUR … compte tenu du fait que le terrain porte une construction et qu'il est partiellement contaminé.
4 Dès lors, nous estimons que votre approche de réattribuer la partie du prix d'achat relatif au étages 1 et 2 au terrain augmente la valeur de ce dernier à un niveau largement au-dessus de sa valeur réelle.
Nous sommes aussi de l'avis que l'intégralité du prix d'achat au terrain ne tient pas nécessairement compte de la réalité économique de la transaction effectuée par notre Mandante.
En effet, si au moment de l'achat de l'immeuble, les étages 1 et 2 étaient réellement vétuste (sic) à 100% et le rez-de-chaussée ainsi que les locaux techniques à 70%, notre Mandante aurait, comme tout gestionnaire moyennement diligent, eu tout intérêt à négocier une réduction de prix suffisamment important (sic) pour tenir compte de la valeur réelle du terrain et de la vétusté de 100% des étages 1 et 2, respectivement 70% du rez-de-chaussée, du sous-sol et du local technique au 3e étage. A contrario, nous estimons (sic) elle aurait dû constater au plus tard au 31 décembre 2015 une correction de valeur extraordinaire sur le prix d'acquisition de l'Immeuble afin de tenir compte du fait qu'elle aurait payé un prix trop important pour l'immeuble.
• Votre position de considérer les étages 1 et 2 comme vétuste (sic) à 100% ne peut pas être soutenu (sic) tel quel (sic) par le rapport de … En effet, le rapport de … indique uniquement que le bâtiment ne correspond plus aux normes actuelles à respecter pour exploiter le 1er et le 2ième étage au maximum. Il n'indique nullement que les étages 1 et 2 ne peuvent pas être exploités du tout dans leur état actuel.
• Finalement, nous aimerions attirer votre attention sur le fait que le rapport B, qui a été émis quasiment 2 mois après l'avis technique de Simon-Christiansen & Associé, a estimé la vétusté de l'Immeuble intégral à 70%.
Nous estimons que même si les étages 1 et 2 étaient réellement vétuste (sic) à 100%, une vétusté de 70% de l'immeuble intégral devrait largement tenir compte du fait que la vétusté des étages 1 et 2 est moindre que la vétusté du rez-de-chaussée, du sous-sol et des locaux techniques au 3ième étage. » Considérant que le bureau d'imposition, maintenant sa position relativement à l'évaluation de la construction litigieuse, procéda à l'imposition de l'année 2015 de la société anonyme Y en se référant aux redressements précédemment communiqués ; que la société anonyme Y n'ayant néanmoins pas eu de cote d'impôt positive pour l'année 2015, aucune réclamation ne fut introduite contre les bulletins de l'année 2015 ;
Considérant que pour l'année 2016, par courrier daté du 25 janvier 2021, en exécution du § 205, alinéa 3 AO, le bureau informa la réclamante, en sa qualité de société intégrante, des redressements envisagés au niveau de la société anonyme Y pour l'année 2016, dans la lignée de ceux effectués en 2015, puis émit les bulletins litigieux ; qu'en l'espèce la forme suivie par le bureau d'imposition ne prête pas à critique ;
5 Considérant que les redressements litigieux trouvent leur origine dans la détermination des résultats de la société intégrée ; qu'il y a donc lieu d'analyser les impositions de la société anonyme Y de l'année 2016 ;
En ce qui concerne le résultat de l'année 2016 de la société anonyme Y Considérant que le litige porte sur le prix d'achat de la construction litigieuse, prix déclaré comme base d'amortissement par la société anonyme Y ;
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 28, alinéa 1er L.I.R., les immobilisations amortissables comprennent les immobilisations susceptibles d'amortissement pour usure et les immobilisations susceptibles d'amortissement pour diminution de substance ;
qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article 28 L.I.R., les immobilisations susceptibles d'amortissement pour usure sont celles qui se déprécient par l'effet du temps ou de leur utilisation, à l'exception des immobilisations à caractère d'approvisionnements ; que la construction est une immobilisation amortissable, contrairement au terrain ; qu'en vertu de l'article 29, alinéa 1er L.I.R., l'amortissement pour usure et celui pour diminution de substance visés à l'article 28 concernent la déperdition tant technique qu'économique et qu'en vertu de l'article 29, alinéa 2 L.I.R. l'ensemble des amortissements et des déductions pour dépréciation ne peut dépasser, pour une immobilisation amortissable déterminée, son prix d'acquisition ou de revient, diminué, le cas échéant, de sa valeur estimée de récupération ;
Considérant qu'en vertu de l'article 25 L.I.R., le prix d'acquisition d'un bien est l'ensemble des dépenses assumées par l'exploitant pour le mettre dans son état au moment de l'évaluation et qu'en vertu de l'article 26 L.I.R., le prix de revient d'un bien comprend toutes les dépenses assumées par l'exploitant en raison de la fabrication du bien envisagé ;
Considérant qu'en vertu de l'article 27, alinéa 2 L.I.R., la valeur estimée de réalisation est celle qui s'obtiendrait lors d'une aliénation normale et librement consentie du bien envisagé, compte tenu de toutes les circonstances et conditions se répercutant sur le prix, à l'exception toutefois des circonstances et conditions anormales ou personnelles ; que sur base de cette disposition, il convient de retenir que la valeur de réalisation doit être évaluée par rapport au prix de vente qui aurait pu être obtenu dans le cadre d'une vente normale, dans l'état dans lequel se trouvait l'immeuble en 2015, compte tenu de la situation du marché immobilier, tout en prenant en compte les circonstances particulières de l'immeuble qui sont susceptibles d'avoir une influence sur le prix de vente pouvant ainsi être obtenu, sachant que la valeur estimée de réalisation constitue généralement la limite inférieure de la valeur d'exploitation telle que définie à l'article 27, alinéa 1er L.I.R. (Tribunal administratif du 24 avril 2002, n° 13666 du rôle) ;
Considérant que la preuve des faits libérant de l'obligation fiscale ou réduisant la cote d'impôt appartient au contribuable ;
Considérant qu'à l'appui de sa réclamation, la réclamante, reprenant ses arguments précédemment soulevés, conteste la vétusté totale des 1er et 2e étages de l'immeuble litigieux appliquée par le bureau d'imposition ; selon elle, aucun des rapports d'experts versés ne permet de conclure à un tel résultat ; que plus précisément, le rapport B ne ferait pas de distinction entre les étages mais considère une vétusté de 70% pour l'intégralité de l'immeuble ;
qu'elle précise que « le rez-de-chaussée est actuellement exploité en tant que surface commerciale sans que des modifications structurelles n'aient eu besoin d'être effectuées au 6 préalable. Notre mandante a tout au plus réalisé en 2018 certains travaux d'aménagement du rez-de-chaussée pour, d'une part, améliorer et maximiser l'exploitation de la surface disponible (en vue notamment d'augmenter les surfaces à louer à des commerces tiers) et, d'autre part, aménager la surface utilisée comme supermarché pour la rendre conforme aux standards commerciaux du groupe C. En outre, notre mandante a rénové les équipements techniques du bâtiment. Dès lors, en retenant une vétusté de 100% pour les 1er et 2e étages, le bureau d'imposition Sociétés … aurait dû en parallèle réduire la vétusté considérée pour le rez-de-chaussée de l'immeuble sans pour autant augmenter la vétusté globale du bâtiment au-
delà de 70%. » ; qu'elle considère ensuite erroné de réduire le bâtiment à 3 étages et d'y appliquer un pourcentage distinct sans prendre en compte les fondations, la cave, les murs et façades extérieurs, le local technique, le toit et les équipements techniques ; qu'elle invoque également que la réclamante a pu continuer « la location du bâtiment immédiatement après son acquisition sans devoir rénover chacune des composantes du bâtiment » et que « les travaux d'investissements réalisés en 2018 n'étaient qu'en relation avec les équipements techniques du bâtiment et les réaménagements nécessaires pour optimiser l'utilisation du rez-
de-chaussée » ;
Considérant qu'elle explique également que la valeur du terrain prise en compte par le bureau d'imposition est surestimée puisqu'elle correspondrait au triple de la valeur réelle estimée par le bureau d'expertise B, qui est de … €, cette valeur réelle ayant été déterminée sur base de « paramètres connus du terrain et des ventes de terrain récentes au moment de l'évaluation, soit à partir de valeurs de marché connues pour des terrains comparables. » ;
