Tribunal administratif N° 48054 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:48054 2e chambre Inscrit le 17 octobre 2022 Audience publique du 26 septembre 2024 Recours formé par Monsieur (A), …, contre une décision du ministre des Classes moyennes en matière d’autorisation d’établissement
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 48054 du rôle et déposée le 17 octobre 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Marie Bauler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Classes moyennes du 2 septembre 2022 portant révocation des autorisations d’établissement portant les numéros …, … et … délivrées à la société à responsabilité limitée (AA) SARL ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 janvier 2023 ;
Vu le mémoire en réplique de Maître Jean-Marie Bauler déposé au greffe du tribunal administratif le 10 février 2023 pour compte de Monsieur (A), préqualifié ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 mars 2023 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jonathan Holler, en remplacement de Maître Jean-Marie Bauler, et Monsieur le délégué du gouvernement Luc Reding en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 juin 2024.
Par courrier du 19 août 2022, le ministre des Classes moyennes ci-après dénommé « le ministre », informa la société à responsabilité limitée (AA) SARL, désignée ci-après par « la société (AA) », qu’il envisageait de révoquer ses autorisations d’établissement. Ledit courrier fut libellé dans les termes suivants :
« […] Je reviens par la présente à votre autorisation sous rubrique et plus particulièrement au jugement du 9 février 2021 No du dossier: ….
Cette condamnation constitue d'office un manquement qui affecte l'honorabilité professionnelle de votre dirigeant social, Monsieur (A), conformément à l'article 6-4 de la loi modifiée d'établissement du 2 septembre 2011.
1 Dès lors, j'ai l'intention de procéder à la révocation de toutes les autorisations reposant sur le nom de votre dirigeant social.
Par conséquent et conformément aux dispositions du règlement du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'État et des Communes, vous disposez d'un délai de 8 jours à partir de la réception de la présente pour présenter d'éventuelles observations ou demander à être entendu en personne. […] ».
Par courrier recommandé avec accusé de réception de son litismanadaire du 24 août 2022, la société (AA) prit position quant au courrier ministériel précité du 19 août 2022 et demanda à être entendue par l’intermédiaire de son dirigeant social.
Un entretien entre des représentants du ministère des Classes moyennes ainsi que le gérant de la société (AA), à savoir Monsieur (A), et le litismandataire de ladite société eut lieu le 30 août 2022 au ministère des Classes moyennes.
Par décision du 2 septembre 2022, le ministre révoqua les autorisations d’établissement délivrées les 14 février 2019 et 22 décembre 2020 à la société (AA) et reposant sur le nom de Monsieur (A). La décision du ministre fut libellée comme suit :
« […] Je considère que l'honorabilité professionnelle de Monsieur (A) est compromise suite à l'arrêt du 9 février 2021 prononcé par la Cour d'appel et aux condamnations renseignées sur son casier judiciaire du 10 mai 2022, conformément aux dispositions des articles 6 (3) et 6 (4) de la loi modifiée du 2 septembre 2011 réglementant l'accès aux professions d'artisan, de commerçant, d'industriel ainsi qu'à certaines professions libérales.
Par conséquent, je révoque par la présente les autorisations nos …, … et … délivrées les 14 février 2019 et 22 décembre 2020, conformément aux dispositions des 6 et 28 de la loi précitée du 2 septembre 2011.
J'invite par ailleurs votre mandant à remettre les autorisations en question sous quinzaine à mes services. […] ».
Par requête déposée le 17 octobre 2022 au greffe du tribunal administratif, inscrite sous le numéro 48054 du rôle, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 2 septembre 2022. Par requête séparée déposée le même jour, inscrite sous le numéro 48055 du rôle, il sollicita encore le sursis à exécution de ladite décision en attendant la solution de son recours au fond, demande dont il a été débouté par ordonnance présidentielle du 28 octobre 2022.
Dans la mesure où ni la loi modifiée du 2 septembre 2011 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel, ainsi qu’à certaines professions libérales, ci-après désignée par « la loi du 2 septembre 2011 », ni aucune autre disposition légale n’instaurent un recours au fond en la présente matière, seul un recours en annulation a valablement pu être introduit à l’encontre de la décision ministérielle déférée, de sorte que le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation. Il est, par contre, compétent pour connaître du recours subsidiaire en annulation qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Avant tout autre progrès en cause, s’agissant de la demande en communication du dossier administratif, telle que formulée par le demandeur au dispositif de son recours sur le fondement de l’article 8, paragraphe (5) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », le tribunal constate que la partie étatique a déposé, ensemble avec son mémoire en réponse, une farde de pièces correspondant a priori au dossier administratif. A défaut pour le demandeur de remettre en question le caractère complet du dossier mis à sa disposition à travers ledit mémoire en réponse, la demande en communication du dossier administratif est à rejeter comme étant sans objet.
A l’appui de son recours et en fait le demandeur explique avoir été condamné par un arrêt de la chambre criminelle du 9 février 2021, référencé sous le numéro …, pour avoir commis les infractions prévues aux articles 379, point 1°, 383, 384 et 385-2 du Code pénal et avoir été interdit à vie de l’exercice d’une activité professionnelle, bénévole ou sociale impliquant un contact habituel avec des mineurs.
Il continue en avançant que par le biais de trois courriers séparés du 19 août 2022, le ministre l’aurait informé de son intention, d’une part, de refuser de lui délivrer une autorisation d’établissement pour la société à responsabilité limitée (BB) SARL et, d’autre part, de révoquer toutes les autorisations d’établissement reposant sur son nom, dont celles relatives à la société (AA).
Le demandeur déclare encore avoir pris position par courrier du 24 août 2022 par rapport auxdits courriers du ministre et avoir demandé à être entendu en personne par celui-ci.
En réponse à une demande afférente de sa part, le ministre lui aurait confirmé par courrier du 29 août 2022 qu’un entretien aurait lieu le 30 août 2022 au ministère de l’Economie « en présence de Monsieur le conseiller (B) (ministère de l'Economie), ainsi que des Messieurs les attachés (C) et (D) (Direction générale des Classes moyennes) ». Par courrier du 30 août 2022, le litismandataire du demandeur aurait rendu le ministre attentif au fait que la présence d’un organisme collégial, composé de trois personnes, ne correspondrait ni à la lettre, ni à l’esprit du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, désigné ci-après par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ». Le même jour, il aurait été entendu en personne par un « organisme collégial / consultatif » au ministère de l’Economie, en présence de son litismandataire.
