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26/09/2024 | LUXEMBOURG | N°49675

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 septembre 2024, 49675


Tribunal administratif N° 49675 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:49675 2e chambre Inscrit le 8 novembre 2023 Audience publique du 26 septembre 2024 Recours formé par Madame (A) et consort, …, contre des décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49675 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 novembre 2023 par Maître Françoise NSAN NWET, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre de

s avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A), née le … à … (Venezuela), et de son...

Tribunal administratif N° 49675 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:49675 2e chambre Inscrit le 8 novembre 2023 Audience publique du 26 septembre 2024 Recours formé par Madame (A) et consort, …, contre des décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49675 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 novembre 2023 par Maître Françoise NSAN NWET, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A), née le … à … (Venezuela), et de son fils, Monsieur (B), né le … à …, tous les deux de nationalité vénézuélienne, demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 10 octobre 2023 portant refus de faire droit à leur demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 8 janvier 2024 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Fideline BILOA BIBI, en remplacement de Maître Françoise NSAN NWET, et Monsieur le délégué du gouvernement Yves HUBERTY en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 juin 2024.

Le 3 janvier 2022, Madame (A) introduisit pour son compte ainsi qu’au nom et pour le compte de son fils Monsieur (B), mineur à l’époque, ci-après désignés par « les consorts (AB) », auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Madame (A) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent du service de police judiciaire de la police grand-ducale, section criminalité organisée - police des étrangers, dans un rapport du même jour.

En date des 9 et 23 août ainsi que 14 novembre 2022, Madame (A) fut entendue par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs gisant à la base de sa demande de protection internationale, tandis que Monsieur (B), entretemps devenu majeur, fut entendu le 27 1septembre 2023 pour les mêmes raisons.

Par décision du 10 octobre 2023, notifiée aux intéressés par courrier recommandé expédié le 13 octobre 2023, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », informa les consorts (AB) que leur demande de protection internationale avait été refusée comme non fondée, tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours, ladite décision étant libellée comme suit :

« […] J'ai l'honneur de me référer à vos demandes en obtention d'une protection internationale que vous avez introduites auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et européennes en date du 3 janvier 2022 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à vos demandes pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos déclarations En mains votre fiche manuscrite du 3 janvier 2022, le rapport du Service de Police Judiciaire du 3 janvier 2022, votre rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes sur les motifs sous-tendant vos demandes de protection internationale Madame du 9 et 23 août 2022 et 14 novembre 2022 et le vôtre Monsieur du 27 septembre 2023, ainsi que les documents versés à l'appui de vos demandes de protection internationale.

Madame, il ressort de votre dossier administratif que vous seriez née le … à … dans l'Etat de … au Venezuela, de nationalité vénézuélienne, de confession chrétienne et veuve. Vous auriez vécu à partir de 2013 à l'« … » à … avec trois de vos quatre enfants, respectivement vos deux fils (B) et (C), votre unique fille (D) ainsi que son époux et leurs enfants. Le 20 mai 2017, après l'incendie de votre domicile, vous vous seriez installée temporairement chez les beaux-

parents de votre fille puis chez l'une de vos sœurs, avant de louer une maison dans le quartier d'… à … où vous auriez vécu avec votre fils cadet (B) jusqu'à votre départ du Venezuela en décembre 2021. Dans le cadre de votre vie professionnelle, vous auriez exercé la fonction de secrétaire exécutif puis, en tant que cantatrice, vous auriez donné des cours de chant.

À l'appui de votre demande de protection internationale, vous avancez que vous auriez quitté le Venezuela avec votre fils (B), alors âgé de … ans et demi, car vous auriez été persécutée par le gouvernement vénézuélien en raison de votre activisme politique et de celui de votre fille (D). En cas de retour dans votre pays d'origine, vous craindriez qu'« ils s'en prennent encore à moi et à mon fils (…) La peur c'est de retomber dans la même situation » (p.14/19 du rapport d'entretien).

Interrogée sur les prémices de votre activisme politique, vous indiquez que vous auriez commencé à soutenir « tous les partis qui allaient contre le gouvernement » (p.11/19 du rapport d'entretien) dès l'âge de … ans, respectivement vers …. Vous seriez ensuite devenue ce que vous qualifiez être une « opposante-née » (p.11/19 du rapport d'entretien) à partir de l'âge de … ans, respectivement vers …, alors que vous auriez été influencée par l'engagement politique afféré de votre fille (D). Dès lors, vous auriez participé activement avec elle, dans les 2diverses municipalités de …, à « toutes les concentrations, n'importe laquelle, on n'en ratait pas une » (p.11/19 du rapport d'entretien), en soutenant en l'occurrence le parti politique d'opposition Primera Justicia. Invitée à décrire les activités que vous auriez exercées, vous expliquez que vous suiviez votre fille car « elle était à l'intérieur de ce processus, je l'accompagnais » (p.14/19 du rapport d'entretien), et que vous auriez été chargée de la préparation de manifestations, de l'installation d'estrade, de la répartition de l'eau, de la distribution de flyers, du collage d'affiches ou du racolage de potentiels nouveaux membres pour « appuyer le parti » (p.11/19 du rapport d'entretien). Ces activités n'auraient néanmoins pas été sans risque puisqu'elles auraient parfois été perturbées violemment: « quand les chavistes arrivaient, il y avait du mouvement (…). Ils lançaient des pierres, ils tiraient dans l'air, ils nous blessaient avec des pierres ou du verre » (p.13/19 du rapport d'entretien).

Au cours du mois de mars ou avril 2017, vous indiquez que votre fille (D) aurait été victime d'un « attentat chez elle avec des coups de feu » (p.10/19 du rapport d'entretien) en raison de son activisme politique. Il se serait agi d'un évènement pivot puisque vous déclarez que « c'est là que la guerre avec eux a commencé » (p.10/19 du rapport d'entretien). Par mesure de précaution, vous auriez pris la décision d'héberger votre fille ainsi que son époux et leurs enfants à votre domicile.

En date du 20 mai 2017, alors que vous auriez été à une manifestation avec votre fille (D) et votre fils (B), vous auriez reçu un appel téléphonique vous avertissant que votre domicile serait en feu et que les pompiers seraient déjà présents. Arrivée sur place, des témoins vous auraient rapporté que l'incendie était criminel puisqu'ils avaient aperçu huit motards cagoules jeter des cocktails Molotov et des bombes lacrymogènes ; coupables que vous soupçonnez être « du gouvernement de Maduro, certainement du PSUV » (p.3/19 du rapport d'entretien).

Invitée à décrire les raisons pour lesquelles ces derniers auraient décidé d'incendier votre domicile, vous répondez qu'ils auraient spécifiquement été à la recherche de votre fille « parce que ma fille était très, très impliquée dans ces questions d'opposition » (p.15/19 du rapport d'entretien), d'autant plus que les témoins vous auraient informé les avoir entendus faire référence à elle en criant « elle doit être là cette maudite Pitiyankee » (p.14/19 du rapport d'entretien).

Suite à cet incident criminel, vous seriez tombée « malade des nerfs » (p.10/19 du rapport d'entretien) et vous auriez commencé à consulter un psychologue alors que vous auriez eu l'impression d'avoir tout perdu. Votre fille serait allée déposer une plainte le 22 mai 2017 alors que vous-même, vous vous seriez rendue quelques jours plus tard à la préfecture … « pour voir si on pouvait des recherches, savoir quelque chose » (p.15/19 du rapport d'entretien).

Toutefois, vous déplorez le fait qu'aucune démarche n'aurait été entreprise par les autorités puisque l'identité des coupables était inconnue et aucune preuve n'avait pu être récupérée.