qu'en outre, en l'absence d'une contre-expertise, la méthodologie utilisée par le bureau d'imposition n'est pas justifiée d'un point de vue économique ; qu'elle rajoute que si ces arguments n'étaient pas retenus, la quote-part du prix d'acquisition de l'immeuble attribuable au bâtiment devrait être à tout le moins déterminée en suivant les lignes directrices de la circulaire 106/2 du 7 février 2000 ;
Considérant à titre préliminaire que la circulaire L.I.R. n°106/2 du 7 février 2000 est inapplicable en l'espèce alors qu'elle ne concerne que les immeubles bâtis ne faisant pas partie d'un actif net investi ;
Considérant que, sur base du rapport du bureau d'expertise B (le rapport B), confectionné postérieurement à l'acquisition de l'immeuble, la Construction a été évaluée au jour de la vente à une valeur réelle de … euros et le terrain à une valeur réelle de … euros ;
Considérant que pour les besoins de son évaluation, le bureau d'expertise B s'est basé sur le tableau « Gebäudeschätzung » des sieurs …, …, … et … afin de déterminer le prix historique à neuf de la construction ; que selon ce tableau, le prix à neuf serait de …euros/m3 ;
que l'expert a ensuite actualisé ce prix à … euros/m3 par application de l'indice des prix à la construction pour arriver à une valeur totale à neuf de la construction (40.516 m3) de … euros ;
Considérant qu'il ressort des informations du dossier fiscal que le prix de la construction est connu, de sorte à se substituer à l'évaluation utilisée par l'expert ; qu'ainsi, la construction litigieuse a été érigée en 1974 pour un montant total de … francs luxembourgeois (soit … euros) ; que la construction a ensuite été rénovée en 1988 pour un montant total de … francs luxembourgeois (soit … euros) ; que sur base de l'indice des prix à la construction de l'année 1974 (…) ainsi que de l'année 1988 (…), le prix réévalué en 2015 (indice …) de la construction s'élève en réalité à (…+…) …euros, le détail du calcul relatif à ce montant étant repris en annexe la de la présente décision ;
7 Considérant ensuite que, « selon l'appréciation de l'expert », une vétusté de la construction de l'ordre de 70% doit être déduite ; que la vétusté représente la moins-value réelle subie par un bâtiment depuis sa construction en raison de son état d'usure ou de détérioration résultant du temps ou de l'usage ; qu'à titre de seule explication, le rapport B mentionne que « l'immeuble se trouve dans un mauvais état d'entretien général et de très importants travaux d'entretien et de rénovation seraient à réaliser afin qu'il corresponde aux standards et besoins actuels » sans ne donner aucune indication précise des éléments l'ayant amené à fixer ce taux ni estimer la durée de vie restante de la construction litigieuse ;
Considérant qu'un avis technique, obtenu sur demande par le bureau d'imposition, a été réalisé par le cabinet d'ingénieurs-conseils … ; qu'il ressort de cet avis que la construction présente de graves problèmes structurels comme suit « Les dalles sur le rez-de-chaussée, sur le 1er et le 2ème étage sont des dalles « filigranes ». Ces dalles sont constituées d'une dalle très mince d'environ 7 cm d'épaisseur reposant sur des poutres minces (environ 15 cm de largeur) (…). La minceur des dalles et poutres filigranes, ainsi que le manque de recouvrement des aciers, dû notamment à un mauvais vibrage du béton lors de la construction, ne permettent pas aux planchers d'être structurellement stable au feu. La protection au feu entre les niveaux doit donc être assurée par des chapes et faux-planchers adéquats. Le poids de ces éléments de second œuvre risque cependant de réduire significativement les surcharges d'exploitation des étages ; celles-ci ne seront de toute façon plus conformes aux normes en vigueur. En fonction des solutions techniques de second œuvre qui seront préconisées pour garantir la stabilité au feu, il sera nécessaire de planifier des campagnes de sondages complémentaires, préalables à toute étude de renforcement structurel, afin de garantir les surcharges d'exploitations nécessaires à une future affectation des étages. » ;
Considérant que le rapport B ne fait aucune référence à l'avis technique réalisé par le cabinet d'ingénieurs-conseils … ; que le rapport ne mentionne aucun problème portant sur la structure même du bâtiment alors qu'il décrit « une construction avec piliers porteurs en béton armé » ainsi que des « dalles en béton armé » d'une épaisseur, au niveau des étages, de 30 cm ;
Considérant qu'il n'est pas contestable que si les problèmes relatifs à la structure de la construction avaient été pris en compte par l'expert, le taux de vétusté estimé aurait nécessairement été aggravé ;
Considérant qu'il convient de noter qu'aucune rénovation de la construction litigieuse n'a été effectuée depuis l'année 1988, soit, au moment de son acquisition par la société anonyme Y en 2015, depuis 27 ans ; que les étages 1 et 2 n'ont plus été exploités à partir de l'année 2006, année de la fermeture du centre commercial … détenu par le propriétaire de l'époque ;
Considérant que les travaux d'investissements réalisés en 2018 auxquels la réclamante fait référence à l'appui de sa réclamation comme étant de moindre ampleur s'élèvent tout de même sur base du bilan commercial, à la somme de … euros ; que comparativement au prix d'achat total du bien immobilier, incluant le terrain, de … d'euros, un tel montant mis en compte pour des travaux d'aménagement d'un seul étage reflète objectivement un état de vétusté particulièrement avancé ;
8 Considérant qu'il ressort de ce qui précède que le taux de vétusté appliqué par l'expert, ne reflétant pas les problèmes structurels objectivement applicables, n'est pas représentatif de la vétusté réelle de la construction ; que sur base tant du rapport B que de l'avis technique réalisé par le cabinet d'ingénieurs-conseils …, ce taux peut être raisonnablement fixé à 80%, un tel taux n'étant en rien incompatible avec l'exploitation existante du rez-de-chaussée au moment de l'achat de la construction ;
Considérant que ce taux de vétusté est à appliquer au prix réévalué de … euros tel que fixé précédemment, soit une valeur réelle de la construction à retenir de … euros et partant, une valeur d'achat de la construction par la société Y à prendre en compte pour les besoins de l'imposition de (…/1000e) … euros, soit 36,85% du prix d'achat ;
Considérant à titre superfétatoire qu'il ressort de ce qui précède que le terrain est ainsi évalué par différence à … euros, soit un prix par are de … euros, c'est-à-dire conforme aux prix du marché des terrains dans la région … au cours de l'année 2015 ;
Considérant que par application de l'article 28 L.I.R., la construction pour un montant de … euros ainsi que la part des droits d'enregistrement y afférents d'un montant de (… x 36,85%) … euros sont à amortir au taux de 4%; qu'il en ressort un amortissement annuel de … euros ; que la société Y ayant comptabilisé un amortissement de … euros au cours de l'année 2016, la partie excessive, d'un montant de … euros, n'est pas déductible ;
Considérant finalement qu'à titre de comparaison, et par application des dispositions de l'article 102, alinéa 6 L.I.R. et plus particulièrement des coefficients de réévaluation y prévus, le prix à neuf de la construction, réévalué par multiplication avec le coefficient correspondant, s'élève à … euros, le détail du calcul relatif à ce montant étant repris en annexe 1b de la présente décision, soit une valeur même inférieure à celle établie par application de l’indice du coût de la construction ;
En ce qui concerne le résultat de l’année 2016 de la réclamante Considérant que le résultat de l'année 2016 de la réclamante, société intégrante, doit être redressé en conséquence de ce qui précède ;
Considérant que les redressements de l'impôt sur le revenu des collectivités et de la base d'assiette de l'impôt commercial communal de l'année 2016 de la réclamante font l'objet de l'annexe 2 qui fait partie intégrante de la présente décision ;
Considérant que pour le surplus, les impositions sont conformes à la loi et aux faits de la cause et ne sont d'ailleurs pas autrement contestées ; (…) ».