Le demandeur explique que par la suite, par courrier du 31 août 2022, son litismandataire aurait signalé au ministre qu’il aurait été procédé à une substitution de motifs légaux en cours de procédure précontentieuse, alors que les courriers du 19 août 2022 l’informant de l’intention du ministre de révoquer ses autorisations d’établissement n’auraient indiqué comme base légale que le seul article 6, paragraphe (4) de la loi du 2 septembre 2011, tandis que « l’organisme collégial / consultatif » aurait soulevé, en plus de l’article 6, paragraphe (4), également l’article 6, paragraphe (3) de ladite loi en tant que base légale de l’intention de révoquer les autorisations d’établissement. Par le biais de la décision déférée du 2 septembre 2022, le ministre aurait finalement révoqué les trois autorisations d’établissement délivrées à son nom dans le chef de la société (AA).
En droit, le demandeur conclut à l’annulation de la décision ministérielle litigieuse en soulevant des causes d’illégalité externe et interne qui l’affecteraient.
1. Quant à la légalité externe de la décision déférée 1.1. Quant à la violation alléguée de l’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 Arguments des parties A l’appui de ce moyen, le demandeur explique avoir été entendu en date du 30 août 2022 par trois agents du ministère de l’Economie, respectivement de la direction générale des Classes moyennes, qui seraient à considérer « de facto et de jure » comme un jury et à requalifier en un « organisme consultatif collégial » au sens de l’article 4 du règlement grand-
ducal du 8 juin 1979. De ce fait, il estime que non seulement ledit organisme aurait dû émettre un avis motivé énonçant les éléments de fait et de droit sur lesquels il se base et ayant dû être annexé à la décision ministérielle litigieuse, mais, qui plus est, l’avis en question, « s’il avait été pris », aurait dû indiquer « la composition de l’organisme, les noms des membres ayant assisté à la délibération et le nombre de voix exprimées en faveur de l’avis exprimé ».
Dans son mémoire en réplique, le demandeur maintient, en substance, ses développements antérieurs, en insistant sur le fait qu’il serait « manifestement contraire à l’esprit de la PANC d’en déduire que l’administration serait libre de siéger selon la forme d’un jury dont on doit supposer que le seul but est l’intimider » et qu’à chaque fois que l’autorité administrative déléguait à plusieurs personnes, « pour des raisons bien comprises d’organisation », son obligation d’entendre la personne dont elle se propose de révoquer ou de modifier d’office pour l’avenir une décision, elle entrerait de facto dans le champ d’application de l’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet de ce moyen pour ne pas être fondé.
Analyse du tribunal Aux termes de l’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 « Les avis des organismes consultatifs pris préalablement à une décision doivent être motivés et énoncer les éléments de fait et de droit sur lesquels ils se basent.
Lorsqu’il s’agit d’un organisme collégial, l’avis doit indiquer la composition de l’organisme, les noms des membres ayant assisté à la délibération et le nombre de voix exprimées en faveur de l’avis exprimé. Les avis séparés éventuels doivent être annexés, sans qu’ils puissent indiquer les noms de leurs auteurs. ».
L’article 4, précité, du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 a trait aux « avis des organismes consultatifs pris préalablement à une décision » et vise les cas prévus par la loi dans lesquels une décision administrative ne peut intervenir qu’après l’avis donné par un organisme indépendant, l’instruction par un organe impartial constituant une garantie pour l’administré contre l’arbitraire du pouvoir.
Force est de constater que l’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 n’est pas applicable en l’espèce alors que l’entretien dont se prévaut le demandeur est intervenu sur base de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 qui impose notamment à l’autorité qui se propose de révoquer ou de modifier d’office pour l’avenir une décision ayant créé ou reconnu des droits à une partie « [d’]informer de son intention la partie concernée en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l’amènent à agir » et que ladite autorité doit entendre la personne concernée en personne lorsqu’elle en fait la demande dans les délais impartis.
En effet, il y a lieu de constater que la société (AA) a été informée par courrier du 19 août 2022 de l’intention du ministre de révoquer toutes les autorisations d’établissement reposant sur son dirigeant social, Monsieur (A), ledit courrier ayant expressément indiqué que, « conformément aux dispositions du règlement du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des Communes, [ladite société] dispos[ait] d’un délai de 8 jours à partir de la réception de la présente pour présenter d’éventuelles observations ou demander à être entendu en personne », suite à quoi c’est sur initiative de Monsieur (A), qui en a fait la demande, au sens de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, que s’est tenu l’entretien du 30 août 2022 au ministère de l’Economie. Le seul fait que non pas un seul agent du ministère de l’Economie mais trois agents ministériels aient assisté à l’entretien et aient entendu le demandeur en ses explications ne saurait énerver cette conclusion, étant donné notamment que l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ne fait qu’imposer que l’administré doit pouvoir être entendu en ses explications, sans pour autant imposer des formalités ou modalités particulières pour un tel entretien. Il s’ensuit que la question du nombre d’agents ministériels ayant assisté audit entretien n’est a priori pas pertinente dans le contexte de l’application dudit article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, étant encore relevé que les personnes présentes lors dudit entretien appartenaient toutes à la direction générale des Classes moyennes auprès du ministère de l’Economie ou bien audit ministère, de sorte à devoir être considérées comme ayant toutes représenté le ministre.
L’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 n’étant pas applicable en l’espèce, le moyen afférent est dès lors à rejeter pour ne pas être fondé.
1.2. Quant à la violation alléguée de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 Arguments des parties A l’appui de ce moyen, le demandeur fait valoir, d’une part, que l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 prévoirait la possibilité pour l’administré d’être entendu « « en personne » par l’autorité qui se propose de révoquer ou abroger une décision ayant reconnu des droits à la partie concernée ». Or, la composition d’un organisme collégial sans mandat, ni délégation de compétence expresse de la part de l’autorité compétente ne serait pas compatible avec les garanties prévues par le règlement grand-ducal du 8 juin 1979.
Concrètement, il ne ressortirait en l’espèce pas de « la décision litigieuse » que le fonctionnaire l’ayant signée aurait effectivement reçu une délégation de pouvoir et de signature.