Il en découle que les années suivantes, vous auriez pris des mesures de précaution et que vous auriez cessé de manifester, redoutant autrement qu'« ils vont s'en prendre à moi et à mes enfants » (p.13/19 du rapport d'entretien). Votre fille (D) ayant quitté le Venezuela avec son époux et leurs enfants - et introduit une demande de protection internationale au Luxembourg en date du 27 décembre 2019 (…) - vous auriez craint « qu'ils exercent des représailles contre moi et mon fils, parce que ma fille n'était plus là » (p.14/19 du rapport d'entretien), de sorte que « je ne sortais pas, je ne faisais pas la fête » (p.14/15 du rapport d'entretien). Dans ce contexte, vous mentionnez en guise d'exemple que vous ne seriez pas allée voter lors des élections régionales de novembre 2021 et que vous n'auriez pas été en mesure de célébrer la victoire au poste de gouverneur de l'opposant Manuel ROSALES car « dès qu'on 3fête, ils peuvent arriver et vous tirer dessus » (p.10/19 du rapport d'entretien).

Finalement, vous évoquez qu'en septembre 2021, vous vous seriez rendue dans un centre commercial avec votre fils cadet (B). Un militaire présent sur les lieux aurait demandé l'âge de votre fils. Vous lui auriez répondu qu'il était âgé de … ans mais le militaire aurait exigé une preuve alors qu'il ne vous aurait pas cru car « mon fils est grand » (p.10/19 du rapport d'entretien). Alors qu'il aurait cherché à s'emparer de votre fils, vous vous seriez défendu et cela aurait engendré un attroupement de personnes mettant fin à la scène. À cet égard, vous ajoutez que votre fils aurait été déscolarisé pendant trois années « parce que les écoles ne fonctionnaient pas » (p.14/19 du rapport d'entretien) et car vous auriez exigé qu'il ne sorte pas dans la rue ou avec d'autres personnes.

Ambitionnant de quitter le Venezuela depuis l'exil de votre fille en 2019, vous auriez finalement pris l'initiative de traverser la frontière avec la Colombie en compagnie de votre fils (B) le 8 décembre 2021 et vous auriez pris un vol le 15 décembre 2021 pour rejoindre l'Europe. Votre fils (E) aurait également rejoint le Luxembourg avec sa famille plus tardivement et aurait introduit une demande de protection internationale en date du 29 septembre 2022 (…).

Monsieur (B), alors que vous êtes devenu majeur depuis l'introduction de votre demande de protection internationale, vous avez été invité à vous présenter à la Direction de l'immigration en date du 27 septembre 2023 pour procéder à un entretien. Il ressort de votre rapport d'entretien que vous confirmez partiellement les dires de votre mère, à savoir que votre domicile aurait été incendié volontairement, vraisemblablement en raison de l'activisme politique de votre sœur.

À l'appui de vos demandes de protection internationale, vous présentez les documents suivants :

- Votre passeport vénézuélien, Madame, émis en date du 13 septembre 2021 et le vôtre, Monsieur, émis en date du 20 octobre 2021 ;

- une série de documents actant que votre père (F), Monsieur, a accordé son consentement parental vous permettant de quitter le territoire en compagnie de votre mère alors que vous étiez mineur, en langue espagnole sans traduction ;

- une série de photographies des dégâts de l'incendie occasionnés par l'incendie du 20 mai 2017 de votre domicile ;

- une photocopie de la plainte déposée par votre fille en date du 22 mai 2017, en langue espagnole sans sa traduction.

2. Quant à la motivation du refus de vos demandes de protection internationale Suivant l'article 2 point h de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée la « Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

4Aux termes de l'article 2 point f de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».

L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils n'émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.

Madame, Monsieur, il ressort de l'évaluation de vos motifs de fuite que vous auriez décidé de quitter votre pays d'origine en raison des représailles que vous auriez craint de subir par le gouvernement de Maduro en raison de votre engagement politique en faveur de l'opposition, Madame, ainsi que celui de votre fille (D).

Avant tout progrès en cause, il échet de relever que l'ensemble de vos déclarations concernant les motifs qui vous auraient poussé à fuir votre pays d'origine restent en l'état de pure allégation et ne sont corroborées par aucun élément de preuve. En effet, vous n'apportez aucune preuve quant à votre adhérence aux idéologies politiques du parti Primera Justicia, ou d'un quelconque autre parti, et de votre participation à des manifestations antigouvernementales.

De plus, alors que vous tentez de vous faire passer Madame pour une personne qui se serait démarquée par son grand intérêt pour la politique et son soutien à l'opposition, il y a lieu de sérieusement remettre en doute, ou du moins de relativiser, le degré de votre engagement politique compte tenu de vos déclarations générales et incohérentes. En effet, ce constat se base sur le fait que vous êtes dans l'incapacité de fournir une temporalité inchangée en ce qui concerne les prémices de votre activisme politique. Tout d'abord, vous prétendez que votre intérêt pour la politique aurait débuté à l'âge de … ans, respectivement en 1986, lorsque vous auriez soutenu « tous les partis qui allaient contre le gouvernement » (p.11/19 du rapport d'entretien). Plus tardivement dans l'entretien, vous raccordez erronément cette période à celle du « du président Choyez » (p.12/19 du rapport d'entretien) puisque ce dernier n'a en réalité entamé son premier mandat présidentiel qu'en 1999, de sorte qu'il aurait été impossible que vous puissiez déjà vous opposez à celui-ci 13 années auparavant. Nonobstant de cette première incohérence compromettante, vous vous empêtrez dans la confusion en indiquant par la suite que vous auriez vraiment « commencé à être une opposante-né » (p.11/19 du rapport d'entretien) lorsque vous auriez été âgée de … ans, respectivement en 2008, et ce grâce à l'influence de votre fille (D) qui « était plus active avant, elle était toujours impliquée dans ceci ou cela » (p.11/19 du rapport d'entretien). Puis, finalement, dans une énième version, vous rapportez que votre engagement aurait réellement atteint son paroxysme « quand il y a eu le premier attentat chez elle » (p.11/19 du rapport d'entretien), ce qui correspondrait à mars ou avril 2017, puisque vous auriez dès lors attribué une connotation personnelle à votre engagement. Or, paradoxalement, vous finirez par relever en même temps que « quand ma fille a eu l'attentat, je me suis calmée » (p.12/19 du rapport d'entretien) et que vous auriez cessé 5toutes activités politiques dès l'incendie de votre maison qui se serait déroulée deux mois plus tard, le 20 mai 2017. Madame, compte tenu de l'énorme confusion qui règne sur votre supposé parcours politique, chronologie sensée, il convient de remettre sérieusement en doute la crédibilité de votre récit à cet égard alors que vous avez manifestement tenté d'amplifier fortement le degré de votre engagement politique en vous accaparant toutes formes d'opposition politique possibles.

Ceci dit, en ce qui concerne vos craintes relatives au fait de subir des représailles par les autorités vénézuéliennes en raison de votre activisme politique et de celui de votre fille, à les supposer avérées, ce qui n'est pas établi, il y a lieu de relever qu'elles ne rentrent pas dans le champ d'application de la Convention de Genève et la Loi de 2015 alors qu'elles ne sont pas liées à votre race, votre religion, votre nationalité, vos opinions politiques ou votre appartenance à un groupe social.