Suite à la décision directoriale précitée, le bureau d’imposition émit en date du 19 janvier 2022 un bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités rectifié, ainsi qu’un bulletin rectifié de l’impôt de l’impôt commercial pour l’année d’imposition 2016, à l’égard de la société X. Les deux bulletins indiquèrent différer de la déclaration de l’impôt sur les points suivants : « Imposition suivant décision directoriale du 9 décembre 2021 ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 7 mars 2022, la société X a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la prédite décision du directeur du 9 décembre 2021.
I.
Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours Conformément aux dispositions combinées du § 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO » et de l’article 8, paragraphe (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation contre un bulletin de l’impôt.
Il s’ensuit que le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit à l’encontre de la décision directoriale du 9 décembre 2021, lequel est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.
Dès lors, il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
II.
Quant au bien-fondé du recours Moyens et arguments des parties A l’appui de son recours et en fait, la société X explique être la société mère intégrante au sens de l’article 164bis de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l'impôt sur le revenu, en abrégé « LIR », d'un ensemble de filiales formant un groupe de sociétés. Ledit groupe comprendrait notamment la société anonyme Y, désignée ci-après par « la société Y », constituée le 2 juillet 2015, laquelle aurait été intégrée le 1er janvier 2016 dans le groupe de sociétés. Par acte de vente passé par devant notaire le 22 juillet 2015, donc préalablement à l’intégration précitée, la société Y aurait acquis un immeuble à usage commercial sis … à …, comprenant trois étages ainsi qu'un sous-sol et ayant servi jusqu'en 2006 de centre commercial pour la chaîne …, au prix de … euros auquel se seraient ajoutés … euros de frais d'acte, de sorte que le prix total aurait été de … euros.
A défaut, de ventilation du prix d'acquisition de l'immeuble entre le terrain, composé de deux parcelles, et de la construction dans l'acte notarié de vente relatif à l’immeuble acquis à …, la société demanderesse explique avoir mandaté le 7 août 2015, le bureau d'expertise B, expert en bâtiment assermenté, pour réaliser une expertise de l'immeuble, afin de déterminer la valeur à attribuer au terrain ainsi que celle à attribuer aux constructions. Le 3 février 2016, le bureau d’expertise aurait rendu son rapport, désigné ci-après par « le rapport d’expertise ».
Parallèlement, une expertise aurait été réalisée sur la structure du bâtiment par le bureau d’études …, lequel aurait dressé son avis en date du 30 novembre 2015, désigné ci-après par « l’avis ». Ledit avis aurait détaillé la structure générale du bâtiment, son état, et mis notamment en évidence un défaut de fabrication au niveau des dalles des premier et deuxième étages avec pour conséquence le fait que les planchers ne seraient pas structurellement stables au feu. Ledit avis aurait ainsi mis en exergue un élément technique spécifique sans pour autant intervenir dans le cadre de l'évaluation globale de l'immeuble.
Le rapport d’expertise aurait opéré une évaluation séparée du bâtiment et du terrain et il aurait retenu une valeur réelle de la construction de … euros, TVA comprise, ainsi qu’une valeur réelle des deux parcelles de terrain de … euros respectivement … euros.
Le rapport d’expertise aurait donc, en appliquant un rapport de …/1000, conclu à une valeur réelle totale de l'immeuble acquis, de … euros répartie comme suit :
-
Constructions : … euros (i.e. 80,42% de la valeur globale) ;
-
Terrain : … euros (i.e. 19,58% de la valeur globale).
Afin de ventiler le prix d’acquisition dans ses comptes annuels entre le prix de la construction et celui du terrain, la société demanderesse explique que sa filiale, la société Y, aurait repris le ratio établi par le rapport d’expertise de 80,42:19,58, de sorte que le prix aurait été ventilé comme suit :
-
Constructions : … euros (i.e. 80,42% du prix d'acquisition) ;
-
Terrain : … euros (i.e. 19,58% du prix d'acquisition).
La société demanderesse explique que concernant l’imposition de l’année 2015, le bureau d’imposition aurait d’ores et déjà refusé d’accepter la ventilation du prix d’acquisition effectuée par la société Y. Faute de cote d’impôt positive fixée par les bulletins d’imposition concernant l’année d’imposition 2015, la société Y n’aurait toutefois pas pu déposer de réclamation à l’encontre desdits bulletins.
La société demanderesse explique que suite à l’intégration dans le groupe de sociétés de sa filiale, la société Y, par elle-même en tant que société intégrante, elle aurait introduit une réclamation auprès du directeur concernant l’année d’imposition 2016 et plus particulièrement le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2016 et le bulletin de l’impôt commercial de l’année 2016. Le directeur aurait partiellement réformé lesdits bulletins en retenant une ventilation entre le prix d’acquisition de la construction et le prix d’acquisition du terrain divergeant de celle retenue par le bureau d’imposition. Le directeur aurait ainsi adopté un raisonnement différent de celui du bureau d’imposition en évaluant la valeur réelle de la construction à … euros, sur base de l'indice réévalué des prix de la construction en 2015 par opposition au prix de la construction initiale en 1977 et de sa rénovation en 1988, tout en appliquant un taux global de vétusté des constructions à 80%. A partir de la valeur de la construction qui aurait représenté 36,85% du prix d'acquisition, le directeur aurait déterminé le prix du terrain par soustraction dudit montant du prix d'achat global, de sorte à aboutir à un montant de … euros (i.e. 63,15% du prix d'achat). Selon la société demanderesse, ledit prix d’achat retenu pour le terrain correspondrait à un prix par are de … euros. Le Directeur aurait ensuite estimé les frais d'acte amortissables à 36,85% de leur montant, de sorte à arriver à un amortissement global annuel au taux de 4% de … euros.
La société demanderesse précise expressément qu’elle ne contesterait pas le taux d'amortissement de 4% mais uniquement la base dudit amortissement.