D’autre part, l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 imposerait que l’autorité informe de son intention la partie concernée en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l’amènent à agir, ce qui supposerait, conformément « aux principes de collaboration loyale et du contradictoire », que ladite autorité ne modifie pas, en cours de procédure, les éléments de fait et de droit qui l’amènent à envisager la décision. En l’espèce, toutefois, le ministre aurait basé son courrier informant le demandeur de son intention de révoquer les autorisations d’établissement en cause exclusivement sur l’article 6, paragraphe (4) de la loi du 2 septembre 2011, tandis que, lors de l’entrevue du 30 août 2022, l’« organisme collégial / consultatif » se serait en plus fondé sur l’article 6, paragraphe (3) de ladite loi et la décision du ministre aurait finalement été basée tant sur l’article 6, paragraphe (4) que sur l’article 6, paragraphe (3) de ladite loi.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur reprend, en substance, ses développements antérieurs en insistant sur le fait qu’en l’espèce, alors même que l’autorité compétente pour entendre l’administré au sens de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 serait le ministre, l’entrevue en question se serait tenue en l’absence de celui-ci. Il s’ensuivrait que les fonctionnaires présents auraient dû disposer de délégations de pouvoir lesquelles n’auraient cependant pas été communiquées au demandeur et ce en violation des règles de la transparence administrative et des droits de la défense. Si la partie étatique avait versé à l’appui de son mémoire en réponse « les copies des délégations de signatures des personnes qui ont assisté à l’entrevue et qui ont signé des documents dans le cadre de la procédure de révocation », il n’en resterait pas moins qu’il ne faudrait pas perdre de vue qu’il y aurait une grande différence entre la « délégation de pouvoir » ou « de compétence » et la « délégation de signature ». Or, le demandeur est d’avis que dans le cadre de l’entrevue prévue à l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 « il ne s’agi[rait] nullement d’une signature qui est déléguée par le ministre, mais bien d’une compétence que le législateur a confié à la seule « autorité qui se propose de révoquer ou de modifier d’office pour l’avenir une décision » ».
Il réitère ensuite qu’en l’espèce, l’autorité ministérielle aurait violé les garanties de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 en omettant de l’informer des éléments de fait et de droit l’amenant à agir.
Il ajoute que le ministre aurait fondé la décision litigieuse sur deux bases légales manifestement inconciliables.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet de ce moyen pour ne pas être fondé.
Analyse du tribunal En vertu de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 « Sauf s’il y a péril en la demeure, l'autorité qui se propose de révoquer ou de modifier d'office pour l'avenir une décision ayant créé ou reconnu des droits à une partie, ou qui se propose de prendre une décision en dehors d'une initiative de la partie concernée, doit informer de son intention la partie concernée en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l'amènent à agir.
Cette communication se fait par lettre recommandée. Un délai d'au moins huit jours doit être accordé à la partie concernée pour présenter ses observations.
Lorsque la partie concernée le demande endéans le délai imparti, elle doit être entendue en personne.
L'obligation d'informer la partie concernée n'existe que pour autant que l'autorité compétente est à même de connaître son adresse. Les notifications sont valablement faites à l'adresse indiquée par la partie ou résultant de déclarations officielles. ».
L’article 9 précité du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 a pour objet d’instaurer une procédure contradictoire destinée à protéger les droits de la défense de l’administré, lorsque l’administration se propose de prendre, d’une part, des décisions de révocation ou de modification d’office pour l’avenir de décisions qui ont créé ou reconnu des droits et, d’autre part, des décisions en dehors d’une initiative de la partie concernée, c’est-à-dire sans avoir été saisie d’une demande préalable de l’administré concerné.
Comme ledit article ne prévoit aucune formalité particulière à l’entretien mené sur demande de l’administré concerné ni ne prévoit plus particulièrement une quelconque disposition relative aux conditions ou aux modalités d’une délégation de pouvoir ou de compétence de la part de l’autorité administrative, les reproches tablant sur un défaut « de délégation de pouvoir/compétence » par l’autorité ministérielle dans le chef des fonctionnaires ayant assisté à l’entrevue du 30 août 2022 sont à rejeter pour manquer de fondement.
Le même sort est à réserver aux reproches tenant à une prétendue violation du principe du contradictoire en ce qu’ils tablent sur le fait que le courrier à travers lequel le ministre a informé le demandeur de son intention de révoquer les autorisations d’établissement en cause n’indiquait qu’une seule base légale, à savoir l’article 6, paragraphe (4) de la loi du 2 septembre 2011 tandis que lors de l’entretien au sein du ministère, l’article 6, paragraphe (3) de la même loi aurait été ajouté comme base légale de la décision envisagée. En effet, comme il se dégage d’une jurisprudence désormais constante de la Cour administrative que l’administration peut utilement produire ou compléter les motifs postérieurement à la décision prise et même pour la première fois au cours de la phase contentieuse, il doit être implicitement mais nécessairement admis qu’a fortiori l’administration peut également compléter les motifs sur lesquels elle envisage de fonder sa décision au fur et à mesure de la procédure d’élaboration de la décision en question.
A cela s’ajoute que les formalités procédurales inscrites à l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, si elles ont certes trait aux droits de la défense, ne constituent pas pour autant une fin en soi, mais consacrent des garanties visant à ménager à l’administré concerné une possibilité de prendre utilement position par rapport à la décision projetée, de sorte que dans l’hypothèse où il est établi que cette finalité est atteinte, la question du respect de toutes les étapes procédurales préalables prévues afin de permettre d’atteindre cette finalité devient sans objet1.
Or, en l’espèce, le demandeur reste en défaut d’établir de quelle manière ses droits de la défense auraient été concrètement violés du fait que lors de l’entrevue du 30 août 2022 une seconde base légale avait été ajoutée à la décision envisagée, ce d’autant plus que les éléments de fait ayant amené le ministre à agir, à savoir le fait que l’honorabilité professionnelle de Monsieur (A) devrait être considérée comme étant compromise suite à la condamnation pénale dont il a fait l’objet, sont restés inchangés. A cela s’ajoute qu’outre le fait que le demandeur a été assisté lors de l’entrevue en question par son litismandataire, rien ne l’aurait empêché, à l’issue de ladite entrevue et s’il en avait ressenti le besoin, de demander à pouvoir ultérieurement transmettre une prise de position à ce sujet au ministre, ce qu’il n’a pas fait.
Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, le moyen du demandeur fondé sur une violation de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, ensemble les reproches tenant à un défaut de « délégation de pouvoir/compétence » et à une violation du principe du contradictoire sont à rejeter pour manquer de fondement.
1 Trib. adm., 18 mars 2002, n° 12086, conf. Cour adm., 8 octobre 2002, n° 14845C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure administrative non contentieuse, n°127 et les autres références y citées.
1.3. Quant à la violation alléguée de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 Arguments des parties A l’appui de ce moyen, le demandeur reproche à nouveau à l’autorité ministérielle d’avoir ajouté une base légale au cours de la procédure précontentieuse et d’avoir ainsi procédé à un changement de motivation et ce, en violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979.
Il ajoute que le ministre se serait, par ailleurs, contenté de citer les bases légales de sa décision sans pour autant les appliquer aux faits reprochés. Il n’expliquerait ainsi plus particulièrement pas dans quelle mesure sa condamnation pénale, qui ne serait manifestement pas liée à sa profession, violerait les dispositions des paragraphes (3) et (4) de l’article 6 de la loi du 2 septembre 2011.