Tout d'abord, même à admettre que vous auriez réellement été une opposante politique et que vous auriez participé à des manifestations antigouvernementales et des campagnes pour le compte du parti Primero Justicia, l'adoption d'opinions politiques en opposition à un régime politique en place n'est pas suffisant pour prétendre au statut de réfugié. Dans votre cas, il est plutôt établi que vous n'êtes pas à considérer comme une activiste politique au Venezuela et que vous n'y avez pas été menacée à cause de vos opinions politiques, mais que vous feriez plutôt partie de ces centaines de milliers de Vénézuéliens qui ont déjà exprimé leur mécontentement envers le gouvernement à travers différentes méthodes, sans que ceux-ci ne soient tous personnellement visés par les autorités vénézuéliennes. Par ailleurs, il appert que vous n'indiquez nullement faire partie formellement d'un parti politique d'opposition, ni occuper une quelconque fonction de leader au sein d'un groupe contestataire au Venezuela.

Vous ne mentionnez que compendieusement que vous vous seriez aligné sur l'idéologie politique du parti Primera Justicia - sans toutefois posséder une carte de membre - car il se serait agi du parti politique que votre fille aurait soutenu et que vous auriez été influencée par cette dernière puisque vous confirmez vous-même que vos actions étaient liées à celle de votre fille (p.16/19 du rapport d'entretien).

Ensuite, il y a lieu de relever que, quand bien même vous soupçonnez que les coupables de l'incendie criminel du 20 mai 2017 auraient été « du gouvernement de Maduro, certainement du PSUV » (p.3/19 du rapport d'entretien) et que vous estimez donc être persécutée par les autorités vénézuéliennes, cela ne vous a visiblement pas empêché de vous rendre à la préfecture de …, à savoir une entité publique, pour obtenir des informations concernant les éventuelles recherches effectuées par les autorités vénézuéliennes, tout comme cela n'a pas empêché votre fille de se rendre à une commissariat de police dès le 22 mai 2017.

Dans le même contexte, il appert que vous vous êtes vue délivrer, Madame, un nouveau passeport en date du 13 septembre 2021 et que vous vous seriez rendue personnellement dans les bureaux du SAIME pour le faire. Or, cela reviendrait à dire que les autorités vénézuéliennes, tout en vous ayant prétendument identifié comme un activiste antigouvernemental, ne se seraient pas opposées à vous délivrer un nouveau passeport.

Compte tenu de ces différentes informations, il est évident que vous ne vous trouveriez nullement dans leur collimateur.

Madame, il convient surtout de retenir que vous ne faites en réalité qu'état de faits non personnels. Or des faits non personnels mais vécus par d'autres membres de la famille, respectivement votre fille (D), ne sont susceptibles de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève que si le demandeur de protection internationale établit dans 6son chef un risque réel d'être victime d'actes similaires en raison de circonstances particulières. Or, tel n'est clairement pas le cas en l'espèce, alors que vous restez en défaut d'étayer un lien entre le prétendu traitement de votre fille et des éléments liés à votre personne vous exposant à des actes similaires. En effet, ce constat se base une série de vos déclarations alors que vous avancez que l'incendie criminel de votre domicile en date du 20 mai 2017 découlerait uniquement du fait que vous auriez hébergé votre fille chez vous. En guise d'exemple, l'on peut soulever que vous avez indiqué, lorsque l'agent ministériel vous interroge sur les raisons de cette incendie criminel, que « ma fille était dans l'opposition (…) je l'avais pris dans la maison et c'est pour cela qu'on a brûlé la maison » (p.4/19 du rapport d'entretien), « je pense que c'était parce qu'on était en train de la chercher » (p.14/19 du rapport d'entretien), que selon votre sermocination les coupables auraient évoqué « elle doit être là cette maudite Pitiyankee » (p.14/19 du rapport d'entretien) avant d'incendier votre maison, « je pense que c'était à cause d'elle » (p.14/19 du rapport d'entretien), en faisant à chaque fois référence à votre fille, ou encore « je pense que c'était parce que ma fille était très, très impliquée dans ces questions d'opposition » (p.15/19 du rapport d'entretien). Ce constat se trouve ensuite corroboré lorsque vous avancez que, après le départ de votre fille du Venezuela, vous auriez craint « qu'ils exercent des représailles contre moi et mon fils, parce qu'elle n'était plus là » (p.14/19 du rapport d'entretien). Or, à travers cette déclaration, vous reconnaissez en réalité que vous craindriez d'être une victime collatérale à cause de l'activisme politique de votre fille et non pas en raison du vôtre.

Partant, alors que vos craintes sont basées en réalité sur celle de votre fille (D), il convient de soulever que sa demande de protection internationale introduite en date du 27 décembre 2019 a été rejetée en mars 2022, de sorte que votre crainte d'être persécutée est pareillement non fondée.

On ne saurait dès lors conclure à l'existence dans votre chef d'une crainte fondée de persécution.

Quand bien même on retiendrait que vos craintes seraient liées à l'un des motifs énumérés par la Convention de Genève et que vous seriez personnellement à risque, ce qui n'est pas établi, il convient de souligner que les faits décrits ne sont manifestement pas d'une gravité suffisante pour constituer un acte de persécution. En effet vos craintes sont totalement hypothétiques. Cette observation découle de plusieurs constats.

En effet, il est évident que votre situation au Venezuela n'a nullement été aussi grave et urgente que vous cherchez à le faire croire puisque, entre l'incendie criminel de votre domicile en date du 20 mai 2017 et votre départ du Venezuela en date du 8 décembre 2021, c'est-à-dire pendant 4 ans et demi, vous n'auriez plus été inquiétée d'une quelconque manière par ces individus, ni même par les autorités vénézuéliennes. Dans la même mesure, bien que vous craignez de subir des représailles en raison de l'absence de votre file suite à son exil en 2019, il appert que vous ne vous êtes aucunement faites importunés à cet égard en l'espace de plus de deux ans. Or, les actes considérés comme une persécution au sens de la Convention de Genève doivent être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l'homme, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Donc, en dépit de vouloir faire croire aux autorités luxembourgeoises qu'après l'incendie de votre domicile en mai 2017, ou après le départ de votre fille du Venezuela en 2019, vous auriez craint pour votre vie et celle de votre fils à tel point que vous ne seriez 7prétendument plus sortie de chez vous et que votre fils aurait été déscolarisé, il appert que vous auriez tout de même encore vécu plus de 4 ans et demi, ou deux ans, dans votre pays d'origine et que vous n'auriez pas hésité à vous rendre auprès des autorités vénézuéliennes pour vous voir délivrer un nouveau passeport afin de pouvoir quitter sereinement votre pays plutôt que de tout simplement fuir ou quitter le plus tôt possible le pays dans lequel vous prétendez craindre être victime de persécutions ou d'atteintes graves.

Finalement, il y a lieu de soulever que votre départ tardif du Venezuela a en réalité été motivée pour des motifs de convenance personnelle. Ce constat se base tout d'abord sur le fait que vous mentionnez à plusieurs reprises que vous souhaitez réserver un meilleur avenir pour votre fils (B) alors que vous déplorez le fait qu'il aurait été déscolarisé au Venezuela : « la seule chose c'est que je veux un avenir pour mon fils, je veux qu'il devienne quelqu'un (…) Je fais tout cela pour lui. Moi, c'est égal (…) mais je veux pour lui une vie comme la vôtre » (p.10/19 du rapport d'entretien). À cela s'ajoute qu'en dépit d'avoir prétendu que vous auriez pris la décision de quitter le pays « quand elle est venue ici » (p.16/19 du rapport d'entretien), à savoir votre fille en 2019, vous seriez encore restée plus de deux années au Venezuela.