En droit elle fonde son argumentation en ordre principal sur la charge de la preuve et plus particulièrement sur l’article 59 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, désignée ci-après par « la loi du 21 juin 1999 », selon lequel la preuve des faits déclenchant l'obligation fiscale appartient à l'administration, tandis que la preuve des faits libérant de l'obligation fiscale ou réduisant la cote d'impôt appartient au contribuable.
Elle soutient à cet égard de son côté avoir bien justifié la répartition du prix d’acquisition de l’immeuble entre la valeur de la construction et la valeur du terrain, moyennantle rapport d’expertise. Elle reproche, en revanche, au directeur de ne pas avoir rapporté suffisamment d’éléments tangibles pour mettre en question son raisonnement, de sorte que le directeur aurait failli à son obligation de preuve, de sorte que sa décision devrait être réformée.
La société demanderesse reproche plus particulièrement au directeur d’avoir fixé le taux de vétusté de la construction litigieuse à 80% en remettant ainsi en question les conclusions d’un expert assermenté sans motiver cette fixation du taux à 80% par un quelconque élément concret. Elle reproche encore au directeur d’avoir arbitrairement retenu une valeur « réelle » du terrain égale à … euros, ce qui équivaudrait à un prix de … euros par are, alors que le rapport d’expertise aurait conclu à une valeur de … euros par are. Il aurait donc appartenu au directeur de rapporter des éléments concrets pour justifier la valeur plus élevée que celle retenue par le rapport d’expertise, ce que le directeur serait cependant resté en défaut de faire.
A titre subsidiaire, la société demanderesse conteste la base amortissable retenue par le directeur en reprochant au directeur, d’une part, d’avoir retenu un prix par are trop élevé pour le terrain faisant parti de l’immeuble acheté par la société Y et, d’autre part, d’avoir utilisé une méthodologie critiquable pour opérer la ventilation du prix d’acquisition de l’immeuble entre le prix de la construction et le prix de terrain.
Elle reproche ainsi, d’une part, au directeur d’avoir retenu un prix de … euros par are pour le terrain faisant parti de l’immeuble en question, alors même que le prix par are du terrain de bâtir à … pour l’année 2015 se situerait selon les données statistiques de ministère du Logement - Observatoire de l’Habitat, entre … et … euros, sans que ce montant statistique ne prenne en compte les particularités de l’espèce, à savoir que les terrains se situent en zone inondable, qu’ils sont occupés par une construction et qu’ils doivent faire l'objet d'une décontamination. Les données statistiques ne différencieraient pas non plus entre les terrains à vocation d'habitation et ceux à vocation commerciale, de sorte qu’il y aurait lieu de faire entrer ces considérations dans l’évaluation du prix du terrain et que le prix retenu par le directeur serait partant « totalement déraisonnable ».
Quant au reproche d’avoir fait usage d’une mauvaise méthodologie pour opérer la ventilation du prix de l’immeuble entre le prix du terrain et le prix de la construction, la société demanderesse se réfère, d’une part, aux précisions du « Blue Book ou European Valuation Standards » émis par l’organisation The European Group of Valuers’ Association, désigné ci-
après par le « Blue Book », lesquelles établiraient deux méthodes de fixation du ratio de ventilation, à savoir, premièrement, déduire du prix d'acquisition la valeur du terrain pour arriver à la base amortissable, ou, deuxièmement, déduire le coût de remplacement des constructions du prix d'acquisition pour arriver à la valeur du terrain.
D’autre part, la société demanderesse renvoie à la circulaire du directeur L.I.R. n° 106/2 du 7 février 2000, désignée ci-après par « la circulaire 106/2 du 7 février 2000 », laquelle, même si elle ne serait pas applicable en l’espèce, puisqu’elle ne concernerait que les immeubles ne faisant pas partie d’un actif net investi, apporterait néanmoins certaines précisions. Ainsi, le premier article indiquerait notamment que la base de l’amortissement pour usure des immeubles et parties d’immeubles bâtis acquis à titre onéreux serait fixée entre autres au prix d’acquisition ou de revient, diminué de la quote-part relative au terrain, pour les immeubles acquis après le 31.12.1940. Dès lors, la méthodologie indiquée par ladite circulaire appliquerait la première méthode explicitée par le Blue Book à savoir que le ratio de ventilation soit principalement déterminé selon la valeur du terrain et non par celle des constructions.
Le deuxième article de ladite circulaire fixerait en outre un ratio de base que le contribuable serait en droit de suivre s’il le souhaiterait et selon lequel il serait permis, sauf situation spéciale, d’évaluer la quote-part du terrain à vingt pour-cent du prix d’acquisition global. Appliquée au cas d’espèce, cette méthode aboutirait à un prix d’acquisition du terrain qui correspondrait à … euros. La société demanderesse fait valoir qu’il serait surprenant que le droit fiscal luxembourgeois prévoit plusieurs modes de calcul de la base amortissable d'un immeuble selon qu'il fasse partie ou non d'un actif net investi, de sorte que les dispositions de la circulaire devraient être considérées comme des lignes directrices, non impératives, qui permettraient de pallier, sans contrainte, au silence du droit dans une situation schématiquement comparable.
Enfin, la société demanderesse renvoie à une circulaire du directeur L.I.R. n° 23/4 du 5 janvier 2022 en relation avec le traitement fiscal des démolitions de bâtiments faisant partie de l'actif net investi d'une entreprise commerciale.
Face aux contestations du délégué du gouvernement, la société demanderesse insiste dans le cadre de son mémoire en réplique sur le fait que les méthodes d’évaluation utilisées par l’administration fiscale, aussi bien au niveau de la division contentieuse que du bureau d’imposition, seraient faites en violation des principes d’évaluation du marché des immeubles.
Elles se baseraient, ainsi, toutes sur le prix de la construction afin de déterminer la ventilation entre construction et terrain alors que les recommandations reprises dans le Blue Book mais également dans les circulaires du directeur lui-même, consisteraient, au contraire, à évaluer le terrain, sinon, la construction et le terrain.
Dans le cadre de son mémoire en réplique, la société demanderesse explique encore que si le directeur avait appliqué dans le cadre de la décision déférée une méthodologie de marché, à savoir, selon la société demanderesse la méthodologie du Blue Book ou encore celle retenue par les circulaires précitées du directeur lui-même, les résultats obtenus auraient été très proches de ceux du rapport d’expertise.
La société demanderesse insiste encore dans sa réplique sur le fait que l’avis aurait bien été pris en compte par l’expert lors de l’élaboration du rapport d’expertise. Ainsi, l’avis, qui serait un avis purement technique n’aurait pas d’impact sur le taux de vétusté générale de la construction tel que fixé par le rapport d’expertise puisqu’il concernerait un élément technique spécifique relatif à la structure de l’immeuble au même titre que d’autres rapports élaborés sur d’autres points spécifiques, telle que l’étude des sols réalisée par la société à responsabilité limitée Q.