Le demandeur considère encore que l’invocation conjointe des articles 6, paragraphe (3) et 6, paragraphe (4) de la loi du 2 septembre 2011 en tant que bases légales de la décision de révocation des autorisations d’établissement en cause serait contradictoire et imprécise au point de prêter à confusion. Comme l’article 6, paragraphe (3) de ladite loi poserait ainsi le principe tandis que les dispositions de l’article 6, paragraphe (4) de la même loi ne s’appliqueraient que par dérogation à l’article 6, paragraphe (3), les deux dispositions ne pourraient pas être appliquées conjointement.
Enfin, le demandeur reproche à la décision déférée de ne pas préciser dans quelle mesure la condamnation pénale prononcée à son égard serait en relation avec l’activité qu’il exerce, alors même que l’article 6, paragraphe (4) de la loi du 2 septembre 2011 indiquerait que l’honorabilité professionnelle du dirigeant ne serait d’office affectée que lorsqu’une condamnation définitive, grave ou répétée en relation avec l’activité exercée serait retenue.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur maintient en substance ses développements antérieurs en insistant sur le fait que la violation de la disposition réglementaire en cause résulterait en l’espèce d’une particulière imprécision des motifs tant légaux que factuels à la base de la décision déférée. Il relève encore que la jurisprudence dont se prévaut la partie étatique et suivant laquelle il serait possible à l’administration de compléter les motifs à la base de ses décisions postérieurement et même pour la première fois devant le juge administratif serait fortement critiquée en doctrine. Il insiste enfin sur le fait que, d’une part, la simple citation de l’article qui a servi de base légale à la décision litigieuse ainsi qu’une vague référence « à l’arrêt / au casier judiciaire » ne sauraient remplir les exigences prévues par l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 et que, d’autre part, il ne faudrait pas perdre de vue qu’il n’existerait aucun lien entre sa condamnation pénale et l’activité exercée par lui étant donné que la société (AA) serait une agence immobilière.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet de ce moyen pour manquer de fondement.
Analyse du tribunal L’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 dispose comme suit : « Toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux.
La décision doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et de circonstances de fait à sa base, lorsqu’elle :
- refuse de faire droit à la demande de l’intéressé ;
- révoque ou modifie une décision antérieure, sauf si elle intervient à la demande de l’intéressé et qu’elle y fait droit ;
- intervient sur recours gracieux, hiérarchique ou de tutelle ;
- intervient après procédure consultative, lorsqu’elle diffère de l’avis émis par l’organisme consultatif ou lorsqu’elle accorde une dérogation à une règle générale.
[…] ».
Il convient tout d’abord de relever que dans la mesure où ladite disposition réglementaire s’applique à la décision administrative elle-même et non pas à la phase d’élaboration de la décision, le moyen tiré du fait qu’une motivation juridique supplémentaire aurait été ajoutée au cours de la procédure d’élaboration de la décision ministérielle litigieuse est à écarter pour manquer de fondement dans le contexte de l’article 6 précité.
Ensuite, en ce qui concerne la décision ministérielle déférée, si celle-ci tombe certes dans le champ d’application de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 pour avoir révoqué une décision antérieure sans être intervenue à la demande de l’intéressé, il convient toutefois de rappeler que ladite disposition n’impose cependant pas une motivation exhaustive et précise, mais uniquement une motivation sommaire. De plus, il a été jugé qu’une insuffisance dans l’indication des motifs n’est pas de nature à aboutir à l’annulation de l’acte si la motivation sur laquelle repose l’acte est précisée au plus tard au cours de la procédure contentieuse pour permettre à l’administré d’y prendre position et à la juridiction administrative d’exercer son contrôle2.
En l’espèce, le tribunal constate que dans la décision déférée, le ministre a indiqué les dispositions légales à sa base, à savoir les articles 6, paragraphe (3) et 6, paragraphe (4) de la loi du 2 septembre 2011, tout en ayant expliqué que l’honorabilité du demandeur serait compromise en raison de la condamnation de ce dernier par l’arrêt de la Cour d’appel du 9 février 2021, de sorte à comporter du moins sommairement la cause juridique sur laquelle elle se fonde ainsi que les circonstances de fait à sa base.
Par ailleurs, la motivation a encore été précisée dans le cadre du mémoire en réponse du délégué du gouvernement qui a, en effet, insisté sur le fait que l’honorabilité professionnelle de Monsieur (A) aurait été mise en doute par « les faits et comportements [de celui-ci] par référence aux infractions et faits retenus par l’arrêt de la Cour d’appel du 9 février 2021 et des condamnations renseignées sur son casier judiciaire », étant encore rappelé, dans ce contexte, qu’il est de jurisprudence constante que l’administration peut utilement produire ou compléter les motifs postérieurement à la décision prise et même pour la première fois au cours de la phase contentieuse3.
2 Trib. adm., 26 avril 2004, n° 17153 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 90 (2e volet) et les autres références y citées.
3 Cour adm., 20 décembre 2007, n° 22976C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 95 et les autres références y citées.
Au vu de ces considérations, le tribunal est amené à retenir qu’il a été satisfait aux exigences de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, dans la mesure où l’autorité étatique a fourni tant les éléments factuels que juridiques à la base de la décision déférée, de sorte que le moyen afférent encourt le rejet pour manquer de fondement.
Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argumentation du demandeur relative, d’une part, à l’absence d’explications suffisantes de la violation des articles 6, paragraphe (3) et 6, paragraphe (4) de la loi du 2 septembre 2011, tout comme du lien entre la condamnation pénale et l’activité exercée par lui, et, d’autre part, à l’existence d’une motivation ministérielle contradictoire, ladite argumentation ne visant pas un défaut d’indication de motifs d’un point de vue formel, mais le bien-fondé de la motivation. En tant que telle, elle fera l’objet d’une analyse ci-après dans le cadre du fond du litige.
2. Quant à la légalité interne de la décision déférée 2.1. Quant à la violation alléguée de l’article 10bis de la Constitution dans sa version applicable en l’espèce Arguments des parties A l’appui de ce moyen, le demandeur fait valoir qu’en l’espèce, les paragraphes (3) et (4) de l’article 6 de la loi du 2 septembre 2011 créeraient une disparité de traitement entre les gérants de petites entreprises et ceux de grandes entreprises lorsqu’ils se voient retirer leurs autorisations d’établissement en raison de leur prétendu manque d’honorabilité. Ainsi, il affirme qu’il serait plus facile pour les gérants de grandes entreprises de réorganiser celles-ci afin qu’un membre du conseil d’administration prenne la relève en tant que gérant. Les gérants de petites entreprises rencontreraient, quant à eux, de sérieuses difficultés liées à l’organisation, voire à la survie de leur entreprise. Or, une telle différence de traitement serait manifestement injustifiée et disproportionnée dans la mesure où la rédaction de l’article 6, paragraphe (3) de la loi du 2 septembre 2011 entraînerait des conséquences dévastatrices pour les entreprises de petite taille et non pour celles de grande taille. Il propose, dans ce contexte, de poser une question préjudicielle en ce sens à la Cour constitutionnelle.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur insiste sur le fait que le moyen sous analyse relèverait « de la pure logique alors qu’aucune étude scientifique [ne serait] nécessaire pour savoir qu’une grande entreprise, disposant d’un conseil d’administration, n’a[urait] point de difficultés à remplacer le gérant, alors qu’une petite entreprise, constituée d’un seul ou de deux associés (tel qu’en l’espèce), se verra[it] confronté à de réelles difficultés tenant à son existence même. ».