L'agent ministériel vous interroge alors pour quelle raison vous auriez attendu si longtemps et qu'elle aurait été le fait déclencheur, ce à quoi vous répondez « parce que cela faisait trop longtemps que je les voyais plus » (p.16/19 du rapport d'entretien). En d'autres termes, la seule raison vous ayant poussé à quitter le pays n'est aucunement reliée à votre prétendue crainte d'être persécutée par les autorités vénézuéliennes mais plutôt par votre volonté de vous réunir avec votre famille.

Monsieur, avant tout autre développement, il convient de soulever qu'il existe des différences notables entre votre récit et celui de votre mère, notamment lorsque vous évoquez les différentes adresses où vous auriez résidé et la temporalité de vos déménagements.

Toutefois, ces incohérences pourraient raisonnablement être justifiées par le fait que vous étiez mineur à cette époque, respectivement âgé de … à … ans. Il convient cependant de soulever que vous donnez des éléments de précisions en ce qui concerne les faits du 20 mai 2017, date de l'incendie criminel de votre domicile. Vous complétez le récit de votre mère en expliquant que vous vous seriez trouvé avec votre mère et votre sœur qui travaillaient pour une table de vote et que des individus agressifs seraient venus armés de passe-montagnes pour empêcher les gens de voter. Vous ajoutez que les mêmes individus seraient responsables de l'incendie criminel de votre domicile.

Ceci étant dit, il appert que vous craindriez en cas de retour dans votre pays d'origine d'être en danger en raison de l'activité politique de votre mère et de votre sœur. Or, étant donné que leurs demandes de protection internationale ont été rejetées, il convient de percevoir vos craintes comme étant pareillement non fondée.

Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas 8ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi.

L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Madame, Monsieur, il y a lieu de souligner qu'à l'appui de vos demandes de protection subsidiaire, vous invoquez en substance les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de vos demandes de reconnaissance du statut de réfugié.

Au vu des conclusions ci-dessus, il y a de même, lieu de retenir qu'il n'existe manifestement pas davantage d'éléments susceptibles d'établir, sur la base des mêmes faits que ceux exposés en vue de vous voir reconnaître le statut de réfugié, qu'il existerait des motifs sérieux et avérés de croire que vous courriez, en cas de retour dans votre pays d'origine, un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l'article 48 de la loi de 2015.

En effet, vous omettez d'établir qu'en cas de retour au Venezuela, vous risqueriez la peine de mort ou l'exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre votre vie ou vôtre personne en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Vos demandes en obtention d'une protection internationale sont dès lors refusées comme non fondées au sens des articles 26 et 34 de la Loi de 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

Suivant les dispositions de l'article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination du Venezuela, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 8 novembre 2023, les consorts (AB) ont fait introduire un recours tendant à la réformation, d’une part, de la décision ministérielle du 10 octobre 2023 portant refus de faire droit à leur demande en obtention d’une protection internationale et, d’autre part, de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre la décision de refus d’une demande de protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé subséquemment, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision du ministre du 10 octobre 2023, prise en son double volet, telle que déférée, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour 9avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

1) Quant au recours visant la décision ministérielle portant refus d’une protection internationale A l’appui de leur recours et au-delà des faits et rétroactes retranscrits ci-dessus, les consorts (AB) indiquent être originaires du Venezuela et avoir vécu à partir de 2013 à « l’… » à … avec deux des autres enfants de Madame (A), à savoir son fils Monsieur (C), et sa fille, Madame (D), ainsi qu’avec le conjoint et les enfants de celle-ci.

Ils expliquent que ce serait principalement pour des raisons de considérations politiques, liées à des persécutions du gouvernement vénézuélien, qu’ils auraient introduit une demande de protection internationale au Luxembourg. Les persécutions en question seraient liées au passé d’activiste politique de Madame (A) et de sa fille Madame (D) au Venezuela.

Les demandeurs précisent, dans ce contexte, que l’engagement politique de Madame (A) remonterait à ses … ans et qu’il se serait renforcé autour de l’année 2008, période durant laquelle sa fille l’aurait rejointe « dans les combats politiques de leur pays » au sein du parti politique d’opposition dénommé « Primero Justicia ». Elles auraient été impliquées dans la préparation de manifestations, dans l’installation d’estrades, dans la distribution de tracts et dans le collage d’affiches ainsi que dans l’organisation de campagnes de recrutement et leur activisme politique aurait été tel qu’elles auraient été « de toutes les rencontres politiques de leur localité ».

En raison de son engagement politique, Madame (D) aurait fait l’objet, au cours du mois de mars ou d’avril de l’année 2017, d’une agression, respectivement d’une tentative de meurtre à son domicile, agression lors de laquelle des coups de feu auraient été entendus tel que le rapporteraient des témoignages recueillis au domicile de cette dernière. En raison de cet évènement, Madame (A) aurait pris la décision d’héberger sa fille chez elle.

Le 20 mai 2017, un « incendie criminel » se serait déclenché au domicile familial, mené par huit malfaiteurs, a priori des membres du « PSUV, le parti au pouvoir ». Ces individus se seraient déplacés à moto, auraient été cagoulés et auraient, suivant les déclarations de riverains présents au moment des faits, utilisés des cocktails Molotov et des bombes lacrymogènes. Ces derniers auraient également déclaré que les assaillants en question auraient annoncé qu’« elle doit être là cette maudite Pitiyankee » en référence à Madame (D) et à son activisme politique qui aurait commencé à inquiéter les autorités locales. A la suite de cet « incendie criminel », une plainte aurait été déposée le 22 mai 2017 au commissariat de « … », plainte qui aurait été classée sans suite. Cet évènement aurait, par ailleurs, affecté psychiquement Madame (A), qui serait depuis suivie par un psychologue.

Par crainte pour sa vie et celle de ses proches, Madame (A) aurait décidé de réduire fortement son engagement politique publique et de limiter ses activités extérieures. Elle aurait également déscolarisé son fils pendant plusieurs années, afin de limiter les risques de représailles politiques. Madame (D) aurait, quant à elle, eu l’opportunité de quitter le Venezuela en septembre 2019.

Les demandeurs exposent que leur vie au Venezuela serait devenue un supplice quotidien, alors qu’ils auraient, en septembre 2021, de nouveau été ouvertement persécutés par les autorités, lors d’une « banale sortie dans un centre commercial », lors de laquelle Madame (A) aurait été confortée dans sa conviction que sa vie et celle de ses proches seraient 10irrémédiablement en danger au Venezuela, alors que tous ses faits et gestes auraient été surveillés par les autorités dudit pays, les empêchant d’avoir un semblant de vie normale. Ce serait, dès lors, par crainte pour leurs vies qu’ils auraient quitté le Venezuela en se rendant le 8 décembre 2021 en Colombie pour y prendre un vol le 15 décembre 2021 et rejoindre le sol européen.

En droit, et après avoir cité les articles 2, points h) et f) et 42 de la loi du 18 décembre 2015 ainsi que l’article 1er A2 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève », les demandeurs reprochent, d’une part, au ministre d’avoir remis en cause la crédibilité de leur récit et, d’autre part, d’avoir retenu que leurs craintes ne seraient pas d’une gravité suffisante pour être éligibles aux critères énoncés dans la Convention de Genève.