Enfin, dans le cadre de sa réplique, la société demanderesse rappelle qu’au prix neuf des constructions aurait été soustrait un pourcentage fixé à 70% conformément à la conclusion du rapport d’expertise, mais aussi au rapport de deux autres professionnels de l’immobilier afin de refléter la vétusté du bâtiment. Ce pourcentage aurait déjà tenu compte des importants travaux d’entretien et de rénovation à effectuer en vue de rendre la construction conforme aux standards et besoins actuels. Le taux de 80% fixé de manière arbitraire par le directeur ne tiendrait pas compte du fait que le rez-de-chaussée aurait été, même avant les travaux, tout à fait exploitable et que la diminution de valeur du bâtiment aurait dû être mise en exergue avec la notoriété acquise par ledit bâtiment suite à l'exploitation du magasin ….
Le délégué du gouvernement conteste l’argumentation de la société demanderesse et conclut au rejet du recours.
S’agissant de prime abord de la question de la charge de la preuve, le délégué du gouvernement se réfère à son tour à l’article 59 de la loi du 21 juin 1999, pour affirmer qu’il appartiendrait en l’espèce à la partie adverse de rapporter les preuves du bien-fondé de ses demandes visant à réduire la cote d'impôt. Selon le délégué du gouvernement le rapport d’expertise sur lequel se fonde la société demanderesse serait justement insuffisant pour satisfaire aux exigences de la charge de la preuve qui lui incomberaient, notamment en raison du caractère tout à fait générique et théorique du rapport d’expertise lequel ferait abstraction des prix réels de la construction réalisée et se limiterait à se baser sur une grille standardisée qui viserait plusieurs types de constructions différentes sans distinction et qui ferait abstraction des circonstances de l'espèce.
Le § 217 AO prévoirait le procédé de taxation, lorsque les bases d'imposition ne peuvent pas être déterminées autrement. En l'espèce, le directeur aurait procédé à une estimation objective et traçable de la valeur de la construction sur base de l'indice des prix de la construction publié par l’Institut national de la statistique et des études économiques du Grand-
Duché de Luxembourg, désigné ci-après par « le Statec », étant donné que les bases d'impositions, en l'espèce la valeur de la construction, n’auraient pas été déterminables. Il aurait donc appartenu à la société demanderesse d’apporter la preuve d’un écart significatif injustifié entre l’estimation de l’administration et celle effectuée par elle-même, ce qu’elle serait restée en défaut de faire.
Concernant ensuite concrètement l’évaluation du prix de l’immeuble litigieux ainsi que de la ventilation du prix entre celui de la construction et celui du terrain, le délégué du gouvernement argumente que le rapport d’expertise à la base du raisonnement de la société demanderesse aurait évalué le prix historique à neuf de la construction par référence à un tableau intitulé « Gebäudeschätzung », figurant dans un ouvrage des sieurs …, …, …, et …, lequel ne serait toutefois pas annexé au rapport, de sorte que les chiffres indiqués par la société demanderesse ne pourraient pas être vérifiés en toute objectivité. De surplus, un ouvrage qui daterait des années 1970 et qui n’aurait pas été mis à jour ne pourrait pas servir de référentiel fiable et objectif pour procéder actuellement à une estimation.
Concrètement, le délégué du gouvernement fait valoir qu’il ressortirait des informations du dossier fiscal que le prix de la construction serait connu, de sorte à se substituer à l'évaluation utilisée par l'expert. Ainsi, la construction litigieuse aurait été érigée en 1974 pour un montant total de … francs luxembourgeois, ce qui correspondrait à un montant de … euros. La construction aurait ensuite été rénovée en 1988 pour un montant total de … francs luxembourgeois, ce qui correspondrait à un montant de … euros. Sur base de l'indice des prix à la construction de l'année 1974 (…) ainsi que de l'année 1988 (…), le prix réévalué en 2015 (indice …) de la construction s'élèverait donc en réalité à (… + …) … euros.
Contrairement au rapport d’expertise, la décision litigieuse, se fonderait donc exclusivement sur des chiffres objectifs, fiables et propres à la construction qui s'agit d'évaluer.
Le délégué du gouvernement argumente encore que le prix du terrain ne serait pas non plus disproportionné par rapport à la valeur de la construction retenue par le directeur puisqu'il s'agirait, d'une part, de prendre en compte la localisation du terrain et de l’immeuble en question et, d'autre part, les circonstances propres à l’acquisition de l'ancien magasin … .
Selon le délégué du gouvernement, le prix du terrain de l’espèce se justifierait par la valeur stratégique de l'emplacement et le caractère historique attaché au commerce qui serait d'un intérêt exceptionnel pour les acquéreurs du terrain étant donné que ces derniers détiendraient la plus grande chaîne de supermarchés luxembourgeoise, ce qui justifierait le paiement d'un prix plus élevé pour le terrain en question par rapport à la construction.
Le délégué du gouvernement fait encore valoir que la référence adverse à une autre méthodologie reprise au « Blue Book » sinon dans les circulaires du directeur, lesquelles ne seraient d’ailleurs même pas applicables, ne serait pas autrement développée par rapport au cas d'espèce et resterait tout à fait théorique.
En ce qui concerne le coefficient de vétusté de la construction, le rapport d’expertise se limiterait, toujours selon le délégué du gouvernement, à retenir une vétusté de la construction de l'ordre de 70% en précisant comme seule explication que l'immeuble se trouverait dans un mauvais état d'entretien général et que de très importants travaux d’entretien et de rénovation seraient à réaliser afin qu'il corresponde aux standards et besoins actuels, sans fournir une indication précise des éléments l'ayant amené à fixer ce taux ni estimer la durée de vie restante de la construction litigieuse. Le délégué du gouvernement fait toutefois valoir que l’avis, réalisé par un cabinet d'ingénieurs-conseils, aurait retenu que la construction présenterait de graves problèmes structurels, sans que le rapport d’expertise y fasse référence. Si l’expert avait pris en compte les problèmes relatifs à la structure de la construction, le taux de vétusté estimé aurait nécessairement été aggravé.
Selon le délégué du gouvernement, il n’aurait pas été nécessaire d’avoir recours à un cabinet d'ingénieurs spécialisés dans l'analyse de la structure du bâtiment si ce point avait effectivement d'ores-et-déjà été analysé par le rapport d’expertise, tel que l’affirme la société demanderesse.
Or, l'objet des deux rapports serait effectivement tout à fait différent puisque le rapport d’expertise tend à procéder à une évaluation de la valeur de la construction tandis que l’avis serait de nature technique et viserait à déterminer entre autre la stabilité du bâtiment par le biais de sondages ciblés notamment dans les colonnes et dans la dalles du bâtiment. Le délégué du gouvernement souligne encore qu'aucune rénovation de la construction litigieuse n’aurait été effectuée depuis l'année 1988 et que les premier et deuxième étages n’auraient plus été exploités à partir de l'année 2006.
Le délégué du gouvernement conclut que le taux de vétusté de la construction devrait être fixé à 80% et non point à 70% tel que retenu par le rapport d’expertise.
Appréciation du tribunal Le tribunal constate que la genèse du désaccord entre les parties en cause se situe dans le fait qu’en 2015, la société Y, laquelle est par la suite devenue une filiale intégrée de la société demanderesse à travers une intégration dans le groupe de sociétés, a, de façon non contestée, acquis un immeuble composé d’un terrain et d’une construction au prix total de … euros, auxquels s’ajoutent … euros de frais d’acte, sans que ce prix d’acquisition n’ait été ventilé entre le prix d’acquisition du terrain et le prix d’acquisition de la construction. Afin de pouvoir procéder à l’amortissement de la valeur de la construction dans ses comptes annuels, la société demanderesse a chargé un expert de procéder à la détermination de ladite valeur.