La partie étatique conclut, quant à elle, au rejet de ce moyen pour ne pas être fondé.
Analyse du tribunal Concernant le moyen fondé sur une violation du principe d’égalité de traitement, il échet de relever que le principe constitutionnel de l’égalité devant la loi, tel que consacré par l’article 10bis dans la version de la Constitution en vigueur au moment de la prise de la décision litigieuse, suivant lequel tous les Luxembourgeois sont égaux devant la loi, applicable à tout individu touché par la loi luxembourgeoise si les droits de la personnalité, et par extension, si les droits extrapatrimoniaux sont concernés, ne s’entend pas dans un sens absolu, mais requiert que tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit soient traités de la même façon.
Le principe d’égalité de traitement est compris comme interdisant le traitement de manière différente de situations similaires, à moins que la différenciation ne soit objectivement justifiée.
Il appartient par conséquent aux pouvoirs publics, tant au niveau national qu’au niveau communal, de traiter de la même façon tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit. Par ailleurs, lesdits pouvoirs publics peuvent, sans violer le principe de l’égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents, à condition que les différences instituées procèdent de disparités objectives, qu’elles soient rationnellement justifiées, adéquates et proportionnées à leur but4.
Le tribunal précise encore que qu’au vœu de l’article 6 de la loi modifiée du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle, la connaissance des questions de constitutionnalité des normes législatives appartient en principe exclusivement à la Cour constitutionnelle et ce n’est que si une des exceptions prévues au deuxième alinéa de l’article 6 est vérifiée, qu’une juridiction, judiciaire ou administrative, devant laquelle une question relative à la conformité d’une loi à la Constitution est soulevée, peut se dispenser de saisir la Cour constitutionnelle. Les trois exceptions ainsi prévues sont les suivantes : a) la juridiction saisie estime qu’une décision sur la question soulevée n’est pas nécessaire pour rendre son jugement ; b) la question de constitutionnalité est dénuée de tout fondement ; ou c) la Cour constitutionnelle a déjà statué sur une question ayant le même objet.
Le tribunal se doit de relever que si le demandeur invoque une violation par l’article 6, paragraphes (3) et (4) de la loi du 2 septembre 2011 de l’article 10bis de la Constitution, le moyen en question est fondé sur l’affirmation péremptoire que lesdites dispositions légales viendraient créer une inégalité de traitement entre les gérants de petites entreprises, tel que ce serait son cas, et ceux de grandes entreprises lorsque ceux-ci se voient retirer leurs autorisations d’établissement pour manque d’honorabilité professionnelle. Le demandeur reste toutefois en défaut d’expliquer dans quelle mesure les dispositions légales en question, lesquelles se contentent, pour ce qui est du paragraphe (3), de conférer au ministre un pouvoir discrétionnaire dans le cadre de l’appréciation de la condition d’honorabilité professionnelle qui est à respecter par tout dirigeant d’une entreprise concernée - quelle qu’en soit la taille - afin de garantir notamment l’intégrité de la profession, et, pour ce qui est du paragraphe (4), de définir un certain nombre de manquements qui affectent d’office l’honorabilité professionnelle du dirigeant, sont de nature à entraîner per se une différence de traitement contraire à l’article 10bis de la Constitution. Dans la mesure où le demandeur critique en réalité les « conséquences dévastatrices pour les entreprises de petite taille » et non pour celles de grande taille, qui sont susceptibles de découler de l’application concrète, par l’autorité ministérielle, des dispositions légales en question, la question de constitutionnalité de l’article 6, paragraphes (3) et (4) de la loi du 2 septembre 2011 par rapport à l’article 10bis de la Constitution, telle que soulevée, est à rejeter pour être dénuée de fondement. Comme le demandeur reste pour le surplus en défaut d’établir que des gérants d’entreprise se trouvant dans une situation identique ou similaire à la sienne auraient été traités de manière différente dans le cadre de l’application, par l’autorité 4 Trib. adm., 6 décembre 2000, n°10019 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Lois et règlements, n° 9 (2e volet) et les autres références y citées.
ministérielle, des dispositions légales en cause, le tribunal ne saurait pas non plus déceler de ce point de vue une violation du principe d’égalité devant la loi.
Au vu des considérations qui précèdent, le moyen sous analyse encourt le rejet.
2.2. Quant au moyen tenant à une violation du principe général de sécurité juridique Arguments des parties A l’appui de ce moyen, le demandeur fait valoir que l’article 6, paragraphe (3) de la loi du 2 septembre 2011, en ce qu’il permettrait au ministre de refuser ou de retirer des autorisations d’établissement à partir du moment où il considère « de manière arbitraire et à sa guise » qu’un certain comportement ou manquement reproché à un « entrepreneur/dirigeant de société » affecte gravement son intégrité professionnelle au point de ne plus pouvoir tolérer qu’il exerce ou continue à exercer son activité commerciale, permettrait à l’autorité ministérielle de prendre des décisions « totalement arbitraires en la matière » et violerait de ce fait le principe de sécurité juridique. En effet, les « entrepreneurs/dirigeants de sociétés » ne seraient pas en mesure de connaître les comportements ou agissements exacts qu’il s’agirait d’éviter.
La partie étatique conclut, quant à elle, au rejet de ce moyen en relevant plus particulièrement que, de son entendement, le demandeur formulerait une simple critique au texte de loi tel qu’il existe, critique qui n’appellerait de sa part pas d’autres commentaires.
Analyse du tribunal En ce qui concerne le principe général de sécurité juridique, le tribunal précise que celui-ci s’oppose à ce que l’administration opère brusquement des revirements de comportement revenant sur les promesses faites aux administrés, autrement dit, le principe de confiance légitime implique que l’administré est en droit d’exiger de l’autorité administrative qu’elle ne se départisse pas brusquement d’une attitude qu’elle a suivie dans le passé5.
Un administré ne peut prétendre au respect d’un droit acquis que si, au-delà de ses expectatives, justifiées ou non, l’autorité administrative a créé à son profit une situation administrative acquise et a réellement reconnu ou créé un droit subjectif dans son chef. Ce n’est qu’à cette condition que peut naître dans le chef d’un administré la confiance légitime que l’administration respectera la situation par elle créée, les deux notions de droits acquis et de légitime confiance étant voisines6.