Ils donnent, dans ce contexte, à considérer qu’il serait fréquent pour les victimes de lourds traumatismes de livrer un récit considéré comme étant non crédible en raison d’imprécisions, voire d’incohérences qui se justifieraient essentiellement par la lourdeur des traumatismes subis. Ils se réfèrent, à cet égard, à une analyse juridique effectuée par le Bureau européen d’appui en matière d’asile (« EASO »), publiée en 2018, selon laquelle un demandeur de protection internationale pourrait être amené à confondre la chronologie des évènements qu’il aurait vécus, respectivement à faire des déclarations contradictoires en raison du caractère traumatique desdits évènements. Ils ajoutent que suivant l’analyse prémentionnée, le récit d’un demandeur de protection internationale devrait « faire l’objet d’une cohérence interne et globale » et qu’il conviendrait justement de constater que leur récit serait « cohérent et global ».

Après avoir cité un extrait d’une « jurisprudence communautaire » sur laquelle s’appuierait l’analyse de l’EASO, prémentionnée, les consorts (AB) font valoir que leurs déclarations devraient être mises en perspective en tenant compte du fait qu’elles émaneraient de personnes vulnérables, véritablement traumatisées, de sorte que « les oublis » concernant certains détails et certaines dates clés, liés notamment à l’engagement politique de Madame (A) et de sa fille Madame (D), résulteraient en réalité d’un traumatisme, de sorte que leurs affirmations devraient « bénéficier du doute » en application de l’article 37, paragraphe (5) de la loi du 18 décembre 2015. Ils estiment - tout en expliquant que le bénéfice du doute constituerait un principe fondamental « en droit des réfugiés », alors qu’il serait souvent impossible pour les réfugiés d’apporter des preuves formelles à l’appui de leur demande de protection internationale concernant notamment leur crainte de persécutions ou d’atteintes graves - que leurs récits seraient à considérer comme étant crédibles de manière générale.

Ils avancent encore (i) qu’ils se seraient réellement efforcés d’étayer leur demande en obtention d’une protection internationale et auraient livré tous les éléments en leur possession et (ii) que leurs déclarations seraient cohérentes et non contredites par « l’information générale et spécifique disponible ».

Les consorts (AB) avancent ensuite que Madame (A) et sa famille seraient la cible de représailles politiques en raison de son engagement politique, tout en faisant valoir que le ministre n’aurait pas précisé le niveau de gravité de persécution requis au regard de la Convention de Genève et de la loi du 18 décembre 2015 pour pouvoir bénéficier de la protection consacrée par lesdits textes. Ils estiment qu’il serait surprenant de constater qu’une personne, ainsi que ses proches, harcelés, agressés tant physiquement que psychiquement et « voyant leurs biens complétement détruits » ne puissent pas se voir protégés au sens de la 11prédite Convention et de la loi du 18 décembre 2015, tout en ajoutant qu’une personne empêchée de manifester publiquement ses opinions politiques, victime de représailles et d’harcèlements serait en réalité persécutée politiquement.

Concernant ensuite l’engagement politique de Madame (A) et de sa fille, remis en doute par le ministre, les demandeurs, après avoir défini le terme d’« activiste politique » et de « militant politique », expliquent que la vie politique au Venezuela serait « sous le contrôle absolu du pouvoir en place » et que l’opposition serait méthodiquement et constamment « harcelée » par ledit pouvoir. Madame (A) se serait en effet vue « contrainte au silence » en raison de sa crainte de subir des représailles, de sorte à ne pas avoir pu « exprimer sa satisfaction pour le candidat d’opposition », à savoir le dénommé Manuel ROSALES, lequel aurait remporté un scrutin local.

Les consorts (AB) expliquent, dans ce contexte, que Madame (A) aurait pris des risques pour sa personne et pour ses biens, tel qu’en témoignerait « notamment sa maison brulée », ainsi que pour sa famille qui aurait été gravement impactée par son activisme politique, tout en ajoutant que « les risques s[eraient] décuplés » pour un militant politique d’opposition au Venezuela, pays au régime autoritaire et non démocratique, étant donné qu’un tel militant deviendrait systématiquement une cible pour le pouvoir en place.

Ils concluent de ce qui précède que la remise en cause par le ministre de l’engagement politique de Madame (A) ainsi que celui de sa fille serait constitutive d’une erreur grave et manifeste d’appréciation « doublée d’une faute morale et politique ».

Les consorts (AB) reprochent ensuite au ministre de relativiser la « condition de précarité » leur imposée, liée au fait qu’ils auraient « survécu », pendant plusieurs années, « dans un pays hostile ». Ils auraient en effet été contraints de vivre cachés, en marge de la société, à tel point que Monsieur (B) aurait dû être déscolarisé pendant plusieurs années. Le fait que leur plainte, déposée le 22 mai 2017 au commissariat de « … », aurait été classée sans suite et sans instruction préalable, démontrerait l’indifférence que leur témoignerait l’administration vénézuélienne.

Ils ajoutent, dans ce contexte, avoir pu interagir avec ladite administration, notamment lors de l’établissement de leurs passeports, tout en donnant à considérer que l’obtention desdits documents n’aurait été possible, d’une part, que « grâce à la mansuétude d’intermédiaires » et, d’autre part, en raison de « l’utilisation de pots de vin » à l’égard des agents publics de l’administration en question.

Concernant le motif invoqué par le ministre dans sa décision de refus - selon lequel la persécution politique dont feraient état les demandeurs à l’appui de leur demande de protection internationale, ne concernerait que Madame (D) - les demandeurs font valoir que bien que le ministre aurait pris note de la persécution subie par cette dernière, il n’en tirerait néanmoins pas les conclusions qui s’imposeraient, à savoir lui accorder le statut de réfugié ou le statut conféré par la protection subsidiaire.

Ils précisent, à cet égard, que le ministre aurait dû constater que les représailles politiques concernaient l’ensemble de la famille de Madame (A), étant donné notamment que lors d’une banale sortie dans un centre commercial de leur localité, les consorts (AB) auraient « immédiatement été reconnus », puis harcelés et persécutés par les autorités locales et que ces représailles allaient se systématiser.

12 Il y aurait, dès lors, lieu de considérer le récit des consorts (AB) comme étant crédible et de constater que le ministre a commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’analyse de leur situation personnelle.

Concernant « l’état des lieux de la vie politique au Venezuela », les consorts (AB) expliquent que le régime politique au Venezuela persécuterait systématiquement sa propre population et plus particulièrement les personnes perçues comme opposants politiques par le pouvoir en place, peu importe leur situation au sein de la société vénézuélienne.

Ils estiment que les événements subis par eux, à savoir le fait d’avoir été victimes de représailles en raison de l’engagement politique de Madame (A) et de sa fille et le fait pour leur famille de ne plus avoir d’autre choix que de vivre recluse en marge de la société ou d’être systématiquement persécutée, revêtirait à suffisance le niveau de gravité tel que requis par l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015.

Ils donnent, dans ce contexte, à considérer que le ministre aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en leur déniant « le statut de victimes de persécutions, de violences et d’harcèlement, du simple fait des opinions politiques » tout en précisant que le droit à la vie ainsi que « celui de ne pas subir de traitements inhumains et dégradants », garantis aux articles 2 et 3 de la de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », auraient été bafoués par le ministre.

Après avoir cité un extrait de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, les consorts (AB) soutiennent que leur maison aurait été incendiée par les partisans du « PSUV », le parti socialiste unifié du Venezuela. Ils avancent que l’Etat vénézuélien lui-même participerait « à travers ses institutions à l’image de l’armée » à la persécution d’opposants politiques alors qu’il serait censé les protéger. Ils estiment qu’étant donné que toute demande, voire toute forme de recours en vue d’une quelconque protection de la part des autorités vénézuéliennes s’avèrerait inefficace, tel qu’en témoignerait le classement arbitraire sans suite de leur plainte, les conditions requises par l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 seraient réunies.