Le litige qui divise actuellement les parties porte sur la question de la valeur à attribuer à la construction par rapport à la valeur du terrain en vue de la détermination de la base amortissable dans la comptabilité de la société demanderesse, la fixation du taux d’amortissement à 4% n’étant pas litigieuse. Le directeur a retenu pour la construction une quote-part de 36,85 % du prix total de l’immeuble, tandis que la société demanderesse préconise une quote-part de 80,42% du prix d’acquisition de l’immeuble comme prix d’acquisition de la construction.
S’agissant de manière générale des principes d’évaluation, l’article 22, paragraphe (3), LIR dispose que : « L’évaluation doit se faire distinctement pour chaque bien qui, à la fin de l’exercice d’exploitation, fait partie de l’actif net investi ; toutefois, quand il s’agit de biens semblables quant à l’espèce et à la valeur ou de biens de moindre importance, l’évaluation peut avoir lieu en bloc ». Cet article énonce ainsi le principe général de l’évaluation individuelle des biens de l’actif investi, tel qu’il se trouve également consacré en matière comptable par l’article 51, alinéa (1), point e), de la loi modifiée du 19 décembre 2002 concernant le registre de commerce et des sociétés ainsi que la comptabilité et les comptes annuels des entreprises, ci-après la « loi du 19 décembre 2002 »1.
L’article 23 LIR dispose dans ses paragraphes (2) et (3) comme suit :
« (2) Les immobilisations amortissables sont à évaluer au prix d’acquisition ou de revient diminué des amortissements calculés d’après les articles 29 à 34. (…) (3) Les biens autres que ceux visés à l’alinéa qui précède (le sol, les participations, les biens irréalisables et du disponible) sont à évaluer au prix d’acquisition ou de revient. (…) ».
Cette disposition distingue ainsi, parmi les biens de l’actif immobilisé, entre ceux qui sont amortissables pour usure ou pour diminution de substance selon les distinctions précisées par l’article 28 LIR et ceux qui ne sont pas amortissables et qui doivent de ce fait être évalués à leur prix d’acquisition ou de revient, sauf l’hypothèse d’une évaluation à la valeur d’exploitation inférieure.
Alors que l’article 23, paragraphe (3), LIR vise lui-même les terrains comme étant des biens de l’actif immobilisé non amortissables2, il est admis que les immeubles sont à qualifier d’immobilisations susceptibles d’amortissement pour usure du fait qu’ils « se déprécient par l’effet du temps ou de leur utilisation », conformément à l’article 28, paragraphes (1) et (2), LIR.
Il découle de ces dispositions qu’un terrain et la construction érigée dessus doivent être considérés comme des biens distincts de l’actif immobilisé auxquels une valeur propre doit être attribuée. Celle-ci doit être initialement fixée, au vœu des paragraphes (2) et (3) de l’article 23 LIR, au prix d’acquisition ou de revient pour les deux biens. Cependant, par la suite, la construction se trouve soumis à un amortissement systématique de son prix d’acquisition ou de revient sur sa durée d’utilisation, tandis que la valeur du terrain ne subit une variation que si sa valeur d’exploitation devient inférieure au prix d’acquisition.
1 Article 51 (1) de la loi du 19 décembre 2002 : « Pour l’évaluation des postes figurant dans les comptes annuels il est fait application des principes généraux suivants: (…) e) les éléments des postes de l’actif et du passif doivent être évalués séparément. (…) ».
2 Projet de loi concernant l’impôt sur le revenu, doc. parl. 5714, commentaire des articles, ad art. 34, p. 166Il s’ensuit qu’en cas d’acquisition d’un terrain construit pour un prix d’acquisition global, sans que les parties à la mutation aient distingué des quotes-parts du prix correspondant respectivement au terrain et à l’immeuble, une telle ventilation doit être opérée par le contribuable acquéreur ex post pour les besoins de la comptabilisation et de l’imposition afin d’éliminer le prix d’acquisition du terrain de la base d’amortissement. Dans le cadre de sa vérification de la déclaration fiscale du contribuable et de la détermination exacte de ses bases imposables, le bureau d'imposition et corrélativement le directeur est en droit de contrôler si la ventilation effectuée correspond le plus possible à la réalité du marché immobilier.
En l’espèce, le directeur s’est fondé sur le § 217 AO afin de diminuer la quote-part de la construction à 36,85% du prix d’acquisition de l’immeuble sis à …, par rapport aux 80,42% retenus par la société demanderesse.
Le § 217 AO dispose comme suit :
« (1) Soweit das Finanzamt die Besteuerungsgrundlagen (einschließlich solcher Besteuerungsgrundlagen, die für eine gesonderte Feststellung nicht vorgeschrieben ist) nicht ermitteln oder berechnen kann, hat es sie zu schätzen. Dabei sind alle Umstände zu berücksichtigen, die für die Schätzung von Bedeutung sind.
(2) Zu schätzen ist insbesondere dann, wenn der Steuerpflichtige über seine Angaben keine ausreichenden Aufklärungen zu geben vermag oder weitere Auskunft oder eine Versicherung an Eides Statt verweigert. Das gleiche gilt, wenn der Steuerpflichtige Bücher oder Aufzeichnungen, die er nach den Steuergesetzen zu führen hat, nicht vorlegen kann oder wenn die Bücher oder Aufzeichnungen unvollständig oder formell oder sachlich unrichtig sind ».
La taxation des bases d’imposition prévue par le § 217 AO constitue le moyen qui doit permettre aux instances d’imposition, lorsqu’elles ne disposent pas d’éléments factuels suffisants pour une détermination précise des bases d’imposition soit suite à une faute du contribuable, soit en cas d’impossibilité sans faute du contribuable, après avoir épuisé toutes les possibilités d’investigation, d’arriver néanmoins à la fixation de l’impôt. La taxation des bases d’imposition ne constitue partant pas un mécanisme de sanction mais un procédé de détermination des bases d'imposition qui est appliqué même à l'égard des contribuables soigneux et diligents et partant un moyen pour arriver en tout cas à une imposition afin de respecter tant le principe de légalité de l’impôt que celui de l’égalité devant les charges publiques afin d’amener tout contribuable à payer les impôts légalement dus3. Ainsi, en principe, l’estimation consiste « à déterminer et à utiliser une valeur probable et (ou) approximative, lorsque la détermination de la valeur réelle et exacte n’est pas possible »4. Ce procédé doit ainsi aboutir à la fixation de bases d’imposition qui s’approchent le plus possible des bases d’imposition réelles.
Le § 217, alinéa (2), AO autorise ainsi la taxation des revenus en particulier (« insbesondere ») si le contribuable ne peut pas fournir d’explications suffisantes à l’appui de ses déclarations ou si le contribuable devant effectuer une comptabilité ne peut pas présenter sa comptabilité ou si cette dernière est incomplète respectivement formellement ou matériellement incorrecte.
3 Cour adm., 29 octobre 2009, n° 25700C, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 983 et les autres références y citées.
4 Jean OLINGER, La Procédure contentieuse en matière d’impôts directs, Etudes fiscales nos 81 à 85, novembre 1989, page 117, n° 190 L’administration peut ainsi recourir à une taxation lorsqu’elle estime qu’un élément de la situation factuelle donnant lieu à des bases d’imposition telle que déclarée par le contribuable ne correspond pas à la réalité du marché et redresser les bases d’imposition afin de les rapprocher dans la mesure du possible à une situation factuelle conforme à la réalité du marché.