Le tribunal se doit, à cet égard, de rejoindre la partie étatique dans son constat que le demandeur ne fait en réalité que critiquer la rédaction de la disposition légale en cause sans formuler une quelconque argumentation en droit intelligible à l’encontre de la décision litigieuse. De ce fait, et dans la mesure où, d’un côté, l’article 28 de la loi du 2 septembre 2011 permet expressément au ministre de révoquer l’autorisation d’établissement pour les motifs qui en auraient justifié le refus et que, de l’autre côté, le demandeur n’allègue plus particulièrement 5 Trib. adm., 22 juin 2016, n° 36604 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Lois et Règlements, n° 63 (2e volet) et les autres références y citées.
6 Trib. adm. 25 janvier 2010, n° 25548 du rôle, confirmé sur ce point par Cour adm., 18 mai 2010, n° 26683C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Lois et Règlements, n° 61 (6e volet) et les autres références y citées.
pas qu’en appliquant l’article 6, paragraphe (3) de la loi du 2 septembre 2011, le ministre se serait départi, en ce qui le concerne, brusquement d’une attitude qu’il avait suivie par le passé, le moyen sous analyse est à rejeter pour manquer de fondement, étant encore relevé que la question du bien-fondé des motifs invoqués à la base de la décision ministérielle actuellement litigieuse sera analysée ci-après.
2.3. Quant au moyen tenant à une violation de la loi, sinon à un excès de pouvoir et à une violation du principe de proportionnalité Arguments des parties A l’appui de ce moyen pris en ses différentes branches, le demandeur reproche au ministre d’avoir omis d’établir un lien entre sa condamnation pénale et son activité professionnelle, contrairement à ce qu’exigerait l’article 6, paragraphe (4) de la loi du 2 septembre 2011. Il estime que cette interprétation de la loi constituerait de facto et de jure une violation de celle-ci, sinon un excès de pouvoir, sinon une violation manifeste du principe de proportionnalité.
Ensuite, en ce qui concerne l’interprétation de l’article 6, paragraphe (3) de la loi du 2 septembre 2011, lequel se référerait au « comportement ou agissement affectant gravement l’intégrité professionnelle », le demandeur fait valoir que ladite disposition légale se référerait nécessairement à tout comportement autre que ceux prévus à l’article 6, paragraphe (4) de la même loi puisque le paragraphe (4) dudit article dérogerait à son paragraphe (3). Il continue en soutenant que comme il n’aurait pas été dans l’esprit du législateur de refuser purement et simplement « à chaque entrepreneur / dirigeant de société » ayant fait l’objet d’une condamnation pénale de créer une société, il devrait être admis qu’un régime juridique spécifique avait été établi en la matière, à savoir un régime que le demandeur dénomme « La perte de l’honorabilité professionnelle en cas d’une condamnation au pénal, en lien avec l’activité exercée ».
Il ajoute que l’importance d’une telle délimitation du champ d’application de l’article 6, paragraphe (4) de la loi du 2 septembre 2011 serait manifeste dans le cas d’espèce, compte tenu de son âge et de son casier judiciaire qui l’empêcheraient de pouvoir valablement espérer de retrouver un nouvel emploi dans le secteur privé, impliquant que la création d’une ou de plusieurs entreprises constituerait son seul moyen « pour échapper au RMG ». Il estime dès lors qu’il aurait appartenu au ministre de préciser les faits, sinon les comportements qui mettraient en doute son honorabilité professionnelle. Ainsi, en cumulant les dispositions des articles 6, paragraphe (3) et 6, paragraphe (4) de la loi du 2 septembre 2011, ledit ministre aurait violé la loi, sinon excédé ses pouvoirs, voire violé le principe de proportionnalité.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur continue à reprocher au ministre de n’avoir cité dans sa décision ni les infractions lui reprochées ni la condamnation prononcée à son encontre. Il ne serait, par ailleurs, pas précisé dans quelle mesure la condamnation en question présenterait un lien avec son activité professionnelle.
Il insiste, à cet égard, sur le fait qu’il n’existerait aucun lien entre les infractions commises par lui et son activité professionnelle puisque la société (AA) serait une agence immobilière. Ce ne serait qu’en raison d’un certain nombre de contretemps que les associés de ladite société n’auraient pas encore enlevé la mention de l’hébergement dans les statuts de la société. Le demandeur est, dans ce contexte, d’avis qu’il serait extrêmement improbable qu’un mineur d’âge signe un contrat de vente ou un contrat de location d’un appartement ou d’une maison avec la société en question. A cela viendrait s’ajouter le fait que si certes le siège social desdites sociétés se trouvait à son domicile, « aucune des activités d’hébergement de « (CC) SARL-S. » et de « (AA) SARL » » n’aurait lieu au domicile du demandeur.
Tout en mettant encore en avant que la Cour d’appel aurait, à travers son arrêt, prononcé à son encontre « une interdiction d’exercer une activité professionnelle bénévole ou sociale impliquant un contact habituel avec des mineurs à perpétuité », le demandeur donne à considérer qu’en affirmant que son activité professionnelle présenterait un lien avec sa condamnation pénale, la partie étatique ferait non seulement une interprétation fautive « du champ d’application, mais encore de l’arrêt précité, encore de l’article 6 (4) de la loi de 2011 ». Or, cette interprétation extensive, tant de l’arrêt que de la disposition légale en question serait manifestement fautive dans la mesure où un quart de la population luxembourgeoise serait âgé entre 0 et 17 ans. Le raisonnement appliqué par la partie étatique consistant à l’exclure de toute activité professionnelle tombant dans le champ d’application de la loi du 2 septembre 2011 et pouvant risquer un contact « potentiel » avec des mineurs aurait donc pour conséquence que le demandeur ne pourrait exercer aucune activité tombant dans le champ d’application de la loi du 2 septembre 2011.
Il estime qu’il faudrait, au contraire, constater que son activité professionnelle ne présente aucun lien raisonnable avec l’arrêt rendu en matière pénale à son égard, contrairement à la vaste majorité des autres activités professionnelles susceptibles de tomber dans le champ d’application de la loi du 2 septembre 2011.
La partie étatique conclut, quant à elle, au rejet de ce moyen pour ne pas être fondé.
Analyse du tribunal Il convient de relever que lorsque le juge administratif est saisi d’un recours en annulation, il a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et de contrôler si cette décision n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger des intérêts privés7.
Force est au tribunal de constater qu’aux termes de l’article 3 de la loi du 2 septembre 2011 : « L’autorisation d’établissement requise au préalable pour l’exercice d’une activité visée par la présente loi est délivrée par le ministre si les conditions d’établissement, d’honorabilité et de qualification prévues aux articles 4 à 27 sont remplies. ».