Ils donnent ensuite à considérer que Madame (A) craindrait d’être persécutée conformément aux termes de l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015 en précisant que la succession de représailles antérieures d’ores et déjà subies par sa famille, telles que décrites ci-avant, instaureraient une présomption réfragable que de telles persécutions seraient susceptibles de se reproduire en cas de retour au Venezuela, conformément aux dispositions de l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015.

Ils estiment que si le militantisme de Madame (A) et de sa famille était réellement insignifiant, ces dernières ne feraient pas l’objet de représailles par le régime politique en place lequel s’efforcerait de tout faire « pour les faire taire ». Ils ajoutent, à cet égard, qu’il appartiendrait au ministre de démontrer qu’il existerait de bonnes raisons de croire que de telles persécutions ne se reproduiraient pas. Etant donné que ce dernier resterait en défaut de rapporter la preuve que les persécutions déjà subies ne puissent pas se renouveler en cas de retour dans leur pays d’origine, les demandeurs concluent que leur demande de protection internationale serait fondée.

Concernant ensuite les motivations à l’origine de leur décision de quitter leur pays d’origine, les consorts (AB) font valoir, premièrement, que la fille de Madame (A) se trouverait 13au Luxembourg depuis le 27 décembre 2019 et, deuxièmement, qu’à la suite des persécutions répétées, ils auraient été « contraints à la marginalité » pendant de nombreuses années au Venezuela, pays dans lequel ils auraient dû se battre « du mieux de leur capacité » contre le harcèlement policier permanent et arbitraire. Ils auraient « tout perdu » du fait de leur marginalisation et en raison de leur départ dudit pays « depuis un certain temps », de sorte que le ministre ne saurait valablement leur reprocher qu’un « laps de temps » aurait existé entre les persécutions successives subies et leur départ du Venezuela.

Les consorts (AB) invoquent ensuite une violation de l’article 14 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, ci-après désignée par « la DUDH », garantissant à toute personne faisant l’objet d’une persécution le droit de chercher l’asile et de bénéficier de l’asile dans un autre pays. Ils estiment, dans ce contexte, que les graves crimes commis par l’Etat vénézuélien contre sa population entraîneraient une situation humanitaire dramatique sans précédent, et ce, eu égard à l’impunité généralisée des violations des droits de l’Homme commises et à l’absence de perspectives sérieuses d’une « sortie de crise » à court terme. Le refus du statut de réfugié leur opposé, les forçant à retourner dans un pays que plus de cinq millions de personnes auraient déjà quitté, serait manifestement attentatoire à leurs droits fondamentaux.

Ils citent, à cet égard, un communiqué émis en mai 2019 par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme le 10 décembre 1948, ci-après désigné par « l’UNHCR », selon lequel les Etats confrontés à l’arrivée de ressortissants vénézuéliens auraient été appelés notamment à « Ne pas les expulser ou les renvoyer de force dans leur pays » et « à autoriser les Vénézuéliens à accéder à leur territoire et à leur assurer une protection adéquate. L’agence onusienne plaide pour des normes de traitement adéquates, soulignant le besoin crucial de sécurité pour les personnes contraintes de fuir pour sauver leur vie et leur liberté ». Ils se rapportent encore à un rapport de septembre 2020 publié par l’EASO, selon lequel (i) les Vénézuéliens seraient la troisième nationalité à demander l’asile dans l’Union européenne après les Syriens et les Afghans et (ii) plus de 90 pourcents des demandeurs de protection internationale « [feraient] leur demande » en Espagne qui suivrait directement les recommandations de l’Agence pour les réfugiés des Nations Unies et où ils obtiendraient de ce fait dans la majorité des cas « la protection humanitaire ».

Les consorts (AB) estiment encore que le refus de leur octroyer le statut de réfugié serait constitutif d’une violation de l’article 3 de la CEDH en ce que les demandeurs d’asile déboutés rentrant au Venezuela y seraient soumis à un risque de violences et de traitements inhumains et dégradants, en raison du fait que le président vénézuélien accuserait les Vénézuéliens de retour dans ledit pays de « bioterrorists ».

Ils réitèrent que le « bénéfice du doute » demeurerait un principe fondamental en droit des réfugiés tout en ajoutant qu’il conviendrait de considérer que leur demande en obtention du statut de réfugié est fondée au sens de l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015.

Concernant ensuite le refus du statut conféré par la protection subsidiaire, les demandeurs, après avoir cité l’article 4.3. de la directive 2011/95/UE du Parlement Européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, ci-après désignée par « la directive 2011/95/UE », et au contenu de cette protection ainsi que l’article 2, point g) de la loi du 18 décembre 2015, donnent 14à considérer que l’octroi de la protection subsidiaire serait soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés d’acteurs au sens de l’article 39 de cette même loi.

Après avoir repris la définition d’« atteinte grave », telle que contenue à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, les demandeurs citent un extrait de l’arrêt Labita c. Italie rendu le 6 avril 2000 par la Cour européenne des droits de l’Homme pour souligner que les raisons développées dans le cadre du volet de leur recours ayant trait au refus ministériel de leur octroyer le statut de réfugié justifieraient également l’octroi d’une protection subsidiaire dans leur chef en raison du fait qu’il devrait être admis qu’ils encourent des risques sérieux de subir des atteintes graves au sens de la loi du 18 décembre 2015.

Ils ajoutent qu’un retour dans leur pays d’origine impliquerait un risque pour leurs vies, étant donné (i) qu’ils seraient des demandeurs de protection internationale déboutés, (ii) qu’ils seraient certainement « fichés » pour être considérés comme des opposants politiques notoires souhaitant déstabiliser le régime en place et (iii) en raison de la situation économique, politique et humanitaire au Venezuela, de sorte que l’ensemble des conditions pour pouvoir bénéficier de la protection subsidiaire seraient remplies dans leur chef.

Concernant encore la possibilité d’une fuite interne dans leur pays d’origine, les consorts (AB) donnent à considérer qu’une telle fuite ne saurait prospérer qu’à condition, d’une part, que dans une partie de leur pays d’origine ils ne craignent pas d’être persécutés, respectivement d’y subir des atteintes graves, et, d’autre part, qu’il existe des raisons permettant au ministre d’estimer qu’ils puissent séjourner dans cette partie du pays.

Ils estiment qu’il aurait, dès lors, appartenu au ministre d’identifier une zone sûre, leur étant accessible « tant en pratique que légalement », pour ensuite, une fois cette zone dûment identifiée, procéder à l'examen « de la protection disponible contre la persécution » et d’examiner le caractère pertinent et raisonnable de l’alternative proposée en fonction de leur profil, ce que ce dernier serait resté en défaut de faire. Ils ajoutent que le ministre ne saurait s’emparer d’un défaut dans leur chef d’avoir établi l’impossibilité d’une telle fuite interne.

Leurs demandes relatives à l’octroi du statut de réfugié, sinon du statut conféré par la protection subsidiaire étant fondées, ils concluent qu’il y aurait lieu de réformer la décision ministérielle déférée.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Quant au bien-fondé de la décision de refus d’une protection internationale, le tribunal relève qu’en vertu de l’article 2, point h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f) de la même loi comme étant « […] tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout 15apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] ».

Force est au tribunal de constater que la notion de « réfugié » implique nécessairement des persécutions ou à tout le moins un risque de persécution dans le pays d’origine.

Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent:

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales;

ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] ».

Finalement, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. » et aux termes de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015, « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. […] ».