En l’espèce, tant le bureau d’imposition que le directeur ont notamment estimé que la valeur de la construction, telle que déclarée par la société demanderesse, ne correspondrait pas à la réalité du marché. Pour arriver à cette conclusion, le directeur, ayant réformé le bureau d’imposition, a retenu que la société demanderesse avait fait référence au tableau « Gebäudeschätzung » figurant dans un ouvrage des sieurs « …, …, … et … », afin de déterminer le prix historique à neuf de la construction, alors même que le prix de la construction ressortirait du dossier fiscal. Ainsi la construction aurait été érigée en 1974 pour le montant de … LUF, de sorte que ce prix devrait se substituer à toute évaluation, laquelle s’avérerait superflue. Le directeur s’est encore fondé sur l’avis émis par le bureau d’ingénieurs-conseils pour affirmer que le rapport d’expertise n’en aurait pas suffisamment tenu compte pour déterminer le taux de vétusté de la construction.
Le recours par le directeur à la taxation sur base du § 217 AO afin de redresser le prix de la construction et corolairement la ventilation entre les prix d’acquisition de la construction et du terrain en cause n’est partant pas critiquable en son principe.
Cependant, si l’administration recourt dans une telle hypothèse à la taxation en défaveur, elle doit se prévaloir d’éléments concrets et pertinents de nature à démontrer que les bases d’imposition fixées à travers les redressements effectués se rapprochent effectivement davantage des bases réelles que celles mises en avant par le contribuable5.
En l’espèce, la société demanderesse reproche au directeur, d’une part, d’avoir appliqué une méthode inappropriée pour opérer la ventilation du prix d’acquisition de l’immeuble entre le prix du terrain et le prix de la construction et, d’autre part, de ne pas avoir avancé suffisamment d’éléments concrets pour mettre en question la valeur de la construction qu’elle a elle-même indiquée, notamment en appliquant un taux de vétusté trop élevé au prix de la construction.
Concernant, d’abord, plus particulièrement la question de la détermination du prix d’acquisition de la construction, le délégué du gouvernement fait à juste titre valoir que la société demanderesse s’est fondée exclusivement sur le rapport d’expertise, lequel a évalué la valeur réelle de la construction litigieuse par référence « au tableau Gebäudeschätzung » des sieurs « …, …, … et … », sans que l’ouvrage ni le tableau en question n’a été soumis au directeur, sinon du moins au tribunal au cours de la procédure contentieuse. C’est encore à juste titre que le directeur a retenu que le prix de la construction était déjà connu. Il ressort en effet du dossier administratif et plus particulièrement du document intitulé « Anlageverzeichnis per 31.01.93 » de la société anonyme … que le prix d’acquisition - « Anschaffungswert » - au 15 septembre 1974 de la construction sise à … était de … LUF.
A défaut par la société demanderesse, d’une part, d’avoir versé en cause le tableau intitulé « Gebäudeschätzung », ainsi que l’ouvrage dont il est extrait, et, d’autre part, d’avoir expliqué la démarche du rapport d’expertise, basée exclusivement sur ledit tableau intitulé 5 Cour adm. 3 août 2022, n° 43221C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 213. « Gebäudeschätzung », sans avoir pris en compte le prix de construction réel en 1974 ni expliqué les raisons de cette omission, le tribunal est amené à conclure que le directeur a avancé suffisamment d’éléments concrets permettant de démontrer que la base du prix de construction, telle qu’il l’a retenue, s’approche davantage de la base réelle que celle retenue par la société demanderesse.
La société demanderesse n’a pas non plus remis en question la prise en compte par le directeur du prix de travaux de rénovation de la construction en 1988 ainsi que la réévaluation du prix de la construction sur base de l’indice des prix à la construction des années 1974 et 1988, de sorte que la décision déférée du directeur est à confirmer en ce qu’elle a retenu un prix de la construction initial de … LUF en 1974, réévalué à l’année 2015 à un montant de … euros.
S’agissant ensuite de la question de la prise en compte de la vétusté de la construction litigieuse, le tribunal constate à titre liminaire qu’il n’est pas contesté de part et d’autre que la construction est vétuste. Les parties en cause sont toutefois en désaccord sur le degré de la vétusté de la construction. Tandis que la société demanderesse se réfère de nouveau au rapport d’expertise pour conclure à une vétusté de la construction de l’ordre de 70%, le directeur estime que ce taux pouvait raisonnablement être fixé à 80%.
A cet égard, le tribunal constate de prime abord que la société demanderesse n’a pas fixé le taux de vétusté de la construction de manière arbitraire à 70%, mais qu’elle a mandaté un bureau d’expertise afin d’opérer la ventilation du prix de l’immeuble entre celui du terrain et celui de la construction, étant relevé que la détermination du prix de la construction impliquait nécessairement la détermination du taux de vétusté de l’immeuble. Le rapport d’expertise ainsi élaboré a retenu que l’« immeuble se trouve dans un mauvais état d’entretien général et de très importants travaux d’entretien et de rénovation seraient à réaliser afin qu’il corresponde aux standards et besoins actuels ». S’il est vrai, tel que l’affirment tant le directeur que le délégué du gouvernement, que le rapport d’expertise ne fournit pas davantage de précision sur l’état de vétusté de l’immeuble et qu’il ne se réfère pas explicitement à l’avis du bureau d’ingénieurs – conseils, il n’en demeure pas moins, d’une part, qu’il a été dressé par un expert assermenté, professionnel de la postulation et, d’autre part qu’il a retenu un degré de vétusté non négligeable de l’immeuble de 70%, correspondant à approximativement deux-tiers de l’immeuble. A cet égard, il ressort en substance de l’avis du bureau d’ingénieurs-conseils ainsi que des explications des parties en cause, lesquelles convergent sur ce point, que la construction en question est composée de trois étages dont deux ne sont pas utilisables, de sorte que le taux de vétusté de la construction de 70%, soit, approximativement deux tiers de l’immeuble, tel que retenu par le rapport d’expertise, correspond dès lors bien la vétusté réelle de l’immeuble.
Si la détermination du taux de vétusté de la construction opérée par la société demanderesse repose donc sur un élément concret à savoir le rapport dressé par un expert assermenté, la partie étatique, de son côté, se limite à avancer de manière purement affirmative que le taux de vétusté appliqué par l’expert ne reflèterait « pas les problèmes structurels objectivement applicables », sans fournir un quelconque document ni élément concret, tel que par exemple un autre rapport d’expertise, permettant d’étayer son affirmation, sinon de mettre en question le rapport circonstancié d’un professionnel du secteur, et plus concrètement, sans établir que le taux de vétusté de 70% retenu par l’expert ne correspondrait pas à la vétusté réelle de l’immeuble, mais qu’un taux supérieur de 10%, soit 80% y correspondrait.
Il suit des considérations qui précèdent que le directeur n’a pas satisfait à l’exigence de preuve découlant du § 217 AO étant à sa charge et lui imposant de démontrer que les bases d’imposition fixées à travers les redressements effectués se rapprochent effectivement davantage des bases réelles que celles mises en avant par le contribuable. Dès lors, la décision du directeur encourt la réformation dans la mesure où un taux de vétusté de 70% est à appliquer à la valeur de la construction au lieu du taux de 80% retenu par le directeur, et que partant la valeur réelle de la construction à retenir est de … euros (70% de …) et non point de … euros.