L’article 4 de la même loi précise les exigences à remplir par le dirigeant d’une entreprise dans les termes suivants : « L’entreprise qui exerce une activité visée à la présente loi désigne au moins une personne physique, le dirigeant, qui :
1. satisfait aux exigences de qualification et d’honorabilité professionnelles ; […] ».
7 Cour adm., 4 mars 1997, n° 9517C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en annulation, n° 39 et les autres références y citées.
Aux termes de l’article 28, paragraphe (3) de la loi du 2 septembre 2011, « Le ministre peut révoquer l’autorisation d’établissement pour les motifs qui en auraient justifié le refus. ».
Il ressort de la lecture combinée des dispositions qui précèdent que si le manque d’honorabilité professionnelle dans le chef d’un dirigeant d’entreprise constitue un motif légal de refus de délivrance d’une autorisation d’établissement au profit de cette entreprise, le défaut ou la perte d’honorabilité professionnelle dans le chef du dirigeant d’une entreprise disposant d’ores et déjà d’une autorisation d’établissement est de nature à justifier la révocation de l’autorisation en question.
L’article 6 de la loi du 2 septembre 2011 précise, quant à lui, le régime de la condition de l’honorabilité professionnelle en les termes suivants :
« (1) La condition d’honorabilité professionnelle vise à garantir l’intégrité de la profession ainsi que la protection des futurs cocontractants et clients.
(2) L’honorabilité professionnelle s’apprécie sur base des antécédents du dirigeant et de tous les éléments fournis par l’instruction administrative pour autant qu’ils concernent des faits ne remontant pas à plus de dix ans.
Le respect de la condition d’honorabilité professionnelle est également exigé dans le chef du détenteur de la majorité des parts sociales ou des personnes en mesure d’exercer une influence significative sur la gestion ou l’administration de l’entreprise.
(3) Constitue un manquement privant le dirigeant de l’honorabilité professionnelle, tout comportement ou agissement qui affecte si gravement son intégrité professionnelle qu’on ne peut plus tolérer, dans l’intérêt des acteurs économiques concernés, qu’il exerce ou continue à exercer l’activité autorisée ou à autoriser.
(4) Par dérogation au paragraphe (3), constituent d’office un manquement qui affecte l’honorabilité professionnelle du dirigeant :
a) le recours à une personne interposée ou l’intervention comme personne interposée dans le cadre de la direction d’une entreprise soumise à la présente loi;
b) l’usage dans le cadre de la demande d’autorisation de documents ou de déclarations falsifiés ou mensongers;
c) le défaut répété de procéder aux publications légales requises par les dispositions légales relatives au registre de commerce et des sociétés ou le défaut de tenir une comptabilité conforme aux exigences légales;
d) l’accumulation de dettes importantes auprès des créanciers publics dans le cadre d’une faillite ou liquidation judiciaire prononcées;
e) toute condamnation définitive, grave ou répétée en relation avec l’activité exercée. ».
Il se dégage de cette disposition que la finalité de la condition d’honorabilité professionnelle, à laquelle est subordonné l’exercice d’une activité réglementée, consiste à garantir l’intégrité de la profession ainsi que la protection des futurs cocontractants et clients.
L’honorabilité professionnelle d’un dirigeant se trouve affectée en cas de comportement ou d’agissement atteignant si gravement son intégrité professionnelle qu’elle rende intolérable, dans l’intérêt des acteurs économiques concernés, la délivrance ou le maintien d’une autorisation d’établissement8.
Le ministre est ainsi appelé à prendre sa décision quant à la perte éventuelle de l’honorabilité professionnelle sur la base d’un examen complet des antécédents du dirigeant et de tous les éléments fournis par l’instruction administrative pour autant qu’ils concernent des faits ne remontant pas à plus de dix ans.
Il n’est pas requis que les antécédents du dirigeant soient en rapport avec les activités pour lesquelles l’autorisation d’établissement a été accordée9.
A côté, le paragraphe (4) de ce même article 6 définit un certain nombre de manquements qui affectent d’office l’honorabilité professionnelle du dirigeant, tels que toute condamnation définitive, grave ou répétée en relation avec l’activité exercée.
Il s’ensuit que le ministre, conformément aux termes du paragraphe (3) de l’article 6 de la loi du 2 septembre 2011, dispose en principe d’un large pouvoir d’appréciation dans l’application de cette condition d’honorabilité professionnelle, sauf à être guidé par les hypothèses spécifiques énumérées au paragraphe (4) dudit article 6, qualifiées de manquements d’office, dont toute condamnation définitive, grave ou répétée en relation avec l’activité exercée, au regard desquelles il ne dispose d’aucune marge d’appréciation10.
Autrement dit, le fait pour l’intéressé de ne pas tomber sous l’une des hypothèses énumérées à l’article 6, paragraphe (4) de la loi du 2 septembre 2011 ne prive pas le ministre de son droit de refuser l’octroi d’une autorisation d’établissement, respectivement de révoquer une telle autorisation sur le fondement de l’article 6, paragraphe (3) de la même loi, s’il est d’avis qu’il se trouve néanmoins en présence d’un comportement affectant si gravement l’honorabilité professionnelle d’un dirigeant d’entreprise qu’on ne peut plus tolérer, dans l’intérêt des acteurs économiques concernés, qu’il exerce ou continue à exercer l’activité autorisée11. De ce point de vue, les reproches du demandeur en relation avec le cumul des dispositions de l’article 6, paragraphe (3) et (4), tel qu’opéré par le ministre, laissent d’être fondés.
Ensuite, il y a lieu de relever que si le pouvoir du ministre, dans le cadre de l’article 6, paragraphe (3) de la loi du 2 septembre 2011 est certes discrétionnaire, il n’est pas pour autant soustrait à tout contrôle juridictionnel en ce sens que, sous peine de consacrer un pouvoir arbitraire, le juge administratif, saisi d’un recours en annulation, doit se livrer à l’examen de l’existence et de l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, et vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée.
Il convient, à cet égard, de relever que si l’hypothèse spécifique visée par le point e) du paragraphe (4) de l’article 6 de la loi du 2 septembre 2011 est à mettre en relation directe avec la seule condamnation pénale prononcée par la juridiction répressive, laquelle doit être en relation avec l’activité exercée, et non pas avec le comportement sanctionné par cette 8 Cour adm., 4 mai 2021, n° 45507C du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.
9 idem.
10 ibidem.