Il suit des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015 précitée, que ces 16actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Ces conditions devant être réunies cumulativement, le fait qu’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 établit une présomption simple que de telles persécutions se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur de protection internationale avance, du risque d’être persécuté qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

Le tribunal relève de prime abord que l’octroi de la protection internationale n’est pas uniquement conditionné par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur de protection internationale qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En l’espèce, indépendamment de la question de la crédibilité du récit des demandeurs, le tribunal relève que ces derniers ont déclaré avoir quitté le Venezuela au motif qu’ils auraient été persécutés par le gouvernement vénézuélien en raison de l’activisme politique de Madame (A) et de sa fille, Madame (D) dans le cadre duquel celles-ci auraient manifesté leur opposition au régime vénézuélien en place. Dans ce contexte, ils font valoir avoir été victimes des faits suivants : (i) d’un incendie de leur maison perpétré en date du 20 mai 2017 et (ii) d’une interpellation par un soldat lors d’une sortie dans un centre commercial en septembre 2021.

L’examen des faits et motifs invoqués à l’appui de leur demande de protection internationale dans le cadre de leur audition, ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à laisser conclure dans leur chef à une crainte actuelle justifiée de subir des persécutions en cas de retour dans leur pays d’origine.

Concernant, tout d’abord l’incendie de leur domicile en date du 20 mai 2017, il y a lieu de relever qu’il ressort des déclarations faites par les demandeurs lors de leurs entretien respectif, relatifs à leur demande de protection internationale, que confrontés à la question de savoir pourquoi leur maison a été incendiée, Monsieur (B) a répondu « [p]arce que ma sœur 17travaillait sur les tables de vote »1, tandis que Madame (A) a expliqué que « [m]a fille était aussi dans l’opposition, elle travaillait avec les tables, je l’avais pris dans la maison et c’est pour cela qu’on a brûlé la maison »2 et que « c’était parce qu’on était en train de chercher [ma fille]. On m’a dit que ce jour-là ils disaient : « Elle doit être là cette maudite Pitiyankee. » quand je suis arrivée à la maison, il y a une voisine qui m’a dit : « (A), ils disaient que cette maudite Pitiyankee devait être là-dedans », en parlant de la maison. »3 avant d’ajouter « [je] pense que c’était parce que ma fille était très, très impliquée dans ces questions d’opposition.

Elle était bonne pour mobiliser les gens »4. Force est, dès lors, au tribunal de constater que ledit incendie a été perpétré en raison de l’activisme politique de Madame (D), laquelle était hébergée au domicile des demandeurs au moment des faits. Ce constat est encore corroboré par le fait que, confrontée à la question de savoir ce qu’elle aurait craint avant de quitter son pays d’origine, la demanderesse a répondu « [q]u’ils exercent des représailles contre moi et mon fils, parce que [ma fille] n’était plus là »5, de sorte qu’il doit être admis que la crainte de subir des représailles de la part du gouvernement vénézuélien dont fait état Madame (A) est directement liée à l’activisme politique de sa fille, laquelle a elle-même fui le Venezuela pour ces mêmes raisons et introduit une demande de protection internationale au Luxembourg en décembre 2019.

A cet égard, le tribunal entend relever que des faits non personnels mais vécus par d’autres personnes ne sont susceptibles de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, que si le demandeur de protection internationale établit dans son propre chef un risque réel d’être victime d’actes similaires en raison de circonstances particulières.6 En l’espèce, il y a lieu de constater que les demandeurs restent en défaut d’établir un lien existant entre les menaces et les actes subis par leur fille, respectivement leur sœur - dans le cadre, notamment, de l’incendie ayant ciblé cette dernière, perpétré à leur domicile - en raison de l’opposition au gouvernement vénézuélien de celle-ci et des éléments liés à leurs propres personnes, susceptibles de constituer dans leurs chefs des indices sérieux d’une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

En effet, le tribunal se doit de rejoindre à cet égard la partie étatique dans son constat selon lequel les demandeurs sont restés en défaut d’établir la réalité d’un activisme politique dans leur chef sur base duquel les autorités vénézuéliennes risqueraient de les persécuter au même titre que Madame (D).

Concernant, en premier lieu, l’engagement politique de Madame (A), et bien que cette dernière se qualifie comme étant « l’opposante-née »7 depuis ses dix-huit ans, il y a cependant lieu de relever qu’elle est restée particulièrement vague quant aux actes qu’elle aurait concrètement entrepris pour soutenir l’opposition politique dans son pays d’origine, se limitant à expliquer qu’elle aurait rejoint « les concentrations »8, aurait participé « à l’organisation des repas en temps de votation, chercher les personnes pour qu’elles aillent voter, appuyer le parti »9, sans pour autant faire état d’un militantisme ouvert de sa part, susceptible de la mettre 1 Page 6 du rapport d’entretien de M. (B).

2 Page 4 du rapport d’entretien de Mme (A).

3 Page 14 du rapport d’entretien de Mme (A).

4 Page 15 du rapport d’entretien de Mme (A).

5 Ibid.

6 Trib. adm., 10 janvier 2011, n° 27191 du rôle, Pas. adm. 2023 V° Etrangers, n° 193 et l’autre référence y citée.

7 Page 11 du rapport d’entretien de Mme (A).

8 Ibid.

9 Ibid.

18dans le collimateur des autorités vénézuéliennes, la demanderesse ayant, au contraire, déclaré qu’« [o]n essayait de ne pas se faire remarquer, ni en tant qu’opposants, ni rien »10. Il y a encore lieu de relever qu’elle est restée en défaut d’indiquer faire formellement partie d’un groupe politique d’opposition ou de verser une quelconque pièce probante en ce sens, telle une carte de membre, la simple affirmation, non autrement étayée, contenue dans sa requête introductive d’instance selon laquelle elle aurait « milité au sein du parti politique d’opposition dénommé « Primero Justicia » » avec sa fille, étant, en tout état de cause, insuffisante à cet égard. La demanderesse n’a, en outre, pas fait état de problèmes auxquelles elle aurait été personnellement confrontée avec les autorités vénézuéliennes en raison de ses engagements politiques, Madame (A) ayant elle-même admis qu’elle n’aurait pas autrement été inquiétée avant l’incendie de sa maison11- dont il vient d’être retenu ci-avant qu’il visait sa fille-, de sorte qu’il n’est pas établi qu’il existerait dans son chef des indices sérieux d’une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Ce même constat vaut également concernant la crainte d’un prétendu risque de représailles de la part du gouvernement vénézuélien en raison de l’engagement politique de Monsieur (B), alors que celui-ci n’a, lors de son entretien relatif à sa demande de protection internationale en date du 27 septembre 2023, (i) aucunement indiqué avoir eu un quelconque engagement politique dans son pays d’origine et s’est limité à exposer avoir été présent aux « tables de vote » sans pourtant en connaître la raison et (ii) déclaré qu’il ne lui serait jamais rien arrivé au Venezuela et qu’il n’y aurait jamais été menacé, tout en précisant que « c’était ma sœur qui recevait les menaces ».12 Au vu de ce qui précède, force est au tribunal de constater que les demandeurs restent en défaut d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle fondée de persécutions au sens de la Convention de Genève en raison de leur prétendu engagement politique.