S’agissant ensuite des contestations de la société demanderesse relative à la ventilation du prix d’acquisition de l’immeuble opérée par le directeur entre le prix du terrain et le prix de la construction, il convient de prime abord de constater que ces constatations reposent sur la prémisse erronée d’une absence de connaissance d’un prix d’acquisition de l’immeuble litigieux ayant conduit la société demanderesse à avoir recours à un expert pour ce faire, lequel a procédé à une ventilation entre le prix de terrain et le prix de la construction après avoir déterminé un prix global de l’ensemble du terrain et de la construction, alors même qu’un prix d’acquisition de l’immeuble seul était disponible, tel que retenu ci-avant. Dès lors, la question pertinente en l’espèce n’est pas celle de la ventilation du prix entre le prix de la construction et celui du terrain, mais se résume à celle de l’évaluation de la valeur de la construction. En effet, l’immeuble sis à …, composé d’un terrain et d’une construction a été acquis pour un prix d’acquisition global ne distinguant pas entre le prix de la construction et celui du terrain. Tel que le tribunal vient de le préciser, l’article 22, paragraphe (3) LIR impose une évaluation distincte pour chaque bien. Il y a dès lors lieu, en l’espèce, d’évaluer la construction afin que sa valeur puisse ensuite servir de base de calcul pour l’amortissement que la société demanderesse veut faire valoir. Cette évaluation de la valeur de la construction doit, d’une part, se faire distinctement de celle de la valeur du terrain en application de l’article 22, paragraphe (3) LIR, afin d’éviter notamment que la prise en compte de la valeur du terrain dans la détermination de la valeur de la construction puisse influer sur la valeur de la construction finalement retenue, ce qui semble pourtant justement être le cas de la méthodologie employée par l’expert. En effet, le pourcentage de 80,42% attribué à la construction y est calculé par rapport à une valeur globale de … euros, montant qui inclut une « valeur réelle » des parcelles de … euros et … euros, de sorte que la base amortissable aboutit a priori à y inclure indirectement la valeur des terrains ce qui contrevient à l’article 22, paragraphe (3) LIR.
D’autre part, la détermination de la valeur de la construction est à opérer conformément à l’article 23, paragraphe (2) LIR aux termes duquel : « Les immobilisations amortissables sont à évaluer au prix d’acquisition ou de revient diminué des amortissements calculés d’après les articles 29 à 34. (…) ». L’article 25, paragraphe (1) définit le prix d’acquisition d’un bien comme : « Le prix d’acquisition d’un bien est l’ensemble des dépenses assumées par l’exploitant pour le mettre dans son état au moment de l’évaluation. », tandis que l’article 26, paragraphe 1er LIR précise que « le prix de revient d’un bien comprend toutes les dépenses assumées par l’exploitant en raison de la fabrication du bien envisagé ».
En prenant en compte, tel que le tribunal vient de le constater, le prix de construction réel de la construction en 1974, pour y intégrer le prix des travaux de rénovation de la construction en 1988 et, en réévaluant ensuite le prix de la construction sur base de l’indice des prix à la construction des années 1974 et 1988, tout en en déduisant finalement un taux de vétusté de la construction, le directeur a évalué le prix de la construction à partir de son prix d’acquisition et de manière distincte du prix du terrain, en application des articles 22, paragraphe (3), 23, paragraphe (2), 25, paragraphe (1) et 26, paragraphe (1) LIR, pour arrêter le montant de … euros, de sorte que, contrairement aux affirmations de la sociétédemanderesse, la méthode du directeur de détermination du prix de la construction destinée à servir de base amortissable, ne saurait encourir aucun reproche et que la décision déférée est à confirmer sur ce point.
Les considérations qui précèdent ne sont pas énervées par l’argumentation de la société demanderesse fondée sur le Blue Book ainsi que la circulaire 106/2 du 7 février 2000.
Ainsi, le Blue Book constitue un document dépourvu de toute valeur normative et de tout effet juridique de sorte qu’aucune illégalité de la décision directoriale ne saurait être retenue sur ce fondement.
De même, la circulaire 106/2 du 7 février 2000, entretemps remplacée une première fois par la circulaire 106/2 du 30 mai 2022, puis, de nouveau, par la circulaire 106/2 du 4 avril 2024, n’a pas de caractère légal et est dépourvue de tout effet normatif, de sorte qu’elle ne saurait être invoquée pour contester la légalité d’une décision du directeur6. Par ailleurs, et indépendamment de cette considération, force est de constater qu’en tout état de cause, la circulaire en question ne vise que les immeubles ne faisant pas parti d’un actif net investi, situation différente de celle du cas d’espèce, de sorte à ne pas pouvoir trouver application en l’espèce. Enfin, et, même si la Cour administrative a admis dans un arrêt du 3 août 2022, inscrit sous le numéro 46221C, qu’en pratique la ventilation forfaitaire du prix préconisé par la circulaire en question pour des immeubles ne relevant pas de l’actif net investi, était appliquée de manière plus ou moins généralisée également dans le cadre des catégories de bénéfices, en raison de son mérite de simplification, une telle ventilation forfaitaire ne saurait être appliquée en l’espèce, étant donné qu’elle risquerait d’aboutir à un résultat ne correspondant pas à la réalité économique en raison de l’état et de la situation de la construction respectivement du terrain en cause.
L’argumentation de la société demanderesse fondée sur le Blue Book ainsi que sur la circulaire 106/2 du 7 février 2000 est donc à rejeter pour ne pas être fondée.
Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, la décision déférée du directeur encourt la réformation dans la seule mesure où un taux de vétusté de 70% est à appliquer à la valeur de la construction au lieu du taux de 80% et que partant la valeur réelle de la construction à retenir est de … euros. Pour le surplus, le recours est à rejeter pour ne pas être fondé.
III.
Quant à la demande en allocation d’une indemnité de procédure Au vu de l’issu du litige, la demande en obtention d’une indemnité de procédure d’un montant de 20.000 euros telle que sollicitée par la société demanderesse sur base de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999 est à rejeter, la demanderesse ayant en effet succombée dans la majorité de ses contestations et que par ailleurs, et que par ailleurs, la demande omet de spécifier la nature des sommes exposées non comprises dans les dépens.
Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
6 Cour adm. 25 février 2016, n° 36612C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 921 au fond, le déclare partiellement fondé, partant, réforme la décision du directeur du 9 décembre 2021 dans la seule mesure où un taux de vétusté de 70% est à appliquer à la valeur de la construction, de sorte que la valeur réelle de la construction à retenir est de … euros ;
renvoie le dossier en prosécution de cause au directeur ;
pour le surplus, rejette le recours en réformation pour être non fondé ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
rejette la demande en paiement d’une indemnité de procédure formulée par la société demanderesse ;
fait masse des frais et dépens et les impose pour moitié à la société demanderesse et pour moitié à la partie étatique ;
Ainsi jugé par :
Françoise EBERHARD, premier vice-président, Michel THAI, juge, Nicolas GRIEHSER SCHWERZSTEIN, juge, et lu à l’audience publique du 25 septembre 2024 par le premier vice-président Françoise EBERHARD en présence du greffier Lejila ADROVIC.
s.Lejila ADROVIC s.Françoise EBERHARD Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 25 septembre 2024 Le greffier du tribunal administratif 22