11 Cour adm., 17 janvier 2023, n° 47858C du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.
condamnation, les termes dudit paragraphe visant exclusivement la condamnation, c’est-à-dire la peine prononcée12, tel n’est pas le cas de l’hypothèse visée au paragraphe (3) de l’article 6 de la loi du 2 septembre 2011 qui permet au ministre de révoquer l’autorisation d’établissement s’il estime se trouver - sur la base d’un examen complet des antécédents du dirigeant et de tous les éléments fournis par l’instruction administrative pour autant qu’ils concernent des faits ne remontant pas à plus de dix ans - en présence d’un dirigeant de société dont le comportement ou l’agissement affecte si gravement son honorabilité professionnelle qu’on ne peut plus tolérer, dans l’intérêt des acteurs économiques concernés, qu’il exerce ou continue d’exercer l’activité autorisée. Tel que relevé ci-avant, il n’est, dans cette hypothèse, pas requis que les antécédents du dirigeant soient en rapport avec les activités pour lesquelles l’autorisation d’établissement a été accordée.
En l’espèce, le ministre, pour révoquer les autorisations d’établissement litigieuses délivrées au nom de Monsieur (A), s’est fondé sur les infractions et faits retenus dans le chef de celui-ci dans l’arrêt de la Cour d’appel, chambre criminelle, du 9 février 2021 et sur les condamnations renseignées dans le casier judiciaire de celui-ci, à savoir une condamnation à la réclusion criminelle de 8 ans, assortie d’un sursis total probatoire, ainsi que notamment à une « interdiction d’exercer une activité professionnelle, bénévole ou sociale impliquant un contact habituel avec des mineurs à perpétuité » pour avoir, au cours de la période allant de « 00/10/2011-03/09/2016 », « à de multiples reprises […] diffusé, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, des messages à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, ces messages ayant été susceptibles d’être vus ou perçus par une mineur », « à de multiples reprises […] en tant que majeur, fait des propositions sexuelles à un mineur de moins de seize ans ou à une personne se présentant comme telle en utilisant un moyen de communication électronique », « à de multiples reprises […], en tant que majeur, fait des propositions sexuelles à un mineur de moins de seize ans ou à une personne se présentant comme telle en utilisant un moyen de communication électronique, avec la circonstance que ces propositions ont été suivies d’une rencontre », « à de multiples reprises […] excité, facilité ou favorisé la débauche, la corruption ou la prostitution d’un mineur de moins de dix-huit ans », « à de multiples reprises [eu] recours à un mineur âgé de moins de dix-huit ans à des fins de prostitution », « 2 x […] eu recours à un mineur âgé de moins de dix-huit ans à des fins de prostitution – tentative – », pour « viol sur mineur de moins de seize ans, hors d’état de donner un consentement libre », pour « attentat à la pudeur sur mineur de moins de seize ans », et pour « avoir sciemment acquis, détenu et consulté des images à caractère pornographiques présentant des mineurs ». Les faits à la base de cette condamnation se situant entre 2011 et 2016, ils ne remontent donc pour la plupart pas à plus de dix ans, tel qu’exigé par l’article 6, paragraphe (2) de la loi du 2 septembre 2011.
Le tribunal se doit, à cet égard, de relever que s’il est vrai que le seul fait d’avoir subi une condamnation pénale n’entraîne pas nécessairement et péremptoirement un défaut d’honorabilité professionnelle dans le chef de la personne concernée, sous peine d’ériger en un automatisme l’application d’une sanction administrative grave de conséquences13, toujours est-
il que si les agissements du dirigeant sont contraires, soit aux dispositions légales qui régissent l’activité pour laquelle l’autorisation d’établissement a été accordée, soit aux règles de bonne conduite qui sont généralement admises dans la profession et qu’il est à craindre que le 12 Cour adm., 13 mars 2014, n° 33720C du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.
13 Trib. adm., 18 juin 2001, n° 12859 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Autorisation d’établissement, n° 200 et les autres références y citées.
dirigeant constitue un risque, soit pour soi-même, soit pour les consommateurs ou fournisseurs qui auront à traiter avec lui, il est préférable de l’écarter14.
Or, le tribunal se doit de relever que les infractions pour lesquelles Monsieur (A) a fait l’objet d’une condamnation pénale, certes isolée, mettent en lumière des actes particulièrement graves de nature à faire perdre à celui-ci son honorabilité professionnelle.
Au vu des considérations qui précèdent les moyens avancés par le demandeur ayant trait à une mauvaise application de l’article 6 de la loi du 2 septembre 2011, respectivement à un excès de pouvoir dans le chef du ministre sont à rejeter, le ministre ayant pu à bon droit révoquer les autorisations d’établissement en cause sans sortir de sa marge d’appréciation.
Enfin, le demandeur reste en défaut de démontrer que la révocation des autorisations d’établissement en cause ne serait pas proportionnée à l’objectif voulu par le législateur, à savoir veiller à ce que les entreprises soient dirigées par des personnes honorables15, afin de garantir l’intégrité de la profession, de sorte que le reproche tenant à une violation du principe de proportionnalité est également à rejeter.
A défaut d’autres moyens, le recours est à rejeter pour ne pas être fondé.
3. Quant à la demande en allocation d’une indemnité de procédure et celle visant à voir ordonner l’effet suspensif du recours Au vu de l’issue du litige, la demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure d’un montant de 3.000.- euros, en application de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999, telle que formulée par le demandeur, est à rejeter.
Enfin, s’agissant de la demande à voir ordonner l’effet suspensif du recours sous examen pendant le délai et l’instance d’appel conformément à l’article 35, alinéa 1er de la loi du 21 juin 1999, aux termes duquel « Par dérogation à l’article 45, si l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif, le tribunal peut, dans un jugement tranchant le principal ou une partie du principal, ordonner l’effet suspensif du recours pendant le délai et l’instance d’appel », celle-ci est à rejeter En effet, cette disposition doit être lue ensemble avec l’article 45 de la même loi en vertu duquel « Sans préjudice de la disposition de l’article 35, pendant le délai et l’instance d’appel, il est sursis à l’exécution des jugements ayant annulé ou réformé des décisions attaquées. ». Il s’ensuit que l’effet suspensif du recours ne peut être ordonné que dans l’hypothèse d’un jugement tranchant le principal ou une partie du principal, ayant annulé ou réformé la décision. Or, dans la mesure où le tribunal a déclaré le recours sous analyse non fondé, l’article 35 précité de la loi du 21 juin 1999 ne trouve pas application.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;
se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;
14 Doc. Parl. n° 6158, Commentaire des articles, p. 28.
15 Cour adm., 4 mai 2021, n° 45507C du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.
reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
rejette la demande en communication du dossier administratif, telle que formulée par le demandeur ;
rejette la demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de 3.000.- euros, telle que formulée par le demandeur ;
rejette la demande de Monsieur (A) basée sur l’article 35 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé par:
Alexandra Castegnaro, vice-président, Annemarie Theis, premier juge, Caroline Weyland, premier juge, et lu à l’audience publique du 26 septembre 2024 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.
s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 26 septembre 2024 Le greffier du tribunal administratif 19