Cette conclusion n’est pas ébranlée par les affirmations faites par les demandeurs dans leur requête introductive d’instance selon lesquelles « lors d’une banale sortie dans un centre commercial de leur localité, [ils] [auraient] immédiatement été reconnus, puis harcelés et ensuite persécutés par les autorités locales […] [et] [q]ue ces représailles envers [eux] et le reste de la famille allaient se systématiser » et selon lesquelles ils auraient été contraints de se battre « du mieux de leur capacité contre ce harcèlement policier permanent et arbitraire », alors que les demandeurs restent en défaut d’expliquer de quel genre de harcèlement et de persécutions ils auraient été victimes après ladite « sortie dans un centre commercial » et d’indiquer pour quelle raison lesdites représailles se systématiseraient, notamment envers toute la famille, de sorte que lesdites affirmations restent à l’état de pures allégations. Le tribunal dénote, en effet, que dans ses entretiens relatifs à sa demande de protection internationale, Madame (A) a simplement exposé avoir été questionnée sur l’âge de son fils par un militaire lors d’une sortie dans un centre commercial et qu’après lui avoir répondu qu’il avait … ans, le militaire aurait affirmé « qu’il allait le prendre avec » ce à quoi elle aurait répondu que « pour cela il fallait qu’il me tue » sans qu’aucun indice quant à l’origine, la nature voire même la suite de cette interpellation n’ait été fourni ni lors desdits entretiens, ni dans la requête introductive d’instance, ladite interpellation n’ayant, par ailleurs, jamais été suivie d’un acte concret, tel une arrestation ou une quelconque autre menace de la part des autorités du pays.13 10 Page 13 du rapport d’entretien de Mme (A).

11 Ibid., page 14.

12 Page 6 du rapport d’entretien de M. (B).

13 Page 10 du rapport d’entretien de Mme (A).

19 En ce qui concerne ensuite les craintes des demandeurs liées au fait de devoir retourner au Venezuela en tant que demandeurs de protection internationale déboutés, telles que mises en avant pour la première fois dans le recours sous analyse, il ne se dégage ni du communiqué intitulé « Le HCR estime que la majorité des exilés vénézuéliens sont éligibles au statut de réfugiés », émis par l’UNHCR, ni du rapport de l’EASO soumis à l’appréciation du tribunal -

outre le fait que lesdits documents datent de 2019, respectivement de 2020, et que de ce fait se pose légitiment la question de l’actualité des informations y renseignées, étant encore précisé que les demandeurs ont déposé leur recours introductif d’instance le 8 novembre 2023 - que toute personne déboutée, retournant au Venezuela risquerait d’y subir des persécutions, respectivement des atteintes graves.

Il en va de même concernant l’article intitulé « Returning Venezuelans subjected to "inhuman" treatment, report says », publié le 10 septembre 2020 sur le site internet « devex.com », le tribunal étant amené à relever que les demandeurs ne tombent pas dans le cas de figure des nationaux vénézuéliens ayant souhaité retourner dans leur pays d’origine pendant la pandémie liée à la Covid-19 qui sont visés dans le prédit article et dont les retours en masse en 2020 ont été rendus difficiles suite à des fermetures de la frontière entre la Colombie et le Venezuela, respectivement qui ont dû se soumettre à des mesures de quarantaine dans des conditions qualifiées d’inhumaines et dégradantes par les organisations non gouvernementales en raison du fait que le président vénézuélien les a accusés d’être des « bioterrorists ».

Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que les craintes des demandeurs de faire l’objet de persécutions s’ils devaient retourner dans leur pays d’origine en tant que demandeurs de protection internationale déboutés ne sauraient pas non plus justifier dans leur chef l’octroi du statut de réfugié.

Il s’ensuit que c’est à bon droit, et sans violer l’article 14 de la DUDH ni les articles 2 et 3 de la CEDH, que le ministre a rejeté la demande en obtention du statut de réfugié présentée par les demandeurs comme étant non fondée, de sorte que le recours est, pour autant qu’il est dirigé contre le refus ministériel de leur accorder le statut de réfugié, à rejeter.

En ce qui concerne la demande en obtention d’une protection subsidiaire, aux termes de l’article 2, point g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 48 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par les demandeurs, de par leur nature, entrent dans le champ 20d’application de l’article 48 précité de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant rappelé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Par ailleurs, l’article 2, point g), précité, définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 instaure une présomption réfragable que les atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits qu’il avance, du risque réel de subir des atteintes graves que le demandeur encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

Le tribunal constate d’abord qu’à l’appui de leur demande de protection subsidiaire, les demandeurs invoquent, en substance, les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié.

En ce qui concerne tout d’abord les points a) et b) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, dans la mesure où le tribunal vient de conclure ci-avant que les demandeurs n’avaient pas fait état d’une crainte réelle et sérieuse de faire l’objet d’actes de persécutions en raison de leurs opinions politiques, respectivement en leur qualité de demandeurs de protection internationale déboutés, les demandeurs ne sont pas davantage fondés à invoquer sur base de ces mêmes faits un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 48, points a) et b) de la loi.

Pour autant que les demandeurs aient encore entendu soutenir, à travers leur affirmation selon laquelle « le Venezuela serait actuellement un pays dans lequel seraient commis de graves crimes contre la population par l’Etat lui-même, ce qui entrainerait une situation humanitaire dramatique sans précédent, et ce, eu égard à l’impunité généralisée, à la suite des violations des droits humains et à l’absence de perspectives sérieuses d’une sortie de crise à court terme », que le Venezuela doit être considéré comme faisant face à une situation de conflit armé interne au sens de l’article 48, point c) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’il existerait, dans leur chef, un risque réel de subir des atteintes graves par leur seule présence sur le territoire vénézuélien, il échet de relever qu’il ne se dégage pas des éléments soumis à l’analyse du tribunal, que tout ressortissant vénézuélien risquerait actuellement d’être tué ou torturé par le régime en place.

Dès lors, et en l’absence de documents probants, tels que des rapports internationaux, dépeignant une situation sécuritaire au Venezuela qui serait telle qu’elle répondrait aux critères d’une violence aveugle dans le cadre d’un conflit armé interne au sens de l’article 48, point c) de la loi du 18 décembre 2015, il y a lieu de conclure, sur base des éléments soumis à l’appréciation du tribunal par les demandeurs, qu’il n’y a actuellement pas de risque réel pour les citoyens du Venezuela de subir des atteintes graves contre leur vie ou leur personne en 21raison d’une violence aveugle dans le cadre d’un conflit armé qui se déroulerait dans le prédit pays.

Au vu des considérations qui précèdent, la décision ministérielle refusant d’octroyer aux demandeurs de protection internationale le statut conféré par la protection subsidiaire n’encourt pas non plus de critique.

C’est dès lors à bon droit que le ministre a rejeté comme étant non fondée la demande tendant à l’obtention du statut conféré par la protection internationale prise en son double volet.

2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire A l’appui de leur recours, les demandeurs concluent à la réformation de l’ordre de quitter le territoire comme étant la conséquence de la réformation de la décision leur refusant l’octroi une protection internationale.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet de ce volet du recours.

Aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2, point q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Or, dans la mesure où le tribunal vient de retenir que le recours en réformation dirigé contre le refus d’une protection internationale est à rejeter, de sorte qu’un retour des consorts (AB) dans leur pays d’origine ne les expose ni à des actes de persécution ni à des atteintes graves, le ministre a valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours en réformation introduit à l’encontre de l’ordre de quitter le territoire est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 10 octobre 2023 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, déclare ledit recours en réformation non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 10 octobre 2023 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, déclare ledit recours en réformation non justifié et en déboute ;

22 condamne les demandeurs aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Alexandra Castegnaro, vice-président, Annemarie Theis, premier juge, Caroline Weyland, premier juge, et lu à l’audience publique du 26 septembre 2024 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 26 septembre 2024 Le greffier du tribunal administratif 23


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 49675
Date de la décision : 26/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-09-26;49675 ?

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